Titre : Le Droit social : organe socialiste révolutionnaire
Éditeur : [s.n.] (Lyon)
Date d'édition : 1882-07-09
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32759063z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 98 Nombre total de vues : 98
Description : 09 juillet 1882 09 juillet 1882
Description : 1882/07/09 (A1,N22)-1882/07/15. 1882/07/09 (A1,N22)-1882/07/15.
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG69 Collection numérique : BIPFPIG69
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k5608018m
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-4324
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
IV° 22. — Première Année
LIBERTÉ.— ÉGALITÉ. — JUSTICE
JOiinanolie O Juillet 1882,
LE NUMÉRO
©RGANE SOCIALISTE RÉVOLUTIONNAIRE
PARAISSANT TOUS LES DIMANCHES
LE NUMERO
.A-BOlSrïTEMBlISPrB
STroii Bob. . . 1 tr. 80
Six moto ... S fc. »
Un »n • tr. s
Etranger : fe port 0» nu.
ADMINISTRATION & RÉDACTION
7, rue du Port-du-Temple, 7, à Lyon
——"W —-
Pour toutes communications, s'adresser
mu siège social, 7, ru© Port-du-Temple, 7
tous les jours, de 8 à 10 heures du soir «
Les Bureaux du « Droit social » ;
sont transférés rue Molière, 51.:
|
Réunion générale des actionnaires du ;
« Droit Social » dimanche 9 juillet, à %
heures, chez Célérier, 108, rue Gari-
"baldi.
Ordre du jour :
1<> Rapport de la Commission admi-
nistrative ;
2- Nomination des délégués en rem-
placement des citoyens Bernard,Bonnet,
Peillon, démissionnaires ;
3* Proposition de la Commission pour
faire paraître le journal deux fois par
semaine.
Le Gérant: BONTHOUX.
LES CRIMINELS
Il y a quelque temps, la découverte,
en Seine, d'un cadavre horriblement mu- lii
tilé, mettait !a police sur les traces des ti:
auteurs d'un crime épouvantable accpm- F
pli dans des conditions particulièrement 1«
dramatiques et avec des raffinements de ic
férocité inouïes. Un vrai roman feuilleton li
à la manière noire transporté dans la vie d
réelle ! u
Un pharmacien du boulevard Hauss- c'
mann, à Paris, nommé Auberl, était c
depuis quelques années l'amant de ma- b
dame Fenayron, la femme « légitime » de s
son ancien patron. Celui-ci, qui n'ignorait
pas les accrocs faits à ce qu'on est con- ii
venu d'appeler, dans l'argot de la morale c
bourgeoise, l'honneur conjugal, avait c
juré d'en tirer une terrible vengeance, ou, s
tout au moins, comme il était fort besoi- 1
gneux, ei plus riche d'appétits que de f
scrupules, de battre monnaie avec Tadul- s
tère. Il trouva moyen d'associer à ses <
projets siuistres son jeune frère et (
sa femme elle-même, qui avait pris |
peur peut être qu'il n'usât du droty que '
ja loi donne au mari trompé de tiier
l'épouse infidèle comme un chien enragé.
Un guet-apens fut longuement et habi-
lement préparé par les trois complices,
One maison de campagne fut louée par
eux à Ghalou, dans un endroit désert, à
deux pas de la rivière. Madame Fenayron
se chargea d'y amener la victime par une
belle nuit de printemps, sous le prétexte
d'un nouveau rendez-vous d'amour. Le
malheureux Aubert se laissa faire — ces
diablesses de femmes sont si séduisantes
quand elles s'en mêlent ! — Mais mal lui
en devait prendre ! Une fois enfermé dans
le salon de la petite maison de Chatou,
il se trouva face à face avec Fenayron et
son frère qui, après avoir vainement essayé
de lui faire signer des billets pour une
grosse somme, le criblèrent de coups de
marteau et de canne à épée. Pendant
cette scène de carnage, madame Fenayron
tenait la chandelle. Quand l'homme fut
mort, les trois assassins déshabillèrent
son cadavre, le UgoUèrcnt avec un tuyau
de plomb, puis s'en allèrent le jeter à
l'eau, du haut du pont de Chatou.
