Titre : La Montagne : tribune du peuple / rédaction, les citoyens : Gally, ex-rédacteur en chef du Monde républicain ; Ch. d'Amyot, rédacteur en chef du Courrier d'Outre-Mer ; Eude Dugaillon, rédacteur en chef de l'Union de l'Yonne ; Victor Mangin, rédacteur en chef du National de l'Ouest ; J.-J. Arnoux, Desjobert, ex-rédacteur du Monde républicain, etc. etc.
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1848-12-01
Contributeur : Gally, L.. Directeur de publication
Contributeur : Amyot, Ch. D'. Directeur de publication
Contributeur : Dugaillon, Auguste-Eude (1802-18..). Directeur de publication
Contributeur : Mangin, Victor (1787-1853). Directeur de publication
Contributeur : Danin, Jacques. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb328197668
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 24 Nombre total de vues : 24
Description : 01 décembre 1848 01 décembre 1848
Description : 1848/12/01 (N1)-1848/12/31. 1848/12/01 (N1)-1848/12/31.
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k5702498d
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, FOL-LC2-1985
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
Déceinhre -1949. ^<^V TBIBUIVIÎ DIT BBlTPï^B, ]|Tmiiôro f.
i - .- : V.,. . .-.'••,' ••./- ' ■■•■■ - : '•.'■' ... : : . '.■'.-
La Montagne, en attendant^'elle puisse être publiée ($io±
^-^MiCTîBeiàehty-^-^'Ce'qui-nevtard'eFâ'^pas à avoir Lieu,— paraîtra,
chaque mois, du ier au 5.
CAVAIGNAC DEVANT SES JUGES,
Le grand débat qui a eu lieu dernièrement à l'Assemblée natio-
nale, et qui-s'est'terminé d'une manière si peu conforme au sénti-
riietat général, se renouvellera bientôt plus sérieux et plus solennel
devant le pays tout, entier, assemblé pour décider du. sort de la
France et du salut de Sa République.
Le-,général" Cavaignac, chef actuel du pouvoir exécutif, absous
" par cinq cents voix acquises, va comparaître à la barre de l'opinion
'publique,, représentée par neuf millions de suffrages éh partie lir
- bres et indépendants. Ses actes politiques, si diversement.appré-
ciés, trouveront au jury national, prêt à s'ouvrir, des censeurs sé-
vères et justes, et le verdict qui sera rendu confirmera l'autorité
qu'une assemblée timide et ignorante lui a coni'è'rée, ou le fera des-
cendre des hauteurs qu'il a escaladées avec autant d'adresse que
de courage. Encore quelques jours, et le pays, comme il est, aura
prononcé.
Notre rôle d'écrivain politique nous fait un devoir de dire tout-
ce que nous pensons de la candidature du général Cavaignac, et
de communiquer au public, en toute conscience, et liberté, tout ce
que le débat auquel nous avons assisté a laissé dans notre esprit de;
triste certitude au sujet des reproches adressés au citoyen et au mi-
litaire, dans la mémorable séance du 25 novembre.
A l'époque où le général Cavaignac fut appelé à prendre le por-
tefeuille delà guerre, nous exprimâmes, dans une autre feuille que
celle-ci, des doutes et des craintes que les événements n'ont que
trop justifiés. Nous regardâmes, et nous le dîmes avec franchise et
fermeté, cette nomination comme impopulaire et dangereuse. Le
choix d'un officier-général d'Afrique, plus imbu des idées du soldat
que dessentiments du citoyen, plus rompu à la vie des camps que
fait au mouvement révolutionnaire, d'un militaire habitué à la do-
mination et à l'obéissance passives, et tant de fois honoré des té-
moignages d'estime des princes d'Orléans, Nemours et d'Aumale,
nous parut être un choix malheureux, non que nous missions pré-
cisément en doute, alors, le patriotisme et la capacité de cet offi-
cier, mais parce qu'en temps de révolution un choix ne saurait être
fait avec trop de prudence et de signification. Pour nous, l'origine
de l'appelé, ni le souvenir de ce que fut Gocfefroy n'étaient une ga-
rantie de la conduite que tiendrait cet homme dont la commission
executive venait de faire si subitement un minisire de la Républi-
que ; ee fut donc avec défiance, avec répugnance même, que nous
vîmes ce soldat heureux occuper, en qualité de ministre de la
guerre, l'une des premières places dans le gouvernement issu des
barricades.
