Titre : La Presse
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1885-05-23
Contributeur : Girardin, Émile de (1806-1881). Directeur de publication
Contributeur : Laguerre, Georges (1858-1912). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34448033b
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 124274 Nombre total de vues : 124274
Description : 23 mai 1885 23 mai 1885
Description : 1885/05/23 (Numéro 141). 1885/05/23 (Numéro 141).
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k545202q
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 14/04/2008
M* ANNE~ NUMERO i4t
.MMnBMB BV MATMON.– ~M~~ iMpM~mea
SAMEDI 23 MAI 188S
GnBERT AUMSTN TBERRY
m&Dj&.CTBUR BN OHB.f
ADMINISTRATION
9,RNeBailUf,9
ABONNEMENTS t
Unan S!xmo!))TTol
ParIsetDÈpattements. 36 fr. 18 fr. 9fr,
ËtrangeT. Frai&jdo posta en zut
REDACTION 9, RUE BAILLIF, PAMS
A~oyOBS:tAJiTJTTE,CERF<
3,PHCBDBtABtOCMB,3 3
~MmtinMMM
Les derniers moments t
Hier matin, à cinq heures, l'état de Victor
Hugo devint désespéré. Un accès d'étouffe-
ment se produisit, et dès lors ce ne fut plus
qu'une question d'heures.
Une piqûre de morphine mit fin à lacrise
et Victor Hugo sourit à M. Vacquerie, qui
se trouvait à ses côtés.
Deux heures après, les petits-enfants du
poète lui furent amenés, et Victor Hugo les
embrassa longuement, et leur dit adieu
d'une voix éteinte.
Puis, jusqu'à onze heures~ ce ne fut plus,
chez le malade, qu'une suite non interrom-
pue de mouvements violents et de syncopes.
M. Schœlcher, qui sortit de la maison à
onze heures et demie, déclara que tout es-
poir était perdu, et en effet, deux heures 1s
après, à une heure et demie, MM. Armand
tjtouzien et Victorien Sardou sortaient de
l'hôtel en levant les bras au ciel et en s'é-
criant « C'est uni! a C'est ainsi que les
nombreuses personnes qui se trouvaient
dans l'avenue apprirent la fatale nou-
velle.
Les amis dn poète
Toute la famille était réunie dans la
chambre mortuaire MM. Vacquerie, Ar-
mand Gouzien et Mme Dorian se trouvaient
dans le salon à côté. Là, M. Roblin, le plus
vieil ami de Victor Hugo, assis sur le ca-
napé, racontait a M. Jules Claretie que, de-
puis soixante-quinze ans il connaissait le
poète « J'ai quatre-vingt-neuf ans, six ans
de plus que lui, et c'est lui qui part le pre-
mier. Quel malheur! H disait-il. (;
De toutes parts arrivent des télégrammes
de condoléance, non seulement de France
et.des colonies, mais encore de l'étranger.
Emotion dans Paris
Une heure après la mort, Tes journaux du
soir publiaient le dénouement de la maladie.
La population tout entière connaissait la
fatale nouvelle.
L'émotion était générale, et sur les bou-
levards, dans les cafés, on ne s'entretenait
que de la mort du poète.
Un grand nombre de personnes sont ve-
nues s'inscrire sur les registres placés à la
'porte de l'hôtel, et les gardiens, de la paix
6ht été obligés d'intervenir et de ne per-
mettre qu'à trois personnes a la fois de
s'avancer.
Sur ce registre, nous avons relevé les
noms de M. le général Pittié, envoyé par
le président de la République; MM. Tony
Révillon, Floquet, Demôle, Camescasse,
Jourde, l'ambassadeur d'Italie, MM. Pou-
belle, Tirard, Magnin, Clemenceau, Rivet,
Naquet, Charles Ferry, Sadi Carnot, Anto-
nin Proust, Reinach, Porel, Mme Marie
Laurent, Mme SarahBernhardt.
Le conseil municipal, en corps, ayant à à
satete son président, M. Michelin, s'est
rendu à la maison mortuaire. Le président
et M. Lamouroux ont été reçus par M. Vac-
querie, qui les a remerciés avec effusion de
cette démarche solennelle.
La maladie
La maladie dont était atteintVictor Hugo
était, ainsi que l'avons dit hier, une de
'celles qui ne pardonnent pas.
Les troubles pulmonaires qui accompa-
scent certaines maladies du cœur, et c'é-
tait le cas pour Victor Hugo, se terminent
généralement par un phénomène qu'on dé-
signe en médecine sous le nom de CAeyne-
~o&es, du nom des deux illustres méde-
cins qui l'ontsi bien décrit.
Voici en quoi consiste ce mode particu-
lier de respiration que nous trouvons si-
gnalé dans les derniers bulletins des doc-
teurs VulpiaD, G. Sêe et Allix:
Pendant dix pu quinze secondes envi-
ron; la respiration s'arrête complètement;
puis elle reprend peu à peu. par des mou-
vements d'abord faibles qui vont en aug-
mentant insensiblement, de manière à dé-
passer au bout de peude temps l'amplitude
de la respiration normale.
Puis, l'amplitude des mouvements respi-
ratoire décroît graduellement jusqu'à de-
venir nulle et la respiration s'arrête de
nouveau. La période de respiration est, en
moyenne, de quarante secondes, pendant
laquelle il se fait environ vingt-huit respi-
rations. D'après Stokes, il est peu de phé-
nomènes plus remarquables et plus carac-
térisés, soit que l'on considère la suspen-
sion prolongée de la respiration, qui se
produit sans douleur pour le malade, soit
qu'on étudie les inspirations au moment de
leur plus grande violence, alors que le ma-
lade ramène la tête en arrière, relève ses
épaules et contracte chacun de ses muscles
respiratoires par un effort suprême.
Après cette série d'inspirations, pour ainsi
dire désespérées, la respiration s'anaiblit
comme par une sorte d'épuisement, puis
cesse tout à fait.
Ce phénomène ne se produit jamais ,que
dans les derniers jours de la maladie, et,
comme nous le disions en commençant, il
est toujours l'indice d'une fin prochaine.
C'est surtout dans les maladies du cœur
et particulièrement dans les insuf&sances
aortiques et mitrales qu'il a été observé.
Il est probable que Victor Hugo devait être
atteint de cette dernière affection, qui a
passé inaperçue pendant un certain temps,
et qui s'est révélée brusquement par des
troubles du côté du poumon.
Après ta mort
La foule, toute la journée, n'a cessé de
grandir de minute en minute devant la
porte del'hôtel qu'occupait Victor Hugo.
A trois heures, M. Nadar, le photogra-
phe, est arrivé avec ses appareils pour pho-
tographier Victor Hugo sur son lit de mort.
Quelques instants après M. Bonnat est venu
faire une esquisse.tandis que M. Léon
Glaize a pris un croquis de l'illustre mort.
Le sculpteur Dalou a moulé le visage du
défunt.
Mme Ménard-Dorian et Mme Zola-Donan
n'ontpas ouittéun seulinstantMmeJMouard
x~ .}/"
Lockroy, brisée de fatig&e~~ ~émotion. Les
petita-ettfants de Victor Hugo ont été en
proie, toute la journée~ a un désespoir
inexprimable.
Des dépêches ont été expédiées àMme Che-
nay, belle-sœur de Victor Hugo.
La fortune de Victor Hugo
La totalité de la fortune de Victor Hugo
est évaluée à un peu plus de six millions et
consiste en valeurs mobilières, notamment
en actions de la Banque nationale de Bel-
gique, en Consolidés anglais et enfin en
rente française.
La seule propriété que Victor Hugo pos-
sédait est un terrain qu'il a acheté récem-
ment sur l'avenue qui porte son nom, près
de l'hôtel qu'il habite actuellement et qu'il
loue a Mme la duchesse de Lusignan. Ce
terrain est couvert d'arbres à. l'ombrage
gracieux et poétique. On y remarque une
petite tente et un hamac. Sur le devant,
une petite pelouse verdoyante.
A deux heures, à la prière de M. Edouard
Lockroy, M, Rivet s'est rendu chez M" Ga-
tine, notaire de la famille, et l'a prié de
faire le nécessaire auprès du juge de paix
du seizième arrondissement et le sheriff
.deGolombel (HauteviIIe-Honse) au sujet des
propriétés que laisse Victor Hugo.
Le testament
Victor Hugo laisse ses manuscrits & l'Etat.
-Il charge ses exécuteurs testamentaires de
fonder un asile qui portera le nom d'e
Ttcto?' BM~o~ Ën6n, il dit que la France
fera ce qu'elle voudra de sa dépouille mor-
telle.
Victor Hugo n'a pas, cependant, l'entière
disposition de sa fortune; A côté de ses
deux petits-enfants, il a encore une Slle
Adèle Hugo.
Adèle Hugo s'était mariée, il y a trente
ans, avec un ofncier de la marine anglaise,
commandant le stationnaire de Guernesey
où le poète s'était réfugié durant~son exil.
Ce mariage avait eu lieu contre la volonté
de Victor Hugo qui avait toujours refusé
de revoir sa fille. CeUe-ci était partie pour
les Indes avec son mari. Quelques années
après, on vit revenir la pauvre Adèle Hugo,
veuve, et ramenée folle en Europe par une
négresse qu'elle s'était attachée.
Le père fit admettre sa ûl!e dans une
maison de santé des environs de Paris où
elleestencore.
