MANIFESTE
Btr PJW1VCE LOUIS-NAPOLEON.
Pour me rappeler de l'exil, vous m'avez nommé
représentant du peuple. A la veille d'élire le pre-
mier magistrat de la République, mon nom se pré-
sente à vous comme symbole d'ordre et de sécurité.
Ces témoignages d'une confiance si honorable
s'adressent, je le sais, bien plus à ce nom qu'à
moi-même, qui n'ai rien fait encore pour mon pays ;
mais, plus la mémoire de l'empereur me protège et
inspire vos suffrages, plus je me sens obligé de vous
faire connaître mes sentimens et mes principes. Il
ne faut pas qu'il y ait d'équivoque entre vous et
moi.
J e ne suis pas un ambitieux qui rêve tantôt l'em-
pire et la guerre, tantôt l'application de théoi'ies
subversives. Elevé dans des pays libres à l'école
du malheur, je resterai toujours fidèle aux devoirs
que m'imposeront vos suffrages et les volontés de
l'Assemblée.
Si j'étais nommé président, je ne reculerais de-
vant aucun danger, devant aucun sacrifice pour
défendre la société si audacieusement attaquée, je
me dévouerais tout eutier, sans arrière pensée, à
l'affermissement d'une République sage par ses
lois, honnête par ses intentions, grande et forte
par ses actes.
-Je^ ffl^rttralSTiïoii honneur à laisser, au bout de
quatre ans, à mon successeur, le pouvoir affermi,
la liberté intacte, un progrès réel accompli.
Quel que soit le résultat de l'élection, je m'in-
clinerai devant la volonté du peuple, et mon con-
©.urs-est acquis d'avance à tout gouvernement
juste et ferme qui rétablisse l'ordre dans les esprits
eomme dans les choses ; qui protège efficacement
la religion, la famille, la propriété, bases éter-
nelles de tout état social ; qui provoque les réformes
possibles, calme les haines, réconcilie les partis,
et permette ainsi à la patrie inquiète de compter
sur un lendemain.
Rétablir l'ordre, c'est ramener la confiance,
pourvoir par le crédit à l'insuffisance passagère
des ressources, restaurer les finances.
Protéger la religion et la famille, c'est assurer
la liberté des cultes et la liberté de l'enseignement.
Protéger la propriété, c'est maintenir l'inviola-
bilité des produits de tous les travaux ; c'est ga-
rantir l'indépendance et la sécurité de la possession,
fondemens indispensables de la liberté civile.
Quant aux réformes possibles, voici celles qui
me paraissent les plus urgentes :
Admettre toutes les économies qui, sans désor-
ganiser les services publics, permettent la dimi-
nution des impôts les plus onéreux au peuple ; en-
courager les entreprises qui, en développant les
richesses de l'agriculture, peuvent, en France et
en Algérie, donner du travail aux bras inoccupés ;
pourvoir à la vieillesse des travailleurs par des ins-
titutions de prévoyance ; introduire dans nos lois
industrielles les améliorations qui tendent, non a
ruiner le riche au profit du pauvre, mais à fonder
le bien-être de chacun sur la prospérité de tous.
Restreindre dans de justes limites le nombre des
emplois qui dépendent du pouvoir, et qui, souvent!,
font d'un peuple libre un peuple de solliciteurs.
Eviter cette tendance funeste qui entraîne l'état
à exécuter lui-même ce que des particuliers peu-
vent faire aussi bien et mieux que lui. La centra-
lisation des intérêts et des entreprises est dans la
nature du despotisme. La nature de la République
repousse le monopole.
Enfin, préserver la liberté de la presse des deux
excès qui la compromettent toujours : l'arbitraire
et sa propre licence.
Avec la guerre, point de soulagement à nos maux.
La paix serait donc le plus cher de mes désirs. La
France, lors de sa première révolution, a été guer-
rière, parce qu'on l'avait forcée de l'être. A l'inva-
sion , elle répondit par la conquête. Aujourd'hui
qu'elle n'est pas provoquée, elle peut consacrer
ses ressources aux améliorations pacifiques, sans
renoncer à une pobtique loyale et résolue. Une
grande nation doit se taire, ou ne jamais parler
en vain.
Songer à la dignité nationale, c'est songer à
l'armée dont le patriotisme, si noble et si désinté-
ressé, a été souvent méconnu. 11 faut, tout en
maintenant les lois fondamentales qui forment la
force de notre organisation militaire, alléger et non
aggraver le fardeau de la conscription. 11 faut
veiller au présent et à l'avenir non-seulement des
officiers, mais aussi des sous-officiers et des soldats,
et préparer aux hommes qui ont servi longtemps
sous les drapeaux une existence assurée.
La République doit être généreuse et avoir foi
dans son avenir; aussi, moi qui ai connu l'exil de
la captivité, j'appelle de tous mes voeux le jour où
la patrie pourra sans danger faire cesser toutes les
proscriptions et effacer les dernières traces de nos
discordes civiles.
Telles sont, mes chers concitoyens, les idées que
j'apporterais dans l'exercice du pouvoir, si vous
m'appeliez à la présidence de la République.
La tâche est difficile, la mission immense, je le
sais ! Mais je ne désespérerais pas de l'accomplir,
en conviant à l'oeuvre, sans distinction de parti,
les hommes que recommandent à l'opinion publi-
que leur haute intelligence et leur probité.
D'ailleurs, quand on a l'honneur d'être à la tête
du peuple français, il y a un moyen infaillible de
faire le bien, c'est de le vouloir.
LOUIS-NAPOLÉON BONAPARTE.
Paris, le 27 novembre 1848.
1848
Rethel. — Imprimerie de TORCHET.
