Titre : La Montagne : tribune du peuple / rédaction, les citoyens : Gally, ex-rédacteur en chef du Monde républicain ; Ch. d'Amyot, rédacteur en chef du Courrier d'Outre-Mer ; Eude Dugaillon, rédacteur en chef de l'Union de l'Yonne ; Victor Mangin, rédacteur en chef du National de l'Ouest ; J.-J. Arnoux, Desjobert, ex-rédacteur du Monde républicain, etc. etc.
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1849-01-01
Contributeur : Gally, L.. Directeur de publication
Contributeur : Amyot, Ch. D'. Directeur de publication
Contributeur : Dugaillon, Auguste-Eude (1802-18..). Directeur de publication
Contributeur : Mangin, Victor (1787-1853). Directeur de publication
Contributeur : Danin, Jacques. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328197668
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 01 janvier 1849 01 janvier 1849
Description : 1849/01/01 (N2)-1849/01/31. 1849/01/01 (N2)-1849/01/31.
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k5702501f
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, FOL-LC2-1985
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Janvier l*£».
a m m \ 12 ou ri;ti»ij;.
Numéro £*
LA CONSTlTUTIOli SERA-T-^ELLE VIOLÉE?
: La présentation du projet dé loi portant coniiscalion du droit de
réunion agite en ce moment Paris. Etonnés d'abord, les citoyens
commencent, à se communiquer leurs craintes, ' et Ton peut dire
qu'à î'étonnement a succédé l'indignation. Celte demande auda-
cieuse de fermeture des clubs, est une odieuse provocation faite
aux républicains de la veille et du lendemain, un défi porté à cette
partie de l'Assemblée nationale qui-s'est conservée pure au milieu
des pièges tendus à sa confiance et à sa bonne foi, à travers ce
ehe rnin de traverse qu'on a substitué à la ligné droite et large, sur
ce pont de bayonnettes inintelligentes.
Patriotes de toutes les nuances \ Démocrates radicaux ! et vous
Socialistes ! Gomprimez, tin instant encore^, vos émotions et ne vous
laissez aller ni au découragement ni à ï'entraînpment de la
passion révolutionnaire. Notre cause est gagnée, et le jour du suc-
cès est proche. II.n'est pas besoin de devancer l'heure du triomphe:
cette heure doit sonner d'elle-même. N'avons-nous pas la force
ihorale à opposer à la.force matérielle, et ne sommes-nous pas ar-
més du droit écrit dans cette constitution que, malgré la sainteté
d'un serment prêté depuis peu, on tente de violer aujourd'hui ?
■ Rassurez-vous, citoyens de Paris ! A défaut de la presse vénale
et corrompue, vous avez le concours de la presse honnête et libre
pour soutenir et défendre le droit de réunion, cette importante con-
quête de l'esprit de révolution sur l'instinct réactionnaire; et si,
contre notre attente, l'Assemblée nationale pouvait souffrir qu'on
portât une main homicide sur une de nos libertés les plus précieu-
ses, la Démocratie étrangère et les événements nous vengeraient
bientôt d'un attentat aussi monstrueux..,
M. Odillon Bafrot n'est-il pas destiné par la Providence à jouer
le rôle de précurseur dans les accidents révolutionnaires ! Est-ce
que le souvenir de ses actes empreints de tant d'incertitude et de
pusillanimité dans les faits qui ont précédé et suivi le 2k février,
seraient sortis de votre mémoire?
Ayez donc espoir et courage.,
LA FRANCE AU 28 JANVIER 1849.
