Titre : Le Gaulois : littéraire et politique
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1899-06-07
Contributeur : Pène, Henri de (1830-1888). Directeur de publication
Contributeur : Tarbé des Sablons, Edmond Joseph Louis (1838-1900). Directeur de publication
Contributeur : Meyer, Arthur (1844-1924). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 07 juin 1899 07 juin 1899
Description : 1899/06/07 (Numéro 6388). 1899/06/07 (Numéro 6388).
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k5306611
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/03/2008
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PARIS ET DEPARTEMENTS i5 CENTIMES
§4" Année. 3< Série. N" 6388
ARTHUR MEYER
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AOM)N)STRAT)OM
RENSEIGNEMENTS
ABONNEMENTS, PETITE~ ANNOt(a~
3, rue Drouot,
t&t~c dea bouievards MontmMtre 9t des K~teMt
ANNONCES
MM. CH. LA&HANGtE, CBRB' 6, PLACE DB LA BOUMB, 6
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~$jt manuscrits ne eont ptn rendat
ARTHUR MEYER ,<"
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ez QUATRE HEURE3 DU SOIR A UNE HEURE DU MATOt
2, ma Dromot,2!
(A~e dea boutevwda Montmartre et des ïtaUsM
ABONNEMENTS.
JPafi!s et dép&~tetnemts
Un mois. S fr. ) Six moia. 2Ttf.
Tfoisjaois. 13 80 ) Un an. 64 tr.
Etfamgef
TroiB mois (Union postale). i6 Bt~
I
LE J~LUS GRANp JOURNAL DU MATIN
Par suite des tirages importants du CaM~o~,
ces derniers jours, nos abonnés et lecteurs de
province avaient dû subir dea retards dans la ré-
ception de leur journal. 1-
L'administration du ces retards, a dû s'assurer de nouvelles machi-
nes, et des maintenant, le service de province
fonctionnera comme par le passé.
La Vie
électrique
I! pleut des couronnes depuis quelques jours.
De toutes parts, tombent des médailles, volent
des diplômes, s'abattent de grands ou de petits
prix. Entre mai et juin, la nation française n'est
plus qu'une vaste lice où n'importe qui se désar-
ticule pour être lauréat de n'importe quoi. C'est
le printemps le laurier pousse et tout le monde
veut en cueillir au moins une feuille. Concours
de peintres, concours de chiens, concours de
fleurs ou de concombres, concours de poésie ou
de pêche à la ligne, courses de chevaux nature,
de chevaux-vapeur ou de chevaux-pétrole, il n'y
a que l'embarras du choix. Il faut être bien
abandonné des dieux, en ce moment, pour ne
pas décrocher un prix de quelque chose dans
une exposition, un match, un tourniquet sportif
où un mât de cocagn& littéraire. Dans toutes les
classes de l'Institut, à tous les coins du palais
des Machines, sous les velums des Tuileries,
ici, là-bas et ailleurs, d'innombrables concur-
rents se sont mis en ligne, altérés de gloire. Et
les académies, les facultés, les sociétés d'encou-
ragement ne suffisant pas à contenter tous ceux
qui aspirent à porter des couronnes, voici que
les journaux se mêlent d'en distribuer et des plus
éclatantes. Le Ma~ a organisé avec succès un
championnat d'automobiles, le ToM~a~ un cham-
pionnat d'employés de magasins, r.Ec7«) de faWs
un championnat de chauneuses, le championnat de beauté.
Qui est-ce qui ne championne pas peu ou prou
par le temps qui court? Il n'y a plus de corps de
métier qui n'ait ses jeux olympiques, d'espèce
animale qui n'ait ses carrousels ou ses tournois.
Nous verrons le derby des tortues et le handi-
cap des écrevisses bordelaises.
Depuis que la Révolution s'avisa de supprimer
les titres, les privilëges.~Ies distinctions de toute
nature, la manie des distinctions, des privilèges
et des titres nous tourmente de plus en plus.
Chaque Français bien né veut être supérieur à
son voisin et pouvoir lui dire, en montrant un
bout de couronne, de médaille, de ruban ou de
parchemin quelconque « En as-tu comme ça,
mon petit? Non? Eh bien, alors? Tâche de me
saluer un peu plus bas, n'est-ce pas? ? »
Et voilà comment se justifie ce beau mot d'éga-
ë~ que nous avons mis sur nos murs. i
A
Dans ces courses folles vers les lauriers, ces
galops échevelés vers un fauteuil~Ou un poteau,
les cyclistes et les chauNeurs se sont fait remar-
quer~entre tous. II y eut des prouesses récem-
ment. La gloire de Charron et de Huret, les der-
niers triomphateurs, a eu à souSrir, certes, des
événements lamentables de ces jours-ci, mais la
foule s'est passionnée pour eux plus qu'on ne
croit. L'un, Charron, le champion de l'automobi-
lisme on sait qu'il arriva premier dans la
course classique Paris-Bordeaux– vient de por-
ter un défi audacieux à je ne sais quel rival amé-
ricain. Il s'agit d'aller couvrir un nombre formi-
dable de kilomètres dans le nouveau monde et,
si le défi est relevé, si le champion français
triomphe, comme tout permet de le croire, nous
pourrons sans doute parler pendant vingt-quatre
heures d'autre chose que de ce que vous savez,ce
qui ne sera pas un mal.
Cependant, quand bien même la France triom-
pherait dans ce tournoi, quand bien même l'un
des nôtres arriverait à coM~r~r cinquante, soixan-
te kilomètres à l'heure, je ne vois pas clairement,
je l'avoue, ce que l'humanité gagnerait à ce nou-
vel exploit. Les locomotives en couvriront tou-
jours davantage .on pourra toujours, après avoir
posé deux ou trois louis devant un guichet, cou-
vrir les 600 kilomètres de Bordeaux à Paris en
sept ou huit heures, très agréablement, les pieds
sur un tapis et les yeux sûr un livre de Marcel
Prévost ou de Gyp, et ce ne me semble pas un
progrès éclatant que de faire ce même voyage en
dépensant cinq ou six fois plus et en risquant
de se casser la tête à tous les tournants de la
route.
Mais voilà peut-être justement ce qui fait qu'on
s'intéresse tant à ces tournois de vitesse c'est le
danger auquel sont exposés les coureurs. Que
voulez-vous ? On a supprimé les spectacles san-
guinaires où se complaisaient nos aïeux, les
Français h'ont plus un endroit où ils puissent
voir se déchirer des coqs, se dévorer des lions,
s'entre-percer des taureaux et des matadors. Il
faut bien qu'ils se rattrapent sur quelque chose 1
Et alors, ils vont voir s'éreinter des cyclistes.
Avouons qu'ils ne perdent pas beaucoup au
change. Quel spectacle plus cruel peut-on rêver
que celui de ces champions lamentables, sou-
vent meurtris, toujours fourbus, qui chancè-
lent sur leurs mécaniques et menacent de tomber
morts au poteau d'arrivée? Néron aurait-il de-
mandé mieux?
Ce tour de piste supplémentaire qu'on exige d'eux
après qu'ils ont atteint le but est caractéristique
sous ce rapport. C'est là que la cruauté incons-
ciente de l'homme éclate dans toute sa candeur.
Il faut qu'il voie l'essouflement, la courbature,
les souffrances des /~M~?M;y gagnants. Le long
de la route, il est difficile de jouir complètement
de ce beau coup d'œil on s'y éreinterait soi-
!Même. Mais, autour d'une piste bien ombragée,
en prenant des rairaîchissements hygiéniques,
c'est délicieux, parait-il, de voir arriver des hom-
mes exténués, couverts de sueur sinon de sang,
et de se demander s'ils iront jusqu'au bout sans
claquer comme leurs pneumatiques.
Nous avons fait une Société protectrice pour
les animaux cependant, car nous sommes bons
pour les bêtes mai& nous n'avons pas encore
songé à en faire une pour les hommes. Il faudra
~eut-être que l'initiativesoit prise par les singes.
Un jour viendra bientôt où le glorieux Huret
couvrira les 594 kilomètres de Paris à Bordeaux
en douze heures et où les locomotives les cou-
vriront en six. Mais, je vous le demande, quels
agréments nouveaux présentera au voya-
geur la traversée de la France dans un tel
cyclone de poussière ou de fumée ? Si le
créateur nous donna de lourdes jambes, fut-
ce pour que nous roulions sur la planète e
plus rapidement que si nous avions des ailes ?
Pourquoi chercher toujours à aller plus vite ? Ne
sommes-nous pas assez dénaturés comme cela?
Ne sommes-nous pas assez trépidants, assez élec-
triques? Pourquoi vouloir brûler si vainement
les étapes de la vie? La lenteur, la sage lenteur
n'a-t-elle pas son charme? Qui osera organiser
des concours de lenteur? Le besoin, vraiment,
commence à s'en faire sentir. Au lieu de nous
appliquer à dévorer l'espace, ne devrions-nous
pas plutôt le savourer, si j'ose m'exprimer ainsi? R
Voyager en musant le long des sentes, en respi-
rant le parfum des arbres qui ûeurissent, en
dénombrant les points d'or sur les ailes des pa-
pillons ou les anneaux de jais sur l'armure des
chenilles, et nous coucher dans l'herbe quand le
coeur nous en dit, et nous endormir comme con-
seille un poète
Dans tonhuilo 0!ictuen$p, 8 diYine paresse t
~'est-ce pas là chose plu3 rai3onnsJ)le, plùa
aaine, plus douce que de pédaler à raison de qua-
rante kilomètres à l'heure et de faire en un jour
ce que la nature nous demandait jadis de faire en
un mois? Tous ces matches, ces recôrd~ces proj
diges de vitesse finiront par dégoûter l'humanité
si toutefois l'humanité peut encore avoir le dé-
goût de quelque chose et vous verrez qu'après
les automobiles véloces, les bateaux filant trente
nœuds, les trains filant deux cents kilomètres,
quelque homme de génie réinventera, pour les
voyageurs de goût, l'aimable chaise à porteurs du
dix-huitième siècle, la litière pompeuse du moyen-
âge ou les graves chars à boeufs où se prélassaient
les majestés fainéantes des temps carolingiens.
Voilà des gens qui savaient vivre voilà, des cer-
veaux que ne devait pas harasser la fâcheuse
neurasthénie!
Hélas t nous n'avons plus-, de rois fainéants.
Seuls les députés et les magistrats, dans l'exer-
cice de leurs fonctions, semblent se souvenir de
ces traditions lointaines.
A
Heureusement la réaction est proche. Fatigués
par cette vie électrique, pas mal de citadins aspi-
rent déjà, au propre comme au figuré, a repren-
dre la patache de nos pères. Les voyages en rou-
lotte n'ont jamais été aussi à la mode dans la so-
ciété parisienne. Il n'y aura bientôt plus que les
bohémiens pour prendre le rapide. Est-il rien de
plus charmant que de s'en aller ainsi, avec des
amis joyeux, au trot paisible de quelques che-
vaux couverts de grelots, à travers la campagne
verdoyante et saine, libres de faire halte devant
le ruisseau qui mousse ou dans la forêt qui
invite ? q
On accuse les- Anglais et les Américains de
nous avoir donné ces goûts de vitesse extrava-
gante, cette volupté du halètement et de la trépi-
dation. On nous a tellement dit qu'à Londres et à
New-York le temps était de l'argent, que le Fran-
çais distrait qui consacre quelques heures à lire
un beau livre ou quelques minutes à contempler
un beau paysage est mécontent de lui, mainte-
nant, comme s'il avait commis une mauvaise
action.
Eh bien, je crois qu'on calomnie les Anglais et
surtout les Américains. Ils commencent à s'aper-
cevoir, les uns et les autres, que si le temps est
de l'argent, le plus grand plaisir est encore de le
perdre. Et je n'en veux pour preuve que cette idée
originale que viennent d'avoir cent cinquante
citoyens de Chicago de venir visiter notre
Exposition, non point en paquebot et sleeping-
car, mais dans un paisible yacht à voiles. Vous
avez pu lire cette nouvelle dans les journaux ré-
cents, à la suite des articles où étaient relatés les
exploits de Huret et de Charron. Cent cinquante
Américains richissimes se sont donc rencontrés,
paratt-il, qui partiront bientôt de Chicago, gagne-
ront la mer par les lacs intérieurs et le Saint-
Laurent, rôderont autant qu'il leur plaira autour
des îles de l'Atlantique, stopperont, si telle est
leur fantaisie, pour mieux jouir d'un coucher de
soleil ou d'un lever de lune, puis, après de sa-
voureuses nâneries, prendront la Seine au Havre
et remonteront tranquillement son cours ondu-
leux, en se rafraîchissant les prunelles au spec-
tacle des verts coteaux, des prairies grasses, des
villages mystérieux, éparpillés dans les vallons
comme des grains de sable gris ou rosé.