Adèle Hngo a aujourd'hui une cinquan-
taine d'années; c'est M. Auguste Vacquerie
qui est son tuteur légal.
« Mes petits enfants, avait dit le poè~e, dès
les premières atteintes du mal qui devait
l'emporter, mes petits-enfants savent que
leur l'avenir est assuré; ils connaissent le
banquier chez qui est déposé mon argent et
ils n'auront qu'à le retirer après ma mort.
Je le leur iègue par mon testament. a
Les obsèques
Les obsèques de Victor Hugo n'auront
probablement pas lieu avant une dizaine
de jours.
Le gouvernement se propose de deman-
der au Parlement, pour le poète, des obsè-
ques civiles aux frais de l'Etat. Le maire
du seizième arrondissement a. offert de faire
déposer le corps à la mairie de son arron-
dissement.
C'est M.. Maxime Ducamp qui pronon-
cera, au nom de l'Académie française, le
discours sur la tombe de Victor Hugo.
D'après les décisions prises il y a quel-
ques mois, la délégation chargée ofEcielle-
ment de représenter l'Académie aux obsè-
ques sera composée des quatr~derniersaca-
démiciens élus MM. PaiMeron, de Mazade,
Coppée et Ferdinand de Lesseps, auxquels
s'adjoindront /Ies trois membres du bu-
reau, MM. Du Camp, Doucet et Roussel.
Il est probable/du reste, que l'Académie
tout entière suivra le convoi de l'auteur de
laZe~eM~e~MMëc~M
Victor Hugo sous PArc de Triomphe
M. Allain-Targé, ministre de l'intérieur,
a l'intention de proposer au conseil des mi-
nistres, puis aux Chambres, d'exposer le
corps de Victor Hugo sous l'Arc de Trionb-
phe, qu'il asibien chanté.
Victor Hugo sous l'Arc de Triomphe se-
rait à sa piaçe. C'est là qu'est la seule .cha-
pelle ardente digne de lui. Les héros que
ses vers ont immortalisés seront Sers de
veiller quelques heures sur ses restes mor-
.tels..
Et Paris sera heureux de dénier sous ce
catafalque monumental, le plus beau qui
ait jamais abrité un homme.
Voila le plus magninque hommage qu'on
puisse rendre au grand poète que la France
.vient de perdre en attendant que l'on
décrète son inhumation au Panthéon.
Lettre du Président de la République
Le président de la République a adressé
la lettre suivante à M. Edouard Lockroy:
Par~s, Ia2.2mait88a.
Mon cher monsieur Lockroy,
Je vous prie, ainsi que Mme Lockroy, et tous
les membres de la famille de Victor Hugo, d'a-
gréer l'expression de ma vive sympathie.
Si quelque chose peut adoucir votre douleur,
c'est l'unanimité des regrets de la France et du
monde civilisé, c'est l'immortalité du génie qui
ne cessera de planer sur ceux qui lui appar-
tiennent.
Croyez, je vous prie, mon cher monsieur
Lockroy, a tous mes sentiments d'affectueux
dévouement.
Signe Ju~tS GnÉVY.
Hommage de l'Italie
Rome, 22 mai.
CAa~~e ~cs f~M~s.–M. Crispi ex-
prime les regrets qu'il éprouve de la mort
de Victor Hugo, qui est, dit-il, un deuil
non seulement pour laFrance, mais encore
pour le monde civilisé, et demande que le
président de la Chambre veuille bien asso-
cier la nation italienne au deuil de la
Faance.
Le président de la Chambre dit que la
génie de Victor Hugo n'illustre pas seule-
ment la France, mais honore aussi l'huma-
nité. (Très bien très bien !)
La douleur de la France est commune
à toutes les nations. (Applaudissements.)
Ce ne sera pas le dernier titre de gloire
de Victor Hugo d'avoir été toujours le dé-
fenseur de la liberté et de l'indépendance
des peuples.
L'Italie n'oubliera pas non plus que dans
ses jours de malheur elle eut toujours en
Victor Hugo un ami bienveillant, et un
chaud défenseur de la sainteté dosesdroits.
(Très bien! très bien!)
L'Italie reconnaissante déplore la perte
de Victor Hugo et s'associe au deuil de la ]
nation française. (Très vive approbation sur
tous les bancs.)
M. Mancini dit qu'au moment où l'Italie
est affligée par la perte du sénateur Ma-
miani, elle reçoit la douloureuse nouvelle s
de là mort de Victor Hugo. Deux grands
génies, dit-il, ont disparu du monde litté-
raire, deux grands patriotes du monde
politique, (
-Le gouvernement s'associe aux déclara- i
tions du président de la Chambre, et es-
père que ces sentiments seront accueillis i
par nos voisins comme un témoignage
d'affection.
Toutes ]es sociétés, chambres syndicales et
délégations qui voudraient prendre part aux
obsèques de Victor Hugo, sont priées de se faire
inscrire à la mairie du seizième arrondisse-
n~ent, H7, avenue duTrocadéro, où lemaire,
M. le docteur Marmottan, recevra leur déclara-
tion.
WTPTnD UTTfn
ViLiUn iiu~
Hier, 22 mai 1885, aune heure trente
de l'après-midi, s'est éteinte la grande
voix du dix-neuvième siècle.
Victor Hugo n'était pas seulement le
premier; peut-être l'unique poète lyrique
français, c'était surtout l'organe harmo-
nieux et vibrant de la nation française.
Depuis 1820 jusqu'à 188S,sans inter-
ruption, Victor Hugo a exprimé toutes
les joies, toutes les douleurs, toutes les
pensées de la France, c'est-à-dire de
l'humanité contemporaine.
On cherche, dans le hasard qui l'a fait
naître d'un vaillant général et d'une
Vendéenne, l'explication de ses premiè-
res émotions poétiques,, émotions à la
fois royalistes et patriotiques. L'influence
du sang est pour quelque chose dans ses
'premières Impressions; mais elle n'a
compté que jusqu'au jour où le poète
s'est connu lui-même, a regardé autour
de lui, a vécu de la vie nationale. La
nature l'avait doué de telle sorte que
toutes les haines et toutes les amours qui
allaient faire vibrer la France devaient
trouver dans son cerveau leur formule
idéale.
Personne n'a miaux dénni Victor
Hugo qu'il ne s'est défini lui-même le
jour où il a écrit
« Js suis un neuve intelligent qui ai i
M réflété successivement toutes les rives
M devant lesquelles j'ai passé en médi-
)) tant Seulement sur les imagés qu&
M m'ont offertes ces rivages changeants.)) »
Voilà bien l'homme que la France
vient de perdre c'était l'écho, plus har-
monieux que la voix même, des cri de
joie et des cris de douleur de ses con-
temporains.
De 1820 à 1830, la France échappée
aux serres de l'aigle impérial s'était
éprise, un instant, de ces Bourbons qui
lui procuraient la paix et qui lui pro-
mettaient la liberté. Victor Hugo chanta
la royauté comme s'il eût été lui-même
repu du sang des révolutions et du sang
des champs de bataille.
L'instrument que lui avaient légué les
poètes du dix-huitième siècle n'était pas
assez souple pour les nouvelles pensées.
Il le brisa, dès la fin des Odes et 2~/a<
~son premier volume. Ainsi, en même
temps qu'il mettait sa poésie à l'unisson
~dés sentiments nationaux, il opérait une
~révolutien quiallàit délivrer les lettres
françaises des entraves classiques. On
crut d'abord et l'on affecta de dire qu'il
songeait à modiner le « beau )), à créer
une nouvelle vérité. Non! il n'aspirait
qu'à faire tomber les chaînes grammati-
cales, poétiques et dramatiques qu'à
ouvrir à l'imagination l'espace incom-
mensurable. Il éprouvait le désir de re-
garder le soleil en face et de se perdre
jusqu'au fond des voûtes azurées; il
adopta les ailes qui seules pouvaient lui
permettre de monter aussi haut.
La révolution littéraire accomplie dans
la poésie lyrique, dans le drame, dans
le roman, il se remit à penser, à aimer
avec le siècle. Les héros de la Républi-
que et de l'Empire trouvèrent dans ses
chants une trompette de bronze plus
sonore que celle de la Renommée perdue
dans le ravin de Waterloo
Toujours lui, lui partout Ou brûlante ou giacee,
Son image sans cesse ébranle ma pensée.
~La France attendait ave~ anxiété les
cendresdeNapeléon; elle accourait en
foule sur leur passage et les escortait jjus-
que sous le dôme des invalides. Victor
Hugo tressait les couronnés dont on
couvrait ce tombeau géant.
Puis lé peuple changea d'amours. Une
paix longue et peu 6ère lui avait fait ou-
blier les duretés de la tyrannie impé-
riale, les malheurs de l'anarchie révolu-
tionnaire. Il se reprit à aimer là liberté.
Victor Hugo inclina vers l'émancipation
du pays. Il ne prit aucune part à la Ré-
volution de 1848, mais ne tarda pas à y
applaudir. La République existait de- d
puis quelques mois à peine que l'ancien
royaliste lui jurait une ndélité éter-
nelle.
