MAL MAL MAL
407
ment, 11 n'est point trop malgracieux ; Mais c'est si-
gne qu'il aime mieux Perdre la moitié seulement,
MAROT, Épigr. sur un mauvais rcndeur. L'un n'ou-
blia rien aux persuasions, et l'autre à des reffus
mal gracieux, D'AUB. Hist. II, 4 39.
— ÉTYM. Mal, et gracieux ; Berry, maugracieux.
MALGRÉ (mal-gré), prép. || 1° Contre le gré de.
Nous vous devions, seigneur, servir malgré vous-
même, CORN. Pomp. ni, 2. Princesse des oiseaux,
il vous est fort facile D'enlever malgré moi ce
pauvre malheureux, LA FONT. Fabl. n, 8. Et sa per-
fide joie éclate malgré lui, BAC. Brit. v, 6. Les oeu-
vres des hommes ont péri malgré l'enfer qui les
soutenait ; l'oeuvre de Dieu a subsisté, BOSS. Hist.
n, 4 2. Bon physicien [Perrault], grand architecte,
il encouragea les arts sous la protection de Colbert,
et eut de la réputation malgré Boileau, VOLT.
Louis XIV, écrivains, Perrault. On a remarqué que
presque tous ceux qui se sont fait un nom dans les
beaux-arts les ont cultivés malgré leurs parents,
et que la nature a toujours été en eux plus forte
que l'éducation, ID. Vie de Molière. || Malgré lui et
malgré ses dents, ou malgré lui et ses dents, c'est-
à-dire en dépit de tous ses efforts. Je veux qu'elle
raisonne; et, quand il me plaira, Malgré vous et
vos dents, elle raisonnera, TH. CORN. Comt. d'Org.
v, 6. J'ai reçu le paquet que vous avez eu la bonté
de m'envoyer ; je vous remercie tendrement, mal-
gré vous*et vos dents, de toutes les bontés que
vous avez pour moi, VOLT. Lett. Damilaville, s
mars 1765. || 2° Nonobstant, en parlant des choses
qui s'opposent. Il est certain que j'aspirais au
chef-d'oeuvre de n'avoir aimé qu'un chien, malgré
les maximes de-.M.: de la Rochefoucauld, SÉV. 236.
....Un fragile bois [une idole] que, malgré mon se-
cours, Les vers ,sur son autel consument tous les
jours, RAC. Ath. ni, 3. Il 11 a souvent la force de quelque
joint à un adjectif. Malgré leur insolence [quelque
insolentsqu'ils soient], Les mutins n'oseraient soute-
nir maprésénee, RAC. Milhr. iv, 6. Thraséasau sénat,
Corbulon dans l'armée, Sont encore innocents mal-,
gré leur renommée, ID: Brit. i, 2. || Malgré tbut,
quoi qu'on fasse, quoi qu'il arrive. Malgré tout, vous
ne réussirez pas. .H 3° Malgré séparé du mot auquel
il se rapporte. Malgré de vos rigueurs l'impérieuse
loi.... CORN. Andromède, v, 2. Malgré de nos des-
tins la rigueur importune, Le ciel met en nos mains
toute notre fortune, ID. 'Othon, Vf, 2. Cette inver-
sion n'est tolérée qu'en poésie. || 4° Bon gré, mal
gré. loc. adv. De gré ou de force (dans cette ex-
pression, on écrit toujours mal gré en deux mots).
Bon gré, mal gré, vous payerez. || J. J. Rousseau a
dit : bon gré mal gré moi : Mais enfin puisque
celle édition se faisait bon gré mal gré moi.... Conf.
xi, 2e part. Cette locution est inacceptable : du
moins, bien qu'on aise malgré moi, on ne dit
pas bon gré moi. || 5° Malgré que, 2oc. conj. signi-
fiant quoique etusitée seulement avec le verbeavoir,
de cette façon : malgré que j'en aie, malgré qu'il en
ait, etc. en dépit de moi, en dépit de lui. Quand,
malgré que j'en aie, amour me le découvre, RÉ-
GNIER, Élég. li. Me voulez-vous toujours appeler de
ce nom? — Ah! malgré que j'en aie, il me vient à
la bouche, MOL. Éc. des f. i, 4. Madame.... tourne
les choses d'une manière si agréable qu'il faut être
de son sentiment, malgré qu'on en ait, ib. Crit.
