Titre : La Croix
Auteur : Groupe Bayard. Auteur du texte
Éditeur : La Croix (Paris)
Date d'édition : 1936-11-22
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb343631418
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 104176 Nombre total de vues : 104176
Description : 22 novembre 1936 22 novembre 1936
Description : 1936/11/22 (Numéro 16495)-1936/11/23. 1936/11/22 (Numéro 16495)-1936/11/23.
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG33 Collection numérique : BIPFPIG33
Description : Collection numérique : BIPFPIG87 Collection numérique : BIPFPIG87
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k442872z
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
DIMANCHE 22, LUNDI 23 NOVEMBRE 1936
LA CROIX
Concarneau, ville de joie
Blottie dans un des nombreux replia de
la baie de la Forêt, anse minuscule ouverte
au sud-ouest de l'Armorique, Concarneau
apparait, vue de la mer, comme enchâssée
dans un nid de verdure. Sur toute la côte,
et parfois jusque dans les eaux, ia flo-
raison dense des arbres, dont If» vague*
viennent baigner à haute marée les bran-
ches, jette une note de gaieté et de
bcatrtude.
A la bonne saison, une multitude de
bateaux, thonnieis et sardiniers couvrent
de leura voiles aux bigarrures diverses ce
coin d'océan qui ne cesse pas d'être calme.
Les chaloupes sardinières aux moteurs
ronronnants glissent sur le flot tranquille
en laissant derrière elles un long sillage de
bsncheurs. Les thonnien, plus massifs.
promènent lentement sur la mer la riche
armature de leurs coques solides et de
leurs triangulaires voilures. Le spectacle,
alors que le soleil met sur la nature les
otï de ses rayons et les scintillements
de se lumière éclatante, devient pour
l'étranger au pays une source de joie et
d'enchantement. Et dans le creux de
l'anse sereine où débordent les quais
cl ('alignent les demeures, l'activité est
grande, le mouvement s'insinue des usines
aux barques, que dominent les vieux
mura altiers, les mâchicoulis surannés de
I antique ville close, château féodal qui
rappelle le passé presque oublié des con-
temporains. La ville close, cité minia-
ture dont les murailles ont 400 mètres
de tour, étale ses murs bas et crénelés
sur un îlot que la mer circonscrit à toutes
les marées et que la ville actuelle en-
toure de trois côtés. Une seule rue la
traverse, bordée de maisons étroites et
sombres, qui mène vers l'église Saint-
Guénolé, le patron du paya, édifiée au
XIV* siècle. L'un des bastions de l'en-
ceinte se nomme, lui aussi, bastion de la
reme Anne.
On ne sait rien de précis sur Concar-
neau avant cette époque. Mais, en 1373,
une garnison anglaise l'occupait, venue
sans doute au secours de Jean IV de Mont-
fort. Le connétable Du Guesclin vint y
mettre le siège avec les troupes des ducs de
Bburbon, de Rohan, de Maury. de Beau-
manoir et du sire de Vaucouleurs. Le pre-
mier assaut fut repoussé par les Anglais.
et le retour de la mer obligea les assail-
lants à se retirer. Le deuxième eut le
même insuccès, la mer en étant toujours la
cause.
Mais la palabre continuelle entre assié-
geants et assiégés finit par convaincre les
habitants que les soldats du roi de France
l'en voulaient qu'aux Anglais et que
leurs vies seraient sauves et leurs biens
respectés. Dès lors, ils n'aidèrent plus à
la défense et laissèrent les Saozons se dé-
brouiller tout seuls. Du Guesclin se mit
lui-même à la tête de la troisième attaque
et emporta la place. Tous les Anglais
furent passés au 61 de l'épée, à l'excep-
tion du chef, auquel « le connétable ac-
cordà mercy ».
En 1488, la ville close était aux maine
de Charles VIII. « A cette époque, dit
le chanoine Moreau. cest endroit ainsy for-
tifié n'estoit qu'une retraicte à voleurs et
$en# de corde, comme il se voit paz expé-
rience que ;si quelqu'un avoit assassiné ton
voisin ou fiict quelque vol, ou ravy quelque
fillf ou femme, Concarneau ettoit sa re-
traicte. » Le site de Rieux la reprend
aux Français en 1489.
Sous la Ligue le duc de Mercoeur, qui
commandait en Bretagne les armées catho-
liques, en confie la défense au sieur Le
Prostré de Lézonnet. Mais la place fut sur-
prise en 1576 par le calvinistes au moyen
d'une ruse de l'ennemi. Comme le pays
était calme, une troupe de 30 hommes,
menée par messires De Kermassouet et
Baud de Vigne-la-Houlle, s'en vint proche
des remparts. L'un des officiers s'approcha
du soldat de garde, se fit abaisser le pont-
levis en exhibant des paperasses, que. lors-
que le portier fut tout près, il laissa,
semble-t-il, tomber par mégarde à terre. Le
pcrtier se baissa pour les ramasser, et
autre pro6ta de ce moment pour l'abattre
et appela ses compagnons. La garnison
fi:t mise à mort et Lézonnet s'enfuit.
