Titre : Le Gaulois : littéraire et politique
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1914-05-29
Contributeur : Pène, Henri de (1830-1888). Directeur de publication
Contributeur : Tarbé des Sablons, Edmond Joseph Louis (1838-1900). Directeur de publication
Contributeur : Meyer, Arthur (1844-1924). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 29 mai 1914 29 mai 1914
Description : 1914/05/29 (Numéro 13376). 1914/05/29 (Numéro 13376).
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 25/04/2008
ARTHUR MEYER
Directeur
v RÉDACTION
DE QUATRE :HEURES DU SOIR A UNE HEURE DU MATIN
2, rue Drouot, 2
(Angle des boulevards Montmartre et des Italiens)
ABONNEMENTS
Paris et départements
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XE PLUS GRAND JOURNAL DU MATIN
ARTHUR YER
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(Angle des Montmartre et dea et des Italiens)
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Et à l'administration du Journal
Les manuscrits ne sont pas rendus
ADRESSE TÉLÉGRAPHIQUE: GAULOIS, PARIS
en raison des Fêtes de la Pentecôte, les
petites Annonces du Mardi seront reçues le
mardi 2 et paraîtront le mercredi 3 Juin.
du
Prinee Eagène
La physionomie de l'impératrice Joséphine
la légende.Elle perd,selon plusieurs.à p
être perdue dans un nuage doré elle gagne
aux veux de quelques-uns, car elle en devient
plus 'humaine. Joséphine mêle à une bonté de
cœur qui fit la base de sa popularité, une pro-
digalité vraiment sans égale, même en ce temps
où les prodigues ne pouvaient se compter et où,
en vérité, ils réalisaient des prodiges mais elle
y joint une étourderie délicieuse et l'incons-
cience de la femme la plus femme qui soit née
et ait vécu sur terre.
Il va s'en trouver des exemples en quantité
dans un livre qui paraîtra cet automne, où, d'a-
près les originaux conservés dans les archives
du duc Georges de Leuchtenberg, seront pu-
bliées les lettres adressées par Joséphine à son
fils, depuis le jour où elle le laissa en Italie
comme vice-roi, jusqu'à l'époque de l'abdication
de Napoléon. Cette suite de documents intimes,
reliés seulement par un commentaire qui en
fixe les dates et qui en précise les personnages,
éclairerad'un jour nouveau ce côté du caractère.
Joséphine y apparaîtra bien plus mère de son
fils qu'elle ne fut jamais de sa fille non seule-
ment aimant son fils comme étant son fils, mais
comme étant un homme, un conseiller, au be-
soin un protecteur. Elle paraît n'avoir point de
secrets pour lui elle lui raconte ses tristesses,
ses querelles avec Bonaparts (ainsi qu'elle l'ap-
pelle toujours), ses raccommodements, ses pro-
jets et ses bonnes résolutions. Et c'est une chose
des plus étranges de trouver ce fils établi, dès
ses vingt ans, dans la confidence de tout ce que
fait sa mère et lui rapportant ce qu'il a entendu
d'elle et ce qu'il a appris. Le cas n'est point uni-
que, et la lecture que l'on peut faire des corres-
pondances intimes remontant à un siècle entre
mères divorcées ou veuves et fils demeurés res-
pectueux et tendres (plus tendres même que
respectueux) montre à quel point il fut fréquent.
11 semble que les fils acceptassent de voir, près
de leur mère, à la place qu'eût dû occuper le
père vivant ou que son ombre eût dû remplir,
un homme, un étranger, et qu'ils pussent vivre
près de lui, le rencontrer du moins, lui adresser
la.parole, parler de lui à leur mère Et cela ne
supprimait point la déférence ni l'affection, et
l'on parlait de l'intrus avec un naturel qui,
s'il déconcerte les gens de notre généra-
tion, paraîtra sans doute tout simple à ceux
des générations prochaines. Il y avait comme
une facilité répandue qui rendait sur ce point
délicat les ententes possibles. Et d'ailleurs il
semble que,'sur presque tout, l'on se comprît à
mi-mot, sans appuyer, avec une grâce légère.
Même parfois oubliait-on, après être convenu
des choses, d'annoncer qu'elles étaient accom-
plies. Ainsi n'est-il pas à mon gré de meilleur
exemple que celui de la correspondance de la
mère et du fils au sujet du mariage de celui-ci.
Certes, Eugène était au courant des projets
qu'avait formés son beau-père pour l'unir à
une princesse d'Allemagne et sans doute n'igno-
rait-il pas que M. de Thiard, chambellan de
l'Empereur, avait, pour cet objet et d'autres, été
envoyé en mission au-delà du Rhin. Mais pour
qu'on vît jour à une telle alliance, il fallait rom-
pre des accords déjà conclus entre le prince
de Bade et la princesse Auguste de Bavière,
accords que rendaient singulièrement forts les
liens de parenté existant entre les deux mai-
sons l'Electrice de Bavière, belle-mère de la
princesse Auguste, étant la propre sœur du
prince de Bade. Toute l'Europe impératrice
de Russie, reine de Suède, princesses de Darm-
stadt, s'intéressaient à ce mariage mais il dé-
pendait de l'empereur Napoléon de distribuer
des couronnes et d'élever des trônes. Il fronça
le sourcil et l'on ne parla plus de cette désirable
union.
Dès la première lettre que Joséphine écrit à
*de Plombières, où elle est allée prendre les
eaux, elle glisse cette phrase qui n'a l'air de
rien « Tu sais sans doute que le mariage du
prince de Bade est rompu, ce qui donne de
grandes espérances pour la personne que tu
connais. J'ai vu son portrait. On n'est pas plus
belle. Et elle pa.sse.
Déjà à ce moment la guerre contre l'Autriche
paraît probable, l'empereur d'Allemagne n'a
pu abdiquer de bon gré la couronne élective
que les intrigues de sa maison ont rendue héré-
ditaire.L'Autriche déclare la guerre. La Grande-
Armée est en marche. Elle est à Munich. Elle
est à Ulrri « J'ai rempli mon dessein, écrit
l'Empereur à l'Impératrice j'ai détruit l'ar-
mée autrichienne par de fortes marches, j'ai
fait 60,000 prisonniers, pris 120 pièces de ca-
non, plus de 90 drapeaux. Je vais me porter su.r
les Russes ils sont perdus. » Et il termine par
cette phrase qu'il n'hésite point à dire à une
mère, tant ce temps, ces circonstances, l'am-
biance commandent l'héroïsme « Dès l'ins-
tant que je serai tranquille sur l'Italie, je ferai
battre Eugène. »
Il n'aura d'ailleurs point à se battre, cette
fois, cet heureux jeune homme. De Strasbourg
où, comme on sait, Joséphine s'est transportée
dès le début de la campagne, pour s'approcher
du théâtre des événements, elle écrit à son fils,
le 21 brumaire (12 novembre). « On dit que
l'Electeur m'attend à Munich et qu'on prépare
de belles fêtes pour moi. La plus agréable sera
de t'y voir. L'Empereur m'en a donné l'espé-
rance dans une de ses lettres. Tu connais ma
tendresse pour toi, mon cher fils, et tu dois
sentir combien je serais heureuse de voir se
réaliser cette espérance. J'ai reçu de M. de
Talleyrand, il y a peu de jours, une lettre dont
j'ai été enchantée. Il me mandé que l'Empe-
reur lui a dit, en parlant de toi C'est étonnant
les progrès que ce jeune homme fait tous les
jours. Il est déjà plus capable de gouverner que
Le Brun. Comme M. de Talleyrand me parlait
dans cette même lettre d'un mariage auquel il
s'intéresse ainsi que toi et qu'il croit devoir se
réaliser, je lui ava'is promis de brûler sa lettre
et je lui ai tenu parole mais une phrase
comme celle-là ne s'oublie pas. »
Et elle ajoute en post-scriptum « J'ai vu ici,
le prince électoral de Bavière. Il m'a beaucoup
parlé de toi, de l'attachement qu'il t'avait voué.
Il m'a priée, lorsque je t'écrirais, de te dire com-
bien il t'aimait et combien il était heureux de
faire ta connaissance. »
Et puis, quarante-huit jours s'écoulent et
probablement cinquante-deux ou cinquante-
quatre c'est par les gazettes qu'Eugène ap-
prend que sa mère a quitté Strasbourg,
qu'elle a séjourné à Stuttgart, qu'elle est arri-
vée à Munich. Pas un mot d'elle Il expédie un
courrier « pour porter à ses pieds les homma-
ges dus à sa mère au premier jour de l'année »,
et ce courrier ne lui rapporte ni une lettre de
l'Impératrice, ni un mot d'une des dix mille
tisonnes « qui sont auprès d'elle et qui eus-
sent rempli avec intérêt cetts commission ».
mais le billet que voici, littéralement
L'INSPECTEUR DES POSTES AU PRINCE EUGÈNE
« Munich, le 30 décembre 1805.
» Monseigneur,
S. M. l'Impératrice me charge d'écrire à
Votre Altesse pour lui accuser réception de sa
dépêche et pour lui confirmer le contenu de ma
première par laquelle Sa Majesté m'avait
ordonné de lui annoncer son mariage avec la
Princesse Auguste de Bavière.
» Sa Majesté me charge de dire à Votre Al-
tesse qu'elle se porte bien et qu'elle est très
impatiente d'avoir l'honneur de le voir.
» Je me trouve très heureux et très honoré
de pouvoir une seconde fois prier Votre Altesse
d'agréer l'hommage du dévouement sans bor-
nes et du profond respect avec lequel je suis,
» De Votre Altesse Sérénissime,
Le très humble et très obéissant serviteur.
» BOULENGER. »
Ainsi, c'est par un inspecteur des postes
qu'Eugène, celui qui, tout à l'heure Altesse im-
périale, va, comme EUGÈNE Napoléon DE FRANCE,
être uni à la fille des Wittelsbach, c'est par un
inspecteur des postes qu'Eugène apprend offi-
ciellement (c'est lui oui souligne) la nouvelle de
son mariage, et c'est la première fois depuis
sept semaines que sa mère lui fait écrire.
L'aime-t-elle moins ? Non, certes. Elle ne
pense qu'à son avancement et à son bonheur.
Mais elle n'a pas le temps et elle est si légère
en ses pensées et si médiocrement raisonnable
que, s'agissant de la plus haute fortune qu'ait
pu atteindre son fils, elle est trop paresseuse
pour, lui en faire' part et qu'ayant délégué ce
soin à l'inspecteur des postes, elle se tient pres-
que quitte. Elle écrira quand elle aura le
temps. Au moins a-t-elle fait mieux que
d'écrire, elle a agi et ce ne fut pas si simple,
après que l'Empereur eut décidé le mariage,
de lever les oppositions de belle-mère, de tan-
tes, de cousines, etc., etc. Ce trait de caractère
ne vaut-il pas pourtant d'être retenu, et com-
bien d'autres aussi significatifs ne trouve-t-on
pas dans ces lettres auxquelles je reviendrai
Frédéric Masson
de l'Académie française
Ce qui se passe
LA POLITIQUE
CONSULTATIONS
Où est l'avenir de la France ?
Telle est la question posée par le Matin à
tous les Français et à toutes les Françaises.
Notre grand confrère ayant spécifié qu'il
s'agit, dans son esprit, d'indiquer l'idéal nou-
veau vers lequel devra s'orienter la république,
« lorsque seront résolus les quatre problèmes
de la loi militaire, de la défense laïque, de la
réforme fiscale et de la réforme électorale la
Lanterne faisait remarquer, hier, non sans
quelque apparence de raison, qu'on avait du
temps devant soi. N'importe Telle qu'elle
se présente, l'idée du Matin n'en est pas moins
fort intéressante, et je n'en veux pour preuve
que l'affluence des réponses déjà reçues par no-
tre confrère, réponses émanant de personnalités
éminentes du monde des lettres, de politiciens
en vue et aussi de très modestes inconnus.
