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- FIN DE LA TABLE DES MEMOIRES DU CARDINAL DUBOIS.
«
CHRONIQUES POPULAIRES.
tendue d'un prince du sang : M. d'Arcy, soldat avant d'être gouver-
neur, ne le quitta pas un instant, et plus d'une fois il para des coups
qui lui étaient portés. Je ne pus me dispenser d'aller au feu à la
suite du prince, qui fut étonné de nia bravoure ; car un Brandebour-
geois s'étant mis à crier : « Au duc de Chartres ! » je lui enfonçai
mon épée dans la bouche jusqu'à La poignée.
« Monsieur, dit au prince M. de Luxembourg après la bataille,
vous vous êtes conduit comme un héros.
— Blonsieur, reprit lé duc de Chartres, les exemples ne m'ont pas
manqué, »
Le prince revint à Versailles pour jouir de ses succès, el le mar-
quis d'Arcy dit en présentant son élève au roi : « Sire, Son Altesse,
par la victoire de Leuze, vous en promet trente autres. »
CHAPITRE XIX.
1691.
Particularités sur la disgrâce et la mort de Louvois. — Madame de Maintenon
Veut faire déclarer son mariage. — Le maréchal forrant de Salon. —La Mau-
resse de Moret. — Louvois s'oppose à la déclaration du mariage. — Audace
de Louvois. — Le voyage de Mons. — Insolence de Louvois. — Chamlai. —
Louvois aux genoux du roi. — Le médecin Séron. — Mort de Louvois. —
Effet de cette mort sur Louis XIV et madame de Maintenon. — Ouverture du
corps. — Le chirurgien la Ligerie. — Procès d'empoisonnement. — Mort de
Séron, — M. de Valiucourt. — Chronologie galante de madame d'Olonne. ~-
L'esprit de feu Madame Henriette d'Angleterre. — Les remords de l'empoi-
sonneur. — L'amant revenant. — La vieille Philippinette.
J'étais encore à l'armée des Pays-Bas lorsqu'arriva la mort de
Louvois, si subite et si effrayante que les grands politiques ne dou-
tèrent pas de son empoisonnement. La Ligerie, son chirurgien, qui
assista à l'ouverture du corps avec d'autres médecins, confirma tous
les soupçons. Je devrais peut-être passer sur un fait que je n'ai pu
voir; mais cette mort se rattache à des événements d'une telle sorte,
que les particularités secrètes que je tiens de l'amitié de la Ligerie
méritent de ne pas être perdues. J'ai maintenant entre les mains des
papiers qui jettent un grand jour sur le crime, sans en désigner ou-
vertement l'auteur ; je suis forcé de reprendre mon récit de plus haut.
Le mariage du roi avec madame de Blaintenon n'avait été con-
tracté que sous la condition expresse de n'être jamais reconnu ;
Louis XIV en avait donné sa parole royale entre les mains de Lou-
vois et de l'archevêque de Paris. Mais l'ambitieuse madame de •
Blaintenon s'ennuya bientôt de la sphère étroite où elle était re-
léguée ; le père Lachaise l'encouragea et l'aida pour obtenir du roi
la déclaration de son mariage. Carde toutes les prérogatives de reine
madame de Maintenon n'en avait qu'une seule : c'était le droit d'oc-
cuper à la messe la tribune dorée parallèle à celle du roi. Le mal
qu'elle s'était donné pour subjuguer Louis XIV avec les armes de
la dévotion, n'aboutissait qu'à la rendre confuse de son existence
amphibie à la cour. Elle voulut d'abord jeter dans son parti Lou-
vois, qui avait consenti à partager la maîtresse du roi et ne con-
sentit pas à partager la honte de celte déclaration à la face de l'Eu-
rope : Louis le Grand a épousé la veuve du poèïe Scarron. L'indigna-
tion franche et loyale que lui témoigna Louvois, changea en haine
un sentiment dont la politique faisait le lien le plus puissant. Tou-
tefois madame de Maintenon continua ses menées ; elle sut tirer parti
d'un attachement né de l'ennui et de l'habitude : le père Lachaise
la seconda dans son confessionnal, Bossliet lui prêta le secours de
son éloquence, et la' faiblesse du roi ne tenait déjà plus contre ces
attaques multipliées, lorsqu'un événement merveilleux en apparence
le décida à tout ce qu'on voulait.
