Titre : La Sylphide : journal de modes, de littérature, de théâtres et de musique / directeur : de Villemessant
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1856-01-10
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34444962f
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 23918 Nombre total de vues : 23918
Description : 10 janvier 1856 10 janvier 1856
Description : 1856/01/10 (A17). 1856/01/10 (A17).
Description : Note : GRAV. Note : GRAV.
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k6109651m
Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, Z-4145-4208
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 01/12/2010
XVII* ANNÉE.
4" LIVRAISON.
10 JANVIER 4856.
LA' SYLPHIDE
GRISELDINE
E}i»toiré du temps de Louii XIII.
I
lll|8$H^^j||^ ELLE et nombreuse com-
!Ë5ilis fôi'M PaP'e de dames et de
afllfife* Isî^ gentilshommes était ré-
;I^i|il˧8Sa^ unie au château du ba-
JwlïF «ÉHi^ ron t'e Montézac, riche
Jy|^|ji J^^ra seigneur dans la pro-
V^^^S^^^^^ Après une journée con-
sacrée tout entière à la promenade, à la danse,
aux chants avec accords de luths et de hautbois,
on s'était réuni en rond sous une ombreuse
allée de tilleuls qui garantissait le visage des ar-
deurs d'un soleil d'été.
■ Près de noble dame Gertrude de Montézac,
femme du fier châtelain, les regards cherchaient
une jeune fille d'une beauté incomparable. Avec
sa robe de brocard relevée par dessus une jupe
• bleu de ciel, ses bras à demi nus ornés de plu-
sieurs rangs de perles, avec sa blanche fraise et
ses cheveux d'un noir parfait enlacés de rubans,
mais surtout avec sa grâce pleine de dignité, ses
traits réguliers et expressifs, son corsage svelte
et ses mains de duchesse, Griseldine n'avait ni
»« pouvait avoir de rivales.
Et cependant elle était soucieuse, presque
triste, au milieu de la gaîté générale, au bru t
des éclats de rire et sous le feu des compliments
galants, des ma-rigaux qu'on lui décochait
comme autant de flèches.
Griseldine était la soeur du baron, et le baron,
en donnant cette fête, avait espéré que la jeune
fille fixerait enfin son choix sur quelqu'un des
seigneurs de la contrée, et particilièrement sur
le comte de Norgis, chef d'une des premières fa-
milles de Toulouse. Norgis, si enorgueilli de ses
titrés, de ses richesses, de la faveur dont il
jouissait à la cour de Sa Majesté Louis XIII, en
était à se demander comment Griseldine pouvait
être ainsi réservée et même froide vis-à-vis de
lui, l'intime ami du baron. Par intervalles, dans
sa mauvaise humeur, il mordait le bout de ses
gants parfumés ou frappait la terre avec sa lon-
gue canne à pomme d'or. Son visage crispé en
disait plus encore que ces démonstrations ; mais
son dépit ne paraissait pas mieux compris que
ses tendresses.
Comme après les instants donnés au repos on
débattait le choix d'un divertissement nouveau,
Une voix timide jeta ou plutôt balbutia ces mots :
«* Si Tort prenait lé jeu des parfaits Mtifitst
— Oh ! oh ! s'écria Norgis avec un ricanement
hautain, maître Raymon donne son avisl _
Deux personnes étaient à la fois devenues
d'un rouge de pourpre : Griseldine en entendant
Raymon, qu'elle avait remarqué depuis long-
temps, et ce dernier en se voyant l'objet des
sarcasmes du comte.
— Pourquoi pas ? dit le jeune homme, pui-
sant de l'assurance dans le sentiment de sa di-
gnité. Je suis pauvre et d'humble extraction, je
l'avoue; car mon père était un simple sergent
de village, et moi, après m'être mis à l'Université
et avoir pris mes licences, puis porté l'épée dans
l'armée du roi au siège de La Rochelle, j'ai dû
entrer en qualité d'écuyer au service de monsei-
gneur le baron de Montézac. Mais puisque mon
maître m'honore de son estime, puisqu'il m'a
admis dans cette noble assemblée, nul n'a le
droit de m'imposer silence, et ce serait l'offen-
ser que me faire injure.