Mais la prise était précaire et une atta-
que à craindre les calvinistes font appel
aux Rochellois, qui leur expédient une
escadre sous les ordres de Du Vigean.
Entre temps, les paroisses voisines s'assem-
blent au son du tocsin et se mettent en
marche sur Concarneau avec messieurs de
Pratmaria et Jean de Tyvarlen. Les assié-
gés s'en alarment et se reprochent leur
trop confiante audace néanmoins, l'es-
cadre de Du Vigean est en vue, retardée
seulement par des vents contraires. Le cin-
quième jour du siège, une surprise atten-
dait les recrues des paroisses. Un mar-
chand de Concarneau, Charles Le Bris,
qui logeait dans sa maison les chefs pro-
testants et auquel on laissait une demi-
liberté pour qu'il put les servir, trouva, en
montant dans leur chambre. Kem»ssouet
et Vigne-la-Houlle endormis. Ils s'étaient
défaits de leurs armes, éçées, pistolets et
poignards, Le Bris, pris d un soudain désir
de délivrer son pays, saisit deux dagues
posées sur la table et les plongea d'un
FEUILLETON DES 22-23 NOV. i936 14
Le sang
payera le sang
Les Français, supérieurs en énergie,
mais inférieurs en nombre, succombe-
raient-ils ?.
U se produisit un fait si étrange que la
fureur de se joindre fut suspendue. Les
deux canons du galion n'avaient pas
encore eu à dire leur mot. Il se tenait
à distance du tir de l'ennemi, ses lianes
trop lourds, au surplus trop précieux, le
rendaient impropre à un combat. Et voilà
que ces canons se mettaient à hurler des
appels de détresse.
Que se passe-t-il ?. Les pirogues ont
disparu. Le Canadien comprend et sourit.
11 conseille à Mireaumont de se dégager
de l'étreinte de l'abordage. En même
temps, les deux corvettes virent de bord
pour se porter au secours du galion qui
les appelle. Des démons nus, agrippés aux
flancs du navire, semblent monter à l'as-
saut d'une forteresse.
Soudain, la mer bleue s'assombrit
quoique le soleil continue de briller elle
se hérisse de petites vagues, qui sont
LES PORTS DE L'OCÉAN
seul coup dans la poitrine des malheu-
reux, qui expirèrent sans un cri, « fort
quelques tressauts en mourant ». De Ker-
massouet portait, suspendues à son bras,
le» clés de la ville. Le Bris s'en empare
et se dirige vers la porte de la cité.
Ma|; un soldat l'aperçoit et se doute,
à sa mine suspecte et à ses précautions,
qu 'il médite un mauvais coup. Il se lance
à sa poursuite en criant u Trahison » n
Mais le bourgeois le distance et arrive
à temps pour ouvrir la porte aux «siégeants
qui mettent à mort les 30 braves de la
garnison. Les vaisseaux de Du Vigean,
arrivés trop tard, s'enfuient en apprenant j
la chute de la place.
Lézonnet reprit le gouvernement de Con-
carneau, qu'il transmit ensuite à son fils,
lequel rendit la forteresse à Henri IV,
après la reddition de Quimper, en 1595.
Concarneau devint une juridiction royale
avec droit de prévôté et fut une des
quarante-deux villes de Bretagne qui dé-
putèrent désormais aux Etats de province.
La ville close, bardée de canons •'̃
et de coulevrines, continua pendant -Ji
des années à protéger le port et ,/È
n'eut plus d'histoire jusqu'en 1806, ,M?
où elle put mettre à l'abri le Jfôf
vaisseau le Vétéran, que mon- MÈ £
tait le prince Jérôme Bona- Jw/ A
parte, dont l'inertie s'op- JFM s Jk
posa à la rentrée a Brest JW/'lSFâ
du navire, malgré les /fffîf-jËÊÂ
prières des marins qui ffîJffîfc'mMFWsi
se faisaient fort» d'en MMf'jM&MM
«gnei la rade à la MlJÊf/M
barbe des escadres M&MM&ËÊFÉJBœÀ
britanniques blo ·
quant la flotte de
l'océan. Depuis
cette époque, A
Concarneau,
devenue Jj^m
une ville Jfâw,
calme e MM V
entiè JÉP JÀ
e JET* mFs
Le Pardon des
ment adonnée a la pêche, n'a fait que
s'agrandir. Des quais larges et bien entre-
tenus, que bordent des maisons claires et
aérées, circonscrivent l'antique citadelle
demeurée intacte, dont les vieilles murailles
se mirent dan» l'eau des bassins réguliers
et profonds. De belles rues tirées au cor-
deau mènent aux quatre coins de la ville,
que déparent malheureusement des venelles
Les meilleurs livres
du mois
Tout le monde sait maintenant l'impor-
tance du régime alimentaire pour la santé.
