Titre : Le Petit Parisien : journal quotidien du soir
Éditeur : Le Petit Parisien (Paris)
Date d'édition : 1909-01-07
Contributeur : Roujon, Jacques (1884-1971). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 07 janvier 1909 07 janvier 1909
Description : 1909/01/07 (Numéro 11758). 1909/01/07 (Numéro 11758).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France, Gr Fol-Lc2-3850
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 10/04/2008
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Le Petit Parisien.
que nous avait confiées la munàcipalite de
Home. Mais il qui? De quelle manière?
Quelles garanties avions-nous ?
D'ailleurs le désastre est tellement im-
mense que l'argent ne représente plus rien
là-bas où on ne peut rien se procurer.
-Il faut du pain, des vêtements, des cou-
vertures et construire des abris.
.Sous sommes rerenus d'abord Naptes.
Celle ville regorge de malades, de fuyards.
La population est admirable de déroue-
ment, de générosité, d'abnégation, mais dit
M Rossi, les ltafiens ne savent rien orga-
niser, rien préparer.
Les blessés ont été débarqués, transportés
aox hôpitaux au milieu d'un désurdre ferrt-
fiant. Il n'y avait pas de voitures, pas de
brancardfers; rien, ricn!
La foule des curieux envahissatt les débar-
cndères, nous étoulfail presque et assour-
dissait fes malheureux rescapés de ses
cris et de ses stériles démonstrations théâ-
trales.
Naples est bondée; elle ne peut plus re-
cueillir personne. Il faut enuaofcr d S1 aptes
nos trains-ambulances et amener à Rome le
plus de monde possible dans nos hôpitaux.
L'officieux Popoh Roinano constate, lui
aussi, la confusion et le désordre. Il con-
clut
Il faut avoir le courage de le dire. En
fait d'organisation, notre pays, probable-
ment à cause de sa génialité, est au dernier
rang du monde.
Une accusation
Rome, 6 janvier.
Le député sicilien, M. Colajanni, prétend
rendre le gouvernement responsable du dé-
sordre qui a suivi le tremblement de terre.
Il a adressé un télégramme conçu en ter-
mes assez vifs à l'amiral Mirabello, minis-
tre de la Marine. Celui-ci lui a répondu qu'il
tenait sa dépêche pour non reçue.
TÉLÉGRAMME OFFICIEL
2,30A personaea sauvées à Messine.
Rome, 6 janvier.
Le général Mazza, commissaire extraor-
dinaire à Messine, télégraphie le 5 janvier,
à M. Giolitti, que les recherches et les fouil-
les continuent afin de retirer les survi-
vants oui
été sauvés. Les probabilités pour qu'on en
trouve encore diminuent chaque jour. Ce-
pendant les fouilles continueront.
On s'occupe activement de retirer et d'in-
humer les morts. Jusqu'ici 2,300 personnes
ont été retirées vivantes. Environ 2,000 ca-
davres ont été ensevelis avec toutes les pré-
cautions nécessaires afin d'éviter les exha-
laisons délétères.
On a pourvu à la nourriture des survi-
vants de Messine et des villages environ-
nants.
On facilite le départ des rescapés, ce qui
est nécessaire, vu la condition dans laquelle
la ville se trouve. Autant que cela a été pos-
sible, on s'est empressé d'organiser tes ser-
vices sanitaires, le ravitaillement, le fonc-
tionnement des postes et télégraphes et
l'éclairage des chemins de fer.
Les communications par voie ferrée avec
Palerme, et par nier avec Naples, sont rêla-
blies.
Du personnel des chemins de fer a été en-
voyé sur la côte de Calabre pour rétablir les
communications par terre avec Naples.
On a commencé à bâtir des baraques le
nombre des abris sera augmenté aussitôt
que possible.
LE MYSTÈRE DE L'IMPASSE ROHSIN
Encore des pistes
qu'il faut abandonner
Le mystère qui continue à planer sur le
drame de l'impasse Ronsin permet aux es-
prits romanesques de donner libre cours à
leur imagination.
Certains ont raconté que, la nuit du cri-
me, des personnages mystérieux, dont une
femme, qui aurait été Mariette Woll'f, étaient
descendus d'une automobile et s'étaient di-
rigés vers la maison du peintre.
D'autres ont prétendu avoir vu un indi-
vidu rôder dans l'impasse et se réfugier, tout
d'un coup, dans la courette du numéro 6.
Nul doute, disait-on, c'étaient les as-
sassins.
M. te juge d'instruction André lui, en dou-
tait mais comme, ainsi que nous l'avons
dit, il tient à véritier tous les renseigne-
ments qui lui sont fournis, il chargea, par
commission rogatoire, le commissaire de
police de Vaugirard d'une enquête.
Il en a reçu hier le résultat. Le voici
Dans la nuit du 30 au 31 mai, une auto-
mobile s'est bien, en effet, arrêtée rue de
Vaugirard, à vingt ou vingt-cinq mètres de
l'impasse Rondin. Cette voiture était un
taxi-auto d'où sont descendus trois hommes
et une femme. C'étaient des imprimeurs et
la femme de l'un d'eux, qui apportaient,
comme tous les samedis, dans lu nuit, la
copaie d'une revue à l'imprimerie de l'im-
passe.
L individu qui s'était « réfugié dans la
courelte du numéro 6 n'est autre que M. Gré-
gortan, artiste peintre, habitant l'impasse.
Pris d'insomnie, il s'élait mis à sa fenêtre,
avait fumé des cigarettes, puis il était allé
vider sa botte à ordures dans la poubelle du
numéro 6.
De minuit un quart à une heure du matin,
NI@ 85. Feuilleton du Petit Parisien.
La Goutte e Sang
GRAND ROMAN INEDIT
QUATRIÈME PARTI»
LE MYSTÈRE DES COEURS
IV (suite)
Valentine embrassa Modeste, pour la cen-
tième fois
Maintenant cest ton tour. Et d'a-
bord. qu est-ce que tu fa.sais sur ce banc
toute seule, sous la pluie?.
Modeste disait
oui, oui, c'esl mon tour de raconter.
Tu crois que tu as été très malheureuse,
n est-ce pasf Eh bien, ce n'est rien, entends-
tu ? Le n est rien. Te souviens-tu des deux
hommes qui nous ont accompagnées en che.
niui de ter, à notre fuite de la Viergette ?
Les frères Sam but.
Te souviens tu de l'épouvante qu'ils
nous ont causée. dans le compartiment où
ils se rapprochaient de ncus, tentement, pour
accomplir un pnjot ministre que noue avions
devmé toutes les deux
Oui, oui je me rappelle.
Te souviens-tu que subitement ils pa-
rur"nt changer d'avis, et nous laissèrent
tranquilles ? Mais à Paris nous les avons re-
trouvé'! et j'eus un pressentiment que je ne
t'ai point caché.
de me rappelle encore. Tu ma dis
Il Cet homme me portera malheur Il
Flélas je ne me trompais pas. C'est
/de lui qu est venu tout le mal. Partout, il
iD'a .poursuivie.
M. Grégorian est resté à sa fenêtre et n'a
rien remarqué d'anormal.
LE PIANO OEJT STEINHEIL
Ayant appris par le Petit Parisien que le
piano à queue de Mme Steinheil se trouvait
depuis le mois d'août dernier chez M. Al-
phonse Mustel, facteur de pianos, 46, rue
de Douai, M. Hamard, chef de la sûreté,
convoqua aussitôt M. Mustel dans son ca-
binet. C'était A f s Vois jours.
Introduit dans le bureau du chef de la
sûreté et questionné par M. Hamard sur
l'interview que nous avons publiée de lui.
M. Mustel se borna à confirmer l'authenti-
cité des déclarations que l'article lui attri
buait.
M Hamard manifesta quelque surprise
d'avoir appris par la voie du journal les re-
lations d amitié étroite qui avaient existé,
huit années durant, entre le facteur de pia-
nos et la veuve tragique, et s'étonna davan-
tage encore que le piano eût été transporté
à son insu à l'endroit où le Petit Parisien
le découvrit.
M. Mustel ayant déclaré au chef de la sû-
reté qu'il n'avait jamais démonté ce piano
pour le visiter, M. Hamard résolut de procé-
der à cette opération, qui constituait par le
fait un complément des perquisitions ef-
fectuées à l'impasse Ronsin et au Vert-Lo-
gis. Rendez-vous fut pris pour hier soir, à
cinq heures, rue de Douai.
Le chef de la sûreté arriva en taxi-auto
»n compagnie de M. Jouin, son secrétaire.
Il se fit aussitôt conduire dans le grand ma-
gasin du rez-de-chaussée, et le piano lui fut
présenté par M. Maurice Galabert, l'un des
professeurs attachés à la maison, qui le dé-
monta, assisté de M. Savoy. Le clavier fut
Tlevé ainsi que le mécanisme. M Hamard
put alors examiner à son aise l'intérieur de
l'instrument. Ayant terminé soi examen,
M. Hamard dicta quelques notes à son secré-
taire puis se fit montrer par M. Mustel le
piano que Mme Steinhel se proposait de
faire transporter impasse Ronsin en échange
de celui qu'elle avait cédé. Ce piano, sur le-
quel la veuve avait joué à différentes repri-
ses fut également examiné.
Avant de se retirer, M. Hamard voulut
bien écouter une audition du concertai que
NI, Mustel organisa à son intention.
nait sur le résultat de sa perquisition, au
moment où il s'apprêtait à regagner le quai
des Orfèvres, M. Hamard répondit
Ma visite n'a pas été inutile.
Le chef de la sûreté ne voulut pas s'expli-
quer davantage. Ses paroles peuvent, néan-
moins, s'interpréter de plusieurs manières:
ou bien la visite du piano lui a permis de
faire quelque intéressante constatation, ou
bien, plus simplement, M. Hamard, qui est
musicien, manifestait ainsi sa satisfaction
d'avoir écouté du Théodore Dubois et du
Guilmant.
A LA SORBONNE
Les Manifestations
contre
Les membres de l'Action française ayant
à leur tête leur chef, M. Pujo, ont encore
tenté, hier après-midi vers cinq heures, de
pénétrer à la Sorbonne, et d'arriver jusqu'à à
l'amphithéâtre Michelet, où professe M.
Thalamas.
Au nombre d'une trentaine ils n'étaient
pas plus le mot d'ordre, parait-il, avait
été mal donné ils arrivèrent à la salle des
Pas-Perdu», et ijs avaient commencé à pous-
ser leursjlHs habituels « Vive le roi A bas
la République A bas Thalamas 1 lorsque
deux gardiens de la paix intervinrent et à
eux seuls réussirent à les expulser.
