Titre : L'Esprit français : hebdomadaire littéraire et artistique
Éditeur : (Paris)
Date d'édition : 1931-01-06
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34430966n
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 3599 Nombre total de vues : 3599
Description : 06 janvier 1931 06 janvier 1931
Description : 1931/01-06 (A3,N55-60). 1931/01-06 (A3,N55-60).
Description : Note : 02 PI 0487 vues Réd. 09 x R180325. Note : 02 PI 0487 vues Réd. 09 x R180325.
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k5596935v
Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, 8-Z-25826
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/02/2011
OUR bien parler de cette sorte de chose qui n'est
ni un lieu ni un sentiment et que l'on nomme exo-
tisme, il faut n'avoir jamais mis les pieds ni en
Afrique ni en Asie ni en Qcêanie. Il faut avoir
gardé des Edens et des Eldorados une vision non
déformée par les faits. Les voyages tuent l'exo-
tisme.
Ainsi puis-je dire que je me sens l'âme fort exotique. Ma
vision des pays lointains n'a été troublée que par les messieurs
en faux-col droit et en veston noir que j'ai vus à Naplës, que
par les murs suintant de suie de Manchester, que par les virages
en épingles à cheveux de la corniche des Monts Cantabrès, près
de Biibao.
Les voyageurs, ceux qui ont fait le tour du monde à prix
fixe, ceux qui ont été roulés dans des auto-cars jusqu'à Bangkok,
dans les voitures américaines, sur les routes du Japon, dans les
Pullmann en Rhodésie, ceux-là n'ont pas, comme moi, comme
Vous peut-être, l'esprit libre pour parler d'exotisme.
D'abord, ils ont tous vu la même chose; ils ont suivi des
circuits et visité des capitales; ils n'ont même pas pris le tempsv
d'avoir, avec les sages des pays qu'ils traversaient, quelques con-
versations en hindoustani, en taanoul, ou dans l'une des trois
langues que 1 on parle à Java, selon que l'on s'adresse à un
supérieur, à un égal ou àN un inférieur.
Ensuite, ce que ces voyageurs ont vu partout, c'est l'Europe.
A quoi bon courir le Pacifique à bord d'un vapeur et rester une
demi-journée dans un port, alors qu'il suffit d'ouvrir un atlas
pour y trouver le nom d'Erromango? Que peut-on voir à Erro-
mango, sinon l'Europe, sinon, sans doute un wharf et un dépôt
de coprah?
ni un lieu ni un sentiment et que l'on nomme exo-
tisme, il faut n'avoir jamais mis les pieds ni en
Afrique ni en Asie ni en Qcêanie. Il faut avoir
gardé des Edens et des Eldorados une vision non
déformée par les faits. Les voyages tuent l'exo-
tisme.
Ainsi puis-je dire que je me sens l'âme fort exotique. Ma
vision des pays lointains n'a été troublée que par les messieurs
en faux-col droit et en veston noir que j'ai vus à Naplës, que
par les murs suintant de suie de Manchester, que par les virages
en épingles à cheveux de la corniche des Monts Cantabrès, près
de Biibao.
Les voyageurs, ceux qui ont fait le tour du monde à prix
fixe, ceux qui ont été roulés dans des auto-cars jusqu'à Bangkok,
dans les voitures américaines, sur les routes du Japon, dans les
Pullmann en Rhodésie, ceux-là n'ont pas, comme moi, comme
Vous peut-être, l'esprit libre pour parler d'exotisme.
D'abord, ils ont tous vu la même chose; ils ont suivi des
circuits et visité des capitales; ils n'ont même pas pris le tempsv
d'avoir, avec les sages des pays qu'ils traversaient, quelques con-
versations en hindoustani, en taanoul, ou dans l'une des trois
langues que 1 on parle à Java, selon que l'on s'adresse à un
supérieur, à un égal ou àN un inférieur.
Ensuite, ce que ces voyageurs ont vu partout, c'est l'Europe.
A quoi bon courir le Pacifique à bord d'un vapeur et rester une
demi-journée dans un port, alors qu'il suffit d'ouvrir un atlas
pour y trouver le nom d'Erromango? Que peut-on voir à Erro-
mango, sinon l'Europe, sinon, sans doute un wharf et un dépôt
de coprah?
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