ruis, une lois nettoyés les vestiges du e
crime, le sang lavé, les habits de la vie- t
time brûlés et le parquet passé à l'encaus-
i tique, ils rentrèrent tranquillement comme f
j de braves gens qui viennent de dîner en t
! famille à la campagne. - j
Un hasard inattendu ayant fait remon- <
ter le cadavre malgré le poids du tuyau s
de plomb qui avait servi à le ficeler, les ]
coupables ont été bientôt reconnus et ]
arrêtés : ils ont fait les aveux les plus i
complets.
Point, au surplus, n'est besoin d'in-
sister plus longtemps sur les détails d'une
affaire que tous ont dû suivre dans les
journaux quotidiens. Il n'en est qu'un
seul incident que nous tenons à relever
parce qu'il nous paraît possible d'en dé-
gager une utile leçon :
11 y a quelques jours, magistrats et po-
liciers ramenaient avec un grand reten-
tissement à la ville de Chatou, madame
Fenayron, son mari et son beau-frère, et
les obligeaient à roproJuire devant eux
toutes les péripéties du crime, sur les
lieux mômes où il avait été commis. C'était
dans l'intérêt de l'instruction, disent les
uns. que se jouait cette étrange comédie ;
c'était plutôt, disent les autres, pour pro-
L curer nu divertissement de haut goût, aux
■ blasés du grand monde, à qui des cartes
; spéciales avaient été délivrées,
t Peu importe, d'ailleurs. Ce qui nous
- intéresse, ce dont nous vouions parler,
3 c'est autre chose. Il parait que, pendant
t cette représentation « pour rire » de l'as-
, sassinat, la foule, qui n'y assistait que de
- loin, n'a pas cessé de couvrir de huées
e furieuses le trio Fenayron, et que même
- sans la présence de la gendarmerie, qui a
s dû repousser par la force les tentatives
t des lyncheurs, on lui eût fait un mauvais
s parti... Voilà qui doit attirer l'attention
e voilà qui prête à réfléchir!
Somme toute, la tragédie de Chatou se
ramène essentiellement à une querelle de
bourgeois, se dérobant les uns aux autres
leur femme ou leur argent. Cela ne devrait
point émouvoir les travailleurs, s'il n'y
avait au fond de loui coeur d'homme un
ferment latent de solidarité qui nous porte
irrésistiblement à prendre la défense de
ceux de nos semblables, quels qu'ils
sp.ienA, co.nn.us ou inconnus, sans accep-
tion de classe, de parti, de nationalité, à
qui l'on fait violence, et à courir sus aux
agresseurs C'est évidemment pour obéir
à cet impérieux instinct de justice que la
population ouvrière de Chatou, se subs-
tituant aux représentants officiels de la
« vindicte publique», voulait faire expier
sur place leur forfait aux assassins du
malheureux Aubert.
U faut pourtant le dire, tout explicable,
tout louable même, jusqu'à un certain
; point, que soit ce mouvement spontané de
'la foule, il porte absolument à faux et
1 correspond à une conception tout à fait
erronée du milieu social et des relations
humaines.
Ce n'est peut-être pas le lieu ici de re-
faire la théorie de l'irresponsabilité, ni
de redire que si tout être humain est tou- tri
jours en état de légitime défense contre na
ceux qui attentent à sa vie, à sa liberté, à „u
son bien-être, personne, en revanche, ne $e
peut s'arroger le droit de juger et de
punir personne, fût-ce le pire des cri mi- m
nels, fussent même les Fenayron, dont le QJ
voisinage, nous le reconnaissons sans av
peine, n'a rien de rassurant ni d'agréable.