Un inconnu, qui se disait maréchal ferrant, de Salon en Provence,
se présenta aux portes de Versailles en demandant à voir le roi. Les
gardes le prirent pour un fou, et ses discours ne leur donnèrent pas
meilleure opinion de sa raison. Il dit qu'il venait de si loin pour con-
fier à Sa Majesté un secret de haute importance. On lui rit au nez et
on lui répondit que le roi ne recevait pas le premier venu. « Faites
savoir à Sa Majesté, dit-il, que je viens de la part de feu la reine de
France. » On rapporta ces étranges paroles au maréchal de Duras,
qui voulut entretenir cet homme avant d'en parler au roi. Ce sin-
gulier personnage était un homme de campagne, à figure fausse,
aux yeux louches, grossier dans son langage comme dans son indi-
vidu : il jouait son rôle mieux qu'on n'aurait pu l'attendre d'un lour-
daud provençal. Il raconta à M. de Duras que, revenant la nuit d'Un
village voisin de Salon, au coin d'un bois, il avait vu comme une
lumière blanchâtre ; c'était une femme en vêlements éblouissants ,
avec un visage brillant comme un soleil : elle lui avait dit qu'elle
était l'âme de la feue reine, et qu'elle lui enjoignait d'aller porter au
roi un avis secret. Cet homme ajoutait qu'il ne devait révéler qu'au
roi lui-même ce qu'elle lui avait confié, et que , pour témoigner de
la vérité de son dire, il était prêt à toutes les épreuves. M. de Duras
l'interrogea longtemps pour tirer de lui ce que la vision lui avait ap-
pris ; mais le rusé compère se retrancha dans cette phrase : « Je ne
parlerai qu'au roi. » On le renvoya- assez rudement, en le menaçant
de la prison s'il ne gardait le silence. M. de Duras ne jugea pa, i
propos d'en instruire le roi ; il fut très-étonné que le roi lui enparHt
le premier, d'après une lettre qu'il avait reçue. Louis XIV, d'une na-
ture fort superstitieuse , fit venir cet homme et s'enferma plusieurs
heures avec lui. Le prétendu maréchal ferrant l'entretint d'abord de
l'apparition de la reine ; et le roi fut d'autant plus frappé qu'il ava:.
fait un rêve tout à fait semblable, à peu près à la même époque,
« Sire, dit l'inconnu, le fantôme m'a sommé par deux fois de vous
aller trouver de sa part, et de vous engager à déclarer votre mariage
— Blalheureux ! s'écria le roi. " '
— Si vous doutez de ma mission, je puis vous en donner une
preuve irrécusable qui ne peut venir que du ciel ou de l'enfer.
— Prends garde, tu payerais un mensonge de ta tête.
— Sire, le spectre que j'ai vu m'a dit encore de vous en prierait
nom de la Mauresse de Moret.
— Silence ! je reconnais l'entremise divine; compte sur mu mu-
nificence, mais un mot peut te perdre à jamais. »
Cette Blauresse était réellement une religieuse à Moret, que l'on
prétend avoir été fille naturelle de Marie-Thérèse d'Autriche. Je me
souviens que l'on en parlait à la cour, et que la duchesse de bour-
gogne allait souvent la visiter avec madame de Blaintenon. Bontemps
lui portait tous les ans une grosse somme en or et un collier de corail.