Le groupe se rendit alors rue des Ecoles
sous les fenêtres de l'amphithéâtre Michelet.
Mais là, dès le premier cripoussé, M. Mar-
chand, officier de paix du douzième arron-
dissement, se précipita et appréhenda lui-
même M. Pujo qu'il fit conduire au poste du
Panthéon.
Une dizaine d'arrestations furent opérées
au même moment.
Les manifestants se dispersèrent- et le cal-
me semblait revenu lorsque soudain une
violente détonation se fit entendre dans la
rue de la Sorbonne en face de l'école des
hautes études sociales.
C'est une bombe, s'écria-t-on de divers
côtés.
Et M. Fauvel donna l'ordre de fermer la
rue aux deux bouts.. MM. Lépine et Touny,
qui arrivaient à ce moment, accoururent
très inquiets.
Ils se rassurèrent bientôt en n'apercevant
aucun blessé.
La bombe n'était en effet. qu'un pétard,
qu'un membre de l'Action française avait,
profitant de l'inattention des agents, allumé
devant l'école des hautes études sociales.
Trois manifestants parmi lesquels se
trouve, croit-on, l'auteur de cette plaisan-
terie, furent arrêtés.
Les prisonniers ont été interrogés par M.
Guernet, commissaire du quartier de la
Sorbonne. Tous ont été remis en liberté.
Des procès-verbaux ont été dressés contre
la plupart d'entre eux.
Ces séries de manifestations, qui se re-
rouvellent d'ailleurs chaque mercredi, corn.
mencent à énerver les étudiants, furieux
de voir leurs cours troublés par des gens
étrangers aux milieux universitaires.
On parle d'un mouvement important de
contre-manifestation et il se pourrait bien
que la prochaine fois les membres de l'Ac-
tion française se trouvassent en présence,
non plus de la police, mais d'étudiants dé-
cidés à obtenir la paix à tout prix.
De sa haine ?. Pourquoi toi, plutôt que
moi
Elle secoua la tête. Elle murmura, très
bas, honteusement
Ce misérable ne me haïssait pas. Il
m'aime 1. Et c'est de son amour odieux
qu'il mî poursuivait.
Valentine tressaillit. Elle serra plas fort
Modeste dans see bras.
Et maintenant elle avait peur d'interroger.
Mais Modeste avait trop souffert, elle avait
trop de désespoir, pour ne point chercher une
confidente. L'affection de Valentine était
sa seule ressource. le port où elle allait
retrouver un peu de calme, après une pa-
reille tempê'«e. Ce qu'elle était pour Valen-
tine, Valentine l'était pour elle. soeur, mère,
amie.
Tu vas entendre des choses infâmes.
Promets-tu que tu m'aimeras toujours?
Uh ma Pirouette, est-ce que tu peux
douter de moi ?
Que rien ne sera changé dans ton af-
fection ?
Elle ne peut diminuer, comme elle ne
peut plus grandir. %lais c'est donc bien
terrible ce que tu vas me raconter?
Terrible, oui écoute plutôt!
Et elle ttt le récit des événements dont elle
avait été victime depuis la soirée où les deux
jeunes filles avaient été séparées boulevard
de Sébastopol.
De temps en temps, elle s'arrêtait. Elle re-
gardait Valentine droit dans les yeux, la
scrutant jusqu au fond de l'àme. Elle était
vite rassurée. Elle trouvait des yeux mouil
lés de pité. une âme attendrie. un doux
sourire qui disait
N'aie donc pas peur.
La nuit passée au poste de la rue des
Prouvaires.
Là journée pnssée au Dépôt.
La nuit de cauchemars, à Saint-Lazare.
Les jours de calme et de travail dans les
ateliers de couture de la rue Royale.
Sa tentative, pour mourir. et son réveil,
dans les couloirs humides et étouffants' de
L'ATTAQUE DU TRAIN 16
illiiel est
prfelesiéii
La seconde audience a été, ainsi qu'on le
verra plus loin, très mauvaise pour les ac-
cusés.
Elle avait attiré encore plus de monde que
la premières. Aussi la galle était-elle archi-
bondée quand les auteurs de l'attaque du
train et leur complice Saffroy sont venu.
prendre place à leur banc.
Avant d'entendre les personnes citées, M.
de Valles, qui a l'intention d'éclaircir la
question d'identité d'Albutet, s'adresse à cet
accusé.
D La nuit porte conseil. Persistez-vous à
nier contre toute évidence que vous n'êtes pas
Mbinet?
R. Je ne puts dire que je suis Albinet. puis-
que je me nomme Louis Leray.
D. Eh bien I c'est ce que nous allons voir.
Et on introduit M. Simon Lavalette, juge
d'instruction à Bourges, qui, en 1897, à la
suite du vol commis à Lamotte Beuvron,
dans le tram 16. eut à enquêter contre Albi-
affimait se nommer Louis Leray.
M. Simon Lavalette n'a aucune hésitation.
Se tournant vers Albinet:
Cet accusé, dit-il, est bien celui qui fut
amené, en 1897, en mon cabinet. Je n'ai au-
cune hésitation. Déjà, en mars, devant M.
Germain, à Etampes. j'avais été forrneL
L'accusé. M. Lavalette est plus catégorique
aujourd'hui qu'il ne i'a été en mars. 11 a hésité.
Le témoin Je n'al pas hésité, j'ai simple-
ment demandé à voir vos mains, car, en 1x97,
j'avais constaté que vous mangiez vos ont;les et
j'ai pu me rendre compte que vous n'aviez pas
perdu celte mauvaise habitude.
M. le Président au témoin). AJblnet ne se
faisait-il pas passer pour un nommé Louis Leray?
Le témoin. En effet.
Albinet Je ne suis pas Leray contre lequel
le témoin a Instruit en t897 Je n'ai rien de com
mun, si ce n'est le nom, avec lui. Quant au véri-
table Albinet, il doit avoir les cheveux blancs eL
la moustache grise à l'heure présente, ce qui
n'est pas mon cas.
Et Albinet affirme que M. Simon Lava-
lette se trompe.
Je le soutiendrai jusqu'à la mort, s'ex-
clame-t-iL Il est victime d'une illusion et
moi d'une ressemblance.
M. Cbarmillon, commis greffier à Bour-
ges, qui assistait M. Simon Lavalette dans
son instruction, est aussi catégorique que
le magistrat pour reconualtre dans le Louis
Leray d'aujourd'hui, ou se prétendant tel,
celui qui, en 1897, fut poursuivi pour un \oi
à main armée de bolles-recettes dans le
train 16, à Lamotte-Beuvron.
Albinet. Je dirai de ce témoin, comme de
l'autre, qu'il est l'objet d'une illusion. Je res-
semble peut-être il. l'Albinet de 18J7, mais je ne
saurais ressembler à l'Albinet actuel, qm est
tout blanc.
M. Labric ne reconnaît pas Albinet
Voici le chef de gare en retraite de Fl-
geac, M. Labric, qui a été convoqué télé-
graphiquement à la demande même d'Al.
binet.
Lui qui a connu le vrai Albinet quand
il était jeune, puisqu'il est de ce pays, peut
dire si c'est moi, déclare l'accusé.
,NI. Labric, après avoir longuement consi-
déré Albinet, dépose au milieu d'un profond
silence
Il y a quinze ans que je n'ai vu Albi-
net. Je ne puis pas, consciencieusement,
dire que l'accusé ici présent soit lui.
Le témoin ne reconnalt pas davantage sa
voix Cependant il a eu, pendant plusieurs
années, le jeune Albinet, le véritable, sous
ses ordres.
Ce témoignage est évidemment des plus
favorables à Albinet, mais suffira-t-il à lui
seul pour contrebalancer tous les autres ?
M. Charruel, restaurateur-hôtelier, à
Ftampes, qui lui succède à la barre, dit
avoir reçu chez lui, le 20 novembre 1907,
trois individus qui s'inscrivirent sur son
registre sous les taux noms de Paul Dubois,
Louis Fournier et Léon Mescudier. Il est
très catégorique.
Je reconnais très bien le premier de
ces accusés, Albinet, dit-il, mais pas les
autres.
M. le Président. Vous êtes un honnête
homme vous ne voudriez pas entraîner la con-
damnation d'un accusé en affirmant une chose
dont vous n'êtes pas sûr.
M Charruel. Oh I je ne me trompe pas J'ai
reconnu déjà à deux reprises le premier des ac-
cusés, non seulement à son physique, mais à sa
voix. Je ne dis pas que ce soit un voleur ou un
assassin, je dis seulement qu'il est venu chez
moi le 20 novembre.
L'avis du docteur Vallon sur Roche
6I. le docteur Vallon, directeur de l'asile
Sainte-Anne, fut chargé d'examiner, avec
M- le docteur Vigouruux, l'accusé Roche.
C'est. estime-t-il, un simulateur. Il se borne A
dire des absurdités. Il m'a notamment raconté
qu'on lui avait coupé la tête, qu'on l avait ensuite
rr ise dans un canon et lancée comme un boulet. A
mon collègue Vigouroux, il a dit « Ah je vous
reconnais Mon, vous êtes ma mère. A moi-même,
il a soutenu d'abord que j'étais !e président Car-
not, puis son père et enfin son grand-père.
Si. ajoute M. Vallon, son état morbide était
vrai. il aurait des manifestations physiques or,
cela fait complément défaut chez lui.
Ainsi, à l'inverse des hallucinés dont les crises
se produisent la nuit, il dort profondément sans
le secours de médicaments. Toutefois, à l'en
croire, il y aurait des tares dans sa famille. Plu-
sieurs de ses frères et sœurs (il en eut dix) se-
raient morts jeunes. L'un même serait venu au
monde avec deux têtes.
l'ancienne champignonnière. aux prises
avec Coribasse.
Les affres de la solitude et de l'épouvante,
sous la menace du bandit, et dans l'attente
du crime qu'il projetait sur elle.
L'intervention des amis de Mirador.
La fuite, grâce à Denis.
Et l'espérance, alors, l'espérance enfin
revenue que tout cela allait finir. et que
la vie allait commencer pour elle où elle ne
se sentirait plus l'esclave de cet homme.
Puis, le piège de la rue des Peupliers.
Quand Modeste en fut là de son récit, elle
garda le silence.
Tout son courage s'envolait. C'était trop
triste. Elle ne pourrait jamais.
Et ValeUine, devant ce visage qui sou-
dain se creusa d'une fatigue intense, et oes
yeux qui s'assombrirent devant le déses-
poir qui envahit ces traits.. Valentine, elle-
même. n'osa plus interroger, craignant
d'apprendre.
