Titre : Le Gaulois : littéraire et politique
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1912-10-24
Contributeur : Pène, Henri de (1830-1888). Directeur de publication
Contributeur : Tarbé des Sablons, Edmond Joseph Louis (1838-1900). Directeur de publication
Contributeur : Meyer, Arthur (1844-1924). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 24 octobre 1912 24 octobre 1912
Description : 1912/10/24 (Numéro 12794). 1912/10/24 (Numéro 12794).
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 24/04/2008
PARIS ET ET DÉPARTEMENTS CENTIMES-- 1-
JEUDI 24 OCTOBRE 1912
ARTHUR MEYER
Directeur
rédaction'
DE QUATRE HEURES DU SOIR A UNE HEURE DU MATIN
2, rue Drouot, 2
(Angle des boulevards Montmartre et des Italiens)
ABONNEMENTS
Paris et départements
Un mois 5 fr. Six mois 28 fr.
Trois mois 14 fr. Un an 56 fr.
Etranger
Trois mois (Union postale) 18 fr.
TÉLÉPHONE. Trois lignes: 102.37- 209.00 -312. 2.1
LE PLUS GRAND JOURNAL DU MATIN
ARTHUR MEYER
Directeur
ADMINISTRATION
ABONNEMENTS, PETITES ANNONCES
2, rue Drouot, 2
(Angle des boulevards Montmartre et des Italien»)
ANNONCES
MM. LAGBANGE, CERF de O.
8, PLACE DE LA BOURSE, 8
Et d l'administration du Journal
Les manuscrits ce sont pas rendus
Le prince de Galles rentrait à Londres, il y a
peu de temps, après avoir vécu trois mois de
la vie parisienne, et une interview récente, pu-
bliée par un magazine, nous renseignait sur
son soût pour notre pays, sur ses opinions de
jeune voyageur. Comme son grand-père, dont
il conte plusieurs souvenirs touchants, le prince
de Galles semble aimer sincèrement la France.
Ce que cet amour a de profond et d'efncace,
nous ne le saurons guère que quand il montera,
à son tour, sur le trône. Souhaitons qu'à son
exemple, un peu de f rancomanie soit à la mode
en Angleterre, ne serait-ce que pour nous ren-
dre la politesse de cette anglomanie que nous
affichons depuis plus de cent ans.
Au surplus, s'ils devenaient jamais franco-
manes, les Anglais ne feraient que reprendre
w une tradition très vieiile chez eux et qui re-
monte à Charles II et se conformer iL des usa-
| ges dont leurs arrière-grands-pères semblent
v avoir été fort contents.
Ces réflexions, c'est moins l'interview du
prince de Galles qui me les inspire que la tra-
duction récente qu'urr érudit doublé d'un excel-
lent écrivain, M. Théodore Lascaris, donnait
naguère des lettres de lord Chesterfield à son
fils, lettres qui nous mettent à même d'entrer
dans l'intimité d'un gra.nd seigneur du dix-hui-
tième siècle, qui fut en même temps un homme
̃x politique et un écrivain.
M. Lascaris faisait précéder cette traduction
d'un essai biographique qui nous permet de
mieux connaître le personnage dont nous écou-
terons tantôt les sages avis.
Philippe Dormer Stanhope. comte de Ches-
terfield, né à Londres, en 1694, ne fut pas un
homme d'Etat bien important, et l'ambition qui
le talonnait le servit mal. Il n'obtint aucune
cles hautes situations qu'il désirait et méritait
certainement et usa ses forces dans l'opposition,
opposition à Georges Ier, il Georges Il, opposi-
tion au tout-puissant ministre, Robert Walpole.
Au lieu de remplacer celui-ci, lord Chesterfield
fut nommé ambassadeur à La Haye, puis grand
intendant de la maison royale, vice-roi d'Ir-
lande, mais c'étaient là emplois secondaires, et
si Chesterfield s'en acquitta à son honneur, il
n'en fut aucunement satisfait. Il fut, enfin, se-
crétaire d'Etat, mais.comme il se heurtait en-
core à 1 hostilité du Koi, il donna sa d'émission
et se consacra au monde, à la lecture, à ses
souvenirs. Il avait, dans South-Audeley-street,
la plus charmante habit.ation, et en son boudoir
bleu et or, où un portrait de la Rosalba lui rap-
pelait les traits d'une des femmes qu'il avait
aimées, il sut accepter la vieillesse, ne garder
aucune amertume de sa vie à moitié manqué,
vie d'ambitieux raté et de père malheureux. Il
déclina avec sagesse comme il avait vécu. « Ty-
rawley et moi, écrivait-il à la fin de sa vie, nous
sommes morts depuis cinq ans, mais nous ne
voulons pas qu'on le sache. »
Il mourut en réalité en au moment où
il recevait la visite d'un vieil ami et faisant, pour
le recevoir, un geste d'accueil, et, par une sin-
gulière ironie du sort, cet homme qui avait re-
cherché la gloire ne connut l'immortalité que
par l'indignité d'une belle-fille qui vendit les
lettres intimes adressés à son mari.
Une semblable existence avait rendu lord
Chesterfield à même de connaître la vie. En ces
temps lointains, quelqu'un qui prenait la plume
avait approché de fort près l'hum^nté il ne
vivait pas loin d'elle, en reclus, en ermite mé-
prisant, il la voyait dans le lieu le plus propre
à y étudier les intrigues, les détours, une cour,
une ambassade. Il s'y ajoutait pour lord Ches-
terfield une clairvoyance particulièrement ai-
guisée, puisque l'ivresse du triomphe ne l'a-
vait jamais aveuglé, et aussi de la sérénité, car
il était un philosophe avant tout.
Les conséquences d'un pari l'avaient porté à
s'éprendre d'une demoiselle du Bouchet, au
moment où il était ambassadeur à La Haye. Il
en eut un fils qu'il aima beaucoup et en qui,
comme tous les parents déçus, il voulut réaliser
les rêves qu'il avait manqués lui-même mais là
encore son destin contraire le vint décevoir.
Car Philippe Stanhope ne fut qu'un pauvre sot
et mourut assez jeune, laissant une femme mé-
diocre, choisie n'importe où, et deux descen-
dants sans histoire.
Ce fut pour ce fils que lord Chesterfield écri-
vit ces lettres admirables, pleines de suc et de
savoir, et que l'on a jugées si longtemps im-
morales, car il osait y parler de tout,
et surtout des problèmes que la plupart des
pères préfèrent laisser au hasard le soin de
résoudre. Ce qu'il y a d'étonnant, en effet,
dans ces lettres, c'est non pas leur rouerie,
comme on l'a trop dit, mais leur mesure, leur
modération, leur sagesse.
Il va deux cents ans, un homme qui naissait
au sein d'une société polie et policée, comme
l'était la France ou l'Angleterre, n'avait à ré-
pondre à aucune des questions religieuses, mo-
rales ou sociales qui accaparent aujourd'hui les
premières années de jeunesse elles étaient,
pour ainsi dire, résolues d'avance, et comme
elles le sont dans Pascal, par le bon sens, l'ob-
servation des mœurs, qualités qui n'excluaient
pas cependant, comme chez Pascal encore, et
quand il en était besoin, la plus farouche in-
dépendance d'esprit. Le soin qu'il prendrait
aujourd'hui à se connaître et à chercher sa
vérité personnelle dans un tohu-bohu d'opi-
nions contradictoires, un homme d'alors l'em-
ployait à être un bon humaniste, d'abord, et
ensuite à ne rien ignorer des hommes. C'est
pourquoi les grands classiques, soit en France,
soit en Angleterre, ont été surtout des mora-
listes. Depuis que le romantisme a répandu son
trouble dans les esprits, c'est soi-même que
l'on perd un temps précieux à analyser. Vou-
loir se connaître, c'est bien vain, puis-
que, quelque connaissance que l'on ait de soi,
on ne saurait se juger. C'est bien vain en-
core, si l'on songe qu'en pratiquant cet exer-
cice spirituel, on gagne surtout à voir en soi
une exception et ce que Gobineau appelait un
« fils de roi », vanité si courante, si répandue
en un temps et dans un pays où rien n'étant
à sa vraie place, il faut conquérir l'estime des
autres par les moyens les plus brutaux ou la
sienne propre par un dédaigneux éloignement.
Ainsi formé de bonne heure à la pratique de
l'être humain, un contemporain du Régent ou
de Georges II pouvait se mouvoir aisément dans
un monde fait à sa taille et, pour ainsi dire à
son bénéfice. Ni dupe, ni dupeur, toujours pré-
sent à tout, l'esprlt clair et la volonté nette,
alerte et spirituel, prompt à user d'un ami
comme à faire la cour à une femme, n'ayant
aucune passion amoureuse dont ies conséquen-
ces fussent disproportionnées avec leur objet,
ne méprisant point la vie, mais appréciant en
elle ce qu'elle a d'aimable et de savoureux, hon-
nête par bon ton, fin par plaisir et désabusé par
raison, tel était le type courant d'un homme
au dix-huitième siècle, qu'il fût Anglais, Pran-
çais#u Allemand, car ces gens se ressemblaient
tous, étant formés sur le même modèle celui
d'un civilisé vivant à la Cour de Louis XIV.
En lisant Chesterfield, on voit combien l'es-
prit anglais, indifférent aux dissensions politi-
ques qui divisaient les deux pays, se laissait
influencer car le nôtre. Le ton de Chesterfield,
j uni, délicat, c'est celui d'un Fénélon qui eûl
traversé la corruption de la Régence sans s'y
salir. Les conseils -qu'il donne à son fils peu.
vent paraître frivoles il. certains esprits qui
trouvent la vie pratique incompatible avec les
hautes spéculations philosophiques, mais
de choisir un ami, de juyer un inconnu, d'être
en même temps homme de travail et homme
de plaisir, de plaire sans bassesse, a apprendre
sans'ennui, le cas qu'il faut faire des femmes,
la façon de se faire accepter par la bonne
société, l'entente des vices et des vertus de cha-
cun,.ne'sont point choses futiles. On peut sortir
premier de l'Ecole centrale et n'être qu'un sot
toute sa vie, parce qu'on ignore ces détails-là.
Nous nous soucions moins de la valeur intrin-
sèque de l'homme que nous fréquentons ou que
nous employons que de ses manières un être,
élevé dans de certains rites, nous inspire con-
fiance, parce que sa prudence et sa politesse
nous éviteront toujours certains désagréments.
Notre lord disait à son fils « Mon but est de
vous rendre digne de vivre. » Connaît-on
beaucoup de gens qui le soient, si on le prend
sur ce ton-là ?
Oui, un Chesterfield, s'il n'appartient pas à
notre race, est de notre civilisation, comme un
prince de Ligne ou comme cet Horace Walpole,
fils du ministre, et dont Mme, du Defi'and fut
si étrangement amoureuse. Toute l'Europe, au
dix-huitième siècle, était française, ou vou-
lait le paraître, même la Russie. Il n'a
fallu rien moins que la Révolution pour réveil-
ler âprement le sentiment des nationalités et
exalter en chaque peuple, non plus ce qu'il
avait d'humain, c'est-à-dire de général, comme
c'était l'aspiration de l'Europe depuis la Renais-
sance, mais ce qu'il a d'exclusivement russe,
italien ou prussien,
Je songe souvent à ce que durent être les an-
nées de retraite d'un Chesterfield, d'un Wal-
polé, d'un prince de Ligne. Le premier essayait
de se résigner et n'avait plus que les plaisirs du
jeu et ceux de la société. « Je souffre d'être,
écrivait-il, je suis, dans tous les sens, isolé et j'ai
vidé toutes mes cruches. Je puis quitter ce
théâtre sans regretter personne et sans y être
regretté. » Il se promenait en carrosse dans les
rues de Londres et appelait cela faire la répé-
tition de son enterrement. Le second, dans son
parc déjà romantique de Strawberry-Hill, se
laissait prendre lui que la passion de Mme
du Deffand n'avait su toucher aux charmes
d'une de ses voisines, Miss Berry, et s'enfer-
mait pour écrire de savantes lettres à ses der-
nières amies. Le derniers, en son château de
Bel-Œil, dans le désordre et la saleté, dictait,
parmi mille invectives, ses mémoires à sa fille,
celle à qui il devait dire à son lit de mort, et
quand elle voulait baiser sa main d'agonisant:
Me prenez-vous déjà pour une relique ? »
Le prince de Liâne et Walpole et celui-ci,
avec quelle tristesse, quel sentiment d'hor-
reur voyaient la fin d'un monde accompli
et les débuts de ces temps nouveaux dont nous
ne pouvons rien dire, puisque nous les vivons,
mais dont nous savons, toutefois, que n'y re-
naîtra jamais cette fleur de civilisation que le
fer de la guillotine a tranchée.
