Titre : La Presse
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1867-04-25
Contributeur : Girardin, Émile de (1806-1881). Directeur de publication
Contributeur : Laguerre, Georges (1858-1912). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 25 avril 1867 25 avril 1867
Description : 1867/04/25. 1867/04/25.
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 06/03/2008
JLeucH 35 avril 18@7
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Jeudi 25 av~rH. R8ë'~
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L'A Jministiation se réserve le droit de modifier )a rédaction des AaRonces~
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PA'aiS, 84 AVRIL ~6?.
LES COÂHTMXS D'~MEt~
,>~
A ~~C~M7' C~f/' de ~a'TRESSE
Je voudrais vous dire quelques mots à
propos de ces grèves d'ouvriers qui deviën-
nent de plus en plus nombreuses, et qui ten-
dent à apporter un grand trouble daas la
productien économique. Je n'entrerai pas
~dans la détail de tous les faits qui ont eu
lieu, je suppose que vos lecteurs les con-
naissent suffisamment. Je me bornerai, ce
qui me paraît essentie], à examiner les cho-
ses en principe.
1° Les grèves des ouvriers sont-eHes lé-
gitimes ?
S~Sont-eIlesutiles?
Quant Être légitimes, personne ne le
conteste aujourd'hui depuis Ja lei de 4 884,
qui a supprimé. le délit de coalition en ce
qui concerne l'entente des ouvriers sur la
question de leur salaire. Du reste, il faut le
dire, avant d'être sanctionné par la loi, le
droit était déjà admis par la conscience
publique. Du moment que les patrons et
chefs d'industrie avaient, par leur orga-
nisation même, par la constitution de syn-
dicats, la possibilité de s'entendre sur leurs
Intérêts, il était naturel que les ouvriers ne
fussent pas privés du même droit et qu'on
ne considérât plus comme un délit'le simple
fait d'user de sa liberté pour travailler ou
nepastravaIMer.
Il n'y a .donc rien à dire contre la légi-
timité d~s coalitions, elle est absolue
et incontestable. Seulement c'est un droit
extrême comme celui de là guerre il faut
s'en servir pour redresser les injustices les
pluscriantes, les abus de pouvoir de la part
des patrons, lorsque tous les moyens de
cbnciIIaLtioh ont été tentés et n'ont pas a-
boati mais il ne faut s'en servir que dans
ces cas-la, car au point de vue de l'utilité~ i)
a dans la pratique plus d'inconvénients que
d'avantages. Le droit de guerre, quand il
est exercé heureusement, conduit quelque-
fois les nations à des résultats favorables,
assure leur indépendance et leur dignité;
mais il arrive aussi qu'il a des résultats tout
différents. Il ne faut pas oublier qu'avec lui
tout,est livré au hasard des batailles et que
le hasard ne couronne pas toujours la jus-
tice.
SI on a vu quelquefois des nations ayant
le droit pour elles le faire triompher les ar-
mes a la main, combien n'en a-t-on pas vu
plus souvent qui se sont servies décès mê-
mes armes pour commettre les iniquités les
plus abominables? L'histoire constate aussi,
et c'est là sa moralité, que tous les peuples
qui ont abusé du droit delà guerre ont nni
par en être les victimes, comme pour/justi-
cer cette maxime de l'BvaBgile x Celui qui
tirera l'ép~ périra par l'épée. »
Eh bien ce qui est vrai 'du droit de
guerre l'est aussi du droit de, coalition
son premier effet est d'entrainer des maux
considérables; ce sont des familles en-
tières qui, étant privées de salalre,sont sou-
vent réduites à la misère la plus anreuse; et
quant aux résultats, ils sont encore plus
incertains que ceux de la guerre. Non seu-
lement ils dépendent des forces respecti-
ves qui. sont en présence, celles des patrons
etcelles des ouvriers, forces dont la ba-
lance n'est pas toujours en faveur des ou-
vriers, maisilsdépendent encoredediverses
combinaisons économiques qui peuvent sur-
FECILLBTÔN DE LA jME~E
Dc3SAynu.iM7
..LA.
maMM SE PLME~
DEUXIÈME PARTIE
.n~
Vous avez bien de la chance dans vo-
tre main, moBsieurManue), dit la Bréhai-
gne.
–Ah! vraiment! ntle jeune hemme en
respirant.
Dabord je vois beaucoup d'argent.
–Après?
Etpuis de l'amour:
–Et puis encore?
La Br4haigne fronça le sourcH.
C'est drôle nt-eile, comme se parlant
àelle-meme..
–Quoidonc?
––Vous avez la deux petites lignes,
coatme deux chemins qui se croisent. Les
voyez-vous?
Certainement.
Eh bien! i! yen a une qui est bonne,
l'autre qui est mauvaise.
Je ne comprends pas bien, dit M. de
MaugeviUe, que tes vagues appréhensions
repurent.
C'est comme qui dirait, reprit !a sor-
cière, que vous vous trouvez à ta croisière
dedeuxroutes.
–TumeTasdéjàdit.
Si vous prenez i'une, vous irez bien; si
vous prenez l'autre, il vous arrivera un laëi-
heur. t.-
–Un grand ou un petit?
–Un grand malheur!
M. deMaugevtne sentit quelques gouttes
de sueur perler h son front.
Mais laquëMe prendre? Voila ce que je
R&prodoction interdite aux journaux qui n'ûnt
pas trotté ~vee !a Soc~etë des Gens de tettres.
girau milieu des démêlés, et changer les
conditions du problème. Pendant qu'une
.coalition d'ouvriers a lieu et que la guerre
f~it déserter les ateliers/les patrons sent-
Qbligésde refuser les commandes qui leur
fSont faites; le travail s'arrête, mais le
consommateur, lui, ne s'arrête pas, II s'a-
dresse ailleurs, la bu le travail n'est pas
'suspendu, et s'il est content des fourni-
tures qui lui sont faites; il en prend l'habi-
tude, et un beau jour, lorsque la grevé a
cesse et que .là bonne harmonie s'est rétà~
blie entre patrons et ouvriers, il n'y à plus
d'ouvrage pour occuper tout le monde;
l'industrie s'est déplacée et il en résulte
des chômages forcés, cent fois plus désas-
treux que l'augmentation de salaire obte-
nue par la coalition a pu être avantageu-
se, ou bien encore, c'est le patron lui-
même qui pro6ie de ce temps d'arrêt pour
se mettre, autant qu'il le peut, a l'abri des
exigences 'de la main-d'œuvre, qui perfec-
tionne un outillage industriel, et, quand la
grève est unie, il n'a plus besoin de tant
d'ouvriers tout en produisant ~avantage,
malheureusement ce ne sont pas )a des
hypothèses de fantaisie, ce sont des réalités
qui se sont déjà présentées. Aujourd'hui, en
Angleterre, la fabrication des machines n'est
pas ce qu'elle était autrefois, en grande par-
tie par le fait des grèves. Le Creuzot et
d'autres établissements métallurgiques, en
France, ont vu arriver à eux, pendant les
grèves des ouvriers anglais, des Comman-
des qu'ils n'auraient pas eues sans cela, et
comme leur production ne laissait rien à
désirer, était aussi parfaite que celle des
Anglais, sinon supérieure, Ils ont conservé
la clientèle que la grève leur avait pro-
curée.
II est vrai que maintenant, pour se mettre
a l'abri d'un pareil danger, on cherche à
établir une espèce de solidarité entre les
ouvriers de la même industrie dans toutes
les nations, à organiser ce qu'on appelle là
grève universeUe. Ainsi, dans une des der-
nières réunions des ouvriers tailleurs de
Paris, aujourd'hui en grève, on a fort ap-
plaudi une lettre des ouvriers tailleurs de
Londres par laquelle ils annonçaient qu'ils
avaient refusé Pouvrage qui leur avait été
expédié de Paris. Tout ceci est fort bien,mais
il y a quelque chosede plus fort que l'entente
universelle des ouvriers, que la grève eu-
ropéenne, c'est la faculté du consommateur~
On aura beau, par cette entente univer-
selle, par une pression exercée sur les pa-
trons, augmenter comme il plaira le prix de
la main-d'œuvre si cette augmentation
n'est pas justifiée, n'est pas en raison de
l'état général du marché, on trouvera une
résistance immédiate de la part du consom-
mateur, celui-ci n'acceptera pas l'élévation
de prix des produits qui résultera du sur-
enchérissement de la main-d'œuvre, et s'il
ne.l'acceptepas, tout l'échafaudage s'.écrou-
le ~1 faudra produire moins, et produire
moins, c'est créer des chômages cent fois
plus désastreux, je le répète, que toutes
les augmentations de salaires possibles par
le fait des coalitions. Voilà a quoi peuvent
aboutir les grèves universelles.