Vivent les Américains Il y a encore des poètes
parmi les marchands de cuir~ de Chicago,
Jean Rameau
Ce qui se passe
LA POHT!QUE
LE VRAI COMPLOT
Les journaux revisionnistes ne sont pas sa-
tisfaits et cependant la Fortune ne se lasse point
de les favoriser.
La cour de cassation a comblé leurs vœux et la
Chambre a ordonné l'affichage d'un arrêt qui n'est,
à proprement parler, qu'une adaptation juridique
du « J'accuse. ') de M. Zola.
Que leur faut-il de plus ? q
Oh pas grand chose, presque rien la liberté,
l'honneur d un certain nombre de généraux.
A dire vrai, c'est lace qui les intéresse. L'affaire
Dreyfus, nous l'avons souvent dit, n'était à leurs
veux qu'un prétexte, l'occasion tant cherchée de
désorganiser le haut commandement militaire.
Ils touchent au but, le gouvernement capitule,
le président du conseil leur offre du Paty de Clam
et gracieusement, la bouche en cœur, le geste
arrondi:
–Etavecça? q
Avec ça tout le reste, Boisdeffre, Mercier, Gonse,
Pellieux,Rbget,etc.
On les contente; M. Charles Dupuy, toujours
souriant, annonce que « ces messieurs sont ser-
vis )) et voila que la Chambre, comme Pierrot dans
la pantomime classique, enlève le plat de résis-
tance à l'heure précise où les convives apprêtaient
leurs couteaux.
Ils s'en consolent d'autant moins que le sacri-
fice du général Mercier devait influer, à leurs
yeux, d'une façon décisive sur le jugement du
conseil de Rennes.
Le général Mercier étant. ajourné, la situation
se retourne, et voilà les juges militaires que l'on
place dans la fâcheuse obligation d'opter entre
Dreyfus d'une part, et de l'autre les six ministres
de la guerre, pour ne parler que des têtes dont le
sort est entre leurs mains.
Acquitter celui-là, c'est condamner ceux-ci.
Le jeu serait dangereux si vraiment les soldats
méritaient le fâcheux renom que leur faitl'~M-
~o~e; ils pèseraient, non les responsabilités, mais
les hommes, et se décideraient en conséquence.
Mais les juges militaires sont de braves gens
qui ont de leur devoir l'idée la plus haute, et ils dé-
cideront en conscience et sans écouter d'autre
suggestion que celle de la justice.
La fureur des révisionnistes, en voyant leur
proie glisser entre leurs doigts, nous éclaire
définitivement sur leurs intentions véritables.
On sait aujourd'hui ce qu'ils veulent, et je
pense bien qu'on déjouera leurs plans. Démas-
qués, ils ne sont plus à craindre, et la complicité
gouvernementale, dont ils se sont visiblement as-
surés, ne pourra ni atténuer, ni même retarder
leur défaite. L. DESMOULINS.
ECHOS DE PARIS
UN ORDRE DU JOUR
Des pamphlets hostiles à l'armée ayant été
distribués à la porte des casernes d'Angers, le
général Hartschmitd, commandant la division, a
adressé aux troupes l'ordre du jour suivant
« H a été rendu compte, au général de division
commandant d'armes, que des individus distribuaient
dans la rue, aux militaires de la garnison, des exem-
plaires de leurs journaux dans lesquels on dit pis que
pendre de leurs chefs. Les militaires savent bien
qu'il n'y a pas un mot de vrai dans tout ce que disent
ces journaux, attendu que si les officiers étaient réel-
lement des coquins, on en aurait trouvé dans ] e Pa-
nama et dans toutes les cochonneries qui se sont fai-
tes depuis dix ans et plus, et qui ont ruiné des
millions de Français. Or, on n'a pu citer que le nom
d'un seul officier compromis dans ces malpropretés.
)) Que les militaires continuent à servir honnête-
ment, comme ils l'ont toujours fait qu'ils aient con-
fiance dans leurs chefs, dont les mains sont propres
qu'ils laissent les bavards crier des inepties dans les
journaux, et qu'ils portent aux latrines les journaux
qu'on leur distribuera, les murs n'en seront que plus
propres".
Bravo,générait 1
Le général Zurlinden menacé
Le général Zédé, gouverneur militaire de Lyon,
se trouvait a Briançon, où il passait l'inspection
des trounes, et se préparait à se rendre à Embrun
et a Gap~ quand H a été brusquement mandé à
PM-is p~r le ministre de I& guerre.
Il a dû arriver hier soir à Paris.
On en conclut que le gouvernement compte of-
frir au génél'aIZedc te po&te de gouverneur de
Paris, occupe par le général Zurlinden, lequel
serait sacrifié aux rancunes dreyfusistes.
Nous avons vu hier le général de Pellieux qui
nous a déclaré de la façon la plus formelle qu'il
se refusait à donner aux journaux le moindre
renseignement sur l'enquête dont il allait sur
sa propre demande être l'objet, et qui nous a
autorisé à déclarer que tout propos qui lui serait
prêté devrait être considéré comme fantaisiste.
Encore un complot.
La police ne serait pas fâchée, sans doute, d a-
voir pour dimanche un vaste complot tout prêt,
afin de pouvoir boucler un nombre assez considé-
rable de personnalités « gênantes ?..
Des offres de service sont faites depuis hier
aux personnalités visées par des individus se
disant anciens sous-officiers et sollicitant du
« travail ».
Le piège était trop grossier et a été facilement
éventé. t'
Néanmoins il faut s'attendre pour dimanche
matin à quelques arrestations.
Il est également question d'une bombe anar-
chiste destinée à déterminer une explosion de
sympathies envers M. Loubet.
La bombe de la Cascade ou d'ailleurs, c'est un
peu vieux jeu. Il suffit, en tout cas, qu'on soit
averti pour ne pas s'en émouvoir.
Pour la chapelle de la rue Jean-Goujon.
Le duc d'Alençon s'est rendu avant-hier, dans
l'atelier du peintre Albert Maignan, où l'éminent
artiste lui a montré l'esquisse réduite qu'il a faite
de la composition destinée à la coupole de la cha-
pelle de la rue Jean-Goujon.
Le duc d'Alençon s'est vivement intéressé &
la composition de l'artiste, dans laquelle figurera
un portrait discret, mais ressemblant, de l'infor-
tunée duchesse d'Alençon. On sait que le sujet de
cette composition est le Christ recevant dans sa
gloire les t~c~M~ de la c/ta~ M. Maignan a
divisé les victimes en deux groupes principaux
d'un côté, guidées par la Vierge Marie, se trouvent
les personnes charitables qui, telle la duchesse
d'Alençon, trouvèrent la mort dans la catastrophe
du 4 mai 1897; de l'autre, conduites par saint
Vincent de Paul, les petites sœurs des pauvres
qui périrent également dans l'incendie.
Le Christ, entouré d'anges, reçoit ces victimes,
dont les noms sont inscrits sur des tablettes par
trois femmes symbolisant la Foi, l'Espérance, la
Charité.
L'esquisse réduite que M. Maignan a faite sur
une coupole miniature ne donne qu'une idée d'en-
semble de la composition. On ne peut se rendre
compte des détails que l'artiste développera dans
l'immense toile qui s'adaptera à l'intérieur de la
coupole de la chapelle. C'est ainsi que M. Mai-
gnan compte placer danë le groupe des victimes
laïques un certain nombre d'enfants et le malheu-
reux docteur Feulard emportant sa petite fille
dans ses bras.
Ajoutons que le duc d'Alençon a promis à
M. Maignan de lui donner tous les documents
nécessaires en ce qui concerne l'infortunée du-
chesse d'Alençon. L'artiste va se mettre immédia-
tement au travail, car le temps qui nous sépare
de la date d'inauguration de la chapelle lui paraît
à peine sufnsant.
Se M.OK. é~ero. j
Il paraît que, les travaux terminés sur le quai
Malaquais, il sera impossible d'y replanter des
arbres et qu'alors il serait question d'y aligner
quelques arbustes en caisses.
La nouvelle émane des ponts et chaussées ou
des Quat'-z-Arts, on ne sait pas au juste, et que
ce soit des uns ou des autres, elle ne semble pas
invraisemblable.
Hommage à nos explorateurs.
C'est dans sa séance de dimanche que la So-
ciété de géographie de Londres a décerné à M.
Binger, pour ses explorations de la boucle du Ni-
ger en 1887-1889, la médaille de fondateur et à
M. Foureau, pour ses explorations du Sahara, la
médaille de patronage.
Le soir, au banquet, le général de division Ste-
wart a parlé en ces termes de l'expédition Mar-
chand
Le voyage de Marchand est aussi remarquable que
ceux des voyageurs les plus distingués de l'Angleterre.
La nation et l'armée françaises ont le droit d'être
extrêmement nères du commandant Marchand.
Le président de la Société de géographie, en
portant un toast aux nouveaux médaillés, a fait
ressortir la grande valeur des travaux des explo-
rateurs Binger et Foureau:
En qualité de géographes, a-t-il ajouté, nous n'a-
vons jamais eu de sentiments d'hostilité contre la
France. Le général Stewart n'a fait qu'exprimer la
pure vérité, quand il a parlé de Marchand. Nous
eprouvons la plus grande admiration pour le voyage
de Marchand, qui n'a jamais été peut-être égalé.Nous
félicitons cordialement le commandant Marchand.
C'est l'attaché militaire de l'ambassade fran
çaise qui a prononcé quelques paroles au nom de
nos compatriotes absents. Il a dit que Marchand
se souviendra des manifestations de sympathie
que lui a prodiguées la Société de géographie et que
la France et l'Angleterre sont faites, malgré tout,
pour s'entendre. Ce toast a été salué par trois
bordées de hourras.
Enfin, l'ambassadeur américain, dans une ré-
ponse à un toast, a dit que les Américains n'ou-
blieront jamais la dette de reconnaissance qu'ils
ont envers la France.
L'Exposition de 1900.
Parmi les attractions de la section coloniale à
l'Exposition de 1900, il en est une qui ne man-
quera pas d'attirer la foule nous voulons parler
du panorama que le peintre Castellani consacrera
à l'héroïque commandant Marchand et à sa mis-
sion.
C'est chose aujourd'hui décidée M. Delombre,
ministre du commerce, et M. Alfred Picard, com-
missaire général, viennent d'autoriser ofûcielle-
ment le panorama Marchand.
Tout le monde y applaudira.
BILLET DU SOIR
L'autre jour, à Trianon, représentation de Joli Gille,
donnée par ta Société des amateurs dont le président
est M. le comte Guy de La Rochefoucautd.
Joli Gille est du regretté Poize qui fut un professionnel
de beaucoup de talent, chi reste, ce qui fermera la bou-
che à certaines gens malintentionnés, prêts à croire ou
tout au moins à dire que la Société des amateurs ne se
pousse en frais que pour mettre en relief des œuvres
d'amateurs.
La vérité est que cette Société n'est nullement exclu-
sive et que son action se trouve rayonner de la plus
bienfaisante façon en dehors d'elte. Si ette organise,
comme c'est bien son droit, des expositions artistiques
d'ailleurs très attrayantes comme celle de ce printemps,
rue de Sèze, qui offrait en plus un vif intérêt rétrospec-
tif, les études qu'elle fait des merveilles contenues dans
des hôtets ou châteaux des particut'ers, sont d'un puis-
sant secours pour les amateurs d'oeuvres d'art. Soyez
sûrs que tes hauts prix obtenus par les dernières ventes
célèbres, celle de Valençay par exempte, ont un peu
pour origine le mouvement créé autour des belles cho-
ses par tes conférences de la Société d'amateurs et ses
visites dans les grandes demeures de France où dorment
de précieux souvenirs.
Ces sociétés créées et prospérant par l'initiative pri-
vée sont d'un excellent exemple. On ne peut pas de-
mander à toutes de prêter de l'argent à l'Etat pour l'ac-
quisition d'oeuvres d'art comme fait la Société des Amis
du Louvre, mais ettes entretiennent le feu sacré, les no-
bles soucis, et c'est quelque chose en cette (in de siè-
cle trop dépourvue d'idéal.
