Titre : Dictionnaire de la langue française.... Tome 2 / par É. Littré,...
Auteur : Littré, Émile (1801-1881). Auteur du texte
Éditeur : L. Hachette (Paris)
Date d'édition : 1873-1874
Notice d'ensemble : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb30824717s
Notice d'oeuvre : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb12250808s
Type : monographie imprimée monographie imprimée
Langue : français
Format : 4 vol. ; gr. in-4 4 vol. ; gr. in-4
Description : [Dictionnaire de la langue française (français)] [Dictionnaire de la langue française (français)]
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k5406698m
Source : Bibliothèque nationale de France, département Collections numérisées, 2008-49511
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 16/12/2008
i056
DEN
à livres, sous et deniers, rendre un compte avec la
dernière exactitude. || Net comme un denier, très-
propre, sans doute à cause d'un denier récemment
frappé, qui est net et brillant; car, autrement,
là circulation ternit bien vite les monnaies de cuivre.
Claire comme un bassin, nette comme un denier,
RÉGNIER. Sal. xi. C'est la parfaite Deiopée, Un vrai
visage de poupée-. Au reste, on ne peut le nier. Elle
est nette comme un denier, SCARRON, Virg. trav. i.
|| Fig. Un débiteur dont il faut exiger jusqu'au der-
nier denier, MASS. Carême,Elus.... chacun repousse
Jeanne qui n'a pas un denier, BÊRANG. Jeanne la
Housse. Plus d'un pauvre vient implorer Le denier
que je puis répandre, ID. Juif errant. || Poétique-
ment, le funèbre denier, la petite pièce de mon-
naie que, suivant la mythologie, il fallait donner à
Carnn pour passer le fleuve des enfers. Une larme....
c'est là ce funèbre denier, Ce tribut qu'à la mort
tout mortel doit payer, LAMART. Harold, 49. || Le
denier de la veuve, l'aumône faite par le pauvre.
Voilà d'étranges présents; c'est ledenier de la veuve,
SÊV. 511 .Cette locution estfondéesurf Évang. de saint
Luc, xxi, 4 ei 2 : Et comme Jésus regardait, il vit
des riches qui mettaient leurs dons au tronc; il vit
aussi une pauvre veuve qui y mettait deux petites
pièces de monnaie. || Denier de la veuve.se dit aussi
d'une chétive somme qui fait toute la ressource
d'une personne. À l'égard du contrôleur général,
que Dieu absolve, il me fait aussi perdre à moi
environ cinq à six cents livres, et c'est le denier de
la veuve, D'ALEMB. Lett. à Voltaire, M oct. 1770.
|| 3° Denier fort, ou fort denier, ce qu'il faut ajou-
ter à la fraction qui excède une somme pour avoir
la valeur de la plus petite monnaie au-dessus de la
fraction. Le fort denier de trois francs quatre centi-
mes est un centime [ce qui fait un sou]. Le fort de-
nier est pour le marchand. || 4° Denier de St Pierre,
tribut qui se payait à Rome le jour de la fête de St
Pierre aux Liens, et, aujourd'hui, argent reeueil'i
parmi les catholiques pour subvenir aux besoins du
pape. Nom d'un ancien droit que l'Angleterre payait
au pape et qui fut établi en 740 par le roi Ina.
|| 5° Déniera Dieu, contribution qui, dans l'origine,
se payant sur tous les marchés et engagements, de-
vait être employée à.quelque acte de piété. || Aujour-
d'hui, arrhes pour une location, pour un marché.
Deux cents francs un garçon, sans le denier à
Dieu, sabots, blouse et chapeau pour la première
année, p. L. COUR, II, 278. Le propriétaire du lieu,
Ayant eu le denier à Dieu, Crut la [Didon] trom-
per et ne lui vendre Qu'autant de lieu que peut com-
prendre La peau d'un boeuf, tant grand fût-il,SCAR-
RON, Virg. trav. i.1| Deniers d'entrée, argent donné
en sus d'un marché, et qui, à la différence des ar-
rhes et du denier à Dieu, est remis après la conven-
tion. || 6° Une somme d'argent indéterminée. Il fit
une grande levée de deniers sur les peuples, VAUGEL.