Le régime intellectuel n'a pas moins d'im-
portance pour la santé de l'âme. C'est pour-
quoi le choix des lectures est une question
Ii grave et ai délicate.
La Revue des Lecture», de l'abbé Bethléem
(77, rue de Vnujfirard, Paris, VIe), vous aiden j
à établir votre régime et celui île vu» enfants.
Voici la liste de livres qu'elle propose pour
le présent mois.
Les romans
POUR u» orandss pki\sonne9 Jeanne Ance.
let-Huttache, le Chemin sans retour,
POUR TOUTES LES PERSONNE» QUI PEUVENT
liiie des romans Bernard Frank, la Vergue
Urbain Milly, le Boléro rouge.
Poun l'enfance ET LA jeunesse (lublet. la
Bonde des quatre Camille Melloy, Contes
de Noll cl d'Epiphanie.
Les livres en cdllection
POUR LB9 ADOLMCFNTS 8T LES JBL'NES GE!»S
bu gén^kal Jules Verne, Maître du monde
(Bibliothèque verte).
POUR LES enfant» M. du Genostoux,
Psitt. enlevée I (Bibliothèque rosé)
Svensson, Nonni et Manni en mer (Bel âge).
Pour tous les Chefs-d'œuvre de Molière
(Héros et légende») Ch. Dodeman, Mon
beau film (collection Bijou) Franc-
Nohain, Bien vivre (Bonne» Lectures)
Pierre Croydi», l'Empire des sans-Dieu (Ru-
ban bleu).
comme une dentelle remuée par une brise
légère. Mais, instantanément, une taelîe
d'encre salit l'horizon et amène la tempête.
La tornade
Les petites dentelles de la mer
deviennent des colonnes qui touchent le
nuage noir maintenant immense et retom-
bent en paquets d'eau sur les ponts san-
glants du lougre et des deux corvettes. Il
n'est plus question de se battre entre
hommes. Il faut se défendre oh bien
petitement 1 contre les éléments irrités.
Il s'agit de fuir les trombes. A peine y par-
viendrait-on avec des voilures intactes.
Désemparés, il ne faut compter que sur
un miracle, et les hommes des trois
navires, prosternés sur le tillac que la
mer a nettoyé, disent dans la même
tangue
Sancta Maria, ora pro nobis.
Sur le pont du galion, on ne priait pas.
Tout au plus le nom de la Vierge ou d'un
saint s'échappait-il d'une bouche expi-
rante. Avec leurs haches de pierre et leurs
coutelas, les Caraïbes décapitaient, éven-
traient les bourreaux de leur race qui,
dans le tourbillonnement du galion,
n'avaient pas la force de lutter ni contre
l'ouragan ni contre les poignards.
Se nant à son escorte. on n'avait donné
au galion que des hommes médiocres .pour
gardiens, alors qu'il eût fallu un «pur
d'airain et des bras herculéens pour faire
face à ces monstres qui, au gré du roulis
et du tangage, couraient sur le pont
comme mouches au plafond.
En deux minutes, il ne resta plus sur
le galion d'autres vivants que trois blessés
qui furent jetés à l'eau comme des paquets
inertes, et deux lâches trouvés grelottants
inélégantes où s'abritent les familles nom-
breuses da pêcheurs.
Ceux-ci, il n'y a guère longtemps, li-
vraient une chasse active à la sardine sai-
sonnière, et leur port, où les fritures étaient
plus nombreuses que partout ailleurs, en-
tretenait une nuée d'ouvriers et d'ouvrières
et attirait, durant l'été, la majeure partie
des chaloupes aux
flancs creux de
la Cornouaille
maritime.
Concarneau >
était la ville A
aux filets s/i
bleus I/Jj
celle e £WJ
où le 1MZ
« Filets Bleus •
poisson se payait le plus cher aussi l'ai-
sance y abondait-elle. Chaque jour, il fallait
voir les groupes animés de gentilles sardi-
nières, la coiffe au vent et le rire aux lèvres,
se presser le long des quais où les mate-
lots s'activaient à la rentrée de la pêche,
courir dans l'éparpillement des châles mul-
ticolores qui leur faisaient comme des ailes
de papillons, lancer aux échos leurs chan-
Les livres de culture générale
Pour les personnes plus cultivées, QUI
HFCUERCnENT DES OUVKAGE8 SOf IDES, PROPnlIS
A LEH INSTHUmS, A LES ÉDIFIER ET A LU TENIR
au courant nui uiÉEs Emile Baudin, Précit
de psychologie (résumé de «on grand ou-
vrage) Paul Guilly, Duchenne de Bou-
logne (un grand médecin, un grand chré-
tien) L. Cuénot, l'Espèce (ouvrage fonda-
mental sur la question) F. Jammes, le
Pèlerin de Lourdes (Lourdes, vu par un grand
poète) Emil Ludwig, le Nil, vie d'un
Jleuve (monographie originale et puissante)
Henry Bordcimx, De Baudelaire à Sœur
Marguerite (recueil d'articles littéraires)
Tristan Derflmt', l'Escargot bleu (un régal
pour lettres) J. Madoule. le Drame de
Paul Claudel (étude remarquable sur Claudel
et son œuvre dramatique) ̃ Ch. Maquet,
Dictionnaire analogique (livre de chevet pour
écrivains) R. Preslefont, Au gré des
your.s (poème*).