Elle murmura, en appuyant la tête sur
l'épaule de son amie
Oh Modeste Modeste
Les paupières de la pauvre fille se rele-
vèrent lourdement. Une folie passa dans
son regard. Un sanglot tordit ses lèvres..
Valentine crut qu'elle allait parler encore,
achever ce récit.
Elle lui mit la main sur la bouche.
Tais-toi tais-toi 1 Je ne veux plus rien
apprendre
Ce fui un silence très long.
Ces deux cœurs battaient à l'unisson,
aussi fortement, aussi douloureusement.
Ce fut Modeste qui reprit
Sais-tu, quand nous nous sommes ren-
conlrées, ce que j'allais faire ?.. Tu me de-
mandais tout à l'heure à quoi je sôn'geais,
sur ce banc.
Tu voulais mourir!
Je serais morte. si tu n'étais pas ve-
nne. Et maintenant, j'ai presque regret de
t'avoir revue Pourquoi as-tu reparu <^ans
ma vie. Valentine ? Pourquoi ne m'a6-Hn,pas
laissée an sort qui m'attendait?. ESt-ce
Le témoin croit que Roche est un dégénéré
dont la responsabilité doit être considérée
comme atténuée.
On entend M. Roche père.
Le pauvre homme vient s'efforcer d'atti-
rer la commisération sur son enfant.
Tout petit, déclare-t-il il a donné des preuves
de démence. D'ailleurs, beaucoup de mes enfants
sont nés avec des tares.
Il demande l'indulgence et s'éloigne en
pleurant.
Le chef de train dépose
Nous arrivons à la sensationnelle déposi-
tion du chef de train Taldir.
Il la fait avec beaucoup d'émotion et un
tremblement de la voix.
Je venais, déclare-t-il, vers quatre heures du
matin, de faire le classement, quand l'entendis du
bruit sur le marchepied du fourgon. J'entrouvris
et passai la tête pour voir. J'aperçus alors deux
individus, un de chaque côté, qui me dirent
« Laisse-nous entrer ou nous te brûlons la cer-
velle »
Au premier qui s'avança je flanquai un coup de
pied en pteine poitrine. J'aurais bien voulu le dé-
gringoler (sensation), mais il se «Tcunponnrt et
rie lâcha pas prise. A ce moment, j'essuyai un
coup de feu du second. Si je n'avais pas levé le
bras, la balle m'aurait frappé en pleine tête Une
seconde détonation retentit, mais je ne fus pas
atteint. Je réussis à rabattre le robinet des freins
et le train stoppa.
Aussitôt, je criai « Au voleur 1 à l'assassin ».
mais ;e restai dans mon fourgon pour surveiller
les caisses, tandis que le conducteur, au risque
d'être tué par les assaillants, allait couvrir le
train. Deux express nous succédaient à peu d'in-
tervalle.
M. de Valles rend hommage à l'esprit de
discipline qui règne parmi tes employés du
chemin de fer et à leur courage, et deman-
de au témoin s'il reconnaît les accusés.
M. Taldir est convaincu que celui qui est
entré le premier dans son fourgon est AI-
binet.
Il ne saurait préciser pour les autres, ni
dire qui a fait feu sur lui.
L'homme d'équipe Féline fait une décla-
ration identique. On sait qu'il fut atteint
dans les reins par un projectile. C'est lui qui
courut, le premier, aux freins et réussit à
faire ralentir la marche du train. Il ne sau-
rait reconnaître les accusés, car, dans la
rapidité de l'attaque, il n'eut pas le loisir
de les examiner.
Il est félicité par le président.
Le conducteur Thomas Delevard,' dn
train 16, fut, quand il allait couvrir son
train, menacé d'un revolver par l'un des
assaillants.
C est ce même bandit qui tira sur les
voyageurs.
il me semble, précise le témoin, que celui qui
m'a menacé est le premier de ces accusés Albi-
net. Il avait une sacoche.
Or, on sait qu*Albinet portait un sac de
cuir.
De même que ses collègiies, le conducteur
Thomas Delevard est l'objet des éloges du
président. Il le mérite, car grâce à sa pré-
sence d'esprit il a peut-être évité une col-
lision.
Le garde-frein Louis Charost raconte, à
son tour, le coup de main du 22 novembre.
Les pièces à conviction
M. Grégoire, surveillant à la gare d'E-
tampes a vu, à trois reprises, les accusés
et, en dernier lieu, le soir de l'attentat.
C'est Albinet, dit-il, qui prit les tickets.
Il reconnaît bien ce dernier mais, déclare-
t-il il était habillé différemment. Signe par-
ticulier il portait une sacoche.
On ouvre la caisse des pièces il. convic-
tion d'où l'on sort la fameuse sacoche, une
valise, un revolver, une botte de cartou-
ches, un bec de cane pour ouvrir les four-
gons.
Cet outil, précise le chef de train, n'appartient
pas à la compagnie. Il a été fabriqué.
Il fut trouvé, en effet, dans une poche
d'Albinet avec un autre plus petit destiné à
ouvrir les caisses-recettes.
L'audition des témoins reprend.
Mme Charruel, femme de l'aubergiste
d'Etampes, reconnaît, elle aussi, Albinet.
C'est lui, déclare-t-elle, qui signa le pre-
mier sur le registre. Il portait une sacoche.
Mlle Chassamg, servante des époux Char-
ruel, à Etampes, reconnaît les trois acueés.
qu'elle avait servis. Même affirmation de
M. Coman, client de l'hôtel, à l'égard d'Al-
binet.
La cicatrice accusatrice
Une déposition saisissante, capitale, va
se produire.
Le gardien-chef, Joseph Bernard, qui fut
autrefois à la prison de Bourges, est en-
tendu.
Il déclare
En étant à Bourges, j'ai reçu deux pri-
sonniers l'un était Albinet, l'autre un nommé
Gauthier.
Ils étaient accusés d'avoir commis un vol à
Lainotte-BQuyron dans le fourgon-poste du train
16. J'eus mission de les garder jusqu'à leur trans-
fert a Saint-Martin-de-Rê, après leur condam-
nation.
J'affirme que le premier des accusés assis au-
ourd'hui sur ce banc est bien Albinet, celui dont
j'ai eu la surveillance. (Vive sensation.)
Et comme M. Bernard ne veut qu'aucun
doute puisse planer à cet égard il précise.
Il y a un moyen bien simple de contrôler ce
que je dis.
Gauthier était blessé au menton et Albinet au
cuir chevelu. Il doit porter encore à la naissance
des cheveux la cicatrice de cette plaie.
Cette révélation soudaine cause une pro-
fonde émotion.
M. le président de Valles donne l'ordre
aux gendarmes de faire descendre l'accusé
dans le prétoire afin de le soumettre à un
examen, à une vérification.
M. Bernard passe la main sur le front de
l'accusé et tandis que tous les assistants im-
patients ont les regards fixés sur lui il dit
Voilà la cicatrice en question 1 Et il l'in-
que je peux vivre avec le souvenir. avec
cette honte. avec cette abomination?
Que parles-tu de honte? De quoi es-tu
coupable ? Tu vivras parce que je le veux,
parce que nous le voudrons tous. Tu vi-
vras parce qu'on t'aime 1.
Ces douces paroles firent déborder le trop
plein de ce cœur. Modeste pteura, pleura
avec des sanglots nerveux, pleura contre Va-
lentine etsoue ses caresses de sœur.
Et cela fut un soulagement.
Le désespoir existait toujours, il était
moins aigu.
tl faisait presque jour quand elles s'endor-
mirent, harassées par tant d'émotions.
Lorsque Valentine rouvrit les yeux, Mo-
deste était réveillée depuis longtemps et.
soulevée sur le coude, regardait dormir son
amie.
Elles se sourirent
Pourtant, comme autrefois, le prohli,me de
la vie à vivre se posait toujours devant el-
les.
Mais avant tout, avant même d'y penser,
Modeste avait un devoir à remplir.
Et ce devoir s'accordait avec le désir de se
venger de Coribasse.
Elle voulait remettre entre tes mains de
Mirador le document que Denis lui avait li-
vré la preuve de ce meurtre commis sur Ri-
chard, de cet autra meurtre commis sur Jar-
Moles: l'aveu de tout le pgssé.
Et alors, une question troublante
La veille, elle avait vu Mirador au mo-
ment où 0 roulait inanimé sur la chaussée
de la rue des Peupliers.
Etait-il mort ?.. Son cœur se serra, à cette
pensée..
Quelque jour l'officier elle le savait
ne se réveillerait pas de sa syncope et douce-
ment. sans s'en apercevoir, descendrait dans
la mort.
La catastrophe était-elle survenue ?
A quoi réves-tu ? demandait Valentine.
Elle le dit.
Le plus simple, c'est de nous rer.dre rue
de Lisbonne. Là. nous saurons tout.
dique aux jurés. Ce témoignage est écra-
sant.
Albinet sentant sa situation définitivement
compromise cherche à atténuer le mauvais
effet produit. Il proteste et déclare et Cette
cicatrice, je ne la nie pas, mais céda ne
plouve pas que je sois Albinet. Il y en a
d'autres qui ont des cicatrices au front.
Puis il laisse entendre que le témoin a lu
cette particularité sur sa fiche anthropomé-
trique qui fut communiquée dans toutes les
prisons de France.
C'est au tour de M. Bernard de protester
« Je n'ai jamais vu la fiche d'Albinet. Je ne
m'en rapporte qu'à mes propres souvenirs.»
Sa déposition est d ailleurs confirmée en
tous points par celle de son ancien collègue
Authler.
Le jeune détenu Durez
A signaler encore comme très démonstra-
tive la déposition du jeune Duros, détenu en
correction, avec lequel Albinet avait entamé
des pourparler; en vue d'une première expé-
dition à laquelle devaient participer Rouilly
et Jezupret
Ceux-ci se dérobèrent an dernier moment.
Toutefois Rouilly s'était fait payer par Albi-
net un vêtement complet comme acompte.
Duros fournit des détails très précis sur
les circonstances dans lesquelles il connut
Albinet, sur les rendez-vous qu'ils eurent
ensemble, sur ce qui fut décidé entre eux,
sur le refus de Jezupret et enfin sur l'embau-
chage de Morin pour le remplacer.
Naturellement, les accusés nient et accu-
sent ce jeune garçon de mensonge. Ils afflr
ment ne pas le connaître, ne l'avoir ja-
mais vu.
Mais ses déclarations sont corroborées par
celles de diverses autres personnes, notam-
ment du contrôleur de la gare des Aubraia,
M. Sinel, qui verbalisa contre Rouilly. Du-
ros et Albinet.