3. U faut se divertir, malgré qu'on en ail, SÉV. 247.
Malgré qu'ils en eussent, BOSS. Hist. lï, 12. Ô Ri-
chardson ! on prend, malgré qu'on en ait, un rôle
dans tes ouvrages, DIÛER. Eloge de Richardson,
— REM. 1. Malgré que, dans tout autre emploi
que celui qui est indiqué ci-dessus, serait une
faute; et l'on ne peut dire : malgré qu'il ait agi
ainsi, pour quoiqu'il ait agi ainsi. La raison en est
que malgré que veut dire mauvais gré que, quelque
mauvais gré que. H 2. Dans malgré que, il 1 faudrait
mieux écrire en deux mots mal gré que ; car le sens
est: mauvais gré que j'en aie. || 3. Malgré mc-î s'in-
terprète par : avec le mauvais gré de moi. C'est la
syntaxe de l'ancienne langue où le "génitif latin était
représenté par le cas régime, sans de. ]| 4. On a dit
que malgré lui et ses dents est une corruption de
malgré luiet ses aidants. C'est une erreur; ia lo-
cution se trouve dès le xme siècle.
— HIST. xne s. Mais maugré eux [je] vous ai
mon cuer [coeur] doné, Couci, xiv. || xme s. Mau-
gré tous sains et maugré Dieu aussi Revient Ques-
nes, et mal soit il venans! HUES D'OISI, Romane.
p. 4 03. Que vous le me vueilliez à force [un anneau
donné] Maugré mien fere retenir, Lai de l'ombre.
Par maintes fois si avenoit, Quant jusqu'à l'église
venoit, Ariers venoit maugré ' ses dens, Que ne
pooit entrer dedens, RUTEB. II, I I3. |J xive s.
Amours de ses vertus si bien le pourveoit, Qu'il
li estoit avis, se cent i en avoit, Maugré leurs
dens devant bien lor escaperoit, Baud. de Se-
bourg, m, v. 843. Se tu ne fais de gré, tu le
feras maugré toy, Chron. de St Denis, t. n, f°
47, dans LACUIINE. Je ne descenderai de mon des-
trier de pris, Se malgré moi n'en sui à la terre
flatis, Guesclin, 48248. || xv° s. Souffrez au moins
que je YOUS serve, Sans vostre malgré desservir,
AL. CHARTIER, p. 608. || xvr s. L'homme pèche
volontairement, et non pas maugré son coeur ne
par contrainte, CALV. Inst. 212. O Dieu, tire moy
aucunement par force et maugré que j'en aye pour
me faire volontaire, ID. ib. 221. Ce qui restait fut
pillé par les soudards, bon gré mal gré que l'on en
eust, AMYOT, Marcell. 28.
— ÉTYM. Mal, et gré, c'est-à-dire mauvais gré ; pic.
margré, maugré; Berry, maugré; bourguign. tiwu-
grait; provenç. malgrat; espagn. malgrado; ital.
mal grado.
MALHABILE (ma-la-bi-1'), adj. Qui n'est pas
habile. Vous êtes bien malhabile d'avoir dit, d'avoir
fait telle chose. Vous n'êtes point si malhabile que
lui; car encore voit-on le sujet de vos mécomptes,
SÉV. 19 juin 4 6SO. Je vous ai répondu par avance
que je suis très-malhabile en affaires, MAINTENON,
Lett. à Mlle de la Viefville, 14 oct. 1705.
— HIST. XVe s. Mais tu estoy, Lycurgue, malha-,
bile, Qui ne voulus qu'on beust vin en ta ville,
BASSELIN, LIV.
— ÉTYM. Mal, et habile.
MALHABILEMENT ( ma-la-bi-le-man ) , adv.
D'une manière malhabile. Il s'est malhabilement
comporté.
— ÉTYM. Malhabile, et le suffixe mené.
MALIIABILETË (ma-la-bi-le-té) s. f. Manque
d'habileté. Ce sont ceux-là [jardiniers] qui s'étu-
dient à amuser le maître de quelques espérances de
l'avenir, afin qu'il ne s'aperçoive pas de leur mal-
habileté pour le passé ou pour le présent, LA QUIN-
TINIE, Jardins, 1, 4. La comtesse de Roucy, tou-
jours occupée de ses affaires que son humeur et sa
malhabileté perdaient, ST-SIM. 39, 198.