Le-t" août 1848 il écrivait en tête de `
l'jE'ueHe~e~: t
«Haine vigoureuse de l'anarchie, ten- p
dre et profond amour du peuple." » p
Le poète de la démocratie modulait JE
ses premiers accords. J:
Mais la République tomba dans une e
chausse-trappe, l'Empire se dressa et R
c'est la colère qui bientôt fit vibrer la c
voi~ du poète. Pour venger la Répli-
que Victor Hugo écrivit les C~~Me?! t~
livre immortel qui restera, à la fois, r
comme un livre d'histoire et un monu- r
ment littéraire incomparable. Pour la
première fois Victor Hugo, subjugué par
sapassion, avait donné libre cours à ses
sentiments personnels. On ne connais- d
sait que le poète qui chantait au-dessus t
des foules, qui régnait dans les sereines
régions on connut l'homme, on l'en-
tendit hurler, on le vit saigner. Cette c
fois il pensa plus haut et plus librement €
que laFrançe même. Elle s'était sou-
mise, il resta debout. Il est vrai que la
France avait été trompée et que lui il j
avait touché du doigt la trahison, ` t
A compter de ce jour l'oeuvre de Vie- J
tor Hugo est l'évangile poétique, idéal j
des croyances nouvelles. Il pleure avec t
tous les opprimés, individus et peuples.
H écrit les J°~MU?'e~ ye?M et les Misérables.
Il s'attendrit' sur toutes les douleurs il
écrit à Juarez pour sauver la tête de Maxi- s
milien, au Tzar pour sauver celles des i
nihilistes. Il prêche la République uni- 1
verselle et trace 1'~?~ f~'e~e ~m6~e?'e. t
II personnine en lui la Bonté Humaine, t
Etudier son œuvre littéraire aujour-
d'hui, quand l'Arc-de-Tmomphe va cou- t
vrir pendant quelques heures ses restes, 1
ce serait une vaine entreprise. Tout ce t
qu'il faut en dire c'est que nul, sur cette i
fin du dix-neuvième, en France, en Eu- t
rope dans les deux mondes, nul poète,
historien, dramaturge, nul n'écrit en j
prose ou en vers, dans la langue fran-
çaise, anglaise, allemande, italienne. es- s
pagnole qui n'ait appris de Victor Hugo
l'art d'exprimer sa pensée et de faire
rêver les peuples. Voltaire n'a régné in- t
contestablement que sur un demi-siècle
lui il a dominé tout le dix-neuvième.
Victor Hugo mort, c'est le vingtième
siècle qui commence..
HENRt LA.NNES.
UViE&LESŒUMES
.DE.
VICTOR HUGO
Le plus grand lyrique de tous les temps~
la plus puissante organisation littéraire qui
ait jamais existe, Victor Hugo naquit à Be-
sançon le 26 février 1802.
Dans Victor Hugo ~aco!~e pa~ MM <ëH!OM!
~e t)~ nous trouvons de curieux détails
sur la naissance du poète:
« On attendait Victorine, ce fut Victor qui
vint. Mais, à le voir, on eût dit qu'il savaitque
ce n'était pas lui. qu'on attendait il n'avait
rien dé la belle mine de ses frëres il était
si petit, si délicat et si chétif, que l'accou-
cheur déclara qu'il ne vivrait pas.
» J'ai entendu plusieurs fois sa mère ra-
conter sa venue au monde. Elle-disait qu'il
n'était pas plus long qu'un couteau. Lors-
qu'on l'eut emmailloté, on le mit dans un
fauteuil, où il tenait si peu ue place qu'on
e&t pu en mettre une douzaine comme lui.
On appelait ses frère!) pour le voir. Il était
!si laid, disait la mère, et ressemblait si peu
à un être humain, que le gros Eugène, qui
n'avait que dix-huit mois et qui parlait à
peine, s'écria en l'apercevant « Oh la bê-
bête! H
Et la hébété est devenue le grand poète
de notre siècle.
Le moribond na mourut pas. 11 a dit lui-
même
« Quel lait pur, que de soins~ que de
vœux, que d'amour a, le firent « deux fois
l'enfant de sa mère obstinée H. Quand il vit
qu'on ne lui en voulait pas de ne pas être
Victorine et qu'au lieu de le renvoyer on le
retenait énergiquement, il se décida à vivre.
Et six semaines après la prophétie de l'ac-
coucheur, il faisait bravement le voyage de
Besançon a Marseille. ZD
La. famille
Le premier Hugo qui ait laissé trace, dit
la biographie, est un Pierre-Antoine Hugo,
né en 1S32, conseiller privé du seigneur de
Bioncôurt. Parmi les descendants de Pierre-
Antoine, je remarque, au seizième siècle,
Anne-Marie, duchesse deRemiremont; au
dix-septième, Charles-Louis, abbé d'Etival;
éveque de.Ptolémaïde. Le grand-père du
poète-etait menuisier à Metz. Son père, Si-
gisbërt Hugo, s'engagea en 1788; il épousa
une Vendéenne, Sophie Trébuchet, ,mlë
d'un négociant de Nantes qui fut &?'~dans le Bocage avec MM. deBonchamp et
de La Rochejacquelein. Eni802, il était ca-
pitaine, en garnison a Besançon. C'est la
que, le 16 février, naquit l'enfant auquel
était réservé une si éclatante destinée.
Il était le troisième des fils du capitaine.
Le premier s'appelait Abel; le second, Eu-
gène, après avoir donne lui aussi les plus
brillantes espérances, mourut à Charenton
en 1837. Suivant sa propre expression, Vic-
tor Hugo parcourut « l'Europe avant la
vie H. Il suivit son père dans les campagnes
de ~'empire, d'abord en 'I(alie,'où en 1807 ]
etl808Sigisbert Hugo, devenu colonel et '<
gouverneur d'une province de Calabre,
guerroya contre le célèbre Fra-Diayolo.
La pren](!ère éducation
La première éducation fut donnée à Vie-
tor Hugo dans la vieille maison de l'im-
passe des'Feuillantines, dont le poète a
parlé dans ces vers célèbres
Je te raconte alors comment aux Feuillantines
Jadis tintaient pour moi les cloches argentines, (
Comment jeune et sauvage errait ma liberté, (
Et qu'à. dix ans parfois reste seut &. ia 1];'une, i
Rêveur, mes yeux cherchaient ies deux ~enx de la
ye. h~hai~. [tune,
Comme la Neur qui s'ouvre aux tièdes nuits d'été.
L'enfant eut là pour premiers précep-
teurs l'abbé la Rivière et le général Laho- 1
rie, proscrit depuis la conspiration de Mo- 1
reau dans laquelle il était compromis et
qui, englobé plus tard dans la conspiration
du général Malet, fut fusillé dans la plaine
de Grenelle. En 1811, Mme Hugo alla rejoin-
dre en Espagne son mari, nommé majordome
du palais du roi Joseph et gouverneur de e
.trois provinces. Elle emmena ses enfants.
Le voyage, sur des routes coupées par
les guérillas, fut très accidenté. Victor fut
mis au collège des nobles de Madrid, où il
eut à souffrir de l'hostilité desjeunes Espa-
gnols, qui détestaient les Français. Il s'est
vengé de l'un d'eux en donnant plus tard
son nom deBelveràna au sinistre compa-
gnon de Lucrèce Borgia. On a souvent fait
remarquer l'impression profonde et dura-
ble que ce voyage en Espagne a faite sur la
jeune imagination du poète, qui a toujours
conservé une allure de fierté castillane.
Hernani, nom d'une étape où il s'arrêta au
retour, est devenu celui de l'un de ses
principaux héros.
Les premières œuvres
Poète de naissance, il n'avait pas quinze
ans qu'il envoyait à l'Académie française
une épître qui fut couronnée. L'année sui-
vante, en 1818, il commençait cet admira-
ble recueil des Odes et Ballades qui fut pu-
blié en 1832 et qui valut à l'enfant les élo-
ges peu suspects de Chateaubriand.
Le général Hugo destinait son fils au mé-
tier des armes et le préparait à l'Ecole po-
lytechnique mais ie poète insista tellement
pour continuer dans la veie qu'il s'était
tracée, que son père abandonna ses pre-
miers projets et le laissa atlér à sa guise.
Il avait composé des odes à dix ans une
tragédie~ 7rque deux pièces lyriques: le Riche et ~e
-PaMt~'e et la CaKac~eHne.
Sa famille se décida alors à lui laisser
suivre la carrière littéraire.
De 1819 à 1822, le jeune poète présenta
trois pièces à l'Académie des jeux iloraux
de Toulouse: les Vierges de -Ye~MM/le ré-
tablissement de la 6'Moi'se ~M?' le A~. Ces pièces remportèrent
chaque fois le premier prix et il fut pro-
clamé maître ès-jeux floraux.
Le premier volume des 0~ et ~Ma~M
parut en 1822. L'apparition de cet ouvrage
ût grand bruit dans le monde des lettres. Ce
fut l'aurore de sa gloire, et il devint, à ce
moment, l'ami de toutes les célébrités litté-
raires de la Restauration.
M. de Chateaubriand t'appela « l'euf~t
sublime ').
~s?! f~sn~e et ~t~-ya~'oa~ parurent en
1823. Ces œuvres hardies commencèrent à
soulever des protestations et des enthou-
siasmes. Autour de, Victor Hugo se groupè-
rent Sainte-Beuve, E. Deschamps, Louis
Boulanger, etc. La ~M~e /raHCNMe était
l'organe de la nouvelle école.
La lutte littéraire
C?'o?HM~ qui parut en 1827, fut le signal
de la rupture définitive, avec les traditions
classiques. Les Or:gn~es parurent en .1828
et, en 1829, il publia le ~erH~'jow~'MM
CoK~aHïHe.
M~o~ .Z)e/o?'M!e, son second drame, fut
interdit par la censure.