Ce témoin est très catégorique, lui aussi,
A l'encontre de ce dernier.
Alhinet, dit-il, faisait partie de ce trio. Cest le
seul que je reconnaisse, mais je n'ai pas de doute
il cet égard.
L'accusé, visiblement nerveux, exaspéré,
a des yeux qui lancent du feu. S'il tenait les
témoins, ceux-ci passeraient un mauvais mo-
ment
Il s'écrie « C'est invraisemblable, cet
acharnement contre moi 1 J'en suis suffo-
qué 1
Cela s'explique, dit le président, car depuis ce
matin, nombreux sont ceux qui vous recon-
naissent.
Après la déposition de M. Bouillet, sous-
chef de gare aux Aubrais, qui reconnaît, lui
aussi, Albinet pour le voyageur contre qui
il dut verbaliser. L'audience est levée.
CHASSE PnfSTIiENTIEIXK
Le Président de la République, accompagné
par le colonel Lasson, a quitté Paris hier matin
pour se rendre à Marly, où il est allé cha&ber
avec quelques amis,
LA GALETTE DES ROIS
Décidément, rien ne prévaut contre la tradi-
tion. Et c'est heureux
Les Parisiens ne se consoleraient point de la
suppression de La galette des rois, appétissante,
croustillante, que tes boulangers leur offraieat,
de temps immémorial, en manière d'étrennes.
L'an dernier, invoquant les charges nouvelles
et notamment l'application du repos hebdc-
madaire dans les fournils, la chambre syndi-
cale de la boulangerie avait décidé de supprimer
la galette de's rois.
Ce fut là une grosse déception, si grosse même
que les boulangers n'ont point voulu pour la
plupart renouveler la tentative.
Les « porteuses y trouveront leur profit, et
ce sera justice 1 Les rude's travailleuses tôt le-
vées, qui chaque jour, sans relâche, gravissent
mille étages pour livrer notre pain quoüdien, bé-
néficiaient de largesses provoquées par l'offre de
la mirifique galette.
Les salaires ne sont pas'gros, en revanche, les
temps bien durs et l'hiver bien rigoureux
RÉCEPTION A L'ACADÉMIE
C'est aujourd'hui que l'Académie française re-
cevra M. Francis Charmes, élu en remplacement
de M. Berthelot.
La réponse au discours du nouvel académicien
sera faite par M. Henry Houssaye.
LA SANTÉ DE M. REYER
On annonce que l'état de santé de M Reyer
inspire d'assez vives inquiétudes à l'entourage
du célèbre musicien, actuellement en villégiature
dans sa propriété du Lavandou.
LE MUSÉE Du SOIR
La conférence d'inauguration du musée du
soir, au petit Palais, sera faite demain vendredi,
à huit heures et demie, par M. Georges Lecomte,
président de la Société des gens de lettres.
L'entrée du musée du soir est sur le cours la
Reine, à l'angle de l'avenue Alexandre III.
Les collections Dutuit seront ouvertes gratui-
tement au public les mardi et vendredi soir de
chaque semaine, de huit heures à dix heures, du
5 janvier jusqu'à tin mai.
LES INCIDENTS DU QUARTIER LATIN
M. Doumergue recevra ce matin, à dix heures
et demie, la délégation des étudiants en méde-
cine de première et de deuxième année.
MOT DE LA FIN
Quand aurons-nous des chiens de police?
L'administration nous en promet.
Qu'elle se hâte un bon chien vaut mieux
que deux tu l'auras.
Je n'ose pas. j'ai peur d'apprendre
qu'il est mort. Et, e il vivait, j'ai peur de
me retrouver devant lui.
Veux tu que j'y aille à ta place?
Modeste hésita longtemps, en proie de
douloureuses incertitudes.
Non. Viens 1. Il faut que je me ven-
ge. Il m'y aidera. Et s'il est mort, je me
vengerai, seule.
Elles s'habillèrent Elle.s s'employèrent
toutes deux à réparer la toilette de Valen-
tine, après quoi, ayant retena et payé leur
chambre d'avance puur la nuit prochaine.
sur ce qui restait des cent sous ds la blague
en argent, elles entrèrent chez un toulanger
du boulevard Magenta, achetèrent deux
croissante et, en les grignotant pour faire du-
rer longtemps leur plaisir, elles s'acheminè-
rent vers la rue de Lisbonne. en se tenant
par le bras.
Elles ne parlaient pas. Elles étaient trop
émues de la démarche qu elles tentaient.
trop inquiètes, surtout, de la nouvelle qu'el-
les redoutaient De temps à autre, Valentine
regardait son amie à la dérobée. Il était vi-
sible que Modeste traversait une crise de
souffrances aiguës. Tantôt son visage était
pâle. tantôt tes joues se couvraient de rou-
geurs ardentes. Parfois, elle marchait très
vite, sous l'action des tempêtes intimes qui
la bouleversaient. tantôt elle ralentissait sa
marche et même s'arrêtait, sans remarquer
aon amie, sans faire attention à elle, 1 ou-
bliant tout à fait.
Valentine devinait cette détresse. Elle en
souffrait autant que Modeste.
Rue de Lisbonne, devant la maison de Mi-
rador, elles furent reprises du même effroi..
Est-ce qu'il y avait uu mort dans la mai-
son ?
Elles n'osaient le demander.
Valentine s'enhardit, entra chez le con-
cierge.
Hors de la loge, tout contre le seuil, assez
près pour entendre, Modeste comprimait de
ses deux mains jointes «les tressautements
LES NOUVEAUX CONSEILLERS PWHOMKES
tatitiire des juges-ouvriers
Mlle Josre jyréie serment
C'est chose aujourd'hui faite les nou-
veaux cunseiliers prud'hommes ouvriers des
cmq 6ectiuns de la Seine, avant de prendre
possession de leur siège, ont été déléréa
au sernlent ».
Les élus ceux du moins dont la nomi-
nation n a point été lobjet d'une contesta-
tion avaient été convoqués, hier, à midi,
à la première chambre du trihunal civil de
la Seine
Mile Jusselin
Toutefois, un certain nombre d'entre eux,
n ayant pas élé touchés en temps opportun,
n'ont pu répondre à l'appel de leur nom
ils seront convoqués à nouveau, sans doute
en même temps que ceux de leurs cam<»«
rades dont l'élection a été validée, ce qut
est par exemple le cas de MM Oret, un des
blessés de Draveit, Prutat, Baladier, Charw
lier, etc.
A midi précis, M. le président Ditte fai-
sait son enlrée dans la salle d'audience et
invitail le greffier à donner lecture du ré-
sultat des élections prud homaies des 29 no-
vemnre et 6 décembre derniers
Cette nomenclature achevée, M. Ditte Il.
sait à haute voix la formule du serment
auquel sont déferés les conseillers prud*
hommes, formule modermsée par la loi du
27 mars 1907, résumée en quelques mots
Je jure de- ra&iplir mes. devoirs avec
zèle et intégrité et de garder le secret des
délibérations »
Les conseillers prud'hnmmes, appelés à
tour de rôle, défilent à la barre, et, la main
droite levée, disent Il Je le lure Il
Le président aussitôt prend acte, en ajou-
tant ci A prêté serment
La grande médaille d'argent il J'effigie de
la République, insigne spécial des- juge" pru-
d'hommes, patrons et ouvriers, ;jni. pendant
:es audiences publiques et privées, se por-
tait sur la poitrine, un large ruban de moire
rioire, a été remplacée par une médaille de
rr.cdule réduit, s'attachant à la boutonnière
à l'aide d'un ruban reuge et bleu, couleurs
de la Ville de Paris.
La médaille des conseillers prud'hommes
Parmi les conseillers prud'hommes, adrms
A la prestation du serment, se trouvait et
c'était là une nouveauté puisque les femmes
n'étaient point jusqu'alors éligible« Mlle
Jusselin, secrétaire du syndicat des cnutu-
rières-lingères, nommée au premier tour d9,
scrutin.
Très élégante, dans un cosiume tailipiir
noir d'une coupe sohre et sévère, coiffée
d'une toque de fourrure avec a'grette de plu-
mes, Mlle Jusselin s'est avancée sans em-
barras jusqu'à la barre et, sur t'invitation
de M le président Ditte, a répété la formule
consacrée.
Le départ de la jeune femme, mêlée aux
autres conseillers prud'hommes, a passé
presque inaperçu.
Nous auriuns voulu recueillir les impres-
sionq de ltlle lusselin, en cette journée mé-
rr.qrabl'î, mais la première prud femme dé-
daigne la publicité
J'ai fait serment de remplir mes de-
voirs avec zele 2t intégrité d'être discrète
aussi. Je m'efforcerai de prouver que les
femmes sont capables de tenir un tel se--
ment, et aussi qu'elles sont susceptibles d'a-
voir, à l'occasion, toutes les qualités qua
sattribuaient jusqu'à présent les hommes.
Valentine questionnait le concierge
M. Mirador est-il chez lui ?
Entre cette demande et la réponse, com-
bien de temps se passa-t-ii Une seconde
peut-être. le temps pour le concierge de
dévisager cette jolie ftlle si pauvrement mise,
et cette autre, là-bas, qui se cache.. deux
aventurières ? deux mendiantes?. On était
bien obligé d'être sur see gardes rue de Lis-
bonne, en ce qui concernait Mirador, depuis
ta tentative d'assassinat de Juiot et da
Dédé.
Cette seconde, pour Modeste, fut longue
comme des siècles.
Il est chez luîFmais on ne peut pas la
voir.
Il est malade
Il l'a été. Hier. on l'a rapporté comme
mort. Il va mieux Il est sauvé, encore une
fois. Je dis ça parce que paraîtrait qu un
jour ou 1 autre ça reviendra.
Valentine insista.
S'il pouvait nous recevoir sans tatigue
Je suis sOre qu'en lui faisant passer nos
noms Valentme et Modeste. il nous ferait
monter tout de suite.
Le concierge se pencha. II reconnaissait
Modeste.
Mais, mademoiselle est de la maison.
Y a pas de doute qu'on vous reçoive.
Il alla jusquau téléphone de sa loge. ap-
puya sur un bouton. Lne sonnerie répondit
C'est vous, monsieur Bouturt Bon.
C'est des jeunes filles qui réclament \1 on-
sieur Valentine et Modeste, quelles s ap-
pellent. Hein ? Qu'elles montent tout de
suite?. Oui. entendu.. Les voila, les voilà
qui viennent, monsleur Buitort. C'est pas
ta pene de me dire des injures
Déjà les jeunes lilles étaient dans l'esca-
lier.
'A suivre.) JULES Mabt.