— ÉTYM.'.ifaJ pour ma2eau féminin, et habileté.
t MALHERBE (ma-lèr-b'), s. f. La dentelaire et
le garou, dans quelques départements. Nous avons
la malherbe et le trantanel, qui sont deux plantes
d'une odeur forte dans leur emploi, qui croissent
dans le Languedoc et dans la Provence, Instr. gén.
pour la teinture, 18 mars 4671, art. 315.
— ÉTYM. Mal pour ma2e au féminin, et herbe.
MALHEUR (ma-leur), s. m. || 1° Mauvaise des-
tinée. Le malheur le poursuit. Tomber dans le
malheur. Un malheur inconnu glisse parmi les
hommes, Qui les rend ennemis du repos où nous
sommes ; La plupart de leurs voeux tendent au chan-
gement, MALH. II, 4. On appréhende tout étant dans
le malheur, TRISTAN, Mort de Chrispe, 11, 3. Le
malheur succède au bonheur le plus doux, CORN.
Hor. Y, 2 Mais dieux! que vois-je! ô ciel! je
suis perdu, Si j'ai tant de malheur qu'elle m'ait en-
tendu, ID. 2o Toison d'or, m, 3. Enfin, n'en pouvant
plus d'efforts et de douleur, U met bas son fagot,
il songe à son malheur, LA FONT. Fabl. 1, 16. Rien
n'accuse davantage une extrême faiblesse d'esprit
que de ne pas connaître quel est le malheur d'un
homme sans Dieu, PASC. Pens. ix, i, éd. HAVET. Le
malheur naturel de notre condition faible et mor-
telle, et si misérable que rien ne peut nous consoler
lorsque nous y pensons de près, ID. ib. iv, 2. J'ai
dit souvent que tout le malheur des hommes vient
d'une seule chose, qui est de ne savoir pas de-
meurer en repos dans une chambre, ID. ib. Quand
je songe à mon personnage, je crains toujours d'a-
voir des amis : il y a un malheur attaché à tout ce
que je protège, MAINTENON, Lett. à Mme de Caylus,
5 fév. 1717. Titus, poUrmon malheur, vint, vous vit et
vous plut, RAC. Bérén.i, 4. || Le malheur des temps,
les funestes conditions qu'une époque impose. I! en
est [des crimes] quelquefois où des coeurs magna-
nimes Parle malheur des temps se laissent empor-
ter, VOLT. Marianne, 1, 2. || Jouer, de malheur,
n'avoir aucune chance favorable au jeu. || Fig.
Jouer de malheur, éprouver une contrariété qui
résulte du hasard. Je suis venu deux fois chez
vous sans vous trouver, j'ai joué dé malheur.
Il Être en malheur, avoir une mauvaise veine,
au jeu ou en toute autre chose. Elle [Mme de Lu-
dres] passa une nuit dans les champs, en faisant ce
petit voyage, par un carrosse rompu, et tout ce qui
arrive quand on est en malheur, SËV. 23 juin'4 677.
|]Les puristes du xvne siècle condamnaient la locu-
tion être en malheur, et voulaient qu'on dît : j'ai
bien du malheur, MARG. BUFFET, Obsero. p. 64,
1668. Il Porter malheur, se dit d'une personne ou
d'une chose qui est censée causer du malheur.
Je porte malheur aux affaires que je manié, BALZ.
liv. vu, lett. 52. Tant il [Arnauldjporte de malheur
aux opinions qu'il embrasse ! PASC. Prov. m. Hector :
Vous devriez pourtant, en fonds comme vous êtes....
— Valère-: Rien ne porte malheur comme payer
ses dettes, REGNARD, le Joueur, ni, 8. Oh ! je porte
malheur à tout ce qui m'entoure, v. HUGO, Hernani,
m, 4. y Avoir le malheur de.avoir la mauvaise chance
de. Ceux qui auront le malheur d'être vos voisins,
FÉN. Tél. xx. Il Avoir le malheur de, est quelquefois
un euphémisme pour dire : être assez mal doué. Il
[Marivaux] avait le malheur de ne pas est'-ner beau-
coup Molière, et le malheur plus grand de ne pas
s'en cacher, D'ALEMB. Élog. Mariv.\\ Familièrement.