Le livre de Mme Hugo raconte que, com-
mencé le l~juin, cette pièce en cinq actes
et en vers fut achevée le 24 du même mois.
Il en nt une première lecture dans cet hôtel
~de la place Royale qui tient une si grande
place dans l'histoire du romancier~ devant
le plus brillant auditoire que poète ait ja-
mais eu. On y remarquait,_en effet Balzac,
Delacroix, Musset, Alexandre Dumas, de
Vigny, Sainte-Beuve, ViMemin, Mérimée,
Soulié, Soumet, les Devéria. Le dénouement
en fut modifié sur un conseil de Mérimée.
M.TayIor, alors directeur de )a Comédie-
Française, prit aussitôt la pièce; mais la
censure refusa l'autorisation de la jouer, et
le rot Charles X, invoqué par l'auteur, main-
tint l'interdiction en lui offrant comme
compensation une nouvelle pension de
Iquatre mille francs.
J'aime beaucoup votre talent, lui dit
I~roi,iln'y~).pour moi que deux poètes,
vous et Désaùgiers.
Victor Hugo refusa ]a pension et en six
semaines écrivit Fe~HaM!, sujet auquel il
pensait depuis quelque temps. ~fayMM ~e-
Z~mHt fut lu aux Français le l"'octobre.
Là première représentation eut lieu le 25 fé-
vrier 1830, et le souvenir en est resté com-
me selui de la grande bataille romantique,
de la bataille par excellence. Tous les par-
tisans de la nouvelle école, amis connus et
inconnus, s'y étaient donné rendez-vous.
On entrait avec un carré de papier portant
marqué à la griffe le mot espagnol ~M~'o.
« Dès une heure, les innombrables pas-
sants de la rue Riéhelieu virent s'accumu-
ler une bande d'êtres farouches et bizarres,
barbus, chevelus, habillés de toutes les fa-
çons excepté à la mode, en vareuse, en
manteau espagnol en gilet à la Robes-
pierre, en toque à la Henri III, ayant tous
les siècles et tous les pays sur les épaules
et sur la tête, en plein Paris, en plein midi.
Les bourgeois s'arrêtaient stupéfaits et in-
dignés. M. Théophile Gautier surtout in-
sultait les yeux par un gilet de satin écar-
late et par l'épaisse chevelure qui lui des-
cendait jusqu'aux reins. Le succès fut'
très grandie premier soir; l'éditeur Bau-
doin, pendant la représentation même,
acheta et paya 6,000 fr. le manuscrit à
l'auteur, qui n'avait que SOfr. chez lui.
Mais les classiques revinrent aux représen-
tations suivantes, qui furent troublées par
d'affreux tumultes. On peut dire que la j
bataille se~prblongeà pendant les quarante-
cinq soirées où la pièce fut représentée.
Vinrent ensuite ZMcrcce -Bo~M~ ~ct?'~
7'M~o~ AH~e~ ~My-F~M etIes~M~'aues.
L'admirable roman historique Notre-Da-
Mïe de ~'a?' ainsi que les ~eM~/M d'au-
~omne, parurent en 183). En 1835, les CAetn~
~M crejoM~CM/e; en 1837, ies FoM? !H<ërxe!/re~
en 1840, les .~ayon~ et les OM&e.s'; puis di-
verses œuvres sur ~M'a&eaK, le /M, etc.
L'Académie finit par lui ouvrir ses portes
en 1841. Admis le 3 juin, il prononça un
discours retentissant dans lequel il exalta
la liberté et toutes les gloires nationales. Il
futpairdeFranceenl845.
La~ ïutte politique
Le 16 avril 1845, Victor Hugo fut nommé
pair de France. Il prononça à la Chambre
haute.plusieurs discours importants, et H
'en était un des orateurs les plus écoutés
lorsque survint la Révolution de 1848.
H fut envoyé à l'Assemblée constituante
par la ville de Paris, dans cette élection
partielle du 4 juin 1848 qui faisait sortir
pêle-mêle de la même urne Proudhon,
Changarnisr, Goudchaux, Thiers, Caussi-
dière, Charles Lagrange, et plaçait Victor
Hugo lui-même immédiatement entre P.
Leroux et Louis-Napoléon Bonaparte. Ses
votes à la Constituante le montrent beau-
ceup"plus près de la droite que du parti
démocratique avec celui-ci, il/repousse
deux fois l'autorisation de poursuites contre
MM. Louis Blanc et Caussidière, réclame
l'abolition de la peine de mort, refuse de
déclarer que le général Cavaignac a bien
mérité de la patrie, rejette l'ensemble de
la Constitution et vote contre l'amende-
inont Grévy.
Après l'élection du 10 décembre et jus-
qu'à )a dissolution de la Constituante, Hugo
vote uniformément avec le parti de l'ordre.
Son attitude fut tout autre à l'Assemblée
législative, où il fut réélu, le dixième sur
~ingt-huit, par le département de la Seine.
Rallié par l'iniluence de M. Emile de Girar-
din au parti delà République démocratique,
il devint un des chefs et surtout un dès
orateurs de la gauche. Les'attaires de Rome,
les questions de l'enseignement, de la ré-
forme électorale, du cautionnement et du
timbre des journaux, en 1850, la limitation
du suffrage universel, le projet de loi sur la
révision de la Constitution, en ~85~, lui
fournirent le sujet de briltants discours;:
mais ses attaques contre Montalembert,
avec lequel il eut comme un duel parlemen-
taire de trois années et contre le président
de la République, qu'il rabaissait en toute
occasion, attirèrent sur lui les représailles
de la majorité.
Il avait fondé lui-même, eh 1848, un
journal, l'FueneMeH<, qui avait passé partes
mêmes phases politiques que !e poète, et
qui, poursuivi, condamné, supprimé, repa-
raissait sous le titre de l'A~eHemen~. Entre
autre procès, ies attaques trop vives de son
fils contre-là peine de mort. lui en suscitè-
rent un dans lequel, ayant obtenu de plai-
der Iui-même,il trouva un de sesplus beaux
triomphes oratoires.
L'exH.
Au Deux Décembre, il tenta d'organiser
la résistance à main armée avec Baudin,
Schœlcher et plusieurs autres de ses amis.
Banni par Louis-Bonaparte, il se réfugia
a Jersey avec sa famille et commença con-
tre l'empire cette guerre acharnée, terri-
ble, qui ne cessa qu'à sa chute, au lende-
main de l'invasion. Il écrivit les C~a7Ve:po~ëoH le Pe
L'effet produit par TVapo~ëcH le Petit ef-
fraya le gouvernement belge, qui'ne voulut
pas garder l'exilé sur son territoire. La loi
ne lui donnant pas le moyen de l'expulser~
le Parlement belge ut une loi exprès, la loi
Paider, et Victor Hugo se réfugia a Jersey,
où il loua une maison connue sous le nom
r de « Marine Terrace H. Il annonça de là so-
lennellement sa ferme intention de ne ja-
mais rentrer en France tant que l'empire
ne serait pas tombé.
J'accepte l'âpre exi), n'eût-il ai En ni terme,
Sans chercher à savoir et sans considérer
Si quelqu'un a plié, qu'on aurait cru plus ferme.
Et si plusieurs s'en vont qui devraient demeurer.
Si l'on n'est plus que mille, eh bien, j'en suis. Si
[même
I!s ne sont plus que cent, je hr~ve encor SyDa
S'il en demeure dix, je serai le dixième
Et, s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là
C'est à Jersey que furent achevés les 6'/geresse fut lancée à la publicité. Une pré-.
mière édition parut en 1853 à Bruxelles,
mais le gouvernement belge, toujours ef-
frayé du souverain qui venait de s'imposer
à la France, l'avait tronquée en exigeant
l'enlèvement d'un certain nombre de piè-
ces. Une édition Complète fut imprimée à
Saint-Hélier la même année. Le débit en
fut prodigieux, le monde entier lut ce livre
et, pendant tout l'empire, il fut l'objet, sur
les frontières de France, d'une contrebande:
active. Il était interdit, mais il est bien peu
de Français qui ne se le soient procure
d'une açon on de l'autre.
Proscrit et n'attendant justice'de per-
sonnes le poètene tira aucun proût de celte
venteyénorme qui Et la fortune des contre-
facteurs. Il ne se plaignit point, heureux de
voir se répandre ces strophes prophétiques
qui annonçaient à l'empire la fragilité de
son existence. Cependant il était pauvre à
cette époque, le coup d'Etat l'avait ruiné
scm théâtre fut proscrit, la vente de ses
livres s'arrêta presque entièrement en
France il ne lui restait en tout que sept
mille francs de rente pour soutenir une
maison de neuf personnes. Il dut laisser
vendre son mobilier de la rue de la Tour-
d'Auvergne, oui! avait amassé des meubles
de prix et quantité de souvenirs. Théophile
Gautier eut le courage de proposer l'ouver-
ture d'une souscription pour empêcher
cette vente mais on était en 1852, ~n pleine
terreur personne ne répondit à son appel.
