Titre : L'Avenir du bassin d'Arcachon : le grand journal du bassin...
Éditeur : [s.n.] (Arcachon)
Date d'édition : 1937-12-25
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32896010n
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 25 décembre 1937 25 décembre 1937
Description : 1937/12/25 (A78,N4423). 1937/12/25 (A78,N4423).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Description : Collection numérique : Fonds régional : Aquitaine Collection numérique : Fonds régional : Aquitaine
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k5421911q
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JO-11512
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 04/09/2008
JLes
Etrangers
Ne dites donc pas que pour les
Qrecs tout ce qui n'était pas grec
était barbare. Ces patriotes, ces
nationalistes de l'antiquité étaient
aussi des gens pratiques au point de
confier aux étrangers les leviers de
commande de l'économie nationale
Le commerce, l'industrie, la banque
étaient aux mains des métèques : le
mot n'avait pas alors le sens péjo-
ratif qu'il a aujourd'hui chez nous.
Les Romains instituèrent une
politique d'assimilation, de natura-
lisation de l'étranger qui survit en-
core. Non seulement les Grecs,
mais les Espagnols, les Gaulois, les
Britanniques furent admis aux
fonctions publiques les plus hautes
et participèrent au gouvernement
de l'Empire.
Pour la chrétienté européenne, il
n'est, an moyen âge, d'étranger que
l'infidèle — jusqu'au jour où le roi
très chrétien François 1er traite 1
avec le Sultan Soliman. '
i
Il est de pratique courante que
le roi de Franc* , prend femme à <
l'étranger : il y prend même ses 1
ministres, l'italien Mazarïn et le 1
suisse Necker. '
Ni notre civilisation ni notre pays
ne sont xénephobes : aous sommes
plutôt xénophiles, accueillants, n
hospitalier par naturel penchant, „
par sentiment, par curiosité intel. é
Ieçtuelle aussi et même un peu par F
snobisme. A
La révolution française, celle de ,
48 autant que celle de 89, nous ,
l'avons voulue européenne, générale,
universelle et notre devise de liber.
ci
té et d'égalité nous l'avons couron- m
née par la fraternité. a'
Nous avons aimé les Allemands Ia
et les Italiens et les avons aidés à m
d '.venir de grandes nations ; nous p,
venons de libérer les Polonais et les ,
Tchèques, et d'agrandir la Routna- tr
nie et la Yougoslavie- Si tous les co
étrangers ne nous aiment pas, nous
prétendons les aimer tous ou près- pi
que tous, sans acception de couleur gi
ni de race. be
Beaucoup d'entre eut nous ont "'
d'ailleurs rendu service pendant et ,.
après la guerre. Sans les Anglais et ,
les Russes, nous et nos amis Belges _£
étions écrasés en 1914 et sans les - ci
Américains eussions-nou.; été vain- Hi
queurs en 1918 ? eu
Sans les italiens, la valeur de deux }
de nos départements du Sud-Ouest £al
seraient en friche.
me
Sans les Polonais nos régions ie
dévastées du Nord ne seraient pas tro
encore reconstituées. qu<
Avant laguerre,le>défieit-denatre nn
balance commerciale atteignait une ' nei
dizaine de milliards d'aujourd'hui. ^
Mais l'apport du tourisme étranger Plu
comblait le déficit. Nous prêtions "*
beaucoup à l'étranger : il nous
payait de bons intérêts. A bons Êtr|
eréanciers bons débiteurs. Notre a<^
propagande tend à ramener chez par
nous ce courant du Pactole, tantôt Alo
desséché par la crise, tantôt dérivé sole
par la politique. luin
Cependant l'éclat de notre univer- fUe
site continue à attirer l'étranger. Au
31 juillet dernier, l'efiectil des étu- \ U
diants étrangers atteignait 7,421. I c .'
L'effectif des réfugiés politiques orgl
allemands, italiens, russes, espa- p0n
gnols, accuserait sans doute un. en
nombre supérieur : on regrettera sup]
qu'il ne soit pas publié. ' van;
•vis'i
Lire la t»ite m&imiimtjHqf. le n
■i
.';
Ayant mis son bel habit « puce »,
■e François de Hautemousse ajusta son
l* tricorne sur ses cheveux poudrés et
le franchit l'huis du castel.
o- D'un pas pressé il traversa l'immense
S. pelouse qui dévalait vers la forêt. A
peine s'y engageait-il qu'il croisa son
IC intendant, lequel surveillait une coupe
*■ de bois. L'intendant se découvrit res-
i- pectueusement et dit à son jeune maître:
5} « Si Monsieur le Vicomte veut bien
•S m'écouter, il fera bien de ne pas trop
x s'aventurer dans les bois. Tout dernière-
s ment le fils de Monsieur le Bailli s'y est
t perdu et... »
H n'acheva pas la phrase. Déjà Fran-
çois était trop loin pour l'entendre.
1 L'avait-il seulement écouté ? S'infonçant
S dans nn sentier, il faisait tourner sa
i canne dont le pommeau d'or accrochait
5 par instants le soleil, d'un geste cavalier
qui pouvait passer pour la plus imper-
tinente réponse.
' C'était une belle et claire après-midi
i de Décembre. L'air vif et sec fouettait
i le sang, excitait l'organisme. Le jeune
: homme éprouvait une joie physique à
détendre ses muscles, en faisant claquer
de ses talons le sol dur comme pierre.
Fils du fermier général Belloc, qui.
récemment anobli, avait ajouté à son
nom celui d'une ses propriétés : Haute-
- mousse, François, grâce à sa fortune,
était nn habitué des galeries du Palais-
Royal et des coulisses des théâtres.
Aussi, arrivé, la veille, au castel pour
régler certaines affaires, n'avait-il qu'un
désir ; repartir le plus tôt possible pour
la capitale.