Enigme.
La Pa~o'e venant directement de Londres,
était arrivée dans la matinée, amarrée au port
Saint-Nicolas. Comme toujours, le public qui
traverse le pont du Carrousel s'arrêtait pour voir
opérer le déchargement des marchandises. Quel~
n a. paa été notre étonnement en voyant déchar-
ger des &OM!Ko~ du journal anglais le G~o&e, en
quantité considérable t II y en avait bien de quoi
charger quatre camions) 1
Faire venir de Londres son papier à lettres,
passe encore, mais, ah ça, est-ce que ça serait
très smart d'en faire venir aussi son vieux pa-
pier ? 9
Par ces temps de sports, on peut dire que le re-
cord du succès appartient incontestablement au
« Madrigal )), l'exquis biscuit, dernière création
de la manufacture Pernot, dont la marque jouit,
à juste titre, de la connance des vrais gourmets.
Généralement, les boissons à la glace altèrent
davantage après qu'on les a bues. En mettant
dans un verre d'eau fraîche un verre à liqueur
d'anisette Marie Brizard et Roger, on obtient, au
contraire, une boisson saine qui désaltère pour
longtemps.
A Cabourg, on prépare dès à présent mille at-
tractions pour charmer et retenir les baigneurs
fidèles à celle que l'on a surnommée la reine des
plages, parce que les familles peuvent y vivre re-
tirées et les mondains très entourés; les uns y
trouvent le repos à foison, les autres le plaisir à
satiété. Casino et Grand Hôtel rivalisent de zèle
pour tenir Cabourg à la hauteur de sa juste re-
nommée.
L'air y est salubre, l'eau pure, le sable fin, les
ombrages épais, que désirer de plus ? q
Les habitués de la côte d'émeraude seront heu-
reux d'apprendre qu'on vient d'édiner un grand
casino municipal à Saint-Malo. La construction
est très originale et l'aménagement luxueux. Une
troupe d'élite y donnera tous les ouvrages à suc-
cès. Quant à l'orchestre de quarante-cinq musi-
ciens, il sera dirigé par le maestro D. Thibault,
des Boun'es.
NOUVELLES A LA MAIN
Ce propos spontané prêté à Mme Loubet
On croit que nous allons quitter l'Elysée ? 9
S'est une erreur t Nous ne sommes pas du midi
pc'ur rien, et, comme le nougat de Montélimar,
nous resterons collés. au Palais 1
A la. correctionnelle.
Il paraît que vous vous enivrez souvent? `?
-–Jamais, mon président! Seulement, je vas
vous dire ma belle-mère est blanchisseuse et ma
femme est brunisseuse. Alors, entre les deux,
rien d'étonnant à ce que je paraisse gris t
Un Domino
MORTALATMBUNE
Je veux dire deux mots de cette un, belle com-
me un exemple.
L'autre soir, a. Grenelle, devant un auditoire
d'ouvriers, un homme parlait. A cette foule d'in-
connus, groupés devant lui, il disait des choses
que le peuple n'est pas habitué à entendre. Je n'é-
tais pas là pour le constater., Mais, connaissant
ses idées de vieille'date, je sais, comme si j'y
a~'aia été, le langage qu'il devait tenir.
Il devait dire a ces hommes, exploités par tant
d'ambitieux, trompés par tant de flagorneurs
« On se joue de vous, de votre crédulité, de vo-
tre Conception de la justice sociale, quand on
vous dit que l'Etat vous doit tout, depuis le tra-
vail qui vous fait vivre jusqu'à la retraite qui assu-
rera vos vieux jours. L'Etat a des devoirs envers
vous, mais pas ceux-là, qui seraient la négation
de l'effort individuel, la suppression en vous de
la qualité humaine et civique. C'est vous, avec
son aide peut-être, mais par votre initiative et
votre volonté propres, qui devez être les tuteurs
et les protecteurs de vous-mêmes. Et c'est par
votre prévoyance, par le résultat direct de votre
fabeur et de votre énergie que vous devez vous
garantir contre les atteintes de la maladie et de
la vieillesse. C'est à vous, en un mot, de prou-
ver, en étant des hommes, que vous êtes dignes
d'être des citoyens. »
Sans doute, il disait cela, ou quelque chose
d'approchant. Et sans doute, pour la centième,
pour la millième fois, il allait faire à ces esprits
simples et sains, malgré les absurdes théories
dont les politiciens les empoisonnent, la démons-
tration'de sa doctrine. Il allait leur indiquer par
quels moyens pratiques, groupements de pré-
voyance et de mutualité, ils pouvaient mathé-
matiquement, presque sans effort sensible, attein-
dre eux-mêmes ce but que les sophistes de la tri-
bune leur montrent dans un décourageant recul,
à travers le brouillard décevant de leurs déclama-
tions fumeuses. lorsque soudain, il porta la
main à son front, chancela, et s'abattit tout d'un~
pièce. Quand on le releva, il n'était plus.
Ainsi est mort Frédéric Noguès, mon cama-
rade de jeunesse. Et je dois ce salut de mon ami-
tié douloureusement mais fièrement émue à cet
honnête et vaillant homme qui, à sa manière, est
tombé au champ d'honneur.
II l'avait choisi, ce champ d'honneur et de
lutte, après une vie mouvementée, où se renète
bien l'inquiétude de ce tempérament sans cesse
en quête d'un moyen d'utiliser les trésors d'éner-
gie dont la nature l'avait pourvu. Du plus loin
que je me le rappelle, je le retrouve ainsi, mili-
tant et ardent, l'œil net et franc, le regard clair,
la parole chaude et colorée, vibrant au premier
appel d'une idée noble ou d'un sentiment géné-
reux.
Tel mon souvenir d'adolescent le retrouve, l'an-
née de la guerre, dans cette cour de Sainte-Barbe
où la fortune des concours universitaires, comme
un immense épervier jeté tous les ans sur la
France, ramenait des quatre coins de la province
des lauréats destinés à peupler les grandes écoles
de Paris. Plus âgé que moi de deux ans, Noguès
était de la promotion de Burdëau. Il fit sa con-
naissance en le menaçant, à propos de je ne sais
quoi, d'une volée formidable qu'il était de force
et d'humeur à lui donner.
Burdëau ne manquait pas de courage. Il
en avait même cette forme, plus méritoire
qu'on ne suppose, qui consiste à reconnaître un
tort qu'on a. Avait-il tort ou raison ? Je l'ignore.
La seule chose que je sache, c'est qu'il se lia
avec Noguès d'une amitié Mêle, assez solide
pour résister aux coups de boutoir que la fran-
chise de ce Pylade un peu rude ne lui ménagea
sans doute pas à l'occasion.
Noguès était venu à Sainte-Barbe pour prépa-
rer l'École normale. Il ne s'y présenta même pas.
Son humeur aventureuse et indépendante le pro-
mena pendant dix ans hors de la sphère pari-
sienne où ses anciens camarades, si dispersés
qu'ils fussent par la vie, se rencontraient au
moins de temps en temps. Qu'était-il devenu ? Q
Quel emploi avait-il fait de ses dons si réels d'in-
telligence lumineuse, d'éloquence vigoureuse et
hardie ? Nul ne le savait. C>
Un beau jour, je reçus de lui une lettre. Il était
professeur de philosophie dans une petite ville de
province, y rédigeait un journal, mais s'y ron-
geait d'ennui et me priait de le faire venir à Pa-
ris. Je m'y employai. Il arriva, me conta son
histoire. Elle n'était pas banale. Avant de s'é-
chouer dans la sous-préfecture d'où il m'avait
~eté son cri d'appel, il avait quelque peu « bour-
lingué ? » à travers le monde. Pas en amateur, non,
en vrai marin. Il avait passé cinq ans dans la
marine américaine, avec le grade d'officier, comme
secrétaire d'un amiral dont le nom ne me re-
vient plus. Une carrière s'ouvrait ainsi devant
lui. Mais le mal du pays l'avait pris. Les Etats-
Unis, même lui oSrant honneurs et fortune, ne
valaient pas la France lui donnant & peme le
pain. II y était rentra, logeant le diaBle daaa sa
bourse~.M~is il l'avait aussi dana le corp3< <
0;
Par des amis que j'avais, il entra comme pro-
fesseur a l'école Monge. La chaire ne lui allait
pourtant qu'à moitié. Il ne se sentait vraiment à
l'aise qu'à la tribune. D'instinct, il recherchait
toutes les occasions d'y monter. Pendant cinq
ou six. ans les électeurs de la Plaine-Monceau
ne virent que lui dans les réunions publiques. Et
dans ce quartier d'une physionomie politique
toute spéciale, où l'élément conservateur et l'élé-
ment démagogique se rencontrent à la marge
étroite d'une frontière commune, il mena tam-
bour battant une campagne acharnée au profit
d'idées modérées dont les champions n'ont pas
d'ordinaire cette allure de voltigeur, voire de
franc-tireur, guerroyant à sa guise et cherchant,
pour le combattre de plus prés,son adversaire sur
son propre terrain.
Noguès avait la passion d'enseigner au peuple
la sagesse, de le mettre en garde contre les dupe-
ries d'une rhétorique intéressée, de lui faire
toucher du doigt ses propres intérêts en lui ap-
prenant à se défendre lui-même, à demander à
son travail, à son énergie, à l'organisation licite
et féconde de ses forces la sécurité de son présent
et de son avenir. La conviction qu'il portait en
lui était trop sincère et trop ardente pour se con-
tenter de se traduire par des mots. Noguës ne fut
heureux que le jour où il dit adieu à la vie de
professeur pour en commencer une nouvelle, dont
on a pu dire, sans excès, qu'elle fut une vie d'a-
pôtre.
Que de fois il m'a confié ses désirs et ses es-
pérances t Il avait fait un rêve généreux entre
tous protéger contre la misère l'être qui a le
plus besoin de cette protection, la femme du peu-
ple. Pour cela, il voulait que naturellement, par
une sorte de mécanisme normal ne demandant à
ses parents qu'un sacrifice inappréciable et in-
sensible, l'ouvrière trouvât, le jour de son ma-
riage, une dot dans l'humble corbeille où elle ne
trouve même pas, d'ordinaire, la layette de son
premier enfant. Mieux encore, il voulait que la
venue de ce premier enfant, comme de ceux qui
pourraient suivre, ne fût pas pour le jeune mé-
nage l'occasion d'un souci, d'une crainte de l'ag-
gravation des duretés déjà assez pénibles de la
vie. A chaque enfant qui naissait une somme
déterminée d'avance assurait le confort relatif né-
cessaire à sa fragile existence. Après la prime au
mariage, c'était, on le voit, une véritable prime à
la maternité.
Œuvre d'une haute portée sociale et morale,
patriotique au premier chef, puisqu'elle a pour
but de préparer à notre pays des générations plus
nombreuses et mieux défendues contre les as-
sauts de la misère et du vice. Tous les philan-
thropes, tous les philosophes, tous les publicistes
éclairés qui connurent l'entreprise de Nogués y
applaudirent et la soutinrent de leur parole et de
leurs écrits. Tous lui décernèrent la part d'éloge
et d'estime à laquelle il avait droit. Noguës se
passait aisément de la première. La seconde seule
le touchait véritablement.
*«
Nul n'en fut plus digne. L'oeuvre importante
dont il avait jeté les bases semblait devoir suf-
fire à absorber l'activité d'un homme même
pourvu des dons exceptionnels que chacun re-.
connaissait en lui. Il ne s'en contentait pas.
Toutes les formes de la mutualité, de la pré-
voyance, de l'organisation du travail pour la pro-
tection de ses propres résultats l'attiraient, le pas-
sionnaient à un égal degré.
Je ne le rencontrais jamais que revenant d'un
vovage en province où il était allé porter la bonne
parole, et se dirigeant vers un coin de Paris où il
allait, le soir même, la faire entendre à un groupe
d'ouvriers. Et toujours, et surtout, son souci do-
minant était celui-ci mettre le peuple en garde
contre la pernicieuse suggestion des doctrines
socialistes qui le leurrent avec l'affirmation de
droits chimériques aulieu dele fortifier par la dé-
monstration de ses devoirs réels envers lui-
même.