Cavaignac, avec les insiîncts et les sentiments de démocrate et
les qualités qui distinguent le militaire et l'administrateur, aurait
pu être le Carnot de notre République ! Sa destinée le pousserait-
elle à en être le Dmnouriez on le Bonaparte? Dieu veuille, pour la
France et pour lui , qu'il n'en soif pas ainsi !
La question capitale, que nous voulons traiter ici sommairement,
en présence des électeurs juges souverains des actes du chef du
pouvoir exécutif, est celle-ci .-
Quellesété--ia conduise ctogénéhal Cavaignac dans l'insurrection 1<
dejuio? '""*■■•;' v
Les accusateurs du général disent : ■ ; 'n
« La commission executive portait ombrage à des projets ambi- 3p
tieux. Il fallait s'en défaire, après l'avoir compromise en l'accusant li
de faiblesse et d'imprévoyance. Il fallait appeler sur elle les; fouf s<
dres de l'Assemblée nationale, et faire tomber de ses mains un pou- ti
voir dont on avait hâte de s'einpàrerJ II fallait se laisser désirer et ;
même;s'imposer à une majorité composée de peureux, et dé rëac- :p
tionnaires, et s'arranger de telle sorte que cette majorité vînt voter si
par acclamationqu?on; avait sauvé La patrie ! Et,pour cela, il était b
nécessaire de laisser .prendre à l'insurrection des proportions for- ;à
înidables, et de faire croire à l'imminence et à l'étendue-du'danger,' d
danger qui, s'il a exiité, aurait pu être, au dire des-hommes doun
pétents, dissipé en moins de deux heures. Et. cependant la luttefra- a;
tricide de juin a duré trois jours ! » I l'
L'accusé répond : n
« J'ai fait pour comprimer l'insurrection et la réduire à néant,.. &
tout ce que la tactique militaire inë prescrivait de-faire; Je n'ai pas; r'
voulu "compromettre7'la vie de mes soldats par une précipitation c
imprudente , et n'ai donné le temps à l'insurrection de 'se former: e
et de grandir qu'afîn de -l'attaquer: sur tous les points à la fois et de; ' n
m'en rendre maître par un coup de main général, en faisant agir; • d
les troupes par masses et non par fractions. Quant au reproche qui-s d
m'est adressé d'avoir fait des absences longues et multipliées dans,
ces jours de deuil, je déclare que je n'ai pas cessé d'être à^la dis- »
posjtion de la commission executive à toute heure du-jour et de la; a
nuit, et que mon zèle et ma sollicitude ne se sont pas ralentis 1 un; -V
seul instant. »
Gomme on le voit, la commission executive et lé générai Ca-
vaignac sont d'accord sur ce point, qu'il y aurait eu hésitation ,;
lenteur funeste , retard déplorable* dans l'exécution dés mesures ;
employées pour prévenir la guerre civile.
Sur quelles têtes doit retomber la responsabilité des affreux évé- r
nements dé juin ! et qui faut-il accuser justement d'avoir fait couler ^
des torrentsde sang dans les rues dé la capitale, en n'arrêtant pas, /(
à son début, une lutte qui s'est prolongée trois jours, lorsqu'il est
aujourd'hui reconnu qu'on aurait pu y mettre fin en deux heures? ^
Voilà ce que le pays est appelé à décider, et ce qu'il pourra faire s
en parfaite connaissance de cause , sans passion ni prévention , J
en comparant les faits et les résultats aux moyens indiqués et aux
documents produits par l'accusation et par la défense.