Le Matin, depuis deux jours, en a publié un
certain nombre il en a de curieuses.
Une. place à part doit être faite à la lettre de
M. Gabriel Hanotaux, de l'Académie française,
qui, avec la haute autorité que tous s'accordent
à lui reconnaître, préconise « plus de tolérance
à l'intérieur et plus d'initiative à l'extérieur ».
Comme, au temps jadis, les marchands d'or-
viétan sur le Pont Neuf, les politiciens font le
boniment en faveur de leurs produits c'est
ainsi que M. Pelletan s'efforce à recommander
à la démocratie de « s'affranchir des puissances
financières cependant que M. Gaston Thom-
son ne voit rien à inscrire au programme en
dehors du « développement naturel du régime
parlementaire républicain
Parmi les autres consultants, certains sont
remplis de bonne volonté tel celui qui prône
« une politique économique susceptible de dé-
velopper les forces productives du pays ». Je
goûte moins, par exemple, le hardi réformiste
qui place tous ses espoirs dans la suppression de
l'héritage. A ceux qui voient l'avenir de la
France dans ses colonies ou bien encore
« dans une décentralisation absolue je pré-
fère celui qui le place dans « le culte du sacri-
fice
Ce n'est pas non plus une mauvaise idée que
de vouloir « exercer l'enfance à mieux penser
et j'applaudis aux desiderata de M. J. Vanel
réclamant « un gouvernement sain, pour un
peuple éduqué
Alors que M. Pierre de Va1'lès aspire après
« une tête Diogène cherche « un homme
ce qui reviendrait au même. Je passe sur les
vœux exprimés en faveur du vote des femmes
et de la suppression de l'alcoolisme, et, comme
il me faut conclure, ma conclusion sera, si
vous le voulez bien, qu'un si grand nombre de
médecins, préconisant tant de remèdes diffé-
rents, apparaît, comme peu rassurant pour le
malade qu'est le régime.
Peut-être un rebouteur énergique parvien-
drait-il à prolonger de quelque temps son
existence, mais combien plus rationnelle la con-
sultation suivante
L'avenir de la France, monsieur, est dans le
,retour du descendant de nos rois.
68, rue Bonaparte.
M. Lecroy, que je n'ai pas l'honneur de
connaître, excelle en l'art de dire brièvement
d'utiles vérités. L. DESMOULINS.
ÉCHOS POLITIQUES
Lundi, pour sa rentrée, la nouvelle Chambre
aura à constituer son bureau provisoire en at-
tendant qu'elle-même après les vérifications
des pouvoirs se puisse constituer définitive-
ment.
M. Paul Deschanel président sortant
n'aura pas de concurrent et sera maintenu dans
ses précédentes fonctions à une imposante ma-
jorité. Et ce sera justice.
Les deux fauteuils vice-présidentiels provi-
soires seront, au contraire, très disputés. Qua-
tre candidats sont déjà en présence MM. Ra-
bier, Clémente!, Messimy et Augagneur.
A cette vice-présidence, les républicains au-
ront le regret de ne pas voir aspirer celui qui
depuis une vingtaine d'années y avait toujours
été appelé par leur confiance affectueuse. M.
Eugène Etienne déclarait hier qu'il renonçait
à se représenter.
L'ancien ministre de la guerre fut pour la
première fois, le 10 janvier 1884, élu secrétaire
de la Chambre. Le 11 janvier.1893, il était nom-
mé vice-président et, depuis cette époque, ce ne
fut pour lui, entre le fauteuil présidentiel et le
maroquin ministériel, qu'un continuel et bril-
lant chassé-croisé.
M. Etienne, en faisant part de sa détermina-
tion à nos confrères, leur exposait simplement
qu'il était une heure où on devait s'effacer pour
faire place. aux autres. « Place aux jeunes »
Les anciens députés et les journalistes parle-
mentaires, qui ont pu apprécier avec quelle au-
torité toute de bienveillance M. Etienne diri-
geait les débats, regretteront une résolution que
rien ne faisait prévoir.
LECROY,
£ ÉCHOS DE PARTOUT
Académie française.
Dans la séance d'hier qui fut présidée par
M. Maurice Donnay, directeur, assisté de MM.
Boutroux, chancelier, et Etienne Lamy, secré-
taire perpétuel, l'Académie française nous
l'avions annoncé a décerné le prix Jean Rey-
naud, dont la valeur est de dix mille francs,
à M. Bedier, professeur de langue et de litté-
rature française du moyen âge au Collège de
France, pour l'ensemble de ses œuvres.
M. Bedier est l'auteur d'un ouvrage sur nos
vieilles épopées, intitulé Légendes épiques.
Ses premiers volumes lui avaient valu précé-
demment l'honneur de se voir attribuer une
des plus importantes récompenses que l'Acadé-
mie puisse décerner le grand prix Gobert.
Les Immortels ont ensuite décidé que, dans
la prochaine séance, serait faite une proposi-
tion pour les prix d'ensemble prix Vitet, 2,500
francs prix Calman-Lévy, 3,000 francs prix
Alfred Née, 3,500 francs prix Lambert, 1,600
francs prix Maillé La Tour-Landry, 1,200
francs, etc., etc.
Le comte d'Haussonville, déjà délégué de
l'Académie des sciences morales et politiques,
a été désigné par la Compagnie pour la repré-
senter aux fêtes qui seront données à Oxford,
en l'honneur de Roger Bacon.
Enfin l'Académie française a choisi M. Jean
Richepin pour la représenter, les 7 et 8 juillet
prochain, à Guernesey, aux fêtes d'inaugura-
tion du monument élevé en l'honneur de Victor
Hugo.
Les Quotidiennes
-̃ ..l'heureuse CONFIANCE
L'amour conjugal semble en ce moment dans une belle
période. C'est bien son tour. Après tant de fâcheuses
apparences et de regrettables anecdotes, voici qu'il
triomphe heureusement, jusque dans les airs, et l'exemple
que donnent toutes ces épouses si aveuglément dévouées
à cette heure aux trouvailles scientifiques de leur maître
mérite bien en effet d'impressionner ceux qui d'aventure
s'imagineraient que le mariage, s'il est toujours un beau
sacrement, peut être parfois une difficile institution.
Avec une admirable bravoure, une confiance vraiment
originale dans le talent et l'infaillibilité de son mari, on
a vu hier encore une jeune femme se prêter à l'essai si
redoutable pourtant d'un très fragile parachute. Non, pas
une question à cet inventeur un peu placé cependant
comme un grand homme vis-à-vis de son valet de cham-
bre pas un doute, une inquiétude. Dès l'instant qu'il
assurait le succès, il n'y avait qu'à se lancer à travers
les nuages, et l'expérience vient en effet de réussir à
merveille, et pour la première fois, d'avoir été dans les
nuages, cela ne peut se reprocher à une jolie femme.
M. Jean Finot faisait ces jours-ci à Londres une confé-
rence vivement applaudie sur le bonheur, et établissait
sur la bonté ses chances les plus sûres. D'autres philo-
sophes ont rêvé l'avènement du bonheur par la science.
Quoi qu'il en soit, voilà un cas de parachute et d'inven-
tion nouvelle qui, par l'harmonie conjugale qu'il révèle,
semble devoir donner raison à ces philosophes-là, et,
terrible et fameux, « l'arbre de la science n cette fois
n'aura produit que de bons fruits. Espérons qu'il voudra
bien continuer ses excellents offices au pauvre monde.
Mais ce qu'il faut noter déjà c'est que, contrairement à
la tradition, c'est de l'Eve aujourd'hui que nous vient le
bon exemple; et, justice à lui rendre, il est probable, en
supposant les rôles renversés et l'inventeur une femme,
que du côté des maris les choses ne se passeraient pas
si galamment. ALEXANDRE HEPP.
Aujourd'hui aura lieu, à la galerie des';
'Champs-Elysées; la vente de charité la plus im?
portante de l'année, celle de la Charité mater-
nelle. On trouvera plus loin la composition des
comptoirs.
On sait que cette œuvre, la plus ancienne de
France, a été fondée par la reine Marie-Antoi-
nette, présidée ensuite par.la duchesse d'An-
goulême et la reine Marie-Amélie, et réorgani-
sée par l'impératrice Eugénie. Elle est présidée
par .Mme la duchesse de Mouchy, avec un zèle
et une bonté incomparables.
Le bien que fait cette œuvre est de tous les
jours et de tous les instants, et rien n'est mieux
fait pour montrer la sollicitude des classes ri-
ches à l'égard des pauvres. Aussi, tout Paris
défilera aujourd'hui à cette vente, et le résultat
en sera des meilleurs pour les malheureux.
La rue de la Paix présentait hier une anima-
tion encore plus grande que d'habitude. Autos
brillantes et fringants équipages y débou-
chaient de tous côtés et une affluence des plus'
élégantes se pressait dans les riches magasins;
et les salons de MM. Cartier, les joailliers bien j
connus, où s'ouvrait l'exposition d'une collec-
tion de perles vraiment uniques et de délicats
bijoux inspirés de la décadence romaine. On
ne saurait se faire une idée exacte de la beauté
incomparable, de la rareté de ces perles mer-
veilleuses, de la magnificence de ces joyaux et
de l'art exquis avec lequel ils sont appropriés
aux goûts de la femme moderne. Aussi cette
exposition, qui durera jusqu'au 6 juin, a-t-elle
obtenu un succès énorme qui en fait un événe-
ment parisien sensationnel.
Le froid que nous subissons, un froid pres-
que de novembre, a de quoi nous étonner. La
transition a été brusque et très sensible. Cette
température absolument anormale a été cause
que les demandes de quinquinas ont augmenté
dans des proportions considérables, inconnues
généralement à cette époque de l'année. C'est j
ainsi que l'excellent Dubonnet, qui, en temps
ordinaire, sert déjà, au mois de mai, étendu
d'eau, de boisson rafraîchissante, se boit par-
tout, en ce moment, comme tonique.
La grande fête au profit des blessés militaires
du Maroc, dont nous avons déjà parlé, aura
lieu les samedis 13 et 15 juin, dans la salle des
fêtes de Mme la comtesse de Béarn, 123, rue
,Saint-Dominique. On sait que cette solennité est
sous le patronage de la Croix Rouge Française.
On donnera une opérette et un ballet égyptien,
des plus curieux. Nul doute que la société pari-
sienne s'empressera d'apporter son concours à
une œuvre qui permet de donner à nos petits
soldats blessés pour la Patrie tous les soins et le
réconfort qu'ils méritent si bien.
Nous engageons nos lecteurs à passer leurs
vacancxs au Nice-Havrais, à Sainte-Adresse, le
Passy-Auteuil du Havre, desservi par trois
lignes de tramways conduisant en cinq minu-
tes au centre de la ville. Grand Hôtel des Réga-
tes et superbe Hôtellerie, situés au bord de la
mer avec tout le confort moderne, grands.gara-
ges pour autos et chambres de mécaniciens.
On' peut louer pour l'année, au même prix que
pour la saison, des villas meublées ou non, ou
des appartements dans les immenses immeu*
blés avec square particulier, édifiés par
M. Dufayel, et y passer ainsi toutes les fêtes
la douceur du climat permettant d'y habiter
toute l'année. Terrains et villas à vendre.
Nos arbres, nos chers arbres parisiens,
orgueil et parure des promenades publiques,
s'étiolent lentement, minés par un mal mysté-
rieux qui.éclaircit leurs frondaisons et tarit la
sève de leurs racines.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés.
Le long des boulevards, aux Champs-Elysées
et jusque dans l'élégante avenue du Bois, ce ne
sont que feuillages clairsemés et branches dé-
nudées d'où tombe un semblant d'ombre.
Préoccupé de ce dépérissement anormal, M.
Quentin-Bauchart, conseiller municipal, vient
d'en aviser l'administration préfectorale. Et le
distingué édile parisien demande quelles mesu-,
res on compte prendre pour conjurer le mal.
Nous avons, en attendant, questionné un des
jardiniers principaux de la Ville de Paris sur
les causes de la maladie de nos arbres.