Heureusement pour les ouvriers qu'ils ont
d'autres moyens de faire triompher leurs
droits et d'assurer une base équitable aux
conditions de.Ieur.travail et à la fixation de
leur salaire il en est un tout régulier et tout
paciuque et qui à la longue ne manque ja-
mais son effet, c'est, quoi qu'on en dise, le
rapport de l'oSre et de la demande. Je sup-
pose que, dans une industrie, les patrons
s'entendent pour ne pas donner à leurs ou-
vriers le salaire qui convient, et qu'ils réa-
ne sais pas, reprit la Bréhaigne. On a beau
être sorcière, on ne devine pas tout.
Puis,toutàooup:
Mais comme deux sorciers valent mieux
qu'un, je suppose que l'Ermite avait ses rai-
sons en vous donnant le conseil de vous en
retourner à Piancbe-Mibray, au lieu de cour-
re le loup aujourd'hui.
Et tu me donnes le même conseil ? 2
Oui, à cause de ces deux petites li-
gnes que je vois là dans votre main.
M.deMaugeviIIehésita.
Au moment même, il faillit tourner bride
et redescendre tranquillement à. PIanche-
Mibray.
Cette hésitation dura dix secondes à
peine, et la Bréhaigne fut prise, elle-même,
d'une véritable anxiété.
Voyez-vous, disait-elle, vaut mieux
tenir que courir, monsieur Manuel, et j'es-
time qu'il fait meilleur au coin du feu de
Planche-Mibray que dans les bois.
–Tu as raison, dit Manuel.
Et il allait tourner le dos a là forêt, lors-
qu'une fanfare éclatante se fit entendre au-
prèsdelui.
Ea même temps, il vit un cavalier courir
sous bois, tout près de la lisière, et venir à
'lui..
Etils'ari-êta.
Ce cavalier, qui sonnait gaillardement le
rendez-vous, était un joyeux voisin de Ma-
nuel, vrai gentUhemme, quoique notaire du
petit bourg de ChàteI-Censoir.
OnI'appeIaitM.Bompoint.
C'était un garçon de trente-huit a quaran-
te ans, chasseur passionné, s'occupant peu
de son étude, mais assistant à tous les
laisser-courre, à toutes les parties, buvant.,
riant, lutinant toutes les jeunes ntles de
campagne un vrai boute-en-train, en un
mot,
Bien que, en Bourgogne et en Nivernais,
il y ait une petite noblesse très Gère, qui se
tient, comme on dit, quelques bourgeois de
haute vie sont admis parmi elle et n'y font
pas mauvaise ngure.
M. Bompoint, le notaire, était un ai-
mable homme dont raSolaient tous les chà
teaux voisins, et qu'on invitait partout.
li n'y avait même pas de fête sans lui.
–Salut à un confrère en ssint Hubert
fit-il joyeusement en piquant droit vers M.
de Maugeville et en remettant sa trompe a
l'épaule.
Itmontait-un de ces petits chevaux du
bas Mervan qu'on appelle des « charbpn-
lisent à leur préjudice de grands proSts
immédiatement la concurrence est appelée
par ces profits mêmes, d'autres patrons s'é-
tablissent qui cherchent des ouvriers, et
comme le travail se trouve alors plus de-
mande, il faut bien que le salaire s'Élève,
et que les autres industriels réduisent leurs
bénénces.
Veut-oa que le concert des patrons aille
jusqu'à empêcher toute concurrence, qu'ils
maintiennent a leur. gré un écart trop sen-
sible, entre leurs bénénces et le prix de; la'
main-d'œuvre? La justice et l'équité ne
seront pas à tout jamais sacrinées pour cela;
la concurrence générale des autres indus-
tries sera là pour rétablir l'équilibre; si les
ouvriers de l'industrie monopolisée ~ient
qu'ils gagnent moins là qu'ailleurs, ils la
quitteront ils n'auront pas même besoin do
la quitter, il suftn'a qu'il n'y ait pas de nou-
velles recrues ou qu'il n'y en ait pas en
quantité sufnsante pour faire face aux exi-
gences toujours croissantes de la produc-
tion, pour qu'immédiatement les patrons
arrivent à merci et curent aux ouvriers soit
pour Ies:garder,soit pour en attirer d'au-
tres, les salaires qui leur appartiennent lé-
gitimement et qui résultent de l'état général
du marché. En fait, avant même la nouvelle
loi sur les coalitions, les salaires avaient
augmenté de 35 à 300/0 dans toutes les
industries.
11 y a dans le monde économique moderne
des lois qui sont iojlexibles, et, au-dessus
de toutes les coalitions possibles, M sont 1t
celles de la libre concurrence. Il n'est pas
plus possible à un patron de dicter arbitrai-
rement des salaires sans rapport aucun.avec
les bénéuces de l'industrie à laquelle il ap-
partient, qu'il ne l'est à des ouvriers, même
s'entendant, même se coalisant de tous les
points de l'Europe, de Exer les salaires au-
dessus de la mesure raisonnable. Toute
pression, de 'quelque part qu'elle vienne,
échoue devant la force des choses, et il est
bienheureux qu'il en soit ainsi, car si les
ouvriers n'avaient que ~Ie droit de coalition
et la grève pour défendre leurs salaires,
lisseraient dans la situation la plus dé-
plorable et la: plus précaire. Contre une
coalition qui aura parfaitement réussi, qui
aura contribué à remettre les choses sur
une base plus équitable, iu pro6t des ou-
vriers, et cela d'une façon durable, il y
en aura dix qui échoueront et qui, en dehors
de leurs maux immédiats, compromettront
l'avenir de l'industrie, vis-à-vis de laquelle
elles s'exerceront.
Maintenant, étant reconnu et admis ce
droit de guerre que les ouvriers peuvent
exercer dans certains cas, sous le nom de
coalition, ils devraient apprendre, au moins,
à en respecter les lois, car la guerre aussi a
ses'Iois. Or, dernièrement, dans une réu-
nion des ouvriers tailleurs, un d'eux a paru
appeler la réprobation sur tous les établis-
sements qui fermeraient à un jour donné,
comme l'indiquait une circulaire des pa-
trons.
Cependant, si les ouvriers trouvent bon
de se concerter au moment qui leur con-
vient, de déserter les ateliers en masse, sans
avis préalable souvent, et quel que soit le
dommage qui en résulte pour les patrons, il
est naturel que ceux-ci aient un droit de re-
présailles, et qù'Ds puissent à leur tour,
après avoir échoué dans toutes les tentatives
de conciliation qu'ils ont jugé convenable de
faire, adopter l'arme qui leur paraît la meil-
leure pour résister aux demandes de leurs
ouvriers, lorsque cette arme n'a rien d'illi-
cite et qu'ils sont les premiers à en souf-
frir. En Angleterre, maintes fois, cette
niers ?, qui ont une grosse queue, dès reins
d'acier et des jambes de fer, et qui mettent
sur les dents tous les « anglais ? du mondes
Bonjour, Bompoint, lui dit M. de Mau-
geville.
Hé que faites-vous donc Ht? dit le no-
taire en apercevant la Brébaigne qu'il con-
naissait aussi bien que Manuel. Est-ce que
vous vous faites dire la bonne aventure,
monsieur de Maugeville?.
Et il se mit à rire.
–Justement, répondit Manuel.
-–Eh bien! moi qui connais-son boni-
ment ordinaire reprit le notaire, je sais
déjà tout ce qu'elle a pu vous prédire.
–En vérité !6t Manuel.
Elle vous a .prédit que vous épouse-
riez dans deux mois une jeune et jolie
veuve.
–Chut!ntM.deMaugevil!e.
Que vous auriez beaucoup d'enfants.
–Mais, taisez-vous donc! dit le jeune
homme en riant.
Elle vous a prédit encore.
Qu'il pourrait bien m'arriver un mal-
heur aujourd'hui.
–Allons donc! 1
Et la face réjouie du notaire exprima le
scepticisme io plus absolu.
Si j'allais à la chasse au loup.
M. Bompoint haussa les épaules.
Mais Manuel lui répéta naturellement la
prophétie de la Bréhaigne.
Le notaire l'écouta gravement. Puis,
quand il eut uni, il lui dit d'un ton railleur:
–A'ors,vous retournez a.PIanche-Mi-
bray?
Que feriez-vous a ma place?
–Moi?.
Oui, vous.
–Moi, reprit le jovial tabellion, je suis
voltairien et je ne puis pas croire aux sor-
ciers, ayant déjà bien de la peine à croire.
––Chut! pas d'impiétés, nt Manuel en
riant, mais vous iriez la chasse
Parbleu 1
En route donc dit Manuel, qui jeta un
louis à la Bréhaigne, et rangea côte a côte
du petit vaillant charbonnier son mouton
d'Islande..
Puis le notaire et lui s'élancèrent sous
bois au galop.