Le comte, courroucé, allait répliquer verte-
ment qnand M. de Montézac l'apaisa d'un geste
et dit en souriant :
— Vehtrebleu ! comme mon écuyer s'échauffe i
Nous voici bien loin: cerne semble, du jeu paci-
fique «t idyllique des PaffdiU amtiiï, Ffàh*
4" LIVRAISON.
10 JANVIER 4856.
LA' SYLPHIDE
GRISELDINE
E}i»toiré du temps de Louii XIII.
I
lll|8$H^^j||^ ELLE et nombreuse com-
!Ë5ilis fôi'M PaP'e de dames et de
afllfife* Isî^ gentilshommes était ré-
;I^i|il˧8Sa^ unie au château du ba-
JwlïF «ÉHi^ ron t'e Montézac, riche
Jy|^|ji J^^ra seigneur dans la pro-
V^^^S^^^^^ Après une journée con-
sacrée tout entière à la promenade, à la danse,
aux chants avec accords de luths et de hautbois,
on s'était réuni en rond sous une ombreuse
allée de tilleuls qui garantissait le visage des ar-
deurs d'un soleil d'été.
■ Près de noble dame Gertrude de Montézac,
femme du fier châtelain, les regards cherchaient
une jeune fille d'une beauté incomparable. Avec
sa robe de brocard relevée par dessus une jupe
• bleu de ciel, ses bras à demi nus ornés de plu-
sieurs rangs de perles, avec sa blanche fraise et
ses cheveux d'un noir parfait enlacés de rubans,
mais surtout avec sa grâce pleine de dignité, ses
traits réguliers et expressifs, son corsage svelte
et ses mains de duchesse, Griseldine n'avait ni
»« pouvait avoir de rivales.
Et cependant elle était soucieuse, presque
triste, au milieu de la gaîté générale, au bru t
des éclats de rire et sous le feu des compliments
galants, des ma-rigaux qu'on lui décochait
comme autant de flèches.
Griseldine était la soeur du baron, et le baron,
en donnant cette fête, avait espéré que la jeune
fille fixerait enfin son choix sur quelqu'un des
seigneurs de la contrée, et particilièrement sur
le comte de Norgis, chef d'une des premières fa-
milles de Toulouse. Norgis, si enorgueilli de ses
titrés, de ses richesses, de la faveur dont il
jouissait à la cour de Sa Majesté Louis XIII, en
était à se demander comment Griseldine pouvait
être ainsi réservée et même froide vis-à-vis de
lui, l'intime ami du baron. Par intervalles, dans
sa mauvaise humeur, il mordait le bout de ses
gants parfumés ou frappait la terre avec sa lon-
gue canne à pomme d'or. Son visage crispé en
disait plus encore que ces démonstrations ; mais
son dépit ne paraissait pas mieux compris que
ses tendresses.
Comme après les instants donnés au repos on
débattait le choix d'un divertissement nouveau,
Une voix timide jeta ou plutôt balbutia ces mots :
«* Si Tort prenait lé jeu des parfaits Mtifitst
— Oh ! oh ! s'écria Norgis avec un ricanement
hautain, maître Raymon donne son avisl _
Deux personnes étaient à la fois devenues
d'un rouge de pourpre : Griseldine en entendant
Raymon, qu'elle avait remarqué depuis long-
temps, et ce dernier en se voyant l'objet des
sarcasmes du comte.
— Pourquoi pas ? dit le jeune homme, pui-
sant de l'assurance dans le sentiment de sa di-
gnité. Je suis pauvre et d'humble extraction, je
l'avoue; car mon père était un simple sergent
de village, et moi, après m'être mis à l'Université
et avoir pris mes licences, puis porté l'épée dans
l'armée du roi au siège de La Rochelle, j'ai dû
entrer en qualité d'écuyer au service de monsei-
gneur le baron de Montézac. Mais puisque mon
maître m'honore de son estime, puisqu'il m'a
admis dans cette noble assemblée, nul n'a le
droit de m'imposer silence, et ce serait l'offen-
ser que me faire injure.
Le comte, courroucé, allait répliquer verte-
ment qnand M. de Montézac l'apaisa d'un geste
et dit en souriant :
— Vehtrebleu ! comme mon écuyer s'échauffe i
Nous voici bien loin: cerne semble, du jeu paci-
fique «t idyllique des PaffdiU amtiiï, Ffàh*
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