Titre : Les Annales politiques et littéraires : revue populaire paraissant le dimanche / dir. Adolphe Brisson
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1895-10-06
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34429261z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 42932 Nombre total de vues : 42932
Description : 06 octobre 1895 06 octobre 1895
Description : 1895/10/06 (A13,N641). 1895/10/06 (A13,N641).
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k5723411b
Source : Bibliothèque nationale de France, département Collections numérisées, 2009-34518
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 01/12/2010
212
LES ANNALES- POLITIQUES ET LITTTERAIRES
des fois, comme aujourd'hui, dans l'azur
profond et comme élargi du ciel d'oc-
tobre, de merveilleux nuages ont glissé
avec une lenteur pompeuse, imposants
comme des montagnes, et paraissant faits
d'une mousse d'argent; puis, selon le
caprice du vent et de la lumière, chan-
geant de forme et de couleur, par des
transitions insensibles, ont pris des -atti-
tudes de grand fauve au repos et rutilé
comme la peau d'un lion au soleil.
Saison nostalgique, saison évocatrice
du passé lointain, tu m'as bien souvent
versé ta mélancolie. Mais jamais, peut-
être, aussi douloureusement que ce matin,
en jetant à mes pieds ce fruit sauvage, et
en me rappelant ma première et naïve
désillusion d'enfance, tu ne m'as fait me-
surer la fuite vertigineuse des jours et
constater, dans mon vieux coeur, la mort
du désir.
FRANÇOIS COPPÉE.
Souvenirs de Jeunesse
CMMENT JE SUIS DEVENU COMPOSITEUR
Vous avez eu l'amabilité de m'écrire
pour savoir ce que furent les débuts de
ma carrière musicale et vous me deman-
dez : « Comment êtes vous devenu musi-
cien ? » Toute simple que soit la question,
elle ne laiss pas de m'embarrasser fort.
Si je vous répondais (comme le font par-
fois quelques-uns de mes confrères) que
j'ai suivima vocation, je pourrais paraître
légèrement vaniteux, car, je dois l'avouer,
il m'a fallu lutter beaucoup avant de me
consacrer entièrement à la musique. Vous
devriez donc ajouter logiquement : « Pour-
quoi êtes-vous devenu musicien ? »
Mon père était officier supérieur sous
le premier Empire. Quand les Bourbons
revinrent au pouvoir, il donna sa démis-
sion. Etant sorti de l'Ecole polytechnique
dans un très bon rang, il put se lancer
dans l'industrie, devint maître de forges
près de Saint-Etienne (Loire) et fut l'in-
venteur de ces marteaux; gigantesques
qui, broyant d'un seul coup l'acier avec
une force irrésistible, transforment d'é-
normes barres métalliques en faucilles et
en faux.
Je suis donc né au bruit des pesants
marteaux d'airain, comme disait jadis le
poête. Mes premiers pas dans la voie mu-
sicale n'eurent pas un accompagnement
plus mélodieux. Six ans plus tard, en
effet, ma famille habitant alors Paris, on
me mit un jour devant un vieux piano et,
soit pour me distraire, soit pour éprouver
mes aptitudes, ma mère, voulut m'y don-
ner une première leçon. C'était le 24 fé-
vrier 1848, date bien étrangement choisie,
comme vous voyez. Quelques instants
plus tard la Révolution éclatait et la fu-
sillade partant des rues voisines venait
interrompre notre leçons .
Trois ans après j'étais devenu — du
moins mes parents, dans leur tendresse,
semblaient le croire — un petit pianiste
assez habile. On sollicita mon admission
aux classes de piano du Conservatoire
impérial de musique et j'eus le bonheur
d'être reçu. Dès, j'étais, auxs yeux de ma
mère, un «artiste » et, bien que mes clas-
ses ordinaires m'occupassent six heures
par jour, elle trouva le temps de me faire
travailler au piano avec tant de fruit
qu'en moins d'un an je devins « lauréat »
du Conservatoire.
A cette époque, une maladie, de mon-
père nous força à quitter Paris et mit
ainsi un temps d'arrêt à mon éducation
musicale. J'en profitai pour achever mes
études littéraires. Mais bientôt le chagrin
que m'avait causé mon éloignement du
Conservatoire l'emporta. J'eus le courage
de demander à mes parents d'y revenir.
