51 LE MIRACLE FRANÇAIS EN ASIE
le bloc de nos sujets coloniaux. S'en tînt-on cependant à la population de la métropole, ce qui, je le répète, est une vue fausse, faudra-t-il, parce que nous nous reproduisons peu, renoncer à vivre ? A adopter semblable attitude, nous méconnaîtrions, semble-t-il, telles leçons de la guerre, la supériorité possible de la qualité sur la quantité, pour parler comme M. Guglielmo Ferrero, le rôle joué par les impondérables, les quelques héros défendant une position contre une ruée, enfin, l'importance du nombre, quand c'est le nombre organisé à l'allemande, et sa navrante inanité quand c'est le nombre inorganisé à la russe !
Pour que la France puisse résolument suivre, la politique africaine que préconisait Onésime Reclus, un acte de foi est préalablement nécessaire, un acte de foi dans l'avenir de la puissance française. Le grand géographe se proclamait africain. Celui qui est devenu le maréchal Lyautey s'écriait à la fin de 1896 : « Je pars à Madagascar ; mais je reste Indochinois de toute ma foi ! » L'acte de foi indispensable et prélude de toute grande action, nous sommes, à cette heure, tous prêts à y souscrire et les pays sont comme les individus : ils ne meurent que lorsqu'ils s'abandonnent ! Mais, le monde n'est pas partagé en compartiments étanches. Ce peut être là une conception de géographe, mais ce ne peut être une conception de politique. L'acte de foi, s'il est proféré, ne peut être, dans le fait, qu'un acte de foi mondial. Car, pourquoi renoncer ici et maintenir là-bas ? Quels raisonnements, quels arguments pourraient être assez forts pour déterminer le renoncement de la part d'un homme d'État responsable ? Un géographe, voire même un sénateur comme M. Gaudin de Vilaine n'engageant que son sentiment personnel peuvent s'écrier : « Abandonnons l'Indochine ! » C'est un cri individuel, c'est le sujet d'un livre, le prétexte d'un discours et cela n'a