Traduction et reprodnction formellement Interdites.
Published 7 of January t9nA Privilège of copy-
rlgtv n the l mied staies resei-ved under Um Ml
apï>rt»ëd march 3 IBOô. Dy Jules MarJ.
Le Petit Parisien.
que nous avait confiées la munàcipalite de
Home. Mais il qui? De quelle manière?
Quelles garanties avions-nous ?
D'ailleurs le désastre est tellement im-
mense que l'argent ne représente plus rien
là-bas où on ne peut rien se procurer.
-Il faut du pain, des vêtements, des cou-
vertures et construire des abris.
.Sous sommes rerenus d'abord Naptes.
Celle ville regorge de malades, de fuyards.
La population est admirable de déroue-
ment, de générosité, d'abnégation, mais dit
M Rossi, les ltafiens ne savent rien orga-
niser, rien préparer.
Les blessés ont été débarqués, transportés
aox hôpitaux au milieu d'un désurdre ferrt-
fiant. Il n'y avait pas de voitures, pas de
brancardfers; rien, ricn!
La foule des curieux envahissatt les débar-
cndères, nous étoulfail presque et assour-
dissait fes malheureux rescapés de ses
cris et de ses stériles démonstrations théâ-
trales.
Naples est bondée; elle ne peut plus re-
cueillir personne. Il faut enuaofcr d S1 aptes
nos trains-ambulances et amener à Rome le
plus de monde possible dans nos hôpitaux.
L'officieux Popoh Roinano constate, lui
aussi, la confusion et le désordre. Il con-
clut
Il faut avoir le courage de le dire. En
fait d'organisation, notre pays, probable-
ment à cause de sa génialité, est au dernier
rang du monde.
Une accusation
Rome, 6 janvier.
Le député sicilien, M. Colajanni, prétend
rendre le gouvernement responsable du dé-
sordre qui a suivi le tremblement de terre.
Il a adressé un télégramme conçu en ter-
mes assez vifs à l'amiral Mirabello, minis-
tre de la Marine. Celui-ci lui a répondu qu'il
tenait sa dépêche pour non reçue.
TÉLÉGRAMME OFFICIEL
2,30A personaea sauvées à Messine.
Rome, 6 janvier.
Le général Mazza, commissaire extraor-
dinaire à Messine, télégraphie le 5 janvier,
à M. Giolitti, que les recherches et les fouil-
les continuent afin de retirer les survi-
vants oui
été sauvés. Les probabilités pour qu'on en
trouve encore diminuent chaque jour. Ce-
pendant les fouilles continueront.
On s'occupe activement de retirer et d'in-
humer les morts. Jusqu'ici 2,300 personnes
ont été retirées vivantes. Environ 2,000 ca-
davres ont été ensevelis avec toutes les pré-
cautions nécessaires afin d'éviter les exha-
laisons délétères.
On a pourvu à la nourriture des survi-
vants de Messine et des villages environ-
nants.
On facilite le départ des rescapés, ce qui
est nécessaire, vu la condition dans laquelle
la ville se trouve. Autant que cela a été pos-
sible, on s'est empressé d'organiser tes ser-
vices sanitaires, le ravitaillement, le fonc-
tionnement des postes et télégraphes et
l'éclairage des chemins de fer.
Les communications par voie ferrée avec
Palerme, et par nier avec Naples, sont rêla-
blies.
Du personnel des chemins de fer a été en-
voyé sur la côte de Calabre pour rétablir les
communications par terre avec Naples.
On a commencé à bâtir des baraques le
nombre des abris sera augmenté aussitôt
que possible.
LE MYSTÈRE DE L'IMPASSE ROHSIN
Encore des pistes
qu'il faut abandonner
Le mystère qui continue à planer sur le
drame de l'impasse Ronsin permet aux es-
prits romanesques de donner libre cours à
leur imagination.
Certains ont raconté que, la nuit du cri-
me, des personnages mystérieux, dont une
femme, qui aurait été Mariette Woll'f, étaient
descendus d'une automobile et s'étaient di-
rigés vers la maison du peintre.
D'autres ont prétendu avoir vu un indi-
vidu rôder dans l'impasse et se réfugier, tout
d'un coup, dans la courette du numéro 6.
Nul doute, disait-on, c'étaient les as-
sassins.
M. te juge d'instruction André lui, en dou-
tait mais comme, ainsi que nous l'avons
dit, il tient à véritier tous les renseigne-
ments qui lui sont fournis, il chargea, par
commission rogatoire, le commissaire de
police de Vaugirard d'une enquête.
Il en a reçu hier le résultat. Le voici
Dans la nuit du 30 au 31 mai, une auto-
mobile s'est bien, en effet, arrêtée rue de
Vaugirard, à vingt ou vingt-cinq mètres de
l'impasse Rondin. Cette voiture était un
taxi-auto d'où sont descendus trois hommes
et une femme. C'étaient des imprimeurs et
la femme de l'un d'eux, qui apportaient,
comme tous les samedis, dans lu nuit, la
copaie d'une revue à l'imprimerie de l'im-
passe.
L individu qui s'était « réfugié dans la
courelte du numéro 6 n'est autre que M. Gré-
gortan, artiste peintre, habitant l'impasse.
Pris d'insomnie, il s'élait mis à sa fenêtre,
avait fumé des cigarettes, puis il était allé
vider sa botte à ordures dans la poubelle du
numéro 6.
De minuit un quart à une heure du matin,
NI@ 85. Feuilleton du Petit Parisien.
La Goutte e Sang
GRAND ROMAN INEDIT
QUATRIÈME PARTI»
LE MYSTÈRE DES COEURS
IV (suite)
Valentine embrassa Modeste, pour la cen-
tième fois
Maintenant cest ton tour. Et d'a-
bord. qu est-ce que tu fa.sais sur ce banc
toute seule, sous la pluie?.
Modeste disait
oui, oui, c'esl mon tour de raconter.
Tu crois que tu as été très malheureuse,
n est-ce pasf Eh bien, ce n'est rien, entends-
tu ? Le n est rien. Te souviens-tu des deux
hommes qui nous ont accompagnées en che.
niui de ter, à notre fuite de la Viergette ?
Les frères Sam but.
Te souviens tu de l'épouvante qu'ils
nous ont causée. dans le compartiment où
ils se rapprochaient de ncus, tentement, pour
accomplir un pnjot ministre que noue avions
devmé toutes les deux
Oui, oui je me rappelle.
Te souviens-tu que subitement ils pa-
rur"nt changer d'avis, et nous laissèrent
tranquilles ? Mais à Paris nous les avons re-
trouvé'! et j'eus un pressentiment que je ne
t'ai point caché.
de me rappelle encore. Tu ma dis
Il Cet homme me portera malheur Il
Flélas je ne me trompais pas. C'est
/de lui qu est venu tout le mal. Partout, il
iD'a .poursuivie.
M. Grégorian est resté à sa fenêtre et n'a
rien remarqué d'anormal.
LE PIANO OEJT STEINHEIL
Ayant appris par le Petit Parisien que le
piano à queue de Mme Steinheil se trouvait
depuis le mois d'août dernier chez M. Al-
phonse Mustel, facteur de pianos, 46, rue
de Douai, M. Hamard, chef de la sûreté,
convoqua aussitôt M. Mustel dans son ca-
binet. C'était A f s Vois jours.
Introduit dans le bureau du chef de la
sûreté et questionné par M. Hamard sur
l'interview que nous avons publiée de lui.
M. Mustel se borna à confirmer l'authenti-
cité des déclarations que l'article lui attri
buait.
M Hamard manifesta quelque surprise
d'avoir appris par la voie du journal les re-
lations d amitié étroite qui avaient existé,
huit années durant, entre le facteur de pia-
nos et la veuve tragique, et s'étonna davan-
tage encore que le piano eût été transporté
à son insu à l'endroit où le Petit Parisien
le découvrit.
M. Mustel ayant déclaré au chef de la sû-
reté qu'il n'avait jamais démonté ce piano
pour le visiter, M. Hamard résolut de procé-
der à cette opération, qui constituait par le
fait un complément des perquisitions ef-
fectuées à l'impasse Ronsin et au Vert-Lo-
gis. Rendez-vous fut pris pour hier soir, à
cinq heures, rue de Douai.
Le chef de la sûreté arriva en taxi-auto
»n compagnie de M. Jouin, son secrétaire.
Il se fit aussitôt conduire dans le grand ma-
gasin du rez-de-chaussée, et le piano lui fut
présenté par M. Maurice Galabert, l'un des
professeurs attachés à la maison, qui le dé-
monta, assisté de M. Savoy. Le clavier fut
Tlevé ainsi que le mécanisme. M Hamard
put alors examiner à son aise l'intérieur de
l'instrument. Ayant terminé soi examen,
M. Hamard dicta quelques notes à son secré-
taire puis se fit montrer par M. Mustel le
piano que Mme Steinhel se proposait de
faire transporter impasse Ronsin en échange
de celui qu'elle avait cédé. Ce piano, sur le-
quel la veuve avait joué à différentes repri-
ses fut également examiné.
Avant de se retirer, M. Hamard voulut
bien écouter une audition du concertai que
NI, Mustel organisa à son intention.
nait sur le résultat de sa perquisition, au
moment où il s'apprêtait à regagner le quai
des Orfèvres, M. Hamard répondit
Ma visite n'a pas été inutile.
Le chef de la sûreté ne voulut pas s'expli-
quer davantage. Ses paroles peuvent, néan-
moins, s'interpréter de plusieurs manières:
ou bien la visite du piano lui a permis de
faire quelque intéressante constatation, ou
bien, plus simplement, M. Hamard, qui est
musicien, manifestait ainsi sa satisfaction
d'avoir écouté du Théodore Dubois et du
Guilmant.
A LA SORBONNE
Les Manifestations
contre
Les membres de l'Action française ayant
à leur tête leur chef, M. Pujo, ont encore
tenté, hier après-midi vers cinq heures, de
pénétrer à la Sorbonne, et d'arriver jusqu'à à
l'amphithéâtre Michelet, où professe M.
Thalamas.
Au nombre d'une trentaine ils n'étaient
pas plus le mot d'ordre, parait-il, avait
été mal donné ils arrivèrent à la salle des
Pas-Perdu», et ijs avaient commencé à pous-
ser leursjlHs habituels « Vive le roi A bas
la République A bas Thalamas 1 lorsque
deux gardiens de la paix intervinrent et à
eux seuls réussirent à les expulser.
Le groupe se rendit alors rue des Ecoles
sous les fenêtres de l'amphithéâtre Michelet.