Ces causes, nous a-t-il dit, sont permanen-
tes. Le sol parisien n'est guère favorable à la
santé des arbres par suite des nombreuses infil-
trations de gaz qui s'échappent des canalisa-
raison des incessants travaux-
de voirie que. l'on exécute un peu partout. Les
canalisations électriques y ont aussi leur part.
En outre, la terre végétale est épuisée en beau-
coup d'endroits il faudrait la renouveler.
Enfin, en ce qui concerne les arbres de l'avenue
du Bois-de-Boulogne, il est probable qu'ils sont
victimes du goudronnage que l'on a pratiqué
sur cette voie.
Ayant ainsi parlé, l'homme des jardins for-
mula quelques ordres brefs à des subordonnés
occupés à transplanter un jeune platane.
La gourmandise, quand elle se confond avec
l'élégance, est le péché charmant de toutes les
petites bouches féminines. Aussi 'les Parisien-
nes sont-elles enchantées d'un exquis et ravis-
sant petit gâteau, répondant au joli nom de
« Mousmé qu'elles dégustent depuis quel-
ques jours à 1' « Ermitage de !Longchamp" » et
qui jouit d'une faveur bien méritée. C'est une
délicieuse pâtisserie très fine, très moelleuse,
adorablement parfumée. Du reste, 1' « Ermitage
'de Longchamp » possède quelques succulentes
friandises de ce genre qui n'appartiennent qu'à
lui, qu'on ne trouve que là, et dont nos aima-
bles mondaines se montrent très enthousiastes.
Hier, M. Viviani, ministre de l'instruction
publique et des beaux-arts, et M. Jacquier,
sous-secrétaire d'Etat, ont visité l'Exposition
rétrospective des Peintres de Venise, ouverte
jusqu'au 20 juin, à la galerie Brunner, au béné-
fice de la « Fraternité Artistique ».
Le ministre et le sous-secrétaire d'Etat ont été
reçus par les membres du comité d'organisa-
tion et par "une élite de collectionneurs et
d'amateurs parisiens. On remarquait MM..
Henri de Régnier, J. Blanche, Benedite, baron
Chassériau, Armand Dayot, J. Faure, Bailleha-
che, Fr. Flameng, H. Gonse, Walter Gay,
Robert Hénard, Franc Lamy, Alb. Lehmann,
Ern. May, Cam. Mauclair, P. de Nolhac,
Poilpot, etc.
Les visiteurs se sont arrêtés longuement de-
vant les merveilles de Tiepolo, Canaletto,
Guarcli et autres, prêtées par MM. W. Blumen-'
thal, Edouard Kann, Maurice de Rothschild,
Bonnat, docteur Chauffard, Flameng, docteur
Oulmont, comte de La Riboisière, Lehmann,
baron Lazzaroni, et devant les modernes ayant
à leur tête Bonington, Ziem, Joyant et Corot,
dont les chefs-d'œuvre sont empruntés aux
collections Sabourdin, Taubert, docteur Four-
nier, Joyant, Mme Esnault-Pelterie, etc.
L'exposition restera ouverte pendant les
jours de fête.
NOUVELLES A LA MAIN
Entre élus unifiés.
Que comptes-tu faire à la rentrée ?
Belle demande Une violente sortie contre
la loi de trois ans, parbleu
Un Domina
Villiers le l'Isle-lii
et TAme bretonne
On inaugurerai bientôt, à Samt-Bneuc, un
monument à l'auteur des Contes cruels et de
L'Eve future, de Tribulat Bonhomet et d'Axel,
au grand Villiers de l'Isle-Adam, qui eut du
génie et qui mourut si pauvre.
Défendons-nous d'insister sur l'inconsciente,
la cruelle ironie qui semble présider, si loin par
delà le tombeau, à la tragique destinée du poète,
et qui veut que des honneurs officiels soient au-
jourd'hui rendus, si tard à cet homme qui de-
vançait son temps et que, de son vivant, si peu
de gens reconnurent pour ce qui il valait.
Peut-être, après tout, y a-t-il, en effet, une
sorte d'équité profonde à ce que de tels artistes
n'obtiennent l'unanime admiration qu'auprès
des enfants de ceux à qui ils s'adressaient. Nul
n'est ni ne doit être prophète en son temps, pas
plus qu'en son pays, et il est tout naturel que,
puisque Villiers avait parlé à des hommes fu-
turs, les hommes actuels l'aient laissé passer
sans le comprendre.
Quoi qu'il en soit et quoi que l'on pense de
la valeur d'un buste ou d'une statue dans l'apo-
théose d'un héros littéraire, on ne pouvait mieux
choisir en tout cas que la Bretagne pour y élever
ce monument, la Bretagne, cette terre classique
de la rêverie et de la mysticité, des tendresses
profondes et des grandes mélancolies, cette terre
âpre et forte qui nourrit de sa sève l'arbre hé-
'raldique dont Villiers fut la fleur suprême.
Quelque attaque qu'ait subie, de la part de l'é-
rudition moderne, la vieille théorie de Taine,
elle garde cependant une certaine part de vé-
rité, évidente surtout lorsqu'il s'agit de certains
sols particulièrement chargés d'influence, si je
puis dire. Ainsi la Bretagne. Chose assez digne
de remarque, Villiers, qui fut profondément et
religieusement Breton, y fit des allusions assez
rares. Un grand amour se reconnaît à la pudeur
de son silence. Il est vrai qu'il n'eut ni la pensée
ni le besoin de composer ses mémoires mais
comparez-le un instant à cet autre grand Breton
que fut Chateaubriand. Eh bien, des deux poè-
tes (toute comparaison de grandeur littéraire à
part, bien entendu) c'est le père d'Atala qui est
le plus déraciné, malgré l'évident plaisir qu'il
prend à rappeler son origine abrupte, rocheuse,
armoricaine. Il y a en Chateaubriand un côté
cosmopolite, dû beaucoup à son genre de vie
errant, mais beaucoup aussi à ses goûts de di-
plomate et de dilettante. C'est un des premiers
esprits européens. Pour mieux embrasser le
monde, il s'étend, au risque de se disperser. Et
il serait aussi inutile de lui dénier ce cosmopo-
litisme, d'ailleurs magnifique et fécond, qu'in-
juste de méconnaître en lui ce fond d'âme bre-
tonne, qui fut peut-être le secret de sa mélan-
colie. Ce n'est pas seulement pour l'apparat
qu'il a exigé sa tombe en plein rocher atlanti-
que.
Mais Villiers, pour avoir moins parlé de sa
patrie, y fut peut-être plus attaché encore. Seu-
lement les liens étaient plus inconscients. Ils
plongeaient plus profondément dans son esprit
et dans son cœur, ils inspiraient, sans qu'il s'en
doutât même, tous ses actes et toutes ses pen-
sées.
Et d'abord son mysticisme. A une époque
terriblement matérialiste, uniquement éprise
de réalité positive immédiate,. il eut ce courage
de paladin d'affirmer, en idéaliste absolu, la
réalité unique et exclusive de l'esprit. S'il
n'avait été retenu par sa foi très vive et très
profonde, il se serait certainement laissé aller
jusqu'aux conclusions les plus hardies d'un
Fichte, d'un Hegel surtout, penseur pour lequel
il professait une admiration sans bornes. Il en
fût arrivé à proclamer la vanité, l'inexistence
du monde extérieur. Il ne l'a pas fait, pour la
raison que j'ai dite, et cette conception n'est
restée chez lui qu'une sorte de suggestion poé-
tique, de hantise, de rêve. Mais ce rêve domina
toute son œuvre. Il lui inspira ce mépris sou-
riant et parfois acerbe de tout ce que n'est point
la pensée, le mépris des petites satisfactions
matérielles auxquelles s'attachent la plupart
des hommes. Et c'est bien là qu'il faut chercher
le secret de sa prodigieuse ironie. Son rire était
celui d'Ariel se moquant de l'aveugle Caliban,
ivre et satisfait, et si parfois ce rire devient
amer, farouche, terrible et perd la sérénité an-
gélique qu'on voudrait toujours entendre ré-
sonner en lui, ce n'est que trop explicable,
hélas Villiers n'était pas un pur esprit, mais
un homme, et vraiment trop martyrisé par
cette fatalité mesquine, minutieuse et sordide,
qui s'appelle le Guignon.
Toute l'ironie des Contes cruels et celle, en-
core plus dense, et secrète, et retordue de Tri-
bulat Bonhomet, c'est 'l'autre face de l'idéalis-
me mystique du poète, et donc elle a la même
origine. Quoi d'étonnant à ce que, rencontrant
si peu d'âmes pour tant de faces humaines,
Villiers ait acquis peu à peu ce mépris que l'on
retrouve presque pareil chez un Edgar Poe,
chez un Baudelaire ? A cette différence près
cependant que son amertume n'a jamais rien
de personnel. Il considère les choses de trop
haut pour ne pas considérer son malheur pro-
pre comme dû à des influences très générales,
universelles. On cite de lui cette boutade, à la
fois si amusante et si navrante « Ah je m'en
souviendrai de la planète Terre. » Quand on
envisage sa propre vie comme un événement
aussi cosmique, on ne peut décemment pas en
vouloir à Monsieur Un Tel ou à Madame X.,
d'une déception ou d'un malentendu. Un peu
de la sérénité des initiés se cache sous le mas-
que crispé du causeur et du journaliste.
Et puis, il y a encore en Villiers quelque
chose de très breton, c'est sa mélancolie, sa
puissance de rêverie, son amour du conte' et
de la féerie.
Certes, le romantisme a bien eu tout cela,
mais pas à ce degré, pas surtout avec cette sin-
cérité et cette qualité-là. La mélancolie roman-
tique est souvent superficielle. C'est un man-
teau, chatoyant de nuances nocturnes, que l'on
jette sur l'émotion. C'est une parure. L'artiste
romantique essaie de poétiser les visions de.la
vie, et d'une femme il fait volontiers une fée.
Mais, au fond, il sait que c'est une femme.
Tandis que Villiers, Breton jusqu'aux racines
de l'être, semble toujours perdu dans la bru-
me, l'embrun et le crépuscule. Ses créations
féminines, si pures, si tendres, si incertaines,
ce furent certainement d'abord des formes flot-
tantes entrevues sur la lande, des fées en vé-
rité. Et pour qu'elles puissent agir et aimer aux
pages de ses livres, il leur donne un minimum
de réalité matérielle, une sorte de vêtement de
chair. Et ce sont des héroïnes absolument pures
et idéales, ayant toutes le même air de famille
et qui parfois semblent n'avoir été conçues que
pour faire la réponse aux interrogations pas-
sionnées du poète..
Un jour même, comme impatient d'être en-
core plus le maître, le créateur, il imagina,
pour ainsi dire de toutes pièces, cette Eve fu->
ture dont on ne sait si elle représente la som-
me de tous ses désirs ou la plus amère dérision
du progrès et de l'avenir. Les deux peut-être.
Mais surtout une création pure, ne devant rien:
au réel, entièrement sortie de son cerveau.
On répète volontiers que Villiers fut, avant
M. Wells et M. J.-H. Rosny, un anticipateur
extraordinaire. Je n'en disconviens pas. Mais
ce fut plutôt par l'ingéniosité de ses déductions,
par l'habileté de sa logique. Ce qu'il y a en
lui d'autrement essentiel et profond, son génie
propre, c'est cette puissance indéfinie de rêve-
rie, cet idéalisme, cette foi, cette mélancolie,
ce mystère dont le dosage unique et parfait ne
pouvait s'élaborer que dans une âme bretonne.
Et il est juste que ce soit en Bretagne que l'on
honore sa noble mémoire.
Francis de Miomandre
Bloc-Notes Parisien
Comment voyage
une grande artiste
UN BOUDOIR AMBULANT
Hier, Mme Sarah Bernhardt était à Paris. Elle n'y
était que pour quelques heures, et ces quelques heures
ce n'est pas chez elle qu'elle avait décidé de les passer.