Victor Hugo futproscrit encore une fois:
à la suite de troubles dans l'Me, auxquels la
police impériale n'était pas étrangère, il
fut expulsé de Jersey en 1856 et alla se
fixer à Guernesey, d'où il ne devait plus
sortir que pour rentrer en. France. «Mon
père nous a donné un beau logis avec un
beau jardin, écrivait son ûls François. I! a
réalisé ce rêve d'il y a vingt ans avoir une
habitation au bord de la mer! Singulière
.MMnBMB BV MATMON.– ~M~~ iMpM~mea
SAMEDI 23 MAI 188S
GnBERT AUMSTN TBERRY
m&Dj&.CTBUR BN OHB.f
ADMINISTRATION
9,RNeBailUf,9
ABONNEMENTS t
Unan S!xmo!))TTol
ParIsetDÈpattements. 36 fr. 18 fr. 9fr,
ËtrangeT. Frai&jdo posta en zut
REDACTION 9, RUE BAILLIF, PAMS
A~oyOBS:tAJiTJTTE,CERF<
3,PHCBDBtABtOCMB,3 3
~MmtinMMM
Les derniers moments t
Hier matin, à cinq heures, l'état de Victor
Hugo devint désespéré. Un accès d'étouffe-
ment se produisit, et dès lors ce ne fut plus
qu'une question d'heures.
Une piqûre de morphine mit fin à lacrise
et Victor Hugo sourit à M. Vacquerie, qui
se trouvait à ses côtés.
Deux heures après, les petits-enfants du
poète lui furent amenés, et Victor Hugo les
embrassa longuement, et leur dit adieu
d'une voix éteinte.
Puis, jusqu'à onze heures~ ce ne fut plus,
chez le malade, qu'une suite non interrom-
pue de mouvements violents et de syncopes.
M. Schœlcher, qui sortit de la maison à
onze heures et demie, déclara que tout es-
poir était perdu, et en effet, deux heures 1s
après, à une heure et demie, MM. Armand
tjtouzien et Victorien Sardou sortaient de
l'hôtel en levant les bras au ciel et en s'é-
criant « C'est uni! a C'est ainsi que les
nombreuses personnes qui se trouvaient
dans l'avenue apprirent la fatale nou-
velle.
Les amis dn poète
Toute la famille était réunie dans la
chambre mortuaire MM. Vacquerie, Ar-
mand Gouzien et Mme Dorian se trouvaient
dans le salon à côté. Là, M. Roblin, le plus
vieil ami de Victor Hugo, assis sur le ca-
napé, racontait a M. Jules Claretie que, de-
puis soixante-quinze ans il connaissait le
poète « J'ai quatre-vingt-neuf ans, six ans
de plus que lui, et c'est lui qui part le pre-
mier. Quel malheur! H disait-il. (;
De toutes parts arrivent des télégrammes
de condoléance, non seulement de France
et.des colonies, mais encore de l'étranger.
Emotion dans Paris
Une heure après la mort, Tes journaux du
soir publiaient le dénouement de la maladie.
La population tout entière connaissait la
fatale nouvelle.
L'émotion était générale, et sur les bou-
levards, dans les cafés, on ne s'entretenait
que de la mort du poète.
Un grand nombre de personnes sont ve-
nues s'inscrire sur les registres placés à la
'porte de l'hôtel, et les gardiens, de la paix
6ht été obligés d'intervenir et de ne per-
mettre qu'à trois personnes a la fois de
s'avancer.
Sur ce registre, nous avons relevé les
noms de M. le général Pittié, envoyé par
le président de la République; MM. Tony
Révillon, Floquet, Demôle, Camescasse,
Jourde, l'ambassadeur d'Italie, MM. Pou-
belle, Tirard, Magnin, Clemenceau, Rivet,
Naquet, Charles Ferry, Sadi Carnot, Anto-
nin Proust, Reinach, Porel, Mme Marie
Laurent, Mme SarahBernhardt.
Le conseil municipal, en corps, ayant à à
satete son président, M. Michelin, s'est
rendu à la maison mortuaire. Le président
et M. Lamouroux ont été reçus par M. Vac-
querie, qui les a remerciés avec effusion de
cette démarche solennelle.
La maladie
La maladie dont était atteintVictor Hugo
était, ainsi que l'avons dit hier, une de
'celles qui ne pardonnent pas.
Les troubles pulmonaires qui accompa-
scent certaines maladies du cœur, et c'é-
tait le cas pour Victor Hugo, se terminent
généralement par un phénomène qu'on dé-
signe en médecine sous le nom de CAeyne-
~o&es, du nom des deux illustres méde-
cins qui l'ontsi bien décrit.
Voici en quoi consiste ce mode particu-
lier de respiration que nous trouvons si-
gnalé dans les derniers bulletins des doc-
teurs VulpiaD, G. Sêe et Allix:
Pendant dix pu quinze secondes envi-
ron; la respiration s'arrête complètement;
puis elle reprend peu à peu. par des mou-
vements d'abord faibles qui vont en aug-
mentant insensiblement, de manière à dé-
passer au bout de peude temps l'amplitude
de la respiration normale.
Puis, l'amplitude des mouvements respi-
ratoire décroît graduellement jusqu'à de-
venir nulle et la respiration s'arrête de
nouveau. La période de respiration est, en
moyenne, de quarante secondes, pendant
laquelle il se fait environ vingt-huit respi-
rations. D'après Stokes, il est peu de phé-
nomènes plus remarquables et plus carac-
térisés, soit que l'on considère la suspen-
sion prolongée de la respiration, qui se
produit sans douleur pour le malade, soit
qu'on étudie les inspirations au moment de
leur plus grande violence, alors que le ma-
lade ramène la tête en arrière, relève ses
épaules et contracte chacun de ses muscles
respiratoires par un effort suprême.
Après cette série d'inspirations, pour ainsi
dire désespérées, la respiration s'anaiblit
comme par une sorte d'épuisement, puis
cesse tout à fait.
Ce phénomène ne se produit jamais ,que
dans les derniers jours de la maladie, et,
comme nous le disions en commençant, il
est toujours l'indice d'une fin prochaine.
C'est surtout dans les maladies du cœur
et particulièrement dans les insuf&sances
aortiques et mitrales qu'il a été observé.
Il est probable que Victor Hugo devait être
atteint de cette dernière affection, qui a
passé inaperçue pendant un certain temps,
et qui s'est révélée brusquement par des
troubles du côté du poumon.
Après ta mort
La foule, toute la journée, n'a cessé de
grandir de minute en minute devant la
porte del'hôtel qu'occupait Victor Hugo.
A trois heures, M. Nadar, le photogra-
phe, est arrivé avec ses appareils pour pho-
tographier Victor Hugo sur son lit de mort.
Quelques instants après M. Bonnat est venu
faire une esquisse.tandis que M. Léon
Glaize a pris un croquis de l'illustre mort.
Le sculpteur Dalou a moulé le visage du
défunt.
Mme Ménard-Dorian et Mme Zola-Donan
n'ontpas ouittéun seulinstantMmeJMouard
x~ .}/"
Lockroy, brisée de fatig&e~~ ~émotion. Les
petita-ettfants de Victor Hugo ont été en
proie, toute la journée~ a un désespoir
inexprimable.
Des dépêches ont été expédiées àMme Che-
nay, belle-sœur de Victor Hugo.
La fortune de Victor Hugo
La totalité de la fortune de Victor Hugo
est évaluée à un peu plus de six millions et
consiste en valeurs mobilières, notamment
en actions de la Banque nationale de Bel-
gique, en Consolidés anglais et enfin en
rente française.
La seule propriété que Victor Hugo pos-
sédait est un terrain qu'il a acheté récem-
ment sur l'avenue qui porte son nom, près
de l'hôtel qu'il habite actuellement et qu'il
loue a Mme la duchesse de Lusignan. Ce
terrain est couvert d'arbres à. l'ombrage
gracieux et poétique. On y remarque une
petite tente et un hamac. Sur le devant,
une petite pelouse verdoyante.
A deux heures, à la prière de M. Edouard
Lockroy, M, Rivet s'est rendu chez M" Ga-
tine, notaire de la famille, et l'a prié de
faire le nécessaire auprès du juge de paix
du seizième arrondissement et le sheriff
.deGolombel (HauteviIIe-Honse) au sujet des
propriétés que laisse Victor Hugo.
Le testament
Victor Hugo laisse ses manuscrits & l'Etat.
-Il charge ses exécuteurs testamentaires de
fonder un asile qui portera le nom d'e
Ttcto?' BM~o~ Ën6n, il dit que la France
fera ce qu'elle voudra de sa dépouille mor-
telle.
Victor Hugo n'a pas, cependant, l'entière
disposition de sa fortune; A côté de ses
deux petits-enfants, il a encore une Slle
Adèle Hugo.
Adèle Hugo s'était mariée, il y a trente
ans, avec un ofncier de la marine anglaise,
commandant le stationnaire de Guernesey
où le poète s'était réfugié durant~son exil.
Ce mariage avait eu lieu contre la volonté
de Victor Hugo qui avait toujours refusé
de revoir sa fille. CeUe-ci était partie pour
les Indes avec son mari. Quelques années
après, on vit revenir la pauvre Adèle Hugo,
veuve, et ramenée folle en Europe par une
négresse qu'elle s'était attachée.
Le père fit admettre sa ûl!e dans une
maison de santé des environs de Paris où
elleestencore.
Adèle Hngo a aujourd'hui une cinquan-
taine d'années; c'est M. Auguste Vacquerie
qui est son tuteur légal.
« Mes petits enfants, avait dit le poè~e, dès
les premières atteintes du mal qui devait
l'emporter, mes petits-enfants savent que
leur l'avenir est assuré; ils connaissent le
banquier chez qui est déposé mon argent et
ils n'auront qu'à le retirer après ma mort.