Ces trois hommes ont également aimé et res-
pecté la France, comme l'idéale patrie des phi-
losophes et des gens de goüt ils avaient couru
le monde et fréquenté diverses sociétés, ils
savaient à peu près tout et ils étaient sceptiques
sur ce qu'ils ignoraient. Tolérants, respectueux
d'autrui, amis fidèles, n'assignant pas à la vie
un but qui la dépassât infiniment, ils conseil-
laient un optimisme sans naïveté, la modéra-
tion, l'obéissance aux coutumes, non parce
qu'elles sont bonnes en soi, mais parce qu'elles
sont pratiques et approuvées par l'expérience
le sentiment du relatif et du précaire les avait
rendus réfléchis et spirituels, ils n'estimaient
pas que l'homme sur sa planète misérable eût
quelque droit à l'absolu.
Il y a un abîme entre ces êtres-là et ceux qui
devaient les suivre immédiatement et qui, han-
tés par Napoléon dont la resplendissante image
incarnait l'idée même de la gloire, prêts à tout
sacrifier pour obtenir une semblable réputation,
répandaient avec fureur le trouble qu'ils por-
taient en eux et un délire dévastateur, car, en
plus d'un romantique, il y avait encore quel-
que chose de Robespierre.
En effet, tandis que les derniers sages de
l'ancien régime conduisaient au plus haut
point un idéal de raison, de convenance et de
clairvoyance sceptique, un homme allait rô-
dant de Genève à Paris, inquiet, aigri, philan-
thrope (c'est-à-dire aimant l'humanité qu'il ne
connaissait pas pour mieux haïr ses proches),
trouvant tout à redire à une société qui ne dis-
tinguait pas son mérite, cherchant dans la so-
litude et les bois, dans l'indifférence de la na-
ture, un soulagement à son irritation incessante, j
à ce besoin d'un amour inexprimable dont son
âme était obsédée, ivre d'une sorte de génie in-
consciemment destructeur, créant des tables de
valeurs nouvelles, puisque les valeurs alors
existantes ne tenaient point compte de lui, dres-
sant en face des lois et des coutumes les droits
farouches de l'individu, plus capable d'inventer
un monde que de se plier à celui qui le régis-
sait, Rousseau, enfin
Le dix-huitième siècle finissait c'était en-
core cet Embarquement peur Cythbrc, peint
divinement par Watteau cent ans auparavant.
Sous un ciel aux couleurs tendres, on voyait
toujours les mêmes galants, en costume zinzo-
lin, et les mêmes femmes charmantes, mais ce
n'était plus une galère d'or guidée par les
amours qui allait emporter les pèlerins. Une
infâme charrette se préparait à les conduire à
l'échafaud, car l'humanité qui aurait pu se mo-
deler sur la profonde sagesse d'un Pascal ou
d'un Molière, ou sur la douce raison de lord
Chesterfield, d'Horace Walpole ou du prince
de Ligne, avait préféré prendre pour exemple
la folie de Rousseau
Edmond Jaloux
Ce qui se passe
LA POLITIQUE
UN REDOUTABLE INCONNU
La guerre orientale s'il faut en croire les
nouvelles que nous transmet le télégraphe
se poursuit avec une singulière brutalité. On
ne se salue pas avant la bataille comme il
advint au dix-huitième siècle, et les combat-
tants, lorsqu'ils remportent un avantage, usent
sans ménagement de leur victoire.
Depuis que M. de Bismarck a proclamé la
supériorité de la force sur le droit, on n'a plus
le souci d'observer vis-à-vis d'un adversaire les
règles d'humanité qui caractérisaient les guer-
res d'autrefois.
C'est ainsi que les Turcs ont bombardé
Varna, qui ne pouvait se défendre, et leur artil-
lerie paraît avoir visé surtout le monastère de
Saint-Constantin, qui ne leur opposait certaine-
ment aucune résistance.
Après Varna, c'est une autre ville ouverte,
Kavarna, qui a subi le feu des batteries ottoma-
nes.
Nous ne sommes qu'au début des hostilités
et l'on peut malheureusement craindre qu'en se
prolongeant, la guerre n'adopte un caractère
exceptionnellement féroce.
La lutte actuelle, en effet, met aux prises
des religions ennemies entre les Ottomans et
ceux qui les attaquent, la haine de races do-
mine les conflits d'intérêt, et l'on peut appré-
hender le pire du choc entre les anciens maî-
très des provinces balkaniques et ceux qu'ils
ont si longtemps opprimés.
Les Bulgares, les Serbes, les Grecs ont la
haine du Turc et l'on peut croire que, de leur
côté, les Turcs seront sans ménagements pour
ceux qui ont conquis contre eux leur indépen-
dance.
C'est l'Allemagne qui a inauguré dans le
monde la guerre implacable,' et naturellement
c'est sur l'Allemagne que les autres peuples
croient devoir se modeler.
Il faut souhaiter que la lutte actuelle soit de
courte durée, car, si elle se prolongeait, nous
verrions 'entrer en ligne les contingents asiati-
ques de la Turquie, moins soumis que les com-
battants européens aux exigences de. la disci-
L'armée régulière ottomane ne se distingue
pas des armées civilisées, mais que sont les
soldats barbares ctue le fanatisme religieux
pourrait grouper autour de l'étendard du Pro-
phète ?
Quel contrôle exerceraient sur leurs passions
antichrétiennes les officiers qui les commande-
raient ?
Dans l'intérêt de l'humanité, nous devons
donc faire des vœux pour que la guerre actuelle
soit limitée dans ses effets et dans sa durée
c'est, à mon avis, le souhait que doit formuler
tout bon chrétien. L. Desmoulins.
ÉCHOS DE PARTOUT
Premiers almanachs.
Aux devantures des libraires, parmi les der-
nières publications, apparaissent de jolies bro-
chures habillées de rose, de vert ou de saumon,
dont les titres plus ou moins alléchants attirent
les regards des amateurs.
Ce sont les premiers almanachs de l'année
1913, et ce n'est pas sans une certaine curiosité
que l'on se prend à les feuilleter, car leur lec-
ture en est à la fois attrayante et utile. Chaque
année, ces almanachs deviennent, en effet, de
plus en plus instructifs. Ils contiennent une
foule de faits et d'événements précieux à noter
et à retenir.
Quelle différence avec les anciens almanachs,
ceux que consultaient nos pères Ceux-là, pour-
tant, n'étaient pas dépourvus d'intérêt. Ils ne
se contentaient pas d'indiquer les jours fériés
et les jours ouvrables ils prédisaient encore le
beau temps, la tempête, le brouillard et la
pluie, ils indiquaient l'époque où il fait bon
fumer la terre, semer, planter, couper le bois
les jours où l'on doit se ventouser, prendre mé-
decine, se soigner, rafraîchir sa barbe, risquer
,ses écus, entreprendre voyage.
Les almanachs d'il y a cent ans fournissaient
aussi les renseignements sur la poste, les voya-
ges en diligence, etc. Une lettre ne devait met-
tre que douze heures au maximum pour aller
des Halles aux Batignolles et la diligence met-
tait huit jours pour aller à Poitiers
Que tout cela est donc loin, hélas
On vient de publier les rapports faits, tant
en Angleterre qu'aux Etats-Unis, sur le nau-
frage du Titanic, qui eut lieu le 14 avril der-
nier. On sait que le navire a heurté un iceberg
à 11 h. 40 du soir et a coulé à 2 h. 20.
Le rapport de lord Mersey révèle des choses
aussi curieuses que tristes, où le comique se
mêle au tragique. C'est ainsi que le Frankfurt,
du Lloyd allemand, qui se trouvait à cent cin-
quante-trois milles du Titanic, reçut son appel
par télégraphie sans fil et ne se décida à répon-
dre que vingt minutes plus tard, demandant
Que se passe-t-il ? » A quoi le télégraphiste du
Titanic, impatienté, répondit « Imbécile »
On se rappelle que c'est le Carpathia, qui
était à cinquante-huit milles du l'ilanic, qui
sauva les survivants le lendemain matin. Son
opérateur allait se coucher lorsque par hasard,
ayant conservé le casque poste-récepteur, il re-
çut l'appel du navire en détresse. Le Califor-
nian, qui n'était qu'à dix-neuf milles, aurait pu
arriver à temps pour sauver tout le monde,
mais son opérateur de télégraphie sans fil était
couché
De tout cela, les rapports concluent, entre au-
tres choses, à la nécessité d'avoir sur les paque-
bots une permanence de télégraphie sans fil.
Il n'y a eu que sept cent onze personnes sau-
vées sur deux mille deux cent une qui étaient à
bord du Titanic, trente-deux pour cent, et c'est
ce qui cause le plus d'indignation en Amérique
et en Angleterre.
Une épidémie. de probité au régiment.
Les « bleus » commencent à donner de leurs
nouvelles. L'un d'eux, incorporé dans un régi-
ment en garnison dans une grande ville du
centre, nous communique l'aventure plaisante
que voici
Certain matin de la semaine dernière, un
soldat trouva dans la cour de la caserne' un
porte-monnaie. 11 le remit à l'adjudant. Celui-
ci porta le fait à la connaissance du colonel,
lequel accorda à l'honnête troubade, la permis-
sion de minuit.
La chose fut connue. et, le lendemain, onze
porte-monnaie furent perdus, réclamés, trou-
vés et rendus.
Cela prenait des allures d'épidémie. conta-
Le colonel, avisé, trouva un remède. Il'
accorda, sans mot dire, les onze permissions
escomptées pour le soir même mais, dès le
lendemain, l'avis suivant fut lu, puis affiché,
aans les chambrées
« Tout soldat ayant trouvé et rendu un porte-
monnaie aura la permission de minuit. Mais
le soldat ayant perdu ce porte-monnaie sera
puni de vingt-quatre heures de salle de police. »
Le résultat fut merveilleux. L'épidémie fut
enrayée net
On étudie en ce moment, au sous-secrétariat
des postes et télégraphes, une réforme qui ne
demandera presque aucune dépense et qui sera
tout à fait bien accueillie du public. La voici
Quand les télégraphistes viennent nous ap-
porter une dépêche, ils n'ont rien de plus
pressé que de s'en aller une fois le télégramme
remis. Or, souvent il serait très agréable, soit
à un commerçant, soit à un particulier, de ren-
voyer aussitôt une réponse au télégramme que
l'on vient de recevoir. Le sous-secrétaire d'Etat
des postes et télégraphes a pensé que les jeunes
préposés des P. T. T. pourraient, sans trop de
gêne pour le service, attendre cette réponse et
la transmettre aussitôt au bureau de télégraphe
dont ils dépendent.
Il paraîtrait que, moyennant un supplément
de taxe insignifiant, cette faculté de répondre
par la voie rapide nous serait accordée inces-t
samment.
Beaucoup d'opérateurs de cinématographie
sont partis pour le théâtre de la guerre. On ne
se doute pas du courage qu'auront à déployer
ces intrépides photographes, car les dangers
seront grands, en raison de l'encombrement et
du poids des appareils qu'ils devront porter
sur la ligne de feu.
C'est la première fois que le cinéma opérera
pendant une guerre véritable, après avoir tant
de fois tourné pour représenter des combats
simulés. Les Compagnies d'assurances anglaises
ont créé spécialement pour eux des polices de
six mois à tarif fort élevé.
