Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, Z-4145-4208
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 01/12/2010
XXVIII» ANNÉE.
10» LIVRAISON*
10 OCTOBRE 1867
JEAN LONGUES^ÏAMBES
ii
EVANT cette invitation de sa fille, Jean Longues- Jambes parut hésiter un moment; mais,enfin,fai- sant un effort sur lui- même, et d'une voix dans
laquelle tremblait un dernier reste d'émo- tion :
— Chère enfant, lui dit-il, il y a déjà quelques jours que je voulais te parler de toutes ces choses ; mais j'ai remis jusqu'à présent une explication qui, je le craignais- du moins, devait avoir pour effet de trou- bler ta sérénité.
— Alors, c'est de moi qu'il s'agit.
— C'est de loi.
— Quelle faute ai-je donc commise?
— Aucune, j'en suis sûre; mais il ne suf-
fit pas, vois-tu, que tu sois innocente et pure, ma pauvre Magalonne, il faut encore que le monde n'ait rien à reprendre à ta conduite.
La jolie enfant leva un regard étonné vers son père, elle était troublée, inquiète, émue, ma:s elle ne comprenait pas.
Un triste sourire effleura les lèvres de Jean Longues-Jambes. . .'".''
— Voyons, reprit-il. au bout de quel- ques secondes, ne t'effraye pas ainsi...
— Mais je cherche, répliqua Magalonne.
— Ne cherche pas et écoute 1 Voilà que tu as seize ans, chère petite âme..; tù es grande et belle maintenant... tes regards sont pénétrants et doux... et tu as de beaux et loDgs cheveux, dont une reine se ferait un diadème. Tout cela, tu le sais, pas vrai... et je n'ai pas besoin de t'apprendre non plus que plus d'un gabarier s'arrête quand il te voit, et te suit du regard quand
tu passes..", après tout il n'y a pas là grand mal, et ce n'est pas ta faute, si Dieu a mis en toi ce charme qui séduit et attire... Mais ce qui est plus grave, mon enfant,., ce qui serait un danger pour toi et un malheur pour tous... c'est que parmi lés jeunes gens qui t'ont remarquée, il s'en trouvât un que tu eusses distingué toi-même, et auquel tu te sentirais disposée à accorder une préfé- rence... On me l'a dit l'autre jour... et je n'ai pas voulu le croire.
— On vous a donc désigné quelqu'un... balbutia Magalonne, sans oser regarder son père,
— Précisément, répondit celui-ci.
— Qui cela?
— Le fils à Guillaumin.
— Renél
Il y eut un moment de silence. Jean avan- çait lentement; Magalonne marchait à ses
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