Mon désir les affligea vivement. Ils con-
sentirent cependant à m'accorder leur
autorisation et, depuis ce moment, je ne
quittai plus Paris jusqu'au jour où, ayant
obtenu le « premier grand prix » de com-
position musicale, je partis pour Rome
avec une bourse de l' Institut.
.Les progrès accomplis pendant, ces an-
nées de travail avaient-ils suffisamment
donné la mesure de ma vocation ? Sans
doute, j'avais gagné le « prix de Rome, »,
j'avais remporté également" des prix de
piano, de contrepoint, de fugue, etc.; j'é-
tais, enfin, ce qu'on appelle un bon élève,
mais je n'étais pas un artiste dans le vé-
ritable sens du mot.
Etre artiste, c'est être poète, c'est être
touché par toutes les révélations de l'art
et de la nature, c'est aimer et souffrir,
c'est, en un mot : vivre ! Produire un tra-
vail d'art n'est pas encore être un artiste.
Un artiste doit être, avant tout, sensible
à toutes les manifestations de la beauté; il
doit s'en pénétrer et les savoir goûter.
Combien de grands peintres, d'illustres
musiciens ne furent jamais artistes dans
le sens le plus profond du mot !
Oh! ces deux années délicieuses pas-
sées dans Rome, à la chère villa Médicis.
(séjour officiel des boursiers de l'Aca-
démie), ces années sans pareilles, dont le
souvenir vibre encore dans ma mémoire,
et m'aide aujourd'hui à refouler les in-
fluences néfastes du découragement !
Ce fut à Rome que je commençai à vi-
vre, ce fut là, au cours des joyeuses ex-
cursions faites en compagnie de mes ca-
marades musiciens, peintres ou sculp-
teurs, et durant nos causeries sous les
chênes de la villa Borghèse ou sous les
pins de la villa Pamphili, que je ressentis
les; premiers élans d'admiration pour la
nature et pour l'art. Quelles heures char-
mantes nous employions alors à errer
dans les musées de Naples et de Flo-
rence ! Quelles délicates et mélancoliques
émotions nous, faisait éprouver la visite
des églises mystérieusement obscures de.
Sienne et d'Assise ! Comme l'on oubliait
vite. Paris et ses théâtres et sa foule
bruyante et sa vie enfiévrée!
Cependant, mes études à la villa Médi-
cis touchaient à leur fin. Quelques jours
à peine me séparaient de l'heure à la-
quelle il me fallait dire adieu à cette bien-
heureuse vie, à cette vie si laborieuse, si
tranquille et si douce, à cette vie comme
je n'en ai jamais vécu depuis.
Mon départ était fixé au 17 décembre
1865, mais je ne pouvais me résoudre à
faire mes adieux à la Ville Eternelle. Ce
fut Rome elle-même qui me les fit. Voici
comment : Il était six heures du soir. J'é-
tais seul dans ma chambre, debout auprès
de nia fenêtre, contemplant 'une dernière
fois, à trayers la vitré, l'immortelle cité
dont la silhouette s'ébauchait en gris sous,
les dernières lueurs d'un magnifique cou-
cher de soleil. Cette vision est restée très
nette dans ma mémoire, mais, ce jour-là,
je ne pouvais en détacher mes yeux. Hé-
las ! peu à peu une ombre se glissa sur un
coin du ciel, s'étendant progressivement
jusqu'à ce que Rome tout entière eût dis-
paru dans l'obscurité. Jamais je n'oublie-
rai l'impression que me fit cette simple
scène, et son souvenir évoque toujours
pour moi les meilleures heures de ma
jeunesse...
Mais je m'aperçois que je ne vous parle
guère de musique et je vous dois sem-
bler prendre plus de souci de ce qui
frappe l'oeil que de ce qui charme l'o-
reille. Parcourons donc ensemble quel-
ques-unes de mes compositions.
La première partie de Marie-Magde-
leiné commence « aux portes de Magdala,
le soir ». Je pensais bien" sans doute, en
travaillant à cet ouvrage, à la véritable
Magdala et mon imagination était sou-
vent en route pour la lointaine Judée;
mais ce qui m'inspirait dans la circons-
tance, ce qui me touchait le plus, c'était
en réalité le souvenir de la campagne ro-
maine dont je subissais l'obsession. Je
retraçais par la pensée un paysage connu,
je notais son accent, je reproduisais l'im-
pression qu'il m'avait laissée.
Dans la suite, on écrivant les Eryn-
nies, ce fut le goût que j'avais pour une
exquise terre cuite de Tanagra qui m'ins-
pira l'air à danser du premier acte de
l'admirable drame de Leconte de Lisle.