Voici cequejcsais de sa naissance. La reine avait un petit Maure dont
lui avait fait présent Duquesne lors du bombardement d'Alger. Ce
Blaure, nommé Nabo, avait été élevé à faire des tours d'adrese, el
lorsqu'il commença à parler le français il amusait la reine par ses
saillies naïves. Elle ne s'aperçut du sentiment que lui avait inspiré
ce bouffon d'Afrique, quuu moment où elle ne pouvait plus en
triompher. Le Blaure mourut, et très-subitement ; la reine, pende
temps après, accoucha d'une fille si noire de peau, que Félix, son
chirurgien, prit sur lui de la faire passer pour morte, et de l'envoyer
à Bloret dans un couvent, où elle fut élevée dans l'ignorance de son
origine. Ce n'est qu'à son lit de mort que la reine avoua l'existence
de cet enfant à Louis XIV, et les médecins lui persuadèrent que la
couleur de la Mauresse n'avait d'autre cause qu'un regard du Maure,
Depuis cette révélation, le roi n'alla qu'une seule fois à Moret, pour
s'assurer de ce fatal mystère, et jamais personne n'osa en parler de-
vant lui. Tout n'est pas vrai, sans doute, dans ces détails, mais il est
certain que pour ce motif ou pour tout autre une fille de la reine,
connue sous le nom de la Mauresse, vécut et mourut obscurément
au couvent de Bloret. '
Le lendemain de l'entrevue du visionnaire avec le roi il fut arrêté,
par ordre de Louvois, et mis à la Bastille, où le chagrin altéra tout
à fait sa raison. Cependant je ne doute pas qu'il n'eût été dressé par
la Blaintenon à jouer cette farce, qui aboutit à déterminer le roi à
déclarer son mariage à l'étonnement de la France. Celle intrigue
serait venue à bien, si Louvois, qui avait en principe de sacrifier le
secret de la poste à la sûreté de son maître, n'eût trouvé toute l'a-
venture dans une lettre de la Maintenon à son ami Godet l'évèqne
de Chartres et le pape de Saint-Cyr comme on l'appelait pur dérision,
Louvois, tout consterné de cette nouvelle, court chez le roi, qui
sortait de sa garde-robe; fait éloigner les valets, et, rtslc seul avec
Sa Blajesté, se met à pleurer.
« Qu'avez-vous, Louvois? lui dit Louis XlV, dont l'amitié se res-
sentait déjà de l'influence de la Maintenon.
— Ah ! sire, pour l'honneur de votre règne, ne reconnaissez pas
ce mariage !
— Que voulez-vous dire, monsieur! et qui vous a rendu si au-
dacieux de me dicter des ordres ?
— Sire, je vous parle en ami, en sujet; en déclarant ce mariage,
auquel je me repens d'avoir prêté les mains, vous perdez le fruit de
vingt années de gloire, vous exposez votre nom au mépris ; Louis le
Grand disparaîtra ; on ne verra plus que l'époux de la veuve de
Scarron.
— Louvois, taisez-vous ! je vous l'ordonne.
— Non, sire, je défendrai votre promesse royale contre les en-
nemis de Votre Majesté ; tant que je vivrai vous ne reconnaîtrez pas
ce mariage, contre lequel je protesterai hautement.
— Insolent! si je vous faisais conduire à la Bastille?
— Sire , s'écria Louvois en tirant son épée et la présentant parla
poignée, ma vie vous appartient, tuez-moi plutôt que de compro-
mettre votre honneur !
— Laissez-moi, Louvois! . ,
— Non, répétait le ministre avec un noble désespoir, percez-mo
le coeur avant ce déplorable oubli de vos serments !
—■ Hé bien! tu l'emportes; ce mariage me couvrirait de bout>
de ridicule ; les personnes qui me pressent de le déclarer entenaei
bien mal les intérêts de ma réputation ; seul tu es mon véritable ami■■
L'archevêque de Paris, que Louvois avait fait prévenir a la M
de ce qui se tramait dans l'arsenal de la Maintenon , vint se join
au premier ministre pour dissuader le roi de céder à des cous
pernicieux. « Messieurs, leur dit Louis XIV, je vous donne 1" 1' ,
coude fois ma parole de roi que jamais ce mariage ne sera put) i
je vous le jure sur ma couronne et sur mon salut éternel. » _
Bladame de Maintenon ne pardonna jamais celts couragsi'se P
CHRONIQUES POPULAIRES.
tendue d'un prince du sang : M. d'Arcy, soldat avant d'être gouver-
neur, ne le quitta pas un instant, et plus d'une fois il para des coups
qui lui étaient portés. Je ne pus me dispenser d'aller au feu à la
suite du prince, qui fut étonné de nia bravoure ; car un Brandebour-
geois s'étant mis à crier : « Au duc de Chartres ! » je lui enfonçai
mon épée dans la bouche jusqu'à La poignée.