Selon nous, il a été démontré et prouvé ceci : qu'au 23 juin, la
commission executive et le général Cavaignac s'entendaient mal,
ne s'entendaient même plus; que la commission executive voulait
étouffer l'insurrection à sa naissance et prévenir, par là, l'effusion
du sang ; que le général, lui, se montrait plus disposé à laisser s'é-
tendre le mouvement, pour le combattre plus sûrement, qu'à le
réprimer tout d'abord, sans profit et sans gloire peut-être, se mon-
trait plus avare du sang des soldats que de celui des insurgés ; que
l'Assemblée nationale, aidée du général Cavaignac, voulait, tout à (
la fois, vaincre l'insurrection et. renverser la commission executive
qui ne possédait pas sa confiance; que, dans ces fatales journées <
de juin, c'est triste à penser et plus triste à dire, de petits intérêts <
et de grandes ambitions se produisirent et jouèrent un rôle hon- 1
teux, ce qui contribua à la prolongation de la lutte impie que tous j
les bons citoyens déploraient; et, enfin, qu'à cette époque de dou-
loureuse mémoire, il y eut des coupables partout, aussi bien dans -
• lèslïautëS' régions du pouvoir, qu'aux-barricades, et que le sou-
venir de ces fatales journées ne^ pourra s?effaCer que par une am-
inistie générale et complète, et par lé retour dés hommes qui y ont
3pris part, soit:comme militaires, soit coihme citoyens, aux idées dé
liberté,; d'égalité et de fraternité dont la mise en pratique peut
seule préserver la République des menées et des coups de la réac-
tion..' ' ;■•;■■-, ■ ' '--''• -.-'/■ :"• - :-; !- -'.- ■'•'.
C'est aux électeurs à décider si le général Cavaignac, auquel on
reproche'des actes qui-, s'ils étaient vrais, seraient de nature à
soulever contre leur auteur le mépris général et l'indignation pu-
blique, à décider si le chef du pouvoir exécutif a, ou n'a pas droit
; à la confiance du pays,' est digne ou indigne d'oce-uper le fauteuil
de la présidence.
; Four noïiSi en: dehors même des événements de j uin et sans nous
arrêtenaux circonstances plus que singulières dont il a été ques-
tion dans la.discussion qui s'est dernièrement élevée à l'Assemblée
nationale, nous disons qu'un homme qui s'esCfait lëcomplàisàot
serviliede la réaction, tant en France; qu'à l'étranger, qu'on a vu
renier ceux qui;l'ont, élevé aux plus hautes charges militaires et
civiles; qui a déclaré qu'entre les démocrates-socialistes et lui,-'il
est tout un abîme.-.-... nous disons que cetlioinme, loin d'avoir
méritéle grand honneur d'être le premier magistrat de son payjs,
■devrait être exclu du concours; politique dont la plus haute dignité
d'une République sera le prix.
; C'est a regret que nous tenons un langage au^si sévère envers
un citoyen doué, dit-on, de qualités éminénles. Il nous en coûte
; assurément.... mais le premier devoir d'un républicain est d'être
yrm,.. qiiaudmcme.
DES DÉ«MiÊR£S ÉLECTIONS.
La mauvaise impulsion donnée au suffrage universel porte ses
fruits. Les citoyens récemment nommés représentants du peuple sont
des ennemis du peuple, des bonapartistes, des phUippistes et des
henriquinquistes.
Dans l'Yonne, grâce à la niaiserie des électeurs qui s'obstinent
à voter pour un nom au lieu de voter pour un principe, c'est un
sieur Raudot, carliste, substitut du procureur du roi à Versailles,
destitué en 1830, qui a été nommé par 7,700 suffrages, sur 23,000
votants, dans un département qui compte 80,000, électeurs. Les
voix se sont ainsi partagées :
Raudot, candidat légitimiste, 7,700 voix.
Jérôme Ronaparte, (3,000 »
Général Pyut, autre candidat bonapartiste, /i,/j00 »
Uzanne, candidat des rouges, Zj,200 »
Renjamin Delessert, candidat orléaniste, 500 »
Héreau, candidat CAVAIGNAC, 300 »
Comme on le voit, la couleur Louis-Napoléon est en baisse, et le.
chaperon Cavaignac est devenu imperceptible.