Plus tard, tandis que je préparais l'or-
chestration du Roi de Lahore, j'avais au-
près de moi une petite boîte indienne dont
l'émail bleu fonce tacheté d'or attirait
invinciblement mes regards. La contem-
plation de ce coffret qui était, pour moi,
comme une image de l'Inde même, acti-
vait mon ardeur et facilitait mon travail
De tristes événements tinrent enfin une
grande place dans la vie du compositeur
dont les modestes débuts avaient été sa-
lués jadis par la canonnade du 24 février.
En 1870,— lugubre date pour mon pau-
vre cher pays — les canons prussiens, ré-
pondant à ceux du Mont-Valérien, ponc-
tuaient parfois lugubrement les fragments
que j'essayais d'écrire, durant les courts
moments de répit que le service de la
garde et les exercices militaires sur les
remparts me laissaient. Alors, en dépit
des fatigues physiques de cotte vie nou-
velle et bien qu'il s'efforçât de gagner
quelques instants d'oubli, le musicien ne
perdait pas tous ses droits. Je retrouvais
encore dernièrement les feuillets d'une
composition complètement achevée, mais
qui ne sera jamais livrée au public et qui
portait pour titre:Méduse. J'avais annoté
là, à l'époque de la guerre, les cris patrio-
tiques du peuple et les échos de la Mar-
seillaise chantés par les régiments qui
défilaient devant ma petite maison de
Fontainebleau avant d'aller combattre.
En d'autres fragments, je sens revivre les
pensées amères qui m'agitaient lorsque,
revenu à Paris avant l'investissement, je
pleurais sur les douleurs de ce long hiver
et de cette terrible année.
Oh ! l'inoubliable tristesse de ces jours
lugubres où nos coeurs sautaient subite-
ment de l'enthousiasme délirant au plus
sombre désespoir, où des semaines d'in-
certitude et d'attente étaient à peine
éclairées de rares lettres, reçues on ne
savait ni d'où ni comment, et apportant
de vieilles nouvelles de nos amis que
nous n'espérions plus revoir !
Vint le dernier effort, la dernière lutte
à Buzenval, la mort de mon pauvre ami,
le peintre Henri Regnault, puis la plus
terrible épreuve de toutes, dont la réalité
honteuse nous fit oublier le froid, la faim,
tout ce que nous avions enduré, — l'ar-
LES ANNALES- POLITIQUES ET LITTTERAIRES
des fois, comme aujourd'hui, dans l'azur
profond et comme élargi du ciel d'oc-
tobre, de merveilleux nuages ont glissé
avec une lenteur pompeuse, imposants
comme des montagnes, et paraissant faits
d'une mousse d'argent; puis, selon le
caprice du vent et de la lumière, chan-
geant de forme et de couleur, par des
transitions insensibles, ont pris des -atti-
tudes de grand fauve au repos et rutilé
comme la peau d'un lion au soleil.
Saison nostalgique, saison évocatrice
du passé lointain, tu m'as bien souvent
versé ta mélancolie. Mais jamais, peut-
être, aussi douloureusement que ce matin,
en jetant à mes pieds ce fruit sauvage, et
en me rappelant ma première et naïve
désillusion d'enfance, tu ne m'as fait me-
surer la fuite vertigineuse des jours et
constater, dans mon vieux coeur, la mort
du désir.
FRANÇOIS COPPÉE.
Souvenirs de Jeunesse
CMMENT JE SUIS DEVENU COMPOSITEUR
Vous avez eu l'amabilité de m'écrire
pour savoir ce que furent les débuts de
ma carrière musicale et vous me deman-
dez : « Comment êtes vous devenu musi-
cien ? » Toute simple que soit la question,
elle ne laiss pas de m'embarrasser fort.
Si je vous répondais (comme le font par-
fois quelques-uns de mes confrères) que
j'ai suivima vocation, je pourrais paraître
légèrement vaniteux, car, je dois l'avouer,
il m'a fallu lutter beaucoup avant de me
consacrer entièrement à la musique. Vous
devriez donc ajouter logiquement : « Pour-
quoi êtes-vous devenu musicien ? »
Mon père était officier supérieur sous
le premier Empire. Quand les Bourbons
revinrent au pouvoir, il donna sa démis-
sion. Etant sorti de l'Ecole polytechnique
dans un très bon rang, il put se lancer
dans l'industrie, devint maître de forges
près de Saint-Etienne (Loire) et fut l'in-
venteur de ces marteaux; gigantesques
qui, broyant d'un seul coup l'acier avec
une force irrésistible, transforment d'é-
normes barres métalliques en faucilles et
en faux.