De malheur, se dit avec un substantif pour exprimer
la crainte, l'aversion. Ce greffier de malheur est avec
elle, DANCOURT, Vacances, se. 7.'||Pour le malheur
de, au dommage de. L'Académie française est
l'objet de l'ambition secrète ou avouée de presque
tous les gens de lettres, de ceux même^qui ont. fait
contre elle des épigrammes bonnes ou mauvaises,
épigrammes dont elle serait privée pour son mal-
heur, si elle était moins recherchée, D'ALEMBEET,
Préface des éloges. || 2° Absolument- Le malheur,
l'ensemble de la mauvaise destinée. Le malheur ne
sortira jamais de la maison de celui qui rend le mal
pour le bien, SACI, Bible,Prov. deSaîom.xvn, 43. J'ai
cru dans la retraite éviter mon malheur; Le malheur
est partout ; je m'étais abusée, VOLT. Olymp. H,
2. Le temps ne détruit que la fraîcheur et la beauté ;
le malheur change l'expression de la physionomie,
GENLIS, Vcilt. du chat, t. n, p. 398, dans POUGENS.
Le malheur est moins dur à supporter qu'à craindre,
DUCIS, Oscar, 1,2. Le malheur est rapide, et le
coeur, tout faible qu'il est, ne doit pas se méprendre
aux signes funestes d'une destinée irrévocable,
STAEL, Corinne, xiv, 4. Les paroles, prononcées
[par Napoléon] devant deux de ses généraux, étaient
écoutées avec ce silence commandé par un ancien
respect, auquel se joignait déjà celui qu'on devait
au malheur, SÊGUR, Hist. de Nap. ix, s.||Les gens
malheureux. Le malheur a sa honte et sa noble pu-
deur, DELIL. Pitié, 1. Il Poétiquement. Le. malheur
personnifié comme une sorte-de divinité. Il dit:
comme un vautour qui plonge sur sa proie, Le mal-
heur, à ces mots, pousse en signe de joie Un long
gémissement, Et, pressant l'univers dans sa serre
cruelle, Embrasse pour jamais de sa rage éternelle
L'éternel allaient, LAMART. Méd. 1, 7. || 3° Évé-
nement fâcheux. J'ai cru sa mort pour vous un
malheur nécessaire, CORN. Pomp. in, 2. La Franco
le vit alors accompli par ces derniers traits et avec
ce je ne sais quoi d'achevé que les malheurs ajou-
tent aux grandes vertus, BOSS. Louis de Bourbon.
Maintenant qu'elle a préféré la croix au trône, et
qu'elle amis ses malheurs au nombre des plus gran-
des grâces, ID. lîeine d'Anglet. Quand les malheurs
nous ouvrent les yeux, nous repassons avec amer-
tume sur tous nos faux pas, ID. ib. Si aujourd'hui
je me vois contraint de retracer l'image de nos mal-
heurs [les troubles de la KrondeJ, ID. Ib Tellier, Les
malheurs sont souvent enchaînés l'un à l'autre, RAC.
Eslh. m , 4. Que tu seras heureux si tu surmontes
tes malheurs et si tu ne les oubliesjamaislFËN.Ï'eJ.
11. Pour achever les malheurs de la Suède, son roi
s'obslinait à rester à Démotica [en Turquie], VOLT.
Charles XIf, 7. Et c'est nous trop souvent qui fai-
sons nos malheurs, M. J. CHÉN. Fénel. m, 2. Le mal-
heur qui n'est plus n'a jamais existé, ID. ib. v, 2.
ici c'est ce vieillard que l'ingrate IOnie A vu de
mers en mers promener ses malheurs,' LAMART. Méd.
1,4 4. Il II arrivera malheur, se dit pour suggérer des
craintes au sujet de quelque événement; Il arrivera
malheur, vous dis-je, si vous n'y mettez lamain,
VOLT. lett. d'Argenlal, 4 mai 4 772. || Faire le malheur
de, rendre malheureux. Cet homme a fait le malheur
de sa famille. Cette beauté [Hélène] qui avait fait
le malheur de tant d'hommes-, FÉN. Tél. vin', ^Fa-
milièrement. Faire un malheur, causer un accident.
Il C'est un malheur, il est fâcheux. C'est un mal-
heur que les hommes ne puissent d'ordinaire pos-
séder aucun talent sans avoir quelque envie d'abais-
ser les autres; VAUVEN. Max. CÇLXXXI. || Ironiquement
et familièrement. Le grand malheur, c'est-à-dire il n'y
a-pas grand mal. Voyez le grand malheur! quel tort
cela vous fait-il? CHAMPFORT, Marchand de Smyrne,
se. 6. On dit aussi : le beau malheur ! | 4° Mal-
heur à, sorte d'imprécation.. Malheur au temple,
malheur à la ville [JérusalemJ, malheur à tout le peu-
ple ! à la fin il ajouta : malheur à moi-même! et en
407
ment, 11 n'est point trop malgracieux ; Mais c'est si-
gne qu'il aime mieux Perdre la moitié seulement,
MAROT, Épigr. sur un mauvais rcndeur. L'un n'ou-
blia rien aux persuasions, et l'autre à des reffus
mal gracieux, D'AUB. Hist. II, 4 39.