Son hôtel du boulevard Pereire est entre les mains des
réparateurs et des restaurateurs; aussi la grande artiste
avait-elle volontiers accepté l'hospitalité que lui offrait,
rue de Rome, un de ses plus anciens amis, un de ses
plus dévoués admirateurs, le peintre excellent et char-
mant qu'est M. Georges Clairin. Là, dans une pièce
vaste et claire qui tient du hall et de l'atelier, en un
de ces décors qui encadrent si bien la silhouette de la
« princesse du geste », et qui font souvenir du temps où
l'admirable tragédienne maniait le pinceau ou l'ébau-
choir, Mme Sarah Bernhardt a reçu quelques amis accou-
rus pour lui apporter leurs hommages et leurs vœux.
Elle les a reçus comme elle sait recevoir, avec autant
de bonne grâce que d'esprit, de simplicité familière pue
de noblesse élégante. Et à la voir ainsi souriante, à écou-
ter ses propos brillants et animés, on ne se serait guère
douté qu'elle est en ce moment un peu une blessée et
presque une malade. La sérénité de ses traits, le calme de
son teint, la luminosité de son regard ne trahissent pas
1 sa souffrance. Le mal ne se révèle que lorsque Mme
Sarah Bernhardt tente de se mettre debout et essaie de
marcher. Sa jambe droite se refuse à peu près à tout
mouvement la raison de cette infirmité temporaire, on
la connaît les dépêches que nous avons publiées l'ont
apprise à nos lecteurs. Alors qu'elle allait d'Amiens à
Liège, Mme Sarah Bernhardt fut victime d'un de ces fâ-
cheux hasards qui guettent à tout moment les plus éner-
giques comme les plus timides. Elle posa le pied sur le
marchepied de son auto un faux mouvement du corps
en rompant l'équilibre fit tourner le pied, et le genou
porta si rudement contre la carrosserie de la voiture qu'il
fut presque déboîté.
Avec cette vaillance et cette endurance qui ne sont pas
les traits les moins intéressants de la géniale personna-
lité de l'artiste, Mme Sarah Bernhardt voulut jouer, à
Charleroi, quand même. Mais ses forces trahirent son
héroïsme et il lui fallut s'avouer qu'un repos et un trai-
tement étaient indispensables. C'est pourquoi, interrom-
pant sa tournée, Mme Sarah Bernhardt était revenue hier
à Paris, et c'est pourquoi dès hier elle est repartie pour
Dax, où elle avait d'ailleurs dès cet hiver songé à faire
une saison, mais où elle ne pensait pas se rendre avant
le 16 juin.
L'automobile, cause indirecte de l'accident et des
souffrances de l'artiste, ne l'a pas dégoûtée de l'automo-
bilisme. Au contraire. Au char moderne d'Hippolyte,
Phèdre n'a pas gardé rancune. C'est en automobile que
Mme Sarah Bernhardt est arrivée ici; c'est en automo-
1 bile qu'elle va aller jusqu'à Dax.
Oh elle n'est pas de celles qui brûlent le ruban des
routes, et qui ne rêvent que vertigineuses randonnées.
Elle n'est pas de celles qui voudraient en un jour avec
leur 30 HP aller de Compostelle à Vienne, comme le
petit roi de la Légende des Siècles Plus, savante dans
l'art de se déplacer, plus experte à se donner des joies
d'artiste et des impressions de poète, c'est à petites
journées que voyage Mme Sarah Bernhardt, comme le
grand monarque en son carrosse ou le célèbre cardinal
dans sa litière rouge.
A Orléans, à Poitiers, à Bordeaux, l'illustre voyageuse
se reposera, et ce n'est que dimanche que, dans la bonne
ville de Dax, entrera son boudoir ambulant car la voi-
ture où elle va passer trois journées est bien cela, un
confortable boudoir où l'on peut à son aise écrire ou
lire, dormir ou rêver, et où rien ne manque des mille
brimborions dont aime à s'entourer une femme raffinée
un boudoir qui par ses fenêtres laisse apercevoir des
paysages toujours nouveaux, afin que celle qui l'habite
( ne se lasse pas d'un monotone décor!
Cette délicieuse façon de voyager qui renouvelle
avec quelle luxueuse fantaisie et quelle poésie de confort!
les us et coutumes des héros du Roman Comique de-
vait séduire Mme Sarah Bernhardt, et il y a bien long-
temps qu'elle caressait le rêve de la mettre en pratique.
La merveille contemporaine l'automobile a rendu
aisée cette réalisation mais alors qu'on ne prévoyait
guère le triomphe de la Reine Auto, la grande artiste
déjà cherchait comment elle pourrait aller vers les villes
où sa renommée et son génie étaient attendus, sans em-
prunter le rail, banal et sans imprévu, mais en suivant
les routes qui se déroulent à travers des campagnes va-
riées, en les suivant lentement, et en s'arrêtant au gré
de sa fantaisie, sans souci des horaires tvranniques. Et à
l'exposition de 1889 on put voir certaine roulotte aména-
gée avec le plus ingénieux raffinement et le goût le plus
piquant, une roulotte où Mme Sarah Bernhardt avait
songé à faire loger Thespis en sa personne. Ainsi, l'auto
qui l'emporte en ce moment vers Dax, vers le repos et
la guérison, lui permet de vivre un projet qui depuis
longtemps lui était cher, et qui avait tout pour plaire à
l'incomparable interprète des poètes.
Tout-Paris
Les Etats-Unis
et le Mexique
L>e résultat de la Conférence de
Médiation
La conférence de Niagara-Falls, qui s'étai6
engagée sous les plus fâcheux auspices, et que
l'on croyait vouée à un échec certain, a, semble-
t-il, donné de meilleurs résultats qu'on n'osait
l'espérer.
On annonce, en effet, et' sans préciser davan-*
tage, que les négociations sont sur le point
d'aboutir- au compromis que les médiateurs
avaient préconisé.
Les délégués mexicains et américains se se..
raient mis d'accord sur le projet suivant le
général Huerta quitterait momentanément le
pouvoir, en prétextant que son état de sanié
l'oblige à prendre un congé. Une junte serait
aussitôt constituée avec quatre membres du ca-
binet actuel: elle désignerait un Président
provisoire agréé par les Etats-Unis, et l'on pro-
céderait dans les délais les plus rapides à de
nouvelles élections.
Reste à savoir si le général Huerta ratifiera
'finalement les engagements contractés en som
nom par ses représentants.
Il est probable qu'il ne consentira à abandon-
mer ses fonctions que s'il reçoit l'assurance que
les constitutkmnalistes n'investiront pas Mexico
et ne violeront pas à leur profit les stipulations
du traité de médiation.
Or les troupes du général Villa continuent
leur marche vers la capitale, semant sur leur
passage la terreur et la destruction. D'autre
part, un navire allemand, en dépit des pro-
messes de la diplomatie allemande à Washing-
ton, a réussi à débarquer de nombreuses car-
gaisons d'a,rmes et de munitions commandées
par le général Huerta. Grâce à cet approvision-
nement opportun, il est désormais en mesura
de soutenir la lutte contre les rebelles.
Cédera-t-il à la tentation ?
R. d'A.
LE CONSISTOIRE PUBLIC
Grandioses Solennités
Imposition du chapeau
aux nouveaux cardinaux
Le Deuxième Consistoire secret
PAR DÉPÊCHE DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER
M. Visto
Rome, 28 mai..
Un consistoire public, avec ses rites majes-i
tueux et ses pompes grandioses, est une des
plus magnifiques cérémonies de l'Eglise, qui
en compte cependant de si belles, auxquelles
il soit donné à un catholique, d'assister.
C'est dire l'animation qui régnait ce matin
autour du Vatican. Tandis que prélats, ecclé-
siastiques, membres du corps diplomatique et
invités se pressent à la Porte de bronze pour se
rendre à la salle des Béatifications, une foula
des plus denses emplit, bien avant neuf heures*
la place Saint-Pierre.
Neuf heures. Les grandioses cérémonies con-*
sistoriales vont commencer. Processionnelle-'
ment, les nouveaux cardinaux, qui portent la'
cappa magna et la barrette rouge, se rendent
à la chapelle Sixtine pour prêter serment, préa
cédés et suivis de gardes suisses et de prélats
de. la Cour pontificale. Là, ils se groupent de;
vant l'immense fresque du Jugement dernier^
au pied de l'autel où, aux jours du conclave,
ils auront à déposer leurs bulletins de vote. Suri
l'invitation du cardinal vice-chancelier, en pré-;
sence des trois cardinaux doyens de l'ordre des
évêques, des prêtres et des diacres, ils pronon-i
cent, d'une voix lente, la formule des serments
solennels..
Ces serments sont de deux sortes. Les cardia
naux prêtent d'abord le serment ordinaire!
d'obéissance et de fidélité au Pape puis ils
jurent d'observer un certain nombre de consti^
tutions apostoliques qui leur ont été remises
précédemment, au 'nombre desquelles plusieurs!
revendiquent les droits temporels de l'Eglise.
Pendant qu'a lieu cette prestation de ser-
ment, Pie X, escorté de la garde noble, s'esii
rendu à la salle des Vêtements Pontificaux, où
sont groupés les hauts dignitaires de l'Eglise.,
,Il y revêt la chape rouge et la mitre d'or, puis,;
suivi de tout l'imposant cortège pontificale
se dirige, porté sur la sedia gestatoria, et ayantj
à ses côtés les flabelli, vers la salle du Consis-t
toire, en traversant les salles ducale et royale^
Sur son passage, s'agenouillent les fidèles qui
ont obtenu la faveur de faire la haie pour rece-»
voir sa bénédiction.
Soudain éclate le chant du Tu es Petrus, exé-i
cuté par la maîtrise de la chapelle Sixtine la
cortège vient de faire son entrée dans la salle)
consistoriale. Pendant que tous les assistants
s'agenouillent, le Pape descend de la sedia et va
prendre place sur son trône. Le consistoire pu-(
blic proprement dit va s'ouvrir.
Processionnellement, les anciens cardinaux sef
dirigent vers le trône pontifical et, après s'être;
inclinés par trois fois, baisent la main du Sou«
verain-Pontife. Le baise-main terminé, le préfet
des cérémonies fait un signe.
Les avocats consistoriaux, encadrant. le secréV
taire de la Congrégation des Rites, viennent sa
ranger au pied du trône. L'un d'eux donne lec-
ture, suivant l'antique tradition, d'un passage
du plaidoyer pour l'une des causes de béatifi-
cation. Puis il s'écarte de nouveau, et les car-
dinaux diacres s'avancent, s'inclinent devant le
Saint-Père et vont chercher les cardinaux nom
vellement promus, qui attendent dans la chaa
pelle Sixtine, cependant que l'avocat consister
rial reprend sa lecture. •<
Précédés,d'un piquet de la garde suisse, les
nouveaux princes de l'Eglise s'avancent majes-
tueusement dans la salle, la longue traîne de la
cappa magna se déroulant dans toute sa lon-
gueur. L'un après l'autre, ils se rendeni au trône
papal, font devant le Souverain-Pontife trois in-
clinaisons profondes, puis, montant les degrés,
lui baisent la main et le pied et reçoivent de
Pie X le -double baiser de paix. Ils passent en-
suite devant tous les cardinaux et donnent à'
chacun d'eux ce même baiser de paix.
Les nouveaux cardinaux vont alors s'asseoir
à côté de leurs collègues. Ceux-ci restent la tête
découverte pendant que les nouveaux princes de
l'Eglise mettent leur barrette rouge pour mon-
trer, suivant le rite, qu'ils n'ont pas encore le
droit de prendre une part active aux travaux du
Sacré-Collège.
De nouveau, les prélats et les avocats de la
congrégation des rites s'avancent au pied du
trône, et l'un d'eux lit un passage du plaidoyer,
canonique. Mais bientôt, sur un signe du Pape,
Mgr Riggi arrête le lecteur. C'est le moment
solennel de l'imposition du chapeau.