Mais là, dès le premier cripoussé, M. Mar-
chand, officier de paix du douzième arron-
dissement, se précipita et appréhenda lui-
même M. Pujo qu'il fit conduire au poste du
Panthéon.
Une dizaine d'arrestations furent opérées
au même moment.
Les manifestants se dispersèrent- et le cal-
me semblait revenu lorsque soudain une
violente détonation se fit entendre dans la
rue de la Sorbonne en face de l'école des
hautes études sociales.
C'est une bombe, s'écria-t-on de divers
côtés.
Et M. Fauvel donna l'ordre de fermer la
rue aux deux bouts.. MM. Lépine et Touny,
qui arrivaient à ce moment, accoururent
très inquiets.
Ils se rassurèrent bientôt en n'apercevant
aucun blessé.
La bombe n'était en effet. qu'un pétard,
qu'un membre de l'Action française avait,
profitant de l'inattention des agents, allumé
devant l'école des hautes études sociales.
Trois manifestants parmi lesquels se
trouve, croit-on, l'auteur de cette plaisan-
terie, furent arrêtés.
Les prisonniers ont été interrogés par M.
Guernet, commissaire du quartier de la
Sorbonne. Tous ont été remis en liberté.
Des procès-verbaux ont été dressés contre
la plupart d'entre eux.
Ces séries de manifestations, qui se re-
rouvellent d'ailleurs chaque mercredi, corn.
mencent à énerver les étudiants, furieux
de voir leurs cours troublés par des gens
étrangers aux milieux universitaires.
On parle d'un mouvement important de
contre-manifestation et il se pourrait bien
que la prochaine fois les membres de l'Ac-
tion française se trouvassent en présence,
non plus de la police, mais d'étudiants dé-
cidés à obtenir la paix à tout prix.
De sa haine ?. Pourquoi toi, plutôt que
moi
Elle secoua la tête. Elle murmura, très
bas, honteusement
Ce misérable ne me haïssait pas. Il
m'aime 1. Et c'est de son amour odieux
qu'il mî poursuivait.
Valentine tressaillit. Elle serra plas fort
Modeste dans see bras.
Et maintenant elle avait peur d'interroger.
Mais Modeste avait trop souffert, elle avait
trop de désespoir, pour ne point chercher une
confidente. L'affection de Valentine était
sa seule ressource. le port où elle allait
retrouver un peu de calme, après une pa-
reille tempê'«e. Ce qu'elle était pour Valen-
tine, Valentine l'était pour elle. soeur, mère,
amie.
Tu vas entendre des choses infâmes.
Promets-tu que tu m'aimeras toujours?
Uh ma Pirouette, est-ce que tu peux
douter de moi ?
Que rien ne sera changé dans ton af-
fection ?
Elle ne peut diminuer, comme elle ne
peut plus grandir. %lais c'est donc bien
terrible ce que tu vas me raconter?
Terrible, oui écoute plutôt!
Et elle ttt le récit des événements dont elle
avait été victime depuis la soirée où les deux
jeunes filles avaient été séparées boulevard
de Sébastopol.
De temps en temps, elle s'arrêtait. Elle re-
gardait Valentine droit dans les yeux, la
scrutant jusqu au fond de l'àme. Elle était
vite rassurée. Elle trouvait des yeux mouil
lés de pité. une âme attendrie. un doux
sourire qui disait
N'aie donc pas peur.
La nuit passée au poste de la rue des
Prouvaires.
Là journée pnssée au Dépôt.
La nuit de cauchemars, à Saint-Lazare.
Les jours de calme et de travail dans les
ateliers de couture de la rue Royale.
Sa tentative, pour mourir. et son réveil,
dans les couloirs humides et étouffants' de
L'ATTAQUE DU TRAIN 16
illiiel est
prfelesiéii
La seconde audience a été, ainsi qu'on le
verra plus loin, très mauvaise pour les ac-
cusés.
Elle avait attiré encore plus de monde que
la premières. Aussi la galle était-elle archi-
bondée quand les auteurs de l'attaque du
train et leur complice Saffroy sont venu.
prendre place à leur banc.
Avant d'entendre les personnes citées, M.
de Valles, qui a l'intention d'éclaircir la
question d'identité d'Albutet, s'adresse à cet
accusé.
D La nuit porte conseil. Persistez-vous à
nier contre toute évidence que vous n'êtes pas
Mbinet?
R. Je ne puts dire que je suis Albinet. puis-
que je me nomme Louis Leray.
D. Eh bien I c'est ce que nous allons voir.
Et on introduit M. Simon Lavalette, juge
d'instruction à Bourges, qui, en 1897, à la
suite du vol commis à Lamotte Beuvron,
dans le tram 16. eut à enquêter contre Albi-
affimait se nommer Louis Leray.
M. Simon Lavalette n'a aucune hésitation.
Se tournant vers Albinet:
Cet accusé, dit-il, est bien celui qui fut
amené, en 1897, en mon cabinet. Je n'ai au-
cune hésitation. Déjà, en mars, devant M.
Germain, à Etampes. j'avais été forrneL
L'accusé. M. Lavalette est plus catégorique
aujourd'hui qu'il ne i'a été en mars. 11 a hésité.
Le témoin Je n'al pas hésité, j'ai simple-
ment demandé à voir vos mains, car, en 1x97,
j'avais constaté que vous mangiez vos ont;les et
j'ai pu me rendre compte que vous n'aviez pas
perdu celte mauvaise habitude.
M. le Président au témoin). AJblnet ne se
faisait-il pas passer pour un nommé Louis Leray?
Le témoin. En effet.
Albinet Je ne suis pas Leray contre lequel
le témoin a Instruit en t897 Je n'ai rien de com
mun, si ce n'est le nom, avec lui. Quant au véri-
table Albinet, il doit avoir les cheveux blancs eL
la moustache grise à l'heure présente, ce qui
n'est pas mon cas.
Et Albinet affirme que M. Simon Lava-
lette se trompe.
Je le soutiendrai jusqu'à la mort, s'ex-
clame-t-iL Il est victime d'une illusion et
moi d'une ressemblance.
M. Cbarmillon, commis greffier à Bour-
ges, qui assistait M. Simon Lavalette dans
son instruction, est aussi catégorique que
le magistrat pour reconualtre dans le Louis
Leray d'aujourd'hui, ou se prétendant tel,
celui qui, en 1897, fut poursuivi pour un \oi
à main armée de bolles-recettes dans le
train 16, à Lamotte-Beuvron.
Albinet. Je dirai de ce témoin, comme de
l'autre, qu'il est l'objet d'une illusion. Je res-
semble peut-être il. l'Albinet de 18J7, mais je ne
saurais ressembler à l'Albinet actuel, qm est
tout blanc.
M. Labric ne reconnaît pas Albinet
Voici le chef de gare en retraite de Fl-
geac, M. Labric, qui a été convoqué télé-
graphiquement à la demande même d'Al.
binet.
Lui qui a connu le vrai Albinet quand
il était jeune, puisqu'il est de ce pays, peut
dire si c'est moi, déclare l'accusé.
,NI. Labric, après avoir longuement consi-
déré Albinet, dépose au milieu d'un profond
silence
Il y a quinze ans que je n'ai vu Albi-
net. Je ne puis pas, consciencieusement,
dire que l'accusé ici présent soit lui.
Le témoin ne reconnalt pas davantage sa
voix Cependant il a eu, pendant plusieurs
années, le jeune Albinet, le véritable, sous
ses ordres.
Ce témoignage est évidemment des plus
favorables à Albinet, mais suffira-t-il à lui
seul pour contrebalancer tous les autres ?
M. Charruel, restaurateur-hôtelier, à
Ftampes, qui lui succède à la barre, dit
avoir reçu chez lui, le 20 novembre 1907,
trois individus qui s'inscrivirent sur son
registre sous les taux noms de Paul Dubois,
Louis Fournier et Léon Mescudier. Il est
très catégorique.
Je reconnais très bien le premier de
ces accusés, Albinet, dit-il, mais pas les
autres.
M. le Président. Vous êtes un honnête
homme vous ne voudriez pas entraîner la con-
damnation d'un accusé en affirmant une chose
dont vous n'êtes pas sûr.
M Charruel. Oh I je ne me trompe pas J'ai
reconnu déjà à deux reprises le premier des ac-
cusés, non seulement à son physique, mais à sa
voix. Je ne dis pas que ce soit un voleur ou un
assassin, je dis seulement qu'il est venu chez
moi le 20 novembre.
L'avis du docteur Vallon sur Roche
6I. le docteur Vallon, directeur de l'asile
Sainte-Anne, fut chargé d'examiner, avec
M- le docteur Vigouruux, l'accusé Roche.
C'est. estime-t-il, un simulateur. Il se borne A
dire des absurdités. Il m'a notamment raconté
qu'on lui avait coupé la tête, qu'on l avait ensuite
rr ise dans un canon et lancée comme un boulet. A
mon collègue Vigouroux, il a dit « Ah je vous
reconnais Mon, vous êtes ma mère. A moi-même,
il a soutenu d'abord que j'étais !e président Car-
not, puis son père et enfin son grand-père.
Si. ajoute M. Vallon, son état morbide était
vrai. il aurait des manifestations physiques or,
cela fait complément défaut chez lui.
Ainsi, à l'inverse des hallucinés dont les crises
se produisent la nuit, il dort profondément sans
le secours de médicaments. Toutefois, à l'en
croire, il y aurait des tares dans sa famille. Plu-
sieurs de ses frères et sœurs (il en eut dix) se-
raient morts jeunes. L'un même serait venu au
monde avec deux têtes.
l'ancienne champignonnière. aux prises
avec Coribasse.
Les affres de la solitude et de l'épouvante,
sous la menace du bandit, et dans l'attente
du crime qu'il projetait sur elle.
L'intervention des amis de Mirador.
La fuite, grâce à Denis.
Et l'espérance, alors, l'espérance enfin
revenue que tout cela allait finir. et que
la vie allait commencer pour elle où elle ne
se sentirait plus l'esclave de cet homme.
Puis, le piège de la rue des Peupliers.
Quand Modeste en fut là de son récit, elle
garda le silence.
Tout son courage s'envolait. C'était trop
triste. Elle ne pourrait jamais.
Et ValeUine, devant ce visage qui sou-
dain se creusa d'une fatigue intense, et oes
yeux qui s'assombrirent devant le déses-
poir qui envahit ces traits.. Valentine, elle-
même. n'osa plus interroger, craignant
d'apprendre.
Elle murmura, en appuyant la tête sur
l'épaule de son amie
Oh Modeste Modeste
Les paupières de la pauvre fille se rele-
vèrent lourdement. Une folie passa dans
son regard. Un sanglot tordit ses lèvres..