— ÉTYM. Mal, et gracieux ; Berry, maugracieux.
MALGRÉ (mal-gré), prép. || 1° Contre le gré de.
Nous vous devions, seigneur, servir malgré vous-
même, CORN. Pomp. ni, 2. Princesse des oiseaux,
il vous est fort facile D'enlever malgré moi ce
pauvre malheureux, LA FONT. Fabl. n, 8. Et sa per-
fide joie éclate malgré lui, BAC. Brit. v, 6. Les oeu-
vres des hommes ont péri malgré l'enfer qui les
soutenait ; l'oeuvre de Dieu a subsisté, BOSS. Hist.
n, 4 2. Bon physicien [Perrault], grand architecte,
il encouragea les arts sous la protection de Colbert,
et eut de la réputation malgré Boileau, VOLT.
Louis XIV, écrivains, Perrault. On a remarqué que
presque tous ceux qui se sont fait un nom dans les
beaux-arts les ont cultivés malgré leurs parents,
et que la nature a toujours été en eux plus forte
que l'éducation, ID. Vie de Molière. || Malgré lui et
malgré ses dents, ou malgré lui et ses dents, c'est-
à-dire en dépit de tous ses efforts. Je veux qu'elle
raisonne; et, quand il me plaira, Malgré vous et
vos dents, elle raisonnera, TH. CORN. Comt. d'Org.
v, 6. J'ai reçu le paquet que vous avez eu la bonté
de m'envoyer ; je vous remercie tendrement, mal-
gré vous*et vos dents, de toutes les bontés que
vous avez pour moi, VOLT. Lett. Damilaville, s
mars 1765. || 2° Nonobstant, en parlant des choses
qui s'opposent. Il est certain que j'aspirais au
chef-d'oeuvre de n'avoir aimé qu'un chien, malgré
les maximes de-.M.: de la Rochefoucauld, SÉV. 236.
....Un fragile bois [une idole] que, malgré mon se-
cours, Les vers ,sur son autel consument tous les
jours, RAC. Ath. ni, 3. Il 11 a souvent la force de quelque
joint à un adjectif. Malgré leur insolence [quelque
insolentsqu'ils soient], Les mutins n'oseraient soute-
nir maprésénee, RAC. Milhr. iv, 6. Thraséasau sénat,
Corbulon dans l'armée, Sont encore innocents mal-,
gré leur renommée, ID: Brit. i, 2. || Malgré tbut,
quoi qu'on fasse, quoi qu'il arrive. Malgré tout, vous
ne réussirez pas. .H 3° Malgré séparé du mot auquel
il se rapporte. Malgré de vos rigueurs l'impérieuse
loi.... CORN. Andromède, v, 2. Malgré de nos des-
tins la rigueur importune, Le ciel met en nos mains
toute notre fortune, ID. 'Othon, Vf, 2. Cette inver-
sion n'est tolérée qu'en poésie. || 4° Bon gré, mal
gré. loc. adv. De gré ou de force (dans cette ex-
pression, on écrit toujours mal gré en deux mots).
Bon gré, mal gré, vous payerez. || J. J. Rousseau a
dit : bon gré mal gré moi : Mais enfin puisque
celle édition se faisait bon gré mal gré moi.... Conf.
xi, 2e part. Cette locution est inacceptable : du
moins, bien qu'on aise malgré moi, on ne dit
pas bon gré moi. || 5° Malgré que, 2oc. conj. signi-
fiant quoique etusitée seulement avec le verbeavoir,
de cette façon : malgré que j'en aie, malgré qu'il en
ait, etc. en dépit de moi, en dépit de lui. Quand,
malgré que j'en aie, amour me le découvre, RÉ-
GNIER, Élég. li. Me voulez-vous toujours appeler de
ce nom? — Ah! malgré que j'en aie, il me vient à
la bouche, MOL. Éc. des f. i, 4. Madame.... tourne
les choses d'une manière si agréable qu'il faut être
de son sentiment, malgré qu'on en ait, ib. Crit.