Sur le plus haut degré du trône pontifical
chacun des nouveaux porporati est venu s'age-
nouiller. Les cérémoniaires pontificaux leur;
rabattent sur la tête le capuchon de la cappa
magna. Le Pape, avec l'aide de ses camériers
participants, place sur la tête du nouvel. 61u J«<
Directeur
v RÉDACTION
DE QUATRE :HEURES DU SOIR A UNE HEURE DU MATIN
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ARTHUR YER
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Et à l'administration du Journal
Les manuscrits ne sont pas rendus
ADRESSE TÉLÉGRAPHIQUE: GAULOIS, PARIS
en raison des Fêtes de la Pentecôte, les
petites Annonces du Mardi seront reçues le
mardi 2 et paraîtront le mercredi 3 Juin.
du
Prinee Eagène
La physionomie de l'impératrice Joséphine
la légende.Elle perd,selon plusieurs.à p
être perdue dans un nuage doré elle gagne
aux veux de quelques-uns, car elle en devient
plus 'humaine. Joséphine mêle à une bonté de
cœur qui fit la base de sa popularité, une pro-
digalité vraiment sans égale, même en ce temps
où les prodigues ne pouvaient se compter et où,
en vérité, ils réalisaient des prodiges mais elle
y joint une étourderie délicieuse et l'incons-
cience de la femme la plus femme qui soit née
et ait vécu sur terre.
Il va s'en trouver des exemples en quantité
dans un livre qui paraîtra cet automne, où, d'a-
près les originaux conservés dans les archives
du duc Georges de Leuchtenberg, seront pu-
bliées les lettres adressées par Joséphine à son
fils, depuis le jour où elle le laissa en Italie
comme vice-roi, jusqu'à l'époque de l'abdication
de Napoléon. Cette suite de documents intimes,
reliés seulement par un commentaire qui en
fixe les dates et qui en précise les personnages,
éclairerad'un jour nouveau ce côté du caractère.
Joséphine y apparaîtra bien plus mère de son
fils qu'elle ne fut jamais de sa fille non seule-
ment aimant son fils comme étant son fils, mais
comme étant un homme, un conseiller, au be-
soin un protecteur. Elle paraît n'avoir point de
secrets pour lui elle lui raconte ses tristesses,
ses querelles avec Bonaparts (ainsi qu'elle l'ap-
pelle toujours), ses raccommodements, ses pro-
jets et ses bonnes résolutions. Et c'est une chose
des plus étranges de trouver ce fils établi, dès
ses vingt ans, dans la confidence de tout ce que
fait sa mère et lui rapportant ce qu'il a entendu
d'elle et ce qu'il a appris. Le cas n'est point uni-
que, et la lecture que l'on peut faire des corres-
pondances intimes remontant à un siècle entre
mères divorcées ou veuves et fils demeurés res-
pectueux et tendres (plus tendres même que
respectueux) montre à quel point il fut fréquent.
11 semble que les fils acceptassent de voir, près
de leur mère, à la place qu'eût dû occuper le
père vivant ou que son ombre eût dû remplir,
un homme, un étranger, et qu'ils pussent vivre
près de lui, le rencontrer du moins, lui adresser
la.parole, parler de lui à leur mère Et cela ne
supprimait point la déférence ni l'affection, et
l'on parlait de l'intrus avec un naturel qui,
s'il déconcerte les gens de notre généra-
tion, paraîtra sans doute tout simple à ceux
des générations prochaines. Il y avait comme
une facilité répandue qui rendait sur ce point
délicat les ententes possibles. Et d'ailleurs il
semble que,'sur presque tout, l'on se comprît à
mi-mot, sans appuyer, avec une grâce légère.
Même parfois oubliait-on, après être convenu
des choses, d'annoncer qu'elles étaient accom-
plies. Ainsi n'est-il pas à mon gré de meilleur
exemple que celui de la correspondance de la
mère et du fils au sujet du mariage de celui-ci.
Certes, Eugène était au courant des projets
qu'avait formés son beau-père pour l'unir à
une princesse d'Allemagne et sans doute n'igno-
rait-il pas que M. de Thiard, chambellan de
l'Empereur, avait, pour cet objet et d'autres, été
envoyé en mission au-delà du Rhin. Mais pour
qu'on vît jour à une telle alliance, il fallait rom-
pre des accords déjà conclus entre le prince
de Bade et la princesse Auguste de Bavière,
accords que rendaient singulièrement forts les
liens de parenté existant entre les deux mai-
sons l'Electrice de Bavière, belle-mère de la
princesse Auguste, étant la propre sœur du
prince de Bade. Toute l'Europe impératrice
de Russie, reine de Suède, princesses de Darm-
stadt, s'intéressaient à ce mariage mais il dé-
pendait de l'empereur Napoléon de distribuer
des couronnes et d'élever des trônes. Il fronça
le sourcil et l'on ne parla plus de cette désirable
union.
Dès la première lettre que Joséphine écrit à
*de Plombières, où elle est allée prendre les
eaux, elle glisse cette phrase qui n'a l'air de
rien « Tu sais sans doute que le mariage du
prince de Bade est rompu, ce qui donne de
grandes espérances pour la personne que tu
connais. J'ai vu son portrait. On n'est pas plus
belle. Et elle pa.sse.
Déjà à ce moment la guerre contre l'Autriche
paraît probable, l'empereur d'Allemagne n'a
pu abdiquer de bon gré la couronne élective
que les intrigues de sa maison ont rendue héré-
ditaire.L'Autriche déclare la guerre. La Grande-
Armée est en marche. Elle est à Munich. Elle
est à Ulrri « J'ai rempli mon dessein, écrit
l'Empereur à l'Impératrice j'ai détruit l'ar-
mée autrichienne par de fortes marches, j'ai
fait 60,000 prisonniers, pris 120 pièces de ca-
non, plus de 90 drapeaux. Je vais me porter su.r
les Russes ils sont perdus. » Et il termine par
cette phrase qu'il n'hésite point à dire à une
mère, tant ce temps, ces circonstances, l'am-
biance commandent l'héroïsme « Dès l'ins-
tant que je serai tranquille sur l'Italie, je ferai
battre Eugène. »
Il n'aura d'ailleurs point à se battre, cette
fois, cet heureux jeune homme. De Strasbourg
où, comme on sait, Joséphine s'est transportée
dès le début de la campagne, pour s'approcher
du théâtre des événements, elle écrit à son fils,
le 21 brumaire (12 novembre). « On dit que
l'Electeur m'attend à Munich et qu'on prépare
de belles fêtes pour moi. La plus agréable sera
de t'y voir. L'Empereur m'en a donné l'espé-
rance dans une de ses lettres. Tu connais ma
tendresse pour toi, mon cher fils, et tu dois
sentir combien je serais heureuse de voir se
réaliser cette espérance. J'ai reçu de M. de
Talleyrand, il y a peu de jours, une lettre dont
j'ai été enchantée. Il me mandé que l'Empe-
reur lui a dit, en parlant de toi C'est étonnant
les progrès que ce jeune homme fait tous les
jours. Il est déjà plus capable de gouverner que
Le Brun. Comme M. de Talleyrand me parlait
dans cette même lettre d'un mariage auquel il
s'intéresse ainsi que toi et qu'il croit devoir se
réaliser, je lui ava'is promis de brûler sa lettre
et je lui ai tenu parole mais une phrase
comme celle-là ne s'oublie pas. »
Et elle ajoute en post-scriptum « J'ai vu ici,
le prince électoral de Bavière. Il m'a beaucoup
parlé de toi, de l'attachement qu'il t'avait voué.
Il m'a priée, lorsque je t'écrirais, de te dire com-
bien il t'aimait et combien il était heureux de
faire ta connaissance. »
Et puis, quarante-huit jours s'écoulent et
probablement cinquante-deux ou cinquante-
quatre c'est par les gazettes qu'Eugène ap-
prend que sa mère a quitté Strasbourg,
qu'elle a séjourné à Stuttgart, qu'elle est arri-
vée à Munich. Pas un mot d'elle Il expédie un
courrier « pour porter à ses pieds les homma-
ges dus à sa mère au premier jour de l'année »,
et ce courrier ne lui rapporte ni une lettre de
l'Impératrice, ni un mot d'une des dix mille
tisonnes « qui sont auprès d'elle et qui eus-
sent rempli avec intérêt cetts commission ».
mais le billet que voici, littéralement
L'INSPECTEUR DES POSTES AU PRINCE EUGÈNE
« Munich, le 30 décembre 1805.
» Monseigneur,
S. M. l'Impératrice me charge d'écrire à
Votre Altesse pour lui accuser réception de sa
dépêche et pour lui confirmer le contenu de ma
première par laquelle Sa Majesté m'avait
ordonné de lui annoncer son mariage avec la
Princesse Auguste de Bavière.
» Sa Majesté me charge de dire à Votre Al-
tesse qu'elle se porte bien et qu'elle est très
impatiente d'avoir l'honneur de le voir.
» Je me trouve très heureux et très honoré
de pouvoir une seconde fois prier Votre Altesse
d'agréer l'hommage du dévouement sans bor-
nes et du profond respect avec lequel je suis,
» De Votre Altesse Sérénissime,
Le très humble et très obéissant serviteur.
» BOULENGER. »
Ainsi, c'est par un inspecteur des postes
qu'Eugène, celui qui, tout à l'heure Altesse im-
périale, va, comme EUGÈNE Napoléon DE FRANCE,
être uni à la fille des Wittelsbach, c'est par un
inspecteur des postes qu'Eugène apprend offi-
ciellement (c'est lui oui souligne) la nouvelle de
son mariage, et c'est la première fois depuis
sept semaines que sa mère lui fait écrire.
L'aime-t-elle moins ? Non, certes. Elle ne
pense qu'à son avancement et à son bonheur.
Mais elle n'a pas le temps et elle est si légère
en ses pensées et si médiocrement raisonnable
que, s'agissant de la plus haute fortune qu'ait
pu atteindre son fils, elle est trop paresseuse
pour, lui en faire' part et qu'ayant délégué ce
soin à l'inspecteur des postes, elle se tient pres-
que quitte. Elle écrira quand elle aura le
temps. Au moins a-t-elle fait mieux que
d'écrire, elle a agi et ce ne fut pas si simple,
après que l'Empereur eut décidé le mariage,
de lever les oppositions de belle-mère, de tan-
tes, de cousines, etc., etc. Ce trait de caractère
ne vaut-il pas pourtant d'être retenu, et com-
bien d'autres aussi significatifs ne trouve-t-on
pas dans ces lettres auxquelles je reviendrai
Frédéric Masson
de l'Académie française
Ce qui se passe
LA POLITIQUE
CONSULTATIONS
Où est l'avenir de la France ?
Telle est la question posée par le Matin à
tous les Français et à toutes les Françaises.
Notre grand confrère ayant spécifié qu'il
s'agit, dans son esprit, d'indiquer l'idéal nou-
veau vers lequel devra s'orienter la république,
« lorsque seront résolus les quatre problèmes
de la loi militaire, de la défense laïque, de la
réforme fiscale et de la réforme électorale la
Lanterne faisait remarquer, hier, non sans
quelque apparence de raison, qu'on avait du
temps devant soi. N'importe Telle qu'elle
se présente, l'idée du Matin n'en est pas moins
fort intéressante, et je n'en veux pour preuve
que l'affluence des réponses déjà reçues par no-
tre confrère, réponses émanant de personnalités
éminentes du monde des lettres, de politiciens
en vue et aussi de très modestes inconnus.
Le Matin, depuis deux jours, en a publié un
certain nombre il en a de curieuses.
Une. place à part doit être faite à la lettre de
M. Gabriel Hanotaux, de l'Académie française,
qui, avec la haute autorité que tous s'accordent
à lui reconnaître, préconise « plus de tolérance
à l'intérieur et plus d'initiative à l'extérieur ».
Comme, au temps jadis, les marchands d'or-
viétan sur le Pont Neuf, les politiciens font le
boniment en faveur de leurs produits c'est
ainsi que M. Pelletan s'efforce à recommander
à la démocratie de « s'affranchir des puissances
financières cependant que M. Gaston Thom-
son ne voit rien à inscrire au programme en
dehors du « développement naturel du régime
parlementaire républicain
Parmi les autres consultants, certains sont
remplis de bonne volonté tel celui qui prône
« une politique économique susceptible de dé-
velopper les forces productives du pays ». Je
goûte moins, par exemple, le hardi réformiste
qui place tous ses espoirs dans la suppression de
l'héritage. A ceux qui voient l'avenir de la
France dans ses colonies ou bien encore
« dans une décentralisation absolue je pré-
fère celui qui le place dans « le culte du sacri-
fice
Ce n'est pas non plus une mauvaise idée que
de vouloir « exercer l'enfance à mieux penser
et j'applaudis aux desiderata de M. J. Vanel
réclamant « un gouvernement sain, pour un
peuple éduqué
Alors que M. Pierre de Va1'lès aspire après
« une tête Diogène cherche « un homme
ce qui reviendrait au même. Je passe sur les
vœux exprimés en faveur du vote des femmes
et de la suppression de l'alcoolisme, et, comme
il me faut conclure, ma conclusion sera, si
vous le voulez bien, qu'un si grand nombre de
médecins, préconisant tant de remèdes diffé-
rents, apparaît, comme peu rassurant pour le
malade qu'est le régime.
Peut-être un rebouteur énergique parvien-
drait-il à prolonger de quelque temps son
existence, mais combien plus rationnelle la con-
sultation suivante
L'avenir de la France, monsieur, est dans le
,retour du descendant de nos rois.
68, rue Bonaparte.
M. Lecroy, que je n'ai pas l'honneur de
connaître, excelle en l'art de dire brièvement
d'utiles vérités. L. DESMOULINS.
ÉCHOS POLITIQUES
Lundi, pour sa rentrée, la nouvelle Chambre
aura à constituer son bureau provisoire en at-
tendant qu'elle-même après les vérifications
des pouvoirs se puisse constituer définitive-
ment.
M. Paul Deschanel président sortant
n'aura pas de concurrent et sera maintenu dans
ses précédentes fonctions à une imposante ma-
jorité. Et ce sera justice.
Les deux fauteuils vice-présidentiels provi-
soires seront, au contraire, très disputés. Qua-
tre candidats sont déjà en présence MM. Ra-
bier, Clémente!, Messimy et Augagneur.
A cette vice-présidence, les républicains au-
ront le regret de ne pas voir aspirer celui qui
depuis une vingtaine d'années y avait toujours
été appelé par leur confiance affectueuse. M.
Eugène Etienne déclarait hier qu'il renonçait
à se représenter.
L'ancien ministre de la guerre fut pour la
première fois, le 10 janvier 1884, élu secrétaire
de la Chambre. Le 11 janvier.1893, il était nom-
mé vice-président et, depuis cette époque, ce ne
fut pour lui, entre le fauteuil présidentiel et le
maroquin ministériel, qu'un continuel et bril-
lant chassé-croisé.
M. Etienne, en faisant part de sa détermina-
tion à nos confrères, leur exposait simplement
qu'il était une heure où on devait s'effacer pour
faire place. aux autres. « Place aux jeunes »
Les anciens députés et les journalistes parle-
mentaires, qui ont pu apprécier avec quelle au-
torité toute de bienveillance M. Etienne diri-
geait les débats, regretteront une résolution que
rien ne faisait prévoir.
LECROY,
£ ÉCHOS DE PARTOUT
Académie française.
Dans la séance d'hier qui fut présidée par
M. Maurice Donnay, directeur, assisté de MM.
Boutroux, chancelier, et Etienne Lamy, secré-
taire perpétuel, l'Académie française nous
l'avions annoncé a décerné le prix Jean Rey-
naud, dont la valeur est de dix mille francs,
à M. Bedier, professeur de langue et de litté-
rature française du moyen âge au Collège de
France, pour l'ensemble de ses œuvres.
M. Bedier est l'auteur d'un ouvrage sur nos
vieilles épopées, intitulé Légendes épiques.
Ses premiers volumes lui avaient valu précé-
demment l'honneur de se voir attribuer une
des plus importantes récompenses que l'Acadé-
mie puisse décerner le grand prix Gobert.
Les Immortels ont ensuite décidé que, dans
la prochaine séance, serait faite une proposi-
tion pour les prix d'ensemble prix Vitet, 2,500
francs prix Calman-Lévy, 3,000 francs prix
Alfred Née, 3,500 francs prix Lambert, 1,600
francs prix Maillé La Tour-Landry, 1,200
francs, etc., etc.
Le comte d'Haussonville, déjà délégué de
l'Académie des sciences morales et politiques,
a été désigné par la Compagnie pour la repré-
senter aux fêtes qui seront données à Oxford,
en l'honneur de Roger Bacon.
Enfin l'Académie française a choisi M. Jean
Richepin pour la représenter, les 7 et 8 juillet
prochain, à Guernesey, aux fêtes d'inaugura-
tion du monument élevé en l'honneur de Victor
Hugo.
Les Quotidiennes
-̃ ..l'heureuse CONFIANCE
L'amour conjugal semble en ce moment dans une belle
période. C'est bien son tour. Après tant de fâcheuses
apparences et de regrettables anecdotes, voici qu'il
triomphe heureusement, jusque dans les airs, et l'exemple
que donnent toutes ces épouses si aveuglément dévouées
à cette heure aux trouvailles scientifiques de leur maître
mérite bien en effet d'impressionner ceux qui d'aventure
s'imagineraient que le mariage, s'il est toujours un beau
sacrement, peut être parfois une difficile institution.
Avec une admirable bravoure, une confiance vraiment
originale dans le talent et l'infaillibilité de son mari, on
a vu hier encore une jeune femme se prêter à l'essai si
redoutable pourtant d'un très fragile parachute. Non, pas
une question à cet inventeur un peu placé cependant
comme un grand homme vis-à-vis de son valet de cham-
bre pas un doute, une inquiétude. Dès l'instant qu'il
assurait le succès, il n'y avait qu'à se lancer à travers
les nuages, et l'expérience vient en effet de réussir à
merveille, et pour la première fois, d'avoir été dans les
nuages, cela ne peut se reprocher à une jolie femme.
M. Jean Finot faisait ces jours-ci à Londres une confé-
rence vivement applaudie sur le bonheur, et établissait
sur la bonté ses chances les plus sûres. D'autres philo-
sophes ont rêvé l'avènement du bonheur par la science.
Quoi qu'il en soit, voilà un cas de parachute et d'inven-
tion nouvelle qui, par l'harmonie conjugale qu'il révèle,
semble devoir donner raison à ces philosophes-là, et,
terrible et fameux, « l'arbre de la science n cette fois
n'aura produit que de bons fruits. Espérons qu'il voudra
bien continuer ses excellents offices au pauvre monde.
Mais ce qu'il faut noter déjà c'est que, contrairement à
la tradition, c'est de l'Eve aujourd'hui que nous vient le
bon exemple; et, justice à lui rendre, il est probable, en
supposant les rôles renversés et l'inventeur une femme,
que du côté des maris les choses ne se passeraient pas
si galamment. ALEXANDRE HEPP.
Aujourd'hui aura lieu, à la galerie des';
'Champs-Elysées; la vente de charité la plus im?
portante de l'année, celle de la Charité mater-
nelle. On trouvera plus loin la composition des
comptoirs.
On sait que cette œuvre, la plus ancienne de
France, a été fondée par la reine Marie-Antoi-
nette, présidée ensuite par.la duchesse d'An-
goulême et la reine Marie-Amélie, et réorgani-
sée par l'impératrice Eugénie. Elle est présidée
par .Mme la duchesse de Mouchy, avec un zèle
et une bonté incomparables.
Le bien que fait cette œuvre est de tous les
jours et de tous les instants, et rien n'est mieux
fait pour montrer la sollicitude des classes ri-
ches à l'égard des pauvres. Aussi, tout Paris
défilera aujourd'hui à cette vente, et le résultat
en sera des meilleurs pour les malheureux.
La rue de la Paix présentait hier une anima-
tion encore plus grande que d'habitude. Autos
brillantes et fringants équipages y débou-
chaient de tous côtés et une affluence des plus'
élégantes se pressait dans les riches magasins;
et les salons de MM. Cartier, les joailliers bien j
connus, où s'ouvrait l'exposition d'une collec-
tion de perles vraiment uniques et de délicats
bijoux inspirés de la décadence romaine. On
ne saurait se faire une idée exacte de la beauté
incomparable, de la rareté de ces perles mer-
veilleuses, de la magnificence de ces joyaux et
de l'art exquis avec lequel ils sont appropriés
aux goûts de la femme moderne. Aussi cette
exposition, qui durera jusqu'au 6 juin, a-t-elle
obtenu un succès énorme qui en fait un événe-
ment parisien sensationnel.
Le froid que nous subissons, un froid pres-
que de novembre, a de quoi nous étonner. La
transition a été brusque et très sensible. Cette
température absolument anormale a été cause
que les demandes de quinquinas ont augmenté
dans des proportions considérables, inconnues
généralement à cette époque de l'année. C'est j
ainsi que l'excellent Dubonnet, qui, en temps
ordinaire, sert déjà, au mois de mai, étendu
d'eau, de boisson rafraîchissante, se boit par-
tout, en ce moment, comme tonique.
La grande fête au profit des blessés militaires
du Maroc, dont nous avons déjà parlé, aura
lieu les samedis 13 et 15 juin, dans la salle des
fêtes de Mme la comtesse de Béarn, 123, rue
,Saint-Dominique. On sait que cette solennité est
sous le patronage de la Croix Rouge Française.
On donnera une opérette et un ballet égyptien,
des plus curieux. Nul doute que la société pari-
sienne s'empressera d'apporter son concours à
une œuvre qui permet de donner à nos petits
soldats blessés pour la Patrie tous les soins et le
réconfort qu'ils méritent si bien.
Nous engageons nos lecteurs à passer leurs
vacancxs au Nice-Havrais, à Sainte-Adresse, le
Passy-Auteuil du Havre, desservi par trois
lignes de tramways conduisant en cinq minu-
tes au centre de la ville. Grand Hôtel des Réga-
tes et superbe Hôtellerie, situés au bord de la
mer avec tout le confort moderne, grands.gara-
ges pour autos et chambres de mécaniciens.
On' peut louer pour l'année, au même prix que
pour la saison, des villas meublées ou non, ou
des appartements dans les immenses immeu*
blés avec square particulier, édifiés par
M. Dufayel, et y passer ainsi toutes les fêtes
la douceur du climat permettant d'y habiter
toute l'année. Terrains et villas à vendre.
Nos arbres, nos chers arbres parisiens,
orgueil et parure des promenades publiques,
s'étiolent lentement, minés par un mal mysté-
rieux qui.éclaircit leurs frondaisons et tarit la
sève de leurs racines.
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés.
Le long des boulevards, aux Champs-Elysées
et jusque dans l'élégante avenue du Bois, ce ne
sont que feuillages clairsemés et branches dé-
nudées d'où tombe un semblant d'ombre.
Préoccupé de ce dépérissement anormal, M.
Quentin-Bauchart, conseiller municipal, vient
d'en aviser l'administration préfectorale. Et le
distingué édile parisien demande quelles mesu-,
res on compte prendre pour conjurer le mal.
Nous avons, en attendant, questionné un des
jardiniers principaux de la Ville de Paris sur
les causes de la maladie de nos arbres.
Ces causes, nous a-t-il dit, sont permanen-
tes. Le sol parisien n'est guère favorable à la
santé des arbres par suite des nombreuses infil-
trations de gaz qui s'échappent des canalisa-
raison des incessants travaux-
de voirie que. l'on exécute un peu partout. Les
canalisations électriques y ont aussi leur part.