Nous avons encore une bonne lieue
d'ici au rendez-vous, disait le joyeux no-
taire, tandis qu ils trottaient botte a botte,
et nous sommes en retard. Le père A. 1
notre louvetier, est un homme inflexible sur
sorte de résistance a étë pratiquée par les
patrons,, et elle n'a jamais donné lieu à une
contéstàtionsérieuse.o
Une chose surtout que les ouvriers feront
bien d'éviter dans leurs démêlés avec leurs
patrons, c'cstde laisser parler en leur nom
de prétendus syndicats qui affichent les
principes les plus contraires aux lois écono-
.miques. Ainsi, a propos de la coalition des
ouvriers deRoubaix, dontjene yeux pas rap-
peler les malheureux .incidents, unepréten–
'due commission de l'association universelle
des travailleurs a publié un document où
on lit la phrase suivante a L'emploi de la
? machine dans l'industrie soulève un.pro-
)) b.'ème économique dont la solution pro-
)) chaine s'impose impérieusement aux tra-
B vailleurs. Nous, travaiDeurs, nous recon-
)) naissons en principe le droit des ouvriers
)) à une augmentation proportionnée alors
? que, par un nouvel outillage, une pro-
» duction plus considérable leur est impo–
)) sée. a
Je ne sais pas d'abord ce qu'on entend
par cette solution prochaine du problème
économique soulevé par les machines; il est
à craindre qu'il y ait là quelque chose qui
soit en contradiction avec tes lois nécessai-
res du progrès; je m'en tiens à la dernière
partie de la phrase, et je demande aux ho-
norables membres/de l'Association univer-
selle des travailleurs quel moyen ils ont de
faire prévaloir leur idée. On a bientôt dit
que l'augmentation du salaire doit être pro-
portionnée a l'augmentation de la produc-
tion mais si, en augmentant le salaire etpar
suite le prix de revient des produits, on
ne peut plus soutenirlaconcurrence étrangè-
re, comment fera-t-on pour maintenir cette
augmentation? Il y a dans la production des
éléments qui ne dépandent pas de la volonté
d'un patron. Un industriel disait dernière-
ment, à Roubaix.àproposdela grève de
cette ville, que, depuis quatre mois, il était
entré en France pour 40 millions de mar-
chandises anglaises dans des conditions de
bas prix que la ville de Roubaix ne peut at-
teindre. Or, je voudrais savoir comment, en
présence d'un fait semblable, on pourrait
d'abord augmenter le prix de la main-d'œu-
vre, tout en demandant une production plus
considérable?–Ce qui est rationne), ce qui
est conforme aux lois économiques, c'est
ce que conseillait ce même industriel.–
Perfectionnons notre outillage, disait-il
maintenons momentanément notre main-
d'œuvre au même prix; produisons davan-
tage, et si, grâce à cela, nous pouvons
triompher de la concurrence étrangère, voir
arriver des commandes plus nombreuses,
alors le travail étant plus demandé, le sa-
laire haussera tout naturellement. Ce n'est
pas la production plus grande qui doit être
le principe d'une augmentation de salaires,
mais c'est l'économie des frais de revient
résultant de cette production qui, rendant
le travail plus actif, en élèvera conséquem-
ment le prix.
Des déclarations comme celles de l'Asso-
ciation universelle ne servent qu'à em-
brouiDer les choses, qu'à exciter les pas-
sions, et qu'à éloigner du but qu'il faut
atteindre avant tout c'est-à-dire l'agran-
dissement des débouchés. Ah si les ouvriers
étaient mieux renseignés qu'ils ne le sont
sur les lois de l'économie politique, s'ils
savaient mieux se défendre contre des con-
seils perfides et souvent intéressés, ils con-
serveraient assurément dans leur arsenal
cette arme de la coalition qu'on leur a
donnée au nom de la liberté, mais ils s'en
serviraient rarement, car c'est une arme à
deux tranchants, qui blesse autant ceux qui
l'exactitude. Il est capable d'attaquer sans
nous. Faisons-lui prendre patience.
M. Bompoint, qui avait de vrais poumons
d'airain, reprit sa trompe et sonna vigou-
reusement le rendez-vous.
Les deux chevaux ne trottaient pas, ne
galopaient pas; s'animant l'un l'autre, ils
volaient, partant en plein taillis, sautant
les fossés, affrontant les broussailles,
comme un sanglier qui détale devant les
chiens.
Ce qui n'empêchait pas M. Bompoint de
causer.
Ah ça mon voisin, disait-il, toute la
prevince parle de votre prochain mariage.
Vraiment ? dit Manuel, qui tressaillit
d'aise,
Un assez joli rêve, que vous réalisez
la, savez-vous ? Une jolie femme et deux
pu trois cent mille livres de rente.
Manuel soupira et ne répondit point.
Ah reprit le notaire, je sais bien ce
que vous allez médire les amoureux ça ne
tient pas à l'argent. mais moi qui suis no-
taire, voyez-vous.
–~hbien! dit Manuel en riant, nous
'vous ferons rédiger le contrat.
–Bon! 6t M. Bompoint riant plus fort,
je crois aller à la chasse au loup, et voici
que je chasse les clients.
–C'est d'une pierre deux coups.
Et Manuel rendit plus encore la bride à
son cheval.
Les trompes des autres chasseurs reten-
tissaient maintenant sous bois.
Ils sont au rendez-vous, dit le notaire.
–Nous y serons dans dix minutes, ré-
pondit Manuel, sur lequel la bonne humeur
du jovial tabellion opérait une réaction
heureuse.
Le rendez -vous était .en un carrefour
qu'on appelle le fo~GM de ~'jE~egue.
Ce nom vient a ce carrefour d'un certain
évêque de Nevers, veneur passionné, qui,
au dernier siècle, chassait presque tous les
jours dans la forêt de Frettoie.
Huit lignes de forêt aboutissent à ce po-
teau qui se dresse au fond d'une sorte d'en-
tonnoir.
A droite se trouve une coupe blanche, a
gauche un jeune taillis, en avant et en ar-
rière d'impénétrables buissons qu'on a sur-
nommés la ~'cAeaM~saH~Hers..
Lorsque Manuel et M. Bompoint arrivè-
rent, tous les invités du louvetier étaient
réunis.
Le comte d'A. grand vieillard de
l'emploient que ceux contre lesquels elle est t
dirigée.
Du reste, il se passe en ce moment en An-
gleterre un fait très curieux. Pendant que
~nos ouvriers s'agitent pour chercher les bé-
néfices du droit de coalition, les ouvriers an-
glais, fatigués pour la plupart des luttes sté-
riles qu'ils ont soutenues contre leurs pa-
trons, fatigués surtout d'alimenter les cais-
ses de cesde les aider en cas de grève, ne !eur ont
guère procuré jusqu'à ce jour que des dé-
ceptions, les ouvriers anglais en sont arri-
vés à répudier l'idée de coalition et à de-
mander au gouvernement, après une en-
quête solennelie, d'instituer une espèce de
commission arbitrale, qui serait chargée de
vider tous les différends qui pourraient sur-
venir/même ceux concernant la fixation
des salaires.–Tel a été le résultat de la lon-
gue pratique des grèves en''Angleterre.
Nos ouvriers français n'en sont pas là. C'est
tout simple, le droit qu'ils exercent est d'hier,
Ils n'en connaissent pas encore tous les in-
convénients.Mais pour peuqu'ils continuent
dans la voie ou ils s'engagent, ils ne tarderont
pas à apprendre aussi àleurs dépens, comme
les ouvriers anglais, que, s'il y a des injusti-
ces passagères, des oppressions momenta-
nées que le droit de coalition peut faire ces-
ser, ces injustices et ces oppressions, le plus
souvent, sont loin d'égaler les maux immé-
diats qu'entraîne toute coalition, sans parler
des intérêts qu'elle compromet pour l'ave-
nir. Comme les ouvriers anglais encore, ils
comprendront qu'il vaut mieux s'en rappor-
ter au jeu de la libre concurrence, et que
c'est là, dans les sociétés modernes, le plus
grand redresseur de toutes les injustices et
de toutes les oppressions.
VICTOR BONNET.
npp~fïîp~ TprprosMT~np!!
U&r&~Ë&a i&LLbH&rRi~u&o
&UTRiCHE
Vienne, 24avh!.
La GazeMc de Ft'eaM promulgue les conventions
conclues avec les Pays-Bas, )à Belgique et la Rus-
sie, en vertu desquelles les sociétés par actions et~
les sociétés commanditaires par actions, à l'exclu-
sion des sociétés d'assurances, seront admises à
fonctionner dans tous les pays contractants sur la
base du principe de réciprocité.
Vienne, 24avril.
La~VoMMHgPfeMeH&re dit qu'il serait préma-
turé de considérer la mission du comte-de Taufkir-
chen comme ayant échouée attendu que les négo-
ciations sur les concessions prussiennes se pour-
snh'en!toujours.
CH!NE E
Trieste,S3avriI.
Les rebelles chinois avaient fait essuyer un échec
sérieux aux impérialistes dans la province de
Shanghai.
ESPR8NE
Madrid,32 avril, soir.
