2376
TUE
Desfontaines : Que ces clairs ruisseaux, etc. et van-
tez-vous d'avoir tué un poète, DIDER. sur Tè-
rence. || Tuer le temps, s'occuper de choses futiles
po;;r échapper à l'ennui. [Des vers] Que, pour tuer
le temps,-je-m'efforce d'écrire, REGNIER, Sat. vin,
|| On dit aussi quelquefois : tuons le temps qui
nous tue. || 13°Termede peinture. Se dit quelque-
fois de l'effet d'une couleur, d'une lumière, qui en
détruit, en affaiblit une autre. || On dit de même
qu'une figure en tue une autre, j) Se dit aussi dans
le langage ordinaire. Si vous mettez votre robe
bleue, je ne mettrai pas la mienne; la vôtre est
d'un bleu plus vif et tue la mienne complètement.
|| 14° Absolument. La lettre tue, quand on s'attache
servilement aux mots, on ne saisit pas la pensée. La
lettre tue : tout arrivait en figures, il fallait que le
Christ souffrît, PASC. Pens. xvi, 8 bis, éd. HAVET. Ré-
pétez souvent que la lettre tue, et que c'est l'esprit
qui vivifie, FÉN. t. xvn, p.70. || Cela se dit aussi d'un
traducteur servile. || 15° Se tuer, v. réfl. Se donner
la mort, par accident ou volontairement. Il s'est tué
en tombant de cheval. Brutus et Cassius se tuèrent
avec une précipitation qui n'est pas excusable,
MONTESQ. Rom. 4 2. Il n'y avait point de loi civile à
Rome contre ceux qui se tuaient eux-mêmes, m. Esp.
xxix, 9. Il y a une loi de Marc-Aurèle qui ordonne
de ne point confisquer les biens de ceux qui se
sont tués, VOLT. Lett. Thibouville, 4 0 nov. 4777.
On ne se tue point pour les douleurs de la goutte;
il n'y a guère que celles_de l'âme qui produisent
le désespoir, J. J. ROUSS. Ém. 1.1| Se donner la
mort l'un à l'autre. Les deux adversaires, tirant
en même temps, se tuèrent l'un l'autre. || Par
exagération, on s'y tue, se dit d'un endroit où
l'affluence est excessive. || 16° Nuire au corps, à la
santé. Vous vous tuez à mener une pareille vie.
Il se tue à boire. Je vous demande la grâce de ne
vous point tuer pour moi, et que je n'aie point la
douleur de contribuer à détruire une vie pour la-
quelle je donnerais la mienne, SÉV. 378. J'ai
pensé me tuer depuis trois mois, afin d'achever
un morceau que je veux y mettre [dans l'Esprit
des lois].... je vous jure que cela m'a coûté tant
de travail, que mes cheveux en ont blanchi,
MONTESQ; Lett, à Mgr Cerati, 4 s mars 4748. Faudra-
t-il que M. le marquis se tue à calculer une
éclipse, quand il la trouve à point nommé dans
l'almanach? VOLT. Jeannot et Colin. || Se tuer à
plaisir, faire sans nécessité des choses qui nui-
sent à la santé. || 17° Se donner beaucoup de
peine. Les autres [les érudits] se tuent pour remar-
quer toutes ces choses, non pas pour en devenir"
plus sages, mais seulement pour montrer qu'ils
les savent, PASC. Pens. tv, 2, éd. HAVET. || On dit
ordinairement se tuer à. On se tue à vous faire
un aveu des plus doux, MOL. Tart. iv, 5. Pour
moi, je ne me tue pointa écrire; je lis, je tra-
vaille, je me promène, je ne fais rien, SÉV. 224.
Il [Chapelain] se tue à rimer : que n'écrit-il en
prose ? BOIL. Sat.jx. Montesquieu, dans ses Lettres
persanes, se tue à rabaisser les poètes, VOLT.
Lett. Saurin, 2S déc. 1768. Figurez-vous ce que
c'est que de faire imprimer à la fois son Siècle et
une nouvelle édition de ses pauvres oeuvres; de
se tuer du soir au matin à tâcher de plaire à ce
public ingrat, m. Lett. d'Argental, 28 août 4 754.
Pour moi, quand je me tuerais par mes travaux,
le nom de Durand n'en deviendrait pas plus cé-
lèbre, GENLIS, Théâl. d'éduc. le Magistrat, n, 4.
|| 18° Se tuer de, faire incessamment. Je me tuais
moi-même à tous coups de lui dire Que mon âme
pour lui n'a que de la froideur, CORN. Veuve, m,
i. Le bruit est grand autour d'elle [une dame à
qui on prétendait que Monsieur faisait la cour];
Monsieur en est au désespoir; il se tue de dire
qu'elle ne prétend à rien, SÉV. t. x, p. -148, dans
POUGENS. Son ami [de Matha] se tuait de lui dire,
qu'ils [ses procédés de galanterie] étaient inso-
lents plutôt que familiers, HAMILT. Grara. 4.
Je me tue de vous faire signe que j'ai quelque
chose à vous dire, BRUEYS, Muet, rv, 7. || 19° Ces
deux nuances se tuent mutuellement, elles se ter-
nissent, l'une l'autre. || 20° On dit que le cidre se
tue ou est tué, lorsque, restant en vidange, il
prend une teinte brune et perd de sa saveur.
]| 21° X tue-tête, loc. adv. Très-fort, en parlant de
la voix (si fort que l'on tue, cassera tête). Ils par-
lent toun à tue-tête, SCARR. Virg. vi. Un jour d'au-
diencey où se trouvaient les ambassadeurs et nom-
bre de gens distingués, le cardinal [Dubois], im-,
portuné par quelqu'un, l'envoya promener en
termes grenadiers, jurant et criant à tue-tête,
CUCLOS, OEUV. t. vi, p. 4 35. Dans l'instant, nous
TUE
avons commencé un duo que nr^s avons chanté
un peu faux, mais à tue-tête, GENLIS, Ad. et Th.
t. n, p. 284, dans POUGENS. || Proverbe. Tel fiert,
qui ne tué pas, tous les coups ne sont, pas mortels.
— REM. On ne se sert pas du verbe tuer en par-
lant des morts violentes par exécution de justice,
ni en parlant de ceux qui ont été noyés, étouffés
ou empoisonnés.
— HIST. xii" s. Icel orage e cel tempiz Lurdura
tant que port unt pris En Engleterre, ceo ni'.est
vis, Morz e tuet e esturdiz, BENOÎT, i, v. 1874. Si
bruit li cox [le coup] com foudre contre oré; De
trente maux [maillets] ne fust il miex tué, Et li
chevals par desoz asomé, Bat. d'Aleschans, v.
5775. E tuout [tuait] à glaive les enfanz e les
vielz par tûtes les citez, Rois, p. 4 9. || xmc s. Paor
ai ne vous tue, si me puist Diex aider, Berle, xi.
11 XVe s. Or ne fait rien, et si se tue, Fors soy par-
tout faire escharnir [moquer], E. DESCH. Miroir de
mariage, p. 64. Homs qui se marie se tue, ID.
Bail. Item à maistre Jacques James, Qui se tue
d'amasser biens, YILLON, Gr. test. Ils trouvèrent
devant St-Mery un nommé Jehan le Prestre qu'ils
tuèrent [percèrent de coups] plus de dix fois,
Journal de Paris, Paris sous Charles VI et VU, an.
4438. || xvi° s. Si ma chambrière m'en eust fait
autant, je me fusse levée, et lui eusse tué la chan-
delle sur le nez, MARG. NOUV. LIX. Ils tuent le feu
à une pipe de vinaigre défoncée, D'AUB. Hist. m,
4 4. L'ambition se tue en se faisant cognoistre, m.
Tragiques, édit. LALANNE, p. 4 35. De sept tuez sur
la terre gisans, Mille en y a les tueurs s'en disans,
AMYOT, Galba, 33. Tel tue qui ne pense que bles-
ser, et tel cuide frapper qui tue, COTGRAVE. Tuez,
il fait bon saler, ODDIN, Curios. franc. ■*
— ÊTYM. Berry, cuer le feu, cuer la chandelle;
wallon, tourné; provenç. tuar, tuer; tudar, étein-
dre, étouffer; bas-lat. tutare, éteindre. Gûsiv, tuer,
n'a pu être indiqué que quand on ignorait les rè-
gles de l'étymologie; il faut un mot qui rende
compte du t ou d (tutare, tudar). Diez, écartant
le germanique (goth. dauthjan, anc. haut-allem.
tôtan, qui aurait donné en provençal daudar ou
taudar, et en français touer), tire tuer du latin
(«tort, protéger, recouvrir pour protéger, puis
étouffer : tuer le feu, qui serait l'emploi primi-
tif, était, à l'origine le couvrir de cendres pour le
maintenir; d'où le sens d'étouffer qui s'est géné-
ralisé dans l'acception tuer. Mais tous les intermé-
diaires manquent pour appuyer un pareil écart de
signification. L'origine est le latin luditare, frap-
per, choquer, ou même tudare ; du moins du
Cange a tudatus, marteau. Ici la forme et le sens
sont d'accord. Le sens fondamental est frapper,
assommer. Pour passer à éteindre, on a l'ancien
texte qui dit : tenens cannam unam in manu sua,
tutat lampadem unam, il frappe une lampe et
l'éteint ; du langage ecclésiastiqne tutare a passé
au sens d'éteindre dans le parler vulgaire ; de là
le tudar, provençal, Vat-tutare, italien, lequel,
figurément, a pris le sens d'amortir, apaiser. En-
fin frapper est devenu sans peine donner la mort
d'une manière violente.
TUERIE (tû-rie), s. f. || i° Carnage, massacre.
Le dénoûment [de Bajazet] n'est point bien pré-
paré ; on n'entre point dans les raisons de cette
grande tuerie, SÉV. 4 26. Voilà où se fit la tuerie
[au passage du Rhin] qu'on aurait, comme vous
voyez bien, évitée, si l'on avait su l'envie que ces
gens-là avaient de se rendre ; mais tout est mar-
qué dans l'ordre de la Providence, ID. 4 52. || Fami-
lièrement et par exagération. N'allez pas là, c'est
une tuerie, se dit d'un lieu où il y a une telle
foule qu'il est difficile de s'en tirer sain et sauf.
||.2° Lieu où l'on tue des animaux pour la bouche-
rie. Une tuerie spéciale organisée pour le débit
de la viande de cheval.
— HIST. xvr s. Sept cens ou environ de coups
d'artillerie Donnèrent en la ville sans faire grand
turie, MORIN, Siège de Boulogne, p. 4 2. Ils commen-
cèrent la tuerie en criant vive la croix, D'AÏÏB.
Hist. I, 4 38.
— ÉTYM. Tuer ; wallon, touwreie ; prov. tuaria.
f TUE-TEIGNES (tu-tè-gn'), s. m. Appareil in-
secticide pour préserver les blés des larves des
teignes : on projette violemment les grains sur un
disque métallique, et le choc tue les larves.
TDE-TËTE (A) (tue-tê-f), voy. TUER, n° 24.
TUEUR (tu-eur), s. m. || i° Celui qui tue. Je ne
connais, lui dis-jë, ni le tueur, ni les tués, HARIV.
Pays. pan. 3° part. || C'est un tueur, c'est un
homme qui a tué plusieurs hommes dans des af-
faires particulières. Je ne conviens pas que M. de
TUI
Val.... soit un si grand tueur que tu le supposes'
possible, MIRABEAU, Lett. orig. t. m, p.^ 30i. || Iro-
niquement. Tueur de gens, fanfaron, homme qui
fait le brave. || 2° Celui qui tue les porcs, les sale
et les accommode. || Inspecteur des porcs tués.
— HIST. XIII° s. Nulz vers ne la puet pertuisier,
Ne son vernis amenuisier; Car elle est de tous
vers tueuse, i. DE'MEUNG, ÏY.635. ||XIV° S. S'ils [les
médecins] n'ont sagesce en eulx de pluseurs es-
criptures, et ne sont expers en l'art de médecine,
ilz doivent plus tost estre appelez tueurs de gens
que médecins ne cirurgiens, VIGNAY, Esches mora-
lises, f° 62. || xve s. Item est vrai.... que plusieurs....
ont dit publiquement.... que j'avois à Par.s meur-
triers et tueurs convenables pour eux tuer et
meurtrir, MONSTREL. I, I, 44 9.-1| xvr 5 s. Le sieur de
Montravel, qui avoit tué auparavant le sieur de
Mouy son maistre, qu'on appelloit le tueur du
roy, ou le tueur aux gages du roy, BRANT. Cap.
franc, t. m, p. 4 64. Je vous en veux à vous, bas-
lards ou dégénères, Lasches coeurs qui :eschez le
sang frais de vos pères Sur les pieds des tueurs,
D'AUB. Tragiques, édit. LALANNE, p. 304.
— ÉTYM. Tuer.
f TUE-VENT (tû-van), s. m. Terme de jardi-
nage. Abri contre le vent.
— ÉTYM. Tuer, et vent.
TUF (tuf), s. m. || 1° Nom générique des pierres
poreuses, produites par voie de sédiment ou d'in-
crustation, provenant de matières pulvérulentes
remaniées et tassées par l'eau, et qu'on trouve
assez souvent au-dessous de la bonne terre, de la
terre franche. Tuf calcaire, siliceux, volcanique, etc.
Creuser jusqu'au tuf. Ce terroir est mauvais, ce
n'est presque que du tuf. On verra combien il est
fréquent de trouver de grands amas de tufs dans
le voisinage des montagnes primitives, SAUSSURE,
Voy. Alpes, t. n, p. 402, dans POUGENS. Le tuf est
la plus impure, la plus irrégulière et la plus po-
reuse des concrétions calcaires, A. BRONGNIART,
Traité de miner, t. i, p. 24 4. || Fig. Apparence
trompeuse. Mlle de Lovestein vit le tuf à travers
tous les ornements qui le couvraient [Dangeau],
ST-SIM. 39, 4 97. Villeroy, déchu du commandement
des armées, perdit toute l'écorce qui l'avait iàit
briller, et ne montra plus que le tuf, ID. 4 62, 4 35.
|| Fig. Rencontrer, trouver le tuf, se dit, lorsque
après s'être fié à de belles apparences, on découvre
que ce qui est dessous, y répond mal. L'esprit
de ce pays n'est qu'en superficie; Sitôt que vous
voulez un peu l'approfondir, Vous rencontrez le
tuf, REGNARD, le Joueur, n, 4. || 2° Particulièrement,
sorte de pierre blanche et tendre, qui devient
plus dure et plus blanche lorsqu'elle est em-
ployée. Maisons bâties en pierre de tuf, ou, abso-
lument, en tuf. || En ce sens, on dit quelquefois
tuffeau. || 3° Étoffe très-grossière, dont les ton-
deurs de draps se servent pour garnir leurs tables.
— HIST. xvie s. Espérant planter deux colomnes
sur ce tombeau, non de tuffe venteuse que la lune
et l'hyver puissent geler, mais d'un marbre de
vérité, de qui le temps ne void la fin, D'AUB. Hist.
Préf. 9. Lors qu'elle est invétérée, et que l'hu-
meur est dure comme piastre, ou comme une
pierre de tuffe, PARÉ, XV, 8.
— ÉTYM. Ital. tufo; du lat. tophus.
f TUFACÉ, ÉE (tu-fa-sé, sée), adj. Qui a le ca-
ractère, du tuf. || Terrein tùfacé, ter rein dont la
majeure partie est composée de tuf.
TUFFEAU (tu-fô), s. m. Tuf, dans le sens de
pierre blanche et tendre. Dans ce pays, on ne bâtit
que de tuffeau. || Variété de craie plus lâche et
plus poreuse que la craie blanche.
— HIST. xvie s. Un sombre obscur caveau... Dans
le tuf eau cave.... BAÏP, OEuvres, p. 487
— ÉTYM. Dérivé de tuf.
TUFIER, 1ÈRE (tu-fié, fiè-r'), adj. Qui est de la na-
ture du tuf. || Terretufière, celle qui, approchant du
tuf, est ordinairement maigre et ingrate.
. — REM. Il serait à désirer, dit Pautex, que ces
mots suivissent .a même orthographe, et que tous
les deux prissent également deux f ou une seule,
mais plutôt une seule.
— ÉTYM. Dérivé de tuf.
f TUGET (tu-jè), s. m. Nom vulgaire du petit duC
{ TUGURIO (tu-gu-rio), s. m. Mot qui s'est dit
au xvme siècle pour chaumière. Nous arrivâmes
dans un tugurio plus pauvre, plus misérable qu'on
ne peut vous le représenter, SÉV. 24 8.
— ÉTYM. Lat. tugurium, chaumière.
fTUILAGE (tui-la-j'), s. m. Petite planchet en«
duite de résine et couverte de limaille, dont se
sert le tondeur de draps. || On dit'aussi tui! .
TUE
Desfontaines : Que ces clairs ruisseaux, etc. et van-
tez-vous d'avoir tué un poète, DIDER. sur Tè-
rence. || Tuer le temps, s'occuper de choses futiles
po;;r échapper à l'ennui. [Des vers] Que, pour tuer
le temps,-je-m'efforce d'écrire, REGNIER, Sat. vin,
|| On dit aussi quelquefois : tuons le temps qui
nous tue. || 13°Termede peinture. Se dit quelque-
fois de l'effet d'une couleur, d'une lumière, qui en
détruit, en affaiblit une autre. || On dit de même
qu'une figure en tue une autre, j) Se dit aussi dans
le langage ordinaire. Si vous mettez votre robe
bleue, je ne mettrai pas la mienne; la vôtre est
d'un bleu plus vif et tue la mienne complètement.
|| 14° Absolument. La lettre tue, quand on s'attache
servilement aux mots, on ne saisit pas la pensée. La
lettre tue : tout arrivait en figures, il fallait que le
Christ souffrît, PASC. Pens. xvi, 8 bis, éd. HAVET. Ré-
pétez souvent que la lettre tue, et que c'est l'esprit
qui vivifie, FÉN. t. xvn, p.70. || Cela se dit aussi d'un
traducteur servile. || 15° Se tuer, v. réfl. Se donner
la mort, par accident ou volontairement. Il s'est tué
en tombant de cheval. Brutus et Cassius se tuèrent
avec une précipitation qui n'est pas excusable,
MONTESQ. Rom. 4 2. Il n'y avait point de loi civile à
Rome contre ceux qui se tuaient eux-mêmes, m. Esp.
xxix, 9. Il y a une loi de Marc-Aurèle qui ordonne
de ne point confisquer les biens de ceux qui se
sont tués, VOLT. Lett. Thibouville, 4 0 nov. 4777.
On ne se tue point pour les douleurs de la goutte;
il n'y a guère que celles_de l'âme qui produisent
le désespoir, J. J. ROUSS. Ém. 1.1| Se donner la
mort l'un à l'autre. Les deux adversaires, tirant
en même temps, se tuèrent l'un l'autre. || Par
exagération, on s'y tue, se dit d'un endroit où
l'affluence est excessive. || 16° Nuire au corps, à la
santé. Vous vous tuez à mener une pareille vie.
Il se tue à boire. Je vous demande la grâce de ne
vous point tuer pour moi, et que je n'aie point la
douleur de contribuer à détruire une vie pour la-
quelle je donnerais la mienne, SÉV. 378. J'ai
pensé me tuer depuis trois mois, afin d'achever
un morceau que je veux y mettre [dans l'Esprit
des lois].... je vous jure que cela m'a coûté tant
de travail, que mes cheveux en ont blanchi,
MONTESQ; Lett, à Mgr Cerati, 4 s mars 4748. Faudra-
t-il que M. le marquis se tue à calculer une
éclipse, quand il la trouve à point nommé dans
l'almanach? VOLT. Jeannot et Colin. || Se tuer à
plaisir, faire sans nécessité des choses qui nui-
sent à la santé. || 17° Se donner beaucoup de
peine. Les autres [les érudits] se tuent pour remar-
quer toutes ces choses, non pas pour en devenir"
plus sages, mais seulement pour montrer qu'ils
les savent, PASC. Pens. tv, 2, éd. HAVET. || On dit
ordinairement se tuer à. On se tue à vous faire
un aveu des plus doux, MOL. Tart. iv, 5. Pour
moi, je ne me tue pointa écrire; je lis, je tra-
vaille, je me promène, je ne fais rien, SÉV. 224.
Il [Chapelain] se tue à rimer : que n'écrit-il en
prose ? BOIL. Sat.jx. Montesquieu, dans ses Lettres
persanes, se tue à rabaisser les poètes, VOLT.
Lett. Saurin, 2S déc. 1768. Figurez-vous ce que
c'est que de faire imprimer à la fois son Siècle et
une nouvelle édition de ses pauvres oeuvres; de
se tuer du soir au matin à tâcher de plaire à ce
public ingrat, m. Lett. d'Argental, 28 août 4 754.
Pour moi, quand je me tuerais par mes travaux,
le nom de Durand n'en deviendrait pas plus cé-
lèbre, GENLIS, Théâl. d'éduc. le Magistrat, n, 4.
|| 18° Se tuer de, faire incessamment. Je me tuais
moi-même à tous coups de lui dire Que mon âme
pour lui n'a que de la froideur, CORN. Veuve, m,
i. Le bruit est grand autour d'elle [une dame à
qui on prétendait que Monsieur faisait la cour];
Monsieur en est au désespoir; il se tue de dire
qu'elle ne prétend à rien, SÉV. t. x, p. -148, dans
POUGENS. Son ami [de Matha] se tuait de lui dire,
qu'ils [ses procédés de galanterie] étaient inso-
lents plutôt que familiers, HAMILT. Grara. 4.
Je me tue de vous faire signe que j'ai quelque
chose à vous dire, BRUEYS, Muet, rv, 7. || 19° Ces
deux nuances se tuent mutuellement, elles se ter-
nissent, l'une l'autre. || 20° On dit que le cidre se
tue ou est tué, lorsque, restant en vidange, il
prend une teinte brune et perd de sa saveur.
]| 21° X tue-tête, loc. adv. Très-fort, en parlant de
la voix (si fort que l'on tue, cassera tête). Ils par-
lent toun à tue-tête, SCARR. Virg. vi. Un jour d'au-
diencey où se trouvaient les ambassadeurs et nom-
bre de gens distingués, le cardinal [Dubois], im-,
portuné par quelqu'un, l'envoya promener en
termes grenadiers, jurant et criant à tue-tête,
CUCLOS, OEUV. t. vi, p. 4 35. Dans l'instant, nous
TUE
avons commencé un duo que nr^s avons chanté
un peu faux, mais à tue-tête, GENLIS, Ad. et Th.
t. n, p. 284, dans POUGENS. || Proverbe. Tel fiert,
qui ne tué pas, tous les coups ne sont, pas mortels.
— REM. On ne se sert pas du verbe tuer en par-
lant des morts violentes par exécution de justice,
ni en parlant de ceux qui ont été noyés, étouffés
ou empoisonnés.
— HIST. xii" s. Icel orage e cel tempiz Lurdura
tant que port unt pris En Engleterre, ceo ni'.est
vis, Morz e tuet e esturdiz, BENOÎT, i, v. 1874. Si
bruit li cox [le coup] com foudre contre oré; De
trente maux [maillets] ne fust il miex tué, Et li
chevals par desoz asomé, Bat. d'Aleschans, v.
5775. E tuout [tuait] à glaive les enfanz e les
vielz par tûtes les citez, Rois, p. 4 9. || xmc s. Paor
ai ne vous tue, si me puist Diex aider, Berle, xi.
11 XVe s. Or ne fait rien, et si se tue, Fors soy par-
tout faire escharnir [moquer], E. DESCH. Miroir de
mariage, p. 64. Homs qui se marie se tue, ID.
Bail. Item à maistre Jacques James, Qui se tue
d'amasser biens, YILLON, Gr. test. Ils trouvèrent
devant St-Mery un nommé Jehan le Prestre qu'ils
tuèrent [percèrent de coups] plus de dix fois,
Journal de Paris, Paris sous Charles VI et VU, an.
4438. || xvi° s. Si ma chambrière m'en eust fait
autant, je me fusse levée, et lui eusse tué la chan-
delle sur le nez, MARG. NOUV. LIX. Ils tuent le feu
à une pipe de vinaigre défoncée, D'AUB. Hist. m,
4 4. L'ambition se tue en se faisant cognoistre, m.
Tragiques, édit. LALANNE, p. 4 35. De sept tuez sur
la terre gisans, Mille en y a les tueurs s'en disans,
AMYOT, Galba, 33. Tel tue qui ne pense que bles-
ser, et tel cuide frapper qui tue, COTGRAVE. Tuez,
il fait bon saler, ODDIN, Curios. franc. ■*
— ÊTYM. Berry, cuer le feu, cuer la chandelle;
wallon, tourné; provenç. tuar, tuer; tudar, étein-
dre, étouffer; bas-lat. tutare, éteindre. Gûsiv, tuer,
n'a pu être indiqué que quand on ignorait les rè-
gles de l'étymologie; il faut un mot qui rende
compte du t ou d (tutare, tudar). Diez, écartant
le germanique (goth. dauthjan, anc. haut-allem.
tôtan, qui aurait donné en provençal daudar ou
taudar, et en français touer), tire tuer du latin
(«tort, protéger, recouvrir pour protéger, puis
étouffer : tuer le feu, qui serait l'emploi primi-
tif, était, à l'origine le couvrir de cendres pour le
maintenir; d'où le sens d'étouffer qui s'est géné-
ralisé dans l'acception tuer. Mais tous les intermé-
diaires manquent pour appuyer un pareil écart de
signification. L'origine est le latin luditare, frap-
per, choquer, ou même tudare ; du moins du
Cange a tudatus, marteau. Ici la forme et le sens
sont d'accord. Le sens fondamental est frapper,
assommer. Pour passer à éteindre, on a l'ancien
texte qui dit : tenens cannam unam in manu sua,
tutat lampadem unam, il frappe une lampe et
l'éteint ; du langage ecclésiastiqne tutare a passé
au sens d'éteindre dans le parler vulgaire ; de là
le tudar, provençal, Vat-tutare, italien, lequel,
figurément, a pris le sens d'amortir, apaiser. En-
fin frapper est devenu sans peine donner la mort
d'une manière violente.
TUERIE (tû-rie), s. f. || i° Carnage, massacre.
Le dénoûment [de Bajazet] n'est point bien pré-
paré ; on n'entre point dans les raisons de cette
grande tuerie, SÉV. 4 26. Voilà où se fit la tuerie
[au passage du Rhin] qu'on aurait, comme vous
voyez bien, évitée, si l'on avait su l'envie que ces
gens-là avaient de se rendre ; mais tout est mar-
qué dans l'ordre de la Providence, ID. 4 52. || Fami-
lièrement et par exagération. N'allez pas là, c'est
une tuerie, se dit d'un lieu où il y a une telle
foule qu'il est difficile de s'en tirer sain et sauf.
||.2° Lieu où l'on tue des animaux pour la bouche-
rie. Une tuerie spéciale organisée pour le débit
de la viande de cheval.
— HIST. xvr s. Sept cens ou environ de coups
d'artillerie Donnèrent en la ville sans faire grand
turie, MORIN, Siège de Boulogne, p. 4 2. Ils commen-
cèrent la tuerie en criant vive la croix, D'AÏÏB.
Hist. I, 4 38.
— ÉTYM. Tuer ; wallon, touwreie ; prov. tuaria.
f TUE-TEIGNES (tu-tè-gn'), s. m. Appareil in-
secticide pour préserver les blés des larves des
teignes : on projette violemment les grains sur un
disque métallique, et le choc tue les larves.
TDE-TËTE (A) (tue-tê-f), voy. TUER, n° 24.
TUEUR (tu-eur), s. m. || i° Celui qui tue. Je ne
connais, lui dis-jë, ni le tueur, ni les tués, HARIV.
Pays. pan. 3° part. || C'est un tueur, c'est un
homme qui a tué plusieurs hommes dans des af-
faires particulières. Je ne conviens pas que M. de
TUI
Val.... soit un si grand tueur que tu le supposes'
possible, MIRABEAU, Lett. orig. t. m, p.^ 30i. || Iro-
niquement. Tueur de gens, fanfaron, homme qui
fait le brave. || 2° Celui qui tue les porcs, les sale
et les accommode. || Inspecteur des porcs tués.
— HIST. XIII° s. Nulz vers ne la puet pertuisier,
Ne son vernis amenuisier; Car elle est de tous
vers tueuse, i. DE'MEUNG, ÏY.635. ||XIV° S. S'ils [les
médecins] n'ont sagesce en eulx de pluseurs es-
criptures, et ne sont expers en l'art de médecine,
ilz doivent plus tost estre appelez tueurs de gens
que médecins ne cirurgiens, VIGNAY, Esches mora-
lises, f° 62. || xve s. Item est vrai.... que plusieurs....
ont dit publiquement.... que j'avois à Par.s meur-
triers et tueurs convenables pour eux tuer et
meurtrir, MONSTREL. I, I, 44 9.-1| xvr 5 s. Le sieur de
Montravel, qui avoit tué auparavant le sieur de
Mouy son maistre, qu'on appelloit le tueur du
roy, ou le tueur aux gages du roy, BRANT. Cap.
franc, t. m, p. 4 64. Je vous en veux à vous, bas-
lards ou dégénères, Lasches coeurs qui :eschez le
sang frais de vos pères Sur les pieds des tueurs,
D'AUB. Tragiques, édit. LALANNE, p. 304.