En outre, la terre végétale est épuisée en beau-
coup d'endroits il faudrait la renouveler.
Enfin, en ce qui concerne les arbres de l'avenue
du Bois-de-Boulogne, il est probable qu'ils sont
victimes du goudronnage que l'on a pratiqué
sur cette voie.
Ayant ainsi parlé, l'homme des jardins for-
mula quelques ordres brefs à des subordonnés
occupés à transplanter un jeune platane.
La gourmandise, quand elle se confond avec
l'élégance, est le péché charmant de toutes les
petites bouches féminines. Aussi 'les Parisien-
nes sont-elles enchantées d'un exquis et ravis-
sant petit gâteau, répondant au joli nom de
« Mousmé qu'elles dégustent depuis quel-
ques jours à 1' « Ermitage de !Longchamp" » et
qui jouit d'une faveur bien méritée. C'est une
délicieuse pâtisserie très fine, très moelleuse,
adorablement parfumée. Du reste, 1' « Ermitage
'de Longchamp » possède quelques succulentes
friandises de ce genre qui n'appartiennent qu'à
lui, qu'on ne trouve que là, et dont nos aima-
bles mondaines se montrent très enthousiastes.
Hier, M. Viviani, ministre de l'instruction
publique et des beaux-arts, et M. Jacquier,
sous-secrétaire d'Etat, ont visité l'Exposition
rétrospective des Peintres de Venise, ouverte
jusqu'au 20 juin, à la galerie Brunner, au béné-
fice de la « Fraternité Artistique ».
Le ministre et le sous-secrétaire d'Etat ont été
reçus par les membres du comité d'organisa-
tion et par "une élite de collectionneurs et
d'amateurs parisiens. On remarquait MM..
Henri de Régnier, J. Blanche, Benedite, baron
Chassériau, Armand Dayot, J. Faure, Bailleha-
che, Fr. Flameng, H. Gonse, Walter Gay,
Robert Hénard, Franc Lamy, Alb. Lehmann,
Ern. May, Cam. Mauclair, P. de Nolhac,
Poilpot, etc.
Les visiteurs se sont arrêtés longuement de-
vant les merveilles de Tiepolo, Canaletto,
Guarcli et autres, prêtées par MM. W. Blumen-'
thal, Edouard Kann, Maurice de Rothschild,
Bonnat, docteur Chauffard, Flameng, docteur
Oulmont, comte de La Riboisière, Lehmann,
baron Lazzaroni, et devant les modernes ayant
à leur tête Bonington, Ziem, Joyant et Corot,
dont les chefs-d'œuvre sont empruntés aux
collections Sabourdin, Taubert, docteur Four-
nier, Joyant, Mme Esnault-Pelterie, etc.
L'exposition restera ouverte pendant les
jours de fête.
NOUVELLES A LA MAIN
Entre élus unifiés.
Que comptes-tu faire à la rentrée ?
Belle demande Une violente sortie contre
la loi de trois ans, parbleu
Un Domina
Villiers le l'Isle-lii
et TAme bretonne
On inaugurerai bientôt, à Samt-Bneuc, un
monument à l'auteur des Contes cruels et de
L'Eve future, de Tribulat Bonhomet et d'Axel,
au grand Villiers de l'Isle-Adam, qui eut du
génie et qui mourut si pauvre.
Défendons-nous d'insister sur l'inconsciente,
la cruelle ironie qui semble présider, si loin par
delà le tombeau, à la tragique destinée du poète,
et qui veut que des honneurs officiels soient au-
jourd'hui rendus, si tard à cet homme qui de-
vançait son temps et que, de son vivant, si peu
de gens reconnurent pour ce qui il valait.
Peut-être, après tout, y a-t-il, en effet, une
sorte d'équité profonde à ce que de tels artistes
n'obtiennent l'unanime admiration qu'auprès
des enfants de ceux à qui ils s'adressaient. Nul
n'est ni ne doit être prophète en son temps, pas
plus qu'en son pays, et il est tout naturel que,
puisque Villiers avait parlé à des hommes fu-
turs, les hommes actuels l'aient laissé passer
sans le comprendre.
Quoi qu'il en soit et quoi que l'on pense de
la valeur d'un buste ou d'une statue dans l'apo-
théose d'un héros littéraire, on ne pouvait mieux
choisir en tout cas que la Bretagne pour y élever
ce monument, la Bretagne, cette terre classique
de la rêverie et de la mysticité, des tendresses
profondes et des grandes mélancolies, cette terre
âpre et forte qui nourrit de sa sève l'arbre hé-
'raldique dont Villiers fut la fleur suprême.
Quelque attaque qu'ait subie, de la part de l'é-
rudition moderne, la vieille théorie de Taine,
elle garde cependant une certaine part de vé-
rité, évidente surtout lorsqu'il s'agit de certains
sols particulièrement chargés d'influence, si je
puis dire. Ainsi la Bretagne. Chose assez digne
de remarque, Villiers, qui fut profondément et
religieusement Breton, y fit des allusions assez
rares. Un grand amour se reconnaît à la pudeur
de son silence. Il est vrai qu'il n'eut ni la pensée
ni le besoin de composer ses mémoires mais
comparez-le un instant à cet autre grand Breton
que fut Chateaubriand. Eh bien, des deux poè-
tes (toute comparaison de grandeur littéraire à
part, bien entendu) c'est le père d'Atala qui est
le plus déraciné, malgré l'évident plaisir qu'il
prend à rappeler son origine abrupte, rocheuse,
armoricaine. Il y a en Chateaubriand un côté
cosmopolite, dû beaucoup à son genre de vie
errant, mais beaucoup aussi à ses goûts de di-
plomate et de dilettante. C'est un des premiers
esprits européens. Pour mieux embrasser le
monde, il s'étend, au risque de se disperser. Et
il serait aussi inutile de lui dénier ce cosmopo-
litisme, d'ailleurs magnifique et fécond, qu'in-
juste de méconnaître en lui ce fond d'âme bre-
tonne, qui fut peut-être le secret de sa mélan-
colie. Ce n'est pas seulement pour l'apparat
qu'il a exigé sa tombe en plein rocher atlanti-
que.
Mais Villiers, pour avoir moins parlé de sa
patrie, y fut peut-être plus attaché encore. Seu-
lement les liens étaient plus inconscients. Ils
plongeaient plus profondément dans son esprit
et dans son cœur, ils inspiraient, sans qu'il s'en
doutât même, tous ses actes et toutes ses pen-
sées.
Et d'abord son mysticisme. A une époque
terriblement matérialiste, uniquement éprise
de réalité positive immédiate,. il eut ce courage
de paladin d'affirmer, en idéaliste absolu, la
réalité unique et exclusive de l'esprit. S'il
n'avait été retenu par sa foi très vive et très
profonde, il se serait certainement laissé aller
jusqu'aux conclusions les plus hardies d'un
Fichte, d'un Hegel surtout, penseur pour lequel
il professait une admiration sans bornes. Il en
fût arrivé à proclamer la vanité, l'inexistence
du monde extérieur. Il ne l'a pas fait, pour la
raison que j'ai dite, et cette conception n'est
restée chez lui qu'une sorte de suggestion poé-
tique, de hantise, de rêve. Mais ce rêve domina
toute son œuvre. Il lui inspira ce mépris sou-
riant et parfois acerbe de tout ce que n'est point
la pensée, le mépris des petites satisfactions
matérielles auxquelles s'attachent la plupart
des hommes. Et c'est bien là qu'il faut chercher
le secret de sa prodigieuse ironie. Son rire était
celui d'Ariel se moquant de l'aveugle Caliban,
ivre et satisfait, et si parfois ce rire devient
amer, farouche, terrible et perd la sérénité an-
gélique qu'on voudrait toujours entendre ré-
sonner en lui, ce n'est que trop explicable,
hélas Villiers n'était pas un pur esprit, mais
un homme, et vraiment trop martyrisé par
cette fatalité mesquine, minutieuse et sordide,
qui s'appelle le Guignon.
Toute l'ironie des Contes cruels et celle, en-
core plus dense, et secrète, et retordue de Tri-
bulat Bonhomet, c'est 'l'autre face de l'idéalis-
me mystique du poète, et donc elle a la même
origine. Quoi d'étonnant à ce que, rencontrant
si peu d'âmes pour tant de faces humaines,
Villiers ait acquis peu à peu ce mépris que l'on
retrouve presque pareil chez un Edgar Poe,
chez un Baudelaire ? A cette différence près
cependant que son amertume n'a jamais rien
de personnel. Il considère les choses de trop
haut pour ne pas considérer son malheur pro-
pre comme dû à des influences très générales,
universelles. On cite de lui cette boutade, à la
fois si amusante et si navrante « Ah je m'en
souviendrai de la planète Terre. » Quand on
envisage sa propre vie comme un événement
aussi cosmique, on ne peut décemment pas en
vouloir à Monsieur Un Tel ou à Madame X.,
d'une déception ou d'un malentendu. Un peu
de la sérénité des initiés se cache sous le mas-
que crispé du causeur et du journaliste.
Et puis, il y a encore en Villiers quelque
chose de très breton, c'est sa mélancolie, sa
puissance de rêverie, son amour du conte' et
de la féerie.
Certes, le romantisme a bien eu tout cela,
mais pas à ce degré, pas surtout avec cette sin-
cérité et cette qualité-là. La mélancolie roman-
tique est souvent superficielle. C'est un man-
teau, chatoyant de nuances nocturnes, que l'on
jette sur l'émotion. C'est une parure. L'artiste
romantique essaie de poétiser les visions de.la
vie, et d'une femme il fait volontiers une fée.
Mais, au fond, il sait que c'est une femme.
Tandis que Villiers, Breton jusqu'aux racines
de l'être, semble toujours perdu dans la bru-
me, l'embrun et le crépuscule. Ses créations
féminines, si pures, si tendres, si incertaines,
ce furent certainement d'abord des formes flot-
tantes entrevues sur la lande, des fées en vé-
rité. Et pour qu'elles puissent agir et aimer aux
pages de ses livres, il leur donne un minimum
de réalité matérielle, une sorte de vêtement de
chair. Et ce sont des héroïnes absolument pures
et idéales, ayant toutes le même air de famille
et qui parfois semblent n'avoir été conçues que
pour faire la réponse aux interrogations pas-
sionnées du poète..
Un jour même, comme impatient d'être en-
core plus le maître, le créateur, il imagina,
pour ainsi dire de toutes pièces, cette Eve fu->
ture dont on ne sait si elle représente la som-
me de tous ses désirs ou la plus amère dérision
du progrès et de l'avenir. Les deux peut-être.
Mais surtout une création pure, ne devant rien:
au réel, entièrement sortie de son cerveau.
On répète volontiers que Villiers fut, avant
M. Wells et M. J.-H. Rosny, un anticipateur
extraordinaire. Je n'en disconviens pas. Mais
ce fut plutôt par l'ingéniosité de ses déductions,
par l'habileté de sa logique. Ce qu'il y a en
lui d'autrement essentiel et profond, son génie
propre, c'est cette puissance indéfinie de rêve-
rie, cet idéalisme, cette foi, cette mélancolie,
ce mystère dont le dosage unique et parfait ne
pouvait s'élaborer que dans une âme bretonne.
Et il est juste que ce soit en Bretagne que l'on
honore sa noble mémoire.
Francis de Miomandre
Bloc-Notes Parisien
Comment voyage
une grande artiste
UN BOUDOIR AMBULANT
Hier, Mme Sarah Bernhardt était à Paris. Elle n'y
était que pour quelques heures, et ces quelques heures
ce n'est pas chez elle qu'elle avait décidé de les passer.