De ce qui précède, on peut conclure que, pour la présidence, le
candidat impérial l'emportera sur le candidat royal, mais que celui-
ci, réduit aux 7,700 voix données ;i Raudot, aux 500 obtenues par
Delessert, et aux 300 données à titre d'aumône à lléreau, sera dé-
passé par le candidat de la vraie République.
Ainsi, voilà un département très peu révolutionnaire qui dépo-
. sera dans l'urne électorale quelque chose comme quinze mille voix
.; FEUILLETON DE LA MOHTAGM.
LES ROUGES ET LES BLANCS.
Ah! puisqu'à nos dépens de l'Histoire on se joue,
Que l'on veut nous marquer d'un stygmate à la joue,
Rendons, rendons aux faits leur mâle autorité,
Et que du choc des mots sorte la vérité !
Avec un mot, en France, on abuse la foule,
Un mot vers le passé sottement nous refoule.
Avec l'académie il est temps d'en finir
Puisqu'on nous y contraint, nous allons définir
Et LE'nowrE et LE BLANC... Pas de vocabulaire !
Faisons plutôt appel à l'écho populaire,
Et. sans qu'ici Marrastsoif notre interrupteur,
Répliquons à Denjoy, le candide orateur.
Empruntant le patois de Loriquet-Montrouge,
Nous sommes, dites-vous, la république rougi;!
Traduction : — Marat nous légua sa fureur
Et nous allons, demain, évoquant, la terreur,
Des égoùls du passé débouchant la senfine,
Relever, au Forum, l'affreuse guillotine. —
Vous en avez menti ! ! Si nous avions voulu
Qu'il bondît de nouveau, fraîchement émoulu,
Le triangle d'acier qui moissonnait les têtes,
Fondre de la vengeance au milieu des tempêtes,
Aurions-nous tons, oui tous, au scrutin solennel,
Proscrit les échafauds au nom de l'Eternel?...
Cette histoire est. d'hier,.... Faut-il qu'on la ravive?
Quand nous criions A RAS ! vous avez crié VIVE !
VIVE LA GUILLOTINE! et vous êtes des Blancs,
Vous portez la douceur incarnée en vos flancs,
Et vous venez offrir, par grâce héréditaire,
La richesse, la paix, le bonheur à la terre....
Mais il faut le bourreau dans votre paradis,
Pour y faire fleurir vos gracieux édits!...
Gardez de vos bienfaits, gardez le monopole!
A nous quelque ponton ou le ciel pour coupole...
Nous sommes des Nérons ! Vous êtes des Titus !...
Laissez-moi, toutefois, exquisser vos vertus.
Vous reprochez au peuple un jour de saturnales ;
Vous jetez, imposteurs, au front de ses annales
De la boue et du sang !... Mais, lorsqu'à l'étranger,
Avec Pitt et Cobourg vous courriez vous ranger,
Quand l'ardente Vendée et le fédéralisme,
Quand Lyon infesté de l'impur royalisme,
brandissaient un poignard à deux doigts de son sein,
Fallait-il, répondez, qu'au poignard assassin
S'offrît, la République, en bêlante victime?...
Non, le droit, de défense est un droit légitime :
Vous vouliez l'égorger, elle vous égorgea !
Le Peuple était trahi... le Peuple se vengea.
Ce n'est pas tout ; des rois la. meute haletante
Harcelait, déchirait la France palpitante:
De soldats et d'argent la République à bout.
Aux dogues couronnés jeta, pour son va-touf,
Une tête de roi dans la sanglante arène,
Puis, quelquesjours après, une tête de reine...
Malheur !...; oui, mais la meute eut peur et. recula...
La France fut sauvée au moins cette fois-là...
Oui, grâce à la terreur, elle fnl triomphante...
Hélas ! la Liberté comme la femme enfante
An milieu des douleurs... Soit : mais l'humanité
N'en rend pas moins hommage à la maternité !..
J'ai dit. Voilà le temps héroïque et néfaste
Qu'à la Convention toute blanche caste
Reproche en choeur... Ah ! oui, vous êtes des Titus
Indulgents pour César, sans pardon pour Rrulus...
Soit ! mais puisque jetant l'huile à flots sur la braise,
Vous ressassez sans fin le mot QUATHE-VINGT-TREIZE ;
Puisque vous nous criez, plus doucereux qu'humains.
