Titre : Le Gaulois : littéraire et politique
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1913-11-17
Contributeur : Pène, Henri de (1830-1888). Directeur de publication
Contributeur : Tarbé des Sablons, Edmond Joseph Louis (1838-1900). Directeur de publication
Contributeur : Meyer, Arthur (1844-1924). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32779904b
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 17 novembre 1913 17 novembre 1913
Description : 1913/11/17 (Numéro 13183). 1913/11/17 (Numéro 13183).
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k535979q
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/04/2008
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ANNONCES
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Mt à Vaiminittration du Journal
Les manuscrit! ne sont pas unau.'
Une Lettre
apocryphe
JLe maréchal Ney au prince
d'Essling en mai 18IO
L'article qu'on va lire est extrait de l'ouvrage
la. Vae militaires du maréchal Ney, que publie^ le
général Bonnal et dont le tome III est à l'impres-
sion.
Par décret du 17 avril 18i0, daté de Compiè-
gne, l'Empereur créa l'armée de Portugal en la
composant du 2e corps d'armée (général Ré-
gnier), dU,66 corps (maréchal duc d'Elchingen)
et du 8" corps (général Juhot, duc d'Abrantès),
avec, pour commandant en chef, le maréchal
Masséna, prince d'Essling.
Ces trois corps d'armée avaient alors leurs
quartiers généraux à Alcantara (2° corps), à
Salamanque (6e) et à Valladolid (8°).
Le décret impérial du 17 avril parvint le
7 mai seulement.au maréchal Ney, à Salaman-
que, au moment où le commandant du 6° corps
s'apprêtait à mettre le siège devant la place es-
pagnole de Ciudad-Rodrigo, en exécution des
ordres du maréchal -Soult, major général du
-roi Joseph.
L'accusé de récoption dudit décret, adressé
par le duc d'Elchingen au prince de Neufchâtel
(maréchal Berthier), portait
« Quoiqu'il soit pénible pour moi d'être tou-
jours en sous-ordre, j'ai du moins la satisfac-
tion de reconnaître en cette circonstance que
les talents et l'expérience' du prince d'Essling
justifient le choix de l'Empereur. »
Le 7 mai, également, parvint au maréchal
Ney la lettre suivante du prince d'Esslin-, ex-
pédiée de Paris le 20 avril
« Mon cher maréchal,
Sa Majesté m'ayant confié le commande-
ment de l'armée de Portugal, dont le 6° corps
fait partie, je m'empresse de vous exprimer
tout le plaisir que j'éprouve à entrer en rapport
avec vous. Je fais mes dispositions pour me ren-
dre à Valladolid, où j'arriverai incessamment
et où je pourrai vraisemblabement vous témoi-
gner de vive voix toute la satisfaction que je
ressens d'avoir un collaborateur dont le con-
cours contribuera tant à l'accomplissement des
vues de Sa Majesté.
Agréez, mon cher maréchal, la nouvelle
assurance de ma sincère amitié.
» Le maréchal duc de Rivoli,
( » prince d kssling,
Signé » MASSÉNA. »,
Aux compliments affectueux de son nou-
veau commandant en chef, le maréchal Ney
répondit, le jour même, dans une lettre se ter-
minant par cette phrase
« J'espère que les circonstances me mettront
à même de justifier la confiance que vous m'ac-
cordez et que je mériterai aussi votre amitié,,
laquelle j'attache le plus grand prix. »
Le prince d'Essling jouissait, alors d'un grand
prestige, qu'il devait à ses anciens exploits
mais, en dépit de l'extraordinaire bravoure
dont il avait fait preuve, l'année précédente, à
Essling et à Wagram, le commandant de l'ar-
mée de Portugal n'était plus que l'ombre du
Masséna de Zurich et de Gênes.
A la date du 10 mai, le duc d'Elchingen adres-
sa au prince d'Essling, à Valladolid, un rapport
commençant ainsi
J'espère que Votre Altesse sera arrivée sans
accident à Valladolid et il me tarde de la voir
ici pour l'entretenir des opérations du siège de
Ciudad-Rodrigo.
Le commandant en chef, accompagné du duc
d'Abrantès, vint passer la journée du 15 mai à
Salamanque, et l'impression qu'il produisit sur
le maréchal Ney fut des plus fâcheuses, en ce
que le prince ne parut s'intéresser à rien.
Les troupes du,6° corps (3 brigades d'infante-
rie, 2 de cavalerie), bivouaquées devant Ciu-
dad-Rodrigo en attendant de pouvoir en faire
le siège, avaient alors beaucoup à souffrir du
mauvais temps. Aussi le maréchal Ney écrivit-
il, le 18 mai, au prince d'Egsling pour le prier
de venir le plus tôt posible voir par lui-même
la situation.
Ses lettres restant sans réponse, le duc d'El-
chingen, clnz qui la patience; n'était pas la
vertu dominante, adressa, le 20 mai, à son coin-
mandant en chef la lettre plutôt vive qu'on va
lire
aJe croyais que le voyage que Votre Altesse
a fait à Salamanque (1; 15 mai) avait pour but
de prendre une détermination au sujet des opé-
rations militaires pour pénétrer en Portugal et
forcer lord Wellington à en venir à une ba-
taille, ou bien pour les mesures à prendre en
-de donner suite au siège de Ciudad-Ro-
drigo.
» Cependant Votre Altesse ne répond à au-
cune de mes lettres et les circonstances exigent
une prompte décision.
» Les troupes du 6° corps qui observent Ciu-
dad-Rodrigo reçoivent leurs vivres de Sala-
manque. Les magasins qu'avec tant de peine
j'ai pu former ici (à Salamanque) seront bien-
tôt épuisés. Je prie Votre Altesse de me faire
• connaître ses résolutions, car, dans le cas con-
traire, je donnerai ordre aux trois brigades
d'infanterie, à la brigade de dragons et à la bri-
gade de cavalerie légère (au bivouac devant la
place) de se replier sur leurs (anciens) canton-
nements des environs de Ledesma, de Tama-
mes et de Salamanaue jusqu'à ce que Votre Al-
tésse ait pris une résolution.
» Cette mesure économisera les vivres et
épargnera, beaucoup les soldats qui, par suite
du mauvais temps, encombrent les hôpitaux de
malades. »
Au reçu de cette lettre, le prince d'Essling
prit la plume et, de sa meilleure encre, répon-
dif au maréchal Ney « Votre lettre m'a singu-
lièrement étonné. Je ne dois pas vous dissimu-
ler que je ne suis pas habitué à un pareil
style. »
En adressant au prince d'Essling la lettre
qui avait singulièrement étonné celui-ci, le duc
d'Elchingen avait cédé à un mouvement de
mauvaise humeur qu'excusent son zèle pour le
',service et sa nature impulsive. Mais les termes
de la lettre en question ne sortent pas des
..limites admises en matière de rapports entre
subordonnés et supérieurs.
Un vieux proverbe dit « On ne prête qu'aux
riches. »
On va voir que les boutades du maréchal
Ney. fournirent à un mystificateur l'occasion
d'imaginer, comme venant du duc d'Elchin-
gen, la lettre au prince d'Essling qu'on lira
plus loin.
La duchesse d'Abrantès (femme du général
Junot, commandant le corps), raconte dans
ses mémoires qu'au mois de mai 1810 le lieute-
nant-colonel Valazé, chef du génie au 8e corps,
fut envoyé par Masséna à Salamanque auprès
du maréchal Ney pour prendre la direction des
opérations du génie lors du siège prochain de
Ciudad-Rodrigo.
Le duc d'Elchingen aurait refusé, tout d'a-
bord, d'employer cet officier, attendu que le
chef de bataillon Conche, du 6° corps, parais-
sait à la hauteur de sa tâche.
Le lieutenant-colonel Valazé serait retourné
à Valladolid, puis, sur un, autre ordre du prince
dksskng-, aurait rejoint de nouveau le maré-
chal Ney a Salamanque, dans le même but que
précédemment..
̃C'est alors que le duc d'Elchingen aurait écrit
au prince d'Essling la lettre, jugée par nous
apocryphe, qui figure dans les mémoires de la
duchesse d'Abrantès; laquelle affirme l'avoir
copiée sur l'original.
'Cette lettre a été souvent reproduite pour
fairo ressortir la pseudo- indiscipline du duc
d Elchingen.
En voici le texte
« Monsieur le maréchal,
» Je suis duc et maréchal d'Empire comme
vous quant à votre titre de prince d'Essling
il n a d'importance qu'aux Tuileries.
«Vous; me dites que vous êtes le général en
chef de l'armée de Portugal. Je ne le sais que
trop. Aussi, quand vous ordonnerez à Michel
Ney de conduire ses troupes à l'ennemi, vous
verrez comment il obéira mais quand il vous
plaît de bouleverser l'état-major de l'armée,
formé rar le prince de Neufchâtel, vous com-
preniez que je n'écoute pas plus vos ordres que
je ne crains vos menaces.
Tenez, demandez au duc d'Abrantès ce que
nous fîmes, lui et moi,.lorsqu'il y a quelques
semaines, nous reçûmes de cet autre qui est
major général et qui a fait de si belles choses
là où nous allons, des ordres tout différents de
ceux que nous avions reçus de Paris et consé-
quemment de l'Empereur.
» Savez-vous ce que nous fîmes? Nous obéî-
mes aux ordres.de Paris et nous fîmes bien, car
on.nous loua beaucoup.
» Je reçois des lettres de Madrid où l'on m'ap-
pelait, je crois, rebelle comme c'est à peu près
comme si l'on m'appelait poltron, je n'y ai fait
aucune attention, et le général Junot aura su-ci-
ment fait de même.
» Adieu, monsieur le maréchal, je vous es-
time et vous le savez. vous m'estimez et je le
sais. Que diable N'allons pas mettre la zizanie
entre nous pour un caprice car enfin, com-
ment voulez-vous savoir si votre petit homme
lance une bombe mieux que la vieille mous-
tache, qui est, je vous l'assure, un solide gar-
çon. On dit que le vôtre danse bien tant mieux
pour lui mais ce n'est pas une raison pour
qu'il fasse danser ces enragés d'Espagnols, et
c'est ce qu'il nous faut.
» Recevez, monsieur le maréchal, etc..
» Maréchal NEY.
Cette lettre ne figure pas dans les archives
les ordres ou lettres du prince d'Essling au duc
d'Elchingen en 1810 et 1811. Elle est manifeste-
ment apocryphe pour les raisons suivantes
Le duc d'Elchingen n'a jamais employé
le terme monsieur le maréchal » dans ses let-
tres ou rapports à Masséna, et toujours il lui a
donné, dans sa correspondance de 1810 et de
1811, le titre de « prince »
2° Le prince d'Essling n'était pas homme à
faire des menaces au maréchal Ney, lequel ne
les eût point supportées
3° « Cet autre » c'est le maréchal Soult, et la
désobéissance aux ordres du roi d'Espagne,
transmis par son major général, est de pure
invention
4" Jamais le Roi et le duc de Dalajetie n'ont
traité Le maréchal Ney de « rebelle ni employé
à son égard un terme approchant;,»
5° Le duc d'Elchingen n'avait aucun goût
pour le genre badin et ne cultivait que la plai-
santerie facile aussi, la fin de la lettre qu'on
lui attribue est-elle en opposition formelle avec
son caractère
6° A partir de septembre 1808, et jusqu'au
commencement de 1813, Michel Ney a toujours
signé « Le maréchal duc d'Elchingen. »
Pour conclure, et nous ne saurions trop le
répéter, un mauvais farceur, comme il s'en
trouve parfois dans les états-majors,- a dû pren-
dre texte de la lettre du 20 mai au prince d'Ess-
ling, écrite en termes un peu vifs, pour en rédi-
ger une autre, grossière celle-là, qu'il a com-
muniquée à la duchesse d'Abrantès, en l'attri-
buant au maréchal Ney.̃
D'autre part, le 30 juin 1810, dix jours avant
l'assaut de Ciudad-Rodrigo, le colonel Valazé
fut désigné, par le prince d'Essling, pour com-
mander le génie du siège, et cette nomination
ne donna lieu, de la part du duc d'Elchingen,
a aucune observation.