Mais, tout au moins, pourrons-nous |a
dire qu'au lieudes'<;n prendre auxetïels, ^
mieux vaudrait s'en prendre aux causes. ; _
Tout au moifto pourrons nous dire que \ „
les Fenayron sont encore moins coupables, ' j
moins haïssables qu'une société soi-disant j
civilisée qui peut engendrer et développer | :
de pareils monstres, champignons véné- ,
i neux, tout naturellement éclos sur son
L fumier. ™
Tout au moins, pomieiiS-nous dire que -
; c'est cette société — la grande criini- ...
t nelleî— qu'il faudrait « lyncher », de i
; préférence à ses fils, innocents, en fin de ,■
; compte, des vices et des abominables ins-
. tincts que leur a légués leur mère.
< Tout au moins pourrons-nous dire que
s s'il n'avait pas existé un Mariage et une ,
Propriété, s'il n'y avait pas eu une loi ré- ,
s glementant arbitrairement la plus incom-
■t pressible, 'sa p'us rôfractaire de toutes les .
it jiassions, l'amour, et permettant à un ,
,- homme de dire de l'être auquel les cir-
e constances ont associé sa vie : « Ma
is femme ! » comme on dit : « Mon chapeau »
,e ou « MOINÏ chien » ; s'il n'y avait pas eu
a une autre loi rèparlissant inégalement .
>s entre les hommes, au hasard de la four-
is chette, au petit bonheur, les moyens ,
m d'existence, de telle sorte que les uns ont
plus de dîners que d'appétit et les autres
plus d'appétit que de dîners ; si tous les {
individus avaient eu la libre disposition
se de leurs affections et l'intégrale satisfac-
le tion de leurs besoins ; — en un mot, si la
es révolution sociale avait été faite, il y
lit aurait quatre-vingt dix-neuf chances sur
l'y cent pour qu'Aubert vécût encore, parce
an que son meurtre n'aurait offert d'intérêt
"te pour personne.
de Telle est la morale « anarchiste » que
ils nous voulons tirer de « l'affaire de Cha-
p- tou » ; telle est la morale saine et vigou-
» à. reuse que nous nous sommes assigné la
UX mission de prêcher dans les masses, en-
&ir core gangrenées d'une foule de préjugés
la trompeurs, avec cet espoir qu'un jour
>S- viendra — jour prochain peut-être — où
la les témoins d'un crime, qu'un accès de
ier légitime exaspération aura poussés à « jus-
du licier » sommairement les coupables, se
diront que la logique et l'équité comman-
de, dent de commencer par les gendarmes et
ain les juges !
JUSTICE BOURGEOISE
Un caporal, en état d'ivresse, ayant voie ^
trois francs à un simple soldat, vient de m
passer devant le deuxième conseil de s<^
guerre de Paris et a été condamné à 6 ans
de réclusion et à la dégradation militaire.
Des généraux pillent et volent dans les P(
musées en Espagne, dans les palais en §'
Chine et sont qualifiés de héros et élevés •'
au maréchalat. ei
Députés, ministre^, sénateurs volent à ^
la bourse comme de simples et vulgaires c'
bonneteurs et sont promus commandeurs 1!
' ou grand-croix de la Légion d'honneur et (
j gratifiés des titres A'honorable et ù'excel-
j lence. . c
j Une ouvrière de 18 ans, ayant jeté du
i vitriol à la figure de sa rivale, le jury de
la Seine la condamne à trois ans de pri- P
son. Quinze jours après, la comtesse du v
Tailly accomplit le même crime, dans des °
! circonstances beaucoup plus coupables et ^
rend aveugle une jeune fille de seize ans, ]
* débauchée par M. le comte, son époux, l)
' Mme la comtesse est acquittée, '
Florian, jeune ouvrier désespéré par lai
misère, tire un coup de pistolet sur un c
' riche bourgeois sans l'atteindre. Le jury s
B bourgeois, cher au marquis de Kochefort,
le condamne à vingt ans de bagne. S'il '
avait tiré sur un ouvrier on l'aurait peut- '
être acquitté ou condamné tout au plus à '
trois mois de prison, c'est certain, mais
sur un bourgeois!... riche (circonstance
aggravante).