3. U faut se divertir, malgré qu'on en ail, SÉV. 247.
Malgré qu'ils en eussent, BOSS. Hist. lï, 12. Ô Ri-
chardson ! on prend, malgré qu'on en ait, un rôle
dans tes ouvrages, DIÛER. Eloge de Richardson,
— REM. 1. Malgré que, dans tout autre emploi
que celui qui est indiqué ci-dessus, serait une
faute; et l'on ne peut dire : malgré qu'il ait agi
ainsi, pour quoiqu'il ait agi ainsi. La raison en est
que malgré que veut dire mauvais gré que, quelque
mauvais gré que. H 2. Dans malgré que, il 1 faudrait
mieux écrire en deux mots mal gré que ; car le sens
est: mauvais gré que j'en aie. || 3. Malgré mc-î s'in-
terprète par : avec le mauvais gré de moi. C'est la
syntaxe de l'ancienne langue où le "génitif latin était
représenté par le cas régime, sans de. ]| 4. On a dit
que malgré lui et ses dents est une corruption de
malgré luiet ses aidants. C'est une erreur; ia lo-
cution se trouve dès le xme siècle.
— HIST. xne s. Mais maugré eux [je] vous ai
mon cuer [coeur] doné, Couci, xiv. || xme s. Mau-
gré tous sains et maugré Dieu aussi Revient Ques-
nes, et mal soit il venans! HUES D'OISI, Romane.
p. 4 03. Que vous le me vueilliez à force [un anneau
donné] Maugré mien fere retenir, Lai de l'ombre.
Par maintes fois si avenoit, Quant jusqu'à l'église
venoit, Ariers venoit maugré ' ses dens, Que ne
pooit entrer dedens, RUTEB. II, I I3. |J xive s.
Amours de ses vertus si bien le pourveoit, Qu'il
li estoit avis, se cent i en avoit, Maugré leurs
dens devant bien lor escaperoit, Baud. de Se-
bourg, m, v. 843. Se tu ne fais de gré, tu le
feras maugré toy, Chron. de St Denis, t. n, f°
47, dans LACUIINE. Je ne descenderai de mon des-
trier de pris, Se malgré moi n'en sui à la terre
flatis, Guesclin, 48248. || xv° s. Souffrez au moins
que je YOUS serve, Sans vostre malgré desservir,
AL. CHARTIER, p. 608. || xvr s. L'homme pèche
volontairement, et non pas maugré son coeur ne
par contrainte, CALV. Inst. 212. O Dieu, tire moy
aucunement par force et maugré que j'en aye pour
me faire volontaire, ID. ib. 221. Ce qui restait fut
pillé par les soudards, bon gré mal gré que l'on en
eust, AMYOT, Marcell. 28.
— ÉTYM. Mal, et gré, c'est-à-dire mauvais gré ; pic.
margré, maugré; Berry, maugré; bourguign. tiwu-
grait; provenç. malgrat; espagn. malgrado; ital.
mal grado.
MALHABILE (ma-la-bi-1'), adj. Qui n'est pas
habile. Vous êtes bien malhabile d'avoir dit, d'avoir
fait telle chose. Vous n'êtes point si malhabile que
lui; car encore voit-on le sujet de vos mécomptes,
SÉV. 19 juin 4 6SO. Je vous ai répondu par avance
que je suis très-malhabile en affaires, MAINTENON,
Lett. à Mlle de la Viefville, 14 oct. 1705.
— HIST. XVe s. Mais tu estoy, Lycurgue, malha-,
bile, Qui ne voulus qu'on beust vin en ta ville,
BASSELIN, LIV.
— ÉTYM. Mal, et habile.
MALHABILEMENT ( ma-la-bi-le-man ) , adv.
D'une manière malhabile. Il s'est malhabilement
comporté.
— ÉTYM. Malhabile, et le suffixe mené.
MALIIABILETË (ma-la-bi-le-té) s. f. Manque
d'habileté. Ce sont ceux-là [jardiniers] qui s'étu-
dient à amuser le maître de quelques espérances de
l'avenir, afin qu'il ne s'aperçoive pas de leur mal-
habileté pour le passé ou pour le présent, LA QUIN-
TINIE, Jardins, 1, 4. La comtesse de Roucy, tou-
jours occupée de ses affaires que son humeur et sa
malhabileté perdaient, ST-SIM. 39, 198.
— ÉTYM.'.ifaJ pour ma2eau féminin, et habileté.
t MALHERBE (ma-lèr-b'), s. f. La dentelaire et
le garou, dans quelques départements. Nous avons
la malherbe et le trantanel, qui sont deux plantes
d'une odeur forte dans leur emploi, qui croissent
dans le Languedoc et dans la Provence, Instr. gén.
pour la teinture, 18 mars 4671, art. 315.