POI'H LA GÉKÉRALIT» DU LECTEURS, POUI\
LES BlnLIOTllEQUEB ET LES FAMILLES Edmond
Delage, Chroniques de la mer (toute la ques-
tion de la marine française) Paul Genti-
ron, la Conquête de VÈlhiopie (histoire som-
maire et complète) Anne Daix, Sainte
Rosé de Lima (vie populaire de cette Sainte
extraordinaire) Général Rampont, la Pen-
sée et l'action (un remarquable appel aux
jeunes) Henry Bordeaux, Nos Indu
noires (un voyage en Afrique, par un maitre);
C.-E. Engel, les Batailles pour l'Himalaya
(récits pittoresques et dramatique»)
Georges Goynu, l'Eglise en marche (nos mis-
sionnaires encore) E. Grévin, Voyage au
Hoggar (le désert, qui « appela le P. de
Foucauld) H. Bidou, Histoire de la grande
guerre (récit sobre et clair) J. Bardoux,
les Soviet* contre la France (la révolution qui
se prépare) E. Dnpeyrat, les Derniers
seront Ifs premiers (enquêtes sociales)
XXX, l'Armée française (un petit chef-
d'œuvre).
contre la porte de la chambre aux perles,
L'ouragan avait passé. Aussi vite qu'il
l'avait perdue, le galion avait retrouvé
sa stabilité. Tiré par les pieds, les piètres
Espagnols firent leur apparition hors de
l'écuiitille, au milieu d'une ronde de sau-
vages hideux, éclaboussés de sang. La
ronde s'allongea en farandole, les prison-
niers dont la tète heurtait les morts que
les danseurs piétinaient, avec une immonde
volupté, en chantant le chant de guerre,
le chant de mort, le chant de triomphe.
Tout le navire fut ainsi parcouru par la
chaine forcenée, depuis la passerelle jus-
qu'au fond de la cale, où se trouvaient les
tonneaux d'or. Croyant qu'ils contenaient.
de l'eau de feu, les sauvages les défon-
cèrent à la hache. L'or s'écoula sur les
victimes que l'on poussa dessous.
Mais on trouva du rhum aussi. On avait
soif, on était fatigué, on en but tant
qu'on put, et toute la tribu, à laquelle ne
manquaient que cinq guerriers, s'endormit
ivre-morte.
CHAPITRE X
UN SECOURS DIABOLIQUE
Le Lion-des-Mers, aux Frères de la Côte,
allant de Cuba à la Guyane, avait eu le
temps, avant la tornade, de se réfugier
dans un petit archipel d'îles désertes bien
connues d'eux. Il v avait un bon mouillage,
une petite crique, bref, un endroit propice
aux embuscades.
La Dolorès et la Notre-Dame-del-Pitar,
toutes" deux meurtries par la bataille et
par les éléments, se mirent, dès que ce
fut possible, à la recherche du galion. La
Xotre-Damc-del-PUar devança tout de
sonnettes joyeuse* et harceler de bouscu- I
lades puériles leurs amis les marins, jus-
qu'au moment où la sirène perçante des
usines les rappelât au travail minutieux
qui leur était dévolu.
Concarneau. Les filets bleus. Ce fut
cette année un enchantement d'admirer la
longue théorie des coiffe» venues de toutes
parts, de Pont-Aven et de Quimperlé, de
Lorient et de Pont-l'Abbé, et d'ailleurs
encore précédant la jolie reine sur son
char d'apparat, et doigt la démarche impo-
sante en faisait véritablement la déesse de
c jour de soleil et de réjouissances. Et
ie long de l'unique rue de la ville close,
l'éphémère majesté passa, à l'ombre des
vieux logis brûlés par les embruns, symbo-
lisant la grâce fragile, mais aussi la ténacité
légendaire des fiiles de chez nous à leurs
costumes et à leurs mœurs ancestraux.