Son hôtel du boulevard Pereire est entre les mains des
réparateurs et des restaurateurs; aussi la grande artiste
avait-elle volontiers accepté l'hospitalité que lui offrait,
rue de Rome, un de ses plus anciens amis, un de ses
plus dévoués admirateurs, le peintre excellent et char-
mant qu'est M. Georges Clairin. Là, dans une pièce
vaste et claire qui tient du hall et de l'atelier, en un
de ces décors qui encadrent si bien la silhouette de la
« princesse du geste », et qui font souvenir du temps où
l'admirable tragédienne maniait le pinceau ou l'ébau-
choir, Mme Sarah Bernhardt a reçu quelques amis accou-
rus pour lui apporter leurs hommages et leurs vœux.
Elle les a reçus comme elle sait recevoir, avec autant
de bonne grâce que d'esprit, de simplicité familière pue
de noblesse élégante. Et à la voir ainsi souriante, à écou-
ter ses propos brillants et animés, on ne se serait guère
douté qu'elle est en ce moment un peu une blessée et
presque une malade. La sérénité de ses traits, le calme de
son teint, la luminosité de son regard ne trahissent pas
1 sa souffrance. Le mal ne se révèle que lorsque Mme
Sarah Bernhardt tente de se mettre debout et essaie de
marcher. Sa jambe droite se refuse à peu près à tout
mouvement la raison de cette infirmité temporaire, on
la connaît les dépêches que nous avons publiées l'ont
apprise à nos lecteurs. Alors qu'elle allait d'Amiens à
Liège, Mme Sarah Bernhardt fut victime d'un de ces fâ-
cheux hasards qui guettent à tout moment les plus éner-
giques comme les plus timides. Elle posa le pied sur le
marchepied de son auto un faux mouvement du corps
en rompant l'équilibre fit tourner le pied, et le genou
porta si rudement contre la carrosserie de la voiture qu'il
fut presque déboîté.
Avec cette vaillance et cette endurance qui ne sont pas
les traits les moins intéressants de la géniale personna-
lité de l'artiste, Mme Sarah Bernhardt voulut jouer, à
Charleroi, quand même. Mais ses forces trahirent son
héroïsme et il lui fallut s'avouer qu'un repos et un trai-
tement étaient indispensables. C'est pourquoi, interrom-
pant sa tournée, Mme Sarah Bernhardt était revenue hier
à Paris, et c'est pourquoi dès hier elle est repartie pour
Dax, où elle avait d'ailleurs dès cet hiver songé à faire
une saison, mais où elle ne pensait pas se rendre avant
le 16 juin.
L'automobile, cause indirecte de l'accident et des
souffrances de l'artiste, ne l'a pas dégoûtée de l'automo-
bilisme. Au contraire. Au char moderne d'Hippolyte,
Phèdre n'a pas gardé rancune. C'est en automobile que
Mme Sarah Bernhardt est arrivée ici; c'est en automo-
1 bile qu'elle va aller jusqu'à Dax.
Oh elle n'est pas de celles qui brûlent le ruban des
routes, et qui ne rêvent que vertigineuses randonnées.
Elle n'est pas de celles qui voudraient en un jour avec
leur 30 HP aller de Compostelle à Vienne, comme le
petit roi de la Légende des Siècles Plus, savante dans
l'art de se déplacer, plus experte à se donner des joies
d'artiste et des impressions de poète, c'est à petites
journées que voyage Mme Sarah Bernhardt, comme le
grand monarque en son carrosse ou le célèbre cardinal
dans sa litière rouge.
A Orléans, à Poitiers, à Bordeaux, l'illustre voyageuse
se reposera, et ce n'est que dimanche que, dans la bonne
ville de Dax, entrera son boudoir ambulant car la voi-
ture où elle va passer trois journées est bien cela, un
confortable boudoir où l'on peut à son aise écrire ou
lire, dormir ou rêver, et où rien ne manque des mille
brimborions dont aime à s'entourer une femme raffinée
un boudoir qui par ses fenêtres laisse apercevoir des
paysages toujours nouveaux, afin que celle qui l'habite
( ne se lasse pas d'un monotone décor!
Cette délicieuse façon de voyager qui renouvelle
avec quelle luxueuse fantaisie et quelle poésie de confort!
les us et coutumes des héros du Roman Comique de-
vait séduire Mme Sarah Bernhardt, et il y a bien long-
temps qu'elle caressait le rêve de la mettre en pratique.
La merveille contemporaine l'automobile a rendu
aisée cette réalisation mais alors qu'on ne prévoyait
guère le triomphe de la Reine Auto, la grande artiste
déjà cherchait comment elle pourrait aller vers les villes
où sa renommée et son génie étaient attendus, sans em-
prunter le rail, banal et sans imprévu, mais en suivant
les routes qui se déroulent à travers des campagnes va-
riées, en les suivant lentement, et en s'arrêtant au gré
de sa fantaisie, sans souci des horaires tvranniques. Et à
l'exposition de 1889 on put voir certaine roulotte aména-
gée avec le plus ingénieux raffinement et le goût le plus
piquant, une roulotte où Mme Sarah Bernhardt avait
songé à faire loger Thespis en sa personne. Ainsi, l'auto
qui l'emporte en ce moment vers Dax, vers le repos et
la guérison, lui permet de vivre un projet qui depuis
longtemps lui était cher, et qui avait tout pour plaire à
l'incomparable interprète des poètes.
Tout-Paris
Les Etats-Unis
et le Mexique
L>e résultat de la Conférence de
Médiation
La conférence de Niagara-Falls, qui s'étai6
engagée sous les plus fâcheux auspices, et que
l'on croyait vouée à un échec certain, a, semble-
t-il, donné de meilleurs résultats qu'on n'osait
l'espérer.
On annonce, en effet, et' sans préciser davan-*
tage, que les négociations sont sur le point
d'aboutir- au compromis que les médiateurs
avaient préconisé.
Les délégués mexicains et américains se se..
raient mis d'accord sur le projet suivant le
général Huerta quitterait momentanément le
pouvoir, en prétextant que son état de sanié
l'oblige à prendre un congé. Une junte serait
aussitôt constituée avec quatre membres du ca-
binet actuel: elle désignerait un Président
provisoire agréé par les Etats-Unis, et l'on pro-
céderait dans les délais les plus rapides à de
nouvelles élections.
Reste à savoir si le général Huerta ratifiera
'finalement les engagements contractés en som
nom par ses représentants.
Il est probable qu'il ne consentira à abandon-
mer ses fonctions que s'il reçoit l'assurance que
les constitutkmnalistes n'investiront pas Mexico
et ne violeront pas à leur profit les stipulations
du traité de médiation.
Or les troupes du général Villa continuent
leur marche vers la capitale, semant sur leur
passage la terreur et la destruction. D'autre
part, un navire allemand, en dépit des pro-
messes de la diplomatie allemande à Washing-
ton, a réussi à débarquer de nombreuses car-
gaisons d'a,rmes et de munitions commandées
par le général Huerta. Grâce à cet approvision-
nement opportun, il est désormais en mesura
de soutenir la lutte contre les rebelles.
Cédera-t-il à la tentation ?
R. d'A.
LE CONSISTOIRE PUBLIC
Grandioses Solennités
Imposition du chapeau
aux nouveaux cardinaux
Le Deuxième Consistoire secret
PAR DÉPÊCHE DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER
M. Visto
Rome, 28 mai..
Un consistoire public, avec ses rites majes-i
tueux et ses pompes grandioses, est une des
plus magnifiques cérémonies de l'Eglise, qui
en compte cependant de si belles, auxquelles
il soit donné à un catholique, d'assister.
C'est dire l'animation qui régnait ce matin
autour du Vatican. Tandis que prélats, ecclé-
siastiques, membres du corps diplomatique et
invités se pressent à la Porte de bronze pour se
rendre à la salle des Béatifications, une foula
des plus denses emplit, bien avant neuf heures*
la place Saint-Pierre.
Neuf heures. Les grandioses cérémonies con-*
sistoriales vont commencer. Processionnelle-'
ment, les nouveaux cardinaux, qui portent la'
cappa magna et la barrette rouge, se rendent
à la chapelle Sixtine pour prêter serment, préa
cédés et suivis de gardes suisses et de prélats
de. la Cour pontificale. Là, ils se groupent de;
vant l'immense fresque du Jugement dernier^
au pied de l'autel où, aux jours du conclave,
ils auront à déposer leurs bulletins de vote. Suri
l'invitation du cardinal vice-chancelier, en pré-;
sence des trois cardinaux doyens de l'ordre des
évêques, des prêtres et des diacres, ils pronon-i
cent, d'une voix lente, la formule des serments
solennels..
Ces serments sont de deux sortes. Les cardia
naux prêtent d'abord le serment ordinaire!
d'obéissance et de fidélité au Pape puis ils
jurent d'observer un certain nombre de consti^
tutions apostoliques qui leur ont été remises
précédemment, au 'nombre desquelles plusieurs!
revendiquent les droits temporels de l'Eglise.
Pendant qu'a lieu cette prestation de ser-
ment, Pie X, escorté de la garde noble, s'esii
rendu à la salle des Vêtements Pontificaux, où
sont groupés les hauts dignitaires de l'Eglise.,
,Il y revêt la chape rouge et la mitre d'or, puis,;
suivi de tout l'imposant cortège pontificale
se dirige, porté sur la sedia gestatoria, et ayantj
à ses côtés les flabelli, vers la salle du Consis-t
toire, en traversant les salles ducale et royale^
Sur son passage, s'agenouillent les fidèles qui
ont obtenu la faveur de faire la haie pour rece-»
voir sa bénédiction.
Soudain éclate le chant du Tu es Petrus, exé-i
cuté par la maîtrise de la chapelle Sixtine la
cortège vient de faire son entrée dans la salle)
consistoriale. Pendant que tous les assistants
s'agenouillent, le Pape descend de la sedia et va
prendre place sur son trône. Le consistoire pu-(
blic proprement dit va s'ouvrir.
Processionnellement, les anciens cardinaux sef
dirigent vers le trône pontifical et, après s'être;
inclinés par trois fois, baisent la main du Sou«
verain-Pontife. Le baise-main terminé, le préfet
des cérémonies fait un signe.
Les avocats consistoriaux, encadrant. le secréV
taire de la Congrégation des Rites, viennent sa
ranger au pied du trône. L'un d'eux donne lec-
ture, suivant l'antique tradition, d'un passage
du plaidoyer pour l'une des causes de béatifi-
cation. Puis il s'écarte de nouveau, et les car-
dinaux diacres s'avancent, s'inclinent devant le
Saint-Père et vont chercher les cardinaux nom
vellement promus, qui attendent dans la chaa
pelle Sixtine, cependant que l'avocat consister
rial reprend sa lecture. •<
Précédés,d'un piquet de la garde suisse, les
nouveaux princes de l'Eglise s'avancent majes-
tueusement dans la salle, la longue traîne de la
cappa magna se déroulant dans toute sa lon-
gueur. L'un après l'autre, ils se rendeni au trône
papal, font devant le Souverain-Pontife trois in-
clinaisons profondes, puis, montant les degrés,
lui baisent la main et le pied et reçoivent de
Pie X le -double baiser de paix. Ils passent en-
suite devant tous les cardinaux et donnent à'
chacun d'eux ce même baiser de paix.
Les nouveaux cardinaux vont alors s'asseoir
à côté de leurs collègues. Ceux-ci restent la tête
découverte pendant que les nouveaux princes de
l'Eglise mettent leur barrette rouge pour mon-
trer, suivant le rite, qu'ils n'ont pas encore le
droit de prendre une part active aux travaux du
Sacré-Collège.
De nouveau, les prélats et les avocats de la
congrégation des rites s'avancent au pied du
trône, et l'un d'eux lit un passage du plaidoyer,
canonique. Mais bientôt, sur un signe du Pape,
Mgr Riggi arrête le lecteur. C'est le moment
solennel de l'imposition du chapeau.
Sur le plus haut degré du trône pontifical
chacun des nouveaux porporati est venu s'age-
nouiller. Les cérémoniaires pontificaux leur;
rabattent sur la tête le capuchon de la cappa
magna. Le Pape, avec l'aide de ses camériers
participants, place sur la tête du nouvel. 61u J«<
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