« Monsieur, dit au prince M. de Luxembourg après la bataille,
vous vous êtes conduit comme un héros.
— Blonsieur, reprit lé duc de Chartres, les exemples ne m'ont pas
manqué, »
Le prince revint à Versailles pour jouir de ses succès, el le mar-
quis d'Arcy dit en présentant son élève au roi : « Sire, Son Altesse,
par la victoire de Leuze, vous en promet trente autres. »
CHAPITRE XIX.
1691.
Particularités sur la disgrâce et la mort de Louvois. — Madame de Maintenon
Veut faire déclarer son mariage. — Le maréchal forrant de Salon. —La Mau-
resse de Moret. — Louvois s'oppose à la déclaration du mariage. — Audace
de Louvois. — Le voyage de Mons. — Insolence de Louvois. — Chamlai. —
Louvois aux genoux du roi. — Le médecin Séron. — Mort de Louvois. —
Effet de cette mort sur Louis XIV et madame de Maintenon. — Ouverture du
corps. — Le chirurgien la Ligerie. — Procès d'empoisonnement. — Mort de
Séron, — M. de Valiucourt. — Chronologie galante de madame d'Olonne. ~-
L'esprit de feu Madame Henriette d'Angleterre. — Les remords de l'empoi-
sonneur. — L'amant revenant. — La vieille Philippinette.
J'étais encore à l'armée des Pays-Bas lorsqu'arriva la mort de
Louvois, si subite et si effrayante que les grands politiques ne dou-
tèrent pas de son empoisonnement. La Ligerie, son chirurgien, qui
assista à l'ouverture du corps avec d'autres médecins, confirma tous
les soupçons. Je devrais peut-être passer sur un fait que je n'ai pu
voir; mais cette mort se rattache à des événements d'une telle sorte,
que les particularités secrètes que je tiens de l'amitié de la Ligerie
méritent de ne pas être perdues. J'ai maintenant entre les mains des
papiers qui jettent un grand jour sur le crime, sans en désigner ou-
vertement l'auteur ; je suis forcé de reprendre mon récit de plus haut.
Le mariage du roi avec madame de Blaintenon n'avait été con-
tracté que sous la condition expresse de n'être jamais reconnu ;
Louis XIV en avait donné sa parole royale entre les mains de Lou-
vois et de l'archevêque de Paris. Mais l'ambitieuse madame de •
Blaintenon s'ennuya bientôt de la sphère étroite où elle était re-
léguée ; le père Lachaise l'encouragea et l'aida pour obtenir du roi
la déclaration de son mariage. Carde toutes les prérogatives de reine
madame de Maintenon n'en avait qu'une seule : c'était le droit d'oc-
cuper à la messe la tribune dorée parallèle à celle du roi. Le mal
qu'elle s'était donné pour subjuguer Louis XIV avec les armes de
la dévotion, n'aboutissait qu'à la rendre confuse de son existence
amphibie à la cour. Elle voulut d'abord jeter dans son parti Lou-
vois, qui avait consenti à partager la maîtresse du roi et ne con-
sentit pas à partager la honte de celte déclaration à la face de l'Eu-
rope : Louis le Grand a épousé la veuve du poèïe Scarron. L'indigna-
tion franche et loyale que lui témoigna Louvois, changea en haine
un sentiment dont la politique faisait le lien le plus puissant. Tou-
tefois madame de Maintenon continua ses menées ; elle sut tirer parti
d'un attachement né de l'ennui et de l'habitude : le père Lachaise
la seconda dans son confessionnal, Bossliet lui prêta le secours de
son éloquence, et la' faiblesse du roi ne tenait déjà plus contre ces
attaques multipliées, lorsqu'un événement merveilleux en apparence
le décida à tout ce qu'on voulait.
