OUARANTIÊME ANNÉE.
No 9.
JEUDI 2 MARS 1893.
JOURNAL DES MINES
SOMMAIRE
Pages
LES CHEMINS DE FER DU TONKIN (PAUL
COM15ES) 97
NOUVELLES DIVERSES 98
NOUVEAUX RÉSEAUX POUR 1/ALIMENTA-
TION DE PARIS (lRON STEEL) 99
LES PROGRÈS DU WITWATERSRAND 100
EXPLOITATION FORESTIÈRE EN ALGÉ-
RIE. 100
LES COMBUSTIBLES DANS LA NATURE
(EFFÈRE), 100
L'INDUSTRIE MÉTALLURGIQUE EN AN-
GLETERRE 101
LES SCORIES DE FOUR A PUDDLER 101
L'INDUSTRIE MÉTALLURGIQUE EN BEL-
GIQUE 102
•LES MINES D'OR EN HONGRIE (15>! article)
Mines de Zalatha (Suile) 102
RENSEIGNEMENTS 102
REVUE MINIÈRE ET MÉTALLURGIQUE.. 103
BULLETIN FINANCIER 106
ANNONCES 106
•COURS DE LA BOURSE 107-108
UES
CHEMINS DE FER DU TONKIN
Il n'existe encore an Tonkin ' qu'un
tronçon de chemin de 1er sut la ligne des-
tinée à relier Phu-Lang-Thuong à Lang-
son, mais les résultats qu'a déjà donnés
■cette première expérience sont des plus
intéressants et de nature à encourager
l'exécution d'autres entreprises similaires.
On sait, en elfet, que ce chemin de fer
avait été conçu tout d'abord dans un but
purement stratégique, ou, plus exacte-
ment, pour servir de voie de ravitaille-
ment aux postes militaires établis dans
la région montagneuse du Tonkin et sur
la frontière de la Chine. Or, il se trouve
qu'en réalité, cette ligne semble destinée
à acquérir une- importance commerciale
'•considérable, le jour où elle sera prolon-
gée jusqu'à la frontière chinoise.
Voici, en effet, les premiers résultats
obtenus depuis le début de l'exploitation
du premier tronçon de ce chemin de fer.
Dès que la ligne fut ouverte sur une
longueur de vingt kilomètres environ, on
constata un fait frappant : les pirates qui,
-auparavant, poussaient leurs incursions
Jusqu'aux portes de Phu-Lang-Thuong,
cessèrent de se montrer dans la plaine qui
s'étend _ de Phu-Lang-Thuong à Kep. La
sécurité se trouvant ainsi tout à coup
assurée, cette ligne, qui avait été inaugu-
rée dans une région absolument abandon-
née et en friche, se borda peu à peu de
•rizières remises en culture par les indigè-
, nés; des colons demandèrent des conces-
f sions à proximité de la voie, et l'une d'elles
-de 400 hectares est actuellement en pleine
valeur.
Ces améliorations multiples de toute la
plaine de Kep étaient déjà un résultat
bien significatif. Une transformation non
•moins avantageuse s'opéra dans les trans-
ports pour le ravitaillement de la région
haute. Jusqu'alors, ces transports avaient
coûté le prix fantastique de 3 fr. 75 par
tonne kilométrique: lors du renouvelle-
mentdumaichô, ils purent être adjugés au
prix déjà beaucoup plus modéré de
1 fr. 45. Cette économie considérable est
entièrement due à la concurrence du che-
min de fer qui, une fois construit jusqu'à
Langson, fera les mêmes transports au
prix maximum de 0 fr. 20 par tonne et par
kilomètre.
Tout dernièrement vient d'avoir lieu
l'ouverture d'une nouvelle section de cette
ligne entre Kep et Sui-G-anh. Elle a eu la
même importance pratique que l'ouver-
ture de la première section, car elle a fait
ressortir d'une façon imprévue la vitalité
d'une région qui était absolument déserte
il va dix-huit mois à peine. Comme la
plaine de Kep, à la suite de l'ouverture du
premier tronçon, avait été cultivée en
entier avant la dernière récolte, qui y a
été excellente, les populations rassurées de
la nouvelle section ont définitivement
quitté les refuges où elles se sont cachées
si longtemps par crainte des pirates, et
aujourd'hui les défrichements s'avancent
vers Sui-Granh.
Jamais on n'a vu d'une façon plus sai-
sissante l'action d'une voie ferrée. Ça été
une résurrection magique dans un des
pays les plus désolés du Tonkin:
Aujourd'hui, à Phu-Lang-Thuong,. la
gare présente au départ du train matinal
le spectacle le plus curieux : une foule de
coolies et de congaïes, tous chargés de
leurs marchandises, se pressent sur les
quais et s'empilent sur les plates-formes
de quatrième classe où, moyennant 6
centimes jusqu'à Kep, 10 centimes jus-
qu'à Sui-Ganh, ils sont transportés eux et
leurs marchandises.
Lagare de Phu-Lang-Thuong délivre une
moyenne de 300 billets par jour pour les
quatre gares ou arrêts déjà desservis;
celle de Suiganli en a délivré 1.848 dans
la première quinzaine de son ouverture,
du 10 au 25 décembre, et 3.805 la quinzaine
suivante.
. Les effets de cette facilité intelligente
donnée aux indigènes pour voyager ne
se sont pas fait attendre, comme on voit,
et quand, au lieu d'aboutir à un pays de
sinistre réputation, au milieu des monta-
gnes, le chemin de fer aboutira enfin à
Langson, on sera surpris du trafic qui se
'produira sur cette ligne, qu'on avait con-
sidérée comme purement stratégique.
Et si un mouvement si considérable se
produit là, que n'obtiendrait-on pas d'un
chemin de fer se prol ongeant de Phu-Lang-
Tbuong à Hanoï, et de là jusqu'en Annam,
dans ces pays plats, riches, dont les rou-
tes sont encombrées de piétons, de brouet-
tes, de pousse-pousse, et dont les manda-
rins et les habitants attendent avec tant
d'impatience leur voie ferrée ?
Pour en revenir à celle de Langson,
,1'expérience semble démontrer que. con-
trairement aux appréhensions premières,
• la voie de 60 centimètres sera suffisante ;
.seules, les premières locomotives de
6 tonnes laissaient à désirer. Celles qui
sont actuellement en usage sont de 12 ton-
nes et transportent, dans de bonnes con-
ditions de vitesse et de sûreté,, des trains
de 90 tonnes en moyenne, comprenant une
vingtaine de Avagons.
Lorsque la voie sera entièrement ou-
verte, le poids des rans pourra être porté
de 8 à 15 kilogs, et celui des machines de
12 à 18 ou 22 tonnes.
L'outillage, dans ces conditions, répon-
dra à tous les besoins d'un trafic, qui est
appelé à une importance que l'on ne soup-
çonne pas encore dans le public et qui
pourra s'étendre, dans peu de temps, aux
transports des produits de la région de
Lângtchéoù.
Tous les membres du personnel de l'ex-
ploitation se sont voués à la réussite de
l'entreprise avec un entrain, et. un dévoue-
ment admirables. Sous leur direction, les
ouvriers indigènes ont été dressés, un à
un, aux travaux délicats que comportent
l'ajustage, les tours à métaux, la fonderie
le démontage des machines, la construc-
tion des Avagons, etc..L'activité qui règne
partout, le mouvement qui se développe
autour, d'eux, l'augmentation du trafic, et
par suite de leur propre travail, est pour
eux un sujet de fierté.
Il s'y mêle pourtant un regret : c'est de
voiries commerçants chinois de Phu-Lang-
Thuong continuer à se servir de l'ancienne
route pour .expédier incessamment, à
grand renfort de coolies,. de. charrettes
pleines de marchandises suspectes, pour
des destinations plus suspectes encore.
• Le jour où l'administration, qui s'oc-
cupe d'eux.de plus en plus, aura les
moyens de surveiller d'une façon, com-
plète les agissements de nos excellents
protégés, les quelques bandes chinoises
(qui reculent d'ailleurs en raison de
l'avancement des travaux) continueront
sans doute à être aussi exactement ren-
seignées qu'elles le sont aujourd'hui sur
les moindres mouvements de troupes et
les moindres faits du pays, niais leur ra-
vitaillement pourrait bien en souffrir.
D'ailleurs, depuis l'installation du nou-
Areau service de surveillance de la ligne
par la'garde civile, le nombre des mar-
chands honnêtes qui circulent sur les
routes de la région s'accroît quotidienne- ■ .
ment: La sécurité étant assurée, et la po-
pulation Muong rassurée, le. commerce
prend de jour des proportions considé-
rables. Oh compte par milliers les, mar-
chands circulant sur la route de Phu-
Lang-Thuong à Larigsony et, les recettes
du chemin de fer ont augmenté sensible-
ment.
- Ces résultats faAwables ont proAToqué
une nouvelle activité dans la poursuite de
l'entreprise. M. Ravaut, gendre de
M. Soupe, rentrepreneur-concessionnaire
du chemin de fer de Langson, après avoir
examiné l'état des chantiers, s'est fendu à
Saigon'afin de- s'entendre avec M. de
Lanessan pour un rapide achèv^-enln^es
travaux. ' /^S&Ui <£\
. M, Baliste, ingénieur de/l^prepîge^>\
arrivé de France au Tonkin pâï? rérderaierv %, \
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