En attendant, il s'efforçait, avec une
conscience méritoire, de jouir de son
mieux de la vie campagnarde, car,
ayant lu Rousseau, il s'imaginait aimer
la nature. Ne fredonnait-il pas l'air char-
mant de Fabre d'Eglantine : II pleut, il
pleut bergère ? Et même, déguisé en
berger, ri"avait-il pas tenu une houlette
dans une des nombreuses fêtes champê-
tres que se donnaient les dames de la
cour, à l'instar de Marie-Antoinette ? ,
Mais son esprit, vite lassé de la contem- j
plation des beautés sylvestres, se laissa
glisser doucement à l'évocation d'une
beauté moins froide et moins immaté- j
rielle, Mlle Clorinde, qui brillait alors, ^
blonde étoile, dans l'art de Terpsichore-
Il revoyait le boudoir parfumé où elle ^
le recevait parmi ses carlins et ses pou- c
pées. Quel esprit! Quelle grâce! Ah 1
Clorinde ! Clorinde ! Et le vicomte de e
Hautemousse pressait le pas comme s'il
eût été la rejoindre.
Depuis combien d'heures marchait-il, ï
savourant ses souvenirs, inattentif aux Sl
mornes aspects de la forêt dépouillée et
momifiée ? Soudain, il sentit la fatigue d
le gagner. Il rebroussa chemin et se
trouva bientôt à un carrefour. Après p
quelques secondes de réflexion, il prit p
un .sentier qui, selon lui, devait.le rame- {,
ner tout droit au castel n:
Tout à l'idée du retour, il ne songeait dé-
plus à Rousseau, pas même à Clorinde. C
Le sentier lui :parut interminable. Enfin
la masse des arbres s'éclaircit et il vit,
au'bout, un espace libre qu'il-supposa ce
être les prairies de son domaine. Ce
n'était qu'une vaste clairière, de toutes ui
parts enserrée par la forêt immense.
Alors il scomprit qu'il s'était égaré. Le
soleil disparu, l'azur perdait son éclat
lumineux; François regarda sa montre :
elle marquait quatre heures. Dans une
heure il ferait nuit. ur
Il Se rappela les 'paroles de l'intendant
et-que le fils du bailli s'était perdu au "li
même endroit. Il imagina les battues rei
organisées le lendemain par les villageois °{
pour lerefrouver et son retour au castel "e
en •p'iteux équipage. Cette dernière al
supposition blessait particulièrement, sa- *ei
vanité. Quoi ! perdre tout son prestige
ris'à-vis de ces rustauds! Etre mis dans Je
le même sac que le fils d'un tabellion.- bej
<■ - 'i ... ' -
lorsqu'on est (de fraîche date, il est vrai,
mais François l'avait oublié) le vicomte
de Hautemousse ! Non ! il sortirait de
ces maudits bois sans l'aide de personne,
harassé peut-être, mais ayant, du moins,
sauvé la face.
Il avisa un chêne de grande taille.
Peu entraîné aux exercices physiques,
il ne parvint au faîte qu'après mille
efforts et en risquant, à chaque instant,
de se rompre le cou. Hélas ! la clairière
était au fond d'une cuvette et les arbres
qui la cernaient bouchaient l'horizon.
Il se retrouva à terre déçu, épuisé, les
vêtements çà et là déchirés.
Déjà le ciel prenait la teinte « gris
bleuté » de certains aciers. Les sous-bois
n'avaient plus de perspectives. L'ombre
rôdait partout.
François concentra toute sa pensée
pour retrouver la direction de son do-
maine, mais sans boussole ni repères, il
en était réduit aux seules hypothèses.
Délibérément, il s'engagea dans un
sentier, se disant qu'en allant toujours
toutdroit, il finirait bien par rencontrer,
à défaut de castel, quelque village.
La nuit descendait lentement d'abord,
puis plus rapide, comme entraînée par
son prepre poids. Maintenant elle
gagnait d'arbre en arbre, entourant
François d'un cercle qui se resserrait
sans cesse. Bientôt, il marcha entre deux
grandes murailles d'ombre et, en levant
les yeux, il vit Vénusqui s'allumait dans
le ciel.
Cependant, harassé, il se laissa tomber
au pied d'un châtaignier.- Sa lassitude et
son découragement étaient si grands
qu'il s'étendil pour dormir. Il eut encore
le courage de plaisanter : « Bah ! ce
n'est pas si moelleux que le sopha de
Clorinde, mais j'en serai quitte demain
pour quelques courbatures » et ayant
replié ses bras pour s'en servir comme
d'un oreiller, il s'engourdit d'un sommeil
pesant.
Un bruit de branche craquant au-
dessus de sa tête le réveilla brusquement,
Il eut juste le temps d'apercevoir, dans
un rais de lune, la queue veloutée d'un
écureuil. II se redressa sur ses pieds et
se remit à marcher hâtivement afin de
chasser le froid glacial qui le pénétrait
jusqu'aux os.
Parvenu à une vaste clairière, il vit
un grand pan du ciel tout piqueté d'étoi-
les brasillantes. De nouveau, mû par un
Le Lièvre à la Cairtecor
à Marcel PRÉVOST
Nous publions ci-dessous la suite du très beau conte dont notre excellent ami
Jean-Paul Arisie a bien voulu donner la primeur aux lecteurs de l'Avenir du
Bassin d'Arcachon.
Ce conte est tiré d'un recueil de nouvelles : La Symphonie Campagnarde qui
paraîtra en librairie incessamment et où s'affirme le talent si poétique et si
réaliste à la fois de l'auteur.
Tandis que Fabien, après le dessert,
étuvait dans sa robuste main, un petit
verre d'Armagnae de 93, Céleste crut
entendre une plainte venir de la cham-
bre du curé doyen. Elle alerta Fabien.
En toute hâte, ils montèrent.
L'oncle avait ouvert les yeux.
— Vous voyez, lui dit Céleste. C'est
Monsieur Fabien qui a eu la bonne idée
de venir vous voir, en passant.