La Fpoo.: dit que le président du conseil des mi-
nistres portugais se trouvant dangereusement ma-
lade, le roi et la reine de Portugal ont ajourné de
nouveau leur voyage. Les personnages qui avaient
été déjà désignés pour aller recevoir Leurs Majes-
és à Badajoz, ont reçu contre-ordre.
n~uE
Florence, 23 avril, soir.
La Banque nationale a réduit le taux de l'es-
compte à 5 0/0 en maintenant à 7 0/0 l'intérêt sur
les avanees. Le président du conseil et le minis-
tre de l'agriculture ont signé aujourd'hui, avec les
plénipotentiaires autrichiens, le traité de commerce
entre l'Italie et l'Autriche.
(~enee Ba~'s-Bi~)
soixante-dix ans, était un de ces viveurs de
la vieille roche qui n'ont jamais voulu pac-
tiser avec l'anglomanie.
Il avait horreur des chiens anglais/des
chevaux anglais et de tout ce qui avait pas-
sé le détroit.
–Ah! monsieur mon voisin, dit-il en
voyant Manuel déboucher dans le carrefour,
vous êtes en retard, en dépit de votre che-
val anglais.
Et il caressait de sa main sèche et nerveu-
se, gantée de buffle, l'encolure fine et lus-
trée de sa pouliche limousine gris de fer.
–Au rapport! messieurs, au rapport!
ajouta-t-il, tandis que Manuel saluait ses
compagnons.
Le piqueur fit voir son l'apport.
Il avait fait le bois à cinq heures du ma-
tin, et il estimait que la louve et les trois
louveteaux étaient rembuchés dans un buis-
son de cinq arpents, à un quart de lieue
sous le vent, en compagnie d'un louvard
d'un an.
Si on attaquait en prenant le vent, la
louve, inquiète de ses petits, se ferait peut-
être un peu tourner et ne prendrait pas tout
de suite le grand parti qui a fait dire que
jamais on ne /bree un
On tuera la louve d'un coup de cara-
bine au débucher, dit M. d'A.
Les chiens étrangleront peut-être les
louveteaux.
Quant au louvard, nous le. chasserons
d'âpres toutes les règles du code de saint
Hubert.
Les ordres du louvetier furent ponctuel-
lement exécutés, et ses prévisions se réali-
sèrent. `
Aux premiers rapprochers de la meute,
qui était composée ~de trente grands chiens
de Sainfonge, la louve débucha.
Le piqueur de M. d'A.Iui envoya une
balle aquatre-vingts pas etia tua raide.
Un des louveteaux fut tué de la. même
façon.
Les deux autres furent étranglés..
Mais le louvard no débucha pas sur-le-
champ.
Se déSant de ses forces, il se mit à ruser
comme un lièvre, se traînant débroussaille
en broussaille, croisant ses voies, se rasant.
Il fallut plus d'une heure pour le décider
a quitter le buisson..
Maisennn il détala en droite ligne, du
côté de Courson, et la vraie chasse com-
mença vers midi.
CERONÏQUE POL!Tï9UE/f~~
Un journal met en doute qu'une C(~ 'd
nication doive être faite aux Cha~b~sm~i
Je gouvernement à la reprise des~tu~
législatifs. Cette communication est~
Me, mais II n'est pas impossible qu'cIIeso~T""
retardéede quelques jours.
Une séance a été Indiquée pour demain
jeudi, mais il est notoire que la plupart des
députés ne sont pas de retour, et on ne
compte pas que le Corps législatif puisse se
trou ver en nombre avant lundi.
Une raison plus grave commande égale-
ment un ajournement. Un dernier et très sé-
rieux effort est fait en ce moment par les
grandes puissances pour prévenir un con-
flit. Nous croyons que ces tentatives de la
diplomatie européenne échoueront* devant
l'obstination personnelle et l'aveuglement
du roi Guillaume 1~; mais leur but est si
noble, leur succès serait si ~désirable, que
l'on doit s'abstenir de tout ce qui pourrait
en compromettre l'efncacité.
Le gouvernement aura .donc raison d'at-
tendre le résultat de ces démarches, dont
l'issue est trop prochaine pour que le sacri-
fice a imposer à la légitime impatience du
pays soit de longue~durée.
La nature de la proposition autrichienne
est connue el!e se résume à ces trois ter-
mes Evacuation de la forteresse de Luxem-
bourg par les Prussiens; annexion du grand-
duché tout entier à la Belgique, rétroces-
sion par la Belgique à la France de la por-
tion de notre frontière de 8 ~4 qui nous a été
enlevée en 18~5, c'est-à-dire de Chimay,
du comté de Bouillon et de Marienbourg.
II est également incontestable qu'une
commumcationsimultanée, sinon Identique,
a été faitea la cour de Berlin par les ambas-
sadeurs d'Angleterre et de Russie. Le 7'Mnes
l'annonce de la façon la plus formelle. Si
l'on doit augurer du sens de cette commun!
cation par le langage que lord Stanley a, tenu
au sein du Parlement, et par les raisons sur
lesquelles la cour de Russie a fondé, il y a.
six ans, son àdhésien a l'annexion de la~Sa-
voie, l'opinion des cabinets de Londres et
de Saint-Pétersbourg ne serait point confor-
me aux espérances secrètes de la, cour de
Berlin.
D'après une dépêche télégraphique, la
Pfe~e, dB Vienne, annonce que les commu-
nications des trois puissances ont été ami-
calement accueillies à Berlin. On aurait fait
seulement observer qu'unoTéponse ne pou-
vait, guère être attendue avant le retour de
M. de Bismark, qui est allé passer quel-
ques jours en Poméranie. Ce la revient à dire
que le sous-secrétaire d'Etat, à qui M. de
Bismark a délégué la conduite du ministère
des affaires étrangères, s'est montré fort
courtois pour Les ambassadeurs des puissan-
ces, et a décliné toute explication en l'ab-
sence de son chef.
Ce déclinatoire était d'autant plus facile
a prévoir, que le gouvernement prussien
devait être désireux d'attendre l'arrivée du
roi dès-Belges, pour savoir si des ouvertures
directes ne lui seraient pas faites par la
France. Le roi Léopold a été pendant de
longues années le négociateur le plus oc-
cupé et le plus écouté de l'Europe son fils
est comme lui, en relations de parenté et
d'amitié avec toutes les grandes cours et
l'onjteut conjecturer, a bon* droit, qu'après
le séjour qu'il vient de faire à Paris, il arri-
vera a Berlin fort en état d'éclairer le sou-
verain dans la famille duquel son frère va
t
Elle dura cinq ou six heures; il était
presque nuit, lorsque épuisée, la pauvre
bête se décida à faire tête aux chiens.
Alors M. d'A. descendit de cheval, et,
aux applaudissements de tous les chasseurs
arrivés à l'hallali, il passa une chaîne au
cou du louvard et l'emmena tout vivant.
–Eh bien, monsieurmon voisin, disait le
joyeux notaire, qui venait de sonner a pleins
poumons la retraite prise, avez-vous eu le
moindre malheur jusqu'à présent?
Ils avaient pris congé des autres chas-
seurs et s'en revenaient maintenant par une
ligne de foret qui descendait perpendiculai*
rement versrCouIanges.
Manuel avait au poitrail de son cheval les
trais louveteaux que, d'un commun accord,
ces messieurs curaient à M~ de Planche-
Mibray pour en faire un tapis..
–Pas jusqu'à présent, répondit-il,
Mais comme il répondait ainsi, une,voix
se fit entendre dans une broussaille voisine
Attendez au soir pour savoir si la jour-
née a été belle, disait cette voix.
Le notaire et Manuel s'arrêtèrent stupé-
faits.
Qui est la ? nt M. Bompoint en pous-
sant son cheval vers la broussaille.
Nulne répondit.
Manuel l'avait imité.
Ils tournèrent la broussaille, passèrent au
milieu et ne virent rien.
C'est a croire aux revenants, dit Ma-
nuel.
–Aux revenants, non, mais aux bracon-
niers qui sont toujours heureux de mysti-
ner les chasseurs, répondit le notaire.
Et ils continuèrent leur chemin..
Mais ils n'avaient pas fait vingt pas que
la voix se 6t entendre de nouveau.
Cette fois, elle disait
Monsieur Manuel, au lieu desuivre le
chemin de Coulanges etde descendre~a.Plan-
che-Mibray, prenez donc à droite et tirez
vers votre château. C'est un bon. conseil
qu'on vous donne.
–Voilà qui est trop fort, murmurèrent
les deux cavaliers en s'arrêtant de nouveau..
Ils étaient alors en pleine futaie et n'aper-
cevaient point le corps d'où partait cette
voix mystérieuse.
PONSONDUTERRAIL.