La France, vue de loin, est un pays où l'anarchie ne laisse aux
hommes sensés et pacifiques que le soin de leur propre conser-
vation, et dans lequel il n'y a de temple ouvert qu'an désordre et
à l'impiété. La France, vue de près, est l'état de l'Europe qui offre
le plus de sécurité aux étrangers, si ce n'est à ses habitants, et
celui que ses lois, tout imparfaites et illibérales qu'elles soient, re-
commandent encore comme modèle au monde entier. 11 n'y a pas
de peuple, en effet, qui ne s'inspire de la marche révolutionnaire
des idées françaises, pas de nation qui ne prenne pour exemple
d'émancipation et pour base de constitution, nos grands principes
d'économie politique et nos doctrines radicales en fait d'organisa-
tion gouvernementale et sociale. Tous les pouvoirs constituais de
l'Europe, la diète de Kretnsier elle-même, empruntent à nos cons-
titutions anciennes et modernes le peu de sagesse et de raison que
nos législateurs ont pu ou su y apporter. Le motif de cette pré-
dilection de l'étranger pour nos institutions prend sa source, il faut
le dire, plutôt dans l'ascendant de notre expérience et de nos lu-
mières que dans une confiance absolue à la solidité de nos prin-
cipes et à l'excellence de notre régime social. Cet ascendant, cette
sorte de suprématie que nous exerçMs sur les sociétés qui nous
entourent, nous le devons assurément a l'initiative que nous savons
prendre, que nous prenons toujours, dans lès questions de mou-
vement et de progrès humanitaires : il y a de quoi nous énorguéil-.
lir sans doute ; mais nous n'en avons pour cela ni plus de liberté
ni plus de bien-être, et nos révolutions, jusqu'ici, disons-le en
passant, ont plus prolité aux autres; à ceux qu'elles ont. instruits,
qu'à' nous-mêmes.' Est-ce .un fatal effet de nôtre caractère natio-
nal, ou bien le résultat d'une conspiration permanente qui, dé
1789 à.1849, mine sourdement nôtre édifice social, et fait.que
nos .efforts n'aboutissent pas? ^—Il y a quelque chose de l'un et
beaucoup de l'autre, dans la situation anormale et perplexe qui
conduit la société française droit a l'abîtee où sont venues
s'engloutir tant de sociétés anciennes;.
Le caractère français à cela de mauvais, qif il subit trop vite et
trop fortement l'impression du moment, qu'il se déroute et s'af-
faiblit au moindre revers, qu'il s'èxalfcè Outre mesure air triomphe
le plus minime, et qu'il se plie trop aisément aux exigences dé
l'esprit d'envahissement et de domination. 11 a cela de bon qu'il
se relève aussi proniptemenl qu'il s'est abattu, que dans les ques-
tions de patriotisme et d'honneur nàtj0hài,al s'élève à des hauteurs
telles qu'il conçoit et exécute un projetvpresquesimultanément, et
que flexible là où la forme seule est ^engagée; il devient fermé jus-
qu'à la ténacité aussitôt qugjl s'agit d6;'fond. C'est à sôii excessive
mobilité qu'il faut attribuer • les 'oscillations politiques ; dont Ses
suites nous ont été déjà si funestes); mais c'est à cette mobilité
aussi que. nous devons d'espérer tôiajours et lôrs même que toute
chance de succès semble nous échapper.-
Qui donc eût pu prévoir, àla fin de1829, l'événement de juillet
1830, et, dans les six derniers mois de 1867, Yacciclent de février
1848?. Ceux-là seuls, qui ont su étuÉer et pu apprécier notre ca-
ractère national. Il n'y a pas de peiiple dont il soit aussi facile de
modifier l'opinion, de l'égarer mémfe,; que le peuplé français ;
mais que ce: peuple yiennejà s^pérçevôir qu'il s'est trompé ou
qu'oul'atrompé, sa colère, dlsquj^^rggainu son erreur, éclate
côhime'Ta'îèùdrër Maïs" ce 7 peuplé c6uragëùx"]ùsqii*îi lu ténacité,
généreux jusqu'à l'imprudence, ne se venge pas : il pardonne le
jour même de sa victoire, oubliant le lendemain les fatigues et les
maux de la veille, sans souci (c'est là son tort) de ce qui pourra
survenir plus tard.
Et pourtant, dix fois déjà, n'a-t-il pas été décidé en concile de
rois, que, comme Carthage, delenda est Lutetia?
La conspiration dont nous parlions tout à l'heure, cette conspi-
ration flagrante des rois contre les peuples, ce complot perma-
nent des aristocrates contre les démocrates, nous le disions avec
raison, date de 1789, et ne s'est pas démentie de nos jours. Les
conspirateurs que la plus petite tourmente révolutionnaire fait se
cacher et fuir, se retrouvent et se rencontrent toujours plus forts
et mieux unis, dès que tout danger a disparu. Quand donc notre
confiance, véritable crédulité d'enfant, fera-t-elle place à la pru-
dence, cette qualité qui. de l'homme, se transligure en vertu chez
un peuple aussi grand que l'est le peuple français ?