— Oh I c'est toi, mon neveu... Tu as
bien fait. Un joui de plus peut-être, et
c'était trop tard.
— Pensez donc ! mon oncle. Solide
eomme vous l'êtes !... Je vous trouve,
moi, une fort bonne mine.
— Compliment d'usage... Je sais où
j'en suis... Mais parlons de choses sérieu-
ses. As-tu dîné ?
— Je sors de table, et, comme à l'or-
dinaire, Céleste m'a traité royalement.
— Fort bien. Ce n'est pas une raison
parce que les fourneaux ne brûlent plus
pour moi que toute cuisine doive être
bannie de ce toit. D'ailleurs, j'attends
mon collègue de St-AIvère, pour les
derniers sacrements, et je tiens i ce que
Céleste fasse bien les choses. %
— Elle est déjà en train.
— Que veux-tu dire 1 Je n'ai pas en-
core donné mes ordres.
— Mais moi, mon oncle, j'ai apporté
un lièvre,
— Que tu as tué ? *V
— Que j'ai tué. \
— La chose est d'importance.
— Un mâle, trois ans, râblé que c'est
une bénédiction.
— Raison de plus pour que Céleste se
distingue. Tu connais la tradition, ma
recette. Que grâces soient rendues- au
Seigneur qui aura voulu que, à mes
derniers moments, le parfum d'un civet
à ma façon se répande dans ce presby-
tère.
— Ne soyez pas si pressé, mon oncle.
Je suis persuadé que ce lièvre est un
beau présage.
— Je t'écoute.
— Une bête que la Providence a mise
littéralement au bout de mon fusil, s'est
sacrifiée pour vous.
— Ne tombez pas dans l'hérésie, mon
neveu.
— Vous connaissez, mon oncle, le
dicton basque qui veut que la face de
Dieu se trouve dans le grain de blé. Eh
bien, moi je dis que la volonté du Sei-
gneur se trouve dans ma chasse. N'allez
vous pas sentir, demain ?...
— Demain 1 s'il plaît au ciel... Mais
abrégeons, cette conversation m'a fati-
gué... Laisse-moi reposer quelques ins-
tants... Tu reviendras tout à l'heure, non'
sans avoir recommandé à Céleste de
soigner la marinade. Car vois-tu, mon
neveu, la marinade, quand il s'agit d'un
civet, est le grand point, le creuset où
s'élaborent les sucs, les fumets, les calo-
ries qui concourent à l'excellence du
plat.
— Soyez tranquille, mon oncle, nous'
soignerons la'marinade.
— Veilles-y. Ma vielle bonne, parfois,,
n'a pas beaucoup de tête. Il lui arrive
d'oublier les choses essentielles. Ainsi
le verre de ce merveilleux Armagnac
qui me vient du curé de Cazaubon, qu'el-
le y songe...
— Nous penserons à l'Armagnac, mon
oncle.
Sur ces derniers mots le curé-doyen
ayait détournée la tête et s'était déjà
assoupi.
Fabien rejoignit Céleste qu'il trouva
devant un feu de sarments et de copeaux
d'une gaîté folle, en train de dépouiller le ■
lièvre de son poil.
— Eh bien ? interrogea la servante.
— Çà se maintient, répondit avec as-
rarance Fabien maigre qu'il loi revînt'
à l'esprit les paroles fatidique dit méde- ' '
:in : « question d'heures. » La marinade'
le préoccupe, ajouta t-il. !
Lire la mite endtuxièmtpage ,
lie espoir invincible, il s'enfonça dans la
int masse opaque de la forêt,
al* Il marcha, il marcha. Il perdit bien-
ux tôt la trace des sentiers. Dès lors, le pas
ln' lourd, il s'aventura en plein bois, tantôt
[nS butant contre les fortes racines des
chênes, tantôt se faisant cravacher le
ier visage par les joncs flexibles des nôiset-
et tiers. Un instant, deux prunelles vertes
ds le fixèrent, puis s'éteignirent. Il pensa
ire aux loups dont on lui avait dit la forêt
ce pleine.
de Certes François n'étaitpas plus poltron
in qu'un autre mais dans l'état d'affaisse-
nt ment physique où il se trouvait, il ne
ne fut pas maître de ses nerfs. La peur le
:il prit, une peur que tout faisait naître : le
bruissement des feuilles mortes que ses
u_ pieds remuaient, la chute d'une branche
it, pourrie, les furtives allées et venues des
us bêtes nocturnes. Son imagination s'affo-
m la. Les arbres devinrent des êtres fantas-
et tiques qui, pour le happer, tendaient vers
le lui leurs bras monstrueux. Sans doute
it courant, blessé, les vêtements en lam-
beaux, l'ame en déroute, allait-il som-
;t brer dans la folie lorsque : '
t
i- Digue ! Dingue ! Dongue !
n Digue I Dingue ! Dongue !
des cloches sonnèrent à quelques cen-
™"| taines de mètres de lui à peine. c
I Digue ! Dingue 1 Dongue ! i
* Digue ! Dingue T Dongue I c
des cloches dont les notes argentines, c
alertes et pimpantes, s'élevaient dans
l'air sec et vibrant, soutenues, en contre J
basse, par un joyeux bourdon. s
Du coup François s'arrêta croyant rê- P
j ver. Longtemps il écouta avant de se
rendre à l'évidence. Sa raison lui rêve-
nant, il se rappela que c'était la nuit de a
1 la Nativité et que ces cloches toutes s
1 proches appelaient les fidèles à la
messe de minuit. 3
Alors, guidé par elles il s'élança joyeu-
sement à travers la forêt qui avait sou- c'
dain perdu ses maléfiques sortilèges.
La plaine lui apparut brusquement, r<
une plaine vaste et inondée de clarté "
lunaire, une plaine qu'il côtoyait Si
depuis des heures peut-être. ™
C'est avec délices que ses pieds c
s'enfoncèrent dans la bonne glèbe. Il n<
avisa, tout prés, une maison dont la
fenêtre éclairée semblait lui adresser
un fraternel appel. Il frappa. On lui
ouvrit. Toute une famille devisait autour
d'une'longue table en attendant l'office.
La pièce respirait l'aisance et surtout l
une odeur dé châtaignes cuites à l'anis
qui dilata les narines du pauvre vicomte
affamé. Il expliqua, avec bonne humeur,
sa mésaventure. On compatit. Ou le fit,
se laver, on lui prêta les habits do-
dimanche du fils aîné qui avait l'âge et
la taille de François. Pr
Ce dernier fut tout aise de constater y
qu'il avait encore bonne mine sous cette
défroque d'emprunt. Il le vit dans un
miroir et surtout dans les yeux noirs de en
; Suzon qui valait tous les miroirs du
i monde. Il assista à la messe de minuit,
non sans dévotion, bien que frotté du aP
nouvel esprit philosophique. Il mangea pa
ensuite, avec un appétit féroce, de tous P°
les plats succulents qui constituèrent le na
traditionnel réveillon. Jamais festin ne
lui ayait paru aussi opulent. II est vrai "îul
qu'il ayait Suzon pour voisine. Suzon vrv
, ressemblait beaucoup à Clorinde, elle :a '
était aussi jolie, mais avait, en plus, cet ■
air sincère et pur qui l'emporte sur n 01
toutes le» coquetteries des danseuses. nm
Les fortes émotions mûrissent une
âme. Le vicomte, en quelques heures, quE
avait beaucoup changé. Ce jeune roué
aspirait désormais à une existence par ,
sible et provinciale. Il pensa que Suzon '"
ferait une excellente châtelaine de
Hautemousse. Il l'épousa. Ils s'aimèrent crui
et eurent beaucoup d'enfants. no"
Mais ceci n'est plus un conte de Noël. '
crai
Edmond CASSOU invî
Cn Imitant
Noël! Noël!
Noé7, c'est la fête la plus populaire,
celle dont la tradition s'est conservée à
travers les âges, fête des petits et des
grands ! Nom magique et doux qui
rappelle, avant tout, un cortège de
souvenirs, parmi les aspects divers de
; la la vie, le plus charmant, le plus intime,
le plus suave !
ien II y a un air de réjouissance dans ce
_as nom là. Il éveille en foule des bruits
itôt lointains, des chants angéliques. Dès
,jes que nos lèvres le prononcent, aussitôt
, je sonnent dans notre imagination d'allé-
set- 9res carillons, aussitôt revivent les
rtes impressions joyeuses de notre enfance...
nsa Noël, malgré le temps, malgré les
irêt hommes, c'est l'aurore, c'est le matin,
c'est le premier sourire du ciel !
Je sais bien qu'on a voulu, qu'on
fon *
veut encore enlever à Noël son carac-
ise- ,
tere premier. Ne s'agit-il pas de subs-
, tituer au jour de la Naissance de
, . de Celui qui changea la face du monde
une fête dont tout souvenir, tout sentt-
, ment religieux est exclu ?
, La Révolution essaya vainement de
» faire disparaître la vieille coutume de
la Messe de Minuit et du Réveillon,
as-
usage que notre génération a conserve,
. si elle en a oublié d'autres, et qui
remonte très loin dans le passé.
_ Ne lisait-on pas tout dernièrement
que l'Allemagne hitlérienne voulait
effacer de son calendrier la trace même
de la fête de Noël et la remplacer par
une solennité de son invention ?
1 " Il semble que tous ces efforts, et bien
d'autres encore, se briseront contre la
volonté de l'âme populaire où brûle
encore, quoique ensommeil, lu fla/iinii
,s de l'Idéal.
as Ici, chez nous, on se prépare à fêter
re joyeusement Noël. Déjà les cloches
sonnent, les églises se parent ; dans la
s plus belle villa, comme dans la plus
5e humble demeure, les petits alignent
leurs souliers près de la cheminée et
le attendent dans de beaux rêves le pas-
,s sage du divin messager qui les com-
!a blera de jouets et de friandises, tandis
que les grands se hâtent vers de plan-
tureux réveillons dont se serait effarou-
chée l'austérité de nos pères !
Noël — mot riche d'évocation ! —
[ reste bien Noël. Peut être manquera-t
£ il à la fête le ciel noir, la terre blanche
jj. si chers aux poètes et aux artistes.
Mais pour les esprits et pour les coeurs,
s c'est la nuit joyeuse où, d'En Haui,
l nous sont venues la Lumière et la Paix.
a LE FLÂNEUR
r _*-v-^-^--.
r UleuK souvenirs basques
[ La Mort de Roland
Le vieil Harispuru nous conta ceci, un
[ dimanche, à la Cidrerie :
— On appelle cet endroit-ci la brèche
de Roland, parce que ceux du Nord
prétendent que le neveu de Charlemagne
y fendit le rocher d'un coup de son épée
Durandal. C'est là que moururent le
Preux et ses compagnons. c'étaient nos -
ennemis.
Comme le furent tous ceux qui. du Sep
tentrion au Midi, vinrent dans nos terres
après que Dieu nous eut abandonnés
parce que nous étions païens. Soit ilbcni.
pour nous avoir plus tard permis de con-
naître sa foi.
L'océan recouvrit un jourle grand pays
qui s'étendait vers les Amériques, où
vivent tant des nôtres. Le sol trembla,
la mer renversa les montagnes pour se
frayer un passage. Réduits en nombre,
nous reculâmes devant elle. Pourtant,
nous vivions encore sur de vastes
' étandues, des denx côtés des Pyrénées,
quand s'abattirent sur nous les iioities
du Nord. Elle nous refoulèrent et, con-
tournant le pied des montagnes, enva-
hirent l'Ibérie après avoir désolé
l'Aquitaine. Ils étaient nombreux et
cruels, prétendant nous soumettre après
nous avoir décimés. D'autres vinrent,
réduisant encore nos domaines, massa-
crant ceux qui voulaient y rester. Les
invasions ne cessaient pas: gens d'Afrique
Etrangers
Ne dites donc pas que pour les
Qrecs tout ce qui n'était pas grec
était barbare. Ces patriotes, ces
nationalistes de l'antiquité étaient
aussi des gens pratiques au point de
confier aux étrangers les leviers de
commande de l'économie nationale
Le commerce, l'industrie, la banque
étaient aux mains des métèques : le
mot n'avait pas alors le sens péjo-
ratif qu'il a aujourd'hui chez nous.
Les Romains instituèrent une
politique d'assimilation, de natura-
lisation de l'étranger qui survit en-
core. Non seulement les Grecs,
mais les Espagnols, les Gaulois, les
Britanniques furent admis aux
fonctions publiques les plus hautes
et participèrent au gouvernement
de l'Empire.
Pour la chrétienté européenne, il
n'est, an moyen âge, d'étranger que
l'infidèle — jusqu'au jour où le roi
très chrétien François 1er traite 1
avec le Sultan Soliman. '
i
Il est de pratique courante que
le roi de Franc* , prend femme à <
l'étranger : il y prend même ses 1
ministres, l'italien Mazarïn et le 1
suisse Necker. '
Ni notre civilisation ni notre pays
ne sont xénephobes : aous sommes
plutôt xénophiles, accueillants, n
hospitalier par naturel penchant, „
par sentiment, par curiosité intel. é
Ieçtuelle aussi et même un peu par F
snobisme. A
La révolution française, celle de ,
48 autant que celle de 89, nous ,
l'avons voulue européenne, générale,
universelle et notre devise de liber.
ci
té et d'égalité nous l'avons couron- m
née par la fraternité. a'
Nous avons aimé les Allemands Ia
et les Italiens et les avons aidés à m
d '.venir de grandes nations ; nous p,
venons de libérer les Polonais et les ,
Tchèques, et d'agrandir la Routna- tr
nie et la Yougoslavie- Si tous les co
étrangers ne nous aiment pas, nous
prétendons les aimer tous ou près- pi
que tous, sans acception de couleur gi
ni de race. be
Beaucoup d'entre eut nous ont "'
d'ailleurs rendu service pendant et ,.
après la guerre. Sans les Anglais et ,
les Russes, nous et nos amis Belges _£
étions écrasés en 1914 et sans les - ci
Américains eussions-nou.; été vain- Hi
queurs en 1918 ? eu
Sans les italiens, la valeur de deux }
de nos départements du Sud-Ouest £al
seraient en friche.
me
Sans les Polonais nos régions ie
dévastées du Nord ne seraient pas tro
encore reconstituées. qu<
Avant laguerre,le>défieit-denatre nn
balance commerciale atteignait une ' nei
dizaine de milliards d'aujourd'hui. ^
Mais l'apport du tourisme étranger Plu
comblait le déficit. Nous prêtions "*
beaucoup à l'étranger : il nous
payait de bons intérêts. A bons Êtr|
eréanciers bons débiteurs. Notre a<^
propagande tend à ramener chez par
nous ce courant du Pactole, tantôt Alo
desséché par la crise, tantôt dérivé sole
par la politique. luin
Cependant l'éclat de notre univer- fUe
site continue à attirer l'étranger. Au
31 juillet dernier, l'efiectil des étu- \ U
diants étrangers atteignait 7,421. I c .'
L'effectif des réfugiés politiques orgl
allemands, italiens, russes, espa- p0n
gnols, accuserait sans doute un. en
nombre supérieur : on regrettera sup]
qu'il ne soit pas publié. ' van;
•vis'i
Lire la t»ite m&imiimtjHqf. le n
■i
.';
Ayant mis son bel habit « puce »,
■e François de Hautemousse ajusta son
l* tricorne sur ses cheveux poudrés et
le franchit l'huis du castel.
o- D'un pas pressé il traversa l'immense
S. pelouse qui dévalait vers la forêt. A
peine s'y engageait-il qu'il croisa son
IC intendant, lequel surveillait une coupe
*■ de bois. L'intendant se découvrit res-
i- pectueusement et dit à son jeune maître:
5} « Si Monsieur le Vicomte veut bien
•S m'écouter, il fera bien de ne pas trop
x s'aventurer dans les bois. Tout dernière-
s ment le fils de Monsieur le Bailli s'y est
t perdu et... »
H n'acheva pas la phrase. Déjà Fran-
çois était trop loin pour l'entendre.
1 L'avait-il seulement écouté ? S'infonçant
S dans nn sentier, il faisait tourner sa
i canne dont le pommeau d'or accrochait
5 par instants le soleil, d'un geste cavalier
qui pouvait passer pour la plus imper-
tinente réponse.
' C'était une belle et claire après-midi
i de Décembre. L'air vif et sec fouettait
i le sang, excitait l'organisme. Le jeune
: homme éprouvait une joie physique à
détendre ses muscles, en faisant claquer
de ses talons le sol dur comme pierre.
Fils du fermier général Belloc, qui.
récemment anobli, avait ajouté à son
nom celui d'une ses propriétés : Haute-
- mousse, François, grâce à sa fortune,
était nn habitué des galeries du Palais-
Royal et des coulisses des théâtres.
Aussi, arrivé, la veille, au castel pour
régler certaines affaires, n'avait-il qu'un
désir ; repartir le plus tôt possible pour
la capitale.
En attendant, il s'efforçait, avec une
conscience méritoire, de jouir de son
mieux de la vie campagnarde, car,
ayant lu Rousseau, il s'imaginait aimer
la nature. Ne fredonnait-il pas l'air char-
mant de Fabre d'Eglantine : II pleut, il
pleut bergère ? Et même, déguisé en
berger, ri"avait-il pas tenu une houlette
dans une des nombreuses fêtes champê-
tres que se donnaient les dames de la
cour, à l'instar de Marie-Antoinette ? ,
Mais son esprit, vite lassé de la contem- j
plation des beautés sylvestres, se laissa
glisser doucement à l'évocation d'une
beauté moins froide et moins immaté- j
rielle, Mlle Clorinde, qui brillait alors, ^
blonde étoile, dans l'art de Terpsichore-
Il revoyait le boudoir parfumé où elle ^
le recevait parmi ses carlins et ses pou- c
pées. Quel esprit! Quelle grâce! Ah 1
Clorinde ! Clorinde ! Et le vicomte de e
Hautemousse pressait le pas comme s'il
eût été la rejoindre.
Depuis combien d'heures marchait-il, ï
savourant ses souvenirs, inattentif aux Sl
mornes aspects de la forêt dépouillée et
momifiée ? Soudain, il sentit la fatigue d
le gagner. Il rebroussa chemin et se
trouva bientôt à un carrefour. Après p
quelques secondes de réflexion, il prit p
un .sentier qui, selon lui, devait.le rame- {,
ner tout droit au castel n:
Tout à l'idée du retour, il ne songeait dé-
plus à Rousseau, pas même à Clorinde. C
Le sentier lui :parut interminable. Enfin
la masse des arbres s'éclaircit et il vit,
au'bout, un espace libre qu'il-supposa ce
être les prairies de son domaine. Ce
n'était qu'une vaste clairière, de toutes ui
parts enserrée par la forêt immense.
Alors il scomprit qu'il s'était égaré. Le
soleil disparu, l'azur perdait son éclat
lumineux; François regarda sa montre :
elle marquait quatre heures. Dans une
heure il ferait nuit. ur
Il Se rappela les 'paroles de l'intendant
et-que le fils du bailli s'était perdu au "li
même endroit. Il imagina les battues rei
organisées le lendemain par les villageois °{
pour lerefrouver et son retour au castel "e
en •p'iteux équipage. Cette dernière al
supposition blessait particulièrement, sa- *ei
vanité. Quoi ! perdre tout son prestige
ris'à-vis de ces rustauds! Etre mis dans Je
le même sac que le fils d'un tabellion.- bej
<■ - 'i ... ' -
lorsqu'on est (de fraîche date, il est vrai,
mais François l'avait oublié) le vicomte
de Hautemousse ! Non ! il sortirait de
ces maudits bois sans l'aide de personne,
harassé peut-être, mais ayant, du moins,
sauvé la face.
Il avisa un chêne de grande taille.
Peu entraîné aux exercices physiques,
il ne parvint au faîte qu'après mille
efforts et en risquant, à chaque instant,
de se rompre le cou. Hélas ! la clairière
était au fond d'une cuvette et les arbres
qui la cernaient bouchaient l'horizon.
Il se retrouva à terre déçu, épuisé, les
vêtements çà et là déchirés.
Déjà le ciel prenait la teinte « gris
bleuté » de certains aciers. Les sous-bois
n'avaient plus de perspectives. L'ombre
rôdait partout.
François concentra toute sa pensée
pour retrouver la direction de son do-
maine, mais sans boussole ni repères, il
en était réduit aux seules hypothèses.
Délibérément, il s'engagea dans un
sentier, se disant qu'en allant toujours
toutdroit, il finirait bien par rencontrer,
à défaut de castel, quelque village.
La nuit descendait lentement d'abord,
puis plus rapide, comme entraînée par
son prepre poids. Maintenant elle
gagnait d'arbre en arbre, entourant
François d'un cercle qui se resserrait
sans cesse. Bientôt, il marcha entre deux
grandes murailles d'ombre et, en levant
les yeux, il vit Vénusqui s'allumait dans
le ciel.
Cependant, harassé, il se laissa tomber
au pied d'un châtaignier.- Sa lassitude et
son découragement étaient si grands
qu'il s'étendil pour dormir. Il eut encore
le courage de plaisanter : « Bah ! ce
n'est pas si moelleux que le sopha de
Clorinde, mais j'en serai quitte demain
pour quelques courbatures » et ayant
replié ses bras pour s'en servir comme
d'un oreiller, il s'engourdit d'un sommeil
pesant.
Un bruit de branche craquant au-
dessus de sa tête le réveilla brusquement,
Il eut juste le temps d'apercevoir, dans
un rais de lune, la queue veloutée d'un
écureuil. II se redressa sur ses pieds et
se remit à marcher hâtivement afin de
chasser le froid glacial qui le pénétrait
jusqu'aux os.
Parvenu à une vaste clairière, il vit
un grand pan du ciel tout piqueté d'étoi-
les brasillantes. De nouveau, mû par un
Le Lièvre à la Cairtecor
à Marcel PRÉVOST
Nous publions ci-dessous la suite du très beau conte dont notre excellent ami
Jean-Paul Arisie a bien voulu donner la primeur aux lecteurs de l'Avenir du
Bassin d'Arcachon.
Ce conte est tiré d'un recueil de nouvelles : La Symphonie Campagnarde qui
paraîtra en librairie incessamment et où s'affirme le talent si poétique et si
réaliste à la fois de l'auteur.
Tandis que Fabien, après le dessert,
étuvait dans sa robuste main, un petit
verre d'Armagnae de 93, Céleste crut
entendre une plainte venir de la cham-
bre du curé doyen. Elle alerta Fabien.
En toute hâte, ils montèrent.
L'oncle avait ouvert les yeux.
— Vous voyez, lui dit Céleste. C'est
Monsieur Fabien qui a eu la bonne idée
de venir vous voir, en passant.
— Oh I c'est toi, mon neveu... Tu as
bien fait. Un joui de plus peut-être, et
c'était trop tard.
— Pensez donc ! mon oncle. Solide
eomme vous l'êtes !... Je vous trouve,
moi, une fort bonne mine.
— Compliment d'usage... Je sais où
j'en suis... Mais parlons de choses sérieu-
ses. As-tu dîné ?