Aussi quand, dans les établissements pari-
siens, nous verrons sur les écrans se dérouler
les vues des combats, pensons un instant aux
braves opérateurs qui, au péril de leur vie,
nous procurent ces spectacles émouvants et
véridiques
Une question juridique fort curieuse vient
d'être soulevée dans un tribunal du Tennessee,
aux Etats-Unis il s'agissait de savoir s'il est
permjs à un avocat de répandre des larmes en
la cause de son client, sans que cette
manifestation propre à impressionner le jury
puisse entraîner la nullité de la sentence.
Le juge a décidé que les larmes d'un défen-
seur étaient un moyen aussi légitime de gagner
les jurés que tous les arguments émouvants de
son plaidoyer, et ce n'est pas la première fois,
d'ailleurs, qu'un avocat y a systématiquement
recouru. On cite à Boston un célèbre avocat
qui fit sa réputation, ces derniers temps, par Le
succès qu'il atteignit dans ce genre d'argumen-
tation.
COUPS DE CRAYON
Mme HENRY FERRARE
Un nouveau nom qui apparaît parmi ceux des auteurs
dramatiques et lyriques Mme Henry Ferrare est, en
effet, afrec M. Henri Cain, l'auteur du poème de cette
Danseuse de Ponpéi, musique de M. Nouguès, que
l'Opéra-Comique va représenter sous peu de jours.
Mme Henry Ferrare n'est pourtant pas une nouvelle ve-
nue dans le monde théâtral elle est, comme on dit com-
munément, une « enfant de la balle », par son oncle Am-
broise Thomas, par sa mère Mme Montigny-Rémaury, la
grande pianiste. Il suffit de la voir dans son salon pour
comprendre le culte qu'elle a voué à la grande famille
de l'art sur son bureau, voici le portrait de l'auteur de
Mignon, par Marchal; au mur, celui du même composi-
teur par Marcel Baschet; puis des photographies de
Faure, de Christine lVilssonn dans Hamlet; le portrait que
M. Saint-Saëns dédia à Mme Montigny-Rémaury après
une triomphale exécution d'un concerto.
La Danseuse de Pompéi, que Mme Henry Ferrare a
extraite du roman de Jean Bertheroy, n'est pas la pre-
mière œuvre de la jeune dramaturge. Elle est l'auteur
du poème de La Chèvre de M. Seguin, que Benjamin
Godard a mise en musique; de Chrysothémis, un poème
sur les fouilles d'Antinoë, pour le compositeur Louis Au-
bert. II y a trois ans, M. Albert Carré joua d'elle, à
.l'Opéra-Comique, La Fille du Tourneur d'ivoire, d'après
,'j£aa Bertheroy, musique de M. Saint-Saëns, où elle met-
tait en scène la vie des astronomes syriens à Emèje.
Elle est particulièrement éprise de l'antique et du clas-
sique, et c'est ce qui explique qu'elle ait été tentée par
le drame mystique de Jean Bertheroy; mais c'est aussi la
chorégraphie qui attire Mme Henry Ferrare; car la char-
mante femme du sculpteur Emile Laffon a le culte de la
forme, le culte du mouvement qui reste plastique et
eurythmique. Et c'est cela aussi qui l'a séduite dans La
Danseuse de Pompéi; on dit tout bas, avant de le dire
très haut, que M. Albert Carré s'est piqué au jeu et que
La Danseuse de Pomper par ses splendeurs, fera parler
d'elle à l'Opéra-Comique. Mme Henry Ferrare peut en
ces conditions affronter sans crainte le grand public la
baie de Naples ignore les tourmentes. L. S.
La Femme et les Fourrures (illustrations en
couleurs de Jacques Nam, édition 'd'art Manzi
Joyant et Cie), tel est le titre du neuvième fas-
cicule de la série de Carnets d'artiste, si juste-
ment appréciée par les amateurs, exemplaire
de luxe à tirage limité, réservé uniquement à
la bonne et fidèle clientèle des magasins de
Pygmalion et qui lui est adressé par la poste,
sous pli recommandé, à l'occasion de la très
intéressante exposition de Fourrures et Man-
teaux du lundi 28 octobre.
L'empressement des élégantes à se rendre à
toutes les expositions organisées par'les maga-
sins de Pygmalion est la meilleure preuve
qu'elles savent apprécier les véritables occa-
sions qui leur sont offertes la mise en vente
de lundi prochain ne pourra que consacrer la
réputation qu'ils ont si légitimement acquise,
de vendre bon et bon marché. Exceptionnelle-
ment, les magasins seront ouverts toute la
journée le dimanche 27 octobre.
Le système de la journée de vingt-quatre
heures n'est pas nouveau, on le sait. Mais
voici qui recule son ancienneté. On lit dans
Le Voyage de la Sainct.c Cyté de Hiérusalem,
écrit en « Suze est le commencement de
Piémont, là on commence à compter les che-
mins par milles aussi les horloges commen-
cent à sonner aultrement que en France, car
ilz sonnent pour midy XXllII heures. »
Et cela encore ne nous rajeunit pas, comme
on dit.
Encouragés par le succès de l'Exposition dû
leurs appartements installés, les Trois Quar-
tiers préparent aux Parisiennes une nouvelle
surprise aujourd'hui jeudi, demain et après-
demain, ils leur offriront le spectacle si at-
trayant et si apprécié déjà la saison dernière,
d'une Exposition de leurs derniers modèles en
robes et manteaux, qu'on verra défiler sur des
mannequins vivants. Ce sera un charmant
spectacle dont les Parisiennes auront l'agré-
ment, en écoutant les mélodies d'un excellent
orchestre et en dégustant un goûteur parfaite-
ment servi.
NOUVELLES A LA MAIN
Sur le boulevard, deux amis se rencontrent.
Brrr la température fraîchit joliment
Ne trouves-tu pas ?
Oui, il me semble que nous revenons en
été
Un colonel bulgare s'est suicidé, parce que,
au cours'des opérations, son régiment avait
perdu le contact avec le gros de l'armée. 'Ce
geste balkanique est du plus pur japonais. Le
harakiri se rapproche de nos climats. Et, il faut
l'avouer à notre honte, plus il est proche, plus
il nous confond.
Il nous confond, parce que nous avons perdu
plus ou moins complètement deux des vertus
qui font les peuples forts, le sens du devoir et
le mépris de la mort. Bien rares sont aujour-
d'hui ceux qui, investis de fonctions publiques,
se sentent comptables devant la nation des pou-
voirs qu'ils détiennent. On fait un métier, et
rien de plus. La signification des actes accom-
plis s'évanouit dans leur répétition. On songe
à l'avancement, à la croix ou à rien. On se laisse
vivre. On répugnerait à se laisser mourir.
Courteline a écrit Messieurs les ronds de cuir
c'est une âpre satire, mais qui contient beau-
coup de vérité, tout en dépassant le réel.
L'esprit bureaucratique est partout et l'es-
prit bureaucratique se résume dans cet
axiome « La fonction est faite pour le fonc-
tionnaire, et non le fonctionnaire pour la fonc-
tion. » Dans ces conditions,'bien rare est la
noble angoisse des responsabilités virilement
-acceptées. L'essentiel est de se défiler ou, tout
au moins, de se couvrir. On évite ainsi les
sanctions administratives. A plus forte raison,
ne songe-t-on point à s'infliger à soi-même des
sanctions de moralité. Vatel s'est tué sur ses
fourneaux, mais il y a longtemps qu'il est
mort.
Or, la mort paraît bien être ce que redoutent
le plus les peuples de haute culture dont nous
nous flattons d'être, et cette crainto de la mort
donne à la vie je ne. sais quoi de plat et d'hu-
milié. Quand le général Nogi se tue le jour des
obsèques du Mikado, il ne manifeste pas seule-
ment la place que l'idée nationale tenait dans
sa pensée. Il donne la mesure du prix qu'il at-
tachait à l'existence. On nous a tant parlé du
droit à la vie, que la vie nous apparaît comme
'le souverain bien. Vivre sa vie c'était le pro-
gramme de Bonnot. Il est mort tout de même.
Mais sans doute n'avait-il point prévu ce fâ-
cheux accident.
Avec un idéal et la foi dans l'au-delà, on-
Un Domino
pouvait mourir sans trop de peine. Le matéria-
lisme régnant rend, au contraire, le sacrifice
malaisé.. Ces réflexions ne nous hantaient
point. Mais voici qu'en moins de dix ans, nous
voyons se dresser, en Asie et en Europe, des
peuples qui meurent gaiement et qui ne pen-
sent pas que la mort soit le plus grand des
maux des peuples qui se battent le front haut,
pour une idée, pour une religion des peuples
qui ont par avance consenti à la patrie le sa-
crifice de leur vie. C'est un spectacle neuf, qui
étonne et qui gêne certains de nos contempo-
rains. Lisez les feuilles radicales elles n'ai-
ment guère ces croyants, qu'elles traitent de
cléricaux. « Beaucoup de cléricalisme » disait
l'unie d'elles, dans un article consacré'aux pro-
clamations bulgare, serbe, grecque et turque.
Mon Dieu, oui Mais tout le monde ne peut
pas être combiste.
Bloc-Notes Parisien
Le Mari ou le Chien?
Curieux cas de conscience
Les Anglais sont d'extraordinaires pince-sans-rire et
leur humour est vraiment tout l'opposé de notre manière
de plaisanter. Il s'en dégage pourtant un comique puis-
sant, irrésistible. Voici la question que posa récemment,
et très froidement, un journal anglais à ses lecteurs
« En cas d'incendie, une femme doit-elle sauver d'abord
son mari ou bien son chien? » Voilà posée, de la plus
abracadabrante façon, toute la question de l'amour et
du devoir conjugaux.
La question ne se pose même pas, me dira-t-on. Eh
oui, elle ne se pose pas, à condition qu'on ne la pose pas.
Je suis bien persuadé qu'en cas d'incendie, toute femme,
sans même réfléchir, sauvera son mari avant de songer
à sauver son chien. Mais avoir la seule idée de poser une
telle question témoigne d'une mentalité qui permet de
supposer qu'on puisse l'examiner, la discuter. Et voici
que nos voisins et nos voisines se mettent à l'examiner
et à la discuter gravement, avec toute la gravité qu'ils
mettent dans les choses drôles. Et il en résulte toute une
série de réponses d'un burlesque glacé, qui est tout à
fait réjouissant.
Car le journal anglais a reçu de très nombreuses ré-
ponses de ses lecteurs. Toutes seraient à citer. Nous
sommes obligés de nous borner à une sélection.
Lady Lesmoir Gordon répond simplement « Je sau-
verais le chien sans la moindre hésitation. » On ne sau-
rait donner une profession de foi plus ingénue. Non seu-
lement lady Cordon nous dit qu'elle sauverait le chien,
mais elle ajoute qu'elle n'aurait pas la moindre hésita-
tion. Cela ne veut peut-être pas dire qu'elle aime beau-
coup le chien; mais cela signifie assurément qu'en tout
état de cause, elle le.préfère au mari. Ce n'est pas flat-
teur pour celui-ci, sans être très flatteur pour celui-là.
M. A. Pinero, le dramaturge bien connu, l'auteur de
La Secondc Madame Tanqueray, dit Ma femme aime
tellement ses chiens que je n'ose attaquer le problème. »
M. Pinero est un sage, un modeste, et aussi un mora-
liste. Il sait que sa femme adore ses chiens, et il ne veut
même pas supposer qu'elle puisse se trouver dans la
cruelle alternative de choisir entre eux et lui. Il préfère
ne pas répondre et, ce faisant, il répond précisément. Il
répond avec bonne grâce et résignation. En homme qui
a étudié la nature humaine, il sait qu'il ne faut pas mettre
à l'épreuve les sentiments les plus respectés. En cas
d'incendie, M. Pinero aiderait Miné Pinero à sauver ses
chiens.
Sir Hiram Maxim, ce doit être l'inventeur des ca-
nons qui portent son nom, déclare « Ma femme dit
que tout dépend de la qualité du mari. Elle préfère le mari
aux chiens, pour la raison qu'il n'y a pas encore de taxe
sur les maris. » Sir Hiram Maxim triche; il s'en tire par
la tangente. On lui demande de répondre et c'est sa femme
qu'il fait répondre à sa place. Et encore il lui prête une
réponse qu'il est impossible de contrôler. Nous ne savons
pas du tout si Mrs Maxim répondrait de la sorte. Ce qui
nous apparaît clairement, c'est que sir Hiram connaît as-
sez sa femme pour être sûr qu'elle n'hésiterait pas à le
sauver en premier. Mais ne semble-t-il pas qu'il veuille
amoindrir la portée de cet acte en lui imputant des motifs
de bas intérêt? Sir Hiram n'est pas gentil. C'est un in-
grat. Il mériterait, pour sa punition, que l'on sauvât Black
avant lui. Je n'aime pas beaucoup cette morale de chez
Maxim.