Je le leur iègue par mon testament. a
Les obsèques
Les obsèques de Victor Hugo n'auront
probablement pas lieu avant une dizaine
de jours.
Le gouvernement se propose de deman-
der au Parlement, pour le poète, des obsè-
ques civiles aux frais de l'Etat. Le maire
du seizième arrondissement a. offert de faire
déposer le corps à la mairie de son arron-
dissement.
C'est M.. Maxime Ducamp qui pronon-
cera, au nom de l'Académie française, le
discours sur la tombe de Victor Hugo.
D'après les décisions prises il y a quel-
ques mois, la délégation chargée ofEcielle-
ment de représenter l'Académie aux obsè-
ques sera composée des quatr~derniersaca-
démiciens élus MM. PaiMeron, de Mazade,
Coppée et Ferdinand de Lesseps, auxquels
s'adjoindront /Ies trois membres du bu-
reau, MM. Du Camp, Doucet et Roussel.
Il est probable/du reste, que l'Académie
tout entière suivra le convoi de l'auteur de
laZe~eM~e~MMëc~M
Victor Hugo sous PArc de Triomphe
M. Allain-Targé, ministre de l'intérieur,
a l'intention de proposer au conseil des mi-
nistres, puis aux Chambres, d'exposer le
corps de Victor Hugo sous l'Arc de Trionb-
phe, qu'il asibien chanté.
Victor Hugo sous l'Arc de Triomphe se-
rait à sa piaçe. C'est là qu'est la seule .cha-
pelle ardente digne de lui. Les héros que
ses vers ont immortalisés seront Sers de
veiller quelques heures sur ses restes mor-
.tels..
Et Paris sera heureux de dénier sous ce
catafalque monumental, le plus beau qui
ait jamais abrité un homme.
Voila le plus magninque hommage qu'on
puisse rendre au grand poète que la France
.vient de perdre en attendant que l'on
décrète son inhumation au Panthéon.
Lettre du Président de la République
Le président de la République a adressé
la lettre suivante à M. Edouard Lockroy:
Par~s, Ia2.2mait88a.
Mon cher monsieur Lockroy,
Je vous prie, ainsi que Mme Lockroy, et tous
les membres de la famille de Victor Hugo, d'a-
gréer l'expression de ma vive sympathie.
Si quelque chose peut adoucir votre douleur,
c'est l'unanimité des regrets de la France et du
monde civilisé, c'est l'immortalité du génie qui
ne cessera de planer sur ceux qui lui appar-
tiennent.
Croyez, je vous prie, mon cher monsieur
Lockroy, a tous mes sentiments d'affectueux
dévouement.
Signe Ju~tS GnÉVY.
Hommage de l'Italie
Rome, 22 mai.
CAa~~e ~cs f~M~s.–M. Crispi ex-
prime les regrets qu'il éprouve de la mort
de Victor Hugo, qui est, dit-il, un deuil
non seulement pour laFrance, mais encore
pour le monde civilisé, et demande que le
président de la Chambre veuille bien asso-
cier la nation italienne au deuil de la
Faance.
Le président de la Chambre dit que la
génie de Victor Hugo n'illustre pas seule-
ment la France, mais honore aussi l'huma-
nité. (Très bien très bien !)
La douleur de la France est commune
à toutes les nations. (Applaudissements.)
Ce ne sera pas le dernier titre de gloire
de Victor Hugo d'avoir été toujours le dé-
fenseur de la liberté et de l'indépendance
des peuples.
L'Italie n'oubliera pas non plus que dans
ses jours de malheur elle eut toujours en
Victor Hugo un ami bienveillant, et un
chaud défenseur de la sainteté dosesdroits.
(Très bien! très bien!)
L'Italie reconnaissante déplore la perte
de Victor Hugo et s'associe au deuil de la ]
nation française. (Très vive approbation sur
tous les bancs.)
M. Mancini dit qu'au moment où l'Italie
est affligée par la perte du sénateur Ma-
miani, elle reçoit la douloureuse nouvelle s
de là mort de Victor Hugo. Deux grands
génies, dit-il, ont disparu du monde litté-
raire, deux grands patriotes du monde
politique, (
-Le gouvernement s'associe aux déclara- i
tions du président de la Chambre, et es-
père que ces sentiments seront accueillis i
par nos voisins comme un témoignage
d'affection.
Toutes ]es sociétés, chambres syndicales et
délégations qui voudraient prendre part aux
obsèques de Victor Hugo, sont priées de se faire
inscrire à la mairie du seizième arrondisse-
n~ent, H7, avenue duTrocadéro, où lemaire,
M. le docteur Marmottan, recevra leur déclara-
tion.
WTPTnD UTTfn
ViLiUn iiu~
Hier, 22 mai 1885, aune heure trente
de l'après-midi, s'est éteinte la grande
voix du dix-neuvième siècle.
Victor Hugo n'était pas seulement le
premier; peut-être l'unique poète lyrique
français, c'était surtout l'organe harmo-
nieux et vibrant de la nation française.
Depuis 1820 jusqu'à 188S,sans inter-
ruption, Victor Hugo a exprimé toutes
les joies, toutes les douleurs, toutes les
pensées de la France, c'est-à-dire de
l'humanité contemporaine.
On cherche, dans le hasard qui l'a fait
naître d'un vaillant général et d'une
Vendéenne, l'explication de ses premiè-
res émotions poétiques,, émotions à la
fois royalistes et patriotiques. L'influence
du sang est pour quelque chose dans ses
'premières Impressions; mais elle n'a
compté que jusqu'au jour où le poète
s'est connu lui-même, a regardé autour
de lui, a vécu de la vie nationale. La
nature l'avait doué de telle sorte que
toutes les haines et toutes les amours qui
allaient faire vibrer la France devaient
trouver dans son cerveau leur formule
idéale.
Personne n'a miaux dénni Victor
Hugo qu'il ne s'est défini lui-même le
jour où il a écrit
« Js suis un neuve intelligent qui ai i
M réflété successivement toutes les rives
M devant lesquelles j'ai passé en médi-
)) tant Seulement sur les imagés qu&
M m'ont offertes ces rivages changeants.)) »
Voilà bien l'homme que la France
vient de perdre c'était l'écho, plus har-
monieux que la voix même, des cri de
joie et des cris de douleur de ses con-
temporains.
De 1820 à 1830, la France échappée
aux serres de l'aigle impérial s'était
éprise, un instant, de ces Bourbons qui
lui procuraient la paix et qui lui pro-
mettaient la liberté. Victor Hugo chanta
la royauté comme s'il eût été lui-même
repu du sang des révolutions et du sang
des champs de bataille.
L'instrument que lui avaient légué les
poètes du dix-huitième siècle n'était pas
assez souple pour les nouvelles pensées.
Il le brisa, dès la fin des Odes et 2~/a<
~son premier volume. Ainsi, en même
temps qu'il mettait sa poésie à l'unisson
~dés sentiments nationaux, il opérait une
~révolutien quiallàit délivrer les lettres
françaises des entraves classiques. On
crut d'abord et l'on affecta de dire qu'il
songeait à modiner le « beau )), à créer
une nouvelle vérité. Non! il n'aspirait
qu'à faire tomber les chaînes grammati-
cales, poétiques et dramatiques qu'à
ouvrir à l'imagination l'espace incom-
mensurable. Il éprouvait le désir de re-
garder le soleil en face et de se perdre
jusqu'au fond des voûtes azurées; il
adopta les ailes qui seules pouvaient lui
permettre de monter aussi haut.
La révolution littéraire accomplie dans
la poésie lyrique, dans le drame, dans
le roman, il se remit à penser, à aimer
avec le siècle. Les héros de la Républi-
que et de l'Empire trouvèrent dans ses
chants une trompette de bronze plus
sonore que celle de la Renommée perdue
dans le ravin de Waterloo
Toujours lui, lui partout Ou brûlante ou giacee,
Son image sans cesse ébranle ma pensée.
~La France attendait ave~ anxiété les
cendresdeNapeléon; elle accourait en
foule sur leur passage et les escortait jjus-
que sous le dôme des invalides. Victor
Hugo tressait les couronnés dont on
couvrait ce tombeau géant.
Puis lé peuple changea d'amours. Une
paix longue et peu 6ère lui avait fait ou-
blier les duretés de la tyrannie impé-
riale, les malheurs de l'anarchie révolu-
tionnaire. Il se reprit à aimer là liberté.
Victor Hugo inclina vers l'émancipation
du pays. Il ne prit aucune part à la Ré-
volution de 1848, mais ne tarda pas à y
applaudir. La République existait de- d
puis quelques mois à peine que l'ancien
royaliste lui jurait une ndélité éter-
nelle.
Le-t" août 1848 il écrivait en tête de `
l'jE'ueHe~e~: t
«Haine vigoureuse de l'anarchie, ten- p
dre et profond amour du peuple." » p
Le poète de la démocratie modulait JE
ses premiers accords. J:
Mais la République tomba dans une e
chausse-trappe, l'Empire se dressa et R
c'est la colère qui bientôt fit vibrer la c
voi~ du poète. Pour venger la Répli-
que Victor Hugo écrivit les C~~Me?! t~
livre immortel qui restera, à la fois, r
comme un livre d'histoire et un monu- r
ment littéraire incomparable. Pour la
première fois Victor Hugo, subjugué par
sapassion, avait donné libre cours à ses
sentiments personnels. On ne connais- d
sait que le poète qui chantait au-dessus t
des foules, qui régnait dans les sereines
régions on connut l'homme, on l'en-
tendit hurler, on le vit saigner. Cette c
fois il pensa plus haut et plus librement €
que laFrançe même. Elle s'était sou-
mise, il resta debout. Il est vrai que la
France avait été trompée et que lui il j
avait touché du doigt la trahison, ` t
A compter de ce jour l'oeuvre de Vie- J
tor Hugo est l'évangile poétique, idéal j
des croyances nouvelles. Il pleure avec t
tous les opprimés, individus et peuples.