— ÉTYM. Mal pour ma2e au féminin, et herbe.
MALHEUR (ma-leur), s. m. || 1° Mauvaise des-
tinée. Le malheur le poursuit. Tomber dans le
malheur. Un malheur inconnu glisse parmi les
hommes, Qui les rend ennemis du repos où nous
sommes ; La plupart de leurs voeux tendent au chan-
gement, MALH. II, 4. On appréhende tout étant dans
le malheur, TRISTAN, Mort de Chrispe, 11, 3. Le
malheur succède au bonheur le plus doux, CORN.
Hor. Y, 2 Mais dieux! que vois-je! ô ciel! je
suis perdu, Si j'ai tant de malheur qu'elle m'ait en-
tendu, ID. 2o Toison d'or, m, 3. Enfin, n'en pouvant
plus d'efforts et de douleur, U met bas son fagot,
il songe à son malheur, LA FONT. Fabl. 1, 16. Rien
n'accuse davantage une extrême faiblesse d'esprit
que de ne pas connaître quel est le malheur d'un
homme sans Dieu, PASC. Pens. ix, i, éd. HAVET. Le
malheur naturel de notre condition faible et mor-
telle, et si misérable que rien ne peut nous consoler
lorsque nous y pensons de près, ID. ib. iv, 2. J'ai
dit souvent que tout le malheur des hommes vient
d'une seule chose, qui est de ne savoir pas de-
meurer en repos dans une chambre, ID. ib. Quand
je songe à mon personnage, je crains toujours d'a-
voir des amis : il y a un malheur attaché à tout ce
que je protège, MAINTENON, Lett. à Mme de Caylus,
5 fév. 1717. Titus, poUrmon malheur, vint, vous vit et
vous plut, RAC. Bérén.i, 4. || Le malheur des temps,
les funestes conditions qu'une époque impose. I! en
est [des crimes] quelquefois où des coeurs magna-
nimes Parle malheur des temps se laissent empor-
ter, VOLT. Marianne, 1, 2. || Jouer, de malheur,
n'avoir aucune chance favorable au jeu. || Fig.
Jouer de malheur, éprouver une contrariété qui
résulte du hasard. Je suis venu deux fois chez
vous sans vous trouver, j'ai joué dé malheur.
Il Être en malheur, avoir une mauvaise veine,
au jeu ou en toute autre chose. Elle [Mme de Lu-
dres] passa une nuit dans les champs, en faisant ce
petit voyage, par un carrosse rompu, et tout ce qui
arrive quand on est en malheur, SËV. 23 juin'4 677.
|]Les puristes du xvne siècle condamnaient la locu-
tion être en malheur, et voulaient qu'on dît : j'ai
bien du malheur, MARG. BUFFET, Obsero. p. 64,
1668. Il Porter malheur, se dit d'une personne ou
d'une chose qui est censée causer du malheur.
Je porte malheur aux affaires que je manié, BALZ.
liv. vu, lett. 52. Tant il [Arnauldjporte de malheur
aux opinions qu'il embrasse ! PASC. Prov. m. Hector :
Vous devriez pourtant, en fonds comme vous êtes....
— Valère-: Rien ne porte malheur comme payer
ses dettes, REGNARD, le Joueur, ni, 8. Oh ! je porte
malheur à tout ce qui m'entoure, v. HUGO, Hernani,
m, 4. y Avoir le malheur de.avoir la mauvaise chance
de. Ceux qui auront le malheur d'être vos voisins,
FÉN. Tél. xx. Il Avoir le malheur de, est quelquefois
un euphémisme pour dire : être assez mal doué. Il
[Marivaux] avait le malheur de ne pas est'-ner beau-
coup Molière, et le malheur plus grand de ne pas
s'en cacher, D'ALEMB. Élog. Mariv.\\ Familièrement.