Un écrivain distingué, M. Zangwill, se donne la peine
d'écrire « La femme doit sauver le chien. Mieux vaut
encore pour le mari qu'il soit brûlé vif, que de continuer
à vivre avec une femme imbue de semblables idées. »
Il me semble que M. Zangwill commet là une pétition de
principes. Il met la charrue avant les bœufs. Il suppose
la question résolue suivant son idée arrêtée, pour en tirer
des conclusions pessimistes. Il est bien évident que mieux
vaut mourir pour un mari, et encore c'est une façon
de parler, que de vivre avec une femme qui lui pré-
fère son chien. Mais, précisément, il faut d'abord prouver
que la femme préfère son chien à son mari. Il ressort
de tout cela, peut-être, que le ménage de M. Zangwill
est un enfer, et que mieux valent les flammes d'un incen-
die que celles de cet enfer-là. Mais n'est-ce point un
enfer du fait de ce même M. Zangwill? Et ne pourrait-on,
en lui empruntant son sophisme, dire « Le mariage est
un enfer, parce que tous les maris sont comme M. Zang-
will ? »
Le major Stewart-Richardson dit « Les deux sont des
animaux. La femme a raison de choisir celui qu'elle croit
être le meilleur. » Voilà un major qui ne tient pas à se
compromettre. Il descend assurément d'un des compa-
gnons de Guillaume le Conquérant, car il nous donne
une réponse de Normand. Il ne veut pas se compromettre.
Il reconnaît que les hommes et, par conséquent, les ma-
ris, sont des animaux; mais il se refuse à aller plus loin.
Il laisse à l'épouse toute la responsabilité du choix. Il
s'en lave les mains. Le major Stewart-Richardson serait
célibataire que je n'en serais pas autrement surpris.
Un autre écrivain, miss Elynor Glyn, fait preuve d'une
sagacité avisée « II faudrait, dit-elle, sauver le mari.
On peut toujours acheter un autre chien mais par le
temps de suffragettes qui court, les maris deviennent
rares et prévoyants. » II est évident que l'on remplace
plus facilement un chien qu'un mari. On voit que miss
Elynor Glyn n'est pas féministe. C'est une jeune fille
qui, non seulement, n'a pas déclaré la guerre aux hom-
mes, mais qui, encore, n'est pas du tout ennemie du mé-
nage, Elle laisse entendre qu'un mari est déjà bien diffi-
cile à trouver, pour que l'on ne risque pas de le perdre
au bénéfice d'un chien. Peut-être, si elle était mariée, se-
rait-elle d'un avis tout à fait opposé. Félicitons-la de ses
illusions.
A côté des réponses signées, il y eut beaucoup de ré-
ponses anonymes, et elles ne sont pas les moins ingénieu-
ses ni les moins piquantes.
Ainsi, un écrivain qui ne veut pas être connu déclare
« Beaucoup de femmes n'auraient pas de quoi entretenir
et cajoler des chiens si le mari ne fournissait pas l'argent
nécessaire. » Par conséquent, selon lui, C'est le mari qui
doit être sauvé le premier. Mais, c'est égal, si j'étais ce
mari-là, je n'en serais pas plus fier pour ça. Car on me
sauverait non pas à cause de moi, mais à cause du chien.
Etant sauvé, j'apporterais à la maison de l'argent pour
acheter d'autres chiens. C'est arriver, par de tout autres
raisons, à la même conclusion de miss Elynor Glyn, à
savoir que des chiens se remplacent bien plus facilement
qu'un mari.
un sponsman au L'instinct naturel de la femme
serait de sauver le chien, celui-ci étant plus petit. » Evi-
demment, évidemment. Voilà un raisonnement de sports-
man. Mais n'y aurait-il pas sur terre une femme, au
moins, qui, ne pouvant sauver son mari parce qu'il n'est
pas portatif, préférerait mourir avec lui, plutôt que de sau-
ver son chien?
Une femme qui signe business woman, ce qui veut
dire, en bon français, une femme d'affaires, s'exprime
avec une franchise brutale « Sauvez le mari. Le chien
ne peut pas nourrir et habiller la femme. » Pardon, ma-
dame, il y a des chiens savants qui rapportent beaucoup
d'argent. Si vous en aviez un, je n'hésite. pas à penser
que vous laisseriez périr votre époux dans le feu.
Enfin, un autre anonyme déclare « La question est
absurde. La femme doit sauver son mari. » Mais, ô ano-
nyme, c'est votre réponse qui est absurde! On ne vous
demande pas ce qu'une femme doit faire en pareil cas.
Tout le monde le sait. C'est même écrit dans le code.
La femme doit suivre son mari. Et plutôt que de le suivre
dans les flammes, il vaut mieux pour elle chercher à l'en
tirer..Mais entre ce qu'une femme doit faire et ce qu'elle
fait réellement il y a un abîme. Et dg cet abîme-là, ô
anonyme, vous ne paraissez pas vous soucier.
Ce qui m'étonne, c'est qu'aucun des répondeurs an-
glais n'ait songé à répondre « Au lieu de se demander
si doit sauver son mari ou son chien) lg femme ferait
Un Dèsabusé
beaucoup mieux de se sauver d'abord elle-même. ïï Cetttr
réponse serait aussi égoïste que les autres, mais elle se.
rait d'un esprit plus pratique. Car ce qui frappe dans tou-
tes ces déclarations, c'est un égoïsme féroce. Toutes; les
réponses, même les plus favorables à l'homme, reposent
sur l'intérêt le plus vil. Aucune n'invoque l'amour que
deux ,époux devraient avoir l'un pour l'autre.
Mon Dieu, je ne veux pas faire la Française meilleure
qu'elle n'est, mais je veux au moins espérer pour elle
qu'elle hésiterait entre son mari et son chien. Et, si une
secrète préférence l'inclinait vers le chien, c'est encore
son mari qu'elle sauverait, sachant bien qu'elle ferait ainsi
coup double, puisque nous disons, chez nous, que ce
qu'il y a de meilleur dans l'homme, c'est le chien.
Il est vrai que, pour des raisons analogues, elle pour»
rait aussi sauver le chien d'abord.
Tout-Paria
LE CONFLIT ORIENTAL
Que se passent!
àplMplissé?
LES SUCCÈS DES SERBES
Les Progrès du « Trauail diplomatique »
Aucune information précise ne. nous est en-
core parvenue, à l'heure où nous écrivons, sur
la grande bataille engagée depuis lundi, dit-on,
autour de Kirk-Kilissé.
Nous sommes, pour l'instant, en présence du
silence le plus complet du côté des Bulgares et
d'une nouvelle sensationnelle de source turque,
par voie indirecte de Berlin, d'après laquelle
les Bulgares seraient en mauvaise posture. Le
silence de Sofia est inquiétant, la nouvelle de
Constantinople est suspecte et notre perplexité
est grande. Il convient de remarquer, toute-
fois, que le mutisme qu'observe le gouverne-
ment de Sofia n'indique pas nécessairement
qu'il cherche à retarder la divulgation d'un
échec il se peut tout simplement qu'il ne
veuille se départir de sa réserve que lorsqu'il
lui sera possible de'faire connaître le résultat
définitif du combat qui, si l'on en croit les dé-
pêches, n'était pas encore terminé hier après-
midi.
Quelle confiance peut-on, d'autre part, accor-
der aux renseignements de provenance turque,
qui n'accusent que des victoires depuis le dé-
but des hostilités, alors que nous savons, par
les rapports de nos consuls, que les Turcs bat-
tent en retraite devant les offensives serbe, grec-
que et monténégrine ? Est-il bien sûr, d'ail-
leurs, que cette bataille dont on nous parle de-
puis quarante-huit heures soit aussi importante
qu'on le prétend ? Ce n'est pas à Kirk-Kilissé
que les Turcs ont concentré le gros de leurs
forces, mais autour d'Andrinople, et je cons-
tate que le généralissime Nazim pacha a quitté
hier seulement Constantinople pour aller diri-
ger les opérations. Cela signifierait qu'il n'atten-
dait pas de combat décisif avant la fin de la
semaine ? Nous en sommes, en tous cas, réduits
aux hypothèses.
L'énigme militaire se complique aujourd'hui
de l'énigme diplomatique. Ainsi que je l'avais
signalé dans un précédent article, la visite du
comte Berchtold au roi d'Italie acquiert, en
raison des circonstances, une haute significa-
tion. Il est certain, en effet, que la crise balka-
nique et l'attitude éventuelle qu'elle' dictera à
l'Europe ont fait les frais des entretiens du
ministre autrichien avec le roi Victor-Emma-
nuel et le marquis di San Giuliano. Il se peut
que le comte Berchtold ait cherché à s'enten-
dre avec le gouvernement italien pour le cas
où l'Autriche serait appelée à intervenir mili-
tairement dans les Balkans. En ce cas, il y a
tout lieu de croire qu'il s'est heurté à une résis-
tance énergique, car il iaudrait que i Italie
reçût- une compensation que l'Autriche peut
difficilement lui promettre, pour qu'elle se ré-
signât à renoncer au bénéfice de l'une dns
clauses de la Triple-Alliance qui la garantit
contre d'éventuelles réalisations territoriales de
l'Autriche dans les Balkans.
Je croirais donc plus volontiers que le comte
Berchtold s'est rendu à Pise, afin de chercher
auprès de l'Italie un concours utile à la poli-
tique pacifique qu'il paraît désireux d'obser-
ver. Cette politique n'aura de bases solides
qu'autant que l'Autriche et la Russie seront
d'accord pour ne point la troubler. Or l'Italie,
par suite des liens d'étroite amitié qui l'unis-
sent à la Russie, est l'intermédiaire désignée
d'une conversation délicate, difficile et indis-
pensable.
Il n'est pas impossible, par conséquent, que
l'Italie mette en œuvre tous ses moyens de per-
suasion pour rapprocher le point de vue de Pé-
tersbourg de celui de Vienne, lorsqu'il s'agira
de liquider la guerre des Balkaniques et des
Turcs. L'entrevue de Pise marquerait une nou-
velle étape vers la réalisation du programme
d'entente européenne en Orient dont M. Poin-
caré a jeté les bases telle est, du moins, l'im-
pression qui ressort du communiqué officieli
publié, hier, à Rome et dont nous détachons
les lignes suivantes
Constatant avec satisfaction la parfaite
identité de vues entre les deux gouvernements
italien et austro-hongrois à ce sujet, les deux
hommes d'Etat se sont trouvés d'accord sur
l'opportunité de se tenir en contact dans le buü
de contribuer, en se basant sur les liens d'al-
liance unissant les deux gouvernements et ce-
lui de Berlin, et avec le concours des autres
puissances, au rétablissement de la paix géné^
raie. »
Les très intéressantes déclarations que M. Sa-
zonoff a faites, avant-hier, à un journaliste an-
glais attestent, d'autre part, que le gouverne-
ment russe est fermement résolu à maintenir,
quoi qu'il arrive, le statu quo territorial dans
les Balkans et à sauvegarder la paix générale.
Aussi bien, je répéterai ce que j'écrivais hier
ne soyons pas trop pessimistes l'entente euro-
péenne n'est point au-dessus des efforts de ceux
qui se sont imposé la tâche de la réaliser.
René d'Aral
Les Opérations
militaires
.DEVANT ANDRINOPLE
Que se* passe-t-il à Kirk-Kilissé? Bruit d'un
grave échec bulgare Un commu.
niqué officiel
Sofia, 23 octobre.
Une grande bataille est engagée depuis deux
jours dans la région d'Andrinople, particuliè-
rement du côté de Kirk-Kilissé. C'est tout ce
que l'on sait. Quel est, jusqu'à présent, le ré-
sultat de cette bataille ? Les Bulgares, poursui-
vant leurs succès des premiers jours, l'ont-ils
enfin emporté ? On l'ignore. L'état-major bul-
gare se refuse à donner aucun renseignement
précis, tant sur les lieux de l'action que sur les
effectifs engagés et le chiffre des pertes.
Aussi, une certaine émotion a-t-elle été cau-
sée, aujourd'hui, à Sofia, par la nouvelle, pu-
bliée dans plusieurs journaux allemands, que
l'armée bulgare avait subi un assez grave
échec. La Gazette, de Francfort annonçait, cet
JEUDI 24 OCTOBRE 1912
ARTHUR MEYER
Directeur
rédaction'
DE QUATRE HEURES DU SOIR A UNE HEURE DU MATIN
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ANNONCES
MM. LAGBANGE, CERF de O.
8, PLACE DE LA BOURSE, 8
Et d l'administration du Journal
Les manuscrits ce sont pas rendus
Le prince de Galles rentrait à Londres, il y a
peu de temps, après avoir vécu trois mois de
la vie parisienne, et une interview récente, pu-
bliée par un magazine, nous renseignait sur
son soût pour notre pays, sur ses opinions de
jeune voyageur. Comme son grand-père, dont
il conte plusieurs souvenirs touchants, le prince
de Galles semble aimer sincèrement la France.
Ce que cet amour a de profond et d'efncace,
nous ne le saurons guère que quand il montera,
à son tour, sur le trône. Souhaitons qu'à son
exemple, un peu de f rancomanie soit à la mode
en Angleterre, ne serait-ce que pour nous ren-
dre la politesse de cette anglomanie que nous
affichons depuis plus de cent ans.
Au surplus, s'ils devenaient jamais franco-
manes, les Anglais ne feraient que reprendre
w une tradition très vieiile chez eux et qui re-
monte à Charles II et se conformer iL des usa-
| ges dont leurs arrière-grands-pères semblent
v avoir été fort contents.
Ces réflexions, c'est moins l'interview du
prince de Galles qui me les inspire que la tra-
duction récente qu'urr érudit doublé d'un excel-
lent écrivain, M. Théodore Lascaris, donnait
naguère des lettres de lord Chesterfield à son
fils, lettres qui nous mettent à même d'entrer
dans l'intimité d'un gra.nd seigneur du dix-hui-
tième siècle, qui fut en même temps un homme
̃x politique et un écrivain.
M. Lascaris faisait précéder cette traduction
d'un essai biographique qui nous permet de
mieux connaître le personnage dont nous écou-
terons tantôt les sages avis.
Philippe Dormer Stanhope. comte de Ches-
terfield, né à Londres, en 1694, ne fut pas un
homme d'Etat bien important, et l'ambition qui
le talonnait le servit mal. Il n'obtint aucune
cles hautes situations qu'il désirait et méritait
certainement et usa ses forces dans l'opposition,
opposition à Georges Ier, il Georges Il, opposi-
tion au tout-puissant ministre, Robert Walpole.
Au lieu de remplacer celui-ci, lord Chesterfield
fut nommé ambassadeur à La Haye, puis grand
intendant de la maison royale, vice-roi d'Ir-
lande, mais c'étaient là emplois secondaires, et
si Chesterfield s'en acquitta à son honneur, il
n'en fut aucunement satisfait. Il fut, enfin, se-
crétaire d'Etat, mais.comme il se heurtait en-
core à 1 hostilité du Koi, il donna sa d'émission
et se consacra au monde, à la lecture, à ses
souvenirs. Il avait, dans South-Audeley-street,
la plus charmante habit.ation, et en son boudoir
bleu et or, où un portrait de la Rosalba lui rap-
pelait les traits d'une des femmes qu'il avait
aimées, il sut accepter la vieillesse, ne garder
aucune amertume de sa vie à moitié manqué,
vie d'ambitieux raté et de père malheureux. Il
déclina avec sagesse comme il avait vécu. « Ty-
rawley et moi, écrivait-il à la fin de sa vie, nous
sommes morts depuis cinq ans, mais nous ne
voulons pas qu'on le sache. »
Il mourut en réalité en au moment où
il recevait la visite d'un vieil ami et faisant, pour
le recevoir, un geste d'accueil, et, par une sin-
gulière ironie du sort, cet homme qui avait re-
cherché la gloire ne connut l'immortalité que
par l'indignité d'une belle-fille qui vendit les
lettres intimes adressés à son mari.
Une semblable existence avait rendu lord
Chesterfield à même de connaître la vie. En ces
temps lointains, quelqu'un qui prenait la plume
avait approché de fort près l'hum^nté il ne
vivait pas loin d'elle, en reclus, en ermite mé-
prisant, il la voyait dans le lieu le plus propre
à y étudier les intrigues, les détours, une cour,
une ambassade. Il s'y ajoutait pour lord Ches-
terfield une clairvoyance particulièrement ai-
guisée, puisque l'ivresse du triomphe ne l'a-
vait jamais aveuglé, et aussi de la sérénité, car
il était un philosophe avant tout.
Les conséquences d'un pari l'avaient porté à
s'éprendre d'une demoiselle du Bouchet, au
moment où il était ambassadeur à La Haye. Il
en eut un fils qu'il aima beaucoup et en qui,
comme tous les parents déçus, il voulut réaliser
les rêves qu'il avait manqués lui-même mais là
encore son destin contraire le vint décevoir.
Car Philippe Stanhope ne fut qu'un pauvre sot
et mourut assez jeune, laissant une femme mé-
diocre, choisie n'importe où, et deux descen-
dants sans histoire.
Ce fut pour ce fils que lord Chesterfield écri-
vit ces lettres admirables, pleines de suc et de
savoir, et que l'on a jugées si longtemps im-
morales, car il osait y parler de tout,
et surtout des problèmes que la plupart des
pères préfèrent laisser au hasard le soin de
résoudre. Ce qu'il y a d'étonnant, en effet,
dans ces lettres, c'est non pas leur rouerie,
comme on l'a trop dit, mais leur mesure, leur
modération, leur sagesse.
Il va deux cents ans, un homme qui naissait
au sein d'une société polie et policée, comme
l'était la France ou l'Angleterre, n'avait à ré-
pondre à aucune des questions religieuses, mo-
rales ou sociales qui accaparent aujourd'hui les
premières années de jeunesse elles étaient,
pour ainsi dire, résolues d'avance, et comme
elles le sont dans Pascal, par le bon sens, l'ob-
servation des mœurs, qualités qui n'excluaient
pas cependant, comme chez Pascal encore, et
quand il en était besoin, la plus farouche in-
dépendance d'esprit. Le soin qu'il prendrait
aujourd'hui à se connaître et à chercher sa
vérité personnelle dans un tohu-bohu d'opi-
nions contradictoires, un homme d'alors l'em-
ployait à être un bon humaniste, d'abord, et
ensuite à ne rien ignorer des hommes. C'est
pourquoi les grands classiques, soit en France,
soit en Angleterre, ont été surtout des mora-
listes. Depuis que le romantisme a répandu son
trouble dans les esprits, c'est soi-même que
l'on perd un temps précieux à analyser. Vou-
loir se connaître, c'est bien vain, puis-
que, quelque connaissance que l'on ait de soi,
on ne saurait se juger. C'est bien vain en-
core, si l'on songe qu'en pratiquant cet exer-
cice spirituel, on gagne surtout à voir en soi
une exception et ce que Gobineau appelait un
« fils de roi », vanité si courante, si répandue
en un temps et dans un pays où rien n'étant
à sa vraie place, il faut conquérir l'estime des
autres par les moyens les plus brutaux ou la
sienne propre par un dédaigneux éloignement.
Ainsi formé de bonne heure à la pratique de
l'être humain, un contemporain du Régent ou
de Georges II pouvait se mouvoir aisément dans
un monde fait à sa taille et, pour ainsi dire à
son bénéfice. Ni dupe, ni dupeur, toujours pré-
sent à tout, l'esprlt clair et la volonté nette,
alerte et spirituel, prompt à user d'un ami
comme à faire la cour à une femme, n'ayant
aucune passion amoureuse dont ies conséquen-
ces fussent disproportionnées avec leur objet,
ne méprisant point la vie, mais appréciant en
elle ce qu'elle a d'aimable et de savoureux, hon-
nête par bon ton, fin par plaisir et désabusé par
raison, tel était le type courant d'un homme
au dix-huitième siècle, qu'il fût Anglais, Pran-
çais#u Allemand, car ces gens se ressemblaient
tous, étant formés sur le même modèle celui
d'un civilisé vivant à la Cour de Louis XIV.
En lisant Chesterfield, on voit combien l'es-
prit anglais, indifférent aux dissensions politi-
ques qui divisaient les deux pays, se laissait
influencer car le nôtre. Le ton de Chesterfield,
j uni, délicat, c'est celui d'un Fénélon qui eûl
traversé la corruption de la Régence sans s'y
salir. Les conseils -qu'il donne à son fils peu.
vent paraître frivoles il. certains esprits qui
trouvent la vie pratique incompatible avec les
hautes spéculations philosophiques, mais
de choisir un ami, de juyer un inconnu, d'être
en même temps homme de travail et homme
de plaisir, de plaire sans bassesse, a apprendre
sans'ennui, le cas qu'il faut faire des femmes,
la façon de se faire accepter par la bonne
société, l'entente des vices et des vertus de cha-
cun,.ne'sont point choses futiles. On peut sortir
premier de l'Ecole centrale et n'être qu'un sot
toute sa vie, parce qu'on ignore ces détails-là.
Nous nous soucions moins de la valeur intrin-
sèque de l'homme que nous fréquentons ou que
nous employons que de ses manières un être,
élevé dans de certains rites, nous inspire con-
fiance, parce que sa prudence et sa politesse
nous éviteront toujours certains désagréments.
Notre lord disait à son fils « Mon but est de
vous rendre digne de vivre. » Connaît-on
beaucoup de gens qui le soient, si on le prend
sur ce ton-là ?
Oui, un Chesterfield, s'il n'appartient pas à
notre race, est de notre civilisation, comme un
prince de Ligne ou comme cet Horace Walpole,
fils du ministre, et dont Mme, du Defi'and fut
si étrangement amoureuse. Toute l'Europe, au
dix-huitième siècle, était française, ou vou-
lait le paraître, même la Russie. Il n'a
fallu rien moins que la Révolution pour réveil-
ler âprement le sentiment des nationalités et
exalter en chaque peuple, non plus ce qu'il
avait d'humain, c'est-à-dire de général, comme
c'était l'aspiration de l'Europe depuis la Renais-
sance, mais ce qu'il a d'exclusivement russe,
italien ou prussien,
Je songe souvent à ce que durent être les an-
nées de retraite d'un Chesterfield, d'un Wal-
polé, d'un prince de Ligne. Le premier essayait
de se résigner et n'avait plus que les plaisirs du
jeu et ceux de la société. « Je souffre d'être,
écrivait-il, je suis, dans tous les sens, isolé et j'ai
vidé toutes mes cruches. Je puis quitter ce
théâtre sans regretter personne et sans y être
regretté. » Il se promenait en carrosse dans les
rues de Londres et appelait cela faire la répé-
tition de son enterrement. Le second, dans son
parc déjà romantique de Strawberry-Hill, se
laissait prendre lui que la passion de Mme
du Deffand n'avait su toucher aux charmes
d'une de ses voisines, Miss Berry, et s'enfer-
mait pour écrire de savantes lettres à ses der-
nières amies. Le derniers, en son château de
Bel-Œil, dans le désordre et la saleté, dictait,
parmi mille invectives, ses mémoires à sa fille,
celle à qui il devait dire à son lit de mort, et
quand elle voulait baiser sa main d'agonisant:
Me prenez-vous déjà pour une relique ? »
Le prince de Liâne et Walpole et celui-ci,
avec quelle tristesse, quel sentiment d'hor-
reur voyaient la fin d'un monde accompli
et les débuts de ces temps nouveaux dont nous
ne pouvons rien dire, puisque nous les vivons,
mais dont nous savons, toutefois, que n'y re-
naîtra jamais cette fleur de civilisation que le
fer de la guillotine a tranchée.
Ces trois hommes ont également aimé et res-
pecté la France, comme l'idéale patrie des phi-
losophes et des gens de goüt ils avaient couru
le monde et fréquenté diverses sociétés, ils
savaient à peu près tout et ils étaient sceptiques
sur ce qu'ils ignoraient. Tolérants, respectueux
d'autrui, amis fidèles, n'assignant pas à la vie
un but qui la dépassât infiniment, ils conseil-
laient un optimisme sans naïveté, la modéra-
tion, l'obéissance aux coutumes, non parce
qu'elles sont bonnes en soi, mais parce qu'elles
sont pratiques et approuvées par l'expérience
le sentiment du relatif et du précaire les avait
rendus réfléchis et spirituels, ils n'estimaient
pas que l'homme sur sa planète misérable eût
quelque droit à l'absolu.
Il y a un abîme entre ces êtres-là et ceux qui
devaient les suivre immédiatement et qui, han-
tés par Napoléon dont la resplendissante image
incarnait l'idée même de la gloire, prêts à tout
sacrifier pour obtenir une semblable réputation,
répandaient avec fureur le trouble qu'ils por-
taient en eux et un délire dévastateur, car, en
plus d'un romantique, il y avait encore quel-
que chose de Robespierre.
En effet, tandis que les derniers sages de
l'ancien régime conduisaient au plus haut
point un idéal de raison, de convenance et de
clairvoyance sceptique, un homme allait rô-
dant de Genève à Paris, inquiet, aigri, philan-
thrope (c'est-à-dire aimant l'humanité qu'il ne
connaissait pas pour mieux haïr ses proches),
trouvant tout à redire à une société qui ne dis-
tinguait pas son mérite, cherchant dans la so-
litude et les bois, dans l'indifférence de la na-
ture, un soulagement à son irritation incessante, j
à ce besoin d'un amour inexprimable dont son
âme était obsédée, ivre d'une sorte de génie in-
consciemment destructeur, créant des tables de
valeurs nouvelles, puisque les valeurs alors
existantes ne tenaient point compte de lui, dres-
sant en face des lois et des coutumes les droits
farouches de l'individu, plus capable d'inventer
un monde que de se plier à celui qui le régis-
sait, Rousseau, enfin
Le dix-huitième siècle finissait c'était en-
core cet Embarquement peur Cythbrc, peint
divinement par Watteau cent ans auparavant.
Sous un ciel aux couleurs tendres, on voyait
toujours les mêmes galants, en costume zinzo-
lin, et les mêmes femmes charmantes, mais ce
n'était plus une galère d'or guidée par les
amours qui allait emporter les pèlerins. Une
infâme charrette se préparait à les conduire à
l'échafaud, car l'humanité qui aurait pu se mo-
deler sur la profonde sagesse d'un Pascal ou
d'un Molière, ou sur la douce raison de lord
Chesterfield, d'Horace Walpole ou du prince
de Ligne, avait préféré prendre pour exemple
la folie de Rousseau
Edmond Jaloux
Ce qui se passe
LA POLITIQUE
UN REDOUTABLE INCONNU
La guerre orientale s'il faut en croire les
nouvelles que nous transmet le télégraphe
se poursuit avec une singulière brutalité. On
ne se salue pas avant la bataille comme il
advint au dix-huitième siècle, et les combat-
tants, lorsqu'ils remportent un avantage, usent
sans ménagement de leur victoire.
Depuis que M. de Bismarck a proclamé la
supériorité de la force sur le droit, on n'a plus
le souci d'observer vis-à-vis d'un adversaire les
règles d'humanité qui caractérisaient les guer-
res d'autrefois.
C'est ainsi que les Turcs ont bombardé
Varna, qui ne pouvait se défendre, et leur artil-
lerie paraît avoir visé surtout le monastère de
Saint-Constantin, qui ne leur opposait certaine-
ment aucune résistance.
Après Varna, c'est une autre ville ouverte,
Kavarna, qui a subi le feu des batteries ottoma-
nes.
Nous ne sommes qu'au début des hostilités
et l'on peut malheureusement craindre qu'en se
prolongeant, la guerre n'adopte un caractère
exceptionnellement féroce.
La lutte actuelle, en effet, met aux prises
des religions ennemies entre les Ottomans et
ceux qui les attaquent, la haine de races do-
mine les conflits d'intérêt, et l'on peut appré-
hender le pire du choc entre les anciens maî-
très des provinces balkaniques et ceux qu'ils
ont si longtemps opprimés.
Les Bulgares, les Serbes, les Grecs ont la
haine du Turc et l'on peut croire que, de leur
côté, les Turcs seront sans ménagements pour
ceux qui ont conquis contre eux leur indépen-
dance.
C'est l'Allemagne qui a inauguré dans le
monde la guerre implacable,' et naturellement
c'est sur l'Allemagne que les autres peuples
croient devoir se modeler.
Il faut souhaiter que la lutte actuelle soit de
courte durée, car, si elle se prolongeait, nous
verrions 'entrer en ligne les contingents asiati-
ques de la Turquie, moins soumis que les com-
battants européens aux exigences de. la disci-
L'armée régulière ottomane ne se distingue
pas des armées civilisées, mais que sont les
soldats barbares ctue le fanatisme religieux
pourrait grouper autour de l'étendard du Pro-
phète ?
Quel contrôle exerceraient sur leurs passions
antichrétiennes les officiers qui les commande-
raient ?
Dans l'intérêt de l'humanité, nous devons
donc faire des vœux pour que la guerre actuelle
soit limitée dans ses effets et dans sa durée
c'est, à mon avis, le souhait que doit formuler
tout bon chrétien. L. Desmoulins.
ÉCHOS DE PARTOUT
Premiers almanachs.
Aux devantures des libraires, parmi les der-
nières publications, apparaissent de jolies bro-
chures habillées de rose, de vert ou de saumon,
dont les titres plus ou moins alléchants attirent
les regards des amateurs.
Ce sont les premiers almanachs de l'année
1913, et ce n'est pas sans une certaine curiosité
que l'on se prend à les feuilleter, car leur lec-
ture en est à la fois attrayante et utile. Chaque
année, ces almanachs deviennent, en effet, de
plus en plus instructifs. Ils contiennent une
foule de faits et d'événements précieux à noter
et à retenir.
Quelle différence avec les anciens almanachs,
ceux que consultaient nos pères Ceux-là, pour-
tant, n'étaient pas dépourvus d'intérêt. Ils ne
se contentaient pas d'indiquer les jours fériés
et les jours ouvrables ils prédisaient encore le
beau temps, la tempête, le brouillard et la
pluie, ils indiquaient l'époque où il fait bon
fumer la terre, semer, planter, couper le bois
les jours où l'on doit se ventouser, prendre mé-
decine, se soigner, rafraîchir sa barbe, risquer
,ses écus, entreprendre voyage.
Les almanachs d'il y a cent ans fournissaient
aussi les renseignements sur la poste, les voya-
ges en diligence, etc. Une lettre ne devait met-
tre que douze heures au maximum pour aller
des Halles aux Batignolles et la diligence met-
tait huit jours pour aller à Poitiers
Que tout cela est donc loin, hélas
On vient de publier les rapports faits, tant
en Angleterre qu'aux Etats-Unis, sur le nau-
frage du Titanic, qui eut lieu le 14 avril der-
nier. On sait que le navire a heurté un iceberg
à 11 h. 40 du soir et a coulé à 2 h. 20.
Le rapport de lord Mersey révèle des choses
aussi curieuses que tristes, où le comique se
mêle au tragique. C'est ainsi que le Frankfurt,
du Lloyd allemand, qui se trouvait à cent cin-
quante-trois milles du Titanic, reçut son appel
par télégraphie sans fil et ne se décida à répon-
dre que vingt minutes plus tard, demandant
Que se passe-t-il ? » A quoi le télégraphiste du
Titanic, impatienté, répondit « Imbécile »
On se rappelle que c'est le Carpathia, qui
était à cinquante-huit milles du l'ilanic, qui
sauva les survivants le lendemain matin. Son
opérateur allait se coucher lorsque par hasard,
ayant conservé le casque poste-récepteur, il re-
çut l'appel du navire en détresse. Le Califor-
nian, qui n'était qu'à dix-neuf milles, aurait pu
arriver à temps pour sauver tout le monde,
mais son opérateur de télégraphie sans fil était
couché
De tout cela, les rapports concluent, entre au-
tres choses, à la nécessité d'avoir sur les paque-
bots une permanence de télégraphie sans fil.
Il n'y a eu que sept cent onze personnes sau-
vées sur deux mille deux cent une qui étaient à
bord du Titanic, trente-deux pour cent, et c'est
ce qui cause le plus d'indignation en Amérique
et en Angleterre.
Une épidémie. de probité au régiment.
Les « bleus » commencent à donner de leurs
nouvelles. L'un d'eux, incorporé dans un régi-
ment en garnison dans une grande ville du
centre, nous communique l'aventure plaisante
que voici
Certain matin de la semaine dernière, un
soldat trouva dans la cour de la caserne' un
porte-monnaie. 11 le remit à l'adjudant. Celui-
ci porta le fait à la connaissance du colonel,
lequel accorda à l'honnête troubade, la permis-
sion de minuit.
La chose fut connue. et, le lendemain, onze
porte-monnaie furent perdus, réclamés, trou-
vés et rendus.
Cela prenait des allures d'épidémie. conta-
Le colonel, avisé, trouva un remède. Il'
accorda, sans mot dire, les onze permissions
escomptées pour le soir même mais, dès le
lendemain, l'avis suivant fut lu, puis affiché,
aans les chambrées
« Tout soldat ayant trouvé et rendu un porte-
monnaie aura la permission de minuit. Mais
le soldat ayant perdu ce porte-monnaie sera
puni de vingt-quatre heures de salle de police. »
Le résultat fut merveilleux. L'épidémie fut
enrayée net
On étudie en ce moment, au sous-secrétariat
des postes et télégraphes, une réforme qui ne
demandera presque aucune dépense et qui sera
tout à fait bien accueillie du public. La voici
Quand les télégraphistes viennent nous ap-
porter une dépêche, ils n'ont rien de plus
pressé que de s'en aller une fois le télégramme
remis. Or, souvent il serait très agréable, soit
à un commerçant, soit à un particulier, de ren-
voyer aussitôt une réponse au télégramme que
l'on vient de recevoir. Le sous-secrétaire d'Etat
des postes et télégraphes a pensé que les jeunes
préposés des P. T. T. pourraient, sans trop de
gêne pour le service, attendre cette réponse et
la transmettre aussitôt au bureau de télégraphe
dont ils dépendent.
Il paraîtrait que, moyennant un supplément
de taxe insignifiant, cette faculté de répondre
par la voie rapide nous serait accordée inces-t
samment.
Beaucoup d'opérateurs de cinématographie
sont partis pour le théâtre de la guerre. On ne
se doute pas du courage qu'auront à déployer
ces intrépides photographes, car les dangers
seront grands, en raison de l'encombrement et
du poids des appareils qu'ils devront porter
sur la ligne de feu.
C'est la première fois que le cinéma opérera
pendant une guerre véritable, après avoir tant
de fois tourné pour représenter des combats
simulés. Les Compagnies d'assurances anglaises
ont créé spécialement pour eux des polices de
six mois à tarif fort élevé.
Aussi quand, dans les établissements pari-
siens, nous verrons sur les écrans se dérouler
les vues des combats, pensons un instant aux
braves opérateurs qui, au péril de leur vie,
nous procurent ces spectacles émouvants et
véridiques
Une question juridique fort curieuse vient
d'être soulevée dans un tribunal du Tennessee,
aux Etats-Unis il s'agissait de savoir s'il est
permjs à un avocat de répandre des larmes en
la cause de son client, sans que cette
manifestation propre à impressionner le jury
puisse entraîner la nullité de la sentence.
Le juge a décidé que les larmes d'un défen-
seur étaient un moyen aussi légitime de gagner
les jurés que tous les arguments émouvants de
son plaidoyer, et ce n'est pas la première fois,
d'ailleurs, qu'un avocat y a systématiquement
recouru. On cite à Boston un célèbre avocat
qui fit sa réputation, ces derniers temps, par Le
succès qu'il atteignit dans ce genre d'argumen-
tation.
COUPS DE CRAYON
Mme HENRY FERRARE
Un nouveau nom qui apparaît parmi ceux des auteurs
dramatiques et lyriques Mme Henry Ferrare est, en
effet, afrec M. Henri Cain, l'auteur du poème de cette
Danseuse de Ponpéi, musique de M. Nouguès, que
l'Opéra-Comique va représenter sous peu de jours.
Mme Henry Ferrare n'est pourtant pas une nouvelle ve-
nue dans le monde théâtral elle est, comme on dit com-
munément, une « enfant de la balle », par son oncle Am-
broise Thomas, par sa mère Mme Montigny-Rémaury, la
grande pianiste. Il suffit de la voir dans son salon pour
comprendre le culte qu'elle a voué à la grande famille
de l'art sur son bureau, voici le portrait de l'auteur de
Mignon, par Marchal; au mur, celui du même composi-
teur par Marcel Baschet; puis des photographies de
Faure, de Christine lVilssonn dans Hamlet; le portrait que
M. Saint-Saëns dédia à Mme Montigny-Rémaury après
une triomphale exécution d'un concerto.
La Danseuse de Pompéi, que Mme Henry Ferrare a
extraite du roman de Jean Bertheroy, n'est pas la pre-
mière œuvre de la jeune dramaturge. Elle est l'auteur
du poème de La Chèvre de M. Seguin, que Benjamin
Godard a mise en musique; de Chrysothémis, un poème
sur les fouilles d'Antinoë, pour le compositeur Louis Au-
bert. II y a trois ans, M. Albert Carré joua d'elle, à
.l'Opéra-Comique, La Fille du Tourneur d'ivoire, d'après
,'j£aa Bertheroy, musique de M. Saint-Saëns, où elle met-
tait en scène la vie des astronomes syriens à Emèje.
Elle est particulièrement éprise de l'antique et du clas-
sique, et c'est ce qui explique qu'elle ait été tentée par
le drame mystique de Jean Bertheroy; mais c'est aussi la
chorégraphie qui attire Mme Henry Ferrare; car la char-
mante femme du sculpteur Emile Laffon a le culte de la
forme, le culte du mouvement qui reste plastique et
eurythmique. Et c'est cela aussi qui l'a séduite dans La
Danseuse de Pompéi; on dit tout bas, avant de le dire
très haut, que M. Albert Carré s'est piqué au jeu et que
La Danseuse de Pomper par ses splendeurs, fera parler
d'elle à l'Opéra-Comique. Mme Henry Ferrare peut en
ces conditions affronter sans crainte le grand public la
baie de Naples ignore les tourmentes. L. S.
La Femme et les Fourrures (illustrations en
couleurs de Jacques Nam, édition 'd'art Manzi
Joyant et Cie), tel est le titre du neuvième fas-
cicule de la série de Carnets d'artiste, si juste-
ment appréciée par les amateurs, exemplaire
de luxe à tirage limité, réservé uniquement à
la bonne et fidèle clientèle des magasins de
Pygmalion et qui lui est adressé par la poste,
sous pli recommandé, à l'occasion de la très
intéressante exposition de Fourrures et Man-
teaux du lundi 28 octobre.
L'empressement des élégantes à se rendre à
toutes les expositions organisées par'les maga-
sins de Pygmalion est la meilleure preuve
qu'elles savent apprécier les véritables occa-
sions qui leur sont offertes la mise en vente
de lundi prochain ne pourra que consacrer la
réputation qu'ils ont si légitimement acquise,
de vendre bon et bon marché. Exceptionnelle-
ment, les magasins seront ouverts toute la
journée le dimanche 27 octobre.
Le système de la journée de vingt-quatre
heures n'est pas nouveau, on le sait. Mais
voici qui recule son ancienneté. On lit dans
Le Voyage de la Sainct.c Cyté de Hiérusalem,
écrit en « Suze est le commencement de
Piémont, là on commence à compter les che-
mins par milles aussi les horloges commen-
cent à sonner aultrement que en France, car
ilz sonnent pour midy XXllII heures. »
Et cela encore ne nous rajeunit pas, comme
on dit.
Encouragés par le succès de l'Exposition dû
leurs appartements installés, les Trois Quar-
tiers préparent aux Parisiennes une nouvelle
surprise aujourd'hui jeudi, demain et après-
demain, ils leur offriront le spectacle si at-
trayant et si apprécié déjà la saison dernière,
d'une Exposition de leurs derniers modèles en
robes et manteaux, qu'on verra défiler sur des
mannequins vivants. Ce sera un charmant
spectacle dont les Parisiennes auront l'agré-
ment, en écoutant les mélodies d'un excellent
orchestre et en dégustant un goûteur parfaite-
ment servi.
NOUVELLES A LA MAIN
Sur le boulevard, deux amis se rencontrent.
Brrr la température fraîchit joliment
Ne trouves-tu pas ?
Oui, il me semble que nous revenons en
été
Un colonel bulgare s'est suicidé, parce que,
au cours'des opérations, son régiment avait
perdu le contact avec le gros de l'armée. 'Ce
geste balkanique est du plus pur japonais. Le
harakiri se rapproche de nos climats. Et, il faut
l'avouer à notre honte, plus il est proche, plus
il nous confond.
Il nous confond, parce que nous avons perdu
plus ou moins complètement deux des vertus
qui font les peuples forts, le sens du devoir et
le mépris de la mort. Bien rares sont aujour-
d'hui ceux qui, investis de fonctions publiques,
se sentent comptables devant la nation des pou-
voirs qu'ils détiennent. On fait un métier, et
rien de plus. La signification des actes accom-
plis s'évanouit dans leur répétition. On songe
à l'avancement, à la croix ou à rien. On se laisse
vivre. On répugnerait à se laisser mourir.
Courteline a écrit Messieurs les ronds de cuir
c'est une âpre satire, mais qui contient beau-
coup de vérité, tout en dépassant le réel.
L'esprit bureaucratique est partout et l'es-
prit bureaucratique se résume dans cet
axiome « La fonction est faite pour le fonc-
tionnaire, et non le fonctionnaire pour la fonc-
tion. » Dans ces conditions,'bien rare est la
noble angoisse des responsabilités virilement
-acceptées. L'essentiel est de se défiler ou, tout
au moins, de se couvrir. On évite ainsi les
sanctions administratives. A plus forte raison,
ne songe-t-on point à s'infliger à soi-même des
sanctions de moralité. Vatel s'est tué sur ses
fourneaux, mais il y a longtemps qu'il est
mort.
Or, la mort paraît bien être ce que redoutent
le plus les peuples de haute culture dont nous
nous flattons d'être, et cette crainto de la mort
donne à la vie je ne. sais quoi de plat et d'hu-
milié. Quand le général Nogi se tue le jour des
obsèques du Mikado, il ne manifeste pas seule-
ment la place que l'idée nationale tenait dans
sa pensée. Il donne la mesure du prix qu'il at-
tachait à l'existence. On nous a tant parlé du
droit à la vie, que la vie nous apparaît comme
'le souverain bien. Vivre sa vie c'était le pro-
gramme de Bonnot. Il est mort tout de même.
Mais sans doute n'avait-il point prévu ce fâ-
cheux accident.
Avec un idéal et la foi dans l'au-delà, on-
Un Domino
pouvait mourir sans trop de peine. Le matéria-
lisme régnant rend, au contraire, le sacrifice
malaisé.. Ces réflexions ne nous hantaient
point. Mais voici qu'en moins de dix ans, nous
voyons se dresser, en Asie et en Europe, des
peuples qui meurent gaiement et qui ne pen-
sent pas que la mort soit le plus grand des
maux des peuples qui se battent le front haut,
pour une idée, pour une religion des peuples
qui ont par avance consenti à la patrie le sa-
crifice de leur vie. C'est un spectacle neuf, qui
étonne et qui gêne certains de nos contempo-
rains. Lisez les feuilles radicales elles n'ai-
ment guère ces croyants, qu'elles traitent de
cléricaux. « Beaucoup de cléricalisme » disait
l'unie d'elles, dans un article consacré'aux pro-
clamations bulgare, serbe, grecque et turque.
Mon Dieu, oui Mais tout le monde ne peut
pas être combiste.
Bloc-Notes Parisien
Le Mari ou le Chien?
Curieux cas de conscience
Les Anglais sont d'extraordinaires pince-sans-rire et
leur humour est vraiment tout l'opposé de notre manière
de plaisanter. Il s'en dégage pourtant un comique puis-
sant, irrésistible. Voici la question que posa récemment,
et très froidement, un journal anglais à ses lecteurs
« En cas d'incendie, une femme doit-elle sauver d'abord
son mari ou bien son chien? » Voilà posée, de la plus
abracadabrante façon, toute la question de l'amour et
du devoir conjugaux.
La question ne se pose même pas, me dira-t-on. Eh
oui, elle ne se pose pas, à condition qu'on ne la pose pas.
Je suis bien persuadé qu'en cas d'incendie, toute femme,
sans même réfléchir, sauvera son mari avant de songer
à sauver son chien. Mais avoir la seule idée de poser une
telle question témoigne d'une mentalité qui permet de
supposer qu'on puisse l'examiner, la discuter. Et voici
que nos voisins et nos voisines se mettent à l'examiner
et à la discuter gravement, avec toute la gravité qu'ils
mettent dans les choses drôles. Et il en résulte toute une
série de réponses d'un burlesque glacé, qui est tout à
fait réjouissant.
Car le journal anglais a reçu de très nombreuses ré-
ponses de ses lecteurs. Toutes seraient à citer. Nous
sommes obligés de nous borner à une sélection.
Lady Lesmoir Gordon répond simplement « Je sau-
verais le chien sans la moindre hésitation. » On ne sau-
rait donner une profession de foi plus ingénue. Non seu-
lement lady Cordon nous dit qu'elle sauverait le chien,
mais elle ajoute qu'elle n'aurait pas la moindre hésita-
tion. Cela ne veut peut-être pas dire qu'elle aime beau-
coup le chien; mais cela signifie assurément qu'en tout
état de cause, elle le.préfère au mari. Ce n'est pas flat-
teur pour celui-ci, sans être très flatteur pour celui-là.
M. A. Pinero, le dramaturge bien connu, l'auteur de
La Secondc Madame Tanqueray, dit Ma femme aime
tellement ses chiens que je n'ose attaquer le problème. »
M. Pinero est un sage, un modeste, et aussi un mora-
liste. Il sait que sa femme adore ses chiens, et il ne veut
même pas supposer qu'elle puisse se trouver dans la
cruelle alternative de choisir entre eux et lui. Il préfère
ne pas répondre et, ce faisant, il répond précisément. Il
répond avec bonne grâce et résignation. En homme qui
a étudié la nature humaine, il sait qu'il ne faut pas mettre
à l'épreuve les sentiments les plus respectés. En cas
d'incendie, M. Pinero aiderait Miné Pinero à sauver ses
chiens.
Sir Hiram Maxim, ce doit être l'inventeur des ca-
nons qui portent son nom, déclare « Ma femme dit
que tout dépend de la qualité du mari. Elle préfère le mari
aux chiens, pour la raison qu'il n'y a pas encore de taxe
sur les maris. » Sir Hiram Maxim triche; il s'en tire par
la tangente. On lui demande de répondre et c'est sa femme
qu'il fait répondre à sa place. Et encore il lui prête une
réponse qu'il est impossible de contrôler. Nous ne savons
pas du tout si Mrs Maxim répondrait de la sorte. Ce qui
nous apparaît clairement, c'est que sir Hiram connaît as-
sez sa femme pour être sûr qu'elle n'hésiterait pas à le
sauver en premier. Mais ne semble-t-il pas qu'il veuille
amoindrir la portée de cet acte en lui imputant des motifs
de bas intérêt? Sir Hiram n'est pas gentil. C'est un in-
grat. Il mériterait, pour sa punition, que l'on sauvât Black
avant lui. Je n'aime pas beaucoup cette morale de chez
Maxim.
Un écrivain distingué, M. Zangwill, se donne la peine
d'écrire « La femme doit sauver le chien. Mieux vaut
encore pour le mari qu'il soit brûlé vif, que de continuer
à vivre avec une femme imbue de semblables idées. »
Il me semble que M. Zangwill commet là une pétition de
principes. Il met la charrue avant les bœufs. Il suppose
la question résolue suivant son idée arrêtée, pour en tirer
des conclusions pessimistes. Il est bien évident que mieux
vaut mourir pour un mari, et encore c'est une façon
de parler, que de vivre avec une femme qui lui pré-
fère son chien. Mais, précisément, il faut d'abord prouver
que la femme préfère son chien à son mari. Il ressort
de tout cela, peut-être, que le ménage de M. Zangwill
est un enfer, et que mieux valent les flammes d'un incen-
die que celles de cet enfer-là. Mais n'est-ce point un
enfer du fait de ce même M. Zangwill? Et ne pourrait-on,
en lui empruntant son sophisme, dire « Le mariage est
un enfer, parce que tous les maris sont comme M. Zang-
will ? »
Le major Stewart-Richardson dit « Les deux sont des
animaux. La femme a raison de choisir celui qu'elle croit
être le meilleur. » Voilà un major qui ne tient pas à se
compromettre. Il descend assurément d'un des compa-
gnons de Guillaume le Conquérant, car il nous donne
une réponse de Normand. Il ne veut pas se compromettre.
Il reconnaît que les hommes et, par conséquent, les ma-
ris, sont des animaux; mais il se refuse à aller plus loin.
Il laisse à l'épouse toute la responsabilité du choix. Il
s'en lave les mains. Le major Stewart-Richardson serait
célibataire que je n'en serais pas autrement surpris.
Un autre écrivain, miss Elynor Glyn, fait preuve d'une
sagacité avisée « II faudrait, dit-elle, sauver le mari.
On peut toujours acheter un autre chien mais par le
temps de suffragettes qui court, les maris deviennent
rares et prévoyants. » II est évident que l'on remplace
plus facilement un chien qu'un mari. On voit que miss
Elynor Glyn n'est pas féministe. C'est une jeune fille
qui, non seulement, n'a pas déclaré la guerre aux hom-
mes, mais qui, encore, n'est pas du tout ennemie du mé-
nage, Elle laisse entendre qu'un mari est déjà bien diffi-
cile à trouver, pour que l'on ne risque pas de le perdre
au bénéfice d'un chien. Peut-être, si elle était mariée, se-
rait-elle d'un avis tout à fait opposé. Félicitons-la de ses
illusions.
A côté des réponses signées, il y eut beaucoup de ré-
ponses anonymes, et elles ne sont pas les moins ingénieu-
ses ni les moins piquantes.
Ainsi, un écrivain qui ne veut pas être connu déclare
« Beaucoup de femmes n'auraient pas de quoi entretenir
et cajoler des chiens si le mari ne fournissait pas l'argent
nécessaire. » Par conséquent, selon lui, C'est le mari qui
doit être sauvé le premier. Mais, c'est égal, si j'étais ce
mari-là, je n'en serais pas plus fier pour ça. Car on me
sauverait non pas à cause de moi, mais à cause du chien.
Etant sauvé, j'apporterais à la maison de l'argent pour
acheter d'autres chiens. C'est arriver, par de tout autres
raisons, à la même conclusion de miss Elynor Glyn, à
savoir que des chiens se remplacent bien plus facilement
qu'un mari.
un sponsman au L'instinct naturel de la femme
serait de sauver le chien, celui-ci étant plus petit. » Evi-
demment, évidemment. Voilà un raisonnement de sports-
man. Mais n'y aurait-il pas sur terre une femme, au
moins, qui, ne pouvant sauver son mari parce qu'il n'est
pas portatif, préférerait mourir avec lui, plutôt que de sau-
ver son chien?
Une femme qui signe business woman, ce qui veut
dire, en bon français, une femme d'affaires, s'exprime
avec une franchise brutale « Sauvez le mari. Le chien
ne peut pas nourrir et habiller la femme. » Pardon, ma-
dame, il y a des chiens savants qui rapportent beaucoup
d'argent. Si vous en aviez un, je n'hésite. pas à penser
que vous laisseriez périr votre époux dans le feu.
Enfin, un autre anonyme déclare « La question est
absurde. La femme doit sauver son mari. » Mais, ô ano-
nyme, c'est votre réponse qui est absurde! On ne vous
demande pas ce qu'une femme doit faire en pareil cas.
Tout le monde le sait. C'est même écrit dans le code.
La femme doit suivre son mari. Et plutôt que de le suivre
dans les flammes, il vaut mieux pour elle chercher à l'en
tirer..Mais entre ce qu'une femme doit faire et ce qu'elle
fait réellement il y a un abîme. Et dg cet abîme-là, ô
anonyme, vous ne paraissez pas vous soucier.
Ce qui m'étonne, c'est qu'aucun des répondeurs an-
glais n'ait songé à répondre « Au lieu de se demander
si doit sauver son mari ou son chien) lg femme ferait
Un Dèsabusé
beaucoup mieux de se sauver d'abord elle-même. ïï Cetttr
réponse serait aussi égoïste que les autres, mais elle se.
rait d'un esprit plus pratique. Car ce qui frappe dans tou-
tes ces déclarations, c'est un égoïsme féroce. Toutes; les
réponses, même les plus favorables à l'homme, reposent
sur l'intérêt le plus vil. Aucune n'invoque l'amour que
deux ,époux devraient avoir l'un pour l'autre.
Mon Dieu, je ne veux pas faire la Française meilleure
qu'elle n'est, mais je veux au moins espérer pour elle
qu'elle hésiterait entre son mari et son chien. Et, si une
secrète préférence l'inclinait vers le chien, c'est encore
son mari qu'elle sauverait, sachant bien qu'elle ferait ainsi
coup double, puisque nous disons, chez nous, que ce
qu'il y a de meilleur dans l'homme, c'est le chien.
Il est vrai que, pour des raisons analogues, elle pour»
rait aussi sauver le chien d'abord.
Tout-Paria
LE CONFLIT ORIENTAL
Que se passent!
àplMplissé?
LES SUCCÈS DES SERBES
Les Progrès du « Trauail diplomatique »
Aucune information précise ne. nous est en-
core parvenue, à l'heure où nous écrivons, sur
la grande bataille engagée depuis lundi, dit-on,
autour de Kirk-Kilissé.
Nous sommes, pour l'instant, en présence du
silence le plus complet du côté des Bulgares et
d'une nouvelle sensationnelle de source turque,
par voie indirecte de Berlin, d'après laquelle
les Bulgares seraient en mauvaise posture. Le
silence de Sofia est inquiétant, la nouvelle de
Constantinople est suspecte et notre perplexité
est grande. Il convient de remarquer, toute-
fois, que le mutisme qu'observe le gouverne-
ment de Sofia n'indique pas nécessairement
qu'il cherche à retarder la divulgation d'un
échec il se peut tout simplement qu'il ne
veuille se départir de sa réserve que lorsqu'il
lui sera possible de'faire connaître le résultat
définitif du combat qui, si l'on en croit les dé-
pêches, n'était pas encore terminé hier après-
midi.
Quelle confiance peut-on, d'autre part, accor-
der aux renseignements de provenance turque,
qui n'accusent que des victoires depuis le dé-
but des hostilités, alors que nous savons, par
les rapports de nos consuls, que les Turcs bat-
tent en retraite devant les offensives serbe, grec-
que et monténégrine ? Est-il bien sûr, d'ail-
leurs, que cette bataille dont on nous parle de-
puis quarante-huit heures soit aussi importante
qu'on le prétend ? Ce n'est pas à Kirk-Kilissé
que les Turcs ont concentré le gros de leurs
forces, mais autour d'Andrinople, et je cons-
tate que le généralissime Nazim pacha a quitté
hier seulement Constantinople pour aller diri-
ger les opérations. Cela signifierait qu'il n'atten-
dait pas de combat décisif avant la fin de la
semaine ? Nous en sommes, en tous cas, réduits
aux hypothèses.
L'énigme militaire se complique aujourd'hui
de l'énigme diplomatique. Ainsi que je l'avais
signalé dans un précédent article, la visite du
comte Berchtold au roi d'Italie acquiert, en
raison des circonstances, une haute significa-
tion. Il est certain, en effet, que la crise balka-
nique et l'attitude éventuelle qu'elle' dictera à
l'Europe ont fait les frais des entretiens du
ministre autrichien avec le roi Victor-Emma-
nuel et le marquis di San Giuliano. Il se peut
que le comte Berchtold ait cherché à s'enten-
dre avec le gouvernement italien pour le cas
où l'Autriche serait appelée à intervenir mili-
tairement dans les Balkans. En ce cas, il y a
tout lieu de croire qu'il s'est heurté à une résis-
tance énergique, car il iaudrait que i Italie
reçût- une compensation que l'Autriche peut
difficilement lui promettre, pour qu'elle se ré-
signât à renoncer au bénéfice de l'une dns
clauses de la Triple-Alliance qui la garantit
contre d'éventuelles réalisations territoriales de
l'Autriche dans les Balkans.
Je croirais donc plus volontiers que le comte
Berchtold s'est rendu à Pise, afin de chercher
auprès de l'Italie un concours utile à la poli-
tique pacifique qu'il paraît désireux d'obser-
ver. Cette politique n'aura de bases solides
qu'autant que l'Autriche et la Russie seront
d'accord pour ne point la troubler. Or l'Italie,
par suite des liens d'étroite amitié qui l'unis-
sent à la Russie, est l'intermédiaire désignée
d'une conversation délicate, difficile et indis-
pensable.
Il n'est pas impossible, par conséquent, que
l'Italie mette en œuvre tous ses moyens de per-
suasion pour rapprocher le point de vue de Pé-
tersbourg de celui de Vienne, lorsqu'il s'agira
de liquider la guerre des Balkaniques et des
Turcs. L'entrevue de Pise marquerait une nou-
velle étape vers la réalisation du programme
d'entente européenne en Orient dont M. Poin-
caré a jeté les bases telle est, du moins, l'im-
pression qui ressort du communiqué officieli
publié, hier, à Rome et dont nous détachons
les lignes suivantes
Constatant avec satisfaction la parfaite
identité de vues entre les deux gouvernements
italien et austro-hongrois à ce sujet, les deux
hommes d'Etat se sont trouvés d'accord sur
l'opportunité de se tenir en contact dans le buü
de contribuer, en se basant sur les liens d'al-
liance unissant les deux gouvernements et ce-
lui de Berlin, et avec le concours des autres
puissances, au rétablissement de la paix géné^
raie. »
Les très intéressantes déclarations que M. Sa-
zonoff a faites, avant-hier, à un journaliste an-
glais attestent, d'autre part, que le gouverne-
ment russe est fermement résolu à maintenir,
quoi qu'il arrive, le statu quo territorial dans
les Balkans et à sauvegarder la paix générale.
Aussi bien, je répéterai ce que j'écrivais hier
ne soyons pas trop pessimistes l'entente euro-
péenne n'est point au-dessus des efforts de ceux
qui se sont imposé la tâche de la réaliser.
René d'Aral
Les Opérations
militaires
.DEVANT ANDRINOPLE
Que se* passe-t-il à Kirk-Kilissé? Bruit d'un
grave échec bulgare Un commu.
niqué officiel
Sofia, 23 octobre.
Une grande bataille est engagée depuis deux
jours dans la région d'Andrinople, particuliè-
rement du côté de Kirk-Kilissé. C'est tout ce
que l'on sait. Quel est, jusqu'à présent, le ré-
sultat de cette bataille ? Les Bulgares, poursui-
vant leurs succès des premiers jours, l'ont-ils
enfin emporté ? On l'ignore. L'état-major bul-
gare se refuse à donner aucun renseignement
précis, tant sur les lieux de l'action que sur les
effectifs engagés et le chiffre des pertes.
Aussi, une certaine émotion a-t-elle été cau-
sée, aujourd'hui, à Sofia, par la nouvelle, pu-
bliée dans plusieurs journaux allemands, que
l'armée bulgare avait subi un assez grave
échec. La Gazette, de Francfort annonçait, cet
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