Depuis quelques années, les filets bleus
ont déserté Concarneau une pêche, qui
fut naguère plus heureuse et qui demande
plus de courage et d'efforts, les a rempla-
ces. Dans le vaste bassin que la ville
close abrite une flottille de barques puis-
santes attend à chaque saison le renouveau
de la grande pêche au large,
Et le jour où le thon est signalé sur
les côtes atlantiques, les superbes dundees
gréés de neuf et les cales pleines, s'en
vont ver* la haute mer, leurs longues lignes
pendantes basculant dans le roulis. Car
le germon et le thon rouge se pêchent
à la volée, à l'allure rapide du navire
qui vogue à toutes voiles vers un but im-
précis. Et si l'énorme banc des scombridés
voraces se rencontre «ur la route c'est la
pêche miraculeuse. rapide et profitable, et
le retour prochain vers l'hospitalière es-
cale. Plus souvent, hélas il il faut voguer
longtemps, courir la mer vide, sou» un
soleil de feu qui détériore les prises, ou.
en cas d'ouragan, fuir sous la rafale qui
décime périodiquement cette population
héroïque de pêcheurs désargentés. Mais
l'oubli se fait vite et les équipages repar-
tent, insouciants et l'espoir au cœur.
Les mâts geignent sout les voiles
Doucement,
El bercent dam le gréement
Les étoiles. (F. GRECH.)
Mais Concarneau est aussi le paradis
des artistes peintres et littérateurs. La
beauté de sa rade et de sa campagne
en a fait le séjour préféré des artisans
de la palette. La ville en a produit, elle
auni, deux qui sont parmi les meilleurs
et dont la réputation a depuis longtemp.
dépassé les limites du terroir Alfred Le
Giullou et Th. Deyrolle ont admirablement
traduit les charmes de leur pays d'origine
et dépeint les joies ou les tristesses du
pénible métier de laboureur de la mer.
IU demeureront à jamais la gloire du joli
petit port breton.
Et le peuple est gai, comme il sied dans
un pays de lumière et de magnificence
sa tristesse n'est jamais que passagère et
ne se loge qu'au fond des âmes.
Le rire fuse, des usines aux quai», des
n:elles anx boulevards, et s'extériorise
chaque jour dans les groupes animés de
jouvencelles qui. semble-t-il, veulent con-
server aux leurs les joies du retour et pré-
server, s'il «e peut, les pêcheurs arrivant
au port après des journée» de labeur ac-
cablant et parfois vain de cette désespé-
rance faite de vanité déçue et de colère
contre la destinée, qui est le propre des
hommes habitués à vivre presque seuls
su. l'immensité des océans.
PAUL Nédellec.
Mémento-Revues
La Bévue générale. Abonnement annuel:
Belgique, 75 francs le numéro, 7 France
étranger, £5 francs le numéro, 8 franc».
Compte chèques postaux io38-<)i. L'Edi-
tion universelle, 53, rue Royale, Bruxelles.
Sommaire du i5 novembre jg36
Chanoine Jean Dermine La famille au
Congrès de Matines. Le discours du
r.)i. Firmin van den Boach Trois faits di-
tiers romantiques. Princesse Z. Sehakhow-
skoy Une enfance (Deuxième partie).
Jules Garsou Lettres du temps d. la révolu-
tion beige (i83o-i83a). Notre enquête
Quel est l'ouvrage qui a eu sur vous la plus
furie influence ? Réponse de M. Henri Goffi-
net. Maurice Hoornaert Lanternes téni-
tiennes (Poème). Germaine Sneyen Revue
littéraire a A'olre ami Ptichari ». Henri
Davignon La vie et les idées La littérature
wallonne De la />oésie patoisante au Ihédtre
populaire Un arl plaisant et courageux.
Fernand Baudhuin La vie économique et
financière Le communiant, système écono.
mique. Les Cinq Personnalaiié* et per-
sonnages M. Henri Gofjinet.
Le Recrutement Sacerdotal (Revue trimes-
trielle des intérêts du recrutement et de la
formation du clergé. Rédaction, administra-
tion, 3o, rue Barbet-de-Jouy, Paris, Vil*)
Au sommaire du numéro de juillet-août-
septembre
Le XII' Congrès de recrutement sacerdotal.
P. Lieutier. Le compte rendu du XI' Con-
grès de recrutement sacerdotal. Hymne
sacerdotale. Hommage au cardinal Binet
ci à Mgr Castellan. Un point d'histoire du
suite la Dolorès, qui faisait eau par deux I
larges trous, en sorte qu'un bon tiers de
l'équipage devait rester aux pompes. Le
capitaine avait eu un bras emporté. Les
deux pilotes, quatre soldats, autant de
matelots, avaient été tués. C'était presque
un désastre. La Notre-Dame-del-Pilar,
beaucoup moins éprouvée, comptait
anéantir l'ennemi. Mais d'abord il fallait
voler au secours de l'Oiseau-de-Paradis,
le galion.
Il n'appelait plus. L'oreille tendue, don
Luiz Herrera entendait comme des cris de
ces mouettes rieuses qui se réjouissent
des naufrages. C'était, adouci par la dis-
tance, le chant de guerre des Caraïbes, j
Leur ivresse avait été courte, l'instinct
les avertissant qu'il y allait de leur vie,
s'ils ne la secouaient. Le chant, inter-
rompu par la beuverie, leur revint aux
lèvres, moins furieux. Et ce fut ainsi que,
sans emporter une paillette d'or, ils quit-
tèrent le galion dans ses propres embar-
cations.