De malheur, se dit avec un substantif pour exprimer
la crainte, l'aversion. Ce greffier de malheur est avec
elle, DANCOURT, Vacances, se. 7.'||Pour le malheur
de, au dommage de. L'Académie française est
l'objet de l'ambition secrète ou avouée de presque
tous les gens de lettres, de ceux même^qui ont. fait
contre elle des épigrammes bonnes ou mauvaises,
épigrammes dont elle serait privée pour son mal-
heur, si elle était moins recherchée, D'ALEMBEET,
Préface des éloges. || 2° Absolument- Le malheur,
l'ensemble de la mauvaise destinée. Le malheur ne
sortira jamais de la maison de celui qui rend le mal
pour le bien, SACI, Bible,Prov. deSaîom.xvn, 43. J'ai
cru dans la retraite éviter mon malheur; Le malheur
est partout ; je m'étais abusée, VOLT. Olymp. H,
2. Le temps ne détruit que la fraîcheur et la beauté ;
le malheur change l'expression de la physionomie,
GENLIS, Vcilt. du chat, t. n, p. 398, dans POUGENS.
Le malheur est moins dur à supporter qu'à craindre,
DUCIS, Oscar, 1,2. Le malheur est rapide, et le
coeur, tout faible qu'il est, ne doit pas se méprendre
aux signes funestes d'une destinée irrévocable,
STAEL, Corinne, xiv, 4. Les paroles, prononcées
[par Napoléon] devant deux de ses généraux, étaient
écoutées avec ce silence commandé par un ancien
respect, auquel se joignait déjà celui qu'on devait
au malheur, SÊGUR, Hist. de Nap. ix, s.||Les gens
malheureux. Le malheur a sa honte et sa noble pu-
deur, DELIL. Pitié, 1. Il Poétiquement. Le. malheur
personnifié comme une sorte-de divinité. Il dit:
comme un vautour qui plonge sur sa proie, Le mal-
heur, à ces mots, pousse en signe de joie Un long
gémissement, Et, pressant l'univers dans sa serre
cruelle, Embrasse pour jamais de sa rage éternelle
L'éternel allaient, LAMART. Méd. 1, 7. || 3° Évé-
nement fâcheux. J'ai cru sa mort pour vous un
malheur nécessaire, CORN. Pomp. in, 2. La Franco
le vit alors accompli par ces derniers traits et avec
ce je ne sais quoi d'achevé que les malheurs ajou-
tent aux grandes vertus, BOSS. Louis de Bourbon.
Maintenant qu'elle a préféré la croix au trône, et
qu'elle amis ses malheurs au nombre des plus gran-
des grâces, ID. lîeine d'Anglet. Quand les malheurs
nous ouvrent les yeux, nous repassons avec amer-
tume sur tous nos faux pas, ID. ib. Si aujourd'hui
je me vois contraint de retracer l'image de nos mal-
heurs [les troubles de la KrondeJ, ID. Ib Tellier, Les
malheurs sont souvent enchaînés l'un à l'autre, RAC.
Eslh. m , 4. Que tu seras heureux si tu surmontes
tes malheurs et si tu ne les oubliesjamaislFËN.Ï'eJ.
11. Pour achever les malheurs de la Suède, son roi
s'obslinait à rester à Démotica [en Turquie], VOLT.
Charles XIf, 7. Et c'est nous trop souvent qui fai-
sons nos malheurs, M. J. CHÉN. Fénel. m, 2. Le mal-
heur qui n'est plus n'a jamais existé, ID. ib. v, 2.
ici c'est ce vieillard que l'ingrate IOnie A vu de
mers en mers promener ses malheurs,' LAMART. Méd.
1,4 4. Il II arrivera malheur, se dit pour suggérer des
craintes au sujet de quelque événement; Il arrivera
malheur, vous dis-je, si vous n'y mettez lamain,
VOLT. lett. d'Argenlal, 4 mai 4 772. || Faire le malheur
de, rendre malheureux. Cet homme a fait le malheur
de sa famille. Cette beauté [Hélène] qui avait fait
le malheur de tant d'hommes-, FÉN. Tél. vin', ^Fa-
milièrement. Faire un malheur, causer un accident.
Il C'est un malheur, il est fâcheux. C'est un mal-
heur que les hommes ne puissent d'ordinaire pos-
séder aucun talent sans avoir quelque envie d'abais-
ser les autres; VAUVEN. Max. CÇLXXXI. || Ironiquement
et familièrement. Le grand malheur, c'est-à-dire il n'y
a-pas grand mal. Voyez le grand malheur! quel tort
cela vous fait-il? CHAMPFORT, Marchand de Smyrne,
se. 6. On dit aussi : le beau malheur ! | 4° Mal-
heur à, sorte d'imprécation.. Malheur au temple,
malheur à la ville [JérusalemJ, malheur à tout le peu-
ple ! à la fin il ajouta : malheur à moi-même! et en
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