̃̃ Général Bonnal
Ce qui se passe
LA POLITIQUE
UN VÉRITABLE DÉFI
La mode est au diptyque, dans lequel on
groupe, pour les opposer, les hommes qui
jouissent,, en ce moment, de la vedette pour des
causes différentes.
La Libre Parole confronte Pasteur'et Dide-
rot-; elle rappelle les belles paroles de Pasteur,
homme de science et de foi, qui a montré su-
perbement ce qu'elles pouvaient être quand
elles étaient unies
« J'ai étudié beaucoup, disait-il, et j'ai la
foi du paysan breton peut-être si j'avais étu-
dié davantage, aurais-je la foi de la pay-
sanne- bretonne 1
M. Barthou fait, en fort bons termes, l'éloge
de Diderot, mais il reconnaît que l'œuvre du
philosophie peut choquer les gens de goût il
y démêle un mélange magnifique de sentiments
élevés et de gravelures, d'idées profondes et de
plaisanteries grossières, d'effusions lyriques et
de platitudes.
Il admet que ses hardiesses spéculatives
auraient fait tort « aux idées de morale, de
civilisation et de progrès ». Enfin, il reconnaît
que la théorie de Diderot, « en supprimant la
liberté individuelle, anéantirait le droit social
et conduirait par l'irresponsabilité à l'anar-
chie ».
Ce jugement nous suffit, et nous n'avons
pas à nous demander où il convient de
classer Diderot comme éducateur et comme
philosophe surtout, nous n'avons pas à re-
chercher lequel de Pasteur ou de lui s'est
montré le plus digne de la reconnaissance de
ses concitoyens.
Tandis que la Libre Parole évoque l'admi-
rable figure de Pasteur et que M. Barthou nous
trace de Diderot un portrait auquel on pourrait
apporter de notables retouches, M. Judet, dans
l'Eclair, nous présente en pleine lumière deux
profils républicains qu'il oppose l'un à l'autre
M. Millerand et le général Faurie.
M. Millerand a racheté, dit-il, bien des er-
reurs en essayant de rétablir l'ordre dans les
rangs, d'éteindre les dissensions, de supprimer
les délations, de juger les officiers par leurs ap-
titudes et non par leurs idées philosophiques
sociales ou religieuses. Le général Faurie défend
énergiquement les vieilles méthodes inaugurées
par le général André « il fait fausse route, dé-
clare M.. Judat, s'il se figure, qu'il remontera!
le courant actuel. »
Et arrès ces hommes que nos confrères ont
justement opposés, voici la Lantcrne qui asso-
ci2 Diderot et Zola c'est un rapprochement
d'ailleurs qui s'impose, car l'un et l'autre ont
été des agents de destruction.
« Ce que nous entendons, dit notre confrère
glorifier dans Diderot et Zola, c'est précisément
leur philosophie, leur J'acéuse fièrement crié
contre les dogmes surannés, le fanatisme
odieux, les tyrannies .avilissantes. »
Or si les mots ont conservé leur signification
dogme est, dans la pensée de notre confrère,
synonyme de religion, fanatisme synonyme
d'église, tyrannie synonyme d'armée. C'est avec
ces trois éléments que se constituent l'ordre et
la discipline.
La Lanterne déclare que le jour où. Zola
traversera Paris, les républicains ont le devoir
d'être tous là pour cette traversée triomphale.».
Que la Lanterne- y prenne garde, nous qui
sommes pour tout ce qui rapproche contre tout
ce qui divise, nous ne poussons ras cependant
l'amour de l'apaisement jusqu'à prêcher le si-
lence et la réserve devant un pareil défi. Déjà
les camelots.du Roi font montre.d'une indigna-
tion très justifiée tous les patriotes se lève-
raient pour épargner à Paris l'humiliation dont
le menace la Lanterne.
M. Poincaré, M. Barthou, qui ont patriofique-
ment fait voter la loi de trois ans, seraient cer-
tainement invités à cette mascarade. Pourraient-
ils, voudraient-ils s'associer à l'apothéose des
l'auteur de la Débâcle? Arthur Meyer.
ÉCHOS DE PARTOUT
Tréguier est au nombre des petites villes
bretonnes dont le caractère archaïque et ls,
physionomie particulière se sont maintenus
en dépit des transformations nécessitées par le
progrès. Sa cathédrale, que Renan admirait
fort, est une des rares églises de France qui
aient conservé leur cloître à peu près intact.
Or, une vive irritation, nous écrit un de nos
lecteurs des Côtes:du-Nord, règne parmi la
plus grande partie de la population, à propos
des prochaines fêtes laïques, qui doivent avoir
lieu dans la patrie de saint Yves, avec le con-
cours de la franc-maçonnerie. Notamment, on
doit y inaugurer sur le champ de foire un
grand buste de la république, que les enfants
des écoles laïques viendront, par ordre supé-
'rieur., ,couronner teneurs et de feuillage.
Mais ce qu'il importe de faire ressortir, c'est
que le buste de la république sera posé sur
un piédestal qui, naguère, supportait, dans la
cour du couvent des Ursulines, une statue de
la Vierge. Et, pour couronner dignement cet
acte d'impiété, les sectaires de Tréguier n'ont
trouvé rien de mieux que d'élever l'effigie
de la république sur un terrain volé à l'an-
cien séminaire.
Les catholiques de Tréguier sont indignés
d'un tel sacrilège, qui froisse si profondément
leurs sentiments religieux.
Une dépêche annonçait avant-hier qu'en
quittant Beyrouth l'amiral de Lapeyrère avait
fait défiler son escadre devant le torpilleur
Hussard, à bord duquel se trouvait le patriar-
che maronite, chef suprême des catholiques du
Liban.
Il n'est pas un bon Français qui se soit éton-
né de cet hommage rendu aux plus anciens,
aux plus fidèles de nos protégés d'Orient. Il
n'en a pas été de même de quelques farouches
anticléricaux, que la nouvelle a fortement émus
et qui ont fait part de, leur émotion au minis-
tère de la marine. Et celui-ci s'est empressé,
hier, de publier une note dont voici la prudente
teneur
« Aucun renseibnement n'est parvenu au
département de la marine à ce sujet. Il est pro-
bable que l'amiral de Lapeyrère a simplement
fait saluer par le Voltaire le patriarche maro-
nite, chef religieux, mais qu'il n'a pas fait dé-
nier l'escadre devant lui. »
Dans les choses les plus simples et les'plus
naturelles, c'est toujours, hélas la peur des
radicaux qui guide i.os gouvernants. Et tou.'
jours cette crainte un peu ridicule de ne pas
sembler assez anticléricaux, assez dévoués' à la
cause de la laïcité!
Les Quotidiennes
̃' LA VALISE ROYALE
Ce soir,'dans un hôtel de Paris, on dira « Messieurs,
le Rpi! Et tel que je l'ai rencontré- souvent, en petit
complet, la cigarette aux lèvres, d'une jeunesse sou-
riante, Alphonse XIII prendra l'ascenseur de tout le
monde. Il pénétrera dans cet appartement qui, pour être
sacré royal ou princier, n'en est pas moins sans doute à
la disposition d'un milliardaire débarqué et rasé de frais.
Et la même électricité, les mêmes sièges, les mêmes con-
soles, les mêmes vases à fleurs accueilleront celui qui
laisse derrière lui les beautés sombres de l'Escurial ou
les grâces de la Granja.
Ainsi, dans leur luxe même, les salons et les chambres
d'hôtel sont étrangement égalitaires. On y est le voya-
geur qui passe est trop heureux quand on n'y est pas un.
chiffre de comptabilité. Mais ici encore l'esprit et l'âme
du passant donnent aux choses la qualité, l'aristocratie,
la vie. Sur elles, quoi qu'on dise, demeure comme un
reflet, une éloquence. Si l'on succède là à une femme,
il semble que plus odorante et légère soit l'atmosphère,
et ces banalités qu'elle a touchées, dont elle a fait usage,
ain'si que par miracle s'embellissent. Si l'on peut se dire
qu'un roi est venu là, il semble que ces objets aussi
aient connu le pouvoir et, superstitieusement, qu'ils en
retiennent comme une majesté.
II y avait, il est encore tout autour de la colonne Ven-
dôme de ces appartements de royale prédestination. Sous
la menace même des autos, on s'arrête, et regarde, et se
montre toujours ces hautes fenêtres où se sont penchées
des têtes couronnées ou qui ont vu les libertés d'un in-
cognito souverain. Non, elles ne sont pas comme les au-
tres fenêtres. Derrière elles, il y a de l'histoire, une mar-
que à part, une évocation, un anoblissement. Ceux qui
ont vécu là, fût-ce un instant, fùt-ce avec une exquise
simplicité, relèvent pour longtemps le décor, l'imprè-
gnent quand même de leur personnalité et de leur sou-
venir. Et puisque jadis les bons bourgeois de Paris ai-
maient à montrer à leurs fils cette fenêtre de l'Hôtel de
Ville par où se faisaient les révolutions, il est permis
peut-être de regarder des fenêtres derrière lesquelles on
songe à les combattre. Alexandre Hepp.
Les admirateurs de Musset sont en joie la
Société des Conférences annonce cinq confé-
rences de M. Maurice Donnay sur Alfred de
Musset, ses poésies et son théâtre. Au même pro-
gramme, les conférences « Mes Souvenirs », où
MM. René Bazin, Emile Faguet, Jules Lemaître,
Frédéric .Masson, Jean Richepin, Henry Rou-
jon, Aug. Filon, Alfred Capus, André Beau-
nier, Robert de, Fiers conteront un chapitre de
leurs mémoires personnels un cours sur Saint-
Simon, par- M. René Doumic des lectures de
MM. Paul Bourget, Edmond Rostand. La pre-
mière ssrie s'ouvrira en décembre, par les con-
férences du marquis de Ségur sur Pouchkine,
du comte d'Haussonville sur Mme de Staël, etc.
Une fois de plus, tout ce qui compte dans le
Paris lettré et mondain se donnera rendez-vous
dans la salle du boulevard Saint-Germain, pour
applaudir cette incomparable pléiade d'ora-
teurs.
VISION BREVE
C'est à un véritable régal d'art, un régal des plus déli-
cats que sont conviés demain mardi nos lecteurs. S'ils
veulent bien s'arrêter un instant 35, rue du'Colisée, et
pénétrer dans le somptueux hôtel de M. Vennier, ils. y
verront les plus gracieuses et les plus élégantes évoca-
tions qui soient des styles d'autrefois! Ce n'est pas ici
un magasin, c'est la demeure d'un seigneur de jadis
venu jusqu'à nous et qui, de toutes les époques qu'il a
traversées, a conservé, pour nous le transmettre intact,
le charme souriant. M. Vennier, qui est un artiste décora-
teur doublé d'un très fin érudit, a ressuscité avec une
extraordinaire habileté et une souplesse unique les ri-
chesses du temps'de Louis XIV et les réminiscences
grecques et romaines du Directoire, dans ses délicieux
meubles adorablement patinés et décorés avec un savant
raffinement dans ces formes exquises, dans ces pein-
turés murales, dans ces multiples riens charmants rui
font un tout merveilleux. Tel salon aux magnifioués do-
rures' appelle la lourde perruque et les justaucorps «
brevet » du Roi Soleil; telle chambre de jeune fille, rose
et tendre, fait penser à la Virginie de Bernardin de Saint-
Pierre tel boudoir évoque les poses nonchalantes de
Mme Récamier, quand la peignait David; tout cela avec
une note idéalement jolie, qui est le reflet de la personna-
lité de M. Vennier et qui fait de l'exposition de demain
le véritable régal d'art dont je vous parlais en commen-
çant.
Un cinquantenaire.
On l'a passé sous silence. Il méritait cepen-
dant au moins une .mention.
Il s'agit du cinauantenaire des wagons-cou-
loirs, qui remontent le croirait-on?, à
1863. Les journaux d'octobre, il y a cinquante
ans, annonçaient, en effet, 'la-mise en circula-
tion, après essais concluants, « de wagons en
tôle, possédant un couloir intérieur qui les
traverse dans toute leur longueur. Une passe-
relle à garde-fou permet, en outre, la commu-
nication d'un wagon à l'autre ».
Sans doute ce n'étaient point encore les splen-
dides wagons-couloirs de nos grands rapides
ou des trains internationaux, mais cela. cons-
tituait déjà un progrès notable. Il n'y a pas
encore bien longtemps que des wagons de ce
modèle, glorieux vestiges d'un passé désuet,
roulaient encore sur certaines petites lignes
d'intérêt local.
Le progrès va vite. surtout en chemin de
fer.
Deux mille cinq cents francs par an, telle est
la pension que le gouvernement anglo-indien
vient d'accorder à un brave serviteur qui s'était
singulièrement fait remarquer aux cortèges so-
lennels de ces dernières années.
Il s'appelle Thimouth, est d'une taille gigan-
tesque et il est doué d'une intelligence remar-
quable disons tout de suite que Thimouth est
le fameux éléphant qui était monté par, le Vice-
Roi des Indes lorsque celui-ci fut l'objet d'un
attentat au durbar de Delhi. Le pachyderme,
on le sait, malgré les blessures qu'il venait de
recevoir, resta calme et évita ainsi de graves
accidents.
C'est de cette belle attitude que le gouverne-
ment l'a récompensé. Il n'a guère que trente
ans, mais, comme il est guéri de ses blessures,
on a. pensé honorer ce fidèle serviteur 'en le
mettant à la retraite
Nous avons le: regret d'enregistrer la faillite
de la-tour Saint-Jacques la tour Saint-Jac-
ques du square, rue de Rivoli. Le brave gardien
en est aussi peiné que nous. Nul n'est infailli-
ble Un météorologiste moins que tout autre.
Où donc est, en effet, le beau temps qui nous
fut promis ? De la pluie, toujours de la pluie
Du soleil, un peu, de temps en temps. Et voilà
bien le danger Redoublons de précautions
deux fois par jour, un Dubonnet, notre bou-
clier contre les traits de la fièvre et de la grippe.
C'est aujourd'hui que commence, à l'hôtel
Drouot, salles 9, 10 et 11, la vente de la collec-
tion dépendant de la succession de Mme veuve
D. Les enchères seront dirigées par Me Lair-
Dubreuil, assisté des experts Caillot, Paulme et
Lasquin.
NOUVELLES A LA MAIN.
On parle de la question de l'enlèvement des
oidures ménagères.
Que faire de ces détritus qui déshonorent
nos rues et nos boulevards ? demande un vieux
monsieur.
Boireau, souriant
Leur donner un isoloir 1
Un Domina
Leurs Yeux
J'allais traverser la rue, mais je dois m'arrê-
ter au bord du trottoir, une automobile de place
approche à toute allure, conduite par un jeune'
mécanicien. Sans doute, il a craint que je ne
traverse avant qu'il soit passé, car je reçois son
regard en pleine figure, comme un coup de re-
vblver. Il est déjà loin, que le malaise causé
par le dur éclair de ses yeux persiste. On devine
que, le long d'une route déserte, à la tombée
du soir ou même, hélas en plein midi, le gail-
lard n'hésiterait pas à culbuter et couper en
deux le passant le moins du monde susceptible
de le £rRTif>r.
Derrière ce fiacre, aussitôt après lui, passe
une automobile découverte, conduite par son
propriétaire au visage rasé, au regard pareille-
ment brutal et froid et qui, malgré la classe à
laquelle il appartient certainement, n'est guère
plus rassurant que celui du chauffeur de taxi.
Ce* regards, d'une si particulière intensité,
d'une si farouche froideur, ce n'est pas la pre-
mière fois qu'ils me frappent. Chaque jour, je
croise, ainsi, quelques passants dont la déci-
sion peinte sur les prunelles, l'espèce d'égoïsme
impatient et presque féroce saisi dans l'expres-
sion me surprend. Ce n'est pas seulement sur
la chaussée, dans la caste des conducteurs d'au-
tomobiles, mais un peu partout, qu'on les
croise, ces yeux. Le regard, cette constatation
est indiscutable, le regard des, jeunes gens a
perdu de sa douceur, de sa claire confiance. Il
est devenu autoritaire, presque animal chez les
uns, montrant une âpreté, une précipitation de
posséder, .d'être, de jouir de la vie, qui aug-
mente d'année en année. Il faut abandonner les
villes, gagner la province, s'arrêter dans des
villages écartés pour trouver encore ce limpide
et. doux regard de France, confiant et aimable,
qui peut varier, certes, selon les climats et,
surtout, les caractères, mais qui, dans l'en-
semble, demeurait encore comme le reflet de
notre ciel tempéré où le soleil et la brume heu-
reusement mariés créent l'atmosphère la plus
heureuse, active et sereine du monde.
Les yeux de France perdent leur sourire hu-
mide, leur vivacité désintéressée, amusée du
premier oiseau qui passe, leur facilité à la con-
templation, leur lumière enjouée. Ils sont de-
venus d'une dureté particulière ils se sont
cuirassés, pourrait-on dire. Ceux des jeunes
gens ne ressemblent plus guère à ceux des hom-
mes du même âge, il y a vingt ans. Les mots
et les sujets qui les animaient alors ne susci-
tent plus la moindre clarté sur leur iris. Il ne
semble pas que tout ce que l'amour engendre
da gracieusetés, de délicatesses charmantes ait
prise encore sur leur sensibilité.
Dans la classe moyenne, ils ont délaissé le
théâtre pour le cinématographe. Quelle que fût
la pièce, vaudeville ou drame, opérette, comé-
die, il s'y trouvait un coin de poésie, de gen-
tille émotion, de sensiblerie même, qui allait
pendant un instant toucher les fibres affectives.
Au cinéma, ces cordes ne vibrent guère. La qua-
lité du spectacle empêche qu'on y introduise les
.subtilités dont le cœur de nos pères se rassa-
lsiait. Les acteurs ne parlent plus, ils agissent.
Tout au plus, échangent-ils un serrement de
mains, un regard. Les^ paroles ne sont pas né-
cessaires, elles seraient même superflues.
Vous promenez-vous encore le dimanche aux
environs; ce qui s'appelait jadis se promener ?
Poussez jusqu'au parc de Saint-Cloud, en pas-
sant par le bois de Boulogne.
,Le mot de promenade, celui d'après-midi do-
minicale, évoquaient des couples enlacés, des
amoureux bras dessus bras dessous, errant le
long des sentiers des familles entières suivant
la course des nuages au milieu des vestiges
d'une collation répandus sur l'herbe. Grands
parents installés sur des pliants, bébés, garne-
ments acharnés à la poursuite des papillons ou
se renvoyant volant et ballon, l'impression était
d'une détente salutaire, d'un repos bien gagné.
Lés âmes se devinaient simples, alanguies, et,
si l'on avait formulé une critique sur ces famil-
les, essaimées, c'eût été d'offrir l'image d'une
trop grande mollesse.
Voyez, dès la pelouse de Bagatelle, le spec-
tacle qui s'offre à vous. Vous chercheriez en
vain ces couples nonchalants et même, inutile-
ment, une femme, de quelque âge qu'elle fût.'
Il ne se trouve là que des « équipes » d'adoles-
cents vêtus de tricots de couleurs voyantes,
jambes nues, qui jouent au « foot-ball Le
mot n"a-t-il pas déjà une sonorité toute difl'é-
rente de celle des noms employés jadis pour
les jeux?. Suivez-les un instant. Leurs gestes,
leurs yeux, les yeux surtout, ont une 'éloquence
de volonté, de décision qui est bien particulière.
Ces garçons-là, demain matin, en gagnant
leurs affaires, la banque, le magasin, l'ad-
ministration, 'ne vous montreront plus cet air
musardeur, ces regards destinés à la gentille
Parisienne qui les croise. Ils ont conscience de
leur force,, ils en ont même la conscience exa-
gérée. Les affaires se sont elles-mêmes si pro-
digieusement développées qu'il leur faut pour
y réussir une ardeur, un mépris du prochain
et même un si vif désir d'émulation, qu'il res-
semble au sentiment que peuvent éprouver
pendant le combat les soldats ennemis. Il leur
faut « prendre » une place, l'occuper, avec une
vigueur, des nerfs, une prévoyance qui n'étaient
point nécessaires jadis. Toute omission devient
une faute, une faute grave, qui profite à un
concurrent, un adversaire. Les jeunes gens, au-
trefois, considéraient leur manque d'expérience
ccmrne une infériorité, ils reconnaissaient le
besoin d'une éducation à faire, ils convenaient
qu'un homme de quarante ans est en pleine pos-
session de ses moyens,, ils respectaient sa
science et l'écoutaient. Aujourd'hui, ils le trai-
tent de vieux, déclarent que son bagage, loin
de l'aider, l'alourdit, et passent outre à ses avis.
Leurs regards disent leur âpreté, leur ar-
deur, leur besoin de repousser toute contrainte.
Ils ont raison et tort. Raison, parce que les
conditions de la vie ont.changé et que,, s'ils ne
passent point, d'autres passeront à leur place.
Tort, parce que les conseils des aînés sont salu-
taires, parce que la vie, même lorsqu'elle a subi
d3 grandes évolutions, doit s'apprendre, et
qu'on ne supplée pas à ce que l'expérience
seule, la fréquentation des hommes, les déboi-
res enseignent. Ils ont tort, parce que le régime
d'action forcée auquel ils së soumettent leur
enlève la notion de cette diplomatie, de ces fi-
nesses, de ces nuances, qui, dans toutes les
classes, rendaient autrefois les rapports em-
preints d'une politesse plus agréable,' plus
française surtout, que ce timcs is money, ce
business poussés au paroxysme, trépidants, ha-
letants, vertigineux.
Leurs yeux disent le besoin d'être, sinon
riches, du moins d'avoir facilement de l'or,
de se trouver à égalité les uns des autres, cette
réciprocité des apparences, qui se jauge à la
coupe du vêtement, la manière d'enfoncer le
chapeau, de nouer la cravate, de porter les
manchettes. à l'automobile dont on descend
ou que l'on conduit soi-même, à la façon de
parler aux femmes d'un certain monde et aux
domestiques. Ils semblent n'être à leur coup
d'essai en rien, on ne voit jamais sur les joues
d'un adolescent les charmantes rougeurs de la
timidité. Leurs yeux vont au delà des person-
nes réunies. dans' le lieu où ils pénètrent.
Même en s'inclinant devanï une femme, en lui
baisant la main, cet œil quasi distrait, indif-
férent, ne.daigne se fixer, s'étonner, sourire.
Il n'y a pas là seulement une de ces modes
qui viennent, croit-on toujours, d'au delà de
la Manche, et, parfois, ont été instaurées, tout
simplement, par quelque petit snob qui en
remontre aux autres et leur plaît par une as-
surance, une confiance en soi supérieures à la
leur. Il faut y voir un indice de plus de cette
personnaiiké qui étouffe toute sensibilité, tout
abandon et n'admet nul imprévu.
Considérez quelque réunion où l'on danse ce
tango tantôt si décrié et tantôt porté aux nues.
Que vous vous trouviez chez le plus à la mode
des professeurs, dans la journée, celui qui a
toujours vingt automobiles de maître à sa porte,
ou bien dans un de ces étranges lieux où les
femmes du monde ne craignent plus de se ren-
dre, soit à l'heure du thé, soit après minuit,
exemple qui leur est donné par des altesses
elles-mêmes les jeunes gens dansent comme
ils vont à leurs affaires, comme ils font des
sports. Une mélancolie toute particulière plane
là. Le tango est tantôt une sorte de marche
scandée, précipitée, tantôt un balancement
mais, à aucun moment, ceux qui s'y livrent
ne paraissent s'y divertir davantage qu'à leurs
autres occupations. On les croirait possédés,
uniquement, du désir de faire plus de che-
min que les autres. Ils vont, vont, droit de-
vant eux, à droite, à gauche, les yeux fixes,
comme s'ils accomplissaient une sorte de de-
voir commandé, obligé, nécessaire.
Les curieux regards qu'ont ces jeunes hom-
mes froids, distraits, absorbés dans une con-
templation au delà de tout ce qui devrait les
retenir et les séduire, des regards qui revient
le besoin d'arriver, de faire ce qu'il faut
pour avancer, pour tenir sa place au mi-
lieu des autres, et non pas, jamais, farce
que cela fait plaisir.Et nous aimerions tel-
lement, au milieu de cette glaciale et égoïste
atmosphère, de ce cercle fermé, la brisure
charmante d'un regard qui serait naïf, con-
fiant, impressionnable,; ému. jeune, enfin
Albert Flament
Bloc- Notes Parisien
e Mystère de Cholet
semble éclairci
'L'OPINION D'UN TOXICOLOGISTE
L'affaire de Cholet est-élle élucidée? En d'autres ter-
mes, tient-on réellement le fil conducteur qui mettra en-
fin sur la voie?
Une dépêche d'Angers tendrait à nous le faire sup-
,poser. Nous y lisons, en effet, que l'analyse de la crème
royale servie lors de la désormais légendaire noce fatale
a révélé l'existence du microbe paratyphique.
Mais d'où venait le microbe paratyphique? C'est ce
que, sans doute, l'homme qui connaît le mieux cet infi-
niment petit pathogène, nous avons nommé le professeur
Chantemesse, chargé d'enquêter sur les empoisonne-
ments de Cholet, nous dira dans son rapport.
Pour l'instant, nous rapporterons sur l'affaire de Cho-
let elle-même et sur les empoisonnements en général,
l'opinion d'un des plus illustres toxicologistes de ce
temps, membre de l'Académie de médecine, qui a'bien
voulu nous recevoir hier.
En ce qui concerne ce qui s'est passé à Cholet, nous
dit notre savant interlocuteur, je ne puis que faire des
hypothèses, mais il me paraît bien extraordinaire, je vous
l'avoue, qu'il s'agisse ici de cas en quelque sorte fou-
droyants de typhoïde. Je crois pouvoir affirmer que cette
forme suraiguë de la typhoïde est en quelque sorte in-
existante en pathologie, surtout avec un aussi grand nom-
bre de cas mortels. Mais passons, ou plutôt attendons
des lumières nduvelles, et parlons, si vous le voulez
bien, des empoisonnements en général.
» Les toxiques, qu'ils appartiennent au règne minéral
ou végétal ou qu'ils soient produits par les matières en
décomposition, n'agissent pas de la même façon et leurs
symptômes sont essentiellement différents.
» Par exemple, l'aconit produit de la chaleur au creux
de l'estomac, des picotements dans la bouche, des mou-'
vements de déglutition fréquents, une transpiration froide
et visqueuse; la belladone, la sécheresse de la bouche et
de la gorge, une soif ardente, des troubles de la vision;
la strychnine, des convulsions tétaniques, une anxiété ter-
rible, des cris, etc.; la nicotine, des nausées, des'vomis-
sements, de la confusion dans les idées, la dilatation de
la pupille, etc. l'acide prussique, une insensibilité ra-
pide, la respiration haletante, etc. le sublimé corrosif,
une saveur métallique dans la bouche, une douleur vive
à l'estomac, des nausées, la syncope, etc.; i'opium, une
période d'excitation cérébrale avec accélération des batte-
ments du cœur, puis une sensation « de poids » dans .es
membres, l'incapacité de se mouvoir, de la somnolence
la contraction de la pupille, etc.; l'arsenic, ou plutôt l'a-
cide arsénieux, une grande faiblesse, de la dépression,
une douleur brûlante à l'estomac, des vomissements de
matières brunes, striées de sang, des crampes violentes
dans les jambes, une sensation de constriction avec sé-
cheresse ou chaleur dans la gorge et presque toujours
une soif ardente, etc.
» Il existe encore une classe de Doisons, je veux parier
des ptomaïnes, ces alcaloïdes qui résultent :de la décom- .:?
position de certains tissus, de certaines fermentations
microbiennes. Ici, je vous citerai
parvoline, qu'on trouve dans la viande de cheval ou le
poisson à l'état de décomposition7 avancée la neuridine,
qu'on rencontre dans le fromage; la gadinine, spéciale
la chair de morue la mytilotoxine des moules malades,
etc, etc.
» Avant que fût connue la dépêche d'Angers dont vous
venez de,m'instruire, on pouvait émettre l'hypothèse que:
les victimes de Cholet avaient bien été empoisonnées.
soit par un toxique minéral ou' végétal, soit par l'un des
poisons organiques dont. je viens de vous parler. Main-
tenant, cela est plus difficile à admettre, mais il n'en est
pas moins regrettable que nous n'ayons que peu de de-
tails sur les symptômes qu'ont présentés les dix malheu-
reux qui ne sont plus. »
Bien souvent, hélas! les empoisonnements sont causée
par des erreurs ou des imprudences. Malgré toutes les
précautions prises, les armoires spéciales destinées aux
toxiques, etc., nous n'avons que trop souvent à dépïorer
de graves fautes professionnelles. Est-ce que récemment,
dans un de nos hôpitaux, un externe en pharmacie n'a
pas donné, par erreur, à une maman, pour un. enfant ma-
lade, un médicament pour un autre ? Et vous savez quelies
en furent les suites funestes. Moi qui vous parle, j'ai
failli, lorsque je faisais mes études, m'empoisonner deux
fois en me trompant de flacon. Et cependant je passe et
ai toujours passé pour très précautionneux.
Il n'est pas un d'entre nous qui n'ait payé son tribut
à la faillibilité humaine. Un de mes amis, médecin, mort
aujourd'hui, m'a souvent raconté un fait de sa vie auquel
il ne pouvait penser sans trembler.
C'était à l'époque où, praticien jeune et inconnu, il
cherchait la clientèle. Une nuit d'hiver, il fut réveillé
par son concierge. La femme d'un de ses voisins, le oan-
quier P. venait d'être prise d'un mal terrible et subit.
Mon ami, en deux bonds, arriva chez M. P. Celui-ci,
absolument bouleversé, le conduisit au chevet de la mi-
lade.
D'un coup d'oeil, mon ami diagnostiqua une myéUte,
c'est-à-dire une inflammation aiguë de la moelle épi-
nière. Il appliqua quelques pointes de feu qui parurent
calmer légèrement Mme P. et prépara une ordonnais
à base de strychnine, puis il retourna chez lui.
Mais il ne put se rendormir. Sa pensée le reportait
sans cesse, vers sa nouvelle et riche cliente. Il se disa t
que s'il la guérissait, 'cette cure lui ferait honneur, qu'elle
pourrait avoir sur sdn existence future une influence heu-
reuse il se voyait déjà l'un des médecins préférés de la
haute banque parisienne.
Tout à coup, il poussa un cri terrible et, à moitié vêtu,
il se précipita au dehors, courant comme un fou dans les
rues, à ce moment désertes, de Paris. En quelques
bonds, il atteignit la pharmacie où l'ordonnance qu'il
avait établie avait été exécutée. Il tira la sonnette de nuit
et ce fut le pharmacien lui-même qui vint lui ouvrir.
D'un mot ce dernier fut mis au courant de cette visite
insolite. Le docteur avait commis une épouvantable er-
reur dans son ordonnance. Il avait prescrit, en effe'
cinquante centigrammes de sulfate de strychnine dans
deux cents grammes d'eau, au lieu de cinq cents
grammes.
Le pharmacien prit les mains de son ami: J'étais là,
dit-il, lorsqu'on est venu avec votre ordonnance, et j'ai
aussitôt rectifié. Mais si c'eût été mon élève!
Le docteur se jeta dans les bras de l'excellent homme
« Je me serais brûlé la cervelle! lui avoua-t-il. Et il
l'eût fait, avec ce sens délicat et sublime de l'honneur
professionnel dont tant de médecins ont offert le témoi.
gnage.
Tout-Paris
lies Relations
frafieo-italieiîfies
1 PAR M. RENÉ D'ARAL
Il souffle depuis quelque temps un mauvais
vent par-dessus' les Alpes. C'est une tempête
dans un verre d'eau, affirment les homme
politiques de France et d'Italie. Je veux bien
croire, en effet, que nous ne sommes pas reve-
nus aux plus mauvais jours du régime crispi-
nien un sentiment de défiance réciproque
n'en existe pas moins dans les deux pays il
a fait depuis un an des progrès sensibles,
entretenu et encouragé par une guerre de
plume singulièrement acerbe et d'autant plus
dangereuse qu'elle n'est pas proportionnée,
semble-t-il, aux motifs précis qui la provo-
quent. A vrai dire, ces motifs existent-ils ?
Ce sont des attitudes plutôt que des faits que
se reprochent mutuellement la France et l'Ita-
lie. Celle-ci, en effet, accuse la diplomatie
française de se mettre en travers de la poli-
tique que la sauvegarde de sa situation l'oblige
à suivre en Orient et dans les Balkans, et
d'ourdir je ne sais quelles machinations téné-
breuses la France, de son côté, se plaint des
susceptibilités excessives et injustifiées de
l'Italie et en vient à conclure que ce ne peut
être de sa part qu'une tactique destinée à pré-
parer et à faciliter la réalisation d'un plan
concerté, d'un plan triplicien résolument hos-
tile aux intérêts français dans le Levant.
Je crois plutôt que cet antagonisme tient
à des causes plus profondes et plus générales.
Il tient à ce que, d'une part, l'Italie, cédant à
son tempérament, s'est lancée avec trop d'ar-
deur dans « l'impérialisme méditerranéen »
a la suite de sa campagne de Libye, et, d'autre
part, la France ne s'est pas encore habituée à
l'idée d'un partage dans ce bassin de la Médi-
terranée que quinze siècles de prépondérance
incontestée lui donnent le droit de considérer
un peu comme son fief. Un sentiment de riva-
lité et, disons le mot, de jalousie a de tous
temps existé entre les deux nuissances mprii.
terranéennes il est naturel, il est humain
il s'était exasréré chez les Italiens à l'époque
où nous avions établi notre protectorat tunisien,
puis, cette amertume apaisée, jointe à l'espoir
de s'installer un jour en Libye, dont la libre
possession leur était assurée par lés traités de
1902, ils avaient compris avec nous que deux
nations voisines sur la côte d'Europe comme
sur les rives d'Afrique auraient plus d'avan-
tages à s'unir qu'à se combattre, dès lors que
la Méditerranée devenait le grand couloir du
trafic international ouvert aux plus redouta-
bles concurrences. Mais on comptait sans les
événements la conquête de la Tripolitaine,
la guerre balkanique, la désagrégation de
l'Empire ottoman, l'essor inattendu de la puis-
sance italienne. L'Italie entrevit à la fois un
rêve fantastique et un danger pressant le
rêve c'était la possibilité, à la faveur des cir-
constances, d'étendre son influence, sinon ses
conquêtes, au delà des limites qu'elle s'était
assignées le'danger consistait dans la menace
que dressait contre sa sécurité la politique
agissante de l'Autriche dans l'Adriatique au
moment où l'Alb"anie devenait Etat autonome.
Se mettre en lutte ouverte contre l'Autriche
lui apparut une aventure trop risquée elle
préféra lier partie avec elle afin de neutraliser
le péril proche et pouvoir en toute liberté d'es-
prit affermir ses positions à la fois en Albanie
et dans le bassin oriental de la Méditerranée.
Ce violent coup de barre allait nécessairement
l'éloigner de nous et nous éloigner d'elle.
Seulement à partir de ce moment, elle a eu
la hantise de la persécution. Elle nous a vus,
elle nous voit continuellement autour d'elle,
semant des pièges, dressant des embûches,
contrecarrant ses projets comme dans un
ménage qui se désunit, les querelles, les coups
d'épingle se succèdent à propos de tout, à
propos de rien. Les journaux des deux pays
engagent des polémiques d'une violence inu-
sitée et les gouvernements gardent un silence
qui peut passer pour une approbation. Que-
relle superficielle, disent-ils, qui n'a point
d'écho dans les deux pays c'est une erreur.
Elle crée des courants d'opinion qu'il est en-
suite très difficile de remonter. Or, je ne pense
pas qu'il soit dans l'intérêt ni de la France, ni
de l'Italie, de creuser davantage le fossé qui
actuellement les sépare. La controverse enga*
gée depuis un an par la presse est, à notre
ARTHUR MEYER
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ANNONCES
MM. LAQIUAJNGE, a CI!
8, rua o xjl iodm», S
Mt à Vaiminittration du Journal
Les manuscrit! ne sont pas unau.'
Une Lettre
apocryphe
JLe maréchal Ney au prince
d'Essling en mai 18IO
L'article qu'on va lire est extrait de l'ouvrage
la. Vae militaires du maréchal Ney, que publie^ le
général Bonnal et dont le tome III est à l'impres-
sion.
Par décret du 17 avril 18i0, daté de Compiè-
gne, l'Empereur créa l'armée de Portugal en la
composant du 2e corps d'armée (général Ré-
gnier), dU,66 corps (maréchal duc d'Elchingen)
et du 8" corps (général Juhot, duc d'Abrantès),
avec, pour commandant en chef, le maréchal
Masséna, prince d'Essling.
Ces trois corps d'armée avaient alors leurs
quartiers généraux à Alcantara (2° corps), à
Salamanque (6e) et à Valladolid (8°).
Le décret impérial du 17 avril parvint le
7 mai seulement.au maréchal Ney, à Salaman-
que, au moment où le commandant du 6° corps
s'apprêtait à mettre le siège devant la place es-
pagnole de Ciudad-Rodrigo, en exécution des
ordres du maréchal -Soult, major général du
-roi Joseph.
L'accusé de récoption dudit décret, adressé
par le duc d'Elchingen au prince de Neufchâtel
(maréchal Berthier), portait
« Quoiqu'il soit pénible pour moi d'être tou-
jours en sous-ordre, j'ai du moins la satisfac-
tion de reconnaître en cette circonstance que
les talents et l'expérience' du prince d'Essling
justifient le choix de l'Empereur. »
Le 7 mai, également, parvint au maréchal
Ney la lettre suivante du prince d'Esslin-, ex-
pédiée de Paris le 20 avril
« Mon cher maréchal,
Sa Majesté m'ayant confié le commande-
ment de l'armée de Portugal, dont le 6° corps
fait partie, je m'empresse de vous exprimer
tout le plaisir que j'éprouve à entrer en rapport
avec vous. Je fais mes dispositions pour me ren-
dre à Valladolid, où j'arriverai incessamment
et où je pourrai vraisemblabement vous témoi-
gner de vive voix toute la satisfaction que je
ressens d'avoir un collaborateur dont le con-
cours contribuera tant à l'accomplissement des
vues de Sa Majesté.
Agréez, mon cher maréchal, la nouvelle
assurance de ma sincère amitié.
» Le maréchal duc de Rivoli,
( » prince d kssling,
Signé » MASSÉNA. »,
Aux compliments affectueux de son nou-
veau commandant en chef, le maréchal Ney
répondit, le jour même, dans une lettre se ter-
minant par cette phrase
« J'espère que les circonstances me mettront
à même de justifier la confiance que vous m'ac-
cordez et que je mériterai aussi votre amitié,,
laquelle j'attache le plus grand prix. »
Le prince d'Essling jouissait, alors d'un grand
prestige, qu'il devait à ses anciens exploits
mais, en dépit de l'extraordinaire bravoure
dont il avait fait preuve, l'année précédente, à
Essling et à Wagram, le commandant de l'ar-
mée de Portugal n'était plus que l'ombre du
Masséna de Zurich et de Gênes.
A la date du 10 mai, le duc d'Elchingen adres-
sa au prince d'Essling, à Valladolid, un rapport
commençant ainsi
J'espère que Votre Altesse sera arrivée sans
accident à Valladolid et il me tarde de la voir
ici pour l'entretenir des opérations du siège de
Ciudad-Rodrigo.
Le commandant en chef, accompagné du duc
d'Abrantès, vint passer la journée du 15 mai à
Salamanque, et l'impression qu'il produisit sur
le maréchal Ney fut des plus fâcheuses, en ce
que le prince ne parut s'intéresser à rien.
Les troupes du,6° corps (3 brigades d'infante-
rie, 2 de cavalerie), bivouaquées devant Ciu-
dad-Rodrigo en attendant de pouvoir en faire
le siège, avaient alors beaucoup à souffrir du
mauvais temps. Aussi le maréchal Ney écrivit-
il, le 18 mai, au prince d'Egsling pour le prier
de venir le plus tôt posible voir par lui-même
la situation.
Ses lettres restant sans réponse, le duc d'El-
chingen, clnz qui la patience; n'était pas la
vertu dominante, adressa, le 20 mai, à son coin-
mandant en chef la lettre plutôt vive qu'on va
lire
aJe croyais que le voyage que Votre Altesse
a fait à Salamanque (1; 15 mai) avait pour but
de prendre une détermination au sujet des opé-
rations militaires pour pénétrer en Portugal et
forcer lord Wellington à en venir à une ba-
taille, ou bien pour les mesures à prendre en
-de donner suite au siège de Ciudad-Ro-
drigo.
» Cependant Votre Altesse ne répond à au-
cune de mes lettres et les circonstances exigent
une prompte décision.
» Les troupes du 6° corps qui observent Ciu-
dad-Rodrigo reçoivent leurs vivres de Sala-
manque. Les magasins qu'avec tant de peine
j'ai pu former ici (à Salamanque) seront bien-
tôt épuisés. Je prie Votre Altesse de me faire
• connaître ses résolutions, car, dans le cas con-
traire, je donnerai ordre aux trois brigades
d'infanterie, à la brigade de dragons et à la bri-
gade de cavalerie légère (au bivouac devant la
place) de se replier sur leurs (anciens) canton-
nements des environs de Ledesma, de Tama-
mes et de Salamanaue jusqu'à ce que Votre Al-
tésse ait pris une résolution.
» Cette mesure économisera les vivres et
épargnera, beaucoup les soldats qui, par suite
du mauvais temps, encombrent les hôpitaux de
malades. »
Au reçu de cette lettre, le prince d'Essling
prit la plume et, de sa meilleure encre, répon-
dif au maréchal Ney « Votre lettre m'a singu-
lièrement étonné. Je ne dois pas vous dissimu-
ler que je ne suis pas habitué à un pareil
style. »
En adressant au prince d'Essling la lettre
qui avait singulièrement étonné celui-ci, le duc
d'Elchingen avait cédé à un mouvement de
mauvaise humeur qu'excusent son zèle pour le
',service et sa nature impulsive. Mais les termes
de la lettre en question ne sortent pas des
..limites admises en matière de rapports entre
subordonnés et supérieurs.
Un vieux proverbe dit « On ne prête qu'aux
riches. »
On va voir que les boutades du maréchal
Ney. fournirent à un mystificateur l'occasion
d'imaginer, comme venant du duc d'Elchin-
gen, la lettre au prince d'Essling qu'on lira
plus loin.
La duchesse d'Abrantès (femme du général
Junot, commandant le corps), raconte dans
ses mémoires qu'au mois de mai 1810 le lieute-
nant-colonel Valazé, chef du génie au 8e corps,
fut envoyé par Masséna à Salamanque auprès
du maréchal Ney pour prendre la direction des
opérations du génie lors du siège prochain de
Ciudad-Rodrigo.
Le duc d'Elchingen aurait refusé, tout d'a-
bord, d'employer cet officier, attendu que le
chef de bataillon Conche, du 6° corps, parais-
sait à la hauteur de sa tâche.
Le lieutenant-colonel Valazé serait retourné
à Valladolid, puis, sur un, autre ordre du prince
dksskng-, aurait rejoint de nouveau le maré-
chal Ney a Salamanque, dans le même but que
précédemment..
̃C'est alors que le duc d'Elchingen aurait écrit
au prince d'Essling la lettre, jugée par nous
apocryphe, qui figure dans les mémoires de la
duchesse d'Abrantès; laquelle affirme l'avoir
copiée sur l'original.
'Cette lettre a été souvent reproduite pour
fairo ressortir la pseudo- indiscipline du duc
d Elchingen.
En voici le texte
« Monsieur le maréchal,
» Je suis duc et maréchal d'Empire comme
vous quant à votre titre de prince d'Essling
il n a d'importance qu'aux Tuileries.
«Vous; me dites que vous êtes le général en
chef de l'armée de Portugal. Je ne le sais que
trop. Aussi, quand vous ordonnerez à Michel
Ney de conduire ses troupes à l'ennemi, vous
verrez comment il obéira mais quand il vous
plaît de bouleverser l'état-major de l'armée,
formé rar le prince de Neufchâtel, vous com-
preniez que je n'écoute pas plus vos ordres que
je ne crains vos menaces.
Tenez, demandez au duc d'Abrantès ce que
nous fîmes, lui et moi,.lorsqu'il y a quelques
semaines, nous reçûmes de cet autre qui est
major général et qui a fait de si belles choses
là où nous allons, des ordres tout différents de
ceux que nous avions reçus de Paris et consé-
quemment de l'Empereur.
» Savez-vous ce que nous fîmes? Nous obéî-
mes aux ordres.de Paris et nous fîmes bien, car
on.nous loua beaucoup.
» Je reçois des lettres de Madrid où l'on m'ap-
pelait, je crois, rebelle comme c'est à peu près
comme si l'on m'appelait poltron, je n'y ai fait
aucune attention, et le général Junot aura su-ci-
ment fait de même.
» Adieu, monsieur le maréchal, je vous es-
time et vous le savez. vous m'estimez et je le
sais. Que diable N'allons pas mettre la zizanie
entre nous pour un caprice car enfin, com-
ment voulez-vous savoir si votre petit homme
lance une bombe mieux que la vieille mous-
tache, qui est, je vous l'assure, un solide gar-
çon. On dit que le vôtre danse bien tant mieux
pour lui mais ce n'est pas une raison pour
qu'il fasse danser ces enragés d'Espagnols, et
c'est ce qu'il nous faut.
» Recevez, monsieur le maréchal, etc..
» Maréchal NEY.
Cette lettre ne figure pas dans les archives
les ordres ou lettres du prince d'Essling au duc
d'Elchingen en 1810 et 1811. Elle est manifeste-
ment apocryphe pour les raisons suivantes
Le duc d'Elchingen n'a jamais employé
le terme monsieur le maréchal » dans ses let-
tres ou rapports à Masséna, et toujours il lui a
donné, dans sa correspondance de 1810 et de
1811, le titre de « prince »
2° Le prince d'Essling n'était pas homme à
faire des menaces au maréchal Ney, lequel ne
les eût point supportées
3° « Cet autre » c'est le maréchal Soult, et la
désobéissance aux ordres du roi d'Espagne,
transmis par son major général, est de pure
invention
4" Jamais le Roi et le duc de Dalajetie n'ont
traité Le maréchal Ney de « rebelle ni employé
à son égard un terme approchant;,»
5° Le duc d'Elchingen n'avait aucun goût
pour le genre badin et ne cultivait que la plai-
santerie facile aussi, la fin de la lettre qu'on
lui attribue est-elle en opposition formelle avec
son caractère
6° A partir de septembre 1808, et jusqu'au
commencement de 1813, Michel Ney a toujours
signé « Le maréchal duc d'Elchingen. »
Pour conclure, et nous ne saurions trop le
répéter, un mauvais farceur, comme il s'en
trouve parfois dans les états-majors,- a dû pren-
dre texte de la lettre du 20 mai au prince d'Ess-
ling, écrite en termes un peu vifs, pour en rédi-
ger une autre, grossière celle-là, qu'il a com-
muniquée à la duchesse d'Abrantès, en l'attri-
buant au maréchal Ney.̃
D'autre part, le 30 juin 1810, dix jours avant
l'assaut de Ciudad-Rodrigo, le colonel Valazé
fut désigné, par le prince d'Essling, pour com-
mander le génie du siège, et cette nomination
ne donna lieu, de la part du duc d'Elchingen,
a aucune observation.
̃̃ Général Bonnal
Ce qui se passe
LA POLITIQUE
UN VÉRITABLE DÉFI
La mode est au diptyque, dans lequel on
groupe, pour les opposer, les hommes qui
jouissent,, en ce moment, de la vedette pour des
causes différentes.
La Libre Parole confronte Pasteur'et Dide-
rot-; elle rappelle les belles paroles de Pasteur,
homme de science et de foi, qui a montré su-
perbement ce qu'elles pouvaient être quand
elles étaient unies
« J'ai étudié beaucoup, disait-il, et j'ai la
foi du paysan breton peut-être si j'avais étu-
dié davantage, aurais-je la foi de la pay-
sanne- bretonne 1
M. Barthou fait, en fort bons termes, l'éloge
de Diderot, mais il reconnaît que l'œuvre du
philosophie peut choquer les gens de goût il
y démêle un mélange magnifique de sentiments
élevés et de gravelures, d'idées profondes et de
plaisanteries grossières, d'effusions lyriques et
de platitudes.
Il admet que ses hardiesses spéculatives
auraient fait tort « aux idées de morale, de
civilisation et de progrès ». Enfin, il reconnaît
que la théorie de Diderot, « en supprimant la
liberté individuelle, anéantirait le droit social
et conduirait par l'irresponsabilité à l'anar-
chie ».
Ce jugement nous suffit, et nous n'avons
pas à nous demander où il convient de
classer Diderot comme éducateur et comme
philosophe surtout, nous n'avons pas à re-
chercher lequel de Pasteur ou de lui s'est
montré le plus digne de la reconnaissance de
ses concitoyens.
Tandis que la Libre Parole évoque l'admi-
rable figure de Pasteur et que M. Barthou nous
trace de Diderot un portrait auquel on pourrait
apporter de notables retouches, M. Judet, dans
l'Eclair, nous présente en pleine lumière deux
profils républicains qu'il oppose l'un à l'autre
M. Millerand et le général Faurie.
M. Millerand a racheté, dit-il, bien des er-
reurs en essayant de rétablir l'ordre dans les
rangs, d'éteindre les dissensions, de supprimer
les délations, de juger les officiers par leurs ap-
titudes et non par leurs idées philosophiques
sociales ou religieuses. Le général Faurie défend
énergiquement les vieilles méthodes inaugurées
par le général André « il fait fausse route, dé-
clare M.. Judat, s'il se figure, qu'il remontera!
le courant actuel. »
Et arrès ces hommes que nos confrères ont
justement opposés, voici la Lantcrne qui asso-
ci2 Diderot et Zola c'est un rapprochement
d'ailleurs qui s'impose, car l'un et l'autre ont
été des agents de destruction.
« Ce que nous entendons, dit notre confrère
glorifier dans Diderot et Zola, c'est précisément
leur philosophie, leur J'acéuse fièrement crié
contre les dogmes surannés, le fanatisme
odieux, les tyrannies .avilissantes. »
Or si les mots ont conservé leur signification
dogme est, dans la pensée de notre confrère,
synonyme de religion, fanatisme synonyme
d'église, tyrannie synonyme d'armée. C'est avec
ces trois éléments que se constituent l'ordre et
la discipline.
La Lanterne déclare que le jour où. Zola
traversera Paris, les républicains ont le devoir
d'être tous là pour cette traversée triomphale.».
Que la Lanterne- y prenne garde, nous qui
sommes pour tout ce qui rapproche contre tout
ce qui divise, nous ne poussons ras cependant
l'amour de l'apaisement jusqu'à prêcher le si-
lence et la réserve devant un pareil défi. Déjà
les camelots.du Roi font montre.d'une indigna-
tion très justifiée tous les patriotes se lève-
raient pour épargner à Paris l'humiliation dont
le menace la Lanterne.
M. Poincaré, M. Barthou, qui ont patriofique-
ment fait voter la loi de trois ans, seraient cer-
tainement invités à cette mascarade. Pourraient-
ils, voudraient-ils s'associer à l'apothéose des
l'auteur de la Débâcle? Arthur Meyer.
ÉCHOS DE PARTOUT
Tréguier est au nombre des petites villes
bretonnes dont le caractère archaïque et ls,
physionomie particulière se sont maintenus
en dépit des transformations nécessitées par le
progrès. Sa cathédrale, que Renan admirait
fort, est une des rares églises de France qui
aient conservé leur cloître à peu près intact.
Or, une vive irritation, nous écrit un de nos
lecteurs des Côtes:du-Nord, règne parmi la
plus grande partie de la population, à propos
des prochaines fêtes laïques, qui doivent avoir
lieu dans la patrie de saint Yves, avec le con-
cours de la franc-maçonnerie. Notamment, on
doit y inaugurer sur le champ de foire un
grand buste de la république, que les enfants
des écoles laïques viendront, par ordre supé-
'rieur., ,couronner teneurs et de feuillage.
Mais ce qu'il importe de faire ressortir, c'est
que le buste de la république sera posé sur
un piédestal qui, naguère, supportait, dans la
cour du couvent des Ursulines, une statue de
la Vierge. Et, pour couronner dignement cet
acte d'impiété, les sectaires de Tréguier n'ont
trouvé rien de mieux que d'élever l'effigie
de la république sur un terrain volé à l'an-
cien séminaire.
Les catholiques de Tréguier sont indignés
d'un tel sacrilège, qui froisse si profondément
leurs sentiments religieux.
Une dépêche annonçait avant-hier qu'en
quittant Beyrouth l'amiral de Lapeyrère avait
fait défiler son escadre devant le torpilleur
Hussard, à bord duquel se trouvait le patriar-
che maronite, chef suprême des catholiques du
Liban.
Il n'est pas un bon Français qui se soit éton-
né de cet hommage rendu aux plus anciens,
aux plus fidèles de nos protégés d'Orient. Il
n'en a pas été de même de quelques farouches
anticléricaux, que la nouvelle a fortement émus
et qui ont fait part de, leur émotion au minis-
tère de la marine. Et celui-ci s'est empressé,
hier, de publier une note dont voici la prudente
teneur
« Aucun renseibnement n'est parvenu au
département de la marine à ce sujet. Il est pro-
bable que l'amiral de Lapeyrère a simplement
fait saluer par le Voltaire le patriarche maro-
nite, chef religieux, mais qu'il n'a pas fait dé-
nier l'escadre devant lui. »
Dans les choses les plus simples et les'plus
naturelles, c'est toujours, hélas la peur des
radicaux qui guide i.os gouvernants. Et tou.'
jours cette crainte un peu ridicule de ne pas
sembler assez anticléricaux, assez dévoués' à la
cause de la laïcité!
Les Quotidiennes
̃' LA VALISE ROYALE
Ce soir,'dans un hôtel de Paris, on dira « Messieurs,
le Rpi! Et tel que je l'ai rencontré- souvent, en petit
complet, la cigarette aux lèvres, d'une jeunesse sou-
riante, Alphonse XIII prendra l'ascenseur de tout le
monde. Il pénétrera dans cet appartement qui, pour être
sacré royal ou princier, n'en est pas moins sans doute à
la disposition d'un milliardaire débarqué et rasé de frais.
Et la même électricité, les mêmes sièges, les mêmes con-
soles, les mêmes vases à fleurs accueilleront celui qui
laisse derrière lui les beautés sombres de l'Escurial ou
les grâces de la Granja.
Ainsi, dans leur luxe même, les salons et les chambres
d'hôtel sont étrangement égalitaires. On y est le voya-
geur qui passe est trop heureux quand on n'y est pas un.
chiffre de comptabilité. Mais ici encore l'esprit et l'âme
du passant donnent aux choses la qualité, l'aristocratie,
la vie. Sur elles, quoi qu'on dise, demeure comme un
reflet, une éloquence. Si l'on succède là à une femme,
il semble que plus odorante et légère soit l'atmosphère,
et ces banalités qu'elle a touchées, dont elle a fait usage,
ain'si que par miracle s'embellissent. Si l'on peut se dire
qu'un roi est venu là, il semble que ces objets aussi
aient connu le pouvoir et, superstitieusement, qu'ils en
retiennent comme une majesté.
II y avait, il est encore tout autour de la colonne Ven-
dôme de ces appartements de royale prédestination. Sous
la menace même des autos, on s'arrête, et regarde, et se
montre toujours ces hautes fenêtres où se sont penchées
des têtes couronnées ou qui ont vu les libertés d'un in-
cognito souverain. Non, elles ne sont pas comme les au-
tres fenêtres. Derrière elles, il y a de l'histoire, une mar-
que à part, une évocation, un anoblissement. Ceux qui
ont vécu là, fût-ce un instant, fùt-ce avec une exquise
simplicité, relèvent pour longtemps le décor, l'imprè-
gnent quand même de leur personnalité et de leur sou-
venir. Et puisque jadis les bons bourgeois de Paris ai-
maient à montrer à leurs fils cette fenêtre de l'Hôtel de
Ville par où se faisaient les révolutions, il est permis
peut-être de regarder des fenêtres derrière lesquelles on
songe à les combattre. Alexandre Hepp.
Les admirateurs de Musset sont en joie la
Société des Conférences annonce cinq confé-
rences de M. Maurice Donnay sur Alfred de
Musset, ses poésies et son théâtre. Au même pro-
gramme, les conférences « Mes Souvenirs », où
MM. René Bazin, Emile Faguet, Jules Lemaître,
Frédéric .Masson, Jean Richepin, Henry Rou-
jon, Aug. Filon, Alfred Capus, André Beau-
nier, Robert de, Fiers conteront un chapitre de
leurs mémoires personnels un cours sur Saint-
Simon, par- M. René Doumic des lectures de
MM. Paul Bourget, Edmond Rostand. La pre-
mière ssrie s'ouvrira en décembre, par les con-
férences du marquis de Ségur sur Pouchkine,
du comte d'Haussonville sur Mme de Staël, etc.
Une fois de plus, tout ce qui compte dans le
Paris lettré et mondain se donnera rendez-vous
dans la salle du boulevard Saint-Germain, pour
applaudir cette incomparable pléiade d'ora-
teurs.
VISION BREVE
C'est à un véritable régal d'art, un régal des plus déli-
cats que sont conviés demain mardi nos lecteurs. S'ils
veulent bien s'arrêter un instant 35, rue du'Colisée, et
pénétrer dans le somptueux hôtel de M. Vennier, ils. y
verront les plus gracieuses et les plus élégantes évoca-
tions qui soient des styles d'autrefois! Ce n'est pas ici
un magasin, c'est la demeure d'un seigneur de jadis
venu jusqu'à nous et qui, de toutes les époques qu'il a
traversées, a conservé, pour nous le transmettre intact,
le charme souriant. M. Vennier, qui est un artiste décora-
teur doublé d'un très fin érudit, a ressuscité avec une
extraordinaire habileté et une souplesse unique les ri-
chesses du temps'de Louis XIV et les réminiscences
grecques et romaines du Directoire, dans ses délicieux
meubles adorablement patinés et décorés avec un savant
raffinement dans ces formes exquises, dans ces pein-
turés murales, dans ces multiples riens charmants rui
font un tout merveilleux. Tel salon aux magnifioués do-
rures' appelle la lourde perruque et les justaucorps «
brevet » du Roi Soleil; telle chambre de jeune fille, rose
et tendre, fait penser à la Virginie de Bernardin de Saint-
Pierre tel boudoir évoque les poses nonchalantes de
Mme Récamier, quand la peignait David; tout cela avec
une note idéalement jolie, qui est le reflet de la personna-
lité de M. Vennier et qui fait de l'exposition de demain
le véritable régal d'art dont je vous parlais en commen-
çant.
Un cinquantenaire.
On l'a passé sous silence. Il méritait cepen-
dant au moins une .mention.
Il s'agit du cinauantenaire des wagons-cou-
loirs, qui remontent le croirait-on?, à
1863. Les journaux d'octobre, il y a cinquante
ans, annonçaient, en effet, 'la-mise en circula-
tion, après essais concluants, « de wagons en
tôle, possédant un couloir intérieur qui les
traverse dans toute leur longueur. Une passe-
relle à garde-fou permet, en outre, la commu-
nication d'un wagon à l'autre ».
Sans doute ce n'étaient point encore les splen-
dides wagons-couloirs de nos grands rapides
ou des trains internationaux, mais cela. cons-
tituait déjà un progrès notable. Il n'y a pas
encore bien longtemps que des wagons de ce
modèle, glorieux vestiges d'un passé désuet,
roulaient encore sur certaines petites lignes
d'intérêt local.
Le progrès va vite. surtout en chemin de
fer.
Deux mille cinq cents francs par an, telle est
la pension que le gouvernement anglo-indien
vient d'accorder à un brave serviteur qui s'était
singulièrement fait remarquer aux cortèges so-
lennels de ces dernières années.
Il s'appelle Thimouth, est d'une taille gigan-
tesque et il est doué d'une intelligence remar-
quable disons tout de suite que Thimouth est
le fameux éléphant qui était monté par, le Vice-
Roi des Indes lorsque celui-ci fut l'objet d'un
attentat au durbar de Delhi. Le pachyderme,
on le sait, malgré les blessures qu'il venait de
recevoir, resta calme et évita ainsi de graves
accidents.
C'est de cette belle attitude que le gouverne-
ment l'a récompensé. Il n'a guère que trente
ans, mais, comme il est guéri de ses blessures,
on a. pensé honorer ce fidèle serviteur 'en le
mettant à la retraite
Nous avons le: regret d'enregistrer la faillite
de la-tour Saint-Jacques la tour Saint-Jac-
ques du square, rue de Rivoli. Le brave gardien
en est aussi peiné que nous. Nul n'est infailli-
ble Un météorologiste moins que tout autre.
Où donc est, en effet, le beau temps qui nous
fut promis ? De la pluie, toujours de la pluie
Du soleil, un peu, de temps en temps. Et voilà
bien le danger Redoublons de précautions
deux fois par jour, un Dubonnet, notre bou-
clier contre les traits de la fièvre et de la grippe.
C'est aujourd'hui que commence, à l'hôtel
Drouot, salles 9, 10 et 11, la vente de la collec-
tion dépendant de la succession de Mme veuve
D. Les enchères seront dirigées par Me Lair-
Dubreuil, assisté des experts Caillot, Paulme et
Lasquin.
NOUVELLES A LA MAIN.
On parle de la question de l'enlèvement des
oidures ménagères.
Que faire de ces détritus qui déshonorent
nos rues et nos boulevards ? demande un vieux
monsieur.
Boireau, souriant
Leur donner un isoloir 1
Un Domina
Leurs Yeux
J'allais traverser la rue, mais je dois m'arrê-
ter au bord du trottoir, une automobile de place
approche à toute allure, conduite par un jeune'
mécanicien. Sans doute, il a craint que je ne
traverse avant qu'il soit passé, car je reçois son
regard en pleine figure, comme un coup de re-
vblver. Il est déjà loin, que le malaise causé
par le dur éclair de ses yeux persiste. On devine
que, le long d'une route déserte, à la tombée
du soir ou même, hélas en plein midi, le gail-
lard n'hésiterait pas à culbuter et couper en
deux le passant le moins du monde susceptible
de le £rRTif>r.
Derrière ce fiacre, aussitôt après lui, passe
une automobile découverte, conduite par son
propriétaire au visage rasé, au regard pareille-
ment brutal et froid et qui, malgré la classe à
laquelle il appartient certainement, n'est guère
plus rassurant que celui du chauffeur de taxi.
Ce* regards, d'une si particulière intensité,
d'une si farouche froideur, ce n'est pas la pre-
mière fois qu'ils me frappent. Chaque jour, je
croise, ainsi, quelques passants dont la déci-
sion peinte sur les prunelles, l'espèce d'égoïsme
impatient et presque féroce saisi dans l'expres-
sion me surprend. Ce n'est pas seulement sur
la chaussée, dans la caste des conducteurs d'au-
tomobiles, mais un peu partout, qu'on les
croise, ces yeux. Le regard, cette constatation
est indiscutable, le regard des, jeunes gens a
perdu de sa douceur, de sa claire confiance. Il
est devenu autoritaire, presque animal chez les
uns, montrant une âpreté, une précipitation de
posséder, .d'être, de jouir de la vie, qui aug-
mente d'année en année. Il faut abandonner les
villes, gagner la province, s'arrêter dans des
villages écartés pour trouver encore ce limpide
et. doux regard de France, confiant et aimable,
qui peut varier, certes, selon les climats et,
surtout, les caractères, mais qui, dans l'en-
semble, demeurait encore comme le reflet de
notre ciel tempéré où le soleil et la brume heu-
reusement mariés créent l'atmosphère la plus
heureuse, active et sereine du monde.
Les yeux de France perdent leur sourire hu-
mide, leur vivacité désintéressée, amusée du
premier oiseau qui passe, leur facilité à la con-
templation, leur lumière enjouée. Ils sont de-
venus d'une dureté particulière ils se sont
cuirassés, pourrait-on dire. Ceux des jeunes
gens ne ressemblent plus guère à ceux des hom-
mes du même âge, il y a vingt ans. Les mots
et les sujets qui les animaient alors ne susci-
tent plus la moindre clarté sur leur iris. Il ne
semble pas que tout ce que l'amour engendre
da gracieusetés, de délicatesses charmantes ait
prise encore sur leur sensibilité.
Dans la classe moyenne, ils ont délaissé le
théâtre pour le cinématographe. Quelle que fût
la pièce, vaudeville ou drame, opérette, comé-
die, il s'y trouvait un coin de poésie, de gen-
tille émotion, de sensiblerie même, qui allait
pendant un instant toucher les fibres affectives.
Au cinéma, ces cordes ne vibrent guère. La qua-
lité du spectacle empêche qu'on y introduise les
.subtilités dont le cœur de nos pères se rassa-
lsiait. Les acteurs ne parlent plus, ils agissent.
Tout au plus, échangent-ils un serrement de
mains, un regard. Les^ paroles ne sont pas né-
cessaires, elles seraient même superflues.
Vous promenez-vous encore le dimanche aux
environs; ce qui s'appelait jadis se promener ?
Poussez jusqu'au parc de Saint-Cloud, en pas-
sant par le bois de Boulogne.
,Le mot de promenade, celui d'après-midi do-
minicale, évoquaient des couples enlacés, des
amoureux bras dessus bras dessous, errant le
long des sentiers des familles entières suivant
la course des nuages au milieu des vestiges
d'une collation répandus sur l'herbe. Grands
parents installés sur des pliants, bébés, garne-
ments acharnés à la poursuite des papillons ou
se renvoyant volant et ballon, l'impression était
d'une détente salutaire, d'un repos bien gagné.
Lés âmes se devinaient simples, alanguies, et,
si l'on avait formulé une critique sur ces famil-
les, essaimées, c'eût été d'offrir l'image d'une
trop grande mollesse.
Voyez, dès la pelouse de Bagatelle, le spec-
tacle qui s'offre à vous. Vous chercheriez en
vain ces couples nonchalants et même, inutile-
ment, une femme, de quelque âge qu'elle fût.'
Il ne se trouve là que des « équipes » d'adoles-
cents vêtus de tricots de couleurs voyantes,
jambes nues, qui jouent au « foot-ball Le
mot n"a-t-il pas déjà une sonorité toute difl'é-
rente de celle des noms employés jadis pour
les jeux?. Suivez-les un instant. Leurs gestes,
leurs yeux, les yeux surtout, ont une 'éloquence
de volonté, de décision qui est bien particulière.
Ces garçons-là, demain matin, en gagnant
leurs affaires, la banque, le magasin, l'ad-
ministration, 'ne vous montreront plus cet air
musardeur, ces regards destinés à la gentille
Parisienne qui les croise. Ils ont conscience de
leur force,, ils en ont même la conscience exa-
gérée. Les affaires se sont elles-mêmes si pro-
digieusement développées qu'il leur faut pour
y réussir une ardeur, un mépris du prochain
et même un si vif désir d'émulation, qu'il res-
semble au sentiment que peuvent éprouver
pendant le combat les soldats ennemis. Il leur
faut « prendre » une place, l'occuper, avec une
vigueur, des nerfs, une prévoyance qui n'étaient
point nécessaires jadis. Toute omission devient
une faute, une faute grave, qui profite à un
concurrent, un adversaire. Les jeunes gens, au-
trefois, considéraient leur manque d'expérience
ccmrne une infériorité, ils reconnaissaient le
besoin d'une éducation à faire, ils convenaient
qu'un homme de quarante ans est en pleine pos-
session de ses moyens,, ils respectaient sa
science et l'écoutaient. Aujourd'hui, ils le trai-
tent de vieux, déclarent que son bagage, loin
de l'aider, l'alourdit, et passent outre à ses avis.
Leurs regards disent leur âpreté, leur ar-
deur, leur besoin de repousser toute contrainte.
Ils ont raison et tort. Raison, parce que les
conditions de la vie ont.changé et que,, s'ils ne
passent point, d'autres passeront à leur place.
Tort, parce que les conseils des aînés sont salu-
taires, parce que la vie, même lorsqu'elle a subi
d3 grandes évolutions, doit s'apprendre, et
qu'on ne supplée pas à ce que l'expérience
seule, la fréquentation des hommes, les déboi-
res enseignent. Ils ont tort, parce que le régime
d'action forcée auquel ils së soumettent leur
enlève la notion de cette diplomatie, de ces fi-
nesses, de ces nuances, qui, dans toutes les
classes, rendaient autrefois les rapports em-
preints d'une politesse plus agréable,' plus
française surtout, que ce timcs is money, ce
business poussés au paroxysme, trépidants, ha-
letants, vertigineux.
Leurs yeux disent le besoin d'être, sinon
riches, du moins d'avoir facilement de l'or,
de se trouver à égalité les uns des autres, cette
réciprocité des apparences, qui se jauge à la
coupe du vêtement, la manière d'enfoncer le
chapeau, de nouer la cravate, de porter les
manchettes. à l'automobile dont on descend
ou que l'on conduit soi-même, à la façon de
parler aux femmes d'un certain monde et aux
domestiques. Ils semblent n'être à leur coup
d'essai en rien, on ne voit jamais sur les joues
d'un adolescent les charmantes rougeurs de la
timidité. Leurs yeux vont au delà des person-
nes réunies. dans' le lieu où ils pénètrent.
Même en s'inclinant devanï une femme, en lui
baisant la main, cet œil quasi distrait, indif-
férent, ne.daigne se fixer, s'étonner, sourire.
Il n'y a pas là seulement une de ces modes
qui viennent, croit-on toujours, d'au delà de
la Manche, et, parfois, ont été instaurées, tout
simplement, par quelque petit snob qui en
remontre aux autres et leur plaît par une as-
surance, une confiance en soi supérieures à la
leur. Il faut y voir un indice de plus de cette
personnaiiké qui étouffe toute sensibilité, tout
abandon et n'admet nul imprévu.
Considérez quelque réunion où l'on danse ce
tango tantôt si décrié et tantôt porté aux nues.
Que vous vous trouviez chez le plus à la mode
des professeurs, dans la journée, celui qui a
toujours vingt automobiles de maître à sa porte,
ou bien dans un de ces étranges lieux où les
femmes du monde ne craignent plus de se ren-
dre, soit à l'heure du thé, soit après minuit,
exemple qui leur est donné par des altesses
elles-mêmes les jeunes gens dansent comme
ils vont à leurs affaires, comme ils font des
sports. Une mélancolie toute particulière plane
là. Le tango est tantôt une sorte de marche
scandée, précipitée, tantôt un balancement
mais, à aucun moment, ceux qui s'y livrent
ne paraissent s'y divertir davantage qu'à leurs
autres occupations. On les croirait possédés,
uniquement, du désir de faire plus de che-
min que les autres. Ils vont, vont, droit de-
vant eux, à droite, à gauche, les yeux fixes,
comme s'ils accomplissaient une sorte de de-
voir commandé, obligé, nécessaire.
Les curieux regards qu'ont ces jeunes hom-
mes froids, distraits, absorbés dans une con-
templation au delà de tout ce qui devrait les
retenir et les séduire, des regards qui revient
le besoin d'arriver, de faire ce qu'il faut
pour avancer, pour tenir sa place au mi-
lieu des autres, et non pas, jamais, farce
que cela fait plaisir.Et nous aimerions tel-
lement, au milieu de cette glaciale et égoïste
atmosphère, de ce cercle fermé, la brisure
charmante d'un regard qui serait naïf, con-
fiant, impressionnable,; ému. jeune, enfin
Albert Flament
Bloc- Notes Parisien
e Mystère de Cholet
semble éclairci
'L'OPINION D'UN TOXICOLOGISTE
L'affaire de Cholet est-élle élucidée? En d'autres ter-
mes, tient-on réellement le fil conducteur qui mettra en-
fin sur la voie?
Une dépêche d'Angers tendrait à nous le faire sup-
,poser. Nous y lisons, en effet, que l'analyse de la crème
royale servie lors de la désormais légendaire noce fatale
a révélé l'existence du microbe paratyphique.
Mais d'où venait le microbe paratyphique? C'est ce
que, sans doute, l'homme qui connaît le mieux cet infi-
niment petit pathogène, nous avons nommé le professeur
Chantemesse, chargé d'enquêter sur les empoisonne-
ments de Cholet, nous dira dans son rapport.
Pour l'instant, nous rapporterons sur l'affaire de Cho-
let elle-même et sur les empoisonnements en général,
l'opinion d'un des plus illustres toxicologistes de ce
temps, membre de l'Académie de médecine, qui a'bien
voulu nous recevoir hier.
En ce qui concerne ce qui s'est passé à Cholet, nous
dit notre savant interlocuteur, je ne puis que faire des
hypothèses, mais il me paraît bien extraordinaire, je vous
l'avoue, qu'il s'agisse ici de cas en quelque sorte fou-
droyants de typhoïde. Je crois pouvoir affirmer que cette
forme suraiguë de la typhoïde est en quelque sorte in-
existante en pathologie, surtout avec un aussi grand nom-
bre de cas mortels. Mais passons, ou plutôt attendons
des lumières nduvelles, et parlons, si vous le voulez
bien, des empoisonnements en général.
» Les toxiques, qu'ils appartiennent au règne minéral
ou végétal ou qu'ils soient produits par les matières en
décomposition, n'agissent pas de la même façon et leurs
symptômes sont essentiellement différents.
» Par exemple, l'aconit produit de la chaleur au creux
de l'estomac, des picotements dans la bouche, des mou-'
vements de déglutition fréquents, une transpiration froide
et visqueuse; la belladone, la sécheresse de la bouche et
de la gorge, une soif ardente, des troubles de la vision;
la strychnine, des convulsions tétaniques, une anxiété ter-
rible, des cris, etc.; la nicotine, des nausées, des'vomis-
sements, de la confusion dans les idées, la dilatation de
la pupille, etc. l'acide prussique, une insensibilité ra-
pide, la respiration haletante, etc. le sublimé corrosif,
une saveur métallique dans la bouche, une douleur vive
à l'estomac, des nausées, la syncope, etc.; i'opium, une
période d'excitation cérébrale avec accélération des batte-
ments du cœur, puis une sensation « de poids » dans .es
membres, l'incapacité de se mouvoir, de la somnolence
la contraction de la pupille, etc.; l'arsenic, ou plutôt l'a-
cide arsénieux, une grande faiblesse, de la dépression,
une douleur brûlante à l'estomac, des vomissements de
matières brunes, striées de sang, des crampes violentes
dans les jambes, une sensation de constriction avec sé-
cheresse ou chaleur dans la gorge et presque toujours
une soif ardente, etc.
» Il existe encore une classe de Doisons, je veux parier
des ptomaïnes, ces alcaloïdes qui résultent :de la décom- .:?
position de certains tissus, de certaines fermentations
microbiennes. Ici, je vous citerai
parvoline, qu'on trouve dans la viande de cheval ou le
poisson à l'état de décomposition7 avancée la neuridine,
qu'on rencontre dans le fromage; la gadinine, spéciale
la chair de morue la mytilotoxine des moules malades,
etc, etc.
» Avant que fût connue la dépêche d'Angers dont vous
venez de,m'instruire, on pouvait émettre l'hypothèse que:
les victimes de Cholet avaient bien été empoisonnées.
soit par un toxique minéral ou' végétal, soit par l'un des
poisons organiques dont. je viens de vous parler. Main-
tenant, cela est plus difficile à admettre, mais il n'en est
pas moins regrettable que nous n'ayons que peu de de-
tails sur les symptômes qu'ont présentés les dix malheu-
reux qui ne sont plus. »
Bien souvent, hélas! les empoisonnements sont causée
par des erreurs ou des imprudences. Malgré toutes les
précautions prises, les armoires spéciales destinées aux
toxiques, etc., nous n'avons que trop souvent à dépïorer
de graves fautes professionnelles. Est-ce que récemment,
dans un de nos hôpitaux, un externe en pharmacie n'a
pas donné, par erreur, à une maman, pour un. enfant ma-
lade, un médicament pour un autre ? Et vous savez quelies
en furent les suites funestes. Moi qui vous parle, j'ai
failli, lorsque je faisais mes études, m'empoisonner deux
fois en me trompant de flacon. Et cependant je passe et
ai toujours passé pour très précautionneux.
Il n'est pas un d'entre nous qui n'ait payé son tribut
à la faillibilité humaine. Un de mes amis, médecin, mort
aujourd'hui, m'a souvent raconté un fait de sa vie auquel
il ne pouvait penser sans trembler.
C'était à l'époque où, praticien jeune et inconnu, il
cherchait la clientèle. Une nuit d'hiver, il fut réveillé
par son concierge. La femme d'un de ses voisins, le oan-
quier P. venait d'être prise d'un mal terrible et subit.
Mon ami, en deux bonds, arriva chez M. P. Celui-ci,
absolument bouleversé, le conduisit au chevet de la mi-
lade.
D'un coup d'oeil, mon ami diagnostiqua une myéUte,
c'est-à-dire une inflammation aiguë de la moelle épi-
nière. Il appliqua quelques pointes de feu qui parurent
calmer légèrement Mme P. et prépara une ordonnais
à base de strychnine, puis il retourna chez lui.
Mais il ne put se rendormir. Sa pensée le reportait
sans cesse, vers sa nouvelle et riche cliente. Il se disa t
que s'il la guérissait, 'cette cure lui ferait honneur, qu'elle
pourrait avoir sur sdn existence future une influence heu-
reuse il se voyait déjà l'un des médecins préférés de la
haute banque parisienne.
Tout à coup, il poussa un cri terrible et, à moitié vêtu,
il se précipita au dehors, courant comme un fou dans les
rues, à ce moment désertes, de Paris. En quelques
bonds, il atteignit la pharmacie où l'ordonnance qu'il
avait établie avait été exécutée. Il tira la sonnette de nuit
et ce fut le pharmacien lui-même qui vint lui ouvrir.
D'un mot ce dernier fut mis au courant de cette visite
insolite. Le docteur avait commis une épouvantable er-
reur dans son ordonnance. Il avait prescrit, en effe'
cinquante centigrammes de sulfate de strychnine dans
deux cents grammes d'eau, au lieu de cinq cents
grammes.
Le pharmacien prit les mains de son ami: J'étais là,
dit-il, lorsqu'on est venu avec votre ordonnance, et j'ai
aussitôt rectifié. Mais si c'eût été mon élève!
Le docteur se jeta dans les bras de l'excellent homme
« Je me serais brûlé la cervelle! lui avoua-t-il. Et il
l'eût fait, avec ce sens délicat et sublime de l'honneur
professionnel dont tant de médecins ont offert le témoi.
gnage.
Tout-Paris
lies Relations
frafieo-italieiîfies
1 PAR M. RENÉ D'ARAL
Il souffle depuis quelque temps un mauvais
vent par-dessus' les Alpes. C'est une tempête
dans un verre d'eau, affirment les homme
politiques de France et d'Italie. Je veux bien
croire, en effet, que nous ne sommes pas reve-
nus aux plus mauvais jours du régime crispi-
nien un sentiment de défiance réciproque
n'en existe pas moins dans les deux pays il
a fait depuis un an des progrès sensibles,
entretenu et encouragé par une guerre de
plume singulièrement acerbe et d'autant plus
dangereuse qu'elle n'est pas proportionnée,
semble-t-il, aux motifs précis qui la provo-
quent. A vrai dire, ces motifs existent-ils ?
Ce sont des attitudes plutôt que des faits que
se reprochent mutuellement la France et l'Ita-
lie. Celle-ci, en effet, accuse la diplomatie
française de se mettre en travers de la poli-
tique que la sauvegarde de sa situation l'oblige
à suivre en Orient et dans les Balkans, et
d'ourdir je ne sais quelles machinations téné-
breuses la France, de son côté, se plaint des
susceptibilités excessives et injustifiées de
l'Italie et en vient à conclure que ce ne peut
être de sa part qu'une tactique destinée à pré-
parer et à faciliter la réalisation d'un plan
concerté, d'un plan triplicien résolument hos-
tile aux intérêts français dans le Levant.
Je crois plutôt que cet antagonisme tient
à des causes plus profondes et plus générales.
Il tient à ce que, d'une part, l'Italie, cédant à
son tempérament, s'est lancée avec trop d'ar-
deur dans « l'impérialisme méditerranéen »
a la suite de sa campagne de Libye, et, d'autre
part, la France ne s'est pas encore habituée à
l'idée d'un partage dans ce bassin de la Médi-
terranée que quinze siècles de prépondérance
incontestée lui donnent le droit de considérer
un peu comme son fief. Un sentiment de riva-
lité et, disons le mot, de jalousie a de tous
temps existé entre les deux nuissances mprii.
terranéennes il est naturel, il est humain
il s'était exasréré chez les Italiens à l'époque
où nous avions établi notre protectorat tunisien,
puis, cette amertume apaisée, jointe à l'espoir
de s'installer un jour en Libye, dont la libre
possession leur était assurée par lés traités de
1902, ils avaient compris avec nous que deux
nations voisines sur la côte d'Europe comme
sur les rives d'Afrique auraient plus d'avan-
tages à s'unir qu'à se combattre, dès lors que
la Méditerranée devenait le grand couloir du
trafic international ouvert aux plus redouta-
bles concurrences. Mais on comptait sans les
événements la conquête de la Tripolitaine,
la guerre balkanique, la désagrégation de
l'Empire ottoman, l'essor inattendu de la puis-
sance italienne. L'Italie entrevit à la fois un
rêve fantastique et un danger pressant le
rêve c'était la possibilité, à la faveur des cir-
constances, d'étendre son influence, sinon ses
conquêtes, au delà des limites qu'elle s'était
assignées le'danger consistait dans la menace
que dressait contre sa sécurité la politique
agissante de l'Autriche dans l'Adriatique au
moment où l'Alb"anie devenait Etat autonome.
Se mettre en lutte ouverte contre l'Autriche
lui apparut une aventure trop risquée elle
préféra lier partie avec elle afin de neutraliser
le péril proche et pouvoir en toute liberté d'es-
prit affermir ses positions à la fois en Albanie
et dans le bassin oriental de la Méditerranée.
Ce violent coup de barre allait nécessairement
l'éloigner de nous et nous éloigner d'elle.
Seulement à partir de ce moment, elle a eu
la hantise de la persécution. Elle nous a vus,
elle nous voit continuellement autour d'elle,
semant des pièges, dressant des embûches,
contrecarrant ses projets comme dans un
ménage qui se désunit, les querelles, les coups
d'épingle se succèdent à propos de tout, à
propos de rien. Les journaux des deux pays
engagent des polémiques d'une violence inu-
sitée et les gouvernements gardent un silence
qui peut passer pour une approbation. Que-
relle superficielle, disent-ils, qui n'a point
d'écho dans les deux pays c'est une erreur.
Elle crée des courants d'opinion qu'il est en-
suite très difficile de remonter. Or, je ne pense
pas qu'il soit dans l'intérêt ni de la France, ni
de l'Italie, de creuser davantage le fossé qui
actuellement les sépare. La controverse enga*
gée depuis un an par la presse est, à notre
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