Je suis donc né au bruit des pesants
marteaux d'airain, comme disait jadis le
poête. Mes premiers pas dans la voie mu-
sicale n'eurent pas un accompagnement
plus mélodieux. Six ans plus tard, en
effet, ma famille habitant alors Paris, on
me mit un jour devant un vieux piano et,
soit pour me distraire, soit pour éprouver
mes aptitudes, ma mère, voulut m'y don-
ner une première leçon. C'était le 24 fé-
vrier 1848, date bien étrangement choisie,
comme vous voyez. Quelques instants
plus tard la Révolution éclatait et la fu-
sillade partant des rues voisines venait
interrompre notre leçons .
Trois ans après j'étais devenu — du
moins mes parents, dans leur tendresse,
semblaient le croire — un petit pianiste
assez habile. On sollicita mon admission
aux classes de piano du Conservatoire
impérial de musique et j'eus le bonheur
d'être reçu. Dès, j'étais, auxs yeux de ma
mère, un «artiste » et, bien que mes clas-
ses ordinaires m'occupassent six heures
par jour, elle trouva le temps de me faire
travailler au piano avec tant de fruit
qu'en moins d'un an je devins « lauréat »
du Conservatoire.
A cette époque, une maladie, de mon-
père nous força à quitter Paris et mit
ainsi un temps d'arrêt à mon éducation
musicale. J'en profitai pour achever mes
études littéraires. Mais bientôt le chagrin
que m'avait causé mon éloignement du
Conservatoire l'emporta. J'eus le courage
de demander à mes parents d'y revenir.
Mon désir les affligea vivement. Ils con-
sentirent cependant à m'accorder leur
autorisation et, depuis ce moment, je ne
quittai plus Paris jusqu'au jour où, ayant
obtenu le « premier grand prix » de com-
position musicale, je partis pour Rome
avec une bourse de l' Institut.
.Les progrès accomplis pendant, ces an-
nées de travail avaient-ils suffisamment
donné la mesure de ma vocation ? Sans
doute, j'avais gagné le « prix de Rome, »,
j'avais remporté également" des prix de
piano, de contrepoint, de fugue, etc.; j'é-
tais, enfin, ce qu'on appelle un bon élève,
mais je n'étais pas un artiste dans le vé-
ritable sens du mot.
Etre artiste, c'est être poète, c'est être
touché par toutes les révélations de l'art
et de la nature, c'est aimer et souffrir,
c'est, en un mot : vivre ! Produire un tra-
vail d'art n'est pas encore être un artiste.
Un artiste doit être, avant tout, sensible
à toutes les manifestations de la beauté; il
doit s'en pénétrer et les savoir goûter.
Combien de grands peintres, d'illustres
musiciens ne furent jamais artistes dans
le sens le plus profond du mot !
Oh! ces deux années délicieuses pas-
sées dans Rome, à la chère villa Médicis.
(séjour officiel des boursiers de l'Aca-
démie), ces années sans pareilles, dont le
souvenir vibre encore dans ma mémoire,
et m'aide aujourd'hui à refouler les in-
fluences néfastes du découragement !
Ce fut à Rome que je commençai à vi-
vre, ce fut là, au cours des joyeuses ex-
cursions faites en compagnie de mes ca-
marades musiciens, peintres ou sculp-
teurs, et durant nos causeries sous les
chênes de la villa Borghèse ou sous les
pins de la villa Pamphili, que je ressentis
les; premiers élans d'admiration pour la
nature et pour l'art. Quelles heures char-
mantes nous employions alors à errer
dans les musées de Naples et de Flo-
rence ! Quelles délicates et mélancoliques
émotions nous, faisait éprouver la visite
des églises mystérieusement obscures de.
Sienne et d'Assise ! Comme l'on oubliait
vite. Paris et ses théâtres et sa foule
bruyante et sa vie enfiévrée!
Cependant, mes études à la villa Médi-
cis touchaient à leur fin. Quelques jours
à peine me séparaient de l'heure à la-
quelle il me fallait dire adieu à cette bien-
heureuse vie, à cette vie si laborieuse, si
tranquille et si douce, à cette vie comme
je n'en ai jamais vécu depuis.
Mon départ était fixé au 17 décembre
1865, mais je ne pouvais me résoudre à
faire mes adieux à la Ville Eternelle. Ce
fut Rome elle-même qui me les fit. Voici
comment : Il était six heures du soir. J'é-
tais seul dans ma chambre, debout auprès
de nia fenêtre, contemplant 'une dernière
fois, à trayers la vitré, l'immortelle cité
dont la silhouette s'ébauchait en gris sous,
les dernières lueurs d'un magnifique cou-
cher de soleil. Cette vision est restée très
nette dans ma mémoire, mais, ce jour-là,
je ne pouvais en détacher mes yeux. Hé-
las ! peu à peu une ombre se glissa sur un
coin du ciel, s'étendant progressivement
jusqu'à ce que Rome tout entière eût dis-
paru dans l'obscurité. Jamais je n'oublie-
rai l'impression que me fit cette simple
scène, et son souvenir évoque toujours
pour moi les meilleures heures de ma
jeunesse...
Mais je m'aperçois que je ne vous parle
guère de musique et je vous dois sem-
bler prendre plus de souci de ce qui
frappe l'oeil que de ce qui charme l'o-
reille. Parcourons donc ensemble quel-
ques-unes de mes compositions.
La première partie de Marie-Magde-
leiné commence « aux portes de Magdala,
le soir ». Je pensais bien" sans doute, en
travaillant à cet ouvrage, à la véritable
Magdala et mon imagination était sou-
vent en route pour la lointaine Judée;
mais ce qui m'inspirait dans la circons-
tance, ce qui me touchait le plus, c'était
en réalité le souvenir de la campagne ro-
maine dont je subissais l'obsession. Je
retraçais par la pensée un paysage connu,
je notais son accent, je reproduisais l'im-
pression qu'il m'avait laissée.
Dans la suite, on écrivant les Eryn-
nies, ce fut le goût que j'avais pour une
exquise terre cuite de Tanagra qui m'ins-
pira l'air à danser du premier acte de
l'admirable drame de Leconte de Lisle.
Plus tard, tandis que je préparais l'or-
chestration du Roi de Lahore, j'avais au-
près de moi une petite boîte indienne dont
l'émail bleu fonce tacheté d'or attirait
invinciblement mes regards. La contem-
plation de ce coffret qui était, pour moi,
comme une image de l'Inde même, acti-
vait mon ardeur et facilitait mon travail
De tristes événements tinrent enfin une
grande place dans la vie du compositeur
dont les modestes débuts avaient été sa-
lués jadis par la canonnade du 24 février.
En 1870,— lugubre date pour mon pau-
vre cher pays — les canons prussiens, ré-
pondant à ceux du Mont-Valérien, ponc-
tuaient parfois lugubrement les fragments
que j'essayais d'écrire, durant les courts
moments de répit que le service de la
garde et les exercices militaires sur les
remparts me laissaient. Alors, en dépit
des fatigues physiques de cotte vie nou-
velle et bien qu'il s'efforçât de gagner
quelques instants d'oubli, le musicien ne
perdait pas tous ses droits. Je retrouvais
encore dernièrement les feuillets d'une
composition complètement achevée, mais
qui ne sera jamais livrée au public et qui
portait pour titre:Méduse. J'avais annoté
là, à l'époque de la guerre, les cris patrio-
tiques du peuple et les échos de la Mar-
seillaise chantés par les régiments qui
défilaient devant ma petite maison de
Fontainebleau avant d'aller combattre.
En d'autres fragments, je sens revivre les
pensées amères qui m'agitaient lorsque,
revenu à Paris avant l'investissement, je
pleurais sur les douleurs de ce long hiver
et de cette terrible année.
Oh ! l'inoubliable tristesse de ces jours
lugubres où nos coeurs sautaient subite-
ment de l'enthousiasme délirant au plus
sombre désespoir, où des semaines d'in-
certitude et d'attente étaient à peine
éclairées de rares lettres, reçues on ne
savait ni d'où ni comment, et apportant
de vieilles nouvelles de nos amis que
nous n'espérions plus revoir !
Vint le dernier effort, la dernière lutte
à Buzenval, la mort de mon pauvre ami,
le peintre Henri Regnault, puis la plus
terrible épreuve de toutes, dont la réalité
honteuse nous fit oublier le froid, la faim,
tout ce que nous avions enduré, — l'ar-
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