Il est mort à cette tâche, frappe au poste de
combat qu'il avait choisi. Je ne vois pas de fin
plus enviable et plus belle. Et si je ne puis sans
un poignant serrement de cœur, songer à la tragi-
que angoisse de cette veuve et de ces trois enfants
qu'il laisse derrière lui, quand, au milieu de la
nuit, on est venu leur rapporter, inerte pour ja-
mais, le vaillant et généreux lutteur qu'ils
avaient vu partir, quelques heures avant, plein
de vie, je pense qu'ils ont dû sentir comme un
allégement à leur douleur inconsolable en voyant
autour de la tombe où on descendait leur cher
mort ces visages d'hommes pleurant à grosses
larmes l'un des plusdigneset des plushonorables
exemplaires de l'humanité.
p Joseph Montet
^+
~/cc-P~r~/e/y
HCHES ET OISIFS
Décidément, il n'est pas encore « bien Parisien »,
M.Dupuy.
D'abord, s'i[ avait été « bien Parisien », il n aurait pas
fermé Puteaux, Puteaux-Janzé, le pastoral et délicieux
coin de verdure, où les raquettes du tennis n'ont jamais
songé à efneurer un chapeau présidentiel. S'il avait été
« bien Parisien », M. Dupuy se serait bien gardé de
fermer également le cercle d'escrime de M. Ayat, car il
se serait épargné le ridicule et l'odieux de mettre sur le
pavé de braves prévôts, de priver de leur sport favori
d'honnêtes gens qui n'ont jamais songé à tourner con-
tre la république parlementaire les finesses du contre
de quarte et du septime enveloppé.
Mais surtout s'il avait été bien Parisien il n'aurait pas
prononcé à ta tribunedeux accusations qui ont fait sou-
rire même les républicains de la Chambre un peu au
courant de Paris. La première qui est cette-ci « Ces
hommes de cercle se sont cachés derrière des chaises
pour éviter les coups de la police. » La seconde qui est
cette autre « Ces hommes sont des oisifs, des pares-
seux. »
Sans vouloir rappeler à M. Dupuy qu'au temps des
bagarres parisiennes du second Empire les émeutiers
républicains filaient comme des fièvres et ils avaient,
du reste, bien raison de le faire devant le casse-tête
de Lagrange, il est permis d'insinuer que le président du
conseil a été aveuglé parla colère, dans la tribune prést-
dentiette, où que quelque jeune aspirant à une sous-pré-
fecture l'aura bien mal renseigné sur les faits et gestes des
clubmen, dimanche dernier. La vérité est que beaucoup
d'innocents Parisiens, frappés brutalement par.ta police
et n'ayant pour armes que des cannes grosses comme des
fuseaux, se sont dérobés aux gentillesses de ta .brigade
dite de réserve. En quoi ils ont sagement agi. Mais
quant à se cacher derrière des chaises occupées par des
femmes, ils ne t'ont pas fait et ils auraient été d'ailleurs
imprudents de le faire, car la rage des argousins était
assez folle pour frapper non seulement des hommes,
mais des femmes assises sur des chaises, voire les chai-
ses elles-mêmes..
Et puis vraiment un homme qui a dépassé la cin-
quantaine est bien enfant d'adresser des reproches de
lâcheté aux représentants de la noblesse française. La
passion politique excuse toutes les injustices, hormis
celle-là. M. Dupuy est impardonnable d'oublier les
hommages solennels rendus vingt fois du haut de la
tribune par Gambetta à ce régiment des zouaves de
Charette, où la proportion des gentilshommes était in-
vraisemblable, où servirent, pour tomber l'un après
t'autre, à Loignv, porteurs de la bannière du Sacré-
Cœur de Jésus/un Bouitté, un Verthamon. M. Dupuy
est plus excusable de ne pas savoir que le Jockey-Club
et le cercle de t'Union artistique, pour ne citer que ces
deux clubs-là, ont t'un un tableau d'honneur, l'autre
une plaque de bronze mentionnant les noms des ca-
marades tués à l'ennemi et que ce tableau d'honneur
est très haut et que cette plaque est très large, mais il
t'est moins de ne pas se souvenir que sur son terrain,
dans cet affreux local parlementaire où il se débat de
son mieux tous les jours, un siège à droite était occupe,
il y a peu de temps encore, par un Bernis, père d'un of-
ficier tué au Soudan. Quelques jours après, un autre
gentilhomme, lejeuneChevigné, tombaitàTombouctou,
dans cette même Afrique homicide, qui fut le tombeau
d'un d'Uzès. 1.'
Reste l'accusation plus sérieuse d'oisiveté. Sans doute
tes gen: venus dimanche au pesage d'Auteuit y étaient
un peu pour teur agrément, mais après tout M. Oupu~
aussi. Sans doute aussi, quelques-uns du moins, étant
des privilégiés de l'héritage, n'ont pas à travailler pout
faire fortune, mais il est bien sûr que si M. Uupu~
avait trouvé cinquante mille francs de rente dans son
berceau, il ne se serait pas donné beaucoup de souci
pour devenir un jour maître d'étude.
Ensuite, il convient de s'entendre sur le mot <: oisifs.
En réalité, celui-là seul est vraiment libéré de toute be<
sogne qui possède une fortune en valeurs dites de tout
repos. Mais combien de ces prétendus fainéants mon*
dains sont obligés, pour faire figure, de chercher des
placements plus rénumérateurs, par conséquent détu*
dier telle ou telle affaire financière par le menu t Et
c'est encore un emploi de temps qui occupe facilement
quatreou cinq heures par jour. La gestion d'une for-
tune foncière a la campagne prend plus de temps en*
core, surtout avec les méventes, les crises, les fermiers
qui ne payent pas et qu'il faut remplacer..
Si M. Dupuy connaissait tant soit peu son Paris labo*
rieux, d'abord il n'aurait pas fermé ce temple du travail
qu'est l'Automobile, ensuite il saurait que peu de per.
sonnes ont le temps de rester plusieurs heures dans un
cercle, que le plus grand nombre ne fait qu'y passer,
que une rigoureuse statistique l'a établi il n y a
pas plus d'un membre sur dix qui joue et un sur trente
ou quarante qui joue au baccara, et qu'en outre, il est
naïf ou roublard d'accuser d'oisiveté des gens qui
ne peuvent pas servir un gouvernement ennemi, lequel
fait, du reste,aux ralliés la figure que l'on sait.
Ce que nous savons, nous, c'est que l'oisiveté im-
posée à plus d'un pèse douloureuse, au lieu d'être un
sybaritisme doucement savouré, et qu'aussi plus d'un
cherche à s'en affranchir. Que M. Dupuy daigne jeter
les yeux sur la liste des annuaires de Cercles, à la pre-
mière page, pMjr ne citer que le Jockey-Club, il trou-
vera comme président un homme qui ne marchande
pas plus son temps et sa peine au département si
longtemps représenté par lui, qu'au temps où il le re-
présentait, le duc de DoudeauvUle comme vice-presi-
dent, un général blanchi sous le harnais, le marquis
d'Espeuilles; il retrouvera à la présidence de l'Union un
de ses collègues les plus assidus, le duc de Rohan au
cercle de la rue Royale, un grand seigneur à la façon
anglaise, c'est-à-dire actif, le duc de La Trémoïiie au
Cercle de l'Union artistique, le marquis de Vogué, qui
n'a pas été seulement un de 'nos meilleurs ambassa-
deurs, mais dont aujourd'hui la studieuse retraite, en
dehors de la direction du Cercle, est prise par l'Institut
d'une part et d'autre part par la présidence de la Soctetâ
d'agriculture de France.
A
Qu'it prenne ta peine de feuilleter plus avant et de se
renseigner ensuite sur des noms qui devraient cepen-
dant être connus au Puy,quets sont les hommes qu'on
lui dira être en contact quotidien, au cercle, avec te:
représentants des puissances étrangères r Des sports-
men, ainsi qu'il dit dédaigneusement, comme si la di.
rection d'une écurie de courses ne donnait pas au-
tant de casse-tête même parfois qu'un ministère de l'a-
griculture ? Nullement. LeJockey-Ctub, l'Union, l'Agri-
cole, le Cercle de la rue Royale, le cercle de l'Union
artistique comptent dans leurs rangs par centaines des
hommes appartenant à t'ancienne diplomatie, aux
grandes administrations de chemins de 1er ou autres.
Ah t sans doute, dans ces annuaires figurent les
noms d'un grand nombre de militaires. Sans doute,
dans ce salon du Jockey-Club, qui s'appele le Camp de
Châlons, tous les officiers membres du Cercle ne pour-
raient pas venir, mais la bande des sans-patrie peut
baver ce qu'elle voudra sur ces « brutes galonnées
ette ne pourra pas insinuer que depuis '871 les officiers'
n'aient qu'à se tourner les pouces.
La vérité est que les prétendus oisifs stigmatises par
M. Dupuy forment une réserve de laborieux utilisables
pour le gouvernement de demain, celui qui remplacera
ceux qui travaillent peut-être, mais si mat t
Tout-Pana
LAFFAIRE BAUTEML
Mise en Hberté provisoire.–Le procès
des huit.–Le cas de M.Christ'ani.~
A t'usine du comte de Dion. L'Auto-
mobHe-Ctub. Chez MM. Jacques
Batsan, te baron de Mande)!, Aifred de
Ferry et Roger Pessard.
Voici où le gouvernement en est des poursui-
tes intentées contre les différentes personnes qui
ont été arrêtées & la suite des manifestations
d'Auteuil. On verra qu'au dernier moment le par-
quet s'est décidé & changer la qualification du de-
lit reproché à M. Christiani. Il n'est plus pour.
suivi sous l'inculpation de coups et blessures
portés a un particulier, mais bien sous l'accusa-
tion d'attentat contre la personne du chef de l'E-
tat.
Mise en liberté provisoire
Nous avons donné hier, en dernière heure, la
liste de neuf personnes qui ont été mises l'avant-
dernière nuit en liberté provisoire par M. Lemër-
cier, juge d'instruction.
Vin~t et un autres inculpés ont été mis hier en
liberté' Ce sont: MM. Dansette, Cottreau, de Beau*
mont,Caron, de Beaurepaire, Aine, Balsan, Redon,
deBeaupreau.Vassias, de Férol~ de Ferry, de
Laire, de Liniers, Charles Blanc, des Monstiers-
Mérinville, Pessard, Paumcy, Roger, deRému-
sat, Le Roux, deVillain.
Nous avons dit que M. Benedictus avait béné-
ficié d'une ordonnance de non-lieu. Parbleu iL
avait seulement crié « A bas Zurlinden ta »
Les personnes mises hier et avant-hier en li-
berté provisoire comparaîtront individuellement
en police correctionnelle.
Me Pouillet, ancien bâtonnier, défendra le
comte Jean de Féral.
Me Camille Bouchex, ancien procureur général,
défendra M. Marc de Beaumont.
M" Maurice de Mcur. ancien chef de cabinet d9
M. Méline, défendra M. Charles Dansette.
Me Maurice Quentin, se présentera pour M. Ju-
les Vassias.
Me Paulmier défendra M. Roger Cottreau.
Me Reullier, M. Charles Blanc, fabricant d$
meubles. w
Le procès des H~it
Huit autres prévenus ont été écroués.hicr soir,
à la prison de la Santé.
Ils comparaîtront en police correctionnelle et
seront poursuivis collectivement pour rébellion
en réunion et coups aux agents de la force pu-
blique, en vertu des articles 200, 210, 211 du
Code pénal.
Ce sont MM. le comte de Dion, de Baulny,
Louis et Félix Barrio, de Meyronnet Saint-
Marc, de Fromessent, Langlois de Neuville et
d'Aubigny d'Assy.
M. d'Aubigny d'Assy est accusé d'avoir frappe
M. Grillères, officier de paix.
C'est M" René Quérenet qui défendra M.t comte de Dion.
Les autres inculpés n'ont pas encore fait choix
de leur défenseur.
t,e c&s de M. Christi&nt
Le baron Fernand Christiani, qui a été égale-
ment, hier soir, transféré à la prison de la Santé,
devait être, d'après les derniers bruits, poursuivi
pour attentat contre le chef de l'Etat, mais la
parquet n'a pas osé aller jusqu'à lui appliqua r
l'article 86 du Code pénal, paragraphe 4, modifié é
par là loi du 10 juin 1858.
On se contente de faire ouvrir contre M. da
Christiani une instruction pour infraction à l'ar-
ticle 228 du Code pénal.