3MMS(~partcEM~ i6
BUBMUX&'eS&~EM&t, tM,RUEMMTMa!!T!!E
~as~BB&sss~ ~s~ss~~ ~~`' ~~s~s~â~k~E~Ea~~
~~m~ '~xm~ ` '0'
\w\ v v v >\v`\ v ~s v a a. v~. w\`,
Jeudi 25 av~rH. R8ë'~
3 il,10'IS [del i Seine) 13' uo
~NMS(P.'risetCcpr!e!))entde).tScin(')~SO
MNONCES,8,PLDEH80URSE,ET?,BKECOO-~ROM
TMtMqMieOQcernerAdmin~h'atipndQJournaI~itMre&di~ Gira:a
3'yAHj.K.;a
L'A Jministiation se réserve le droit de modifier )a rédaction des AaRonces~
~<
PA'aiS, 84 AVRIL ~6?.
LES COÂHTMXS D'~MEt~
,>~
A ~~C~M7' C~f/' de ~a'TRESSE
Je voudrais vous dire quelques mots à
propos de ces grèves d'ouvriers qui deviën-
nent de plus en plus nombreuses, et qui ten-
dent à apporter un grand trouble daas la
productien économique. Je n'entrerai pas
~dans la détail de tous les faits qui ont eu
lieu, je suppose que vos lecteurs les con-
naissent suffisamment. Je me bornerai, ce
qui me paraît essentie], à examiner les cho-
ses en principe.
1° Les grèves des ouvriers sont-eHes lé-
gitimes ?
S~Sont-eIlesutiles?
Quant Être légitimes, personne ne le
conteste aujourd'hui depuis Ja lei de 4 884,
qui a supprimé. le délit de coalition en ce
qui concerne l'entente des ouvriers sur la
question de leur salaire. Du reste, il faut le
dire, avant d'être sanctionné par la loi, le
droit était déjà admis par la conscience
publique. Du moment que les patrons et
chefs d'industrie avaient, par leur orga-
nisation même, par la constitution de syn-
dicats, la possibilité de s'entendre sur leurs
Intérêts, il était naturel que les ouvriers ne
fussent pas privés du même droit et qu'on
ne considérât plus comme un délit'le simple
fait d'user de sa liberté pour travailler ou
nepastravaIMer.
Il n'y a .donc rien à dire contre la légi-
timité d~s coalitions, elle est absolue
et incontestable. Seulement c'est un droit
extrême comme celui de là guerre il faut
s'en servir pour redresser les injustices les
pluscriantes, les abus de pouvoir de la part
des patrons, lorsque tous les moyens de
cbnciIIaLtioh ont été tentés et n'ont pas a-
boati mais il ne faut s'en servir que dans
ces cas-la, car au point de vue de l'utilité~ i)
a dans la pratique plus d'inconvénients que
d'avantages. Le droit de guerre, quand il
est exercé heureusement, conduit quelque-
fois les nations à des résultats favorables,
assure leur indépendance et leur dignité;
mais il arrive aussi qu'il a des résultats tout
différents. Il ne faut pas oublier qu'avec lui
tout,est livré au hasard des batailles et que
le hasard ne couronne pas toujours la jus-
tice.
SI on a vu quelquefois des nations ayant
le droit pour elles le faire triompher les ar-
mes a la main, combien n'en a-t-on pas vu
plus souvent qui se sont servies décès mê-
mes armes pour commettre les iniquités les
plus abominables? L'histoire constate aussi,
et c'est là sa moralité, que tous les peuples
qui ont abusé du droit delà guerre ont nni
par en être les victimes, comme pour/justi-
cer cette maxime de l'BvaBgile x Celui qui
tirera l'ép~ périra par l'épée. »
Eh bien ce qui est vrai 'du droit de
guerre l'est aussi du droit de, coalition
son premier effet est d'entrainer des maux
considérables; ce sont des familles en-
tières qui, étant privées de salalre,sont sou-
vent réduites à la misère la plus anreuse; et
quant aux résultats, ils sont encore plus
incertains que ceux de la guerre. Non seu-
lement ils dépendent des forces respecti-
ves qui. sont en présence, celles des patrons
etcelles des ouvriers, forces dont la ba-
lance n'est pas toujours en faveur des ou-
vriers, maisilsdépendent encoredediverses
combinaisons économiques qui peuvent sur-
FECILLBTÔN DE LA jME~E
Dc3SAynu.iM7
..LA.
maMM SE PLME~
DEUXIÈME PARTIE
.n~
Vous avez bien de la chance dans vo-
tre main, moBsieurManue), dit la Bréhai-
gne.
–Ah! vraiment! ntle jeune hemme en
respirant.
Dabord je vois beaucoup d'argent.
–Après?
Etpuis de l'amour:
–Et puis encore?
La Br4haigne fronça le sourcH.
C'est drôle nt-eile, comme se parlant
àelle-meme..
–Quoidonc?
––Vous avez la deux petites lignes,
coatme deux chemins qui se croisent. Les
voyez-vous?
Certainement.
Eh bien! i! yen a une qui est bonne,
l'autre qui est mauvaise.
Je ne comprends pas bien, dit M. de
MaugeviUe, que tes vagues appréhensions
repurent.
C'est comme qui dirait, reprit !a sor-
cière, que vous vous trouvez à ta croisière
dedeuxroutes.
–TumeTasdéjàdit.
Si vous prenez i'une, vous irez bien; si
vous prenez l'autre, il vous arrivera un laëi-
heur. t.-
–Un grand ou un petit?
–Un grand malheur!
M. deMaugevtne sentit quelques gouttes
de sueur perler h son front.
Mais laquëMe prendre? Voila ce que je
R&prodoction interdite aux journaux qui n'ûnt
pas trotté ~vee !a Soc~etë des Gens de tettres.
girau milieu des démêlés, et changer les
conditions du problème. Pendant qu'une
.coalition d'ouvriers a lieu et que la guerre
f~it déserter les ateliers/les patrons sent-
Qbligésde refuser les commandes qui leur
fSont faites; le travail s'arrête, mais le
consommateur, lui, ne s'arrête pas, II s'a-
dresse ailleurs, la bu le travail n'est pas
'suspendu, et s'il est content des fourni-
tures qui lui sont faites; il en prend l'habi-
tude, et un beau jour, lorsque la grevé a
cesse et que .là bonne harmonie s'est rétà~
blie entre patrons et ouvriers, il n'y à plus
d'ouvrage pour occuper tout le monde;
l'industrie s'est déplacée et il en résulte
des chômages forcés, cent fois plus désas-
treux que l'augmentation de salaire obte-
nue par la coalition a pu être avantageu-
se, ou bien encore, c'est le patron lui-
même qui pro6ie de ce temps d'arrêt pour
se mettre, autant qu'il le peut, a l'abri des
exigences 'de la main-d'œuvre, qui perfec-
tionne un outillage industriel, et, quand la
grève est unie, il n'a plus besoin de tant
d'ouvriers tout en produisant ~avantage,
malheureusement ce ne sont pas )a des
hypothèses de fantaisie, ce sont des réalités
qui se sont déjà présentées. Aujourd'hui, en
Angleterre, la fabrication des machines n'est
pas ce qu'elle était autrefois, en grande par-
tie par le fait des grèves. Le Creuzot et
d'autres établissements métallurgiques, en
France, ont vu arriver à eux, pendant les
grèves des ouvriers anglais, des Comman-
des qu'ils n'auraient pas eues sans cela, et
comme leur production ne laissait rien à
désirer, était aussi parfaite que celle des
Anglais, sinon supérieure, Ils ont conservé
la clientèle que la grève leur avait pro-
curée.
II est vrai que maintenant, pour se mettre
a l'abri d'un pareil danger, on cherche à
établir une espèce de solidarité entre les
ouvriers de la même industrie dans toutes
les nations, à organiser ce qu'on appelle là
grève universeUe. Ainsi, dans une des der-
nières réunions des ouvriers tailleurs de
Paris, aujourd'hui en grève, on a fort ap-
plaudi une lettre des ouvriers tailleurs de
Londres par laquelle ils annonçaient qu'ils
avaient refusé Pouvrage qui leur avait été
expédié de Paris. Tout ceci est fort bien,mais
il y a quelque chosede plus fort que l'entente
universelle des ouvriers, que la grève eu-
ropéenne, c'est la faculté du consommateur~
On aura beau, par cette entente univer-
selle, par une pression exercée sur les pa-
trons, augmenter comme il plaira le prix de
la main-d'œuvre si cette augmentation
n'est pas justifiée, n'est pas en raison de
l'état général du marché, on trouvera une
résistance immédiate de la part du consom-
mateur, celui-ci n'acceptera pas l'élévation
de prix des produits qui résultera du sur-
enchérissement de la main-d'œuvre, et s'il
ne.l'acceptepas, tout l'échafaudage s'.écrou-
le ~1 faudra produire moins, et produire
moins, c'est créer des chômages cent fois
plus désastreux, je le répète, que toutes
les augmentations de salaires possibles par
le fait des coalitions. Voilà a quoi peuvent
aboutir les grèves universelles.