Comme don Luiz Herrera, Mireaumont
se rapprochait du galion, mais ils tar-
dèrent à s'apercevoir, la tempête leur
ayant fait faire du chemin en sens con-
traire. La chance des Caraïbes voulut que
Mireaumont allât de leur côté. Encore une
fois il les sauva, mais non sans horreur,
quand il devina ce qu'ils avaient fait.
Ainsi que dans une lice, l'Espagnol cou-
rait sur le Français, César aussi désireux
que don Luiz de l'abordage, ou tout au
moins de pouvoir se fusiller d'un pont
à l'autre.
Le Grand-Bé était de nouveau canonné.
Avant d'avoir le temps de riposter, il
Le « Jocelyn » de Lamartine
La lecture d'une thèse de doctorat
es lettres est. souvent une lecture
mortiliante. Un jour, comiiw j'en dé-
plorais devant il. Jeanroy la fré-
quente et inutilo austérité, mon éru-
dit interlocuteur qui, lui du moins,
ne s'est jamais interdit de divertir
d'attacher, de plaire eu instruisant
même des étudiants .l'agrégation,
cunçut et exprima opvant m. i
ceci se passait au cour^ de la £.'aniie
guerre l'espoir qu'.u.e paix avau-|
tageuse à la France modifierait sans!
doute dans un sens. français. el|
donc plus réjouissant, le fond même
et l'aspect extérieur de ces sortes
ù ouvrages.
Il n'en fut rien.
En sorte que quand l'occasion se
présente à nous de lire une thèse
qui, tout en se condamnant à suivre
les tristes lois du genre, n'ennuie
pas et se permet, même de demeurer
attachante d'un bout à l'autre de!
ses 800 pages, notre joie est grande.
Cela nous dédommage et nous con-
sole.
Celle que M. Henri Guillemin a
consacrée au Jocelyn de Lamartine
mérite à cet égard des éloges à peu
près sans réserve. Le fichier de son
auteur n'a pas étouffé son talent et
ut l'a jamais empêché de demeurer
tout au long de son livre un homme
de goût, un connaisseur et un grand
lettré.
Ledit Jocelyn de Lamartine, est
un chef-d'œuvre de mesure et
d'équité.
La pensée religieuse de Lamartine,
si peu et si contradictoirement défi-
nie par lui-mème, ici se dégage sans
peine des buées tout irisées dont le
poète l'a sans le vouloir ou tout
exprès enveloppée. C'est avant tout
ce qui m'a capté dans cette thèse.
Aussi est-ce de cela que je parle-
rai aujourd'hui beaucoup plus en-
core que de Jocelyn.
Oui, comme nous le dit M. Guille-
min, Lamartine a vécu devant Dieu.
Mais combien la notion qu'il en eut
fut évasive 1 Avec ardeur, il est vrai,
il repoussa le reproche d'avoir ja-
mais été panthéiste. Et maints cri-
tiques l'ont cru sur parole. Ferais.je
pourtant erreur ? Mais non. N'a-t-il
pas écrit ceci, qui dément sur ce
point mains auteurs de manuels sco-
laires
Cet Mtre nnlTenel, «ans déclin. mm aurore.
C'est Dieu. c'e«t ce grand Tout qui lui-mime t'adore
et ceci
Pouuiere, écume. nuit, tou». me. reux. loi, mon low.
Ditci, Ii tous aavei, où donc allons-nous tous7 '1
A toi, grand Tout.
Sur les dogmes de notre foi com-
bien il semble de même que Lamar-
tine ait été mal informé Notam-
ment sur le mystère de la Trinité,
et tout spécialement sur le Saint-
Esprit, à l'occasion de qui le poète a
écrit ces mots contre lesquels s'élè-
verait tout enfant du petit caté-
chisme-
C'ett toi qui.
Comme un bleu tapît déroulât 1» lumière
Sous les pu du Très-Haut?
Le Saint-Esprit n'est-il donc pas
La résurrection du Sanctuaire
de Sain -Malhnrin de Larchant
Le chanoine Mangou
et la première commananté sacerdotale
de Larchant
par Pioie-Makis Britonnit.
Omvrtft entromé p»r l'AuuUmit Frtmç* u
( Une it> plus belles pages de l'histoire
du clergé français au XX* sikle. ».
(A. Soosit, S. J.
Nmnll' mut tl/olofifue)
Beau M/an» 20+/3. 224 page*, 2 portraits,
I carte.
Prix 10 franc*; port, 1 fr. 35.
Boom Presse, t, nu rWJ, Piro-S' C. e. 1668
recrutement sacerdotal, chanoine Ardent.
Apôtres pour la Terre Sainte, R. P. Amiel.
La formation chrétienne de. tout petits,
Grégoire. Le groupe Pie-X des apôtres des
vocations. La relève sacerdohle dan* le
diocèse de Besançon (suite), A. Demoment.