— Je sors de table, et, comme à l'or-
dinaire, Céleste m'a traité royalement.
— Fort bien. Ce n'est pas une raison
parce que les fourneaux ne brûlent plus
pour moi que toute cuisine doive être
bannie de ce toit. D'ailleurs, j'attends
mon collègue de St-AIvère, pour les
derniers sacrements, et je tiens i ce que
Céleste fasse bien les choses. %
— Elle est déjà en train.
— Que veux-tu dire 1 Je n'ai pas en-
core donné mes ordres.
— Mais moi, mon oncle, j'ai apporté
un lièvre,
— Que tu as tué ? *V
— Que j'ai tué. \
— La chose est d'importance.
— Un mâle, trois ans, râblé que c'est
une bénédiction.
— Raison de plus pour que Céleste se
distingue. Tu connais la tradition, ma
recette. Que grâces soient rendues- au
Seigneur qui aura voulu que, à mes
derniers moments, le parfum d'un civet
à ma façon se répande dans ce presby-
tère.
— Ne soyez pas si pressé, mon oncle.
Je suis persuadé que ce lièvre est un
beau présage.
— Je t'écoute.
— Une bête que la Providence a mise
littéralement au bout de mon fusil, s'est
sacrifiée pour vous.
— Ne tombez pas dans l'hérésie, mon
neveu.
— Vous connaissez, mon oncle, le
dicton basque qui veut que la face de
Dieu se trouve dans le grain de blé. Eh
bien, moi je dis que la volonté du Sei-
gneur se trouve dans ma chasse. N'allez
vous pas sentir, demain ?...
— Demain 1 s'il plaît au ciel... Mais
abrégeons, cette conversation m'a fati-
gué... Laisse-moi reposer quelques ins-
tants... Tu reviendras tout à l'heure, non'
sans avoir recommandé à Céleste de
soigner la marinade. Car vois-tu, mon
neveu, la marinade, quand il s'agit d'un
civet, est le grand point, le creuset où
s'élaborent les sucs, les fumets, les calo-
ries qui concourent à l'excellence du
plat.
— Soyez tranquille, mon oncle, nous'
soignerons la'marinade.
— Veilles-y. Ma vielle bonne, parfois,,
n'a pas beaucoup de tête. Il lui arrive
d'oublier les choses essentielles. Ainsi
le verre de ce merveilleux Armagnac
qui me vient du curé de Cazaubon, qu'el-
le y songe...
— Nous penserons à l'Armagnac, mon
oncle.
Sur ces derniers mots le curé-doyen
ayait détournée la tête et s'était déjà
assoupi.
Fabien rejoignit Céleste qu'il trouva
devant un feu de sarments et de copeaux
d'une gaîté folle, en train de dépouiller le ■
lièvre de son poil.
— Eh bien ? interrogea la servante.
— Çà se maintient, répondit avec as-
rarance Fabien maigre qu'il loi revînt'
à l'esprit les paroles fatidique dit méde- ' '
:in : « question d'heures. » La marinade'
le préoccupe, ajouta t-il. !
Lire la mite endtuxièmtpage ,
lie espoir invincible, il s'enfonça dans la
int masse opaque de la forêt,
al* Il marcha, il marcha. Il perdit bien-
ux tôt la trace des sentiers. Dès lors, le pas
ln' lourd, il s'aventura en plein bois, tantôt
[nS butant contre les fortes racines des
chênes, tantôt se faisant cravacher le
ier visage par les joncs flexibles des nôiset-
et tiers. Un instant, deux prunelles vertes
ds le fixèrent, puis s'éteignirent. Il pensa
ire aux loups dont on lui avait dit la forêt
ce pleine.
de Certes François n'étaitpas plus poltron
in qu'un autre mais dans l'état d'affaisse-
nt ment physique où il se trouvait, il ne
ne fut pas maître de ses nerfs. La peur le
:il prit, une peur que tout faisait naître : le
bruissement des feuilles mortes que ses
u_ pieds remuaient, la chute d'une branche
it, pourrie, les furtives allées et venues des
us bêtes nocturnes. Son imagination s'affo-
m la. Les arbres devinrent des êtres fantas-
et tiques qui, pour le happer, tendaient vers
le lui leurs bras monstrueux. Sans doute
it courant, blessé, les vêtements en lam-
beaux, l'ame en déroute, allait-il som-
;t brer dans la folie lorsque : '
t
i- Digue ! Dingue ! Dongue !
n Digue I Dingue ! Dongue !
des cloches sonnèrent à quelques cen-
™"| taines de mètres de lui à peine. c
I Digue ! Dingue 1 Dongue ! i
* Digue ! Dingue T Dongue I c
des cloches dont les notes argentines, c
alertes et pimpantes, s'élevaient dans
l'air sec et vibrant, soutenues, en contre J
basse, par un joyeux bourdon. s
Du coup François s'arrêta croyant rê- P
j ver. Longtemps il écouta avant de se
rendre à l'évidence. Sa raison lui rêve-
nant, il se rappela que c'était la nuit de a
1 la Nativité et que ces cloches toutes s
1 proches appelaient les fidèles à la
messe de minuit. 3
Alors, guidé par elles il s'élança joyeu-
sement à travers la forêt qui avait sou- c'
dain perdu ses maléfiques sortilèges.
La plaine lui apparut brusquement, r<
une plaine vaste et inondée de clarté "
lunaire, une plaine qu'il côtoyait Si
depuis des heures peut-être. ™
C'est avec délices que ses pieds c
s'enfoncèrent dans la bonne glèbe. Il n<
avisa, tout prés, une maison dont la
fenêtre éclairée semblait lui adresser
un fraternel appel. Il frappa. On lui
ouvrit. Toute une famille devisait autour
d'une'longue table en attendant l'office.