Heureusement pour les ouvriers qu'ils ont
d'autres moyens de faire triompher leurs
droits et d'assurer une base équitable aux
conditions de.Ieur.travail et à la fixation de
leur salaire il en est un tout régulier et tout
paciuque et qui à la longue ne manque ja-
mais son effet, c'est, quoi qu'on en dise, le
rapport de l'oSre et de la demande. Je sup-
pose que, dans une industrie, les patrons
s'entendent pour ne pas donner à leurs ou-
vriers le salaire qui convient, et qu'ils réa-
ne sais pas, reprit la Bréhaigne. On a beau
être sorcière, on ne devine pas tout.
Puis,toutàooup:
Mais comme deux sorciers valent mieux
qu'un, je suppose que l'Ermite avait ses rai-
sons en vous donnant le conseil de vous en
retourner à Piancbe-Mibray, au lieu de cour-
re le loup aujourd'hui.
Et tu me donnes le même conseil ? 2
Oui, à cause de ces deux petites li-
gnes que je vois là dans votre main.
M.deMaugeviIIehésita.
Au moment même, il faillit tourner bride
et redescendre tranquillement à. PIanche-
Mibray.
Cette hésitation dura dix secondes à
peine, et la Bréhaigne fut prise, elle-même,
d'une véritable anxiété.
Voyez-vous, disait-elle, vaut mieux
tenir que courir, monsieur Manuel, et j'es-
time qu'il fait meilleur au coin du feu de
Planche-Mibray que dans les bois.
–Tu as raison, dit Manuel.
Et il allait tourner le dos a là forêt, lors-
qu'une fanfare éclatante se fit entendre au-
prèsdelui.
Ea même temps, il vit un cavalier courir
sous bois, tout près de la lisière, et venir à
'lui..
Etils'ari-êta.
Ce cavalier, qui sonnait gaillardement le
rendez-vous, était un joyeux voisin de Ma-
nuel, vrai gentUhemme, quoique notaire du
petit bourg de ChàteI-Censoir.
OnI'appeIaitM.Bompoint.
C'était un garçon de trente-huit a quaran-
te ans, chasseur passionné, s'occupant peu
de son étude, mais assistant à tous les
laisser-courre, à toutes les parties, buvant.,
riant, lutinant toutes les jeunes ntles de
campagne un vrai boute-en-train, en un
mot,
Bien que, en Bourgogne et en Nivernais,
il y ait une petite noblesse très Gère, qui se
tient, comme on dit, quelques bourgeois de
haute vie sont admis parmi elle et n'y font
pas mauvaise ngure.
M. Bompoint, le notaire, était un ai-
mable homme dont raSolaient tous les chà
teaux voisins, et qu'on invitait partout.
li n'y avait même pas de fête sans lui.
–Salut à un confrère en ssint Hubert
fit-il joyeusement en piquant droit vers M.
de Maugeville et en remettant sa trompe a
l'épaule.
Itmontait-un de ces petits chevaux du
bas Mervan qu'on appelle des « charbpn-
lisent à leur préjudice de grands proSts
immédiatement la concurrence est appelée
par ces profits mêmes, d'autres patrons s'é-
tablissent qui cherchent des ouvriers, et
comme le travail se trouve alors plus de-
mande, il faut bien que le salaire s'Élève,
et que les autres industriels réduisent leurs
bénénces.
Veut-oa que le concert des patrons aille
jusqu'à empêcher toute concurrence, qu'ils
maintiennent a leur. gré un écart trop sen-
sible, entre leurs bénénces et le prix de; la'
main-d'œuvre? La justice et l'équité ne
seront pas à tout jamais sacrinées pour cela;
la concurrence générale des autres indus-
tries sera là pour rétablir l'équilibre; si les
ouvriers de l'industrie monopolisée ~ient
qu'ils gagnent moins là qu'ailleurs, ils la
quitteront ils n'auront pas même besoin do
la quitter, il suftn'a qu'il n'y ait pas de nou-
velles recrues ou qu'il n'y en ait pas en
quantité sufnsante pour faire face aux exi-
gences toujours croissantes de la produc-
tion, pour qu'immédiatement les patrons
arrivent à merci et curent aux ouvriers soit
pour Ies:garder,soit pour en attirer d'au-
tres, les salaires qui leur appartiennent lé-
gitimement et qui résultent de l'état général
du marché. En fait, avant même la nouvelle
loi sur les coalitions, les salaires avaient
augmenté de 35 à 300/0 dans toutes les
industries.
11 y a dans le monde économique moderne
des lois qui sont iojlexibles, et, au-dessus
de toutes les coalitions possibles, M sont 1t
celles de la libre concurrence. Il n'est pas
plus possible à un patron de dicter arbitrai-
rement des salaires sans rapport aucun.avec
les bénéuces de l'industrie à laquelle il ap-
partient, qu'il ne l'est à des ouvriers, même
s'entendant, même se coalisant de tous les
points de l'Europe, de Exer les salaires au-
dessus de la mesure raisonnable. Toute
pression, de 'quelque part qu'elle vienne,
échoue devant la force des choses, et il est
bienheureux qu'il en soit ainsi, car si les
ouvriers n'avaient que ~Ie droit de coalition
et la grève pour défendre leurs salaires,
lisseraient dans la situation la plus dé-
plorable et la: plus précaire. Contre une
coalition qui aura parfaitement réussi, qui
aura contribué à remettre les choses sur
une base plus équitable, iu pro6t des ou-
vriers, et cela d'une façon durable, il y
en aura dix qui échoueront et qui, en dehors
de leurs maux immédiats, compromettront
l'avenir de l'industrie, vis-à-vis de laquelle
elles s'exerceront.
Maintenant, étant reconnu et admis ce
droit de guerre que les ouvriers peuvent
exercer dans certains cas, sous le nom de
coalition, ils devraient apprendre, au moins,
à en respecter les lois, car la guerre aussi a
ses'Iois. Or, dernièrement, dans une réu-
nion des ouvriers tailleurs, un d'eux a paru
appeler la réprobation sur tous les établis-
sements qui fermeraient à un jour donné,
comme l'indiquait une circulaire des pa-
trons.
Cependant, si les ouvriers trouvent bon
de se concerter au moment qui leur con-
vient, de déserter les ateliers en masse, sans
avis préalable souvent, et quel que soit le
dommage qui en résulte pour les patrons, il
est naturel que ceux-ci aient un droit de re-
présailles, et qù'Ds puissent à leur tour,
après avoir échoué dans toutes les tentatives
de conciliation qu'ils ont jugé convenable de
faire, adopter l'arme qui leur paraît la meil-
leure pour résister aux demandes de leurs
ouvriers, lorsque cette arme n'a rien d'illi-
cite et qu'ils sont les premiers à en souf-
frir. En Angleterre, maintes fois, cette
niers ?, qui ont une grosse queue, dès reins
d'acier et des jambes de fer, et qui mettent
sur les dents tous les « anglais ? du mondes
Bonjour, Bompoint, lui dit M. de Mau-
geville.
Hé que faites-vous donc Ht? dit le no-
taire en apercevant la Brébaigne qu'il con-
naissait aussi bien que Manuel. Est-ce que
vous vous faites dire la bonne aventure,
monsieur de Maugeville?.
Et il se mit à rire.
–Justement, répondit Manuel.
-–Eh bien! moi qui connais-son boni-
ment ordinaire reprit le notaire, je sais
déjà tout ce qu'elle a pu vous prédire.
–En vérité !6t Manuel.
Elle vous a .prédit que vous épouse-
riez dans deux mois une jeune et jolie
veuve.
–Chut!ntM.deMaugevil!e.
Que vous auriez beaucoup d'enfants.
–Mais, taisez-vous donc! dit le jeune
homme en riant.
Elle vous a prédit encore.
Qu'il pourrait bien m'arriver un mal-
heur aujourd'hui.
–Allons donc! 1
Et la face réjouie du notaire exprima le
scepticisme io plus absolu.
Si j'allais à la chasse au loup.
M. Bompoint haussa les épaules.
Mais Manuel lui répéta naturellement la
prophétie de la Bréhaigne.
Le notaire l'écouta gravement. Puis,
quand il eut uni, il lui dit d'un ton railleur:
–A'ors,vous retournez a.PIanche-Mi-
bray?
Que feriez-vous a ma place?
–Moi?.
Oui, vous.
–Moi, reprit le jovial tabellion, je suis
voltairien et je ne puis pas croire aux sor-
ciers, ayant déjà bien de la peine à croire.
––Chut! pas d'impiétés, nt Manuel en
riant, mais vous iriez la chasse
Parbleu 1
En route donc dit Manuel, qui jeta un
louis à la Bréhaigne, et rangea côte a côte
du petit vaillant charbonnier son mouton
d'Islande..
Puis le notaire et lui s'élancèrent sous
bois au galop.
Nous avons encore une bonne lieue
d'ici au rendez-vous, disait le joyeux no-
taire, tandis qu ils trottaient botte a botte,
et nous sommes en retard. Le père A. 1
notre louvetier, est un homme inflexible sur
sorte de résistance a étë pratiquée par les
patrons,, et elle n'a jamais donné lieu à une
contéstàtionsérieuse.o
Une chose surtout que les ouvriers feront
bien d'éviter dans leurs démêlés avec leurs
patrons, c'cstde laisser parler en leur nom
de prétendus syndicats qui affichent les
principes les plus contraires aux lois écono-
.miques. Ainsi, a propos de la coalition des
ouvriers deRoubaix, dontjene yeux pas rap-
peler les malheureux .incidents, unepréten–
'due commission de l'association universelle
des travailleurs a publié un document où
on lit la phrase suivante a L'emploi de la
? machine dans l'industrie soulève un.pro-
)) b.'ème économique dont la solution pro-
)) chaine s'impose impérieusement aux tra-
B vailleurs. Nous, travaiDeurs, nous recon-
)) naissons en principe le droit des ouvriers
)) à une augmentation proportionnée alors
? que, par un nouvel outillage, une pro-
» duction plus considérable leur est impo–
)) sée. a
Je ne sais pas d'abord ce qu'on entend
par cette solution prochaine du problème
économique soulevé par les machines; il est
à craindre qu'il y ait là quelque chose qui
soit en contradiction avec tes lois nécessai-
res du progrès; je m'en tiens à la dernière
partie de la phrase, et je demande aux ho-
norables membres/de l'Association univer-
selle des travailleurs quel moyen ils ont de
faire prévaloir leur idée. On a bientôt dit
que l'augmentation du salaire doit être pro-
portionnée a l'augmentation de la produc-
tion mais si, en augmentant le salaire etpar
suite le prix de revient des produits, on
ne peut plus soutenirlaconcurrence étrangè-
re, comment fera-t-on pour maintenir cette
augmentation? Il y a dans la production des
éléments qui ne dépandent pas de la volonté
d'un patron. Un industriel disait dernière-
ment, à Roubaix.àproposdela grève de
cette ville, que, depuis quatre mois, il était
entré en France pour 40 millions de mar-
chandises anglaises dans des conditions de
bas prix que la ville de Roubaix ne peut at-
teindre. Or, je voudrais savoir comment, en
présence d'un fait semblable, on pourrait
d'abord augmenter le prix de la main-d'œu-
vre, tout en demandant une production plus
considérable?–Ce qui est rationne), ce qui
est conforme aux lois économiques, c'est
ce que conseillait ce même industriel.–
Perfectionnons notre outillage, disait-il
maintenons momentanément notre main-
d'œuvre au même prix; produisons davan-
tage, et si, grâce à cela, nous pouvons
triompher de la concurrence étrangère, voir
arriver des commandes plus nombreuses,
alors le travail étant plus demandé, le sa-
laire haussera tout naturellement. Ce n'est
pas la production plus grande qui doit être
le principe d'une augmentation de salaires,
mais c'est l'économie des frais de revient
résultant de cette production qui, rendant
le travail plus actif, en élèvera conséquem-
ment le prix.
Des déclarations comme celles de l'Asso-
ciation universelle ne servent qu'à em-
brouiDer les choses, qu'à exciter les pas-
sions, et qu'à éloigner du but qu'il faut
atteindre avant tout c'est-à-dire l'agran-
dissement des débouchés. Ah si les ouvriers
étaient mieux renseignés qu'ils ne le sont
sur les lois de l'économie politique, s'ils
savaient mieux se défendre contre des con-
seils perfides et souvent intéressés, ils con-
serveraient assurément dans leur arsenal
cette arme de la coalition qu'on leur a
donnée au nom de la liberté, mais ils s'en
serviraient rarement, car c'est une arme à
deux tranchants, qui blesse autant ceux qui
l'exactitude. Il est capable d'attaquer sans
nous. Faisons-lui prendre patience.
M. Bompoint, qui avait de vrais poumons
d'airain, reprit sa trompe et sonna vigou-
reusement le rendez-vous.
Les deux chevaux ne trottaient pas, ne
galopaient pas; s'animant l'un l'autre, ils
volaient, partant en plein taillis, sautant
les fossés, affrontant les broussailles,
comme un sanglier qui détale devant les
chiens.
Ce qui n'empêchait pas M. Bompoint de
causer.
Ah ça mon voisin, disait-il, toute la
prevince parle de votre prochain mariage.
Vraiment ? dit Manuel, qui tressaillit
d'aise,
Un assez joli rêve, que vous réalisez
la, savez-vous ? Une jolie femme et deux
pu trois cent mille livres de rente.
Manuel soupira et ne répondit point.
Ah reprit le notaire, je sais bien ce
que vous allez médire les amoureux ça ne
tient pas à l'argent. mais moi qui suis no-
taire, voyez-vous.
–~hbien! dit Manuel en riant, nous
'vous ferons rédiger le contrat.
–Bon! 6t M. Bompoint riant plus fort,
je crois aller à la chasse au loup, et voici
que je chasse les clients.
–C'est d'une pierre deux coups.
Et Manuel rendit plus encore la bride à
son cheval.
Les trompes des autres chasseurs reten-
tissaient maintenant sous bois.
Ils sont au rendez-vous, dit le notaire.
–Nous y serons dans dix minutes, ré-
pondit Manuel, sur lequel la bonne humeur
du jovial tabellion opérait une réaction
heureuse.
Le rendez -vous était .en un carrefour
qu'on appelle le fo~GM de ~'jE~egue.
Ce nom vient a ce carrefour d'un certain
évêque de Nevers, veneur passionné, qui,
au dernier siècle, chassait presque tous les
jours dans la forêt de Frettoie.
Huit lignes de forêt aboutissent à ce po-
teau qui se dresse au fond d'une sorte d'en-
tonnoir.
A droite se trouve une coupe blanche, a
gauche un jeune taillis, en avant et en ar-
rière d'impénétrables buissons qu'on a sur-
nommés la ~'cAeaM~saH~Hers..
Lorsque Manuel et M. Bompoint arrivè-
rent, tous les invités du louvetier étaient
réunis.
Le comte d'A. grand vieillard de
l'emploient que ceux contre lesquels elle est t
dirigée.
Du reste, il se passe en ce moment en An-
gleterre un fait très curieux. Pendant que
~nos ouvriers s'agitent pour chercher les bé-
néfices du droit de coalition, les ouvriers an-
glais, fatigués pour la plupart des luttes sté-
riles qu'ils ont soutenues contre leurs pa-
trons, fatigués surtout d'alimenter les cais-
ses de ces
guère procuré jusqu'à ce jour que des dé-
ceptions, les ouvriers anglais en sont arri-
vés à répudier l'idée de coalition et à de-
mander au gouvernement, après une en-
quête solennelie, d'instituer une espèce de
commission arbitrale, qui serait chargée de
vider tous les différends qui pourraient sur-
venir/même ceux concernant la fixation
des salaires.–Tel a été le résultat de la lon-
gue pratique des grèves en''Angleterre.
Nos ouvriers français n'en sont pas là. C'est
tout simple, le droit qu'ils exercent est d'hier,
Ils n'en connaissent pas encore tous les in-
convénients.Mais pour peuqu'ils continuent
dans la voie ou ils s'engagent, ils ne tarderont
pas à apprendre aussi àleurs dépens, comme
les ouvriers anglais, que, s'il y a des injusti-
ces passagères, des oppressions momenta-
nées que le droit de coalition peut faire ces-
ser, ces injustices et ces oppressions, le plus
souvent, sont loin d'égaler les maux immé-
diats qu'entraîne toute coalition, sans parler
des intérêts qu'elle compromet pour l'ave-
nir. Comme les ouvriers anglais encore, ils
comprendront qu'il vaut mieux s'en rappor-
ter au jeu de la libre concurrence, et que
c'est là, dans les sociétés modernes, le plus
grand redresseur de toutes les injustices et
de toutes les oppressions.
VICTOR BONNET.
npp~fïîp~ TprprosMT~np!!
U&r&~Ë&a i&LLbH&rRi~u&o
&UTRiCHE
Vienne, 24avh!.
La GazeMc de Ft'eaM promulgue les conventions
conclues avec les Pays-Bas, )à Belgique et la Rus-
sie, en vertu desquelles les sociétés par actions et~
les sociétés commanditaires par actions, à l'exclu-
sion des sociétés d'assurances, seront admises à
fonctionner dans tous les pays contractants sur la
base du principe de réciprocité.
Vienne, 24avril.
La~VoMMHgPfeMeH&re dit qu'il serait préma-
turé de considérer la mission du comte-de Taufkir-
chen comme ayant échouée attendu que les négo-
ciations sur les concessions prussiennes se pour-
snh'en!toujours.
CH!NE E
Trieste,S3avriI.
Les rebelles chinois avaient fait essuyer un échec
sérieux aux impérialistes dans la province de
Shanghai.
ESPR8NE
Madrid,32 avril, soir.
La Fpoo.: dit que le président du conseil des mi-
nistres portugais se trouvant dangereusement ma-
lade, le roi et la reine de Portugal ont ajourné de
nouveau leur voyage. Les personnages qui avaient
été déjà désignés pour aller recevoir Leurs Majes-
és à Badajoz, ont reçu contre-ordre.
n~uE
Florence, 23 avril, soir.
La Banque nationale a réduit le taux de l'es-
compte à 5 0/0 en maintenant à 7 0/0 l'intérêt sur
les avanees. Le président du conseil et le minis-
tre de l'agriculture ont signé aujourd'hui, avec les
plénipotentiaires autrichiens, le traité de commerce
entre l'Italie et l'Autriche.
(~enee Ba~'s-Bi~)
soixante-dix ans, était un de ces viveurs de
la vieille roche qui n'ont jamais voulu pac-
tiser avec l'anglomanie.
Il avait horreur des chiens anglais/des
chevaux anglais et de tout ce qui avait pas-
sé le détroit.
–Ah! monsieur mon voisin, dit-il en
voyant Manuel déboucher dans le carrefour,
vous êtes en retard, en dépit de votre che-
val anglais.
Et il caressait de sa main sèche et nerveu-
se, gantée de buffle, l'encolure fine et lus-
trée de sa pouliche limousine gris de fer.
–Au rapport! messieurs, au rapport!
ajouta-t-il, tandis que Manuel saluait ses
compagnons.
Le piqueur fit voir son l'apport.
Il avait fait le bois à cinq heures du ma-
tin, et il estimait que la louve et les trois
louveteaux étaient rembuchés dans un buis-
son de cinq arpents, à un quart de lieue
sous le vent, en compagnie d'un louvard
d'un an.
Si on attaquait en prenant le vent, la
louve, inquiète de ses petits, se ferait peut-
être un peu tourner et ne prendrait pas tout
de suite le grand parti qui a fait dire que
jamais on ne /bree un
On tuera la louve d'un coup de cara-
bine au débucher, dit M. d'A.
Les chiens étrangleront peut-être les
louveteaux.
Quant au louvard, nous le. chasserons
d'âpres toutes les règles du code de saint
Hubert.
Les ordres du louvetier furent ponctuel-
lement exécutés, et ses prévisions se réali-
sèrent. `
Aux premiers rapprochers de la meute,
qui était composée ~de trente grands chiens
de Sainfonge, la louve débucha.
Le piqueur de M. d'A.Iui envoya une
balle aquatre-vingts pas etia tua raide.
Un des louveteaux fut tué de la. même
façon.
Les deux autres furent étranglés..
Mais le louvard no débucha pas sur-le-
champ.
Se déSant de ses forces, il se mit à ruser
comme un lièvre, se traînant débroussaille
en broussaille, croisant ses voies, se rasant.
Il fallut plus d'une heure pour le décider
a quitter le buisson..
Maisennn il détala en droite ligne, du
côté de Courson, et la vraie chasse com-
mença vers midi.
CERONÏQUE POL!Tï9UE/f~~
Un journal met en doute qu'une C(~ 'd
nication doive être faite aux Cha~b~sm~i
Je gouvernement à la reprise des~tu~
législatifs. Cette communication est~
Me, mais II n'est pas impossible qu'cIIeso~T""
retardéede quelques jours.
Une séance a été Indiquée pour demain
jeudi, mais il est notoire que la plupart des
députés ne sont pas de retour, et on ne
compte pas que le Corps législatif puisse se
trou ver en nombre avant lundi.
Une raison plus grave commande égale-
ment un ajournement. Un dernier et très sé-
rieux effort est fait en ce moment par les
grandes puissances pour prévenir un con-
flit. Nous croyons que ces tentatives de la
diplomatie européenne échoueront* devant
l'obstination personnelle et l'aveuglement
du roi Guillaume 1~; mais leur but est si
noble, leur succès serait si ~désirable, que
l'on doit s'abstenir de tout ce qui pourrait
en compromettre l'efncacité.
Le gouvernement aura .donc raison d'at-
tendre le résultat de ces démarches, dont
l'issue est trop prochaine pour que le sacri-
fice a imposer à la légitime impatience du
pays soit de longue~durée.
La nature de la proposition autrichienne
est connue el!e se résume à ces trois ter-
mes Evacuation de la forteresse de Luxem-
bourg par les Prussiens; annexion du grand-
duché tout entier à la Belgique, rétroces-
sion par la Belgique à la France de la por-
tion de notre frontière de 8 ~4 qui nous a été
enlevée en 18~5, c'est-à-dire de Chimay,
du comté de Bouillon et de Marienbourg.
II est également incontestable qu'une
commumcationsimultanée, sinon Identique,
a été faitea la cour de Berlin par les ambas-
sadeurs d'Angleterre et de Russie. Le 7'Mnes
l'annonce de la façon la plus formelle. Si
l'on doit augurer du sens de cette commun!
cation par le langage que lord Stanley a, tenu
au sein du Parlement, et par les raisons sur
lesquelles la cour de Russie a fondé, il y a.
six ans, son àdhésien a l'annexion de la~Sa-
voie, l'opinion des cabinets de Londres et
de Saint-Pétersbourg ne serait point confor-
me aux espérances secrètes de la, cour de
Berlin.
D'après une dépêche télégraphique, la
Pfe~e, dB Vienne, annonce que les commu-
nications des trois puissances ont été ami-
calement accueillies à Berlin. On aurait fait
seulement observer qu'unoTéponse ne pou-
vait, guère être attendue avant le retour de
M. de Bismark, qui est allé passer quel-
ques jours en Poméranie. Ce la revient à dire
que le sous-secrétaire d'Etat, à qui M. de
Bismark a délégué la conduite du ministère
des affaires étrangères, s'est montré fort
courtois pour Les ambassadeurs des puissan-
ces, et a décliné toute explication en l'ab-
sence de son chef.
Ce déclinatoire était d'autant plus facile
a prévoir, que le gouvernement prussien
devait être désireux d'attendre l'arrivée du
roi dès-Belges, pour savoir si des ouvertures
directes ne lui seraient pas faites par la
France. Le roi Léopold a été pendant de
longues années le négociateur le plus oc-
cupé et le plus écouté de l'Europe son fils
est comme lui, en relations de parenté et
d'amitié avec toutes les grandes cours et
l'onjteut conjecturer, a bon* droit, qu'après
le séjour qu'il vient de faire à Paris, il arri-
vera a Berlin fort en état d'éclairer le sou-
verain dans la famille duquel son frère va
t
Elle dura cinq ou six heures; il était
presque nuit, lorsque épuisée, la pauvre
bête se décida à faire tête aux chiens.
Alors M. d'A. descendit de cheval, et,
aux applaudissements de tous les chasseurs
arrivés à l'hallali, il passa une chaîne au
cou du louvard et l'emmena tout vivant.
–Eh bien, monsieurmon voisin, disait le
joyeux notaire, qui venait de sonner a pleins
poumons la retraite prise, avez-vous eu le
moindre malheur jusqu'à présent?
Ils avaient pris congé des autres chas-
seurs et s'en revenaient maintenant par une
ligne de foret qui descendait perpendiculai*
rement versrCouIanges.
Manuel avait au poitrail de son cheval les
trais louveteaux que, d'un commun accord,
ces messieurs curaient à M~ de Planche-
Mibray pour en faire un tapis..
–Pas jusqu'à présent, répondit-il,
Mais comme il répondait ainsi, une,voix
se fit entendre dans une broussaille voisine
Attendez au soir pour savoir si la jour-
née a été belle, disait cette voix.
Le notaire et Manuel s'arrêtèrent stupé-
faits.
Qui est la ? nt M. Bompoint en pous-
sant son cheval vers la broussaille.
Nulne répondit.
Manuel l'avait imité.
Ils tournèrent la broussaille, passèrent au
milieu et ne virent rien.
C'est a croire aux revenants, dit Ma-
nuel.
–Aux revenants, non, mais aux bracon-
niers qui sont toujours heureux de mysti-
ner les chasseurs, répondit le notaire.
Et ils continuèrent leur chemin..
Mais ils n'avaient pas fait vingt pas que
la voix se 6t entendre de nouveau.
Cette fois, elle disait
Monsieur Manuel, au lieu desuivre le
chemin de Coulanges etde descendre~a.Plan-
che-Mibray, prenez donc à droite et tirez
vers votre château. C'est un bon. conseil
qu'on vous donne.
–Voilà qui est trop fort, murmurèrent
les deux cavaliers en s'arrêtant de nouveau..
Ils étaient alors en pleine futaie et n'aper-
cevaient point le corps d'où partait cette
voix mystérieuse.
PONSONDUTERRAIL.
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