La formation cléricale dans les Petits Sémi-
naires, F. Mourey. Le* irrégularités « tx
defectu corporit », G. Guaydier. Trait
d'union inlerdiocésain idées, projets, réali-
sations, rertseignements et nouvelles. Bi-
bliographie. Notre parloir.
constatait que l'on tirait d'autre part sur
la Notrc-Dame-dcl-Pilar, dont la dunette
volait en éclats.
Ce renfort qui arrivait au Grand-Dé
continuait de tonner, en sorte que la cor-
vette finit par se trouver prise entre deux
ennemis, comme J'avait été le lougre avant
la tornade.
Comprenant maintenant que le galion
était perdu corps et biens, don Luiz
Herrera, ses officiers, son équipage, ivres
de fureur, concentraient tout leur désir
de vengeance sur les Français. lis en
oubliaient les Frères de la Côte, dont ils
avaient pourtant reconnu l'affreux pavillon
noir avec une tête de mort et deux tibias
en croix.
Mais, pendant que l'on jetait les grapins
et que les soldats des deux bords commen-
çaient à s'entre-tuer à la hache et au pis-
tolet, ta Notre-Dame-del-Pilar, atteinte
trois fois dans ses œuvres vives, commen-
çait à couler.
Alors, la peur, méprisée jusque-là, saisit
ces hommes affolés. Les matelots espa-
gnols se rendirent et aidèrent Ie3 Français
à arracher les grappins. Don Luiz et ses
officiers n'abandonnèrent pas leur vais-
seau ils se croisèrent les bras et périrent
avec lui.
Mireaumont eût voulu vaincre par ses
propres moyens. Mais il se rendait compte
que, sans le secours inopiné des Frères de
la Côte, il aurait eu le sort de la Solre-
Dame-det-Pilar. En dépit du pavillon des
pirates, il répondit donc aux signaux
d'amitié qu'on lui faisait, et en quelques
évolutions les deux navires se rencon-
trères aux abords de l'Oiseau-de-Paradia.
lui-même Dieu Sur le même sujet
Lamartine n'a-t-il pas dit encore
Pour tracer aa route à l'aveugle Batwe
Tu aaixbe» derant Dieu? 2
Encore un coup, le Saint-Esprit
n'est donc pas Dieu ?
Pourquoi enfin Lamartine évo-
quant, en termes d'ailleurs fort
beaux, l'universel émoi des êtres el
des choses quand l'Esprit va venir.,
u-t-il ajouté
Et ie ci*l a* goutt« et la terre
Croit qu'un autre iest approcha,
A Et nul ne comprend ce mjttère.
Car ton maître e«t un Oieu cacfa*.
Le Saint-Esprit a donc un maître?
Voilà pourquoi le prêtre qui est le
héros de Jocelyn ne sait pas très
bien aussi ce qu'on entend au jusîe
par la présence réelle de Jésus-
Christ sous les espèces du pain et du
vin. Jocelyn, en effet, lui,
Dani ce Bain voit un corpt et dans ce corp» un Dieu,
Formule, il me semble, suspecte,
puisque dans l'Eucharistie il n'y a
plus de pain. Vaut encore moins, à
ce qu'il me semble, cette autre for-
mule, sur le même sujet, qui figure
dans te poème, du moins dans l'édi-
tion que j'en ai, et qui évoque la
première messe dite devant le trop
fameux évoque, dans les cachots de
la Terreur
Sur cet autel da^pleun, un noir morceau de pain
Fut Fimaf 3» O'um que lui rompit ma main
Une coupe de boit fut le divin calice
Où U tti» figun G rang du Mcrinc<6.
Quelle hérésie, Seigneur Dieu 1
De la foi de Jocelyn, en particu-
lier, et de celle de Lamartine, en
général, M. Guillomin a donné la
plus détaillée et la plus nuancée des
analyses.
Au fond, cette foi souvent prit
physionomie de foi de désespéré. Un
peu comme l'Oronte de Molière face
aux rigueurs de Philis, il semble que
Lamartine aussi ait désespéré alors
qu'il espérait toujours.
Mai» peut-être au-deladee bornes d* sa sphère.
Lieux où le vrai soleil éclair* d'autres deux.
Hélas comme il était peu sûr de
son fait Ou bien comme il lui fal-
lait se raidir pour aspirer à un Dieu
qui si souvent se dérobait 1
Même quand il annonçait, avec
insistance sa foi, Lamartine était-il i
tellement assuré de croire, même
peut-être dans la mémorable tirade
que voici ?
Pour moi. quand je Terrais dan» les céleites plaine»
Le* autres «'écartant de leur» route» certaine».
Quand j'entendrai» gémir et »e briser la terre,
Quand je Terrai» 'on globe err»»t et lolilaire
Flottant loin de» soleil», pleurant t'homme détruit,
Se perdre dan» le» champ» de l'éternelle nuit.
Et quand, dernier témoin de'cc» «cène«*Anèbre»,
Entouré du ebao», de la mort, du lénibres.