Un inconnu, qui se disait maréchal ferrant, de Salon en Provence,
se présenta aux portes de Versailles en demandant à voir le roi. Les
gardes le prirent pour un fou, et ses discours ne leur donnèrent pas
meilleure opinion de sa raison. Il dit qu'il venait de si loin pour con-
fier à Sa Majesté un secret de haute importance. On lui rit au nez et
on lui répondit que le roi ne recevait pas le premier venu. « Faites
savoir à Sa Majesté, dit-il, que je viens de la part de feu la reine de
France. » On rapporta ces étranges paroles au maréchal de Duras,
qui voulut entretenir cet homme avant d'en parler au roi. Ce sin-
gulier personnage était un homme de campagne, à figure fausse,
aux yeux louches, grossier dans son langage comme dans son indi-
vidu : il jouait son rôle mieux qu'on n'aurait pu l'attendre d'un lour-
daud provençal. Il raconta à M. de Duras que, revenant la nuit d'Un
village voisin de Salon, au coin d'un bois, il avait vu comme une
lumière blanchâtre ; c'était une femme en vêlements éblouissants ,
avec un visage brillant comme un soleil : elle lui avait dit qu'elle
était l'âme de la feue reine, et qu'elle lui enjoignait d'aller porter au
roi un avis secret. Cet homme ajoutait qu'il ne devait révéler qu'au
roi lui-même ce qu'elle lui avait confié, et que , pour témoigner de
la vérité de son dire, il était prêt à toutes les épreuves. M. de Duras
l'interrogea longtemps pour tirer de lui ce que la vision lui avait ap-
pris ; mais le rusé compère se retrancha dans cette phrase : « Je ne
parlerai qu'au roi. » On le renvoya- assez rudement, en le menaçant
de la prison s'il ne gardait le silence. M. de Duras ne jugea pa, i
propos d'en instruire le roi ; il fut très-étonné que le roi lui enparHt
le premier, d'après une lettre qu'il avait reçue. Louis XIV, d'une na-
ture fort superstitieuse , fit venir cet homme et s'enferma plusieurs
heures avec lui. Le prétendu maréchal ferrant l'entretint d'abord de
l'apparition de la reine ; et le roi fut d'autant plus frappé qu'il ava:.
fait un rêve tout à fait semblable, à peu près à la même époque,
« Sire, dit l'inconnu, le fantôme m'a sommé par deux fois de vous
aller trouver de sa part, et de vous engager à déclarer votre mariage
— Blalheureux ! s'écria le roi. " '
— Si vous doutez de ma mission, je puis vous en donner une
preuve irrécusable qui ne peut venir que du ciel ou de l'enfer.
— Prends garde, tu payerais un mensonge de ta tête.
— Sire, le spectre que j'ai vu m'a dit encore de vous en prierait
nom de la Mauresse de Moret.
— Silence ! je reconnais l'entremise divine; compte sur mu mu-
nificence, mais un mot peut te perdre à jamais. »
Cette Blauresse était réellement une religieuse à Moret, que l'on
prétend avoir été fille naturelle de Marie-Thérèse d'Autriche. Je me
souviens que l'on en parlait à la cour, et que la duchesse de bour-
gogne allait souvent la visiter avec madame de Blaintenon. Bontemps
lui portait tous les ans une grosse somme en or et un collier de corail.