Q. C. iiv. iv, dans RICHELET. 11 n'est que d'être libre
et en deniers comptants, RÉGNIER, Épit. u. Quatre
ou cinq mille écus est un denier considérable et qui
vaut bien la peine qu'un homme manque à sa pa-
role, MOL. Pourc. m, 9. Le pouvoir de faire justice
acheté à deniers comptants, LA BRUY. Disc. s. Thêo-
phr. || En termes de jurisprudence. Deniers dotaux,
pupillaires. Deniers clairs et liquides, deniers qui
se. trouvent en nature dans une succession. Deniers
à découvert, deniers qu'on exhibe en offrant le
payement. || Les deniers publics, les fonds apparte-
nant à l'État, à une ville. Un comptable de deniers
publics. Je crois voir en ceci l'image d'une ville Où
l'on met les deniers à la-merci des gens; Echevins,
prévôts des marchands, Tout fait sa main.... LA FONT.
Fabl. vin, 7. X peine étiez-vous hors de l'enfance
que vous conseillâtes à votre oncle Périclès d'engager
la guerre pour éviter de rendre compte des deniers
publics, FÉN. Dial. des morts anc. 16. || Tirer un
grand denier, un bon denier de quelque chose, eu
tirer une grande somme d'argent. Phrase peu usi-
tée présentement. || J'y mettrais bien mon denier,
se dit d'une chose dont on ferait volontiers l'acqui-
sition si elle était à vendre. || Fig. Vendre quelqu'un
à beaux deniers comptants, le trahir pour de l'ar-
gent, par intérêt. Votre procureur s'entendra avec
votre partie et vous vendra à beaux deniers comp-
tants, MOL. Scapin, u, 8. || Cette locution signifie
aussi être plus fin, plus habile qu'un autre. Il le
vendrait à beaux deniers comptants, il =st plus adroit
que lui, il obtiendrait sur lui tous les avantages qu'il
voudrait. || Terme d'ancienne pratique. Faire bons
les deniers, garantir la somme. || 7° La partie d'un
capital ou revenu qui est prélevée au profit de quel-
qu'un. Le dixième denier de toute prise était dû à
l'amiral, c'est-à-dire un denier sur dix, autrement
DEN
dit le dixième; le quinzième denier est un quinzième,
et ainsi de suite. Cette locution n'est plus usitée.
|| Centième denier, nom du droit de la paulette
quand il fut réduit au centième du prix des offices.
|| 8° Intérêt d'une somme, d'un capital. Le denier
cinq, dix, vingt, l'intérêt valant le cinquième, le
dixième, le vingtit-me du capital, c'est-à-dire 20,
<0, 5 pour cent. L'argent à tout denier se prêta sans
usure, BOIL. Sat. xn. Je commence par m'écrier sur
le denier six ; je n'en avais point entendu parler de-
puis l'emprunt que fait le fils de l'avare dans la co-
médie de Molière; je crois que vous avez voulu dire
six et quart, qui est un denier dont j'ai entendu par-
ler en Provence, qui va, ce me semble, au denier
seize; mais le denier six est si usuraire que je ne
crois pas qu'un notaire en voulût faire un contrat;
c'est pour toooo francs, teea livres (3 sous, SÉV.
60B. L'avis de M. le contrôleur général serait de pla-
cer votre argent sur la ville au denier dix-huit,
MAINTENON, Lett. à M. d'Aubigné, i" mars 1684.
Cent francs au denier cinq, combien font-ils'? —
Vingt livres, BOIL. 8. Les rentes qui étaient au
denier dix tombèrent au denier vingt, MONTESQ.
Esp. xxn, 6. Voulez-vous prendre, au denier quatorze,
cinq mille francs qu'un honnête serrurier de ma
connaissance a amassés par son travail et p;ir ses
épargnes? LESAGE, Turcaret, m, 9. || Le denier de
l'ordonnance, le denii r du roi, synonyme de ce
qu'on nomme aujourd'hui taux légal, c'est-à-dire le
taux légal auquel s'estiment les intérêts adjugés, le
placement à rente d'une somme, etc. || Denier fort,
intérêt excédant le taux ordinaire. || Vendre une
chose au denier vingt, av lenier trente, au denier
quarante, etc. la vendre jur un prix établi sur la
supputation que celte chose rapportera le 20B, le
3n«, le 40* de la valeur. Il a acheté Barbesieux »u
denier seize, SÉV. ||On dit dans un sens analogue
estimer au denier trente, au denier quarante. || Tou-
tes ces locutions tombent en désuétude; elles sont
remplacées parcelles-ci : 5 pour ton, 3 et demi pour
IOO, 2 et demi pour (iio, etc. ||9° Désignation d'une
certaine part qu'on avait dans une affaire (perte
ou gain), c'est-à-dire la 240e part (ledenier étant la
240» partie de la livre). Deux deniers équivalent à
un <20", trois deniers à un 80e, et ainsi de suite.
Il avait deux deniers dans la ferme. || Sens vieilli.
|| 10° Terme de monnayage. Denier de poids ou, ab-
solument, denier, le tiers du gros ou la 24° partie
de l'once et la (92e du marc, ce qui revient à la
785e partie du kilogramme. Le marc contient 8 onces ;
l'once, 8 gros; le gros, 3 deniers; le denier, 24
grains; ainsi il y a au marc 8 onces, 64 gros, 19-2
deniers et 4608 grains, Édit sur les monnaies, t. vi,
f° 164, aux archives des finances. || Denier de fin,
ou, simplement, denier, chacune des parties de fin
contenues dans une quantité quelconque d'argent
que l'on suppose partagée en douze parties égales.
L'argent pur est dit de l'argent à douze deniers. On
évalue la bonté de l'argent par deniers, et celle de
l'or par carats. Les bossetles de son mors sont d'or à
vingt-trois carats; ses fers sont d'argent à onze de-
niers, VOLT. Zadig, 3. \\ Denier de fin ou de loi, le
degré de pureté de l'argent. |j Denier de boîte, pièce
d'or et d'argent que les gardesdoivent prendre quand
ils font la délivrance, et qui se conservent dans une
boîte pour servir de règle dans la suite à la cour des
monnaies. || Deniers de monnayage, toutes sortes
d'espèces d'or, d'argent ou de cuivre qui ont reçu la
dernière façon. || Proverbes. Il n'y a point d'huis
qui ne lui doive denier, se dit d'un valet musard
qui s'arrête souvent en chemin. || Cette chose vaut
mieux denier qu'elle ne valait maille, se dit d'une
chose qui. payée plus cher, vaut mieux qu'elle ne
valait payée moins cher, c'est-à-dire d'une chose
qui a été améliorée.
— HIST. xie s. E quatre deners al c»per [geôlier],
Lois de Guill. 4. Pris l'en ad or et aveir et deners,
Ch. de Roi. LXXXVIII. Sis bons escus un dener ne lui
vaut, ib. xiv.
— xii' s. N'i perdra Charles [ce] qui vaille un seul
diner, Ronc. p. 34. Et si ont en nos terres pris les
quatre deniers, Sax. xvi. Or volt que il li rende ses
acuntes pleniers De quanqu'ot en baillie, quant fu
ses chanceliers,.De trente mile livres de sterlins en
deniers, Th. lemart.iS. Tut saisi, en sa main, e
terres e mustiers, E vif aveir e mort, blé, rentes
e deniers, ib. 64. E li deniers Saint Piere fu dunkes
retenuz : Si fu al eschekier e portez e renduz, ib.
66. Là fors le prinrent li félon losengier, Et nos au-
vec, par pieu le droiturier, Si somes povre que
n'avommes denier, Ranul de C. 278.
— XIIIe s. S'il i a nulle beste qui comence à feblir,
metezlescostages [dépenses] pur lui sauver; car om
DÉN
dit: Beneit soit li dener qui sauve la libre [la livre],
Économie rurale, Bibl. des Chartes, 4« série, t. n,
p. 368 Si ne se purent à celle fois acorder, por ce
qu'il lor sembla qu'il n'avoient mie encore deniers
assez, VILLEH. vin. Et que de mes deniers chascun
d'eus [je] rachetai, Berte, vu. Il est acordé et ordené
que nul meslres foulons ne preigne denrées d'ores
avant, queles que eles soient, bones ou mauveses,
pour leur salaires des dras parer, fors deniers ses
[secs, argent comptant], sanz nule fraude, Liv. des
met. 400. Et vont disant que povres sont, El les grasses
pitances ont, Et les grans deniers en trésor, la Rose,
8147. Se vous l'avez félon trouvé; Il iert [sera] au-
tres au derrenier; Ge le congnois cum ung denier,
ib. 3146. Et li denier qui en vienentsont ausegneur,
BEAUM. 43. Donques. pot on veir que, se denier de
rente sont deu à certain jour, ou blés ou aveines,
ou ce qui est deu de terme passé.... ID. xxm, 9. Noz
entendons que marciés est fes si tost comme il est
créantes à tenir par l'acort des parties, entre gens
qui poent fere marciés, ou si tost que denier Dieu
en est donés. m. xxxiv, 60. Ertaut de Nogent fu li
bourgeois du monde que le conte creoit le plus, et
fu si riche que il fist le chastel de Nogent l'Emut
de ses deniers, JOINT. 205. Ne faire marchié ne bail-
ler denier à Dé, DU CANGE, junctura.