Rouge est votre étendard et rouges sont vos mains !
La vérité pour tous et que chacun s'éclaire :
Oui, les républicains, en un jour de colère,
Ont fait de la terreur pour cimenter le droit ;
Mais vous avez (ait, vous, de la terreur à froid !..
Vous parlez de nos mains,, regardez votre face:...
Elle est pourpre de sang, d'un sang que rien n'efface,
Car il fut répandu, lui, sans nécessité,
Au nom dn privilège cf. de la royauté !
J'ai raconté lo nôtre, écoutez votre histoire :
i - .- : V.,. . .-.'••,' ••./- ' ■■•■■ - : '•.'■' ... : : . '.■'.-
La Montagne, en attendant^'elle puisse être publiée ($io±
^-^MiCTîBeiàehty-^-^'Ce'qui-nevtard'eFâ'^pas à avoir Lieu,— paraîtra,
chaque mois, du ier au 5.
CAVAIGNAC DEVANT SES JUGES,
Le grand débat qui a eu lieu dernièrement à l'Assemblée natio-
nale, et qui-s'est'terminé d'une manière si peu conforme au sénti-
riietat général, se renouvellera bientôt plus sérieux et plus solennel
devant le pays tout, entier, assemblé pour décider du. sort de la
France et du salut de Sa République.
Le-,général" Cavaignac, chef actuel du pouvoir exécutif, absous
" par cinq cents voix acquises, va comparaître à la barre de l'opinion
'publique,, représentée par neuf millions de suffrages éh partie lir
- bres et indépendants. Ses actes politiques, si diversement.appré-
ciés, trouveront au jury national, prêt à s'ouvrir, des censeurs sé-
vères et justes, et le verdict qui sera rendu confirmera l'autorité
qu'une assemblée timide et ignorante lui a coni'è'rée, ou le fera des-
cendre des hauteurs qu'il a escaladées avec autant d'adresse que
de courage. Encore quelques jours, et le pays, comme il est, aura
prononcé.
Notre rôle d'écrivain politique nous fait un devoir de dire tout-
ce que nous pensons de la candidature du général Cavaignac, et
de communiquer au public, en toute conscience, et liberté, tout ce
que le débat auquel nous avons assisté a laissé dans notre esprit de;
triste certitude au sujet des reproches adressés au citoyen et au mi-
litaire, dans la mémorable séance du 25 novembre.
A l'époque où le général Cavaignac fut appelé à prendre le por-
tefeuille delà guerre, nous exprimâmes, dans une autre feuille que
celle-ci, des doutes et des craintes que les événements n'ont que
trop justifiés. Nous regardâmes, et nous le dîmes avec franchise et
fermeté, cette nomination comme impopulaire et dangereuse. Le
choix d'un officier-général d'Afrique, plus imbu des idées du soldat
que dessentiments du citoyen, plus rompu à la vie des camps que
fait au mouvement révolutionnaire, d'un militaire habitué à la do-
mination et à l'obéissance passives, et tant de fois honoré des té-
moignages d'estime des princes d'Orléans, Nemours et d'Aumale,
nous parut être un choix malheureux, non que nous missions pré-
cisément en doute, alors, le patriotisme et la capacité de cet offi-
cier, mais parce qu'en temps de révolution un choix ne saurait être
fait avec trop de prudence et de signification. Pour nous, l'origine
de l'appelé, ni le souvenir de ce que fut Gocfefroy n'étaient une ga-
rantie de la conduite que tiendrait cet homme dont la commission
executive venait de faire si subitement un minisire de la Républi-
que ; ee fut donc avec défiance, avec répugnance même, que nous
vîmes ce soldat heureux occuper, en qualité de ministre de la
guerre, l'une des premières places dans le gouvernement issu des
barricades.
Cavaignac, avec les insiîncts et les sentiments de démocrate et
les qualités qui distinguent le militaire et l'administrateur, aurait
pu être le Carnot de notre République ! Sa destinée le pousserait-
elle à en être le Dmnouriez on le Bonaparte? Dieu veuille, pour la
France et pour lui , qu'il n'en soif pas ainsi !