H écrit les J°~MU?'e~ ye?M et les Misérables.
Il s'attendrit' sur toutes les douleurs il
écrit à Juarez pour sauver la tête de Maxi- s
milien, au Tzar pour sauver celles des i
nihilistes. Il prêche la République uni- 1
verselle et trace 1'~?~ f~'e~e ~m6~e?'e. t
II personnine en lui la Bonté Humaine, t
Etudier son œuvre littéraire aujour-
d'hui, quand l'Arc-de-Tmomphe va cou- t
vrir pendant quelques heures ses restes, 1
ce serait une vaine entreprise. Tout ce t
qu'il faut en dire c'est que nul, sur cette i
fin du dix-neuvième, en France, en Eu- t
rope dans les deux mondes, nul poète,
historien, dramaturge, nul n'écrit en j
prose ou en vers, dans la langue fran-
çaise, anglaise, allemande, italienne. es- s
pagnole qui n'ait appris de Victor Hugo
l'art d'exprimer sa pensée et de faire
rêver les peuples. Voltaire n'a régné in- t
contestablement que sur un demi-siècle
lui il a dominé tout le dix-neuvième.
Victor Hugo mort, c'est le vingtième
siècle qui commence..
HENRt LA.NNES.
UViE&LESŒUMES
.DE.
VICTOR HUGO
Le plus grand lyrique de tous les temps~
la plus puissante organisation littéraire qui
ait jamais existe, Victor Hugo naquit à Be-
sançon le 26 février 1802.
Dans Victor Hugo ~aco!~e pa~ MM <ëH!OM!
~e t)~ nous trouvons de curieux détails
sur la naissance du poète:
« On attendait Victorine, ce fut Victor qui
vint. Mais, à le voir, on eût dit qu'il savaitque
ce n'était pas lui. qu'on attendait il n'avait
rien dé la belle mine de ses frëres il était
si petit, si délicat et si chétif, que l'accou-
cheur déclara qu'il ne vivrait pas.
» J'ai entendu plusieurs fois sa mère ra-
conter sa venue au monde. Elle-disait qu'il
n'était pas plus long qu'un couteau. Lors-
qu'on l'eut emmailloté, on le mit dans un
fauteuil, où il tenait si peu ue place qu'on
e&t pu en mettre une douzaine comme lui.
On appelait ses frère!) pour le voir. Il était
!si laid, disait la mère, et ressemblait si peu
à un être humain, que le gros Eugène, qui
n'avait que dix-huit mois et qui parlait à
peine, s'écria en l'apercevant « Oh la bê-
bête! H
Et la hébété est devenue le grand poète
de notre siècle.
Le moribond na mourut pas. 11 a dit lui-
même
« Quel lait pur, que de soins~ que de
vœux, que d'amour a, le firent « deux fois
l'enfant de sa mère obstinée H. Quand il vit
qu'on ne lui en voulait pas de ne pas être
Victorine et qu'au lieu de le renvoyer on le
retenait énergiquement, il se décida à vivre.
Et six semaines après la prophétie de l'ac-
coucheur, il faisait bravement le voyage de
Besançon a Marseille. ZD
La. famille
Le premier Hugo qui ait laissé trace, dit
la biographie, est un Pierre-Antoine Hugo,
né en 1S32, conseiller privé du seigneur de
Bioncôurt. Parmi les descendants de Pierre-
Antoine, je remarque, au seizième siècle,
Anne-Marie, duchesse deRemiremont; au
dix-septième, Charles-Louis, abbé d'Etival;
éveque de.Ptolémaïde. Le grand-père du
poète-etait menuisier à Metz. Son père, Si-
gisbërt Hugo, s'engagea en 1788; il épousa
une Vendéenne, Sophie Trébuchet, ,mlë
d'un négociant de Nantes qui fut &?'~dans le Bocage avec MM. deBonchamp et
de La Rochejacquelein. Eni802, il était ca-
pitaine, en garnison a Besançon. C'est la
que, le 16 février, naquit l'enfant auquel
était réservé une si éclatante destinée.
Il était le troisième des fils du capitaine.
Le premier s'appelait Abel; le second, Eu-
gène, après avoir donne lui aussi les plus
brillantes espérances, mourut à Charenton
en 1837. Suivant sa propre expression, Vic-
tor Hugo parcourut « l'Europe avant la
vie H. Il suivit son père dans les campagnes
de ~'empire, d'abord en 'I(alie,'où en 1807 ]
etl808Sigisbert Hugo, devenu colonel et '<
gouverneur d'une province de Calabre,
guerroya contre le célèbre Fra-Diayolo.
La pren](!ère éducation
La première éducation fut donnée à Vie-
tor Hugo dans la vieille maison de l'im-
passe des'Feuillantines, dont le poète a
parlé dans ces vers célèbres
Je te raconte alors comment aux Feuillantines
Jadis tintaient pour moi les cloches argentines, (
Comment jeune et sauvage errait ma liberté, (
Et qu'à. dix ans parfois reste seut &. ia 1];'une, i
Rêveur, mes yeux cherchaient ies deux ~enx de la
ye. h~hai~. [tune,
Comme la Neur qui s'ouvre aux tièdes nuits d'été.
L'enfant eut là pour premiers précep-
teurs l'abbé la Rivière et le général Laho- 1
rie, proscrit depuis la conspiration de Mo- 1
reau dans laquelle il était compromis et
qui, englobé plus tard dans la conspiration
du général Malet, fut fusillé dans la plaine
de Grenelle. En 1811, Mme Hugo alla rejoin-
dre en Espagne son mari, nommé majordome
du palais du roi Joseph et gouverneur de e
.trois provinces. Elle emmena ses enfants.
Le voyage, sur des routes coupées par
les guérillas, fut très accidenté. Victor fut
mis au collège des nobles de Madrid, où il
eut à souffrir de l'hostilité desjeunes Espa-
gnols, qui détestaient les Français. Il s'est
vengé de l'un d'eux en donnant plus tard
son nom deBelveràna au sinistre compa-
gnon de Lucrèce Borgia. On a souvent fait
remarquer l'impression profonde et dura-
ble que ce voyage en Espagne a faite sur la
jeune imagination du poète, qui a toujours
conservé une allure de fierté castillane.
Hernani, nom d'une étape où il s'arrêta au
retour, est devenu celui de l'un de ses
principaux héros.
Les premières œuvres
Poète de naissance, il n'avait pas quinze
ans qu'il envoyait à l'Académie française
une épître qui fut couronnée. L'année sui-
vante, en 1818, il commençait cet admira-
ble recueil des Odes et Ballades qui fut pu-
blié en 1832 et qui valut à l'enfant les élo-
ges peu suspects de Chateaubriand.
Le général Hugo destinait son fils au mé-
tier des armes et le préparait à l'Ecole po-
lytechnique mais ie poète insista tellement
pour continuer dans la veie qu'il s'était
tracée, que son père abandonna ses pre-
miers projets et le laissa atlér à sa guise.
Il avait composé des odes à dix ans une
tragédie~ 7r
-PaMt~'e et la CaKac~eHne.
Sa famille se décida alors à lui laisser
suivre la carrière littéraire.
De 1819 à 1822, le jeune poète présenta
trois pièces à l'Académie des jeux iloraux
de Toulouse: les Vierges de -Ye~MM/le ré-
tablissement de la 6'
chaque fois le premier prix et il fut pro-
clamé maître ès-jeux floraux.
Le premier volume des 0~ et ~Ma~M
parut en 1822. L'apparition de cet ouvrage
ût grand bruit dans le monde des lettres. Ce
fut l'aurore de sa gloire, et il devint, à ce
moment, l'ami de toutes les célébrités litté-
raires de la Restauration.
M. de Chateaubriand t'appela « l'euf~t
sublime ').
~s?! f~sn~e et ~t~-ya~'oa~ parurent en
1823. Ces œuvres hardies commencèrent à
soulever des protestations et des enthou-
siasmes. Autour de, Victor Hugo se groupè-
rent Sainte-Beuve, E. Deschamps, Louis
Boulanger, etc. La ~M~e /raHCNMe était
l'organe de la nouvelle école.
La lutte littéraire
C?'o?HM~ qui parut en 1827, fut le signal
de la rupture définitive, avec les traditions
classiques. Les Or:gn~es parurent en .1828
et, en 1829, il publia le ~erH~'jow~'MM
CoK~aHïHe.
M~o~ .Z)e/o?'M!e, son second drame, fut
interdit par la censure.
Le livre de Mme Hugo raconte que, com-
mencé le l~juin, cette pièce en cinq actes
et en vers fut achevée le 24 du même mois.
Il en nt une première lecture dans cet hôtel
~de la place Royale qui tient une si grande
place dans l'histoire du romancier~ devant
le plus brillant auditoire que poète ait ja-
mais eu. On y remarquait,_en effet Balzac,
Delacroix, Musset, Alexandre Dumas, de
Vigny, Sainte-Beuve, ViMemin, Mérimée,
Soulié, Soumet, les Devéria. Le dénouement
en fut modifié sur un conseil de Mérimée.
M.TayIor, alors directeur de )a Comédie-
Française, prit aussitôt la pièce; mais la
censure refusa l'autorisation de la jouer, et
le rot Charles X, invoqué par l'auteur, main-
tint l'interdiction en lui offrant comme
compensation une nouvelle pension de
Iquatre mille francs.
J'aime beaucoup votre talent, lui dit
I~roi,iln'y~).pour moi que deux poètes,
vous et Désaùgiers.
Victor Hugo refusa ]a pension et en six
semaines écrivit Fe~HaM!, sujet auquel il
pensait depuis quelque temps. ~fayMM ~e-
Là première représentation eut lieu le 25 fé-
vrier 1830, et le souvenir en est resté com-
me selui de la grande bataille romantique,
de la bataille par excellence. Tous les par-
tisans de la nouvelle école, amis connus et
inconnus, s'y étaient donné rendez-vous.
On entrait avec un carré de papier portant
marqué à la griffe le mot espagnol ~M~'o.
« Dès une heure, les innombrables pas-
sants de la rue Riéhelieu virent s'accumu-
ler une bande d'êtres farouches et bizarres,
barbus, chevelus, habillés de toutes les fa-
çons excepté à la mode, en vareuse, en
manteau espagnol en gilet à la Robes-
pierre, en toque à la Henri III, ayant tous
les siècles et tous les pays sur les épaules
et sur la tête, en plein Paris, en plein midi.
Les bourgeois s'arrêtaient stupéfaits et in-
dignés. M. Théophile Gautier surtout in-
sultait les yeux par un gilet de satin écar-
late et par l'épaisse chevelure qui lui des-
cendait jusqu'aux reins. Le succès fut'
très grandie premier soir; l'éditeur Bau-
doin, pendant la représentation même,
acheta et paya 6,000 fr. le manuscrit à
l'auteur, qui n'avait que SOfr. chez lui.
Mais les classiques revinrent aux représen-
tations suivantes, qui furent troublées par
d'affreux tumultes. On peut dire que la j
bataille se~prblongeà pendant les quarante-
cinq soirées où la pièce fut représentée.
Vinrent ensuite ZMcrcce -Bo~M~ ~ct?'~
7'M~o~ AH~e~ ~My-F~M etIes~M~'aues.
L'admirable roman historique Notre-Da-
Mïe de ~'a?' ainsi que les ~eM~/M d'au-
~omne, parurent en 183). En 1835, les CAetn~
~M crejoM~CM/e; en 1837, ies FoM? !H<ërxe!/re~
en 1840, les .~ayon~ et les OM&e.s'; puis di-
verses œuvres sur ~M'a&eaK, le /M, etc.
L'Académie finit par lui ouvrir ses portes
en 1841. Admis le 3 juin, il prononça un
discours retentissant dans lequel il exalta
la liberté et toutes les gloires nationales. Il
futpairdeFranceenl845.
La~ ïutte politique
Le 16 avril 1845, Victor Hugo fut nommé
pair de France. Il prononça à la Chambre
haute.plusieurs discours importants, et H
'en était un des orateurs les plus écoutés
lorsque survint la Révolution de 1848.
H fut envoyé à l'Assemblée constituante
par la ville de Paris, dans cette élection
partielle du 4 juin 1848 qui faisait sortir
pêle-mêle de la même urne Proudhon,
Changarnisr, Goudchaux, Thiers, Caussi-
dière, Charles Lagrange, et plaçait Victor
Hugo lui-même immédiatement entre P.
Leroux et Louis-Napoléon Bonaparte. Ses
votes à la Constituante le montrent beau-
ceup"plus près de la droite que du parti
démocratique avec celui-ci, il/repousse
deux fois l'autorisation de poursuites contre
MM. Louis Blanc et Caussidière, réclame
l'abolition de la peine de mort, refuse de
déclarer que le général Cavaignac a bien
mérité de la patrie, rejette l'ensemble de
la Constitution et vote contre l'amende-
inont Grévy.
Après l'élection du 10 décembre et jus-
qu'à )a dissolution de la Constituante, Hugo
vote uniformément avec le parti de l'ordre.
Son attitude fut tout autre à l'Assemblée
législative, où il fut réélu, le dixième sur
~ingt-huit, par le département de la Seine.
Rallié par l'iniluence de M. Emile de Girar-
din au parti delà République démocratique,
il devint un des chefs et surtout un dès
orateurs de la gauche. Les'attaires de Rome,
les questions de l'enseignement, de la ré-
forme électorale, du cautionnement et du
timbre des journaux, en 1850, la limitation
du suffrage universel, le projet de loi sur la
révision de la Constitution, en ~85~, lui
fournirent le sujet de briltants discours;:
mais ses attaques contre Montalembert,
avec lequel il eut comme un duel parlemen-
taire de trois années et contre le président
de la République, qu'il rabaissait en toute
occasion, attirèrent sur lui les représailles
de la majorité.
Il avait fondé lui-même, eh 1848, un
journal, l'FueneMeH<, qui avait passé partes
mêmes phases politiques que !e poète, et
qui, poursuivi, condamné, supprimé, repa-
raissait sous le titre de l'A~eHemen~. Entre
autre procès, ies attaques trop vives de son
fils contre-là peine de mort. lui en suscitè-
rent un dans lequel, ayant obtenu de plai-
der Iui-même,il trouva un de sesplus beaux
triomphes oratoires.
L'exH.
Au Deux Décembre, il tenta d'organiser
la résistance à main armée avec Baudin,
Schœlcher et plusieurs autres de ses amis.
Banni par Louis-Bonaparte, il se réfugia
a Jersey avec sa famille et commença con-
tre l'empire cette guerre acharnée, terri-
ble, qui ne cessa qu'à sa chute, au lende-
main de l'invasion. Il écrivit les C~a
L'effet produit par TVapo~ëcH le Petit ef-
fraya le gouvernement belge, qui'ne voulut
pas garder l'exilé sur son territoire. La loi
ne lui donnant pas le moyen de l'expulser~
le Parlement belge ut une loi exprès, la loi
Paider, et Victor Hugo se réfugia a Jersey,
où il loua une maison connue sous le nom
r de « Marine Terrace H. Il annonça de là so-
lennellement sa ferme intention de ne ja-
mais rentrer en France tant que l'empire
ne serait pas tombé.
J'accepte l'âpre exi), n'eût-il ai En ni terme,
Sans chercher à savoir et sans considérer
Si quelqu'un a plié, qu'on aurait cru plus ferme.
Et si plusieurs s'en vont qui devraient demeurer.
Si l'on n'est plus que mille, eh bien, j'en suis. Si
[même
I!s ne sont plus que cent, je hr~ve encor SyDa
S'il en demeure dix, je serai le dixième
Et, s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là
C'est à Jersey que furent achevés les 6'/
mière édition parut en 1853 à Bruxelles,
mais le gouvernement belge, toujours ef-
frayé du souverain qui venait de s'imposer
à la France, l'avait tronquée en exigeant
l'enlèvement d'un certain nombre de piè-
ces. Une édition Complète fut imprimée à
Saint-Hélier la même année. Le débit en
fut prodigieux, le monde entier lut ce livre
et, pendant tout l'empire, il fut l'objet, sur
les frontières de France, d'une contrebande:
active. Il était interdit, mais il est bien peu
de Français qui ne se le soient procure
d'une açon on de l'autre.
Proscrit et n'attendant justice'de per-
sonnes le poètene tira aucun proût de celte
venteyénorme qui Et la fortune des contre-
facteurs. Il ne se plaignit point, heureux de
voir se répandre ces strophes prophétiques
qui annonçaient à l'empire la fragilité de
son existence. Cependant il était pauvre à
cette époque, le coup d'Etat l'avait ruiné
scm théâtre fut proscrit, la vente de ses
livres s'arrêta presque entièrement en
France il ne lui restait en tout que sept
mille francs de rente pour soutenir une
maison de neuf personnes. Il dut laisser
vendre son mobilier de la rue de la Tour-
d'Auvergne, oui! avait amassé des meubles
de prix et quantité de souvenirs. Théophile
Gautier eut le courage de proposer l'ouver-
ture d'une souscription pour empêcher
cette vente mais on était en 1852, ~n pleine
terreur personne ne répondit à son appel.
Victor Hugo futproscrit encore une fois:
à la suite de troubles dans l'Me, auxquels la
police impériale n'était pas étrangère, il
fut expulsé de Jersey en 1856 et alla se
fixer à Guernesey, d'où il ne devait plus
sortir que pour rentrer en. France. «Mon
père nous a donné un beau logis avec un
beau jardin, écrivait son ûls François. I! a
réalisé ce rêve d'il y a vingt ans avoir une
habitation au bord de la mer! Singulière
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 71.87%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 71.87%.
- Collections numériques similaires Bibliographie de la presse française politique et d'information générale Bibliographie de la presse française politique et d'information générale /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BIPFPIG00"Fonds régional : Nord-Pas-de-Calais Fonds régional : Nord-Pas-de-Calais /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "NordPdeC1"
- Auteurs similaires Bibliographie de la presse française politique et d'information générale Bibliographie de la presse française politique et d'information générale /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BIPFPIG00"Fonds régional : Nord-Pas-de-Calais Fonds régional : Nord-Pas-de-Calais /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "NordPdeC1"
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k545202q/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k545202q/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k545202q/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k545202q/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k545202q
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k545202q
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k545202q/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest