Titre : La Jeunesse : journal littéraire, paraissant le samedi / rédacteurs en chef : H. Du Cleuziou et E. Carré
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1861-06-22
Contributeur : Raison Du Cleuziou, Henri (1833-1896). Directeur de publication
Contributeur : Carré, Eugène. Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32796142c
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 66 Nombre total de vues : 66
Description : 22 juin 1861 22 juin 1861
Description : 1861/06/22 (N3). 1861/06/22 (N3).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k5439101b
Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, Z-1092
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 10/09/2008
A M. le Rédacteur en chef de L* Jeunesse.
Monsieur,
J'ai reçu le premier numéro de votre journal.
Vous essayez de rallier sous le drapeau de la
liberté et de l'honneur notre jeunesse qui se dis-
perse à l'aventure. C'est une belle et noble en-
treprise, et dans laquelle tous les gens de coeur
doivent vous seconder. Ami passionné de la li-
berté, de l'honneur et de la poésie, je voudrais
aider à votre, oeuvre autrement que par une sté-
rile sympathie. Je veux du moins me mettre en
mesure de propager votre feuille dans le pays
que j'habite. Mais j'ai besoin de vous dire que je
suis pour votre journal plus qu'un abonné. Je
vous vois commencer avec un courage et une
fierté qui me font du bien, à moi, qui suis si
souvent attristé par le spectacle de cette jeu-
nesse qui s'élève à l'école de la servitude. Cou-
rage donc, messieurs, et si ma sympathie peut
vous être bonne en quelque chose, je vous l'of-
fre bien cordialement.
V. DE LAPRADE.
Lyon, 18 juin 1861.
«UJWIM&
CORNEILLE POÈTE SATIRIQUE.
CIU'iVA.
Nous ne connaissons pas assez notre grand
Corneille.La critique mesquine et inintelligente a
trop rebattu notreadmiration classique des pâles
beautés de convention qu'elle s'efforce de dé-
couvrir dans ses ouvrages et qui seraient bien
plutôt faites pour éloigner de lui notre généra-
tion amoureuse des beautés énergiques et des
larges horizons. Ce que l'on sait moins, c'est son
âme passionnée, indépendante, soeur de Sha-
kespeare et de Schiller. Si Corneille n'avait fait
que ces froides tragédies que l'on nous vante,
ou plutôt, s'il fallait y voir seulement ce que
l'on veut nous y montrer,— peut-être devrions-
nous jeter un regard d'envie sur nos voisins.
Mais ce serait mal comprendre ce mâle génie. Sa
grandeur, c'est d'avoir aimé et chanté la liberté
à une époque où dominait, sans opposition au-
cune, le plus avilissant despotisme. Sans doute
il n'a pas la foi ardente, le courageux enthou-
siasme de Schiller, saluant l'aurore de la liberté.
Isolé au milieu de la servitude, sans espoir en
l'avenir, ne se sentant pas même appuyé peut-
être dans le passé sur les fiers défenseurs des
communes, Corneille accomplit tristement son
oeuvre incomprise. Dégoûté de son siècle, il se
consolait au souvenir de la vieille Rome, et,
tantôt célébrait son héroïsme républicain, tantôt
flagellait Auguste et le pouvoir absolu, dans ses
grandes tragédies que les contemporains, — si
bas était alors tombé le sentiment de la dignité
morale, — interprétaient en flatteries et en apo-
logies à l'adresse du despotisme.
Cet isolement douloureux explique l'ironie à
la fois calme et sanglante, dont sont empreintes
ses plus belles compositions, et qui en fait de
grandes comédies sociales, — caractère à peu
près complètement méconnu jusqu'à ce jour.
C'est que, avec la vision profonde du génie,
Corneille a devancéson époque; pour l'atteindre,
il a fallu deux siècles de lente initiation, une
immense révolution, et peut-être des circon-
stances spéciales. Ces grands hommes appartien-
nent à l'avenir; chaque nouvelle espérance nous
fait découvrir en eux des beautés que nous ne
soupçonnions pas.
Ce caractère est surtout frappant dans Cinna.
— L'époque de l'action est merveilleusement
choisie : c'est la plus brillante du règne d'Au-
guste. Il y a quelques années déjà que, profitao
habilement de la fatigue du peuple et de sa las-
situde des commotions sociales, il a délourné à
son profit la liberté de Rome. La grande nation
a abdiqué avec une coupable indifférence les
instiiutions qui la faisaient resplendir; elle a
sacrifié la liberté intérieure et la sûreté indivi-
duelle; elle se trouve suffisamment indemnisée
par l'éclat factice des relations extérieures et
par la prospérité dn commerce ; elle s'applaudit
d'avoir échangé la lutte pénible, mais glorieuse,
contre un lâche repos. Les grands hommes sont
en exil. Si la proscription en a épargné quelques-
uns, la lourde oppression qui pèse &ur eux les
lient loin dans le silence. Le Romain actuel,
c'est le courtisan rampant et avide, bien per-
sonnifié dans Cinna.
Cinna est le neveu du grand Pompée, — ce
dernier défenseur de la cause républicaine. Lui-
même est un ancien tribun, mais un de ces tri-
buns sans conviction qui, en désorganisant tout
sous le prétexte de la liberté, ont précipité la
chute de la république et applaudissent mainte-
nant au régime despotique. Cinna est devenu le
favori d'Auguste ; il tient le premier rang au
sénat et dans la magistrature. Par un reste d'ha-
bitude, il parle encore quelquefois de liberté;
même je ne sais quelle mesquine passion le trc-
vestit pour un instant en conspirateur. Mais
qu'Auguste lui offre son pardon et le consulat,
et il deviendra un de ses plus fidèles partisans.
A moins qu'un nouvel intérêt ne l'enlraîne vers
un autre parti, si tant est que, après toutes ces
trahisons, ces partis veuillent encore de ce
rebut.
Youiez-vous bien pénétrer celte âme vile de
courtisan, écoutez le quand il prouve à Auguste
comment il a fait le salut de la patrie par la
même occasion qui a assouvi son ambition. Au-
Monsieur,
J'ai reçu le premier numéro de votre journal.
Vous essayez de rallier sous le drapeau de la
liberté et de l'honneur notre jeunesse qui se dis-
perse à l'aventure. C'est une belle et noble en-
treprise, et dans laquelle tous les gens de coeur
doivent vous seconder. Ami passionné de la li-
berté, de l'honneur et de la poésie, je voudrais
aider à votre, oeuvre autrement que par une sté-
rile sympathie. Je veux du moins me mettre en
mesure de propager votre feuille dans le pays
que j'habite. Mais j'ai besoin de vous dire que je
suis pour votre journal plus qu'un abonné. Je
vous vois commencer avec un courage et une
fierté qui me font du bien, à moi, qui suis si
souvent attristé par le spectacle de cette jeu-
nesse qui s'élève à l'école de la servitude. Cou-
rage donc, messieurs, et si ma sympathie peut
vous être bonne en quelque chose, je vous l'of-
fre bien cordialement.
V. DE LAPRADE.
Lyon, 18 juin 1861.
«UJWIM&
CORNEILLE POÈTE SATIRIQUE.
CIU'iVA.
Nous ne connaissons pas assez notre grand
Corneille.La critique mesquine et inintelligente a
trop rebattu notreadmiration classique des pâles
beautés de convention qu'elle s'efforce de dé-
couvrir dans ses ouvrages et qui seraient bien
plutôt faites pour éloigner de lui notre généra-
tion amoureuse des beautés énergiques et des
larges horizons. Ce que l'on sait moins, c'est son
âme passionnée, indépendante, soeur de Sha-
kespeare et de Schiller. Si Corneille n'avait fait
que ces froides tragédies que l'on nous vante,
ou plutôt, s'il fallait y voir seulement ce que
l'on veut nous y montrer,— peut-être devrions-
nous jeter un regard d'envie sur nos voisins.
Mais ce serait mal comprendre ce mâle génie. Sa
grandeur, c'est d'avoir aimé et chanté la liberté
à une époque où dominait, sans opposition au-
cune, le plus avilissant despotisme. Sans doute
il n'a pas la foi ardente, le courageux enthou-
siasme de Schiller, saluant l'aurore de la liberté.
Isolé au milieu de la servitude, sans espoir en
l'avenir, ne se sentant pas même appuyé peut-
être dans le passé sur les fiers défenseurs des
communes, Corneille accomplit tristement son
oeuvre incomprise. Dégoûté de son siècle, il se
consolait au souvenir de la vieille Rome, et,
tantôt célébrait son héroïsme républicain, tantôt
flagellait Auguste et le pouvoir absolu, dans ses
grandes tragédies que les contemporains, — si
bas était alors tombé le sentiment de la dignité
morale, — interprétaient en flatteries et en apo-
logies à l'adresse du despotisme.
Cet isolement douloureux explique l'ironie à
la fois calme et sanglante, dont sont empreintes
ses plus belles compositions, et qui en fait de
grandes comédies sociales, — caractère à peu
près complètement méconnu jusqu'à ce jour.
C'est que, avec la vision profonde du génie,
Corneille a devancéson époque; pour l'atteindre,
il a fallu deux siècles de lente initiation, une
immense révolution, et peut-être des circon-
stances spéciales. Ces grands hommes appartien-
nent à l'avenir; chaque nouvelle espérance nous
fait découvrir en eux des beautés que nous ne
soupçonnions pas.
Ce caractère est surtout frappant dans Cinna.
— L'époque de l'action est merveilleusement
choisie : c'est la plus brillante du règne d'Au-
guste. Il y a quelques années déjà que, profitao
habilement de la fatigue du peuple et de sa las-
situde des commotions sociales, il a délourné à
son profit la liberté de Rome. La grande nation
a abdiqué avec une coupable indifférence les
instiiutions qui la faisaient resplendir; elle a
sacrifié la liberté intérieure et la sûreté indivi-
duelle; elle se trouve suffisamment indemnisée
par l'éclat factice des relations extérieures et
par la prospérité dn commerce ; elle s'applaudit
d'avoir échangé la lutte pénible, mais glorieuse,
contre un lâche repos. Les grands hommes sont
en exil. Si la proscription en a épargné quelques-
uns, la lourde oppression qui pèse &ur eux les
lient loin dans le silence. Le Romain actuel,
c'est le courtisan rampant et avide, bien per-
sonnifié dans Cinna.
Cinna est le neveu du grand Pompée, — ce
dernier défenseur de la cause républicaine. Lui-
même est un ancien tribun, mais un de ces tri-
buns sans conviction qui, en désorganisant tout
sous le prétexte de la liberté, ont précipité la
chute de la république et applaudissent mainte-
nant au régime despotique. Cinna est devenu le
favori d'Auguste ; il tient le premier rang au
sénat et dans la magistrature. Par un reste d'ha-
bitude, il parle encore quelquefois de liberté;
même je ne sais quelle mesquine passion le trc-
vestit pour un instant en conspirateur. Mais
qu'Auguste lui offre son pardon et le consulat,
et il deviendra un de ses plus fidèles partisans.
A moins qu'un nouvel intérêt ne l'enlraîne vers
un autre parti, si tant est que, après toutes ces
trahisons, ces partis veuillent encore de ce
rebut.
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courtisan, écoutez le quand il prouve à Auguste
comment il a fait le salut de la patrie par la
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