— xive s. Nulz ne faisoit les chans arer. Les blez
soier, les vignes faire. Qui en donnast [quand on en
donnerait] triple salaire. Non certes pour un denier
vint; Tant estaient mort [dans la peste noire]....
MACHAULT, p. 75.
— xve s. J'ai loué à mes deniers celle nef pour
faire sur ce voyage ma volonté, FROISS. H, u, 2-0.
Parmi ses deniers payans [par le moyen de], ID. I,
I, 264. Je ne donrai de vos franchises trois deniers,
ID. II. li, 53. Un gros bourgeois qui compte ses de-
niers par default d'autre besongne, AL. CHARTIER,
Çuadrilnge invectif. Ne blasmez, pour ce, mon
mestier; Je gagne denier à denier; C'est loings du
trésor de Venise, CH. D'ORL. Rondeau. Qui du mar-
chié le denier à Dieu prent,- Il n'y peut plus mectre
rabat ne creue, ID. ib. Tout marché d'amour, quoy
qu'il monte, Se parfait sans deniers à Dieu, COQUIL-
LART, p. 37. Ce fut pour le denier à Dieu : Et encore
si j'eusse dit, La main sur le pot, par ce dit, Mon
denier me fust demouré, Patelin, v. 392. Et ne
perdirent pas ung denier vaillant, mais payoit chas-
cun son escot comme s'il eust esté en Flandres,
COMM. i, 5. Rec'eu et nourry six ans, ayant deniers
de luy pour son vivre, ID. I, <2. Elle est [la duché
de Normandie] de grant estime, et se y levé de
grans deniers, ID. I, t3. Le denier oublié ou mes-
conté, grâce ne gré, LEROUX DE LINCY, Prov. t. u,
p. ne.
— xvi* s. Deniers refusez ne se passent pas, GA-
BRIEL MEURIER, dans LEROUX DE LINCY, t. II, p. 125.
Denier sur denier bastit la maison, ID. ib. II employé
bien ses'quatre deniers [il mange bien à proportion
de ce qu'il paye], ID. ib. p. (26.
— ÈTYM. Bourguig. denei; wallon, denidiê, de-
nigé, denier à Dieu ; provenç. dener, denier, dinier;
catal. diner ; espagn. dinero ; portug. dinheiro ; ital.
denaro ; du latin denarius, de déni, dix (voy. DÉ-
NAIRE), parce que le denier valait à l'origine dix as.
DÉNIER (dé-ni-é), je déniais, nous déniions,
vous déniiez; que je dénie, que nous déniions, que
vous déniiez, u. o. || 1° Nier. Philotas dénia le
crime, VAUGEL. Q. C. liv. vi, dans RICHELET. Les
templiers dénièrent, à la mort, les crimes qu'ils
avaient confessés dans les tourments, MÉZERAI, dans
RICHELET. Qu'il approuve sa mort, c'est ce que je
dénie, CORN. Cinna, H, 1. Son plus grand regret,
C'est de voir que César sait tout votre secret : En
vain il le dénie et le veut méconnaître, ID. ib. iv, 6.
Je ne dénierai point, puisque vous les savez, De
justes sentiments dans m^n âme élevés, ID. Rodog.
v,,4. Les Grecs, les Jacobites et les Nestoriens, à
qui il [un ministre protestant] ne dénie pas qu'il
n'ait accordé le salut, BOSS. Vax. 3e avertiss. § 15.
Comment! chétif mortel, vous déniez vos dettes,
REGNARD, le Bal, se. (3. Jugeant l'un très-capable
de dénier ce qu'il devait, et l'autre incapable de
demander ce qu'on ne lui devait pas, ROLLIN, Hist.
anc. CEv.vres, t. xi, 2e partie, p. 64t, dans POU-
GENS. || 2° Refuser. Dénier des aliments. On lui a dé-
nié toute justice. Je n'ai pu dénier cet office à leurs
larmes, ROTR. St Gen.v,e. Je medénie L'honneur qui
ne' m'est dû que dans mon Arménie, CORN. Nie. m, (.
Le ciel m'a dénié cette philosophie, MOL. Femmes
sav. îv, 2. On ne me peut dénier un rang parmi les
auteurs de notre langue, D'ABLANCOURT, Arrien,
liv. i, dans RICHELET. Pour obtenir les vents que le
ciel vous dénie, Sacrifiez Iphigénie, RAC. Lphig. i, l
DEN
à livres, sous et deniers, rendre un compte avec la
dernière exactitude. || Net comme un denier, très-
propre, sans doute à cause d'un denier récemment
frappé, qui est net et brillant; car, autrement,
là circulation ternit bien vite les monnaies de cuivre.
Claire comme un bassin, nette comme un denier,
RÉGNIER. Sal. xi. C'est la parfaite Deiopée, Un vrai
visage de poupée-. Au reste, on ne peut le nier. Elle
est nette comme un denier, SCARRON, Virg. trav. i.
|| Fig. Un débiteur dont il faut exiger jusqu'au der-
nier denier, MASS. Carême,Elus.... chacun repousse
Jeanne qui n'a pas un denier, BÊRANG. Jeanne la
Housse. Plus d'un pauvre vient implorer Le denier
que je puis répandre, ID. Juif errant. || Poétique-
ment, le funèbre denier, la petite pièce de mon-
naie que, suivant la mythologie, il fallait donner à
Carnn pour passer le fleuve des enfers. Une larme....
c'est là ce funèbre denier, Ce tribut qu'à la mort
tout mortel doit payer, LAMART. Harold, 49. || Le
denier de la veuve, l'aumône faite par le pauvre.
Voilà d'étranges présents; c'est ledenier de la veuve,
SÊV. 511 .Cette locution estfondéesurf Évang. de saint
Luc, xxi, 4 ei 2 : Et comme Jésus regardait, il vit
des riches qui mettaient leurs dons au tronc; il vit
aussi une pauvre veuve qui y mettait deux petites
pièces de monnaie. || Denier de la veuve.se dit aussi
d'une chétive somme qui fait toute la ressource
d'une personne. À l'égard du contrôleur général,
que Dieu absolve, il me fait aussi perdre à moi
environ cinq à six cents livres, et c'est le denier de
la veuve, D'ALEMB. Lett. à Voltaire, M oct. 1770.
|| 3° Denier fort, ou fort denier, ce qu'il faut ajou-
ter à la fraction qui excède une somme pour avoir
la valeur de la plus petite monnaie au-dessus de la
fraction. Le fort denier de trois francs quatre centi-
mes est un centime [ce qui fait un sou]. Le fort de-
nier est pour le marchand. || 4° Denier de St Pierre,
tribut qui se payait à Rome le jour de la fête de St
Pierre aux Liens, et, aujourd'hui, argent reeueil'i
parmi les catholiques pour subvenir aux besoins du
pape. Nom d'un ancien droit que l'Angleterre payait
au pape et qui fut établi en 740 par le roi Ina.
|| 5° Déniera Dieu, contribution qui, dans l'origine,
se payant sur tous les marchés et engagements, de-
vait être employée à.quelque acte de piété. || Aujour-
d'hui, arrhes pour une location, pour un marché.
Deux cents francs un garçon, sans le denier à
Dieu, sabots, blouse et chapeau pour la première
année, p. L. COUR, II, 278. Le propriétaire du lieu,
Ayant eu le denier à Dieu, Crut la [Didon] trom-
per et ne lui vendre Qu'autant de lieu que peut com-
prendre La peau d'un boeuf, tant grand fût-il,SCAR-
RON, Virg. trav. i.1| Deniers d'entrée, argent donné
en sus d'un marché, et qui, à la différence des ar-
rhes et du denier à Dieu, est remis après la conven-
tion. || 6° Une somme d'argent indéterminée. Il fit
une grande levée de deniers sur les peuples, VAUGEL.
Q. C. iiv. iv, dans RICHELET. 11 n'est que d'être libre
et en deniers comptants, RÉGNIER, Épit. u. Quatre
ou cinq mille écus est un denier considérable et qui
vaut bien la peine qu'un homme manque à sa pa-
role, MOL. Pourc. m, 9. Le pouvoir de faire justice
acheté à deniers comptants, LA BRUY. Disc. s. Thêo-
phr. || En termes de jurisprudence. Deniers dotaux,
pupillaires. Deniers clairs et liquides, deniers qui
se. trouvent en nature dans une succession. Deniers
à découvert, deniers qu'on exhibe en offrant le
payement. || Les deniers publics, les fonds apparte-
nant à l'État, à une ville. Un comptable de deniers
publics. Je crois voir en ceci l'image d'une ville Où
l'on met les deniers à la-merci des gens; Echevins,
prévôts des marchands, Tout fait sa main.... LA FONT.
