GAZETTE DES LETTRÉS
E>,ES SCIENCES & DES ARTS
\f&l'lV\,St'Z/ N# tt* "* ±0 PÉVmEH 1877,
SOMMAIRÈT'IrE'Êcole du nu en littérature, D. DE LIBERS A Y. — II. Nemorosa, poésie, EMMANUEL DES E*-
SARTS. — III. Le8 Académies piovinciales {suite) t EDOUARD L'HOTF. — IV. Jeux de prince, farces de duc,
LE VIEUX BIBLIOMANE. — V. Le Nid, poésie, LUCIEN PATP. — VI. A travers les Lettres, MONTRIVEW. —
VII. Le Théâtre, JACQUES NORMAND — VIII. Tablettes parisiennes, ALFRED BARBOU. — IX. Concours —X.
Gazette financière, G. MA\S.
L'ÉCOLE DU NU
EN LITTÉRATURE
I
toNsiEUR Emile Zola vient de publier en
volume une nouvelle « oeuvre. » C'est
y Assommoir, que beaucoup d'amateurs
de nouveautés connaissent déjà, et dont nous
n'aurions probablement pas dit un mot, si l'au-
teur n'avait saisi cette occasion de se mettre
en scène. L'Assommoir a pour complément
une préface c dont l'opportunité pourrait être
contestée, » comme le remarque un de nos
plus estimables confrères, et dans celte pré-
face, « sonnant le clairon pour sa propre cause,
M. Zola semble prendre à tâche de répondre à
des accusations étranges, » dont le sens échappe
au vulgaire.
Ce n'est pas cependant la cause de M. Zola
qu'il nous plaît de débattre. Ici, nous consi-
dérons que les questions de personne ou de
valeur personnelle n'ont que faire. La Gazette
des Lettres n'est point la poste aux lettres de
ou pour les littérateurs; et, d'ailleurs, les prin-
cipes gardent, à nos yeux, assez d'importance
pour rejeter complètement dans l'ombre les
débats d'amour-propre et les querelles de va-
nité individuelle.
Mais M. Zola appartient à une école qui, de-
puis quelques années, fait beaucoup parler
d'elle et qui, pis encore, ne se bornant pas à
occuper les cent voix de la Renommée, s'em-
pare surtout des imaginations, des rê\ cries,
des facultés, des somnolences de notre généra-
tion, c Somnolences » n'est pas le mot propre ;
les théologiens en ont un autre, beaucoup mieux
choisi, pour exprimer notre pensée ; il y a des
motifs pour ne pas employer ici le langage des
théologiens. A raison de l'importance que prend
celte école, de l'action absoibante, énervante,
stupéfiante qu'elle exerce, des résultats per-
fides que risquent d'avoir ses captations insi-
dieuses, il apparaît comme un devoir, comme
une nécessité de combattre et le parti-pris d'où
elle procède, et les moyens dont elle abuse, et
la direction où elle pousse les intelligences, à
commencer par les plus vigoureuses et les
plus jeunes.
Pour désigner celte école, on n'a \raiment
que l'embarras du choix entre les mots dont la
langue française dispose, et l'on sait que parmi
ces mots il en est de singulièrement expres-
sifs. Nous avons entendu qualifier cette litté-
rature épicée, surchauffée, excitante, en des
termes qui rappellent les affiches des kiosques
parisiens; ce n'était peut-être pas trop fort,
mais le latin seul pourrait, jusqu'à ce point,
braver l'honnêteté. D'autres la renvoient aux
bibliothèques spéciales des Antres malsains
chantés par Baudelaire et par Glatigny. Plus
tranquillement, et sans craindre de rendre
moins intelligible notre appréciation, nous avons
cru pouvoir englober maîtres et élèves sous la
I dénomination d'Ecole du Nu.
Gela ne \cut point dire que le nu en littéra-
ture date d'hier. Il en est des écrivains comme
des artistes, qui reprennent, à des moments
donnés, les traditions de l'antique et font, bon
gré, mal gré, du neuf avec du vieux, Certes,