C'est à cette incessante conspiration du plus petit, nombre contre
le plus grand, de ceux qui ont tout contre ceux qui n'ont rien, du
privilège contre le droit, qu'il faut bien imputer tous les malheurs
de notre époque, tous, les maux qui nous affligent. Et qu'on ne
croie pas que, quand nous parlons ainsi, nous le faisons en haine de
la classe à laquelle nousnetenonspar aucun lien! Non, nous l'affir-
mons ici, nous n'avons jamais eu de haine pour ces hommes pïûS
heureux que nous en apparence, et nous n'envions pas plus que
nous n'en sommes jaloux, leurs biens ni leurs privilèges. 'Si nous
nous déclarons leurs ennemis, c'est que nousme le somnies deve-
nus qu'après nous être convaincus qu ils; rwurrissént ^est^ojets
lïberticidés, et qu'ils veulent nous ramener aùrtemps:oùllèxisjençe.
et l'honneur des familles plébéiennes étaient je |puet ^(|jéns de
guerre et des hommes de cour, à ce régime dé bon jiiafeirsous
lequel tout ce qui n'est pas né riche ou grand séigheur^;^it ^vivrë
à l'état d'ilote ou de paria. ';:■;.:< .'r. '-.-.
Cette conspiration de soixante années dans laquelle iïbtis ayons
vu s'engloutir tant de gens abusés ou corrompus, est.pbus puis~
santé et plus étendue qu'en aucun temps ; et son organisation est
telle,, ses' moyens d'action sont si multipliés, ses,alluressi vives,
et l'empressement dé ses membres si ardent, qu'il y a lieu; de
supposer qu'elle ne tardera pas .à se dévoiler tout-à-faîtv/et hâ
tenter les hasards d'une prise d'armés. C'est que les royalistes ont
compris que tout ajournement leur serait y funeste, e;t qu'ils pût
remarque que là réaction, bourgeoise, ce précurseur de ; toute, ten-
tative eôjatrè-révolùtionnaire,, a lait ; son temps; sans qu'il en soit
résulté^ autre chose qu'une insuffisante decimation dès patriotes;
c'estque.surtoutily appur le.partjf delà inonar^hie,dangér d'un
revirement prochain:'dèl'Qpinion .'publique, et que déjà, dans les
dépàMèments qpmmeA'Pàris,la vérité, s'est fait jour et la lumière
a luïl^est qu'enfin il séformerai tr,ès certainement et bientôt, une
sainte ligue de démocrates dé tous "les pays pour opposer une
digueformidableau^c" efforts désespérés des ennemis de la Répu-
blique. ""■ . .,-■-■
Mais pour que, cette fois, nous triomphions à jamais de ces en-,
nentis que nous avons vaincus en 89, en 91, en 93, vain «s en,
1815, vaincus le 29 Juillet 1830, vaincus le 2k Féyrlër Ï8&S, :
vaincus sur tous les champs de bataille, ï. ; a ut que les'patriotes,
ceux qu'on appelait les libéraux sous les règnes de Louis XVH1 et-
de Charles X, et ceux qu'on désigne aujourd'hui sous, la qualifi-
cation de républicains de la veille, auxquels doivent se réunir les
républicains sincères du lendemain, se concertent et se réunissant,
pour former une grande armée démocratique destinée a mettrefin;
par un succès éclatant et éternel, à là lutte qui dure depuis plus
d'un demi-siècle, lutte qui, si elle se prolongeait dix, ans encore,
ramènerait les nations de l'état de civilisation à l'ëtat barbare.