Fabl. vin, 7. X peine étiez-vous hors de l'enfance
que vous conseillâtes à votre oncle Périclès d'engager
la guerre pour éviter de rendre compte des deniers
publics, FÉN. Dial. des morts anc. 16. || Tirer un
grand denier, un bon denier de quelque chose, eu
tirer une grande somme d'argent. Phrase peu usi-
tée présentement. || J'y mettrais bien mon denier,
se dit d'une chose dont on ferait volontiers l'acqui-
sition si elle était à vendre. || Fig. Vendre quelqu'un
à beaux deniers comptants, le trahir pour de l'ar-
gent, par intérêt. Votre procureur s'entendra avec
votre partie et vous vendra à beaux deniers comp-
tants, MOL. Scapin, u, 8. || Cette locution signifie
aussi être plus fin, plus habile qu'un autre. Il le
vendrait à beaux deniers comptants, il =st plus adroit
que lui, il obtiendrait sur lui tous les avantages qu'il
voudrait. || Terme d'ancienne pratique. Faire bons
les deniers, garantir la somme. || 7° La partie d'un
capital ou revenu qui est prélevée au profit de quel-
qu'un. Le dixième denier de toute prise était dû à
l'amiral, c'est-à-dire un denier sur dix, autrement
DEN
dit le dixième; le quinzième denier est un quinzième,
et ainsi de suite. Cette locution n'est plus usitée.
|| Centième denier, nom du droit de la paulette
quand il fut réduit au centième du prix des offices.
|| 8° Intérêt d'une somme, d'un capital. Le denier
cinq, dix, vingt, l'intérêt valant le cinquième, le
dixième, le vingtit-me du capital, c'est-à-dire 20,
<0, 5 pour cent. L'argent à tout denier se prêta sans
usure, BOIL. Sat. xn. Je commence par m'écrier sur
le denier six ; je n'en avais point entendu parler de-
puis l'emprunt que fait le fils de l'avare dans la co-
médie de Molière; je crois que vous avez voulu dire
six et quart, qui est un denier dont j'ai entendu par-
ler en Provence, qui va, ce me semble, au denier
seize; mais le denier six est si usuraire que je ne
crois pas qu'un notaire en voulût faire un contrat;
c'est pour toooo francs, teea livres (3 sous, SÉV.
60B. L'avis de M. le contrôleur général serait de pla-
cer votre argent sur la ville au denier dix-huit,
MAINTENON, Lett. à M. d'Aubigné, i" mars 1684.
Cent francs au denier cinq, combien font-ils'? —
Vingt livres, BOIL. 8. Les rentes qui étaient au
denier dix tombèrent au denier vingt, MONTESQ.
Esp. xxn, 6. Voulez-vous prendre, au denier quatorze,
cinq mille francs qu'un honnête serrurier de ma
connaissance a amassés par son travail et p;ir ses
épargnes? LESAGE, Turcaret, m, 9. || Le denier de
l'ordonnance, le denii r du roi, synonyme de ce
qu'on nomme aujourd'hui taux légal, c'est-à-dire le
taux légal auquel s'estiment les intérêts adjugés, le
placement à rente d'une somme, etc. || Denier fort,
intérêt excédant le taux ordinaire. || Vendre une
chose au denier vingt, av lenier trente, au denier
quarante, etc. la vendre jur un prix établi sur la
supputation que celte chose rapportera le 20B, le
3n«, le 40* de la valeur. Il a acheté Barbesieux »u
denier seize, SÉV. ||On dit dans un sens analogue
estimer au denier trente, au denier quarante. || Tou-
tes ces locutions tombent en désuétude; elles sont
remplacées parcelles-ci : 5 pour ton, 3 et demi pour
IOO, 2 et demi pour (iio, etc. ||9° Désignation d'une
certaine part qu'on avait dans une affaire (perte
ou gain), c'est-à-dire la 240e part (ledenier étant la
240» partie de la livre). Deux deniers équivalent à
un <20", trois deniers à un 80e, et ainsi de suite.