Dans le scandale de Bordeaux cinq in-
u
culpës sont condamnés à iO et 20 ans de
travaux forcés, le sixième inculpé étant le.
plus haut placé au point de vue bourgeois
bénéficie de cet avantage et quoique ro-
]l connu LE PLUS COUPABLE par des
'" preuves multiples, est acquitté, mais cir-
constance absolument atténuante, paraît-il,
pour le jury très cher au rédacteur en
J" chef de Y Intransigeant, il s'appelle Chatel
et est colonel en activité,
y
Je dis : reconnu le plus coupable et ac-
quitté! .' ,'■
' Voilà ce qn'esl la société bourgeoise
Capitaliste, monarchique et républicaine.
A quand, paria social, le déchaînement
de tes colères justicières et l'anéantisse-
ment de ce hideux brigandage dont toi
,~ seul est victime"? ? ?
A quand la pulvérisation complète,
', absolue de tous les scélérats de la terre
FéS
' qui perpétuent le crime et le feulent aux
ur pieds???
LA LOI
La loi ! ce mot qui fait trembler la gé-
néralité des hommes ; la loi ! ce cauche-
mar constant du prolétaire, car elle n'est
faite que contre lui et pour le troubler
dans son faible repos ; la loi ! ce despote
que l'on ne voit pas, mais que l'on sent
partout, que l'on voit placardée sur
les murs de l'usine sous forme de règle-
ment, ou cheminant le long des rues,
sous le vêlement du sbire, toujours armée
d'un instrument sanguinaire ; la loi ! cette
chose tellement antihumanitaire que nous
pouvons, sans crainte d'être traités d'exa-
gérés, dire qu'elle est la malédiction qui
plane constamment sur la sociélé et qui
empoisonne tous les sentiments généreux
que la nature tend à faire germer dans le
coeur de l'homme; la loi 1 enfin, barrière
infranchissable dressée par le fort contre
les droits et la liberté du faible, est reçue
dans notre société, déchirée et sanglante,
comme une chose sainte ; elle, cause de
toutes les souffrances, de toutes les priva-
tions de notre siècle, est placée sur un
piédestal autour duquel tous les ignorants
viennent se courber, pendant que tous les
oppresseurs i'exaltenl ot la prônent
pour lui conserver le respect asservissant
qui courbe sous elle toutes les victimes
qu'elle é'-rase et qu'elle sacrifie à ce dieu
plus haut, : le capital.
Et cependant qu'est-ce que la loi, pour
qu'on lui rende un culte aussi fervent,
sinon une suite continuelle de machina-
tions hypocrites, malsaines et honteuses
des riches, qui, sous prétexte de raison
d'Etat, ont été tournées en décrets et,
par suite, en lois, et qui changent selon
les exigences que comporte la situation
de leurs inventeuis?
Oui la loi est une chose honteuse, cri-
minelle : elle est le crime.
Elle est le crime parce qu'elle a été
créée pour maintenir la propriété, fruit
''_ du pillage, du vol, de l'exploitation hu-
maine.
Elle est le crime parce qu'elle est faite
pour courber les travailleurs sous la botte
avilissante du capital.
Elle est le crime parce qu'elle n'a à la
' bouche que des menaces de mort, de ser-
vage, et d'abrutissement.
Elle est le crime parce qu'elle n'a pour
sanction que le sabre de l'argousin, ou
le fusil du gendarme brute et bète.
e
Et ceux qui l'appliquent savent si bien
qu'elle est le . crime qu'il n'y a, à leurs
yeux, rien de tre,, de la formidable orga-
\ nisation trilogique qui compose l'Etat
pour la maintenir : ils savent que sans le
concours constant de l'abrutissant clergé,
''' de la lâche, immonde et fétide autant que
*e
vénale magistrature, comme de lastupide,
brutale et fainéante génie à èpauletles,
c'en serait bientôt fait de sa frêle auto-
_ rite.
