Titre : La Sylphide : journal de modes, de littérature, de théâtres et de musique / directeur : de Villemessant
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1853-12-20
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34444962f
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 20 décembre 1853 20 décembre 1853
Description : 1853/12/20 (A14,VOL2). 1853/12/20 (A14,VOL2).
Description : Note : GRAV. Note : GRAV.
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k5864689n
Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, Z-4145-4208
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 01/12/2010
XIV ANNÉE.
17" LIVRAISON.
20 DÉCEMBRE 1853.
DUS IGNOTIS
I L y a quelques
] années, chaque
I jour sur le coup
de midi, on
voyait un petit
vieillard, accu-
sant à peu près
soixante - cinq
années, à la dé-
marche assu-
rée, à la figure
pâle, aux yeux
Ivifs et brillants,
débouchant de
i la rue du Fau-
f bourg-Poisson-
mère, descendre le boulevard, trottiner le
long de la rue Vivienne, et se glisser à l'hôtel
des commissaires-priseurs. Quand il avait
bien examiné tout ce que le programme du
jour exposait à l'enchère, il reprenait sa
course, traversait le Palais-Royal, longeait la
rue du Coq-Saint-Honoré et passait sur le
quai Malaquais, s'arrêtant devant tous les
étalages de livres, entrant chez tous les mar-
chands de bric-à-brac. Puis, â quatre heu-
res l'hiver, et à six heures l'été, il se remettait
en route par le même chemin, et rentrait
chez lui, tantôt les mains vides comme il
était sorti, tantôt portant précieusement,
comme un triomphateur, le fruit de ses dé-
couvertes : une pièce dépareillée d'un vieux
service de soirée, un vase du Japon ou quel-
que volume enfermé dans, sa poudreuse
enveloppe de parchemin. '
Il était si bien connu dans tout le par-
cours de sa pérégrination quotidienne, que
beaucoup de gens, de ceux qui n'éprouvent
le besoin de savoir l'heure qu'une ou deux
fois par jour, n'avaient pas d'autre moyen de
mesurer le temps. On ne se disait pas : il est
midi, deux heures, mais bien : M. Duhamel
vient de passer, M. Duhamel a passé il y a
environ une heure, et pour tous cette réponse
était des plus claires, et aussi certaine que peut
l'être pour les voisins du Palais-Royal le coup
de canon qui sonne midi.
Quarante années de la vie de M. Duhamel
se sont écoulées à chercher, à renouveler, à
enfouir dans ses vastes appartements toutes
les curiosités des temps passés. C'était là
son seul plaisir, sa seule occupation ; c'était-
là toute sa vie. Et cependant M. Duhamel
n'était pas, comme on pourrait le croire d'a-
près cette première esquisse de son portrait,
un de ces avares égoïstes, vivant de rien, sa-
crifiant tout à ses ruineuses fantaisies, un
homme dur pour les malheureux qu'il exploi-
tait, indifférent pour tout ce qui ne pouvait
tenir une place dans ses catacombes. Tout au
contraire, M. Duhamel était homme dumonde,
sensible, considéré, estimé de tous, connu
par l'universalité de son érudition , par,
l'affabilité de ses manières, par le ton vif, en-
joué, spirituel de sa conversation. Juge in-
faillible en matière ee goût et de connaissan-
ces archéologiques, il prononçait en dernier
ressort sur tous les différends artistiques qui
s'élevaient entre les collectionneurs ses con-
frères. Quand une discussion surgissait sur
l'âge ou la paternité d"une toile un peu trop
attaquée par les années, sur l'identité d'une
17" LIVRAISON.
20 DÉCEMBRE 1853.
DUS IGNOTIS
I L y a quelques
] années, chaque
I jour sur le coup
de midi, on
voyait un petit
vieillard, accu-
sant à peu près
soixante - cinq
années, à la dé-
marche assu-
rée, à la figure
pâle, aux yeux
Ivifs et brillants,
débouchant de
i la rue du Fau-
f bourg-Poisson-
mère, descendre le boulevard, trottiner le
long de la rue Vivienne, et se glisser à l'hôtel
des commissaires-priseurs. Quand il avait
bien examiné tout ce que le programme du
jour exposait à l'enchère, il reprenait sa
course, traversait le Palais-Royal, longeait la
rue du Coq-Saint-Honoré et passait sur le
quai Malaquais, s'arrêtant devant tous les
étalages de livres, entrant chez tous les mar-
chands de bric-à-brac. Puis, â quatre heu-
res l'hiver, et à six heures l'été, il se remettait
en route par le même chemin, et rentrait
chez lui, tantôt les mains vides comme il
était sorti, tantôt portant précieusement,
comme un triomphateur, le fruit de ses dé-
couvertes : une pièce dépareillée d'un vieux
service de soirée, un vase du Japon ou quel-
que volume enfermé dans, sa poudreuse
enveloppe de parchemin. '
Il était si bien connu dans tout le par-
cours de sa pérégrination quotidienne, que
beaucoup de gens, de ceux qui n'éprouvent
le besoin de savoir l'heure qu'une ou deux
fois par jour, n'avaient pas d'autre moyen de
mesurer le temps. On ne se disait pas : il est
midi, deux heures, mais bien : M. Duhamel
vient de passer, M. Duhamel a passé il y a
environ une heure, et pour tous cette réponse
était des plus claires, et aussi certaine que peut
l'être pour les voisins du Palais-Royal le coup
de canon qui sonne midi.
Quarante années de la vie de M. Duhamel
se sont écoulées à chercher, à renouveler, à
enfouir dans ses vastes appartements toutes
les curiosités des temps passés. C'était là
son seul plaisir, sa seule occupation ; c'était-
là toute sa vie. Et cependant M. Duhamel
n'était pas, comme on pourrait le croire d'a-
près cette première esquisse de son portrait,
un de ces avares égoïstes, vivant de rien, sa-
crifiant tout à ses ruineuses fantaisies, un
homme dur pour les malheureux qu'il exploi-
tait, indifférent pour tout ce qui ne pouvait
tenir une place dans ses catacombes. Tout au
contraire, M. Duhamel était homme dumonde,
sensible, considéré, estimé de tous, connu
par l'universalité de son érudition , par,
l'affabilité de ses manières, par le ton vif, en-
joué, spirituel de sa conversation. Juge in-
faillible en matière ee goût et de connaissan-
ces archéologiques, il prononçait en dernier
ressort sur tous les différends artistiques qui
s'élevaient entre les collectionneurs ses con-
frères. Quand une discussion surgissait sur
l'âge ou la paternité d"une toile un peu trop
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