Il avait deux deniers dans la ferme. || Sens vieilli.
|| 10° Terme de monnayage. Denier de poids ou, ab-
solument, denier, le tiers du gros ou la 24° partie
de l'once et la (92e du marc, ce qui revient à la
785e partie du kilogramme. Le marc contient 8 onces ;
l'once, 8 gros; le gros, 3 deniers; le denier, 24
grains; ainsi il y a au marc 8 onces, 64 gros, 19-2
deniers et 4608 grains, Édit sur les monnaies, t. vi,
f° 164, aux archives des finances. || Denier de fin,
ou, simplement, denier, chacune des parties de fin
contenues dans une quantité quelconque d'argent
que l'on suppose partagée en douze parties égales.
L'argent pur est dit de l'argent à douze deniers. On
évalue la bonté de l'argent par deniers, et celle de
l'or par carats. Les bossetles de son mors sont d'or à
vingt-trois carats; ses fers sont d'argent à onze de-
niers, VOLT. Zadig, 3. \\ Denier de fin ou de loi, le
degré de pureté de l'argent. |j Denier de boîte, pièce
d'or et d'argent que les gardesdoivent prendre quand
ils font la délivrance, et qui se conservent dans une
boîte pour servir de règle dans la suite à la cour des
monnaies. || Deniers de monnayage, toutes sortes
d'espèces d'or, d'argent ou de cuivre qui ont reçu la
dernière façon. || Proverbes. Il n'y a point d'huis
qui ne lui doive denier, se dit d'un valet musard
qui s'arrête souvent en chemin. || Cette chose vaut
mieux denier qu'elle ne valait maille, se dit d'une
chose qui. payée plus cher, vaut mieux qu'elle ne
valait payée moins cher, c'est-à-dire d'une chose
qui a été améliorée.
— HIST. xie s. E quatre deners al c»per [geôlier],
Lois de Guill. 4. Pris l'en ad or et aveir et deners,
Ch. de Roi. LXXXVIII. Sis bons escus un dener ne lui
vaut, ib. xiv.
— xii' s. N'i perdra Charles [ce] qui vaille un seul
diner, Ronc. p. 34. Et si ont en nos terres pris les
quatre deniers, Sax. xvi. Or volt que il li rende ses
acuntes pleniers De quanqu'ot en baillie, quant fu
ses chanceliers,.De trente mile livres de sterlins en
deniers, Th. lemart.iS. Tut saisi, en sa main, e
terres e mustiers, E vif aveir e mort, blé, rentes
e deniers, ib. 64. E li deniers Saint Piere fu dunkes
retenuz : Si fu al eschekier e portez e renduz, ib.
66. Là fors le prinrent li félon losengier, Et nos au-
vec, par pieu le droiturier, Si somes povre que
n'avommes denier, Ranul de C. 278.
— XIIIe s. S'il i a nulle beste qui comence à feblir,
metezlescostages [dépenses] pur lui sauver; car om
DÉN
dit: Beneit soit li dener qui sauve la libre [la livre],
Économie rurale, Bibl. des Chartes, 4« série, t. n,
p. 368 Si ne se purent à celle fois acorder, por ce
qu'il lor sembla qu'il n'avoient mie encore deniers
assez, VILLEH. vin. Et que de mes deniers chascun
d'eus [je] rachetai, Berte, vu. Il est acordé et ordené
que nul meslres foulons ne preigne denrées d'ores
avant, queles que eles soient, bones ou mauveses,
pour leur salaires des dras parer, fors deniers ses
[secs, argent comptant], sanz nule fraude, Liv. des
met. 400. Et vont disant que povres sont, El les grasses
pitances ont, Et les grans deniers en trésor, la Rose,
8147. Se vous l'avez félon trouvé; Il iert [sera] au-
tres au derrenier; Ge le congnois cum ung denier,
ib. 3146. Et li denier qui en vienentsont ausegneur,
BEAUM. 43. Donques. pot on veir que, se denier de
rente sont deu à certain jour, ou blés ou aveines,
ou ce qui est deu de terme passé.... ID. xxm, 9. Noz
entendons que marciés est fes si tost comme il est
créantes à tenir par l'acort des parties, entre gens
qui poent fere marciés, ou si tost que denier Dieu
en est donés. m. xxxiv, 60. Ertaut de Nogent fu li
bourgeois du monde que le conte creoit le plus, et
fu si riche que il fist le chastel de Nogent l'Emut
de ses deniers, JOINT. 205. Ne faire marchié ne bail-
ler denier à Dé, DU CANGE, junctura.