Mais consolons-nous, cette autorité
' n'est que le résultat d'une religion, la
religion de la loi, et le temps des religions
est passé. Le culte que Ton rend à la loi
é- disparaît comme tous les autres, il baisse
e- devant la science qui se lève dans la li-
3sl berté ! Ce qu'il faut aux hommes main-
LIBERTÉ.— ÉGALITÉ. — JUSTICE
JOiinanolie O Juillet 1882,
LE NUMÉRO
©RGANE SOCIALISTE RÉVOLUTIONNAIRE
PARAISSANT TOUS LES DIMANCHES
LE NUMERO
.A-BOlSrïTEMBlISPrB
STroii Bob. . . 1 tr. 80
Six moto ... S fc. »
Un »n • tr. s
Etranger : fe port 0» nu.
ADMINISTRATION & RÉDACTION
7, rue du Port-du-Temple, 7, à Lyon
——"W —-
Pour toutes communications, s'adresser
mu siège social, 7, ru© Port-du-Temple, 7
tous les jours, de 8 à 10 heures du soir «
Les Bureaux du « Droit social » ;
sont transférés rue Molière, 51.:
|
Réunion générale des actionnaires du ;
« Droit Social » dimanche 9 juillet, à %
heures, chez Célérier, 108, rue Gari-
"baldi.
Ordre du jour :
1<> Rapport de la Commission admi-
nistrative ;
2- Nomination des délégués en rem-
placement des citoyens Bernard,Bonnet,
Peillon, démissionnaires ;
3* Proposition de la Commission pour
faire paraître le journal deux fois par
semaine.
Le Gérant: BONTHOUX.
LES CRIMINELS
Il y a quelque temps, la découverte,
en Seine, d'un cadavre horriblement mu- lii
tilé, mettait !a police sur les traces des ti:
auteurs d'un crime épouvantable accpm- F
pli dans des conditions particulièrement 1«
dramatiques et avec des raffinements de ic
férocité inouïes. Un vrai roman feuilleton li
à la manière noire transporté dans la vie d
réelle ! u
Un pharmacien du boulevard Hauss- c'
mann, à Paris, nommé Auberl, était c
depuis quelques années l'amant de ma- b
dame Fenayron, la femme « légitime » de s
son ancien patron. Celui-ci, qui n'ignorait
pas les accrocs faits à ce qu'on est con- ii
venu d'appeler, dans l'argot de la morale c
bourgeoise, l'honneur conjugal, avait c
juré d'en tirer une terrible vengeance, ou, s
tout au moins, comme il était fort besoi- 1
gneux, ei plus riche d'appétits que de f
scrupules, de battre monnaie avec Tadul- s
tère. Il trouva moyen d'associer à ses <
projets siuistres son jeune frère et (
sa femme elle-même, qui avait pris |
peur peut être qu'il n'usât du droty que '
ja loi donne au mari trompé de tiier
l'épouse infidèle comme un chien enragé.
Un guet-apens fut longuement et habi-
lement préparé par les trois complices,
One maison de campagne fut louée par
eux à Ghalou, dans un endroit désert, à
deux pas de la rivière. Madame Fenayron
se chargea d'y amener la victime par une
belle nuit de printemps, sous le prétexte
d'un nouveau rendez-vous d'amour. Le
malheureux Aubert se laissa faire — ces
diablesses de femmes sont si séduisantes
quand elles s'en mêlent ! — Mais mal lui
en devait prendre ! Une fois enfermé dans
le salon de la petite maison de Chatou,
il se trouva face à face avec Fenayron et
son frère qui, après avoir vainement essayé
de lui faire signer des billets pour une
grosse somme, le criblèrent de coups de
marteau et de canne à épée. Pendant
cette scène de carnage, madame Fenayron
tenait la chandelle. Quand l'homme fut
mort, les trois assassins déshabillèrent
son cadavre, le UgoUèrcnt avec un tuyau
de plomb, puis s'en allèrent le jeter à
l'eau, du haut du pont de Chatou.
ruis, une lois nettoyés les vestiges du e
crime, le sang lavé, les habits de la vie- t
time brûlés et le parquet passé à l'encaus-
i tique, ils rentrèrent tranquillement comme f
j de braves gens qui viennent de dîner en t
! famille à la campagne. - j
Un hasard inattendu ayant fait remon- <
ter le cadavre malgré le poids du tuyau s
de plomb qui avait servi à le ficeler, les ]
coupables ont été bientôt reconnus et ]
arrêtés : ils ont fait les aveux les plus i
complets.