Valentine crut qu'elle allait parler encore,
achever ce récit.
Elle lui mit la main sur la bouche.
Tais-toi tais-toi 1 Je ne veux plus rien
apprendre
Ce fui un silence très long.
Ces deux cœurs battaient à l'unisson,
aussi fortement, aussi douloureusement.
Ce fut Modeste qui reprit
Sais-tu, quand nous nous sommes ren-
conlrées, ce que j'allais faire ?.. Tu me de-
mandais tout à l'heure à quoi je sôn'geais,
sur ce banc.
Tu voulais mourir!
Je serais morte. si tu n'étais pas ve-
nne. Et maintenant, j'ai presque regret de
t'avoir revue Pourquoi as-tu reparu <^ans
ma vie. Valentine ? Pourquoi ne m'a6-Hn,pas
laissée an sort qui m'attendait?. ESt-ce
Le témoin croit que Roche est un dégénéré
dont la responsabilité doit être considérée
comme atténuée.
On entend M. Roche père.
Le pauvre homme vient s'efforcer d'atti-
rer la commisération sur son enfant.
Tout petit, déclare-t-il il a donné des preuves
de démence. D'ailleurs, beaucoup de mes enfants
sont nés avec des tares.
Il demande l'indulgence et s'éloigne en
pleurant.
Le chef de train dépose
Nous arrivons à la sensationnelle déposi-
tion du chef de train Taldir.
Il la fait avec beaucoup d'émotion et un
tremblement de la voix.
Je venais, déclare-t-il, vers quatre heures du
matin, de faire le classement, quand l'entendis du
bruit sur le marchepied du fourgon. J'entrouvris
et passai la tête pour voir. J'aperçus alors deux
individus, un de chaque côté, qui me dirent
« Laisse-nous entrer ou nous te brûlons la cer-
velle »
Au premier qui s'avança je flanquai un coup de
pied en pteine poitrine. J'aurais bien voulu le dé-
gringoler (sensation), mais il se «Tcunponnrt et
rie lâcha pas prise. A ce moment, j'essuyai un
coup de feu du second. Si je n'avais pas levé le
bras, la balle m'aurait frappé en pleine tête Une
seconde détonation retentit, mais je ne fus pas
atteint. Je réussis à rabattre le robinet des freins
et le train stoppa.
Aussitôt, je criai « Au voleur 1 à l'assassin ».
mais ;e restai dans mon fourgon pour surveiller
les caisses, tandis que le conducteur, au risque
d'être tué par les assaillants, allait couvrir le
train. Deux express nous succédaient à peu d'in-
tervalle.
M. de Valles rend hommage à l'esprit de
discipline qui règne parmi tes employés du
chemin de fer et à leur courage, et deman-
de au témoin s'il reconnaît les accusés.
M. Taldir est convaincu que celui qui est
entré le premier dans son fourgon est AI-
binet.
Il ne saurait préciser pour les autres, ni
dire qui a fait feu sur lui.
L'homme d'équipe Féline fait une décla-
ration identique. On sait qu'il fut atteint
dans les reins par un projectile. C'est lui qui
courut, le premier, aux freins et réussit à
faire ralentir la marche du train. Il ne sau-
rait reconnaître les accusés, car, dans la
rapidité de l'attaque, il n'eut pas le loisir
de les examiner.
Il est félicité par le président.
Le conducteur Thomas Delevard,' dn
train 16, fut, quand il allait couvrir son
train, menacé d'un revolver par l'un des
assaillants.
C est ce même bandit qui tira sur les
voyageurs.
il me semble, précise le témoin, que celui qui
m'a menacé est le premier de ces accusés Albi-
net. Il avait une sacoche.
Or, on sait qu*Albinet portait un sac de
cuir.
De même que ses collègiies, le conducteur
Thomas Delevard est l'objet des éloges du
président. Il le mérite, car grâce à sa pré-
sence d'esprit il a peut-être évité une col-
lision.
Le garde-frein Louis Charost raconte, à
son tour, le coup de main du 22 novembre.
Les pièces à conviction
M. Grégoire, surveillant à la gare d'E-
tampes a vu, à trois reprises, les accusés
et, en dernier lieu, le soir de l'attentat.
C'est Albinet, dit-il, qui prit les tickets.
Il reconnaît bien ce dernier mais, déclare-
t-il il était habillé différemment. Signe par-
ticulier il portait une sacoche.
On ouvre la caisse des pièces il. convic-
tion d'où l'on sort la fameuse sacoche, une
valise, un revolver, une botte de cartou-
ches, un bec de cane pour ouvrir les four-
gons.
Cet outil, précise le chef de train, n'appartient
pas à la compagnie. Il a été fabriqué.
Il fut trouvé, en effet, dans une poche
d'Albinet avec un autre plus petit destiné à
ouvrir les caisses-recettes.
L'audition des témoins reprend.
Mme Charruel, femme de l'aubergiste
d'Etampes, reconnaît, elle aussi, Albinet.
C'est lui, déclare-t-elle, qui signa le pre-
mier sur le registre. Il portait une sacoche.
Mlle Chassamg, servante des époux Char-
ruel, à Etampes, reconnaît les trois acueés.
qu'elle avait servis. Même affirmation de
M. Coman, client de l'hôtel, à l'égard d'Al-
binet.
La cicatrice accusatrice
Une déposition saisissante, capitale, va
se produire.
Le gardien-chef, Joseph Bernard, qui fut
autrefois à la prison de Bourges, est en-
tendu.
Il déclare
En étant à Bourges, j'ai reçu deux pri-
sonniers l'un était Albinet, l'autre un nommé
Gauthier.
Ils étaient accusés d'avoir commis un vol à
Lainotte-BQuyron dans le fourgon-poste du train
16. J'eus mission de les garder jusqu'à leur trans-
fert a Saint-Martin-de-Rê, après leur condam-
nation.
J'affirme que le premier des accusés assis au-
ourd'hui sur ce banc est bien Albinet, celui dont
j'ai eu la surveillance. (Vive sensation.)
Et comme M. Bernard ne veut qu'aucun
doute puisse planer à cet égard il précise.
Il y a un moyen bien simple de contrôler ce
que je dis.
Gauthier était blessé au menton et Albinet au
cuir chevelu. Il doit porter encore à la naissance
des cheveux la cicatrice de cette plaie.
Cette révélation soudaine cause une pro-
fonde émotion.
M. le président de Valles donne l'ordre
aux gendarmes de faire descendre l'accusé
dans le prétoire afin de le soumettre à un
examen, à une vérification.
M. Bernard passe la main sur le front de
l'accusé et tandis que tous les assistants im-
patients ont les regards fixés sur lui il dit
Voilà la cicatrice en question 1 Et il l'in-
que je peux vivre avec le souvenir. avec
cette honte. avec cette abomination?
Que parles-tu de honte? De quoi es-tu
coupable ? Tu vivras parce que je le veux,
parce que nous le voudrons tous. Tu vi-
vras parce qu'on t'aime 1.
Ces douces paroles firent déborder le trop
plein de ce cœur. Modeste pteura, pleura
avec des sanglots nerveux, pleura contre Va-
lentine etsoue ses caresses de sœur.
Et cela fut un soulagement.
Le désespoir existait toujours, il était
moins aigu.
tl faisait presque jour quand elles s'endor-
mirent, harassées par tant d'émotions.
Lorsque Valentine rouvrit les yeux, Mo-
deste était réveillée depuis longtemps et.
soulevée sur le coude, regardait dormir son
amie.
Elles se sourirent
Pourtant, comme autrefois, le prohli,me de
la vie à vivre se posait toujours devant el-
les.
Mais avant tout, avant même d'y penser,
Modeste avait un devoir à remplir.
Et ce devoir s'accordait avec le désir de se
venger de Coribasse.
Elle voulait remettre entre tes mains de
Mirador le document que Denis lui avait li-
vré la preuve de ce meurtre commis sur Ri-
chard, de cet autra meurtre commis sur Jar-
Moles: l'aveu de tout le pgssé.
Et alors, une question troublante
La veille, elle avait vu Mirador au mo-
ment où 0 roulait inanimé sur la chaussée
de la rue des Peupliers.
Etait-il mort ?.. Son cœur se serra, à cette
pensée..
Quelque jour l'officier elle le savait
ne se réveillerait pas de sa syncope et douce-
ment. sans s'en apercevoir, descendrait dans
la mort.
La catastrophe était-elle survenue ?
A quoi réves-tu ? demandait Valentine.
Elle le dit.
Le plus simple, c'est de nous rer.dre rue
de Lisbonne. Là. nous saurons tout.
dique aux jurés. Ce témoignage est écra-
sant.
Albinet sentant sa situation définitivement
compromise cherche à atténuer le mauvais
effet produit. Il proteste et déclare et Cette
cicatrice, je ne la nie pas, mais céda ne
plouve pas que je sois Albinet. Il y en a
d'autres qui ont des cicatrices au front.
Puis il laisse entendre que le témoin a lu
cette particularité sur sa fiche anthropomé-
trique qui fut communiquée dans toutes les
prisons de France.
C'est au tour de M. Bernard de protester
« Je n'ai jamais vu la fiche d'Albinet. Je ne
m'en rapporte qu'à mes propres souvenirs.»
Sa déposition est d ailleurs confirmée en
tous points par celle de son ancien collègue
Authler.
Le jeune détenu Durez
A signaler encore comme très démonstra-
tive la déposition du jeune Duros, détenu en
correction, avec lequel Albinet avait entamé
des pourparler; en vue d'une première expé-
dition à laquelle devaient participer Rouilly
et Jezupret
Ceux-ci se dérobèrent an dernier moment.
Toutefois Rouilly s'était fait payer par Albi-
net un vêtement complet comme acompte.
Duros fournit des détails très précis sur
les circonstances dans lesquelles il connut
Albinet, sur les rendez-vous qu'ils eurent
ensemble, sur ce qui fut décidé entre eux,
sur le refus de Jezupret et enfin sur l'embau-
chage de Morin pour le remplacer.
Naturellement, les accusés nient et accu-
sent ce jeune garçon de mensonge. Ils afflr
ment ne pas le connaître, ne l'avoir ja-
mais vu.
Mais ses déclarations sont corroborées par
celles de diverses autres personnes, notam-
ment du contrôleur de la gare des Aubraia,
M. Sinel, qui verbalisa contre Rouilly. Du-
ros et Albinet.
Ce témoin est très catégorique, lui aussi,
A l'encontre de ce dernier.
Alhinet, dit-il, faisait partie de ce trio. Cest le
seul que je reconnaisse, mais je n'ai pas de doute
il cet égard.