Btr PJW1VCE LOUIS-NAPOLEON.
Pour me rappeler de l'exil, vous m'avez nommé
représentant du peuple. A la veille d'élire le pre-
mier magistrat de la République, mon nom se pré-
sente à vous comme symbole d'ordre et de sécurité.
Ces témoignages d'une confiance si honorable
s'adressent, je le sais, bien plus à ce nom qu'à
moi-même, qui n'ai rien fait encore pour mon pays ;
mais, plus la mémoire de l'empereur me protège et
inspire vos suffrages, plus je me sens obligé de vous
faire connaître mes sentimens et mes principes. Il
ne faut pas qu'il y ait d'équivoque entre vous et
moi.
J e ne suis pas un ambitieux qui rêve tantôt l'em-
pire et la guerre, tantôt l'application de théoi'ies
subversives. Elevé dans des pays libres à l'école
du malheur, je resterai toujours fidèle aux devoirs
que m'imposeront vos suffrages et les volontés de
l'Assemblée.
Si j'étais nommé président, je ne reculerais de-
vant aucun danger, devant aucun sacrifice pour
défendre la société si audacieusement attaquée, je
me dévouerais tout eutier, sans arrière pensée, à
l'affermissement d'une République sage par ses
lois, honnête par ses intentions, grande et forte
par ses actes.
-Je^ ffl^rttralSTiïoii honneur à laisser, au bout de
quatre ans, à mon successeur, le pouvoir affermi,
la liberté intacte, un progrès réel accompli.
Quel que soit le résultat de l'élection, je m'in-
clinerai devant la volonté du peuple, et mon con-
©.urs-est acquis d'avance à tout gouvernement
juste et ferme qui rétablisse l'ordre dans les esprits
eomme dans les choses ; qui protège efficacement
la religion, la famille, la propriété, bases éter-
nelles de tout état social ; qui provoque les réformes
possibles, calme les haines, réconcilie les partis,
et permette ainsi à la patrie inquiète de compter
sur un lendemain.
Rétablir l'ordre, c'est ramener la confiance,
pourvoir par le crédit à l'insuffisance passagère
des ressources, restaurer les finances.
Protéger la religion et la famille, c'est assurer
la liberté des cultes et la liberté de l'enseignement.
Protéger la propriété, c'est maintenir l'inviola-
bilité des produits de tous les travaux ; c'est ga-
rantir l'indépendance et la sécurité de la possession,
fondemens indispensables de la liberté civile.
Quant aux réformes possibles, voici celles qui
me paraissent les plus urgentes :
Admettre toutes les économies qui, sans désor-
ganiser les services publics, permettent la dimi-
nution des impôts les plus onéreux au peuple ; en-
courager les entreprises qui, en développant les
richesses de l'agriculture, peuvent, en France et
en Algérie, donner du travail aux bras inoccupés ;
pourvoir à la vieillesse des travailleurs par des ins-
titutions de prévoyance ; introduire dans nos lois
industrielles les améliorations qui tendent, non a
ruiner le riche au profit du pauvre, mais à fonder
le bien-être de chacun sur la prospérité de tous.
Restreindre dans de justes limites le nombre des
emplois qui dépendent du pouvoir, et qui, souvent!,
font d'un peuple libre un peuple de solliciteurs.
Eviter cette tendance funeste qui entraîne l'état
à exécuter lui-même ce que des particuliers peu-
vent faire aussi bien et mieux que lui. La centra-
lisation des intérêts et des entreprises est dans la
nature du despotisme. La nature de la République
repousse le monopole.
Enfin, préserver la liberté de la presse des deux
excès qui la compromettent toujours : l'arbitraire
et sa propre licence.
Avec la guerre, point de soulagement à nos maux.
La paix serait donc le plus cher de mes désirs. La
France, lors de sa première révolution, a été guer-
rière, parce qu'on l'avait forcée de l'être. A l'inva-
sion , elle répondit par la conquête. Aujourd'hui
qu'elle n'est pas provoquée, elle peut consacrer
ses ressources aux améliorations pacifiques, sans
renoncer à une pobtique loyale et résolue. Une
grande nation doit se taire, ou ne jamais parler
en vain.
Songer à la dignité nationale, c'est songer à
l'armée dont le patriotisme, si noble et si désinté-
ressé, a été souvent méconnu. 11 faut, tout en
maintenant les lois fondamentales qui forment la
force de notre organisation militaire, alléger et non
aggraver le fardeau de la conscription. 11 faut
veiller au présent et à l'avenir non-seulement des
officiers, mais aussi des sous-officiers et des soldats,
et préparer aux hommes qui ont servi longtemps
sous les drapeaux une existence assurée.
La République doit être généreuse et avoir foi
dans son avenir; aussi, moi qui ai connu l'exil de
la captivité, j'appelle de tous mes voeux le jour où
la patrie pourra sans danger faire cesser toutes les
proscriptions et effacer les dernières traces de nos
discordes civiles.
Telles sont, mes chers concitoyens, les idées que
j'apporterais dans l'exercice du pouvoir, si vous
m'appeliez à la présidence de la République.
La tâche est difficile, la mission immense, je le
sais ! Mais je ne désespérerais pas de l'accomplir,
en conviant à l'oeuvre, sans distinction de parti,
les hommes que recommandent à l'opinion publi-
que leur haute intelligence et leur probité.
D'ailleurs, quand on a l'honneur d'être à la tête
du peuple français, il y a un moyen infaillible de
faire le bien, c'est de le vouloir.
LOUIS-NAPOLÉON BONAPARTE.
Paris, le 27 novembre 1848.
1848
Rethel. — Imprimerie de TORCHET.
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