Voici cequejcsais de sa naissance. La reine avait un petit Maure dont
lui avait fait présent Duquesne lors du bombardement d'Alger. Ce
Blaure, nommé Nabo, avait été élevé à faire des tours d'adrese, el
lorsqu'il commença à parler le français il amusait la reine par ses
saillies naïves. Elle ne s'aperçut du sentiment que lui avait inspiré
ce bouffon d'Afrique, quuu moment où elle ne pouvait plus en
triompher. Le Blaure mourut, et très-subitement ; la reine, pende
temps après, accoucha d'une fille si noire de peau, que Félix, son
chirurgien, prit sur lui de la faire passer pour morte, et de l'envoyer
à Bloret dans un couvent, où elle fut élevée dans l'ignorance de son
origine. Ce n'est qu'à son lit de mort que la reine avoua l'existence
de cet enfant à Louis XIV, et les médecins lui persuadèrent que la
couleur de la Mauresse n'avait d'autre cause qu'un regard du Maure,
Depuis cette révélation, le roi n'alla qu'une seule fois à Moret, pour
s'assurer de ce fatal mystère, et jamais personne n'osa en parler de-
vant lui. Tout n'est pas vrai, sans doute, dans ces détails, mais il est
certain que pour ce motif ou pour tout autre une fille de la reine,
connue sous le nom de la Mauresse, vécut et mourut obscurément
au couvent de Bloret. '
Le lendemain de l'entrevue du visionnaire avec le roi il fut arrêté,
par ordre de Louvois, et mis à la Bastille, où le chagrin altéra tout
à fait sa raison. Cependant je ne doute pas qu'il n'eût été dressé par
la Blaintenon à jouer cette farce, qui aboutit à déterminer le roi à
déclarer son mariage à l'étonnement de la France. Celle intrigue
serait venue à bien, si Louvois, qui avait en principe de sacrifier le
secret de la poste à la sûreté de son maître, n'eût trouvé toute l'a-
venture dans une lettre de la Maintenon à son ami Godet l'évèqne
de Chartres et le pape de Saint-Cyr comme on l'appelait pur dérision,
Louvois, tout consterné de cette nouvelle, court chez le roi, qui
sortait de sa garde-robe; fait éloigner les valets, et, rtslc seul avec
Sa Blajesté, se met à pleurer.
« Qu'avez-vous, Louvois? lui dit Louis XlV, dont l'amitié se res-
sentait déjà de l'influence de la Maintenon.
— Ah ! sire, pour l'honneur de votre règne, ne reconnaissez pas
ce mariage !
— Que voulez-vous dire, monsieur! et qui vous a rendu si au-
dacieux de me dicter des ordres ?
— Sire, je vous parle en ami, en sujet; en déclarant ce mariage,
auquel je me repens d'avoir prêté les mains, vous perdez le fruit de
vingt années de gloire, vous exposez votre nom au mépris ; Louis le
Grand disparaîtra ; on ne verra plus que l'époux de la veuve de
Scarron.
— Louvois, taisez-vous ! je vous l'ordonne.
— Non, sire, je défendrai votre promesse royale contre les en-
nemis de Votre Majesté ; tant que je vivrai vous ne reconnaîtrez pas
ce mariage, contre lequel je protesterai hautement.
— Insolent! si je vous faisais conduire à la Bastille?
— Sire , s'écria Louvois en tirant son épée et la présentant parla
poignée, ma vie vous appartient, tuez-moi plutôt que de compro-
mettre votre honneur !
— Laissez-moi, Louvois! . ,
— Non, répétait le ministre avec un noble désespoir, percez-mo
le coeur avant ce déplorable oubli de vos serments !
—■ Hé bien! tu l'emportes; ce mariage me couvrirait de bout>
de ridicule ; les personnes qui me pressent de le déclarer entenaei
bien mal les intérêts de ma réputation ; seul tu es mon véritable ami■■
L'archevêque de Paris, que Louvois avait fait prévenir a la M
de ce qui se tramait dans l'arsenal de la Maintenon , vint se join
au premier ministre pour dissuader le roi de céder à des cous
pernicieux. « Messieurs, leur dit Louis XIV, je vous donne 1" 1' ,
coude fois ma parole de roi que jamais ce mariage ne sera put) i
je vous le jure sur ma couronne et sur mon salut éternel. » _
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