L'accusé, visiblement nerveux, exaspéré,
a des yeux qui lancent du feu. S'il tenait les
témoins, ceux-ci passeraient un mauvais mo-
ment
Il s'écrie « C'est invraisemblable, cet
acharnement contre moi 1 J'en suis suffo-
qué 1
Cela s'explique, dit le président, car depuis ce
matin, nombreux sont ceux qui vous recon-
naissent.
Après la déposition de M. Bouillet, sous-
chef de gare aux Aubrais, qui reconnaît, lui
aussi, Albinet pour le voyageur contre qui
il dut verbaliser. L'audience est levée.
CHASSE PnfSTIiENTIEIXK
Le Président de la République, accompagné
par le colonel Lasson, a quitté Paris hier matin
pour se rendre à Marly, où il est allé cha&ber
avec quelques amis,
LA GALETTE DES ROIS
Décidément, rien ne prévaut contre la tradi-
tion. Et c'est heureux
Les Parisiens ne se consoleraient point de la
suppression de La galette des rois, appétissante,
croustillante, que tes boulangers leur offraieat,
de temps immémorial, en manière d'étrennes.
L'an dernier, invoquant les charges nouvelles
et notamment l'application du repos hebdc-
madaire dans les fournils, la chambre syndi-
cale de la boulangerie avait décidé de supprimer
la galette de's rois.
Ce fut là une grosse déception, si grosse même
que les boulangers n'ont point voulu pour la
plupart renouveler la tentative.
Les « porteuses y trouveront leur profit, et
ce sera justice 1 Les rude's travailleuses tôt le-
vées, qui chaque jour, sans relâche, gravissent
mille étages pour livrer notre pain quoüdien, bé-
néficiaient de largesses provoquées par l'offre de
la mirifique galette.
Les salaires ne sont pas'gros, en revanche, les
temps bien durs et l'hiver bien rigoureux
RÉCEPTION A L'ACADÉMIE
C'est aujourd'hui que l'Académie française re-
cevra M. Francis Charmes, élu en remplacement
de M. Berthelot.
La réponse au discours du nouvel académicien
sera faite par M. Henry Houssaye.
LA SANTÉ DE M. REYER
On annonce que l'état de santé de M Reyer
inspire d'assez vives inquiétudes à l'entourage
du célèbre musicien, actuellement en villégiature
dans sa propriété du Lavandou.
LE MUSÉE Du SOIR
La conférence d'inauguration du musée du
soir, au petit Palais, sera faite demain vendredi,
à huit heures et demie, par M. Georges Lecomte,
président de la Société des gens de lettres.
L'entrée du musée du soir est sur le cours la
Reine, à l'angle de l'avenue Alexandre III.
Les collections Dutuit seront ouvertes gratui-
tement au public les mardi et vendredi soir de
chaque semaine, de huit heures à dix heures, du
5 janvier jusqu'à tin mai.
LES INCIDENTS DU QUARTIER LATIN
M. Doumergue recevra ce matin, à dix heures
et demie, la délégation des étudiants en méde-
cine de première et de deuxième année.
MOT DE LA FIN
Quand aurons-nous des chiens de police?
L'administration nous en promet.
Qu'elle se hâte un bon chien vaut mieux
que deux tu l'auras.
Je n'ose pas. j'ai peur d'apprendre
qu'il est mort. Et, e il vivait, j'ai peur de
me retrouver devant lui.
Veux tu que j'y aille à ta place?
Modeste hésita longtemps, en proie de
douloureuses incertitudes.
Non. Viens 1. Il faut que je me ven-
ge. Il m'y aidera. Et s'il est mort, je me
vengerai, seule.
Elles s'habillèrent Elle.s s'employèrent
toutes deux à réparer la toilette de Valen-
tine, après quoi, ayant retena et payé leur
chambre d'avance puur la nuit prochaine.
sur ce qui restait des cent sous ds la blague
en argent, elles entrèrent chez un toulanger
du boulevard Magenta, achetèrent deux
croissante et, en les grignotant pour faire du-
rer longtemps leur plaisir, elles s'acheminè-
rent vers la rue de Lisbonne. en se tenant
par le bras.
Elles ne parlaient pas. Elles étaient trop
émues de la démarche qu elles tentaient.
trop inquiètes, surtout, de la nouvelle qu'el-
les redoutaient De temps à autre, Valentine
regardait son amie à la dérobée. Il était vi-
sible que Modeste traversait une crise de
souffrances aiguës. Tantôt son visage était
pâle. tantôt tes joues se couvraient de rou-
geurs ardentes. Parfois, elle marchait très
vite, sous l'action des tempêtes intimes qui
la bouleversaient. tantôt elle ralentissait sa
marche et même s'arrêtait, sans remarquer
aon amie, sans faire attention à elle, 1 ou-
bliant tout à fait.
Valentine devinait cette détresse. Elle en
souffrait autant que Modeste.
Rue de Lisbonne, devant la maison de Mi-
rador, elles furent reprises du même effroi..
Est-ce qu'il y avait uu mort dans la mai-
son ?
Elles n'osaient le demander.
Valentine s'enhardit, entra chez le con-
cierge.
Hors de la loge, tout contre le seuil, assez
près pour entendre, Modeste comprimait de
ses deux mains jointes «les tressautements
LES NOUVEAUX CONSEILLERS PWHOMKES
tatitiire des juges-ouvriers
Mlle Josre jyréie serment
C'est chose aujourd'hui faite les nou-
veaux cunseiliers prud'hommes ouvriers des
cmq 6ectiuns de la Seine, avant de prendre
possession de leur siège, ont été déléréa
au sernlent ».
Les élus ceux du moins dont la nomi-
nation n a point été lobjet d'une contesta-
tion avaient été convoqués, hier, à midi,
à la première chambre du trihunal civil de
la Seine
Mile Jusselin
Toutefois, un certain nombre d'entre eux,
n ayant pas élé touchés en temps opportun,
n'ont pu répondre à l'appel de leur nom
ils seront convoqués à nouveau, sans doute
en même temps que ceux de leurs cam<»«
rades dont l'élection a été validée, ce qut
est par exemple le cas de MM Oret, un des
blessés de Draveit, Prutat, Baladier, Charw
lier, etc.
A midi précis, M. le président Ditte fai-
sait son enlrée dans la salle d'audience et
invitail le greffier à donner lecture du ré-
sultat des élections prud homaies des 29 no-
vemnre et 6 décembre derniers
Cette nomenclature achevée, M. Ditte Il.
sait à haute voix la formule du serment
auquel sont déferés les conseillers prud*
hommes, formule modermsée par la loi du
27 mars 1907, résumée en quelques mots
Je jure de- ra&iplir mes. devoirs avec
zèle et intégrité et de garder le secret des
délibérations »
Les conseillers prud'hnmmes, appelés à
tour de rôle, défilent à la barre, et, la main
droite levée, disent Il Je le lure Il
Le président aussitôt prend acte, en ajou-
tant ci A prêté serment
La grande médaille d'argent il J'effigie de
la République, insigne spécial des- juge" pru-
d'hommes, patrons et ouvriers, ;jni. pendant
:es audiences publiques et privées, se por-
tait sur la poitrine, un large ruban de moire
rioire, a été remplacée par une médaille de
rr.cdule réduit, s'attachant à la boutonnière
à l'aide d'un ruban reuge et bleu, couleurs
de la Ville de Paris.
La médaille des conseillers prud'hommes
Parmi les conseillers prud'hommes, adrms
A la prestation du serment, se trouvait et
c'était là une nouveauté puisque les femmes
n'étaient point jusqu'alors éligible« Mlle
Jusselin, secrétaire du syndicat des cnutu-
rières-lingères, nommée au premier tour d9,
scrutin.
Très élégante, dans un cosiume tailipiir
noir d'une coupe sohre et sévère, coiffée
d'une toque de fourrure avec a'grette de plu-
mes, Mlle Jusselin s'est avancée sans em-
barras jusqu'à la barre et, sur t'invitation
de M le président Ditte, a répété la formule
consacrée.
Le départ de la jeune femme, mêlée aux
autres conseillers prud'hommes, a passé
presque inaperçu.
Nous auriuns voulu recueillir les impres-
sionq de ltlle lusselin, en cette journée mé-
rr.qrabl'î, mais la première prud femme dé-
daigne la publicité
J'ai fait serment de remplir mes de-
voirs avec zele 2t intégrité d'être discrète
aussi. Je m'efforcerai de prouver que les
femmes sont capables de tenir un tel se--
ment, et aussi qu'elles sont susceptibles d'a-
voir, à l'occasion, toutes les qualités qua
sattribuaient jusqu'à présent les hommes.
Valentine questionnait le concierge
M. Mirador est-il chez lui ?
Entre cette demande et la réponse, com-
bien de temps se passa-t-ii Une seconde
peut-être. le temps pour le concierge de
dévisager cette jolie ftlle si pauvrement mise,
et cette autre, là-bas, qui se cache.. deux
aventurières ? deux mendiantes?. On était
bien obligé d'être sur see gardes rue de Lis-
bonne, en ce qui concernait Mirador, depuis
ta tentative d'assassinat de Juiot et da
Dédé.
Cette seconde, pour Modeste, fut longue
comme des siècles.
Il est chez luîFmais on ne peut pas la
voir.
Il est malade
Il l'a été. Hier. on l'a rapporté comme
mort. Il va mieux Il est sauvé, encore une
fois. Je dis ça parce que paraîtrait qu un
jour ou 1 autre ça reviendra.
Valentine insista.
S'il pouvait nous recevoir sans tatigue
Je suis sOre qu'en lui faisant passer nos
noms Valentme et Modeste. il nous ferait
monter tout de suite.
Le concierge se pencha. II reconnaissait
Modeste.
Mais, mademoiselle est de la maison.
Y a pas de doute qu'on vous reçoive.
Il alla jusquau téléphone de sa loge. ap-
puya sur un bouton. Lne sonnerie répondit
C'est vous, monsieur Bouturt Bon.
C'est des jeunes filles qui réclament \1 on-
sieur Valentine et Modeste, quelles s ap-
pellent. Hein ? Qu'elles montent tout de
suite?. Oui. entendu.. Les voila, les voilà
qui viennent, monsleur Buitort. C'est pas
ta pene de me dire des injures
Déjà les jeunes lilles étaient dans l'esca-
lier.
'A suivre.) JULES Mabt.
Traduction et reprodnction formellement Interdites.
Published 7 of January t9nA Privilège of copy-
rlgtv n the l mied staies resei-ved under Um Ml
apï>rt»ëd march 3 IBOô. Dy Jules MarJ.
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