Titre : La France mutilée : bulletin ["puis" organe] de l'Union fédérale des associations françaises de blessés, mutilés, réformés, anciens combattants de la grande guerre et de leurs veuves, orphelins et ascendants
Auteur : Union fédérale des associations françaises de blessés, mutilés, anciens combattants de la Grande guerre, et de leurs veuves, orphelins et ascendants (Paris). Auteur du texte
Éditeur : [s.n.] (Orléans)
Éditeur : [s.n.][s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1921-08-14
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32778016m
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 1087 Nombre total de vues : 1087
Description : 14 août 1921 14 août 1921
Description : 1921/08/14 (A2,N44)-1921/08/20. 1921/08/14 (A2,N44)-1921/08/20.
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k5604512m
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-25331
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 17/01/2011
2* Année. — N« 44.
PUBLICATION HBÔÎDOMflDflmB. — lie Namét»o : 20 Centimes
Dimanche 14 Août 1921.
IiA FRANCE!£es uceneiments ?
B ■fflfflV W OH «M. ' **Pres VOUS, \ ygj )
Byi.tEf|N DE L'UNION FÉDÉRALE DES ASSOCIATIONS FRANÇAISES^
de Blessés, Mutilés, Réformés, Anciens Combattants de la Grande Guerre et de leurs Veuves, Orphelins et Ascendants
Sîè$ s^ : 8 FRANCS. « Rédaction etAdministPatloû : «* IiA ERÂKGÈ MtJTILcÉE " Oriéafls-CéDtiml-, 21
AMNISTIE ET JUSTICE MILITàIRE
Ne laissons pas déplace? les respmis$bïlités
Ne laissons pas travestir itos intentions,
Depuis les mémorables séances où]
l'Union Fédérale a pris solennellement po- |
sitiOh su* ces deux problèmes capitaux
pour les anciens combattants et pour tous '
■ les citoyens en général, U activité du Bu- -, i
reàu n'a; pu se concentrer suffl^mmènt I <
sur la ïéalisalion des voeux correspondants '
du^ èongrès de Nancy. j
C'est un:fait : jamais encore, députe
;que nous ayons fondé nos Associations,
leurs mandataires n'ont eu tant à faire
que dans les deux mois qui ont suivi nos
assises de "1921. Jamais nos interventions
auprès du Gouvernement, dés parlemen-
taires ou des Commissions, des Chambres
n'ont été aussi répétées qu'elle le furent
à l'occasion du vote> de lois déposées le
plus souvent sous notre pression et con- >
cernant des questions de première ur-
gence. - N 1 !
Mais l'absence de concentration ne si-
gnifie pas l'inaction.
Gomme l'expliquait très bien Randoux,
le -10 juillet, l'énergique protestation des
catoainades de Vichy, reprise et amplifiée
par l'Union Fédérale et précisée juridi- ;
quiemelit par nos représentants qualifiés, ;
a eu im premier résultat : l'ouverture
d*xine enquête contre le lieutenant Pau-
laud, un dès acteurs du drame de Vingré.
Or, à la date du 29 juillet, cette enquête a
amenévje;^^eajîiîaine ^^mpportèur .tfu>Gon£j?it
de^uefre du Î3" corps à inculper le lieute-
nant Paulaud dé faux témoignage.
Un second résultat qui certainement
n'eût pas été aussi rapide, si la grande
Voix des combattants ne s'était fait en-
tendre, c'est la constitution d'une Com-
mission chargée d'étudier la refonte du
Codo de justice militaire.
Un troisième enfiïi — c'est le dernier
pour le moment — réside dans les pro-
messes qui ont été faites à la tribune de la
Chambre par le Ministre de la Guerre et
' le Président du Conseil, au cours d'inter-
pellations où l'action de VUnion Fédérale
et les voeux du "Congrès de Nancy furent
fréquemment évoqués.
A nos yeux, ce n'est là qu'un début, un
petit début et momentanément allégé de
certaines autres, tâches, le Bureau fédéral
compte déployer son activité pour obtenir
des gages tangibles et pas trop tardifs.
Maie le3 débats qui se sont déroulés à
la Chambre à propos de la demande d'in-
terpellation Aubry, ont marqué chez tous
les orateuafe, députés et ministres, en mê-
me temps qu'une certaine bonne volonté,
une connaissance insuffisante et impré-
cise des voeux exacts de l'Union Fédérale.
Avant d'exposer l'ensemble de nos vues
et de nos revendications sur ce point, je
tiens donc à mettre nos camarades, com-
me les Pouvoirs publics et l'opinion, en
garde contre une grave erreur, que dis-je !
'contre une véritable manoeuvre qui rap-
pelle singulièrement celle du Corpsv de
* santé militaire, lorsqu'il recourt à la presse
pour dénoncer le « Scandale des Pen-
sions ».
.Echapper à ses responsabilités, c'est
bien. Les faire endosser par d'autres, c'est.
encore plus habile.
Mais nous ne nous laisserons pas faire.
Et pour commencer, nous ferons ici une
double mise au point
1° La première concerne l'attitude de
nos Associations concernant l'amnistie et
les tristes répercussions qu'ont eus déjà
certains textes de cette loi d'amnistie sur
la sécurité publique.