— ÉTYM. Tuer.
f TUE-VENT (tû-van), s. m. Terme de jardi-
nage. Abri contre le vent.
— ÉTYM. Tuer, et vent.
TUF (tuf), s. m. || 1° Nom générique des pierres
poreuses, produites par voie de sédiment ou d'in-
crustation, provenant de matières pulvérulentes
remaniées et tassées par l'eau, et qu'on trouve
assez souvent au-dessous de la bonne terre, de la
terre franche. Tuf calcaire, siliceux, volcanique, etc.
Creuser jusqu'au tuf. Ce terroir est mauvais, ce
n'est presque que du tuf. On verra combien il est
fréquent de trouver de grands amas de tufs dans
le voisinage des montagnes primitives, SAUSSURE,
Voy. Alpes, t. n, p. 402, dans POUGENS. Le tuf est
la plus impure, la plus irrégulière et la plus po-
reuse des concrétions calcaires, A. BRONGNIART,
Traité de miner, t. i, p. 24 4. || Fig. Apparence
trompeuse. Mlle de Lovestein vit le tuf à travers
tous les ornements qui le couvraient [Dangeau],
ST-SIM. 39, 4 97. Villeroy, déchu du commandement
des armées, perdit toute l'écorce qui l'avait iàit
briller, et ne montra plus que le tuf, ID. 4 62, 4 35.
|| Fig. Rencontrer, trouver le tuf, se dit, lorsque
après s'être fié à de belles apparences, on découvre
que ce qui est dessous, y répond mal. L'esprit
de ce pays n'est qu'en superficie; Sitôt que vous
voulez un peu l'approfondir, Vous rencontrez le
tuf, REGNARD, le Joueur, n, 4. || 2° Particulièrement,
sorte de pierre blanche et tendre, qui devient
plus dure et plus blanche lorsqu'elle est em-
ployée. Maisons bâties en pierre de tuf, ou, abso-
lument, en tuf. || En ce sens, on dit quelquefois
tuffeau. || 3° Étoffe très-grossière, dont les ton-
deurs de draps se servent pour garnir leurs tables.
— HIST. xvie s. Espérant planter deux colomnes
sur ce tombeau, non de tuffe venteuse que la lune
et l'hyver puissent geler, mais d'un marbre de
vérité, de qui le temps ne void la fin, D'AUB. Hist.
Préf. 9. Lors qu'elle est invétérée, et que l'hu-
meur est dure comme piastre, ou comme une
pierre de tuffe, PARÉ, XV, 8.
— ÉTYM. Ital. tufo; du lat. tophus.
f TUFACÉ, ÉE (tu-fa-sé, sée), adj. Qui a le ca-
ractère, du tuf. || Terrein tùfacé, ter rein dont la
majeure partie est composée de tuf.
TUFFEAU (tu-fô), s. m. Tuf, dans le sens de
pierre blanche et tendre. Dans ce pays, on ne bâtit
que de tuffeau. || Variété de craie plus lâche et
plus poreuse que la craie blanche.
— HIST. xvie s. Un sombre obscur caveau... Dans
le tuf eau cave.... BAÏP, OEuvres, p. 487
— ÉTYM. Dérivé de tuf.
TUFIER, 1ÈRE (tu-fié, fiè-r'), adj. Qui est de la na-
ture du tuf. || Terretufière, celle qui, approchant du
tuf, est ordinairement maigre et ingrate.
. — REM. Il serait à désirer, dit Pautex, que ces
mots suivissent .a même orthographe, et que tous
les deux prissent également deux f ou une seule,
mais plutôt une seule.
— ÉTYM. Dérivé de tuf.
f TUGET (tu-jè), s. m. Nom vulgaire du petit duC
{ TUGURIO (tu-gu-rio), s. m. Mot qui s'est dit
au xvme siècle pour chaumière. Nous arrivâmes
dans un tugurio plus pauvre, plus misérable qu'on
ne peut vous le représenter, SÉV. 24 8.
— ÉTYM. Lat. tugurium, chaumière.
fTUILAGE (tui-la-j'), s. m. Petite planchet en«
duite de résine et couverte de limaille, dont se
sert le tondeur de draps. || On dit'aussi tui! .
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