Il n'y a que la démocratie qui puisse préserver la société fran-
çaise d'une fin misérable, que des institutions démocratiques et
sociales capables de rendre à ce corps affaibli par l'âge et débilité
par les excès contraires, un peu de celte virilité dont à la fut du
dernier siècle et au commencement de celui-ci, il a fourni tant de
brillantes marques. Mais, pour arriver à ce grand résultat, il faut
que ceux qui se disent démocrates-soeiaïistas laissent un moment
de côté les rêves fantastiques en faveur de la réalité, qu'ils de-
viennent citoyens actifs plutôt qu'hommes de doctrines; que les
républicains ne se montrent ni trop ombrageux ni trop exclusifs,
qu'ils se préoccupent moins de questions de détails, aussi oiseuses
qu'elles sont intempestives, et davantage delà question de prin-
cipes, de la grande question de fonctionnement et d'ensemble, et
qu'ils fassenltaire cet esprit de rancune et celle disposition àla
jalousie qui les divisent aux jours de victoire, et leur ôtent la
moitié de leur force à l'heure des revers.
C'est à ce prix seulement que la France sera sauvée, et que
nous aurons une vraie République, la République démocratique et
sociale. G.
FEUILLETON DE LA MONTAGNE DU 28 JANVIER 1849.
LES MONTAGNARDES,
m.
\ LA RÉACTION.
Alvï nous la connaissons cette vieille ennemie
Dont le manteau des rois abrite l'infamie,
Hyène aux yeux sanglants, démon des mauvais jours
Qui, toujours abattu, se relève toujours.
Son nom ! Il est inscrit, par l'esprit des ténèbres,
Au seuil de l'ossuaire où toute nation
inhume ses martyrs, ce mot: INACTION !...
Lorsque le ciel sourit aux enfants de la terre,
Des poumons de ce monstre un souffle délétère
S'exhale, et du progrès la divine moisson
S'étiole au contact deTinlëmal poison.
Qui donc ne la connaît la perfide sirène ;
Qui de nous ne l'a vue, à l'oeuvre dans l'arène?
Par ses coups de .larnac, qui donc fût épargné,
Sous sa griffe, quel liane n'a donc jamais saigné ?
Vainement on la cherche, au fort de la bataille ;
Dès que le canon gronde, elle amoindrit sa taille,
Et l'odeur de la pa-udre affectant son cerveau,
Pour quartier général elle adopte un caveau.
Mais après la mêlée, à l'instar de la fouine,
Le nez, l'oreille au vent, allongeant son échine,
On la voit reparaître et, lorsque tout se tait,
Célébrer, à grand bruit, l'ardeur qui l'emportait.
C'est un roquet qui s'enfle, un merle qui jacasse :
Barberousse, Artaban, Capitaine-Fracasse
Et Bugeaud dont Lucine exhaussa le pompon (*),
Ne lui vont môme pas à hauteur de jupon.
Au caprice du temps son caprice varie ;
Vite ! il faut qu'un sang pur étanche sa furie ;
Des anges au berceau-reposent innocents...
Dans Bethléem, Ilérode en immole trois cents.
Bientôt, d'un sang divin la rage frénétique
La poursuit, la dévore, et, dan?, Sion l'antique,
. {*] Allusion à la veille des armes que fil, à Blaye, notre héros pendant
qu'il présidait aux couches de ia duchesse de Ben y. On sait, aussi que
la déesse Lucine était, riiez les anciens, la patronne de U niaioinité.
Le peuple, soudoyé par l'or du publicain,
L'abreuve avec le sang d'un Dieu républicain.
Dans Rome, aux délateurs elle escomptait des têtes ;
A Madrid, à Lisbonne, elle ordonnait des fêtes,
Lorsque sur le bûcher, qu'allumaient ses bourreaux,
Se tordaient, en hurlant, les penseurs libéraux.
Faut-il de siècle en siècle énumérer ses crimes,
Pour que la vérité découle de mes rimes,
Que le sang et les pleurs en jaillissent à flots ?
Faut-il, pour que chacun déteste ses complots»
Des mars du Vatican évoquer les mystères,
Des vieux plombs de Venise et des noirs monastères
Remuer les linceuls ; au Louvre, au Châteletv
Pour la faire parler, poser mon gantelet
Sur sa gorge ? A quoi bon cette puissante étreinte ?'
Peuple, ce qu'il me faut, à moi, c'est une empreinte,
L'empreinte de ses traits, pour qu'armé d'un marteau,
Je puisse, palpitants, les clouer au poteau.
Sous les Bounbons aînés, c'était, une marquise,
Fière de sa noblesse, à l'OFil-de-Boenf conquise,
Kl, qui donnant la main à quelqu'abbé ntîtré.
Conspuait, sottement, tout homme non titré.
Sous Philippe-Harpagon, c'était une luronne,
Bourgeoise au teint vineux, par les écus baronne,
Et qui, dans les salons de monsieur le préfet,
Vingt l'oit, dans la soirée, abordait le buffet.
a m m \ 12 ou ri;ti»ij;.
Numéro £*
LA CONSTlTUTIOli SERA-T-^ELLE VIOLÉE?
: La présentation du projet dé loi portant coniiscalion du droit de
réunion agite en ce moment Paris. Etonnés d'abord, les citoyens
commencent, à se communiquer leurs craintes, ' et Ton peut dire
qu'à î'étonnement a succédé l'indignation. Celte demande auda-
cieuse de fermeture des clubs, est une odieuse provocation faite
aux républicains de la veille et du lendemain, un défi porté à cette
partie de l'Assemblée nationale qui-s'est conservée pure au milieu
des pièges tendus à sa confiance et à sa bonne foi, à travers ce
ehe rnin de traverse qu'on a substitué à la ligné droite et large, sur
ce pont de bayonnettes inintelligentes.
Patriotes de toutes les nuances \ Démocrates radicaux ! et vous
Socialistes ! Gomprimez, tin instant encore^, vos émotions et ne vous
laissez aller ni au découragement ni à ï'entraînpment de la
passion révolutionnaire. Notre cause est gagnée, et le jour du suc-
cès est proche. II.n'est pas besoin de devancer l'heure du triomphe:
cette heure doit sonner d'elle-même. N'avons-nous pas la force
ihorale à opposer à la.force matérielle, et ne sommes-nous pas ar-
més du droit écrit dans cette constitution que, malgré la sainteté
d'un serment prêté depuis peu, on tente de violer aujourd'hui ?
■ Rassurez-vous, citoyens de Paris ! A défaut de la presse vénale
et corrompue, vous avez le concours de la presse honnête et libre
pour soutenir et défendre le droit de réunion, cette importante con-
quête de l'esprit de révolution sur l'instinct réactionnaire; et si,
contre notre attente, l'Assemblée nationale pouvait souffrir qu'on
portât une main homicide sur une de nos libertés les plus précieu-
ses, la Démocratie étrangère et les événements nous vengeraient
bientôt d'un attentat aussi monstrueux..,
M. Odillon Bafrot n'est-il pas destiné par la Providence à jouer
le rôle de précurseur dans les accidents révolutionnaires ! Est-ce
que le souvenir de ses actes empreints de tant d'incertitude et de
pusillanimité dans les faits qui ont précédé et suivi le 2k février,
seraient sortis de votre mémoire?
Ayez donc espoir et courage.,
LA FRANCE AU 28 JANVIER 1849.
La France, vue de loin, est un pays où l'anarchie ne laisse aux
hommes sensés et pacifiques que le soin de leur propre conser-
vation, et dans lequel il n'y a de temple ouvert qu'an désordre et
à l'impiété. La France, vue de près, est l'état de l'Europe qui offre
le plus de sécurité aux étrangers, si ce n'est à ses habitants, et
celui que ses lois, tout imparfaites et illibérales qu'elles soient, re-
commandent encore comme modèle au monde entier. 11 n'y a pas
de peuple, en effet, qui ne s'inspire de la marche révolutionnaire
des idées françaises, pas de nation qui ne prenne pour exemple
d'émancipation et pour base de constitution, nos grands principes
d'économie politique et nos doctrines radicales en fait d'organisa-
tion gouvernementale et sociale. Tous les pouvoirs constituais de
l'Europe, la diète de Kretnsier elle-même, empruntent à nos cons-
titutions anciennes et modernes le peu de sagesse et de raison que
nos législateurs ont pu ou su y apporter. Le motif de cette pré-
dilection de l'étranger pour nos institutions prend sa source, il faut
le dire, plutôt dans l'ascendant de notre expérience et de nos lu-
mières que dans une confiance absolue à la solidité de nos prin-
cipes et à l'excellence de notre régime social. Cet ascendant, cette
sorte de suprématie que nous exerçMs sur les sociétés qui nous
entourent, nous le devons assurément a l'initiative que nous savons
prendre, que nous prenons toujours, dans lès questions de mou-
vement et de progrès humanitaires : il y a de quoi nous énorguéil-.
lir sans doute ; mais nous n'en avons pour cela ni plus de liberté
ni plus de bien-être, et nos révolutions, jusqu'ici, disons-le en
passant, ont plus prolité aux autres; à ceux qu'elles ont. instruits,
qu'à' nous-mêmes.' Est-ce .un fatal effet de nôtre caractère natio-
nal, ou bien le résultat d'une conspiration permanente qui, dé
1789 à.1849, mine sourdement nôtre édifice social, et fait.que
nos .efforts n'aboutissent pas? ^—Il y a quelque chose de l'un et
beaucoup de l'autre, dans la situation anormale et perplexe qui
conduit la société française droit a l'abîtee où sont venues
s'engloutir tant de sociétés anciennes;.
Le caractère français à cela de mauvais, qif il subit trop vite et
trop fortement l'impression du moment, qu'il se déroute et s'af-
faiblit au moindre revers, qu'il s'èxalfcè Outre mesure air triomphe
le plus minime, et qu'il se plie trop aisément aux exigences dé
l'esprit d'envahissement et de domination. 11 a cela de bon qu'il
se relève aussi proniptemenl qu'il s'est abattu, que dans les ques-
tions de patriotisme et d'honneur nàtj0hài,al s'élève à des hauteurs
telles qu'il conçoit et exécute un projetvpresquesimultanément, et
que flexible là où la forme seule est ^engagée; il devient fermé jus-
qu'à la ténacité aussitôt qugjl s'agit d6;'fond. C'est à sôii excessive
mobilité qu'il faut attribuer • les 'oscillations politiques ; dont Ses
suites nous ont été déjà si funestes); mais c'est à cette mobilité
aussi que. nous devons d'espérer tôiajours et lôrs même que toute
chance de succès semble nous échapper.-
Qui donc eût pu prévoir, àla fin de1829, l'événement de juillet
1830, et, dans les six derniers mois de 1867, Yacciclent de février
1848?. Ceux-là seuls, qui ont su étuÉer et pu apprécier notre ca-
ractère national. Il n'y a pas de peiiple dont il soit aussi facile de
modifier l'opinion, de l'égarer mémfe,; que le peuplé français ;
mais que ce: peuple yiennejà s^pérçevôir qu'il s'est trompé ou
qu'oul'atrompé, sa colère, dlsquj^^rggainu son erreur, éclate
côhime'Ta'îèùdrër Maïs" ce 7 peuplé c6uragëùx"]ùsqii*îi lu ténacité,
généreux jusqu'à l'imprudence, ne se venge pas : il pardonne le
jour même de sa victoire, oubliant le lendemain les fatigues et les
maux de la veille, sans souci (c'est là son tort) de ce qui pourra
survenir plus tard.
Et pourtant, dix fois déjà, n'a-t-il pas été décidé en concile de
rois, que, comme Carthage, delenda est Lutetia?
La conspiration dont nous parlions tout à l'heure, cette conspi-
ration flagrante des rois contre les peuples, ce complot perma-
nent des aristocrates contre les démocrates, nous le disions avec
raison, date de 1789, et ne s'est pas démentie de nos jours. Les
conspirateurs que la plus petite tourmente révolutionnaire fait se
cacher et fuir, se retrouvent et se rencontrent toujours plus forts
et mieux unis, dès que tout danger a disparu. Quand donc notre
confiance, véritable crédulité d'enfant, fera-t-elle place à la pru-
dence, cette qualité qui. de l'homme, se transligure en vertu chez
un peuple aussi grand que l'est le peuple français ?
C'est à cette incessante conspiration du plus petit, nombre contre
le plus grand, de ceux qui ont tout contre ceux qui n'ont rien, du
privilège contre le droit, qu'il faut bien imputer tous les malheurs
de notre époque, tous, les maux qui nous affligent. Et qu'on ne
croie pas que, quand nous parlons ainsi, nous le faisons en haine de
la classe à laquelle nousnetenonspar aucun lien! Non, nous l'affir-
mons ici, nous n'avons jamais eu de haine pour ces hommes pïûS
heureux que nous en apparence, et nous n'envions pas plus que
nous n'en sommes jaloux, leurs biens ni leurs privilèges. 'Si nous
nous déclarons leurs ennemis, c'est que nousme le somnies deve-
nus qu'après nous être convaincus qu ils; rwurrissént ^est^ojets
lïberticidés, et qu'ils veulent nous ramener aùrtemps:oùllèxisjençe.
et l'honneur des familles plébéiennes étaient je |puet ^(|jéns de
guerre et des hommes de cour, à ce régime dé bon jiiafeirsous
lequel tout ce qui n'est pas né riche ou grand séigheur^;^it ^vivrë
à l'état d'ilote ou de paria. ';:■;.:< .'r. '-.-.
Cette conspiration de soixante années dans laquelle iïbtis ayons
vu s'engloutir tant de gens abusés ou corrompus, est.pbus puis~
santé et plus étendue qu'en aucun temps ; et son organisation est
telle,, ses' moyens d'action sont si multipliés, ses,alluressi vives,
et l'empressement dé ses membres si ardent, qu'il y a lieu; de
supposer qu'elle ne tardera pas .à se dévoiler tout-à-faîtv/et hâ
tenter les hasards d'une prise d'armés. C'est que les royalistes ont
compris que tout ajournement leur serait y funeste, e;t qu'ils pût
remarque que là réaction, bourgeoise, ce précurseur de ; toute, ten-
tative eôjatrè-révolùtionnaire,, a lait ; son temps; sans qu'il en soit
résulté^ autre chose qu'une insuffisante decimation dès patriotes;
c'estque.surtoutily appur le.partjf delà inonar^hie,dangér d'un
revirement prochain:'dèl'Qpinion .'publique, et que déjà, dans les
dépàMèments qpmmeA'Pàris,la vérité, s'est fait jour et la lumière
a luïl^est qu'enfin il séformerai tr,ès certainement et bientôt, une
sainte ligue de démocrates dé tous "les pays pour opposer une
digueformidableau^c" efforts désespérés des ennemis de la Répu-
blique. ""■ . .,-■-■
Mais pour que, cette fois, nous triomphions à jamais de ces en-,
nentis que nous avons vaincus en 89, en 91, en 93, vain «s en,
1815, vaincus le 29 Juillet 1830, vaincus le 2k Féyrlër Ï8&S, :
vaincus sur tous les champs de bataille, ï. ; a ut que les'patriotes,
ceux qu'on appelait les libéraux sous les règnes de Louis XVH1 et-
de Charles X, et ceux qu'on désigne aujourd'hui sous, la qualifi-
cation de républicains de la veille, auxquels doivent se réunir les
républicains sincères du lendemain, se concertent et se réunissant,
pour former une grande armée démocratique destinée a mettrefin;
par un succès éclatant et éternel, à là lutte qui dure depuis plus
d'un demi-siècle, lutte qui, si elle se prolongeait dix, ans encore,
ramènerait les nations de l'état de civilisation à l'ëtat barbare.
Il n'y a que la démocratie qui puisse préserver la société fran-
çaise d'une fin misérable, que des institutions démocratiques et
sociales capables de rendre à ce corps affaibli par l'âge et débilité
par les excès contraires, un peu de celte virilité dont à la fut du
dernier siècle et au commencement de celui-ci, il a fourni tant de
brillantes marques. Mais, pour arriver à ce grand résultat, il faut
que ceux qui se disent démocrates-soeiaïistas laissent un moment
de côté les rêves fantastiques en faveur de la réalité, qu'ils de-
viennent citoyens actifs plutôt qu'hommes de doctrines; que les
républicains ne se montrent ni trop ombrageux ni trop exclusifs,
qu'ils se préoccupent moins de questions de détails, aussi oiseuses
qu'elles sont intempestives, et davantage delà question de prin-
cipes, de la grande question de fonctionnement et d'ensemble, et
qu'ils fassenltaire cet esprit de rancune et celle disposition àla
jalousie qui les divisent aux jours de victoire, et leur ôtent la
moitié de leur force à l'heure des revers.
C'est à ce prix seulement que la France sera sauvée, et que
nous aurons une vraie République, la République démocratique et
sociale. G.
FEUILLETON DE LA MONTAGNE DU 28 JANVIER 1849.
LES MONTAGNARDES,
m.
\ LA RÉACTION.
Alvï nous la connaissons cette vieille ennemie
Dont le manteau des rois abrite l'infamie,
Hyène aux yeux sanglants, démon des mauvais jours
Qui, toujours abattu, se relève toujours.
Son nom ! Il est inscrit, par l'esprit des ténèbres,
Au seuil de l'ossuaire où toute nation
inhume ses martyrs, ce mot: INACTION !...
Lorsque le ciel sourit aux enfants de la terre,
Des poumons de ce monstre un souffle délétère
S'exhale, et du progrès la divine moisson
S'étiole au contact deTinlëmal poison.
Qui donc ne la connaît la perfide sirène ;
Qui de nous ne l'a vue, à l'oeuvre dans l'arène?
Par ses coups de .larnac, qui donc fût épargné,
Sous sa griffe, quel liane n'a donc jamais saigné ?
Vainement on la cherche, au fort de la bataille ;
Dès que le canon gronde, elle amoindrit sa taille,
Et l'odeur de la pa-udre affectant son cerveau,
Pour quartier général elle adopte un caveau.
Mais après la mêlée, à l'instar de la fouine,
Le nez, l'oreille au vent, allongeant son échine,
On la voit reparaître et, lorsque tout se tait,
Célébrer, à grand bruit, l'ardeur qui l'emportait.
C'est un roquet qui s'enfle, un merle qui jacasse :
Barberousse, Artaban, Capitaine-Fracasse
Et Bugeaud dont Lucine exhaussa le pompon (*),
Ne lui vont môme pas à hauteur de jupon.
Au caprice du temps son caprice varie ;
Vite ! il faut qu'un sang pur étanche sa furie ;
Des anges au berceau-reposent innocents...
Dans Bethléem, Ilérode en immole trois cents.
Bientôt, d'un sang divin la rage frénétique
La poursuit, la dévore, et, dan?, Sion l'antique,
. {*] Allusion à la veille des armes que fil, à Blaye, notre héros pendant
qu'il présidait aux couches de ia duchesse de Ben y. On sait, aussi que
la déesse Lucine était, riiez les anciens, la patronne de U niaioinité.
Le peuple, soudoyé par l'or du publicain,
L'abreuve avec le sang d'un Dieu républicain.
Dans Rome, aux délateurs elle escomptait des têtes ;
A Madrid, à Lisbonne, elle ordonnait des fêtes,
Lorsque sur le bûcher, qu'allumaient ses bourreaux,
Se tordaient, en hurlant, les penseurs libéraux.
Faut-il de siècle en siècle énumérer ses crimes,
Pour que la vérité découle de mes rimes,
Que le sang et les pleurs en jaillissent à flots ?
Faut-il, pour que chacun déteste ses complots»
Des mars du Vatican évoquer les mystères,
Des vieux plombs de Venise et des noirs monastères
Remuer les linceuls ; au Louvre, au Châteletv
Pour la faire parler, poser mon gantelet
Sur sa gorge ? A quoi bon cette puissante étreinte ?'
Peuple, ce qu'il me faut, à moi, c'est une empreinte,
L'empreinte de ses traits, pour qu'armé d'un marteau,
Je puisse, palpitants, les clouer au poteau.
Sous les Bounbons aînés, c'était, une marquise,
Fière de sa noblesse, à l'OFil-de-Boenf conquise,
Kl, qui donnant la main à quelqu'abbé ntîtré.
Conspuait, sottement, tout homme non titré.
Sous Philippe-Harpagon, c'était une luronne,
Bourgeoise au teint vineux, par les écus baronne,
Et qui, dans les salons de monsieur le préfet,
Vingt l'oit, dans la soirée, abordait le buffet.
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