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314 LES JOYEUX CONTEURS.
renard. Voyant l'avocat qui était à peu près fait comme lui, il lui demanda l'état de
ses affaires, et ajouta qu'il ne s'agissait plus que de trouver quelque bon déjeuné.
L'avocat répondit que ce déjeuné se trouverait assez, pourvu qu'il se trouvât
quelqu'un qui le payât. Sur cela, il le prit sous le bras, et lui dit : « Allons, mon
compère, peut-être trouverons-nous quelque sot qui paiera pour tous deux. » Le
hasard fit rencontrer derrière eux le garçon d'un apothicaire, jeune homme rusé
et inventif, que l'avocat raillait perpétuellement. Le garçon songea dès lors à s'en
venger, et sans reculer que de dix pas, il trouva derrière une maison un étron de
belle taille, bien et dûment gelé. II le mit dans un papier, et l'enveloppa si pro-
prement, qu'il semblait un petit pain de sucre. Il regarda où étaient ses gens, et
passant devant eux en homme fort pressé, il entra dans une maison et laissa
tomber de sa manche le pain de sucre comme par mégarde. L'avocat le ramassa
avec beaucoup de joie, et dit à la Tirelière : « Ce fin valet payera notre écot ;
mais allons-nous-en vite, de peur qu'il ne revienne sur ses pas. » Étant entrés
dans un cabaret, l'avocat dit à la servante : « Faites-nous bon feu, et nous donnez
de bon pain et de bon vin, et un morceau de quelque chose de friand. Nous
avons de quoi payer. » La servante les servit à leur gré ; mais en s'échauffant à
boire et à manger, le pain de sucre que l'avocat avait dans son sein commença
à dégeler, et rendait une si grande puanteur, que croyant qu'elle venait d'ailleurs,
il dit à la servante : «Vous avez la maison la plus puante et la plus infecte que
j'aie vue de ma vie. » La Tirelière, qui avait sa part de ce bon parfum, dit la
même chose. La servante, fâchée de ce qu'ils l'appelaient ainsi salope, leur dit tout
en colère : « Par saint Pierre, mon maître, la maison est si propre et si nette, qu'il
n'y a de merde que celle que vous y avez apportée. » Les deux compères se levèrent
de table en crachant et se tenant le nez, et se mirent auprès du feu. En se chauf-
fant, l'avocat tira son mouchoir de son sein, tout dégouttant du sirop du pain de
sucre fondu qu'il mit en lumière. Vous pouvez croire que la servante se moqua
d'eux de la belle manière, après les injures qu'ils lui avaient dites, et que l'avocat
fut fort confus de se voir la rdupe d'un garçon apothicaire qu'il avait raillé. La
servante, au lieu d'en avoir pitié, leur fit aussi bien payer leur écot qu'ils s'étaient
fait servir, et leur dit qu'ils devaient être bien ivres, puisqu'ils avaient bu par la
bouche et par le nez. Les pauvres gens s'en allèrent avec leur honte et leur dé-
pense. Ils ne furent pas plus tôt dans la rue, qu'ils virent le garçon apothicaire
qui demandait à tout le monde si l'on n'avait point vu un pain de sucre enveloppé
dans du papier. Ils voulurent se détourner de lui; mais il cria à l'avocat: «Mon-
sieur, si vous avez mon pain de sucre, je vous prie de me le rendre, car c'est
double péché de dérober à un pauvre domestique. » A ce cri sortirent plusieurs
personnes, par la seule curiosité d'entendre ce démêlé ; et la chose fut si bien
vérifiée, que le garçon apothicaire fut aussi aise d'avoir été dérobé, que les autres
renard. Voyant l'avocat qui était à peu près fait comme lui, il lui demanda l'état de
ses affaires, et ajouta qu'il ne s'agissait plus que de trouver quelque bon déjeuné.
L'avocat répondit que ce déjeuné se trouverait assez, pourvu qu'il se trouvât
quelqu'un qui le payât. Sur cela, il le prit sous le bras, et lui dit : « Allons, mon
compère, peut-être trouverons-nous quelque sot qui paiera pour tous deux. » Le
hasard fit rencontrer derrière eux le garçon d'un apothicaire, jeune homme rusé
et inventif, que l'avocat raillait perpétuellement. Le garçon songea dès lors à s'en
venger, et sans reculer que de dix pas, il trouva derrière une maison un étron de
belle taille, bien et dûment gelé. II le mit dans un papier, et l'enveloppa si pro-
prement, qu'il semblait un petit pain de sucre. Il regarda où étaient ses gens, et
passant devant eux en homme fort pressé, il entra dans une maison et laissa
tomber de sa manche le pain de sucre comme par mégarde. L'avocat le ramassa
avec beaucoup de joie, et dit à la Tirelière : « Ce fin valet payera notre écot ;
mais allons-nous-en vite, de peur qu'il ne revienne sur ses pas. » Étant entrés
dans un cabaret, l'avocat dit à la servante : « Faites-nous bon feu, et nous donnez
de bon pain et de bon vin, et un morceau de quelque chose de friand. Nous
avons de quoi payer. » La servante les servit à leur gré ; mais en s'échauffant à
boire et à manger, le pain de sucre que l'avocat avait dans son sein commença
à dégeler, et rendait une si grande puanteur, que croyant qu'elle venait d'ailleurs,
il dit à la servante : «Vous avez la maison la plus puante et la plus infecte que
j'aie vue de ma vie. » La Tirelière, qui avait sa part de ce bon parfum, dit la
même chose. La servante, fâchée de ce qu'ils l'appelaient ainsi salope, leur dit tout
en colère : « Par saint Pierre, mon maître, la maison est si propre et si nette, qu'il
n'y a de merde que celle que vous y avez apportée. » Les deux compères se levèrent
de table en crachant et se tenant le nez, et se mirent auprès du feu. En se chauf-
fant, l'avocat tira son mouchoir de son sein, tout dégouttant du sirop du pain de
sucre fondu qu'il mit en lumière. Vous pouvez croire que la servante se moqua
d'eux de la belle manière, après les injures qu'ils lui avaient dites, et que l'avocat
fut fort confus de se voir la rdupe d'un garçon apothicaire qu'il avait raillé. La
servante, au lieu d'en avoir pitié, leur fit aussi bien payer leur écot qu'ils s'étaient
fait servir, et leur dit qu'ils devaient être bien ivres, puisqu'ils avaient bu par la
bouche et par le nez. Les pauvres gens s'en allèrent avec leur honte et leur dé-
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qui demandait à tout le monde si l'on n'avait point vu un pain de sucre enveloppé
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sieur, si vous avez mon pain de sucre, je vous prie de me le rendre, car c'est
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