— xive s. Nulz ne faisoit les chans arer. Les blez
soier, les vignes faire. Qui en donnast [quand on en
donnerait] triple salaire. Non certes pour un denier
vint; Tant estaient mort [dans la peste noire]....
MACHAULT, p. 75.
— xve s. J'ai loué à mes deniers celle nef pour
faire sur ce voyage ma volonté, FROISS. H, u, 2-0.
Parmi ses deniers payans [par le moyen de], ID. I,
I, 264. Je ne donrai de vos franchises trois deniers,
ID. II. li, 53. Un gros bourgeois qui compte ses de-
niers par default d'autre besongne, AL. CHARTIER,
Çuadrilnge invectif. Ne blasmez, pour ce, mon
mestier; Je gagne denier à denier; C'est loings du
trésor de Venise, CH. D'ORL. Rondeau. Qui du mar-
chié le denier à Dieu prent,- Il n'y peut plus mectre
rabat ne creue, ID. ib. Tout marché d'amour, quoy
qu'il monte, Se parfait sans deniers à Dieu, COQUIL-
LART, p. 37. Ce fut pour le denier à Dieu : Et encore
si j'eusse dit, La main sur le pot, par ce dit, Mon
denier me fust demouré, Patelin, v. 392. Et ne
perdirent pas ung denier vaillant, mais payoit chas-
cun son escot comme s'il eust esté en Flandres,
COMM. i, 5. Rec'eu et nourry six ans, ayant deniers
de luy pour son vivre, ID. I, <2. Elle est [la duché
de Normandie] de grant estime, et se y levé de
grans deniers, ID. I, t3. Le denier oublié ou mes-
conté, grâce ne gré, LEROUX DE LINCY, Prov. t. u,
p. ne.
— xvi* s. Deniers refusez ne se passent pas, GA-
BRIEL MEURIER, dans LEROUX DE LINCY, t. II, p. 125.
Denier sur denier bastit la maison, ID. ib. II employé
bien ses'quatre deniers [il mange bien à proportion
de ce qu'il paye], ID. ib. p. (26.
— ÈTYM. Bourguig. denei; wallon, denidiê, de-
nigé, denier à Dieu ; provenç. dener, denier, dinier;
catal. diner ; espagn. dinero ; portug. dinheiro ; ital.
denaro ; du latin denarius, de déni, dix (voy. DÉ-
NAIRE), parce que le denier valait à l'origine dix as.
DÉNIER (dé-ni-é), je déniais, nous déniions,
vous déniiez; que je dénie, que nous déniions, que
vous déniiez, u. o. || 1° Nier. Philotas dénia le
crime, VAUGEL. Q. C. liv. vi, dans RICHELET. Les
templiers dénièrent, à la mort, les crimes qu'ils
avaient confessés dans les tourments, MÉZERAI, dans
RICHELET. Qu'il approuve sa mort, c'est ce que je
dénie, CORN. Cinna, H, 1. Son plus grand regret,
C'est de voir que César sait tout votre secret : En
vain il le dénie et le veut méconnaître, ID. ib. iv, 6.
Je ne dénierai point, puisque vous les savez, De
justes sentiments dans m^n âme élevés, ID. Rodog.
v,,4. Les Grecs, les Jacobites et les Nestoriens, à
qui il [un ministre protestant] ne dénie pas qu'il
n'ait accordé le salut, BOSS. Vax. 3e avertiss. § 15.
Comment! chétif mortel, vous déniez vos dettes,
REGNARD, le Bal, se. (3. Jugeant l'un très-capable
de dénier ce qu'il devait, et l'autre incapable de
demander ce qu'on ne lui devait pas, ROLLIN, Hist.
anc. CEv.vres, t. xi, 2e partie, p. 64t, dans POU-
GENS. || 2° Refuser. Dénier des aliments. On lui a dé-
nié toute justice. Je n'ai pu dénier cet office à leurs
larmes, ROTR. St Gen.v,e. Je medénie L'honneur qui
ne' m'est dû que dans mon Arménie, CORN. Nie. m, (.
Le ciel m'a dénié cette philosophie, MOL. Femmes
sav. îv, 2. On ne me peut dénier un rang parmi les
auteurs de notre langue, D'ABLANCOURT, Arrien,
liv. i, dans RICHELET. Pour obtenir les vents que le
ciel vous dénie, Sacrifiez Iphigénie, RAC. Lphig. i, l
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