Cet article est ainsi conçu
« Tout individu qui, même sans armes et 3MS
qu'il en soit résulté de blessures, aura frappé ua
magistrat dans l'exercice de ses fonotil'occasion de cet exercice, ou commis tout autrt
violence ou voie de fait envers lui dans les me-
mes circonstances, sera puni d'un emprisonne-,
ment de deux à cinq ans. »
)) Le coupable pourra, en outre, être prive dea
droits mentionnés en l'article 42 du présent Cod<
pendant cinq ans au moins et dix ans au plu3, à
compter du jour où il aura subi sa peine et être
place sous la surveillance do la haute police pen*
dant le même nombre d'années. x
M"deS~nt-Auban défendra te baron Cbri~.
tt&nL
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Un mois. S fr. ) Six moia. 2Ttf.
Tfoisjaois. 13 80 ) Un an. 64 tr.
Etfamgef
TroiB mois (Union postale). i6 Bt~
I
LE J~LUS GRANp JOURNAL DU MATIN
Par suite des tirages importants du CaM~o~,
ces derniers jours, nos abonnés et lecteurs de
province avaient dû subir dea retards dans la ré-
ception de leur journal. 1-
L'administration du ces retards, a dû s'assurer de nouvelles machi-
nes, et des maintenant, le service de province
fonctionnera comme par le passé.
La Vie
électrique
I! pleut des couronnes depuis quelques jours.
De toutes parts, tombent des médailles, volent
des diplômes, s'abattent de grands ou de petits
prix. Entre mai et juin, la nation française n'est
plus qu'une vaste lice où n'importe qui se désar-
ticule pour être lauréat de n'importe quoi. C'est
le printemps le laurier pousse et tout le monde
veut en cueillir au moins une feuille. Concours
de peintres, concours de chiens, concours de
fleurs ou de concombres, concours de poésie ou
de pêche à la ligne, courses de chevaux nature,
de chevaux-vapeur ou de chevaux-pétrole, il n'y
a que l'embarras du choix. Il faut être bien
abandonné des dieux, en ce moment, pour ne
pas décrocher un prix de quelque chose dans
une exposition, un match, un tourniquet sportif
où un mât de cocagn& littéraire. Dans toutes les
classes de l'Institut, à tous les coins du palais
des Machines, sous les velums des Tuileries,
ici, là-bas et ailleurs, d'innombrables concur-
rents se sont mis en ligne, altérés de gloire. Et
les académies, les facultés, les sociétés d'encou-
ragement ne suffisant pas à contenter tous ceux
qui aspirent à porter des couronnes, voici que
les journaux se mêlent d'en distribuer et des plus
éclatantes. Le Ma~ a organisé avec succès un
championnat d'automobiles, le ToM~a~ un cham-
pionnat d'employés de magasins, r.Ec7«) de faWs
un championnat de chauneuses, le championnat de beauté.
Qui est-ce qui ne championne pas peu ou prou
par le temps qui court? Il n'y a plus de corps de
métier qui n'ait ses jeux olympiques, d'espèce
animale qui n'ait ses carrousels ou ses tournois.
Nous verrons le derby des tortues et le handi-
cap des écrevisses bordelaises.
Depuis que la Révolution s'avisa de supprimer
les titres, les privilëges.~Ies distinctions de toute
nature, la manie des distinctions, des privilèges
et des titres nous tourmente de plus en plus.
Chaque Français bien né veut être supérieur à
son voisin et pouvoir lui dire, en montrant un
bout de couronne, de médaille, de ruban ou de
parchemin quelconque « En as-tu comme ça,
mon petit? Non? Eh bien, alors? Tâche de me
saluer un peu plus bas, n'est-ce pas? ? »
Et voilà comment se justifie ce beau mot d'éga-
ë~ que nous avons mis sur nos murs. i
A
Dans ces courses folles vers les lauriers, ces
galops échevelés vers un fauteuil~Ou un poteau,
les cyclistes et les chauNeurs se sont fait remar-
quer~entre tous. II y eut des prouesses récem-
ment. La gloire de Charron et de Huret, les der-
niers triomphateurs, a eu à souSrir, certes, des
événements lamentables de ces jours-ci, mais la
foule s'est passionnée pour eux plus qu'on ne
croit. L'un, Charron, le champion de l'automobi-
lisme on sait qu'il arriva premier dans la
course classique Paris-Bordeaux– vient de por-
ter un défi audacieux à je ne sais quel rival amé-
ricain. Il s'agit d'aller couvrir un nombre formi-
dable de kilomètres dans le nouveau monde et,
si le défi est relevé, si le champion français
triomphe, comme tout permet de le croire, nous
pourrons sans doute parler pendant vingt-quatre
heures d'autre chose que de ce que vous savez,ce
qui ne sera pas un mal.
Cependant, quand bien même la France triom-
pherait dans ce tournoi, quand bien même l'un
des nôtres arriverait à coM~r~r cinquante, soixan-
te kilomètres à l'heure, je ne vois pas clairement,
je l'avoue, ce que l'humanité gagnerait à ce nou-
vel exploit. Les locomotives en couvriront tou-
jours davantage .on pourra toujours, après avoir
posé deux ou trois louis devant un guichet, cou-
vrir les 600 kilomètres de Bordeaux à Paris en
sept ou huit heures, très agréablement, les pieds
sur un tapis et les yeux sûr un livre de Marcel
Prévost ou de Gyp, et ce ne me semble pas un
progrès éclatant que de faire ce même voyage en
dépensant cinq ou six fois plus et en risquant
de se casser la tête à tous les tournants de la
route.
Mais voilà peut-être justement ce qui fait qu'on
s'intéresse tant à ces tournois de vitesse c'est le
danger auquel sont exposés les coureurs. Que
voulez-vous ? On a supprimé les spectacles san-
guinaires où se complaisaient nos aïeux, les
Français h'ont plus un endroit où ils puissent
voir se déchirer des coqs, se dévorer des lions,
s'entre-percer des taureaux et des matadors. Il
faut bien qu'ils se rattrapent sur quelque chose 1
Et alors, ils vont voir s'éreinter des cyclistes.
Avouons qu'ils ne perdent pas beaucoup au
change. Quel spectacle plus cruel peut-on rêver
que celui de ces champions lamentables, sou-
vent meurtris, toujours fourbus, qui chancè-
lent sur leurs mécaniques et menacent de tomber
morts au poteau d'arrivée? Néron aurait-il de-
mandé mieux?
Ce tour de piste supplémentaire qu'on exige d'eux
après qu'ils ont atteint le but est caractéristique
sous ce rapport. C'est là que la cruauté incons-
ciente de l'homme éclate dans toute sa candeur.
Il faut qu'il voie l'essouflement, la courbature,
les souffrances des /~M~?M;y gagnants. Le long
de la route, il est difficile de jouir complètement
de ce beau coup d'œil on s'y éreinterait soi-
!Même. Mais, autour d'une piste bien ombragée,
en prenant des rairaîchissements hygiéniques,
c'est délicieux, parait-il, de voir arriver des hom-
mes exténués, couverts de sueur sinon de sang,
et de se demander s'ils iront jusqu'au bout sans
claquer comme leurs pneumatiques.
Nous avons fait une Société protectrice pour
les animaux cependant, car nous sommes bons
pour les bêtes mai& nous n'avons pas encore
songé à en faire une pour les hommes. Il faudra
~eut-être que l'initiativesoit prise par les singes.
Un jour viendra bientôt où le glorieux Huret
couvrira les 594 kilomètres de Paris à Bordeaux
en douze heures et où les locomotives les cou-
vriront en six. Mais, je vous le demande, quels
agréments nouveaux présentera au voya-
geur la traversée de la France dans un tel
cyclone de poussière ou de fumée ? Si le
créateur nous donna de lourdes jambes, fut-
ce pour que nous roulions sur la planète e
plus rapidement que si nous avions des ailes ?
Pourquoi chercher toujours à aller plus vite ? Ne
sommes-nous pas assez dénaturés comme cela?
Ne sommes-nous pas assez trépidants, assez élec-
triques? Pourquoi vouloir brûler si vainement
les étapes de la vie? La lenteur, la sage lenteur
n'a-t-elle pas son charme? Qui osera organiser
des concours de lenteur? Le besoin, vraiment,
commence à s'en faire sentir. Au lieu de nous
appliquer à dévorer l'espace, ne devrions-nous
pas plutôt le savourer, si j'ose m'exprimer ainsi? R
Voyager en musant le long des sentes, en respi-
rant le parfum des arbres qui ûeurissent, en
dénombrant les points d'or sur les ailes des pa-
pillons ou les anneaux de jais sur l'armure des
chenilles, et nous coucher dans l'herbe quand le
coeur nous en dit, et nous endormir comme con-
seille un poète
Dans tonhuilo 0!ictuen$p, 8 diYine paresse t
~'est-ce pas là chose plu3 rai3onnsJ)le, plùa
aaine, plus douce que de pédaler à raison de qua-
rante kilomètres à l'heure et de faire en un jour
ce que la nature nous demandait jadis de faire en
un mois? Tous ces matches, ces recôrd~ces proj
diges de vitesse finiront par dégoûter l'humanité
si toutefois l'humanité peut encore avoir le dé-
goût de quelque chose et vous verrez qu'après
les automobiles véloces, les bateaux filant trente
nœuds, les trains filant deux cents kilomètres,
quelque homme de génie réinventera, pour les
voyageurs de goût, l'aimable chaise à porteurs du
dix-huitième siècle, la litière pompeuse du moyen-
âge ou les graves chars à boeufs où se prélassaient
les majestés fainéantes des temps carolingiens.
Voilà des gens qui savaient vivre voilà, des cer-
veaux que ne devait pas harasser la fâcheuse
neurasthénie!
Hélas t nous n'avons plus-, de rois fainéants.
Seuls les députés et les magistrats, dans l'exer-
cice de leurs fonctions, semblent se souvenir de
ces traditions lointaines.
A
Heureusement la réaction est proche. Fatigués
par cette vie électrique, pas mal de citadins aspi-
rent déjà, au propre comme au figuré, a repren-
dre la patache de nos pères. Les voyages en rou-
lotte n'ont jamais été aussi à la mode dans la so-
ciété parisienne. Il n'y aura bientôt plus que les
bohémiens pour prendre le rapide. Est-il rien de
plus charmant que de s'en aller ainsi, avec des
amis joyeux, au trot paisible de quelques che-
vaux couverts de grelots, à travers la campagne
verdoyante et saine, libres de faire halte devant
le ruisseau qui mousse ou dans la forêt qui
invite ? q
On accuse les- Anglais et les Américains de
nous avoir donné ces goûts de vitesse extrava-
gante, cette volupté du halètement et de la trépi-
dation. On nous a tellement dit qu'à Londres et à
New-York le temps était de l'argent, que le Fran-
çais distrait qui consacre quelques heures à lire
un beau livre ou quelques minutes à contempler
un beau paysage est mécontent de lui, mainte-
nant, comme s'il avait commis une mauvaise
action.
Eh bien, je crois qu'on calomnie les Anglais et
surtout les Américains. Ils commencent à s'aper-
cevoir, les uns et les autres, que si le temps est
de l'argent, le plus grand plaisir est encore de le
perdre. Et je n'en veux pour preuve que cette idée
originale que viennent d'avoir cent cinquante
citoyens de Chicago de venir visiter notre
Exposition, non point en paquebot et sleeping-
car, mais dans un paisible yacht à voiles. Vous
avez pu lire cette nouvelle dans les journaux ré-
cents, à la suite des articles où étaient relatés les
exploits de Huret et de Charron. Cent cinquante
Américains richissimes se sont donc rencontrés,
paratt-il, qui partiront bientôt de Chicago, gagne-
ront la mer par les lacs intérieurs et le Saint-
Laurent, rôderont autant qu'il leur plaira autour
des îles de l'Atlantique, stopperont, si telle est
leur fantaisie, pour mieux jouir d'un coucher de
soleil ou d'un lever de lune, puis, après de sa-
voureuses nâneries, prendront la Seine au Havre
et remonteront tranquillement son cours ondu-
leux, en se rafraîchissant les prunelles au spec-
tacle des verts coteaux, des prairies grasses, des
villages mystérieux, éparpillés dans les vallons
comme des grains de sable gris ou rosé.
Vivent les Américains Il y a encore des poètes
parmi les marchands de cuir~ de Chicago,
Jean Rameau
Ce qui se passe
LA POHT!QUE
LE VRAI COMPLOT
Les journaux revisionnistes ne sont pas sa-
tisfaits et cependant la Fortune ne se lasse point
de les favoriser.