Depuis trois mois environ, sur cinq
crimes commis, il y en a deux ou trois
accomplis par des condamnés de droit
commun bénéficiaires de la loi ,de clé-
mence : les victimes sont fréquemment
d'anciens combattants. Le dernier attentat
du rapide de Paris-Marseille a eu trois
auteurs : deux étaient — car l'un d'eux a
été depuis tué — en liberté à la suite de
l'effacement de leur dernière condamna-
tion. Le phénomène est grave, il est si
grave que les magistrats de l'ordre le
plus élevé, et que les Associations profes-
sionnelles des membres de la police ont
poussé lin cil d'alarme^; bienrayant que ià
grande pressé commencé sa campagne. ]
Jusqu'ici rien à dira Mois voici où l'af- i
faire se corse. On commence à susurrer, â ;..]
suggérer que peuUêtre les Associations de -:
combattants ont exercé sur le Parlement i.
ufcie trop forte pression-et qiie; i'incontes- ; i
table aggravaMon de la ci'iminalité serait ;■ ]
■■{lue pour une certaine part à l'excès de la •
démence et de la générosité dont a fait i
preuve le Pouvoir législatif, en faveur des i
anciens combattants ou de leurs familles. \i
Ici, je crie : halte-là 1 À chacun ses res-- ]
ponsabilités ! !
L'UNION FÉDÉRALE ne s'est jamais j
préoccupée que de l'amnistie des irJFRAC- ]
TIONS MILITAIRES et sur oe point elle ,
demandait une loi très large, très géné-
reuse. Nos parlementaires n'ont pas voulu
suivre les objurgations de nos représen- ..,
tànts les plus dévoués, Jes éloquentes pà- ,
rôles du colonel Picot." Mais; pour donner
le change sur leurs sentiments réels en-
vers les anciens combattante,, coupables ._
de certaines infractions, ils ont cherché un
ERZATZ, un succédané et ils ont'amnistié
à tour de bras des infractions de droit
commun.
Il est évident que parmi celles-ci, il y
en avait qui, par leur faible gravité et le
manque d'une vocation criminelle propre-
ment dite chez leurs auteurs, méritaient .
un oubli généreux. L'effacement dè~ con-
damnations inférieures à trois mois d'em-
prisonnement pouvait donc se comprendre,
en faveur d'anciens combattants ou mo-
bilisés non récidivistes. Mais on ne s'en
est pas tenu là ; on a amnistié automati-
quement toutes les condamnations avec
sursis inférieures à deux années de pri-
son ; on a amnistié toutes les faillites, mê-
mes les plus répréhensibles, alors que du-
rant la guerre on ..ne frappait de la fail-
lite que ceux qui avaient ouvertement
manqué aux plus élémentaires règles de
l'honnêteté. On a même amnistié des dé-
lits punis par le Code militaire comme les
vols ou détournements d'effets, d'essence,
de matériel militaire, alors qu'il s'agissait
de véritables infractions de droit com-
mun. Dans cette frénésie de pardon, il a
fallu l'intervention d'un mutilé pour em-
pêcher l'anmnistie des RELÉGABLES,
c'est-à-dire des récidivistes tellement dan-
gereux qu'on les juge incorrigibles et
qu'on les envoie hors de la métropole.
Les résultats de cette générosité sans dis-
cernement sont là, on peut les regretter et
les Associations d'anciens combattants,
formées de citoyens qui ont. fait au pays
les plus grands sacrifices et qui ont ap-
pris, à l'école du devoir, à être généreux
envers les victimes de certaines défail-
lances, regrettent ellés-aussi que trop d'in-
dignes aient bénéficié de ces mesures.
Mais, ai elles revendiquent hautement la.
responsabilité de l'amnistie des infractions
militaires, celles qui touchent à la disci-
pline spéciale de la vie sous les arcnes, si
même elle trouvent que dans cet ordue
d'idées on n'a. pas assez tenu compte des
circonstances exceptionnelles rappelées par
M. Barthou à propos des condamnations
précitées, ces mêmes Associations n'ac-
ceptent en aucune façon d'endosser la res-
ponsabilité de l'amnistie de trop de con-
damnés de droit commun. L'Union Fédé-
rale, à cet égard, ne craint aucune accu-
sation ou insinuation ; elle a toujours con-
sidéré que cette partie de la loi ne l'in-
téressait pas spécialement et elle s'est abs-
tenue d'intervenir pour préconiser ou com-
battre les dispositions aujourd'hui si cri-
tiquées ;
2° Arrivons à la seconde mise au. point.
Elle concerne les prétendues arrière-
. pensées politiques qui- auraient pu se dis-
simuler dans les voeux du Congrès de
. Nancy relatifs à la justice militaire. Nos
i voeux impliqueraient, paraît-il, une suspi-
■ cion générale contre toutes les condamna-
L tiens prononcéds par les Conseils de guerre
! et du même coup contre l'iwinneur de l'ar-
- mée t
t Ici encore, il nous appartient de ne pas
laisser travestir nos intentions par des
personnes intéressées jàVl'insiicéès de; nos
demandes dé réforme;ou.même par des
parlementaires dévoués, mafe qui n'au-
raient reçu- aucun mandat die notre 'part.-
L'UNION FÉDÉRALE - C'EST UN
GRIME DE L'AVISv DE CERTAINS;
MAIS C'EST UN FAIT'INCONTESTABLE
—■ N'EST PAS UNE! MACHINE DE
GUERRE AUX MAINS DÈS POLITI-
CIENS: Emanée du,plus profond 1 besoin
des mutilés et ■ ànciè]^;'conniattants,; elle
n'a fait qu'exprimer leui*s voeux unanimes
sans distinction dé "clâisse, d'opinion, de
grades ou' de régions.bilisés pendant la guerre de 1914-1919. ont
été frappés des vioe3 dîorganisation et ' de
fonctionnement de la Jïistice militaire. Ces
vices se s culièrement dramatique[[.. dans certaines
crises, à l'occasion de:jôbndamnations par-
ticulièrement douloureuses. En quoi l'hon-
neur de l'armée est-il engagé, si nos Asso-
-ciatiôns cherchent à -provoquer des ré-~
formes sérieuses dans Uiië partie si capi-
tale de notre organisation militaire et ci-
vique ? ■ -Vi- . • ■ ■ v:
N'estce pas plutôt kupù réussite de ces
réformes qu'est intéressé l'honneur de
l'aiimée ? . :y. '■■.:■■'■
Et les chefs, eouoieux de leurs responsa-
bilités, ne seront-ils pas les premiers à se
réjouir d'une organisation meilleure des
sanctions dans l'armée ?
Qu'il soit donc entendu une fois pour
toutes ,que nous ne sei'vons ici que l'inté-
rêt général et que l'Union Fédérale, sans
prétendre à aucun monopole sur une ques-
tion qui intéresse l'universalité du pays,
a, le droit de réclamer pour l'armée de
ceux qui ont défendu, le pays, un statut
plus conforme à la justice et aux exigences
de la guerre moderne. En agissant ainsi
avec la fermeté, l'indépendance et l'impar-
tialité qu'elle a toujours observées dans
son action, elle suivra donc une ligne
droite dont aucune considération particu-
lière ne saurait la détourner.
(A suivre)
René CASSIN,
Vice-Président de l'Union Fédérale.
L'Affaire des quatre Caporaux
fusillés à Souain
Un Officier du 336* S. I. fait d'importantes déclarations
LA REVISION DU CODE DE JUSTICE MILITAIRE
Le Ministre de la Guerre vient d'insti-
tuer, par arrêté, une Commission chargée
d'étudier la réforme du Code de justice
militaire pour l'armée de terre.
Cette Commission est ainsi composée :
MM. René Besnard, sénateur, président ;
Poulie, sénateur ; Barillet, député ; Gheu-
si, député ; Audibert, contrôleur général
de lr 0 classe, ancien directeur adjoint du
contentieux et de la justice militaire ;
Crétin, contrôleur général de lr 0 classe,
ancien directeur du contentieux et de la
justice militaire ; Filippini, .directeur du
contentieux et de la. justice militaire au
Ministère de la Guerre ; Garçon, profes-
seur de droit pénal à la Faculté de droit
de Paris ; Gassouin, général de division,
premier sous-chef de l'état-major général
de l'armée ; Le Poittevin, vice-président de
Chambre à la Cour d'appel de Paris ;
Matter, avocat général à la Cour de cassa-
tion, ancien directeur du contentieux et
de la justice militaire ; Pichat, conseiller
d'Etat ; Pressard, substitut du procureur
général près la tiour d'appel de Paris,
ancien directeur de In justice militaire ;
Schaffer, chef de bataillon, du service de-
là justice militaire du gouvernement mili-
taire do Paris ; Simon, général de bri-
gade, chef d'étatmaj or Su gouvernement
militaire de Paris ; Têtu, sous-chef do
bureau, faisant fonctions de chef de bu-
reau de la justice militaire au Ministère
de la Guerre ;.Martz, officier d'adminis-
tration de 1" classe des tribunaux mili-
taires, détaché à la direction du conten-
tieux et de la justice militaire, secrétaire.
ISn. aeoonde £»aj£o :
lies 1-iiceTi.ciea^a.eri.ts-
jDemM Huit jotas*» t
{3-a.Ite c3.es articles a.e ^si-rce! LBHMA1T1T,
Et cloc-iax^eanL-fes snax les -A^ffaôjres Is^ExHtaixes-
On sait que là Chambre des mises en t
accusation de la Cour d'appel de Rennes, p
saisie de là révision de l'affaire des quatre p
caporaux fusillés à Souain, en mars 1915, fi
fait procéder à une enquête sur les laits s
de cette troublante exécution. e
Un officier du 336° régimentd'infanterie,
mis sur sa, demande en congé depuis le s
Oiois de décembre dernier, M. le capitaine t
Gràcy de la Heyriej a fait ces jours dér- n
niers la déposition qui lui était demandée, p
chez M. le juge d'instruction de Belley. ■ û
Notre correspondant dans cette ville, s
M- Jean Fabry, a tihterviewé le capitaine
Gracy, qui lui a fait les intéressantes dé- «
cil ara Mon suivantes : «
c
« Je puis vous donner quelques rensei-
gnements précis sur l'affaire des quatre d
capo'raux du 336° R. I. fusillés à Suippes_„p
en mars 1915.
« Pétais alors officier de- liaison entre t
le commandant du régiment (commandant c
Astier) et les bataillons de cette unité, et r
je fus cité comme témoin aulx débats du c
conseil de guerre (16 mars). Ces souve- c
nirs, "qui sont pour moi les plus tristes de t
toute la guerre, sont encore, dans leur en- (
semble, gravés dans ma mémoire comme e
au, premier joui*.
« Le régiment avait pour mission, lé
7 mars 1915, de s'emparer des tranchées
allemandes au nord de Souain ^-Le-5' ba- j
taillon -devait faire l'opération.avec une -,
compagnie d'assaut, sortant peloton par ,
peloton. * i
« La préparation d'artillerie — en ma- ,
jeure partie du 75 et du 90 — devait durer ,
deux heures.
« L'expérlience de la guerre, si chère- ]
nient acquise, a montré qu'une opération ,
de ce genre, avec de si faibles effectifs, n'a
de chance de réussir qu'autant que la pré-
paration est efficace, et qu'aucune mitrail-
leuse ennemie ne reste en action ; la dis-
tance d'assaut était de 120 mètres environ.
Le 7 et le 8 mars, toutes les tentatives du ;
5° batalillon échouèrent, malgré l'énergie
avec laquelle elles furent menées ; au bout
de quelques mètres, la_troupe, fauchée
par le feu des mitrailleuses, était obligée
de se coucher et ne pouvait progresser da-
vantage. Les pertes furent sérieuses.
L'ordre d'attaque
Le 9, la 21° compagnie, commandée par
le lieutenant Marvau, recevait l'ordre
d'attaquer le 10 au matin,, après avoir rele-
vé les deux compagnies du 5° bataillon
qui, successivement, avarient tenté d'at-
teindre la tranchée adverse.
Tous les officiers considérèrent cette at-
taque comme une folie : par suite des
premiers échecs, les Allemands se trou-
vaient sur leurs gardes. La tentative
n'avait aucune chance de réussir, sauf
si notre artillerie anéantiissait, complète-
ment, les tranchées allemandes ; mais, hé-
las, nous n'étions pas encore, en 1915,
aux tirs de destruction dont la, « néces-
sité » ne commença guèi'e à être recon-
nue au'en 1916.
La 21" fit donc une première tentative
et sortit de ses tranchées, mais le lieute-
nant, Marvau rendit compte au chef de
corps que les défenses ennemies étaient
insuffisamment détruites, et. qu'il était im-
possible de progresser. A son tour, le
commandant Astier rendit, compte au
commandement, de la situation. En ré-
ponse, il reçut l'ordre formel d'avoir à
faire continuer Vattaque par la 21" com-
pagnie.
Le refus de marcher
Cet ordre transmis à la compagnie in-
téressée, nous eûmes cette réponse bru-
tale — je n'ose dire fatale — au bout d'uns
demi-heure : « La compagnie ne sort pas
« de ses tranchées... elle no veut pas. »
« Devant la gravité de la situation, le
chef de corps réunit tous les officiers au-
tour de lui, et nous dit de le suivre, et il
partiit vers la parallèle de départ.
« .Te n'insisterai pas sur l'aspect des
tranchées pendant ce court trajet ; tout le
k monde a connu, les jours d'attaque, l'en-
combrement des boyaux. J'ajouterai que
c'était depuis trois jours que le 5° bataillon
et la 21« compagnie, se trouvaient dans les
tranchées, hâtivement faites pour l'at-
taque, les hommes sans abri et équipés I
« Nous parvînmes enfin à la paîfiîîèle
de départ et nous vîmes de suite qu'au-
■ enno puissance au monde, matérielle on
morale, no ferait sortir la 21» compagnie.
« L*état de fatigue des hommes était
~ ~ ~ ■•»*i.
trop grand, leur ressort moral trop brisé
par les échecs successifs, pour qu'ils
pussent exécuter l'ordre et faire le sacri-
fice demandé, car ils savaient trop que ce
sacMifice était inutile et que pas un d'entre
eux n'atteindrait le ■-but. • ■••'•■
« Tous les officiers et sous-officiers pré-
sents 1 firent l'impossible pour les faire sor-
tir, ce fut en Vain ; les malheureux — je
ne puis les appeler autrement — n'eurent
pas un cri de révolte, mais ils nous regar- '
daient sans nous voir et nous entendaient
sans nous comprendre.
« J'entendlls juste ce mot ; « Tuez-moi si
« vous voulez, mais je ne sortirai pas..., je
« ne peux pas » — et cela sans haine ni
colère.
« A nouveau, le conunandant Astier ren-
dit compte en insistant sur la dépression
-physique et morale des unités engagées.
« Quelques heures après, je vis le lieu-
tenant de Courville remettre au comman-
dant Astier un ordre écrtit de la division,
d'avoir à faire un rapport tendant à tra-
duire devant un conseil de guerre les gra-
. dés de la 21e compagnie n'étant pas sor-
tis et. un ou deux hommes par escouade
(je lie puis plus préciser à présent) « des
classes les plus jeunes ».;
Le conseil de guerre
« L'instruction suivit son cours, et 1*
10, je fus cité comme témoin au consedl de
guerre où, à ma grande surprise, je ne
vis, parmi ses membres, qu'un seul of-
ficier vraiment de « troupe », c'est-à-dire
vivant près d'elle, le colonel Martenet,
commandant le 247a R. I., président.
« Les débats furent marqués surtout, par
l'incident qui fit abandonner, par le com-
missaire du gouvernement, l'accusation
pour les huit hommes et deux des capo-
raux, et ensuite pour les 18 hommes accu-
sés, sous prétexte que ces hommes n'a-
vaient pas entendu le coup de sifflet, donné
pair leur chef de section : l'adjudant Ca-
diou (glorieusement, tué depuis).
« Je ne pense pas qu'il existât, le 10
au matin, un seul homme du régiment,
qui ignorât que l'ordre ne fut de sortir ;
toujours est-il que la courageuse déposi-
tion de l'adjudant Cadiou sauva 20
hommes, mais le brave sous-officier fut
sévèrement blâmé pour n'avoir pas fait
ce qu'il fallait pour que ces hommes en-
tendissent le signal 11 1
« A son tour, le commandant Astier re-
çut un blâme pour avoir fait traduire de-
vant un conseil de guerre, des hommes,
sans avoir fait une enquête suffisante
sur leur compte, alors que c'est par
l'ordre de la divfision que lo rapport avait
été fait, et que cet ordre prescrivait de
choisir des hommes des plus jeunes
classes. L'accusation fut donc conserver-
pour les quatre caporaux.
« Tous les témoins présents firent l'im-
possible pour faire admettre des circons-
tances atténuantes, mais l'indulgence a
une limite, paraît-il, car dès que les dépo-
sitions (la mienne en particulier), deve-
naient favorables aux accusés, elles étaient
interrompues assez brusquement et une
autre question était posée. Ceci fut mani-
feste et tous les spectateurs des débats en
eurent l'impression très nette.
« Les quatre caporaux furent donc con-
damnés à mort.
L'exécution
« A l'exécution, tout le monde pleurait;
un au moins des caporaux était marié et
père de famille. Il devait avoir près de
JK) ans...
« Et. chacun se posait la même ques-
tion : Coupables, oui, mais comme toute
la compagnie ; ailors, pourquoi eux ?...
« Maintenant j'ajoute : coupables parce
qu'on doit obéSr à un ordre quel qu'il
soit, même si l'ordre est stupide, car, en-
fin, était-il » bon » cet ordre, je me le de-
mande, puisque dans la suite de la
guerre il nous est, arrivé bien souvent de
ne pas attaquer, parce que toutes les mi-
trailleuses n'étaient pas détruites... et
personne n'a été fusillé pour cela... Je
sais bien que l'on dira qu'il fallait un
exemple, mais je sais aussi le sentiment
des 2.000 hommes d'un Tégiment.
Deux poids, deux mesures
<( Enfin, j'ajouterai qu'une heure après
sa décision, le même conseil de guerre se
réunissait à nouveau pour juger deux
{Lire la suite en 2* page)
PUBLICATION HBÔÎDOMflDflmB. — lie Namét»o : 20 Centimes
Dimanche 14 Août 1921.
IiA FRANCE!£es uceneiments ?
B ■fflfflV W OH «M. ' **Pres VOUS, \ ygj )
Byi.tEf|N DE L'UNION FÉDÉRALE DES ASSOCIATIONS FRANÇAISES^
de Blessés, Mutilés, Réformés, Anciens Combattants de la Grande Guerre et de leurs Veuves, Orphelins et Ascendants
Sîè$ s^ : 8 FRANCS. « Rédaction etAdministPatloû : «* IiA ERÂKGÈ MtJTILcÉE " Oriéafls-CéDtiml-, 21
AMNISTIE ET JUSTICE MILITàIRE
Ne laissons pas déplace? les respmis$bïlités
Ne laissons pas travestir itos intentions,
Depuis les mémorables séances où]
l'Union Fédérale a pris solennellement po- |
sitiOh su* ces deux problèmes capitaux
pour les anciens combattants et pour tous '
■ les citoyens en général, U activité du Bu- -, i
reàu n'a; pu se concentrer suffl^mmènt I <
sur la ïéalisalion des voeux correspondants '
du^ èongrès de Nancy. j
C'est un:fait : jamais encore, députe
;que nous ayons fondé nos Associations,
leurs mandataires n'ont eu tant à faire
que dans les deux mois qui ont suivi nos
assises de "1921. Jamais nos interventions
auprès du Gouvernement, dés parlemen-
taires ou des Commissions, des Chambres
n'ont été aussi répétées qu'elle le furent
à l'occasion du vote> de lois déposées le
plus souvent sous notre pression et con- >
cernant des questions de première ur-
gence. - N 1 !
Mais l'absence de concentration ne si-
gnifie pas l'inaction.
Gomme l'expliquait très bien Randoux,
le -10 juillet, l'énergique protestation des
catoainades de Vichy, reprise et amplifiée
par l'Union Fédérale et précisée juridi- ;
quiemelit par nos représentants qualifiés, ;
a eu im premier résultat : l'ouverture
d*xine enquête contre le lieutenant Pau-
laud, un dès acteurs du drame de Vingré.
Or, à la date du 29 juillet, cette enquête a
amenévje;^^eajîiîaine ^^mpportèur .tfu>Gon£j?it
de^uefre du Î3" corps à inculper le lieute-
nant Paulaud dé faux témoignage.
Un second résultat qui certainement
n'eût pas été aussi rapide, si la grande
Voix des combattants ne s'était fait en-
tendre, c'est la constitution d'une Com-
mission chargée d'étudier la refonte du
Codo de justice militaire.
Un troisième enfiïi — c'est le dernier
pour le moment — réside dans les pro-
messes qui ont été faites à la tribune de la
Chambre par le Ministre de la Guerre et
' le Président du Conseil, au cours d'inter-
pellations où l'action de VUnion Fédérale
et les voeux du "Congrès de Nancy furent
fréquemment évoqués.
A nos yeux, ce n'est là qu'un début, un
petit début et momentanément allégé de
certaines autres, tâches, le Bureau fédéral
compte déployer son activité pour obtenir
des gages tangibles et pas trop tardifs.
Maie le3 débats qui se sont déroulés à
la Chambre à propos de la demande d'in-
terpellation Aubry, ont marqué chez tous
les orateuafe, députés et ministres, en mê-
me temps qu'une certaine bonne volonté,
une connaissance insuffisante et impré-
cise des voeux exacts de l'Union Fédérale.
Avant d'exposer l'ensemble de nos vues
et de nos revendications sur ce point, je
tiens donc à mettre nos camarades, com-
me les Pouvoirs publics et l'opinion, en
garde contre une grave erreur, que dis-je !
'contre une véritable manoeuvre qui rap-
pelle singulièrement celle du Corpsv de
* santé militaire, lorsqu'il recourt à la presse
pour dénoncer le « Scandale des Pen-
sions ».
.Echapper à ses responsabilités, c'est
bien. Les faire endosser par d'autres, c'est.
encore plus habile.
Mais nous ne nous laisserons pas faire.
Et pour commencer, nous ferons ici une
double mise au point
1° La première concerne l'attitude de
nos Associations concernant l'amnistie et
les tristes répercussions qu'ont eus déjà
certains textes de cette loi d'amnistie sur
la sécurité publique.
Depuis trois mois environ, sur cinq
crimes commis, il y en a deux ou trois
accomplis par des condamnés de droit
commun bénéficiaires de la loi ,de clé-
mence : les victimes sont fréquemment
d'anciens combattants. Le dernier attentat
du rapide de Paris-Marseille a eu trois
auteurs : deux étaient — car l'un d'eux a
été depuis tué — en liberté à la suite de
l'effacement de leur dernière condamna-
tion. Le phénomène est grave, il est si
grave que les magistrats de l'ordre le
plus élevé, et que les Associations profes-
sionnelles des membres de la police ont
poussé lin cil d'alarme^; bienrayant que ià
grande pressé commencé sa campagne. ]
Jusqu'ici rien à dira Mois voici où l'af- i
faire se corse. On commence à susurrer, â ;..]
suggérer que peuUêtre les Associations de -:
combattants ont exercé sur le Parlement i.
ufcie trop forte pression-et qiie; i'incontes- ; i
table aggravaMon de la ci'iminalité serait ;■ ]
■■{lue pour une certaine part à l'excès de la •
démence et de la générosité dont a fait i
preuve le Pouvoir législatif, en faveur des i
anciens combattants ou de leurs familles. \i
Ici, je crie : halte-là 1 À chacun ses res-- ]
ponsabilités ! !
L'UNION FÉDÉRALE ne s'est jamais j
préoccupée que de l'amnistie des irJFRAC- ]
TIONS MILITAIRES et sur oe point elle ,
demandait une loi très large, très géné-
reuse. Nos parlementaires n'ont pas voulu
suivre les objurgations de nos représen- ..,
tànts les plus dévoués, Jes éloquentes pà- ,
rôles du colonel Picot." Mais; pour donner
le change sur leurs sentiments réels en-
vers les anciens combattante,, coupables ._
de certaines infractions, ils ont cherché un
ERZATZ, un succédané et ils ont'amnistié
à tour de bras des infractions de droit
commun.
Il est évident que parmi celles-ci, il y
en avait qui, par leur faible gravité et le
manque d'une vocation criminelle propre-
ment dite chez leurs auteurs, méritaient .
un oubli généreux. L'effacement dè~ con-
damnations inférieures à trois mois d'em-
prisonnement pouvait donc se comprendre,
en faveur d'anciens combattants ou mo-
bilisés non récidivistes. Mais on ne s'en
est pas tenu là ; on a amnistié automati-
quement toutes les condamnations avec
sursis inférieures à deux années de pri-
son ; on a amnistié toutes les faillites, mê-
mes les plus répréhensibles, alors que du-
rant la guerre on ..ne frappait de la fail-
lite que ceux qui avaient ouvertement
manqué aux plus élémentaires règles de
l'honnêteté. On a même amnistié des dé-
lits punis par le Code militaire comme les
vols ou détournements d'effets, d'essence,
de matériel militaire, alors qu'il s'agissait
de véritables infractions de droit com-
mun. Dans cette frénésie de pardon, il a
fallu l'intervention d'un mutilé pour em-
pêcher l'anmnistie des RELÉGABLES,
c'est-à-dire des récidivistes tellement dan-
gereux qu'on les juge incorrigibles et
qu'on les envoie hors de la métropole.
Les résultats de cette générosité sans dis-
cernement sont là, on peut les regretter et
les Associations d'anciens combattants,
formées de citoyens qui ont. fait au pays
les plus grands sacrifices et qui ont ap-
pris, à l'école du devoir, à être généreux
envers les victimes de certaines défail-
lances, regrettent ellés-aussi que trop d'in-
dignes aient bénéficié de ces mesures.
Mais, ai elles revendiquent hautement la.
responsabilité de l'amnistie des infractions
militaires, celles qui touchent à la disci-
pline spéciale de la vie sous les arcnes, si
même elle trouvent que dans cet ordue
d'idées on n'a. pas assez tenu compte des
circonstances exceptionnelles rappelées par
M. Barthou à propos des condamnations
précitées, ces mêmes Associations n'ac-
ceptent en aucune façon d'endosser la res-
ponsabilité de l'amnistie de trop de con-
damnés de droit commun. L'Union Fédé-
rale, à cet égard, ne craint aucune accu-
sation ou insinuation ; elle a toujours con-
sidéré que cette partie de la loi ne l'in-
téressait pas spécialement et elle s'est abs-
tenue d'intervenir pour préconiser ou com-
battre les dispositions aujourd'hui si cri-
tiquées ;
2° Arrivons à la seconde mise au. point.
Elle concerne les prétendues arrière-
. pensées politiques qui- auraient pu se dis-
simuler dans les voeux du Congrès de
. Nancy relatifs à la justice militaire. Nos
i voeux impliqueraient, paraît-il, une suspi-
■ cion générale contre toutes les condamna-
L tiens prononcéds par les Conseils de guerre
! et du même coup contre l'iwinneur de l'ar-
- mée t
t Ici encore, il nous appartient de ne pas
laisser travestir nos intentions par des
personnes intéressées jàVl'insiicéès de; nos
demandes dé réforme;ou.même par des
parlementaires dévoués, mafe qui n'au-
raient reçu- aucun mandat die notre 'part.-
L'UNION FÉDÉRALE - C'EST UN
GRIME DE L'AVISv DE CERTAINS;
MAIS C'EST UN FAIT'INCONTESTABLE
—■ N'EST PAS UNE! MACHINE DE
GUERRE AUX MAINS DÈS POLITI-
CIENS: Emanée du,plus profond 1 besoin
des mutilés et ■ ànciè]^;'conniattants,; elle
n'a fait qu'exprimer leui*s voeux unanimes
sans distinction dé "clâisse, d'opinion, de
grades ou' de régions.
été frappés des vioe3 dîorganisation et ' de
fonctionnement de la Jïistice militaire. Ces
vices se s
crises, à l'occasion de:jôbndamnations par-
ticulièrement douloureuses. En quoi l'hon-
neur de l'armée est-il engagé, si nos Asso-
-ciatiôns cherchent à -provoquer des ré-~
formes sérieuses dans Uiië partie si capi-
tale de notre organisation militaire et ci-
vique ? ■ -Vi- . • ■ ■ v:
N'estce pas plutôt kupù réussite de ces
réformes qu'est intéressé l'honneur de
l'aiimée ? . :y. '■■.:■■'■
Et les chefs, eouoieux de leurs responsa-
bilités, ne seront-ils pas les premiers à se
réjouir d'une organisation meilleure des
sanctions dans l'armée ?
Qu'il soit donc entendu une fois pour
toutes ,que nous ne sei'vons ici que l'inté-
rêt général et que l'Union Fédérale, sans
prétendre à aucun monopole sur une ques-
tion qui intéresse l'universalité du pays,
a, le droit de réclamer pour l'armée de
ceux qui ont défendu, le pays, un statut
plus conforme à la justice et aux exigences
de la guerre moderne. En agissant ainsi
avec la fermeté, l'indépendance et l'impar-
tialité qu'elle a toujours observées dans
son action, elle suivra donc une ligne
droite dont aucune considération particu-
lière ne saurait la détourner.
(A suivre)
René CASSIN,
Vice-Président de l'Union Fédérale.
L'Affaire des quatre Caporaux
fusillés à Souain
Un Officier du 336* S. I. fait d'importantes déclarations
LA REVISION DU CODE DE JUSTICE MILITAIRE
Le Ministre de la Guerre vient d'insti-
tuer, par arrêté, une Commission chargée
d'étudier la réforme du Code de justice
militaire pour l'armée de terre.
Cette Commission est ainsi composée :
MM. René Besnard, sénateur, président ;
Poulie, sénateur ; Barillet, député ; Gheu-
si, député ; Audibert, contrôleur général
de lr 0 classe, ancien directeur adjoint du
contentieux et de la justice militaire ;
Crétin, contrôleur général de lr 0 classe,
ancien directeur du contentieux et de la
justice militaire ; Filippini, .directeur du
contentieux et de la. justice militaire au
Ministère de la Guerre ; Garçon, profes-
seur de droit pénal à la Faculté de droit
de Paris ; Gassouin, général de division,
premier sous-chef de l'état-major général
de l'armée ; Le Poittevin, vice-président de
Chambre à la Cour d'appel de Paris ;
Matter, avocat général à la Cour de cassa-
tion, ancien directeur du contentieux et
de la justice militaire ; Pichat, conseiller
d'Etat ; Pressard, substitut du procureur
général près la tiour d'appel de Paris,
ancien directeur de In justice militaire ;
Schaffer, chef de bataillon, du service de-
là justice militaire du gouvernement mili-
taire do Paris ; Simon, général de bri-
gade, chef d'étatmaj or Su gouvernement
militaire de Paris ; Têtu, sous-chef do
bureau, faisant fonctions de chef de bu-
reau de la justice militaire au Ministère
de la Guerre ;.Martz, officier d'adminis-
tration de 1" classe des tribunaux mili-
taires, détaché à la direction du conten-
tieux et de la justice militaire, secrétaire.
ISn. aeoonde £»aj£o :
lies 1-iiceTi.ciea^a.eri.ts-
jDemM Huit jotas*» t
{3-a.Ite c3.es articles a.e ^si-rce! LBHMA1T1T,
Et cloc-iax^eanL-fes snax les -A^ffaôjres Is^ExHtaixes-
On sait que là Chambre des mises en t
accusation de la Cour d'appel de Rennes, p
saisie de là révision de l'affaire des quatre p
caporaux fusillés à Souain, en mars 1915, fi
fait procéder à une enquête sur les laits s
de cette troublante exécution. e
Un officier du 336° régimentd'infanterie,
mis sur sa, demande en congé depuis le s
Oiois de décembre dernier, M. le capitaine t
Gràcy de la Heyriej a fait ces jours dér- n
niers la déposition qui lui était demandée, p
chez M. le juge d'instruction de Belley. ■ û
Notre correspondant dans cette ville, s
M- Jean Fabry, a tihterviewé le capitaine
Gracy, qui lui a fait les intéressantes dé- «
cil ara Mon suivantes : «
c
« Je puis vous donner quelques rensei-
gnements précis sur l'affaire des quatre d
capo'raux du 336° R. I. fusillés à Suippes_„p
en mars 1915.
« Pétais alors officier de- liaison entre t
le commandant du régiment (commandant c
Astier) et les bataillons de cette unité, et r
je fus cité comme témoin aulx débats du c
conseil de guerre (16 mars). Ces souve- c
nirs, "qui sont pour moi les plus tristes de t
toute la guerre, sont encore, dans leur en- (
semble, gravés dans ma mémoire comme e
au, premier joui*.
« Le régiment avait pour mission, lé
7 mars 1915, de s'emparer des tranchées
allemandes au nord de Souain ^-Le-5' ba- j
taillon -devait faire l'opération.avec une -,
compagnie d'assaut, sortant peloton par ,
peloton. * i
« La préparation d'artillerie — en ma- ,
jeure partie du 75 et du 90 — devait durer ,
deux heures.
« L'expérlience de la guerre, si chère- ]
nient acquise, a montré qu'une opération ,
de ce genre, avec de si faibles effectifs, n'a
de chance de réussir qu'autant que la pré-
paration est efficace, et qu'aucune mitrail-
leuse ennemie ne reste en action ; la dis-
tance d'assaut était de 120 mètres environ.
Le 7 et le 8 mars, toutes les tentatives du ;
5° batalillon échouèrent, malgré l'énergie
avec laquelle elles furent menées ; au bout
de quelques mètres, la_troupe, fauchée
par le feu des mitrailleuses, était obligée
de se coucher et ne pouvait progresser da-
vantage. Les pertes furent sérieuses.
L'ordre d'attaque
Le 9, la 21° compagnie, commandée par
le lieutenant Marvau, recevait l'ordre
d'attaquer le 10 au matin,, après avoir rele-
vé les deux compagnies du 5° bataillon
qui, successivement, avarient tenté d'at-
teindre la tranchée adverse.
Tous les officiers considérèrent cette at-
taque comme une folie : par suite des
premiers échecs, les Allemands se trou-
vaient sur leurs gardes. La tentative
n'avait aucune chance de réussir, sauf
si notre artillerie anéantiissait, complète-
ment, les tranchées allemandes ; mais, hé-
las, nous n'étions pas encore, en 1915,
aux tirs de destruction dont la, « néces-
sité » ne commença guèi'e à être recon-
nue au'en 1916.
La 21" fit donc une première tentative
et sortit de ses tranchées, mais le lieute-
nant, Marvau rendit compte au chef de
corps que les défenses ennemies étaient
insuffisamment détruites, et. qu'il était im-
possible de progresser. A son tour, le
commandant Astier rendit, compte au
commandement, de la situation. En ré-
ponse, il reçut l'ordre formel d'avoir à
faire continuer Vattaque par la 21" com-
pagnie.
Le refus de marcher
Cet ordre transmis à la compagnie in-
téressée, nous eûmes cette réponse bru-
tale — je n'ose dire fatale — au bout d'uns
demi-heure : « La compagnie ne sort pas
« de ses tranchées... elle no veut pas. »
« Devant la gravité de la situation, le
chef de corps réunit tous les officiers au-
tour de lui, et nous dit de le suivre, et il
partiit vers la parallèle de départ.
« .Te n'insisterai pas sur l'aspect des
tranchées pendant ce court trajet ; tout le
k monde a connu, les jours d'attaque, l'en-
combrement des boyaux. J'ajouterai que
c'était depuis trois jours que le 5° bataillon
et la 21« compagnie, se trouvaient dans les
tranchées, hâtivement faites pour l'at-
taque, les hommes sans abri et équipés I
« Nous parvînmes enfin à la paîfiîîèle
de départ et nous vîmes de suite qu'au-
■ enno puissance au monde, matérielle on
morale, no ferait sortir la 21» compagnie.
« L*état de fatigue des hommes était
~ ~ ~ ■•»*i.
trop grand, leur ressort moral trop brisé
par les échecs successifs, pour qu'ils
pussent exécuter l'ordre et faire le sacri-
fice demandé, car ils savaient trop que ce
sacMifice était inutile et que pas un d'entre
eux n'atteindrait le ■-but. • ■••'•■
« Tous les officiers et sous-officiers pré-
sents 1 firent l'impossible pour les faire sor-
tir, ce fut en Vain ; les malheureux — je
ne puis les appeler autrement — n'eurent
pas un cri de révolte, mais ils nous regar- '
daient sans nous voir et nous entendaient
sans nous comprendre.
« J'entendlls juste ce mot ; « Tuez-moi si
« vous voulez, mais je ne sortirai pas..., je
« ne peux pas » — et cela sans haine ni
colère.
« A nouveau, le conunandant Astier ren-
dit compte en insistant sur la dépression
-physique et morale des unités engagées.
« Quelques heures après, je vis le lieu-
tenant de Courville remettre au comman-
dant Astier un ordre écrtit de la division,
d'avoir à faire un rapport tendant à tra-
duire devant un conseil de guerre les gra-
. dés de la 21e compagnie n'étant pas sor-
tis et. un ou deux hommes par escouade
(je lie puis plus préciser à présent) « des
classes les plus jeunes ».;
Le conseil de guerre
« L'instruction suivit son cours, et 1*
10, je fus cité comme témoin au consedl de
guerre où, à ma grande surprise, je ne
vis, parmi ses membres, qu'un seul of-
ficier vraiment de « troupe », c'est-à-dire
vivant près d'elle, le colonel Martenet,
commandant le 247a R. I., président.
« Les débats furent marqués surtout, par
l'incident qui fit abandonner, par le com-
missaire du gouvernement, l'accusation
pour les huit hommes et deux des capo-
raux, et ensuite pour les 18 hommes accu-
sés, sous prétexte que ces hommes n'a-
vaient pas entendu le coup de sifflet, donné
pair leur chef de section : l'adjudant Ca-
diou (glorieusement, tué depuis).
« Je ne pense pas qu'il existât, le 10
au matin, un seul homme du régiment,
qui ignorât que l'ordre ne fut de sortir ;
toujours est-il que la courageuse déposi-
tion de l'adjudant Cadiou sauva 20
hommes, mais le brave sous-officier fut
sévèrement blâmé pour n'avoir pas fait
ce qu'il fallait pour que ces hommes en-
tendissent le signal 11 1
« A son tour, le commandant Astier re-
çut un blâme pour avoir fait traduire de-
vant un conseil de guerre, des hommes,
sans avoir fait une enquête suffisante
sur leur compte, alors que c'est par
l'ordre de la divfision que lo rapport avait
été fait, et que cet ordre prescrivait de
choisir des hommes des plus jeunes
classes. L'accusation fut donc conserver-
pour les quatre caporaux.
« Tous les témoins présents firent l'im-
possible pour faire admettre des circons-
tances atténuantes, mais l'indulgence a
une limite, paraît-il, car dès que les dépo-
sitions (la mienne en particulier), deve-
naient favorables aux accusés, elles étaient
interrompues assez brusquement et une
autre question était posée. Ceci fut mani-
feste et tous les spectateurs des débats en
eurent l'impression très nette.
« Les quatre caporaux furent donc con-
damnés à mort.
L'exécution
« A l'exécution, tout le monde pleurait;
un au moins des caporaux était marié et
père de famille. Il devait avoir près de
JK) ans...
« Et. chacun se posait la même ques-
tion : Coupables, oui, mais comme toute
la compagnie ; ailors, pourquoi eux ?...
« Maintenant j'ajoute : coupables parce
qu'on doit obéSr à un ordre quel qu'il
soit, même si l'ordre est stupide, car, en-
fin, était-il » bon » cet ordre, je me le de-
mande, puisque dans la suite de la
guerre il nous est, arrivé bien souvent de
ne pas attaquer, parce que toutes les mi-
trailleuses n'étaient pas détruites... et
personne n'a été fusillé pour cela... Je
sais bien que l'on dira qu'il fallait un
exemple, mais je sais aussi le sentiment
des 2.000 hommes d'un Tégiment.
Deux poids, deux mesures
<( Enfin, j'ajouterai qu'une heure après
sa décision, le même conseil de guerre se
réunissait à nouveau pour juger deux
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