Point, au surplus, n'est besoin d'in-
sister plus longtemps sur les détails d'une
affaire que tous ont dû suivre dans les
journaux quotidiens. Il n'en est qu'un
seul incident que nous tenons à relever
parce qu'il nous paraît possible d'en dé-
gager une utile leçon :
11 y a quelques jours, magistrats et po-
liciers ramenaient avec un grand reten-
tissement à la ville de Chatou, madame
Fenayron, son mari et son beau-frère, et
les obligeaient à roproJuire devant eux
toutes les péripéties du crime, sur les
lieux mômes où il avait été commis. C'était
dans l'intérêt de l'instruction, disent les
uns. que se jouait cette étrange comédie ;
c'était plutôt, disent les autres, pour pro-
L curer nu divertissement de haut goût, aux
■ blasés du grand monde, à qui des cartes
; spéciales avaient été délivrées,
t Peu importe, d'ailleurs. Ce qui nous
- intéresse, ce dont nous vouions parler,
3 c'est autre chose. Il parait que, pendant
t cette représentation « pour rire » de l'as-
, sassinat, la foule, qui n'y assistait que de
- loin, n'a pas cessé de couvrir de huées
e furieuses le trio Fenayron, et que même
- sans la présence de la gendarmerie, qui a
s dû repousser par la force les tentatives
t des lyncheurs, on lui eût fait un mauvais
s parti... Voilà qui doit attirer l'attention
e voilà qui prête à réfléchir!
Somme toute, la tragédie de Chatou se
ramène essentiellement à une querelle de
bourgeois, se dérobant les uns aux autres
leur femme ou leur argent. Cela ne devrait
point émouvoir les travailleurs, s'il n'y
avait au fond de loui coeur d'homme un
ferment latent de solidarité qui nous porte
irrésistiblement à prendre la défense de
ceux de nos semblables, quels qu'ils
sp.ienA, co.nn.us ou inconnus, sans accep-
tion de classe, de parti, de nationalité, à
qui l'on fait violence, et à courir sus aux
agresseurs C'est évidemment pour obéir
à cet impérieux instinct de justice que la
population ouvrière de Chatou, se subs-
tituant aux représentants officiels de la
« vindicte publique», voulait faire expier
sur place leur forfait aux assassins du
malheureux Aubert.
U faut pourtant le dire, tout explicable,
tout louable même, jusqu'à un certain
; point, que soit ce mouvement spontané de
'la foule, il porte absolument à faux et
1 correspond à une conception tout à fait
erronée du milieu social et des relations
humaines.
Ce n'est peut-être pas le lieu ici de re-
faire la théorie de l'irresponsabilité, ni
de redire que si tout être humain est tou- tri
jours en état de légitime défense contre na
ceux qui attentent à sa vie, à sa liberté, à „u
son bien-être, personne, en revanche, ne $e
peut s'arroger le droit de juger et de
punir personne, fût-ce le pire des cri mi- m
nels, fussent même les Fenayron, dont le QJ
voisinage, nous le reconnaissons sans av
peine, n'a rien de rassurant ni d'agréable.
Mais, tout au moins, pourrons-nous |a
dire qu'au lieudes'<;n prendre auxetïels, ^
mieux vaudrait s'en prendre aux causes. ; _
Tout au moifto pourrons nous dire que \ „
les Fenayron sont encore moins coupables, ' j
moins haïssables qu'une société soi-disant j
civilisée qui peut engendrer et développer | :
de pareils monstres, champignons véné- ,
i neux, tout naturellement éclos sur son
L fumier. ™
Tout au moins, pomieiiS-nous dire que -
; c'est cette société — la grande criini- ...
t nelleî— qu'il faudrait « lyncher », de i
; préférence à ses fils, innocents, en fin de ,■
; compte, des vices et des abominables ins-
. tincts que leur a légués leur mère.
< Tout au moins pourrons-nous dire que
s s'il n'avait pas existé un Mariage et une ,
Propriété, s'il n'y avait pas eu une loi ré- ,
s glementant arbitrairement la plus incom-
■t pressible, 'sa p'us rôfractaire de toutes les .
it jiassions, l'amour, et permettant à un ,
,- homme de dire de l'être auquel les cir-
e constances ont associé sa vie : « Ma
is femme ! » comme on dit : « Mon chapeau »
,e ou « MOINÏ chien » ; s'il n'y avait pas eu
a une autre loi rèparlissant inégalement .
>s entre les hommes, au hasard de la four-
is chette, au petit bonheur, les moyens ,
m d'existence, de telle sorte que les uns ont
plus de dîners que d'appétit et les autres
plus d'appétit que de dîners ; si tous les {
individus avaient eu la libre disposition
se de leurs affections et l'intégrale satisfac-
le tion de leurs besoins ; — en un mot, si la
es révolution sociale avait été faite, il y
lit aurait quatre-vingt dix-neuf chances sur
l'y cent pour qu'Aubert vécût encore, parce
an que son meurtre n'aurait offert d'intérêt
"te pour personne.
de Telle est la morale « anarchiste » que
ils nous voulons tirer de « l'affaire de Cha-
p- tou » ; telle est la morale saine et vigou-
» à. reuse que nous nous sommes assigné la
UX mission de prêcher dans les masses, en-
&ir core gangrenées d'une foule de préjugés
la trompeurs, avec cet espoir qu'un jour
>S- viendra — jour prochain peut-être — où
la les témoins d'un crime, qu'un accès de
ier légitime exaspération aura poussés à « jus-
du licier » sommairement les coupables, se
diront que la logique et l'équité comman-
de, dent de commencer par les gendarmes et
ain les juges !
JUSTICE BOURGEOISE
Un caporal, en état d'ivresse, ayant voie ^
trois francs à un simple soldat, vient de m
passer devant le deuxième conseil de s<^
guerre de Paris et a été condamné à 6 ans
de réclusion et à la dégradation militaire.
Des généraux pillent et volent dans les P(
musées en Espagne, dans les palais en §'
Chine et sont qualifiés de héros et élevés •'
au maréchalat. ei
Députés, ministre^, sénateurs volent à ^
la bourse comme de simples et vulgaires c'
bonneteurs et sont promus commandeurs 1!
' ou grand-croix de la Légion d'honneur et (
j gratifiés des titres A'honorable et ù'excel-
j lence. . c
j Une ouvrière de 18 ans, ayant jeté du
i vitriol à la figure de sa rivale, le jury de
la Seine la condamne à trois ans de pri- P
son. Quinze jours après, la comtesse du v
Tailly accomplit le même crime, dans des °
! circonstances beaucoup plus coupables et ^
rend aveugle une jeune fille de seize ans, ]
* débauchée par M. le comte, son époux, l)
' Mme la comtesse est acquittée, '
Florian, jeune ouvrier désespéré par lai
misère, tire un coup de pistolet sur un c
' riche bourgeois sans l'atteindre. Le jury s
B bourgeois, cher au marquis de Kochefort,
le condamne à vingt ans de bagne. S'il '
avait tiré sur un ouvrier on l'aurait peut- '
être acquitté ou condamné tout au plus à '
trois mois de prison, c'est certain, mais
sur un bourgeois!... riche (circonstance
aggravante).