La cour de cassation a comblé leurs vœux et la
Chambre a ordonné l'affichage d'un arrêt qui n'est,
à proprement parler, qu'une adaptation juridique
du « J'accuse. ') de M. Zola.
Que leur faut-il de plus ? q
Oh pas grand chose, presque rien la liberté,
l'honneur d un certain nombre de généraux.
A dire vrai, c'est lace qui les intéresse. L'affaire
Dreyfus, nous l'avons souvent dit, n'était à leurs
veux qu'un prétexte, l'occasion tant cherchée de
désorganiser le haut commandement militaire.
Ils touchent au but, le gouvernement capitule,
le président du conseil leur offre du Paty de Clam
et gracieusement, la bouche en cœur, le geste
arrondi:
–Etavecça? q
Avec ça tout le reste, Boisdeffre, Mercier, Gonse,
Pellieux,Rbget,etc.
On les contente; M. Charles Dupuy, toujours
souriant, annonce que « ces messieurs sont ser-
vis )) et voila que la Chambre, comme Pierrot dans
la pantomime classique, enlève le plat de résis-
tance à l'heure précise où les convives apprêtaient
leurs couteaux.
Ils s'en consolent d'autant moins que le sacri-
fice du général Mercier devait influer, à leurs
yeux, d'une façon décisive sur le jugement du
conseil de Rennes.
Le général Mercier étant. ajourné, la situation
se retourne, et voilà les juges militaires que l'on
place dans la fâcheuse obligation d'opter entre
Dreyfus d'une part, et de l'autre les six ministres
de la guerre, pour ne parler que des têtes dont le
sort est entre leurs mains.
Acquitter celui-là, c'est condamner ceux-ci.
Le jeu serait dangereux si vraiment les soldats
méritaient le fâcheux renom que leur faitl'~M-
~o~e; ils pèseraient, non les responsabilités, mais
les hommes, et se décideraient en conséquence.
Mais les juges militaires sont de braves gens
qui ont de leur devoir l'idée la plus haute, et ils dé-
cideront en conscience et sans écouter d'autre
suggestion que celle de la justice.
La fureur des révisionnistes, en voyant leur
proie glisser entre leurs doigts, nous éclaire
définitivement sur leurs intentions véritables.
On sait aujourd'hui ce qu'ils veulent, et je
pense bien qu'on déjouera leurs plans. Démas-
qués, ils ne sont plus à craindre, et la complicité
gouvernementale, dont ils se sont visiblement as-
surés, ne pourra ni atténuer, ni même retarder
leur défaite. L. DESMOULINS.
ECHOS DE PARIS
UN ORDRE DU JOUR
Des pamphlets hostiles à l'armée ayant été
distribués à la porte des casernes d'Angers, le
général Hartschmitd, commandant la division, a
adressé aux troupes l'ordre du jour suivant
« H a été rendu compte, au général de division
commandant d'armes, que des individus distribuaient
dans la rue, aux militaires de la garnison, des exem-
plaires de leurs journaux dans lesquels on dit pis que
pendre de leurs chefs. Les militaires savent bien
qu'il n'y a pas un mot de vrai dans tout ce que disent
ces journaux, attendu que si les officiers étaient réel-
lement des coquins, on en aurait trouvé dans ] e Pa-
nama et dans toutes les cochonneries qui se sont fai-
tes depuis dix ans et plus, et qui ont ruiné des
millions de Français. Or, on n'a pu citer que le nom
d'un seul officier compromis dans ces malpropretés.
)) Que les militaires continuent à servir honnête-
ment, comme ils l'ont toujours fait qu'ils aient con-
fiance dans leurs chefs, dont les mains sont propres
qu'ils laissent les bavards crier des inepties dans les
journaux, et qu'ils portent aux latrines les journaux
qu'on leur distribuera, les murs n'en seront que plus
propres".
Bravo,générait 1
Le général Zurlinden menacé
Le général Zédé, gouverneur militaire de Lyon,
se trouvait a Briançon, où il passait l'inspection
des trounes, et se préparait à se rendre à Embrun
et a Gap~ quand H a été brusquement mandé à
PM-is p~r le ministre de I& guerre.
Il a dû arriver hier soir à Paris.
On en conclut que le gouvernement compte of-
frir au génél'aIZedc te po&te de gouverneur de
Paris, occupe par le général Zurlinden, lequel
serait sacrifié aux rancunes dreyfusistes.
Nous avons vu hier le général de Pellieux qui
nous a déclaré de la façon la plus formelle qu'il
se refusait à donner aux journaux le moindre
renseignement sur l'enquête dont il allait sur
sa propre demande être l'objet, et qui nous a
autorisé à déclarer que tout propos qui lui serait
prêté devrait être considéré comme fantaisiste.
Encore un complot.
La police ne serait pas fâchée, sans doute, d a-
voir pour dimanche un vaste complot tout prêt,
afin de pouvoir boucler un nombre assez considé-
rable de personnalités « gênantes ?..
Des offres de service sont faites depuis hier
aux personnalités visées par des individus se
disant anciens sous-officiers et sollicitant du
« travail ».
Le piège était trop grossier et a été facilement
éventé. t'
Néanmoins il faut s'attendre pour dimanche
matin à quelques arrestations.
Il est également question d'une bombe anar-
chiste destinée à déterminer une explosion de
sympathies envers M. Loubet.
La bombe de la Cascade ou d'ailleurs, c'est un
peu vieux jeu. Il suffit, en tout cas, qu'on soit
averti pour ne pas s'en émouvoir.
Pour la chapelle de la rue Jean-Goujon.
Le duc d'Alençon s'est rendu avant-hier, dans
l'atelier du peintre Albert Maignan, où l'éminent
artiste lui a montré l'esquisse réduite qu'il a faite
de la composition destinée à la coupole de la cha-
pelle de la rue Jean-Goujon.
Le duc d'Alençon s'est vivement intéressé &
la composition de l'artiste, dans laquelle figurera
un portrait discret, mais ressemblant, de l'infor-
tunée duchesse d'Alençon. On sait que le sujet de
cette composition est le Christ recevant dans sa
gloire les t~c~M~ de la c/ta~ M. Maignan a
divisé les victimes en deux groupes principaux
d'un côté, guidées par la Vierge Marie, se trouvent
les personnes charitables qui, telle la duchesse
d'Alençon, trouvèrent la mort dans la catastrophe
du 4 mai 1897; de l'autre, conduites par saint
Vincent de Paul, les petites sœurs des pauvres
qui périrent également dans l'incendie.
Le Christ, entouré d'anges, reçoit ces victimes,
dont les noms sont inscrits sur des tablettes par
trois femmes symbolisant la Foi, l'Espérance, la
Charité.
L'esquisse réduite que M. Maignan a faite sur
une coupole miniature ne donne qu'une idée d'en-
semble de la composition. On ne peut se rendre
compte des détails que l'artiste développera dans
l'immense toile qui s'adaptera à l'intérieur de la
coupole de la chapelle. C'est ainsi que M. Mai-
gnan compte placer danë le groupe des victimes
laïques un certain nombre d'enfants et le malheu-
reux docteur Feulard emportant sa petite fille
dans ses bras.
Ajoutons que le duc d'Alençon a promis à
M. Maignan de lui donner tous les documents
nécessaires en ce qui concerne l'infortunée du-
chesse d'Alençon. L'artiste va se mettre immédia-
tement au travail, car le temps qui nous sépare
de la date d'inauguration de la chapelle lui paraît
à peine sufnsant.
Se M.OK. é~ero. j
Il paraît que, les travaux terminés sur le quai
Malaquais, il sera impossible d'y replanter des
arbres et qu'alors il serait question d'y aligner
quelques arbustes en caisses.
La nouvelle émane des ponts et chaussées ou
des Quat'-z-Arts, on ne sait pas au juste, et que
ce soit des uns ou des autres, elle ne semble pas
invraisemblable.
Hommage à nos explorateurs.
C'est dans sa séance de dimanche que la So-
ciété de géographie de Londres a décerné à M.
Binger, pour ses explorations de la boucle du Ni-
ger en 1887-1889, la médaille de fondateur et à
M. Foureau, pour ses explorations du Sahara, la
médaille de patronage.
Le soir, au banquet, le général de division Ste-
wart a parlé en ces termes de l'expédition Mar-
chand
Le voyage de Marchand est aussi remarquable que
ceux des voyageurs les plus distingués de l'Angleterre.
La nation et l'armée françaises ont le droit d'être
extrêmement nères du commandant Marchand.
Le président de la Société de géographie, en
portant un toast aux nouveaux médaillés, a fait
ressortir la grande valeur des travaux des explo-
rateurs Binger et Foureau:
En qualité de géographes, a-t-il ajouté, nous n'a-
vons jamais eu de sentiments d'hostilité contre la
France. Le général Stewart n'a fait qu'exprimer la
pure vérité, quand il a parlé de Marchand. Nous
eprouvons la plus grande admiration pour le voyage
de Marchand, qui n'a jamais été peut-être égalé.Nous
félicitons cordialement le commandant Marchand.
C'est l'attaché militaire de l'ambassade fran
çaise qui a prononcé quelques paroles au nom de
nos compatriotes absents. Il a dit que Marchand
se souviendra des manifestations de sympathie
que lui a prodiguées la Société de géographie et que
la France et l'Angleterre sont faites, malgré tout,
pour s'entendre. Ce toast a été salué par trois
bordées de hourras.
Enfin, l'ambassadeur américain, dans une ré-
ponse à un toast, a dit que les Américains n'ou-
blieront jamais la dette de reconnaissance qu'ils
ont envers la France.
L'Exposition de 1900.
Parmi les attractions de la section coloniale à
l'Exposition de 1900, il en est une qui ne man-
quera pas d'attirer la foule nous voulons parler
du panorama que le peintre Castellani consacrera
à l'héroïque commandant Marchand et à sa mis-
sion.
C'est chose aujourd'hui décidée M. Delombre,
ministre du commerce, et M. Alfred Picard, com-
missaire général, viennent d'autoriser ofûcielle-
ment le panorama Marchand.
Tout le monde y applaudira.
BILLET DU SOIR
L'autre jour, à Trianon, représentation de Joli Gille,
donnée par ta Société des amateurs dont le président
est M. le comte Guy de La Rochefoucautd.
Joli Gille est du regretté Poize qui fut un professionnel
de beaucoup de talent, chi reste, ce qui fermera la bou-
che à certaines gens malintentionnés, prêts à croire ou
tout au moins à dire que la Société des amateurs ne se
pousse en frais que pour mettre en relief des œuvres
d'amateurs.
La vérité est que cette Société n'est nullement exclu-
sive et que son action se trouve rayonner de la plus
bienfaisante façon en dehors d'elte. Si ette organise,
comme c'est bien son droit, des expositions artistiques
d'ailleurs très attrayantes comme celle de ce printemps,
rue de Sèze, qui offrait en plus un vif intérêt rétrospec-
tif, les études qu'elle fait des merveilles contenues dans
des hôtets ou châteaux des particut'ers, sont d'un puis-
sant secours pour les amateurs d'oeuvres d'art. Soyez
sûrs que tes hauts prix obtenus par les dernières ventes
célèbres, celle de Valençay par exempte, ont un peu
pour origine le mouvement créé autour des belles cho-
ses par tes conférences de la Société d'amateurs et ses
visites dans les grandes demeures de France où dorment
de précieux souvenirs.
Ces sociétés créées et prospérant par l'initiative pri-
vée sont d'un excellent exemple. On ne peut pas de-
mander à toutes de prêter de l'argent à l'Etat pour l'ac-
quisition d'oeuvres d'art comme fait la Société des Amis
du Louvre, mais ettes entretiennent le feu sacré, les no-
bles soucis, et c'est quelque chose en cette (in de siè-
cle trop dépourvue d'idéal.
Enigme.
La Pa~o'e venant directement de Londres,
était arrivée dans la matinée, amarrée au port
Saint-Nicolas. Comme toujours, le public qui
traverse le pont du Carrousel s'arrêtait pour voir
opérer le déchargement des marchandises. Quel~
n a. paa été notre étonnement en voyant déchar-
ger des &OM!Ko~ du journal anglais le G~o&e, en
quantité considérable t II y en avait bien de quoi
charger quatre camions) 1
Faire venir de Londres son papier à lettres,
passe encore, mais, ah ça, est-ce que ça serait
très smart d'en faire venir aussi son vieux pa-
pier ? 9
Par ces temps de sports, on peut dire que le re-
cord du succès appartient incontestablement au
« Madrigal )), l'exquis biscuit, dernière création
de la manufacture Pernot, dont la marque jouit,
à juste titre, de la connance des vrais gourmets.