La pièce respirait l'aisance et surtout l
une odeur dé châtaignes cuites à l'anis
qui dilata les narines du pauvre vicomte
affamé. Il expliqua, avec bonne humeur,
sa mésaventure. On compatit. Ou le fit,
se laver, on lui prêta les habits do-
dimanche du fils aîné qui avait l'âge et
la taille de François. Pr
Ce dernier fut tout aise de constater y
qu'il avait encore bonne mine sous cette
défroque d'emprunt. Il le vit dans un
miroir et surtout dans les yeux noirs de en
; Suzon qui valait tous les miroirs du
i monde. Il assista à la messe de minuit,
non sans dévotion, bien que frotté du aP
nouvel esprit philosophique. Il mangea pa
ensuite, avec un appétit féroce, de tous P°
les plats succulents qui constituèrent le na
traditionnel réveillon. Jamais festin ne
lui ayait paru aussi opulent. II est vrai "îul
qu'il ayait Suzon pour voisine. Suzon vrv
, ressemblait beaucoup à Clorinde, elle :a '
était aussi jolie, mais avait, en plus, cet ■
air sincère et pur qui l'emporte sur n 01
toutes le» coquetteries des danseuses. nm
Les fortes émotions mûrissent une
âme. Le vicomte, en quelques heures, quE
avait beaucoup changé. Ce jeune roué
aspirait désormais à une existence par ,
sible et provinciale. Il pensa que Suzon '"
ferait une excellente châtelaine de
Hautemousse. Il l'épousa. Ils s'aimèrent crui
et eurent beaucoup d'enfants. no"
Mais ceci n'est plus un conte de Noël. '
crai
Edmond CASSOU invî
Cn Imitant
Noël! Noël!
Noé7, c'est la fête la plus populaire,
celle dont la tradition s'est conservée à
travers les âges, fête des petits et des
grands ! Nom magique et doux qui
rappelle, avant tout, un cortège de
souvenirs, parmi les aspects divers de
; la la vie, le plus charmant, le plus intime,
le plus suave !
ien II y a un air de réjouissance dans ce
_as nom là. Il éveille en foule des bruits
itôt lointains, des chants angéliques. Dès
,jes que nos lèvres le prononcent, aussitôt
, je sonnent dans notre imagination d'allé-
set- 9res carillons, aussitôt revivent les
rtes impressions joyeuses de notre enfance...
nsa Noël, malgré le temps, malgré les
irêt hommes, c'est l'aurore, c'est le matin,
c'est le premier sourire du ciel !
Je sais bien qu'on a voulu, qu'on
fon *
veut encore enlever à Noël son carac-
ise- ,
tere premier. Ne s'agit-il pas de subs-
, tituer au jour de la Naissance de
, . de Celui qui changea la face du monde
une fête dont tout souvenir, tout sentt-
, ment religieux est exclu ?
, La Révolution essaya vainement de
» faire disparaître la vieille coutume de
la Messe de Minuit et du Réveillon,
as-
usage que notre génération a conserve,
. si elle en a oublié d'autres, et qui
remonte très loin dans le passé.
_ Ne lisait-on pas tout dernièrement
que l'Allemagne hitlérienne voulait
effacer de son calendrier la trace même
de la fête de Noël et la remplacer par
une solennité de son invention ?
1 " Il semble que tous ces efforts, et bien
d'autres encore, se briseront contre la
volonté de l'âme populaire où brûle
encore, quoique ensommeil, lu fla/iinii
,s de l'Idéal.
as Ici, chez nous, on se prépare à fêter
re joyeusement Noël. Déjà les cloches
sonnent, les églises se parent ; dans la
s plus belle villa, comme dans la plus
5e humble demeure, les petits alignent
leurs souliers près de la cheminée et
le attendent dans de beaux rêves le pas-
,s sage du divin messager qui les com-
!a blera de jouets et de friandises, tandis
que les grands se hâtent vers de plan-
tureux réveillons dont se serait effarou-
chée l'austérité de nos pères !
Noël — mot riche d'évocation ! —
[ reste bien Noël. Peut être manquera-t
£ il à la fête le ciel noir, la terre blanche
jj. si chers aux poètes et aux artistes.
Mais pour les esprits et pour les coeurs,
s c'est la nuit joyeuse où, d'En Haui,
l nous sont venues la Lumière et la Paix.
a LE FLÂNEUR
r _*-v-^-^--.
r UleuK souvenirs basques
[ La Mort de Roland
Le vieil Harispuru nous conta ceci, un
[ dimanche, à la Cidrerie :
— On appelle cet endroit-ci la brèche
de Roland, parce que ceux du Nord
prétendent que le neveu de Charlemagne
y fendit le rocher d'un coup de son épée
Durandal. C'est là que moururent le
Preux et ses compagnons. c'étaient nos -
ennemis.
Comme le furent tous ceux qui. du Sep
tentrion au Midi, vinrent dans nos terres
après que Dieu nous eut abandonnés
parce que nous étions païens. Soit ilbcni.
pour nous avoir plus tard permis de con-
naître sa foi.
L'océan recouvrit un jourle grand pays
qui s'étendait vers les Amériques, où
vivent tant des nôtres. Le sol trembla,
la mer renversa les montagnes pour se
frayer un passage. Réduits en nombre,
nous reculâmes devant elle. Pourtant,
nous vivions encore sur de vastes
' étandues, des denx côtés des Pyrénées,
quand s'abattirent sur nous les iioities
du Nord. Elle nous refoulèrent et, con-
tournant le pied des montagnes, enva-
hirent l'Ibérie après avoir désolé
l'Aquitaine. Ils étaient nombreux et
cruels, prétendant nous soumettre après
nous avoir décimés. D'autres vinrent,
réduisant encore nos domaines, massa-
crant ceux qui voulaient y rester. Les
invasions ne cessaient pas: gens d'Afrique
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 93.18%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 93.18%.
- Collections numériques similaires Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "BnPlCo00"
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/4
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k5421911q/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k5421911q/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k5421911q/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k5421911q/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k5421911q
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k5421911q
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k5421911q/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest