Titre : Les Coulisses : petit journal... : programme des théâtres
Éditeur : Impr. Boulé et Cie (Paris)
Éditeur : Impr. d'A.-T. BretonImpr. d'A.-T. Breton (Paris)
Date d'édition : 1843-02-09
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb344484563
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 09 février 1843 09 février 1843
Description : 1843/02/09 (A4,N12). 1843/02/09 (A4,N12).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k54332754
Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, Z-1686
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 11/12/2008
LE SENTIMENT, LES PRINCIPES ET LV POLITIQUE.
A la gloire éternelle dé notre époque si cruelle-
ment calomniée, ce trio vit parfaitement d'accord et
les opinions les plus tranchées, la monarchie du droit
divin, par exemple, et la république une et indivi-
sible ont véritablement une tolérance admirable.
Elles souffrent l'une et l'autre des dissidents et même
que les dissidents de chaque parti se rapprochent sur
certains points, au grand ébahissement des niais ou
des esprits superficiels.
Le faubourg Saint-Germain et ses suffragants, ou
ses affluents, si vous l'aimez mieux, se divisent... non,
ils ne se divisent pas, ils se partagent en deux corps
d'armée dans un même camp. Le premier de ces corps
marche sous la bannière du sentiment ; l'autre s'a-
vance sous les enseignes de la politique ; la couleur
des drapeaux est la même, seulement sur ceux des
Bayard est inscrite cette devise : Fais ce que dois,
advienne que pourra, tandis que sur ceux des Riche-
lieu on lit cette autre devise plus moderne : Aide-toi
le ciel t'aidera.
Les républicains, de leur côté, se sont divisés aussi
fraternellement que possible en deux fractions ; celle
des principes et celle de la politique. Les principes
sont, il est vrai, inflexibles et ne font pas plus de cas
aujourd'hui des hommes qu'ils n'en fesaient autrefois
des colonies. Mais cela n'empêche pas que les deux
partis, politiquement parlant, ne soient de même
avis, quant à la devise moderne, et même que les
Richelieu ne répètent en choeur cette autre maxime
finale et profonde : Qui veut la fin veut les moyens.
A ce propos nous rapporterons l'anecdote sui-
vante :
Un illustre duc, parfaitement né comme de raison,
ayant causé pendant deux heures avec un démocrate
parfaitement spirituel et dans une complète harmonie,
crut devoir témoigner gracieusement sa surprise à
son interlocuteur : « On ne saurait être plus aimable,
monsieur, BOUS ne sommes pas de la même religion
politique et néanmoins nous nous entendons à mer-
veille. C'est peut-être un effet de votre politesse, et je
vous en remescie. — Ce serait plutôt à moi, moniieur
le duc, à vous remercier de vôtre obligeance, mais la
cause de notre bon accord est ailleurs. —Oui, oui,
les hommes bien élevés et sincères de toutes les opi-
nions finiront toujours par s'entendre. —Onpeutau
moins l'espérer, reprit en souriant le républicain,
mais ce n'est point encore à ce motif qu'il faut attri-
buer notre bonne intelligence. — Vous piquez ma
curiosité. — Il me sera bien facile de la satisfaire ;
vous l'avez dit, monsieur le duc, notre religion poli-
tique est différente, toutefois si nous n'espérons pas
le même paradis, nous détestons tous deux le même
enfer. »
Or,il est bon desavoir que ces deux messieurs
n'avaient parlé que de ce dernier. Peut-être leur tou-
chante concorde se fût-elle altérée s'il eût été ques-
tion de leur paradis. Quoiqu'il en soit, les politiques
des deux partis ont une certaine longanimité ; ils
croient au passé, ils espèrent dans l'avenir. Le senti-
ment et les principes des autres sont plus impatients.
Ils désirent comme les passions et vont droit au but
comme la logique.
Voici une autre anecdote qui peut donner une idée
assez exacte de la tolérance des partis entr'eux.
Mme la marquise de R tient par son père aux
légitimistes du sentiment et par son mari aux légiti-
mistes de la politique ; comme on lui demandait le
parti qu'elle prendrait dans l'occasion entre deux per-
sonnes si chères, elle répondit avec autant de grâce
que d'esprit, voilant ainsi son opinion avec une ex-
trême délicatesse sous les deux plus nobles amours :
» Si le sentiment doit faire naufrage et la politique
nous mener au port, je confierai mes enfants à mon
mari pour qu'il les sauve avec lui, et j'irai me noyer
avec mon père; »
On prétend qu'il existe un troisième parti qui dé-
daigne à la. fois le sentiment, les principes et la po-
tique pour n'écouter que ses intérêts. On le dit, mais
qui l'a vu î N'est-ce pas un sublime trop idéal, de
l'égoïsme et du laid ?
Luudi, l'Académie royale de musique a vu l'une
de ces tourmentes si rares dans les eaux tranquilles
du monde dramatique parisien. Il s'agissait du rem-
placement de Poultier par Raguenot, dans le rôle de
Masaniello de la Muette, cette pièce effervescente,
qui fit naguère la révolution de Belgique, et qui
pourrait bien faire éclore une autre révolution à
l'Opéra. Les habitués, poussés à bout encore plus par
la faiblesseihabituelle des spectacles que par la subs-
titution, assez cavalière, de Raguenot à Poultier, se
sont livrés à une colère homérique qui a duré trois
bonnes heures. Ce pauvre Raguenot, malgré son
zèle, sa bonne volonté et son talent incontestable, a
supporté tout le poids de cette tempête épouvantable.
Cependant on lui a fait comprendre, pendant les
deux derniers actes, que ce n'était pas lui person-
nellement qu'on avait sifflé durant les trois premiers.
On a sifflé, ce soir-là, M. Dupré, qui, au lieu de
donner une soirée pour son plaisir, aurait bien pu
chanter pour celui du public. On sifflait encore la di-
rection qui, prévenue par Poultier, n'a pas su préve-
nir suffisamment le public. Du reste, la direction se
plaint, dans une requête, au préfet de police, de ce
que les marchands de billets, ont arraché, par spécu-
lation, les bandes des affiches. Mais de qui les mar-
chands de billets tiennent-ils les billets dont ils font
spéculation'? Ils ne les achètent pas tous.— On dit
aussi qu'une autre plainte, beaucoup plus grave, a
été déposée au ministère de l'intérieur. — Le com-
missaire de police a harangué trois fois, et le public a
harangué à son tour ; bref,- chose inouie, la force mu-
nicipale est entrée dans le parterre, et s'est emparé
de quelques-uns des opposants..
Nous apprenons que M. Pillet a envoyé ses com-
pliments de condoléance à Raguenot, avec une grau-
A la gloire éternelle dé notre époque si cruelle-
ment calomniée, ce trio vit parfaitement d'accord et
les opinions les plus tranchées, la monarchie du droit
divin, par exemple, et la république une et indivi-
sible ont véritablement une tolérance admirable.
Elles souffrent l'une et l'autre des dissidents et même
que les dissidents de chaque parti se rapprochent sur
certains points, au grand ébahissement des niais ou
des esprits superficiels.
Le faubourg Saint-Germain et ses suffragants, ou
ses affluents, si vous l'aimez mieux, se divisent... non,
ils ne se divisent pas, ils se partagent en deux corps
d'armée dans un même camp. Le premier de ces corps
marche sous la bannière du sentiment ; l'autre s'a-
vance sous les enseignes de la politique ; la couleur
des drapeaux est la même, seulement sur ceux des
Bayard est inscrite cette devise : Fais ce que dois,
advienne que pourra, tandis que sur ceux des Riche-
lieu on lit cette autre devise plus moderne : Aide-toi
le ciel t'aidera.
Les républicains, de leur côté, se sont divisés aussi
fraternellement que possible en deux fractions ; celle
des principes et celle de la politique. Les principes
sont, il est vrai, inflexibles et ne font pas plus de cas
aujourd'hui des hommes qu'ils n'en fesaient autrefois
des colonies. Mais cela n'empêche pas que les deux
partis, politiquement parlant, ne soient de même
avis, quant à la devise moderne, et même que les
Richelieu ne répètent en choeur cette autre maxime
finale et profonde : Qui veut la fin veut les moyens.
A ce propos nous rapporterons l'anecdote sui-
vante :
Un illustre duc, parfaitement né comme de raison,
ayant causé pendant deux heures avec un démocrate
parfaitement spirituel et dans une complète harmonie,
crut devoir témoigner gracieusement sa surprise à
son interlocuteur : « On ne saurait être plus aimable,
monsieur, BOUS ne sommes pas de la même religion
politique et néanmoins nous nous entendons à mer-
veille. C'est peut-être un effet de votre politesse, et je
vous en remescie. — Ce serait plutôt à moi, moniieur
le duc, à vous remercier de vôtre obligeance, mais la
cause de notre bon accord est ailleurs. —Oui, oui,
les hommes bien élevés et sincères de toutes les opi-
nions finiront toujours par s'entendre. —Onpeutau
moins l'espérer, reprit en souriant le républicain,
mais ce n'est point encore à ce motif qu'il faut attri-
buer notre bonne intelligence. — Vous piquez ma
curiosité. — Il me sera bien facile de la satisfaire ;
vous l'avez dit, monsieur le duc, notre religion poli-
tique est différente, toutefois si nous n'espérons pas
le même paradis, nous détestons tous deux le même
enfer. »
Or,il est bon desavoir que ces deux messieurs
n'avaient parlé que de ce dernier. Peut-être leur tou-
chante concorde se fût-elle altérée s'il eût été ques-
tion de leur paradis. Quoiqu'il en soit, les politiques
des deux partis ont une certaine longanimité ; ils
croient au passé, ils espèrent dans l'avenir. Le senti-
ment et les principes des autres sont plus impatients.
Ils désirent comme les passions et vont droit au but
comme la logique.
Voici une autre anecdote qui peut donner une idée
assez exacte de la tolérance des partis entr'eux.
Mme la marquise de R tient par son père aux
légitimistes du sentiment et par son mari aux légiti-
mistes de la politique ; comme on lui demandait le
parti qu'elle prendrait dans l'occasion entre deux per-
sonnes si chères, elle répondit avec autant de grâce
que d'esprit, voilant ainsi son opinion avec une ex-
trême délicatesse sous les deux plus nobles amours :
» Si le sentiment doit faire naufrage et la politique
nous mener au port, je confierai mes enfants à mon
mari pour qu'il les sauve avec lui, et j'irai me noyer
avec mon père; »
On prétend qu'il existe un troisième parti qui dé-
daigne à la. fois le sentiment, les principes et la po-
tique pour n'écouter que ses intérêts. On le dit, mais
qui l'a vu î N'est-ce pas un sublime trop idéal, de
l'égoïsme et du laid ?
Luudi, l'Académie royale de musique a vu l'une
de ces tourmentes si rares dans les eaux tranquilles
du monde dramatique parisien. Il s'agissait du rem-
placement de Poultier par Raguenot, dans le rôle de
Masaniello de la Muette, cette pièce effervescente,
qui fit naguère la révolution de Belgique, et qui
pourrait bien faire éclore une autre révolution à
l'Opéra. Les habitués, poussés à bout encore plus par
la faiblesseihabituelle des spectacles que par la subs-
titution, assez cavalière, de Raguenot à Poultier, se
sont livrés à une colère homérique qui a duré trois
bonnes heures. Ce pauvre Raguenot, malgré son
zèle, sa bonne volonté et son talent incontestable, a
supporté tout le poids de cette tempête épouvantable.
Cependant on lui a fait comprendre, pendant les
deux derniers actes, que ce n'était pas lui person-
nellement qu'on avait sifflé durant les trois premiers.
On a sifflé, ce soir-là, M. Dupré, qui, au lieu de
donner une soirée pour son plaisir, aurait bien pu
chanter pour celui du public. On sifflait encore la di-
rection qui, prévenue par Poultier, n'a pas su préve-
nir suffisamment le public. Du reste, la direction se
plaint, dans une requête, au préfet de police, de ce
que les marchands de billets, ont arraché, par spécu-
lation, les bandes des affiches. Mais de qui les mar-
chands de billets tiennent-ils les billets dont ils font
spéculation'? Ils ne les achètent pas tous.— On dit
aussi qu'une autre plainte, beaucoup plus grave, a
été déposée au ministère de l'intérieur. — Le com-
missaire de police a harangué trois fois, et le public a
harangué à son tour ; bref,- chose inouie, la force mu-
nicipale est entrée dans le parterre, et s'est emparé
de quelques-uns des opposants..
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pliments de condoléance à Raguenot, avec une grau-
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