Généralement, les boissons à la glace altèrent
davantage après qu'on les a bues. En mettant
dans un verre d'eau fraîche un verre à liqueur
d'anisette Marie Brizard et Roger, on obtient, au
contraire, une boisson saine qui désaltère pour
longtemps.
A Cabourg, on prépare dès à présent mille at-
tractions pour charmer et retenir les baigneurs
fidèles à celle que l'on a surnommée la reine des
plages, parce que les familles peuvent y vivre re-
tirées et les mondains très entourés; les uns y
trouvent le repos à foison, les autres le plaisir à
satiété. Casino et Grand Hôtel rivalisent de zèle
pour tenir Cabourg à la hauteur de sa juste re-
nommée.
L'air y est salubre, l'eau pure, le sable fin, les
ombrages épais, que désirer de plus ? q
Les habitués de la côte d'émeraude seront heu-
reux d'apprendre qu'on vient d'édiner un grand
casino municipal à Saint-Malo. La construction
est très originale et l'aménagement luxueux. Une
troupe d'élite y donnera tous les ouvrages à suc-
cès. Quant à l'orchestre de quarante-cinq musi-
ciens, il sera dirigé par le maestro D. Thibault,
des Boun'es.
NOUVELLES A LA MAIN
Ce propos spontané prêté à Mme Loubet
On croit que nous allons quitter l'Elysée ? 9
S'est une erreur t Nous ne sommes pas du midi
pc'ur rien, et, comme le nougat de Montélimar,
nous resterons collés. au Palais 1
A la. correctionnelle.
Il paraît que vous vous enivrez souvent? `?
-–Jamais, mon président! Seulement, je vas
vous dire ma belle-mère est blanchisseuse et ma
femme est brunisseuse. Alors, entre les deux,
rien d'étonnant à ce que je paraisse gris t
Un Domino
MORTALATMBUNE
Je veux dire deux mots de cette un, belle com-
me un exemple.
L'autre soir, a. Grenelle, devant un auditoire
d'ouvriers, un homme parlait. A cette foule d'in-
connus, groupés devant lui, il disait des choses
que le peuple n'est pas habitué à entendre. Je n'é-
tais pas là pour le constater., Mais, connaissant
ses idées de vieille'date, je sais, comme si j'y
a~'aia été, le langage qu'il devait tenir.
Il devait dire a ces hommes, exploités par tant
d'ambitieux, trompés par tant de flagorneurs
« On se joue de vous, de votre crédulité, de vo-
tre Conception de la justice sociale, quand on
vous dit que l'Etat vous doit tout, depuis le tra-
vail qui vous fait vivre jusqu'à la retraite qui assu-
rera vos vieux jours. L'Etat a des devoirs envers
vous, mais pas ceux-là, qui seraient la négation
de l'effort individuel, la suppression en vous de
la qualité humaine et civique. C'est vous, avec
son aide peut-être, mais par votre initiative et
votre volonté propres, qui devez être les tuteurs
et les protecteurs de vous-mêmes. Et c'est par
votre prévoyance, par le résultat direct de votre
fabeur et de votre énergie que vous devez vous
garantir contre les atteintes de la maladie et de
la vieillesse. C'est à vous, en un mot, de prou-
ver, en étant des hommes, que vous êtes dignes
d'être des citoyens. »
Sans doute, il disait cela, ou quelque chose
d'approchant. Et sans doute, pour la centième,
pour la millième fois, il allait faire à ces esprits
simples et sains, malgré les absurdes théories
dont les politiciens les empoisonnent, la démons-
tration'de sa doctrine. Il allait leur indiquer par
quels moyens pratiques, groupements de pré-
voyance et de mutualité, ils pouvaient mathé-
matiquement, presque sans effort sensible, attein-
dre eux-mêmes ce but que les sophistes de la tri-
bune leur montrent dans un décourageant recul,
à travers le brouillard décevant de leurs déclama-
tions fumeuses. lorsque soudain, il porta la
main à son front, chancela, et s'abattit tout d'un~
pièce. Quand on le releva, il n'était plus.
Ainsi est mort Frédéric Noguès, mon cama-
rade de jeunesse. Et je dois ce salut de mon ami-
tié douloureusement mais fièrement émue à cet
honnête et vaillant homme qui, à sa manière, est
tombé au champ d'honneur.
II l'avait choisi, ce champ d'honneur et de
lutte, après une vie mouvementée, où se renète
bien l'inquiétude de ce tempérament sans cesse
en quête d'un moyen d'utiliser les trésors d'éner-
gie dont la nature l'avait pourvu. Du plus loin
que je me le rappelle, je le retrouve ainsi, mili-
tant et ardent, l'œil net et franc, le regard clair,
la parole chaude et colorée, vibrant au premier
appel d'une idée noble ou d'un sentiment géné-
reux.
Tel mon souvenir d'adolescent le retrouve, l'an-
née de la guerre, dans cette cour de Sainte-Barbe
où la fortune des concours universitaires, comme
un immense épervier jeté tous les ans sur la
France, ramenait des quatre coins de la province
des lauréats destinés à peupler les grandes écoles
de Paris. Plus âgé que moi de deux ans, Noguès
était de la promotion de Burdëau. Il fit sa con-
naissance en le menaçant, à propos de je ne sais
quoi, d'une volée formidable qu'il était de force
et d'humeur à lui donner.
Burdëau ne manquait pas de courage. Il
en avait même cette forme, plus méritoire
qu'on ne suppose, qui consiste à reconnaître un
tort qu'on a. Avait-il tort ou raison ? Je l'ignore.
La seule chose que je sache, c'est qu'il se lia
avec Noguès d'une amitié Mêle, assez solide
pour résister aux coups de boutoir que la fran-
chise de ce Pylade un peu rude ne lui ménagea
sans doute pas à l'occasion.
Noguès était venu à Sainte-Barbe pour prépa-
rer l'École normale. Il ne s'y présenta même pas.
Son humeur aventureuse et indépendante le pro-
mena pendant dix ans hors de la sphère pari-
sienne où ses anciens camarades, si dispersés
qu'ils fussent par la vie, se rencontraient au
moins de temps en temps. Qu'était-il devenu ? Q
Quel emploi avait-il fait de ses dons si réels d'in-
telligence lumineuse, d'éloquence vigoureuse et
hardie ? Nul ne le savait. C>
Un beau jour, je reçus de lui une lettre. Il était
professeur de philosophie dans une petite ville de
province, y rédigeait un journal, mais s'y ron-
geait d'ennui et me priait de le faire venir à Pa-
ris. Je m'y employai. Il arriva, me conta son
histoire. Elle n'était pas banale. Avant de s'é-
chouer dans la sous-préfecture d'où il m'avait
~eté son cri d'appel, il avait quelque peu « bour-
lingué ? » à travers le monde. Pas en amateur, non,
en vrai marin. Il avait passé cinq ans dans la
marine américaine, avec le grade d'officier, comme
secrétaire d'un amiral dont le nom ne me re-
vient plus. Une carrière s'ouvrait ainsi devant
lui. Mais le mal du pays l'avait pris. Les Etats-
Unis, même lui oSrant honneurs et fortune, ne
valaient pas la France lui donnant & peme le
pain. II y était rentra, logeant le diaBle daaa sa
bourse~.M~is il l'avait aussi dana le corp3< <
0;
Par des amis que j'avais, il entra comme pro-
fesseur a l'école Monge. La chaire ne lui allait
pourtant qu'à moitié. Il ne se sentait vraiment à
l'aise qu'à la tribune. D'instinct, il recherchait
toutes les occasions d'y monter. Pendant cinq
ou six. ans les électeurs de la Plaine-Monceau
ne virent que lui dans les réunions publiques. Et
dans ce quartier d'une physionomie politique
toute spéciale, où l'élément conservateur et l'élé-
ment démagogique se rencontrent à la marge
étroite d'une frontière commune, il mena tam-
bour battant une campagne acharnée au profit
d'idées modérées dont les champions n'ont pas
d'ordinaire cette allure de voltigeur, voire de
franc-tireur, guerroyant à sa guise et cherchant,
pour le combattre de plus prés,son adversaire sur
son propre terrain.
Noguès avait la passion d'enseigner au peuple
la sagesse, de le mettre en garde contre les dupe-
ries d'une rhétorique intéressée, de lui faire
toucher du doigt ses propres intérêts en lui ap-
prenant à se défendre lui-même, à demander à
son travail, à son énergie, à l'organisation licite
et féconde de ses forces la sécurité de son présent
et de son avenir. La conviction qu'il portait en
lui était trop sincère et trop ardente pour se con-
tenter de se traduire par des mots. Noguës ne fut
heureux que le jour où il dit adieu à la vie de
professeur pour en commencer une nouvelle, dont
on a pu dire, sans excès, qu'elle fut une vie d'a-
pôtre.
Que de fois il m'a confié ses désirs et ses es-
pérances t Il avait fait un rêve généreux entre
tous protéger contre la misère l'être qui a le
plus besoin de cette protection, la femme du peu-
ple. Pour cela, il voulait que naturellement, par
une sorte de mécanisme normal ne demandant à
ses parents qu'un sacrifice inappréciable et in-
sensible, l'ouvrière trouvât, le jour de son ma-
riage, une dot dans l'humble corbeille où elle ne
trouve même pas, d'ordinaire, la layette de son
premier enfant. Mieux encore, il voulait que la
venue de ce premier enfant, comme de ceux qui
pourraient suivre, ne fût pas pour le jeune mé-
nage l'occasion d'un souci, d'une crainte de l'ag-
gravation des duretés déjà assez pénibles de la
vie. A chaque enfant qui naissait une somme
déterminée d'avance assurait le confort relatif né-
cessaire à sa fragile existence. Après la prime au
mariage, c'était, on le voit, une véritable prime à
la maternité.
Œuvre d'une haute portée sociale et morale,
patriotique au premier chef, puisqu'elle a pour
but de préparer à notre pays des générations plus
nombreuses et mieux défendues contre les as-
sauts de la misère et du vice. Tous les philan-
thropes, tous les philosophes, tous les publicistes
éclairés qui connurent l'entreprise de Nogués y
applaudirent et la soutinrent de leur parole et de
leurs écrits. Tous lui décernèrent la part d'éloge
et d'estime à laquelle il avait droit. Noguës se
passait aisément de la première. La seconde seule
le touchait véritablement.
*«
Nul n'en fut plus digne. L'oeuvre importante
dont il avait jeté les bases semblait devoir suf-
fire à absorber l'activité d'un homme même
pourvu des dons exceptionnels que chacun re-.
connaissait en lui. Il ne s'en contentait pas.
Toutes les formes de la mutualité, de la pré-
voyance, de l'organisation du travail pour la pro-
tection de ses propres résultats l'attiraient, le pas-
sionnaient à un égal degré.
Je ne le rencontrais jamais que revenant d'un
vovage en province où il était allé porter la bonne
parole, et se dirigeant vers un coin de Paris où il
allait, le soir même, la faire entendre à un groupe
d'ouvriers. Et toujours, et surtout, son souci do-
minant était celui-ci mettre le peuple en garde
contre la pernicieuse suggestion des doctrines
socialistes qui le leurrent avec l'affirmation de
droits chimériques aulieu dele fortifier par la dé-
monstration de ses devoirs réels envers lui-
même.
Il est mort à cette tâche, frappe au poste de
combat qu'il avait choisi. Je ne vois pas de fin
plus enviable et plus belle. Et si je ne puis sans
un poignant serrement de cœur, songer à la tragi-
que angoisse de cette veuve et de ces trois enfants
qu'il laisse derrière lui, quand, au milieu de la
nuit, on est venu leur rapporter, inerte pour ja-
mais, le vaillant et généreux lutteur qu'ils
avaient vu partir, quelques heures avant, plein
de vie, je pense qu'ils ont dû sentir comme un
allégement à leur douleur inconsolable en voyant
autour de la tombe où on descendait leur cher
mort ces visages d'hommes pleurant à grosses
larmes l'un des plusdigneset des plushonorables
exemplaires de l'humanité.
p Joseph Montet
^+
~/cc-P~r~/e/y
HCHES ET OISIFS
Décidément, il n'est pas encore « bien Parisien »,
M.Dupuy.
D'abord, s'i[ avait été « bien Parisien », il n aurait pas
fermé Puteaux, Puteaux-Janzé, le pastoral et délicieux
coin de verdure, où les raquettes du tennis n'ont jamais
songé à efneurer un chapeau présidentiel. S'il avait été
« bien Parisien », M. Dupuy se serait bien gardé de
fermer également le cercle d'escrime de M. Ayat, car il
se serait épargné le ridicule et l'odieux de mettre sur le
pavé de braves prévôts, de priver de leur sport favori
d'honnêtes gens qui n'ont jamais songé à tourner con-
tre la république parlementaire les finesses du contre
de quarte et du septime enveloppé.
Mais surtout s'il avait été bien Parisien il n'aurait pas
prononcé à ta tribunedeux accusations qui ont fait sou-
rire même les républicains de la Chambre un peu au
courant de Paris. La première qui est cette-ci « Ces
hommes de cercle se sont cachés derrière des chaises
pour éviter les coups de la police. » La seconde qui est
cette autre « Ces hommes sont des oisifs, des pares-
seux. »
Sans vouloir rappeler à M. Dupuy qu'au temps des
bagarres parisiennes du second Empire les émeutiers
républicains filaient comme des fièvres et ils avaient,
du reste, bien raison de le faire devant le casse-tête
de Lagrange, il est permis d'insinuer que le président du
conseil a été aveuglé parla colère, dans la tribune prést-
dentiette, où que quelque jeune aspirant à une sous-pré-
fecture l'aura bien mal renseigné sur les faits et gestes des
clubmen, dimanche dernier. La vérité est que beaucoup
d'innocents Parisiens, frappés brutalement par.ta police
et n'ayant pour armes que des cannes grosses comme des
fuseaux, se sont dérobés aux gentillesses de ta .brigade
dite de réserve. En quoi ils ont sagement agi. Mais
quant à se cacher derrière des chaises occupées par des
femmes, ils ne t'ont pas fait et ils auraient été d'ailleurs
imprudents de le faire, car la rage des argousins était
assez folle pour frapper non seulement des hommes,
mais des femmes assises sur des chaises, voire les chai-
ses elles-mêmes..
Et puis vraiment un homme qui a dépassé la cin-
quantaine est bien enfant d'adresser des reproches de
lâcheté aux représentants de la noblesse française. La
passion politique excuse toutes les injustices, hormis
celle-là. M. Dupuy est impardonnable d'oublier les
hommages solennels rendus vingt fois du haut de la
tribune par Gambetta à ce régiment des zouaves de
Charette, où la proportion des gentilshommes était in-
vraisemblable, où servirent, pour tomber l'un après
t'autre, à Loignv, porteurs de la bannière du Sacré-
Cœur de Jésus/un Bouitté, un Verthamon. M. Dupuy
est plus excusable de ne pas savoir que le Jockey-Club
et le cercle de t'Union artistique, pour ne citer que ces
deux clubs-là, ont t'un un tableau d'honneur, l'autre
une plaque de bronze mentionnant les noms des ca-
marades tués à l'ennemi et que ce tableau d'honneur
est très haut et que cette plaque est très large, mais il
t'est moins de ne pas se souvenir que sur son terrain,
dans cet affreux local parlementaire où il se débat de
son mieux tous les jours, un siège à droite était occupe,
il y a peu de temps encore, par un Bernis, père d'un of-
ficier tué au Soudan. Quelques jours après, un autre
gentilhomme, lejeuneChevigné, tombaitàTombouctou,
dans cette même Afrique homicide, qui fut le tombeau
d'un d'Uzès. 1.'
Reste l'accusation plus sérieuse d'oisiveté. Sans doute
tes gen: venus dimanche au pesage d'Auteuit y étaient
un peu pour teur agrément, mais après tout M. Oupu~
aussi. Sans doute aussi, quelques-uns du moins, étant
des privilégiés de l'héritage, n'ont pas à travailler pout
faire fortune, mais il est bien sûr que si M. Uupu~
avait trouvé cinquante mille francs de rente dans son
berceau, il ne se serait pas donné beaucoup de souci
pour devenir un jour maître d'étude.
Ensuite, il convient de s'entendre sur le mot <: oisifs.
En réalité, celui-là seul est vraiment libéré de toute be<
sogne qui possède une fortune en valeurs dites de tout
repos. Mais combien de ces prétendus fainéants mon*
dains sont obligés, pour faire figure, de chercher des
placements plus rénumérateurs, par conséquent détu*
dier telle ou telle affaire financière par le menu t Et
c'est encore un emploi de temps qui occupe facilement
quatreou cinq heures par jour. La gestion d'une for-
tune foncière a la campagne prend plus de temps en*
core, surtout avec les méventes, les crises, les fermiers
qui ne payent pas et qu'il faut remplacer..
Si M. Dupuy connaissait tant soit peu son Paris labo*
rieux, d'abord il n'aurait pas fermé ce temple du travail
qu'est l'Automobile, ensuite il saurait que peu de per.
sonnes ont le temps de rester plusieurs heures dans un
cercle, que le plus grand nombre ne fait qu'y passer,
que une rigoureuse statistique l'a établi il n y a
pas plus d'un membre sur dix qui joue et un sur trente
ou quarante qui joue au baccara, et qu'en outre, il est
naïf ou roublard d'accuser d'oisiveté des gens qui
ne peuvent pas servir un gouvernement ennemi, lequel
fait, du reste,aux ralliés la figure que l'on sait.
Ce que nous savons, nous, c'est que l'oisiveté im-
posée à plus d'un pèse douloureuse, au lieu d'être un
sybaritisme doucement savouré, et qu'aussi plus d'un
cherche à s'en affranchir. Que M. Dupuy daigne jeter
les yeux sur la liste des annuaires de Cercles, à la pre-
mière page, pMjr ne citer que le Jockey-Club, il trou-
vera comme président un homme qui ne marchande
pas plus son temps et sa peine au département si
longtemps représenté par lui, qu'au temps où il le re-
présentait, le duc de DoudeauvUle comme vice-presi-
dent, un général blanchi sous le harnais, le marquis
d'Espeuilles; il retrouvera à la présidence de l'Union un
de ses collègues les plus assidus, le duc de Rohan au
cercle de la rue Royale, un grand seigneur à la façon
anglaise, c'est-à-dire actif, le duc de La Trémoïiie au
Cercle de l'Union artistique, le marquis de Vogué, qui
n'a pas été seulement un de 'nos meilleurs ambassa-
deurs, mais dont aujourd'hui la studieuse retraite, en
dehors de la direction du Cercle, est prise par l'Institut
d'une part et d'autre part par la présidence de la Soctetâ
d'agriculture de France.
A
Qu'it prenne ta peine de feuilleter plus avant et de se
renseigner ensuite sur des noms qui devraient cepen-
dant être connus au Puy,quets sont les hommes qu'on
lui dira être en contact quotidien, au cercle, avec te:
représentants des puissances étrangères r Des sports-
men, ainsi qu'il dit dédaigneusement, comme si la di.
rection d'une écurie de courses ne donnait pas au-
tant de casse-tête même parfois qu'un ministère de l'a-
griculture ? Nullement. LeJockey-Ctub, l'Union, l'Agri-
cole, le Cercle de la rue Royale, le cercle de l'Union
artistique comptent dans leurs rangs par centaines des
hommes appartenant à t'ancienne diplomatie, aux
grandes administrations de chemins de 1er ou autres.
Ah t sans doute, dans ces annuaires figurent les
noms d'un grand nombre de militaires. Sans doute,
dans ce salon du Jockey-Club, qui s'appele le Camp de
Châlons, tous les officiers membres du Cercle ne pour-
raient pas venir, mais la bande des sans-patrie peut
baver ce qu'elle voudra sur ces « brutes galonnées
ette ne pourra pas insinuer que depuis '871 les officiers'
n'aient qu'à se tourner les pouces.
La vérité est que les prétendus oisifs stigmatises par
M. Dupuy forment une réserve de laborieux utilisables
pour le gouvernement de demain, celui qui remplacera
ceux qui travaillent peut-être, mais si mat t
Tout-Pana
LAFFAIRE BAUTEML
Mise en Hberté provisoire.–Le procès
des huit.–Le cas de M.Christ'ani.~
A t'usine du comte de Dion. L'Auto-
mobHe-Ctub. Chez MM. Jacques
Batsan, te baron de Mande)!, Aifred de
Ferry et Roger Pessard.
Voici où le gouvernement en est des poursui-
tes intentées contre les différentes personnes qui
ont été arrêtées & la suite des manifestations
d'Auteuil. On verra qu'au dernier moment le par-
quet s'est décidé & changer la qualification du de-
lit reproché à M. Christiani. Il n'est plus pour.
suivi sous l'inculpation de coups et blessures
portés a un particulier, mais bien sous l'accusa-
tion d'attentat contre la personne du chef de l'E-
tat.
Mise en liberté provisoire
Nous avons donné hier, en dernière heure, la
liste de neuf personnes qui ont été mises l'avant-
dernière nuit en liberté provisoire par M. Lemër-
cier, juge d'instruction.
Vin~t et un autres inculpés ont été mis hier en
liberté' Ce sont: MM. Dansette, Cottreau, de Beau*
mont,Caron, de Beaurepaire, Aine, Balsan, Redon,
deBeaupreau.Vassias, de Férol~ de Ferry, de
Laire, de Liniers, Charles Blanc, des Monstiers-
Mérinville, Pessard, Paumcy, Roger, deRému-
sat, Le Roux, deVillain.
Nous avons dit que M. Benedictus avait béné-
ficié d'une ordonnance de non-lieu. Parbleu iL
avait seulement crié « A bas Zurlinden ta »
Les personnes mises hier et avant-hier en li-
berté provisoire comparaîtront individuellement
en police correctionnelle.
Me Pouillet, ancien bâtonnier, défendra le
comte Jean de Féral.
Me Camille Bouchex, ancien procureur général,
défendra M. Marc de Beaumont.
M" Maurice de Mcur. ancien chef de cabinet d9
M. Méline, défendra M. Charles Dansette.
Me Maurice Quentin, se présentera pour M. Ju-
les Vassias.
Me Paulmier défendra M. Roger Cottreau.
Me Reullier, M. Charles Blanc, fabricant d$
meubles. w
Le procès des H~it
Huit autres prévenus ont été écroués.hicr soir,
à la prison de la Santé.
Ils comparaîtront en police correctionnelle et
seront poursuivis collectivement pour rébellion
en réunion et coups aux agents de la force pu-
blique, en vertu des articles 200, 210, 211 du
Code pénal.
Ce sont MM. le comte de Dion, de Baulny,
Louis et Félix Barrio, de Meyronnet Saint-
Marc, de Fromessent, Langlois de Neuville et
d'Aubigny d'Assy.
M. d'Aubigny d'Assy est accusé d'avoir frappe
M. Grillères, officier de paix.
C'est M" René Quérenet qui défendra M.t
Les autres inculpés n'ont pas encore fait choix
de leur défenseur.
t,e c&s de M. Christi&nt
Le baron Fernand Christiani, qui a été égale-
ment, hier soir, transféré à la prison de la Santé,
devait être, d'après les derniers bruits, poursuivi
pour attentat contre le chef de l'Etat, mais la
parquet n'a pas osé aller jusqu'à lui appliqua r
l'article 86 du Code pénal, paragraphe 4, modifié é
par là loi du 10 juin 1858.
On se contente de faire ouvrir contre M. da
Christiani une instruction pour infraction à l'ar-
ticle 228 du Code pénal.
Cet article est ainsi conçu
« Tout individu qui, même sans armes et 3MS
qu'il en soit résulté de blessures, aura frappé ua
magistrat dans l'exercice de ses fonoti
violence ou voie de fait envers lui dans les me-
mes circonstances, sera puni d'un emprisonne-,
ment de deux à cinq ans. »
)) Le coupable pourra, en outre, être prive dea
droits mentionnés en l'article 42 du présent Cod<
pendant cinq ans au moins et dix ans au plu3, à
compter du jour où il aura subi sa peine et être
place sous la surveillance do la haute police pen*
dant le même nombre d'années. x
M"deS~nt-Auban défendra te baron Cbri~.
tt&nL
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