La question capitale, que nous voulons traiter ici sommairement,
en présence des électeurs juges souverains des actes du chef du
pouvoir exécutif, est celle-ci .-
Quellesété--ia conduise ctogénéhal Cavaignac dans l'insurrection 1<
dejuio? '""*■■•;' v
Les accusateurs du général disent : ■ ; 'n
« La commission executive portait ombrage à des projets ambi- 3p
tieux. Il fallait s'en défaire, après l'avoir compromise en l'accusant li
de faiblesse et d'imprévoyance. Il fallait appeler sur elle les; fouf s<
dres de l'Assemblée nationale, et faire tomber de ses mains un pou- ti
voir dont on avait hâte de s'einpàrerJ II fallait se laisser désirer et ;
même;s'imposer à une majorité composée de peureux, et dé rëac- :p
tionnaires, et s'arranger de telle sorte que cette majorité vînt voter si
par acclamationqu?on; avait sauvé La patrie ! Et,pour cela, il était b
nécessaire de laisser .prendre à l'insurrection des proportions for- ;à
înidables, et de faire croire à l'imminence et à l'étendue-du'danger,' d
danger qui, s'il a exiité, aurait pu être, au dire des-hommes doun
pétents, dissipé en moins de deux heures. Et. cependant la luttefra- a;
tricide de juin a duré trois jours ! » I l'
L'accusé répond : n
« J'ai fait pour comprimer l'insurrection et la réduire à néant,.. &
tout ce que la tactique militaire inë prescrivait de-faire; Je n'ai pas; r'
voulu "compromettre7'la vie de mes soldats par une précipitation c
imprudente , et n'ai donné le temps à l'insurrection de 'se former: e
et de grandir qu'afîn de -l'attaquer: sur tous les points à la fois et de; ' n
m'en rendre maître par un coup de main général, en faisant agir; • d
les troupes par masses et non par fractions. Quant au reproche qui-s d
m'est adressé d'avoir fait des absences longues et multipliées dans,
ces jours de deuil, je déclare que je n'ai pas cessé d'être à^la dis- »
posjtion de la commission executive à toute heure du-jour et de la; a
nuit, et que mon zèle et ma sollicitude ne se sont pas ralentis 1 un; -V
seul instant. »
Gomme on le voit, la commission executive et lé générai Ca-
vaignac sont d'accord sur ce point, qu'il y aurait eu hésitation ,;
lenteur funeste , retard déplorable* dans l'exécution dés mesures ;
employées pour prévenir la guerre civile.
Sur quelles têtes doit retomber la responsabilité des affreux évé- r
nements dé juin ! et qui faut-il accuser justement d'avoir fait couler ^
des torrentsde sang dans les rues dé la capitale, en n'arrêtant pas, /(
à son début, une lutte qui s'est prolongée trois jours, lorsqu'il est
aujourd'hui reconnu qu'on aurait pu y mettre fin en deux heures? ^
Voilà ce que le pays est appelé à décider, et ce qu'il pourra faire s
en parfaite connaissance de cause , sans passion ni prévention , J
en comparant les faits et les résultats aux moyens indiqués et aux
documents produits par l'accusation et par la défense.
Selon nous, il a été démontré et prouvé ceci : qu'au 23 juin, la
commission executive et le général Cavaignac s'entendaient mal,
ne s'entendaient même plus; que la commission executive voulait
étouffer l'insurrection à sa naissance et prévenir, par là, l'effusion
du sang ; que le général, lui, se montrait plus disposé à laisser s'é-
tendre le mouvement, pour le combattre plus sûrement, qu'à le
réprimer tout d'abord, sans profit et sans gloire peut-être, se mon-
trait plus avare du sang des soldats que de celui des insurgés ; que
l'Assemblée nationale, aidée du général Cavaignac, voulait, tout à (
la fois, vaincre l'insurrection et. renverser la commission executive
qui ne possédait pas sa confiance; que, dans ces fatales journées <
de juin, c'est triste à penser et plus triste à dire, de petits intérêts <
et de grandes ambitions se produisirent et jouèrent un rôle hon- 1
teux, ce qui contribua à la prolongation de la lutte impie que tous j
les bons citoyens déploraient; et, enfin, qu'à cette époque de dou-
loureuse mémoire, il y eut des coupables partout, aussi bien dans -
• lèslïautëS' régions du pouvoir, qu'aux-barricades, et que le sou-
venir de ces fatales journées ne^ pourra s?effaCer que par une am-
inistie générale et complète, et par lé retour dés hommes qui y ont
3pris part, soit:comme militaires, soit coihme citoyens, aux idées dé
liberté,; d'égalité et de fraternité dont la mise en pratique peut
seule préserver la République des menées et des coups de la réac-
tion..' ' ;■•;■■-, ■ ' '--''• -.-'/■ :"• - :-; !- -'.- ■'•'.