Dans le scandale de Bordeaux cinq in-
u
culpës sont condamnés à iO et 20 ans de
travaux forcés, le sixième inculpé étant le.
plus haut placé au point de vue bourgeois
bénéficie de cet avantage et quoique ro-
]l connu LE PLUS COUPABLE par des
'" preuves multiples, est acquitté, mais cir-
constance absolument atténuante, paraît-il,
pour le jury très cher au rédacteur en
J" chef de Y Intransigeant, il s'appelle Chatel
et est colonel en activité,
y
Je dis : reconnu le plus coupable et ac-
quitté! .' ,'■
' Voilà ce qn'esl la société bourgeoise
Capitaliste, monarchique et républicaine.
A quand, paria social, le déchaînement
de tes colères justicières et l'anéantisse-
ment de ce hideux brigandage dont toi
,~ seul est victime"? ? ?
A quand la pulvérisation complète,
', absolue de tous les scélérats de la terre
FéS
' qui perpétuent le crime et le feulent aux
ur pieds???
LA LOI
La loi ! ce mot qui fait trembler la gé-
néralité des hommes ; la loi ! ce cauche-
mar constant du prolétaire, car elle n'est
faite que contre lui et pour le troubler
dans son faible repos ; la loi ! ce despote
que l'on ne voit pas, mais que l'on sent
partout, que l'on voit placardée sur
les murs de l'usine sous forme de règle-
ment, ou cheminant le long des rues,
sous le vêlement du sbire, toujours armée
d'un instrument sanguinaire ; la loi ! cette
chose tellement antihumanitaire que nous
pouvons, sans crainte d'être traités d'exa-
gérés, dire qu'elle est la malédiction qui
plane constamment sur la sociélé et qui
empoisonne tous les sentiments généreux
que la nature tend à faire germer dans le
coeur de l'homme; la loi 1 enfin, barrière
infranchissable dressée par le fort contre
les droits et la liberté du faible, est reçue
dans notre société, déchirée et sanglante,
comme une chose sainte ; elle, cause de
toutes les souffrances, de toutes les priva-
tions de notre siècle, est placée sur un
piédestal autour duquel tous les ignorants
viennent se courber, pendant que tous les
oppresseurs i'exaltenl ot la prônent
pour lui conserver le respect asservissant
qui courbe sous elle toutes les victimes
qu'elle é'-rase et qu'elle sacrifie à ce dieu
plus haut, : le capital.
Et cependant qu'est-ce que la loi, pour
qu'on lui rende un culte aussi fervent,
sinon une suite continuelle de machina-
tions hypocrites, malsaines et honteuses
des riches, qui, sous prétexte de raison
d'Etat, ont été tournées en décrets et,
par suite, en lois, et qui changent selon
les exigences que comporte la situation
de leurs inventeuis?
Oui la loi est une chose honteuse, cri-
minelle : elle est le crime.
Elle est le crime parce qu'elle a été
créée pour maintenir la propriété, fruit
''_ du pillage, du vol, de l'exploitation hu-
maine.
Elle est le crime parce qu'elle est faite
pour courber les travailleurs sous la botte
avilissante du capital.
Elle est le crime parce qu'elle n'a à la
' bouche que des menaces de mort, de ser-
vage, et d'abrutissement.
Elle est le crime parce qu'elle n'a pour
sanction que le sabre de l'argousin, ou
le fusil du gendarme brute et bète.
e
Et ceux qui l'appliquent savent si bien
qu'elle est le . crime qu'il n'y a, à leurs
yeux, rien de tre,, de la formidable orga-
\ nisation trilogique qui compose l'Etat
pour la maintenir : ils savent que sans le
concours constant de l'abrutissant clergé,
''' de la lâche, immonde et fétide autant que
*e
vénale magistrature, comme de lastupide,
brutale et fainéante génie à èpauletles,
c'en serait bientôt fait de sa frêle auto-
_ rite.
Mais consolons-nous, cette autorité
' n'est que le résultat d'une religion, la
religion de la loi, et le temps des religions
est passé. Le culte que Ton rend à la loi
é- disparaît comme tous les autres, il baisse
e- devant la science qui se lève dans la li-
3sl berté ! Ce qu'il faut aux hommes main-
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