C'est aux électeurs à décider si le général Cavaignac, auquel on
reproche'des actes qui-, s'ils étaient vrais, seraient de nature à
soulever contre leur auteur le mépris général et l'indignation pu-
blique, à décider si le chef du pouvoir exécutif a, ou n'a pas droit
; à la confiance du pays,' est digne ou indigne d'oce-uper le fauteuil
de la présidence.
; Four noïiSi en: dehors même des événements de j uin et sans nous
arrêtenaux circonstances plus que singulières dont il a été ques-
tion dans la.discussion qui s'est dernièrement élevée à l'Assemblée
nationale, nous disons qu'un homme qui s'esCfait lëcomplàisàot
serviliede la réaction, tant en France; qu'à l'étranger, qu'on a vu
renier ceux qui;l'ont, élevé aux plus hautes charges militaires et
civiles; qui a déclaré qu'entre les démocrates-socialistes et lui,-'il
est tout un abîme.-.-... nous disons que cetlioinme, loin d'avoir
méritéle grand honneur d'être le premier magistrat de son payjs,
■devrait être exclu du concours; politique dont la plus haute dignité
d'une République sera le prix.
; C'est a regret que nous tenons un langage au^si sévère envers
un citoyen doué, dit-on, de qualités éminénles. Il nous en coûte
; assurément.... mais le premier devoir d'un républicain est d'être
yrm,.. qiiaudmcme.
DES DÉ«MiÊR£S ÉLECTIONS.
La mauvaise impulsion donnée au suffrage universel porte ses
fruits. Les citoyens récemment nommés représentants du peuple sont
des ennemis du peuple, des bonapartistes, des phUippistes et des
henriquinquistes.
Dans l'Yonne, grâce à la niaiserie des électeurs qui s'obstinent
à voter pour un nom au lieu de voter pour un principe, c'est un
sieur Raudot, carliste, substitut du procureur du roi à Versailles,
destitué en 1830, qui a été nommé par 7,700 suffrages, sur 23,000
votants, dans un département qui compte 80,000, électeurs. Les
voix se sont ainsi partagées :
Raudot, candidat légitimiste, 7,700 voix.
Jérôme Ronaparte, (3,000 »
Général Pyut, autre candidat bonapartiste, /i,/j00 »
Uzanne, candidat des rouges, Zj,200 »
Renjamin Delessert, candidat orléaniste, 500 »
Héreau, candidat CAVAIGNAC, 300 »
Comme on le voit, la couleur Louis-Napoléon est en baisse, et le.
chaperon Cavaignac est devenu imperceptible.
De ce qui précède, on peut conclure que, pour la présidence, le
candidat impérial l'emportera sur le candidat royal, mais que celui-
ci, réduit aux 7,700 voix données ;i Raudot, aux 500 obtenues par
Delessert, et aux 300 données à titre d'aumône à lléreau, sera dé-
passé par le candidat de la vraie République.
Ainsi, voilà un département très peu révolutionnaire qui dépo-
. sera dans l'urne électorale quelque chose comme quinze mille voix
.; FEUILLETON DE LA MOHTAGM.
LES ROUGES ET LES BLANCS.
Ah! puisqu'à nos dépens de l'Histoire on se joue,
Que l'on veut nous marquer d'un stygmate à la joue,
Rendons, rendons aux faits leur mâle autorité,
Et que du choc des mots sorte la vérité !
Avec un mot, en France, on abuse la foule,
Un mot vers le passé sottement nous refoule.
Avec l'académie il est temps d'en finir
Puisqu'on nous y contraint, nous allons définir
Et LE'nowrE et LE BLANC... Pas de vocabulaire !
Faisons plutôt appel à l'écho populaire,
Et. sans qu'ici Marrastsoif notre interrupteur,
Répliquons à Denjoy, le candide orateur.
Empruntant le patois de Loriquet-Montrouge,
Nous sommes, dites-vous, la république rougi;!
Traduction : — Marat nous légua sa fureur
Et nous allons, demain, évoquant, la terreur,
Des égoùls du passé débouchant la senfine,
Relever, au Forum, l'affreuse guillotine. —
Vous en avez menti ! ! Si nous avions voulu
Qu'il bondît de nouveau, fraîchement émoulu,
Le triangle d'acier qui moissonnait les têtes,
Fondre de la vengeance au milieu des tempêtes,
Aurions-nous tons, oui tous, au scrutin solennel,
Proscrit les échafauds au nom de l'Eternel?...
Cette histoire est. d'hier,.... Faut-il qu'on la ravive?
Quand nous criions A RAS ! vous avez crié VIVE !
VIVE LA GUILLOTINE! et vous êtes des Blancs,
Vous portez la douceur incarnée en vos flancs,
Et vous venez offrir, par grâce héréditaire,
La richesse, la paix, le bonheur à la terre....
Mais il faut le bourreau dans votre paradis,
Pour y faire fleurir vos gracieux édits!...
Gardez de vos bienfaits, gardez le monopole!
A nous quelque ponton ou le ciel pour coupole...
Nous sommes des Nérons ! Vous êtes des Titus !...
Laissez-moi, toutefois, exquisser vos vertus.
Vous reprochez au peuple un jour de saturnales ;
Vous jetez, imposteurs, au front de ses annales
De la boue et du sang !... Mais, lorsqu'à l'étranger,
Avec Pitt et Cobourg vous courriez vous ranger,
Quand l'ardente Vendée et le fédéralisme,
Quand Lyon infesté de l'impur royalisme,
brandissaient un poignard à deux doigts de son sein,
Fallait-il, répondez, qu'au poignard assassin
S'offrît, la République, en bêlante victime?...
Non, le droit, de défense est un droit légitime :
Vous vouliez l'égorger, elle vous égorgea !
Le Peuple était trahi... le Peuple se vengea.
Ce n'est pas tout ; des rois la. meute haletante
Harcelait, déchirait la France palpitante:
De soldats et d'argent la République à bout.
Aux dogues couronnés jeta, pour son va-touf,
Une tête de roi dans la sanglante arène,
Puis, quelquesjours après, une tête de reine...
Malheur !...; oui, mais la meute eut peur et. recula...
La France fut sauvée au moins cette fois-là...
Oui, grâce à la terreur, elle fnl triomphante...
Hélas ! la Liberté comme la femme enfante
An milieu des douleurs... Soit : mais l'humanité
N'en rend pas moins hommage à la maternité !..
J'ai dit. Voilà le temps héroïque et néfaste
Qu'à la Convention toute blanche caste
Reproche en choeur... Ah ! oui, vous êtes des Titus
Indulgents pour César, sans pardon pour Rrulus...
Soit ! mais puisque jetant l'huile à flots sur la braise,
Vous ressassez sans fin le mot QUATHE-VINGT-TREIZE ;
Puisque vous nous criez, plus doucereux qu'humains.
Rouge est votre étendard et rouges sont vos mains !
La vérité pour tous et que chacun s'éclaire :
Oui, les républicains, en un jour de colère,
Ont fait de la terreur pour cimenter le droit ;
Mais vous avez (ait, vous, de la terreur à froid !..
Vous parlez de nos mains,, regardez votre face:...
Elle est pourpre de sang, d'un sang que rien n'efface,
Car il fut répandu, lui, sans nécessité,
Au nom dn privilège cf. de la royauté !
J'ai raconté lo nôtre, écoutez votre histoire :
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