Seul, je tereit debout, seul, maigri mon effroi.
Etre infaillible et bon j'espérerais en toi.
Et ctrlain du retour de l'éternelle aurore,
Sur les mondes détruit», je t'attendrai» encart.
Certain 1 Peut-être, mais trop sou-
vent furtivement et à si grand peine,
tout comme dans cette citation, qui-
je trouve au chapitre du livre de
M. Guillemin "intitulé l'Inquiétude
religieuse
Et quand l'autel briȎ que la foule abandonne
S'écroulerait sur moi, temple que je chérie,
Temple oit j'ai tout reçu, temple où j'ai tout appris.
J'embrasserais encore ta dernière colonne,
Dussé-je être écrasé sou» tes sacrés débri»!
Avant le livre de M. Guillemin,
j'ai cru beaucoup plus à la foi de
Lamartine. Depuis lors, j'ai relu
pour la n1"* fois le poète. Et j'en
doute bien plus. De môme qu'après
avoir lu le dernier livre, si remar-
quable et si sévère, sans que son au-
tour l'ait voulu, de Jean des Cognets.
sur Lamartine, en celui-ci j'ai de
moins en moins aimé et admiré
l'homme.
Sur ce propos, Sainte-Beuve, en-
core et toujours heureusement cité
par M. Guillemin, a dit le fin mot, à
l'occasion des Harmonies
« Le poète cherche, interroge,
doute, passe de la défaillance à l'es-
poir, et, le plus souvent, dès qu'il a
entrevu la lueur, se prosterne au
lieu de conclure. »
Lamartine, par exemple, ne
semble pas croire à la vertu apo-
logétique du miracle et, dans le
Chant du sacre, on lit, à ce propos
ces étranges vers
Si nous rtioB» encore an aiècU des miracles»
La colombe.
rapporterait encore le chrême d. Cloviaw
Mais les temps ne sont plus!
Le ciel parle à U terre une langue plu» forte.
Il lui arrive de toiser la foi ré-
putée grossière des humbles et,
une autre fots, d'aspirer à la (ti du
charbonnier, autrement oit à !a fui
qui ne se conquiert pas par la patient*)
recherche à laquelle ne doit jamaii
se soustraire quiconque ayant d*
l'intelligence, à plus forte raison ds
génie, une bibliothèque et des loi-
sirs, peut asseoir son Credo sur let
solides arguments que lui peuvent
fournir généreusement la science et
l'amour de Dieu.
En ce livre de M. Guillemin, oit
ne se trouve pas seulement une défi-
nitive analyse de Jocelyn, mais une
remarquable synthèse de la religion
de Lamartine, tout cela est magis-
tralement analysé. Personne jus-
qu'ici n'a mieux défini et Dieu
sait si la chose est malaisée !e
fuyant et mobile credo du poète.
Dans cette vaste étude, notez avec
moi ce détail que je relevé entre
cent parmi mes innombrables notes
« Tant qu'il s'agissait seulement.
d'un enrichissement du trésor moral
de l'humanité par un»j pénétration
plus complète de la grande leçon
chrétienne, tant qu'on pouvait
croire qu'aux yeux de Lamartine
la foi était comme un fanal fixé au
front de l'homme et jetant sa clarté
divine sur chacune des formes suc-
cessives de l'organisation sociale,
l'orthodoxie ne se voyait point
absolument menacée. Mais c'était
bien pourtant d'une évolution du
dogme lui-même qu'il s'agissait
dans ta pensée de Lamartine non
pas seulement conquête de l'intel-
ligence et de sa puissance d'analyse
appliquée à une intuition que
l'homme met du temps à se rendre
assimilable, mais authentique mi-
tamorphose du christianisme, sur-
plus ajouté à sa réalité première,
soit par l'effet de quelque message
nouveau venu du ciel, soit par le
seul travail de la raison humaine. »
Voilà pourquoi Jocelyn, dans le
poème où il est le héros, nous appa-
rait sous les traits d'un si étrange
prêtre, dans l'âme de qui s'as-
semblent, voisinent et cousinent,
comme ils peuvent, le bon Sama-
ritain, Vincent de Paul, René,
J.-J. Rousseau, le Vicaire savoyard
et Lamartine lui-même,
D'où également l'abondance des
erreurs que professent dans le
poème les plus divers personnages
Laurence, par exemple, brodant in
extremis le thème réconfortant, mais
peu sur, de son personnel rachat
par l'amour. Tout comme telle autre
héroïne des temps préromantiques
ou romantiques, elle soutient, avant
de mourir, qu'en dépit de ses éga-
rements son âme est demeurée
pure et que son attachement pour
Jocelyn devait, par anticipation,
racheter toutes ses fautes à venir.
Un pur amour, à l'en croire, même
remontant assez haut. détient vertu
d'absolution. En de tels cas, l'abso-
lution sacramentelle ne fait quy
couronner et consacrer l'autre.
Devant ce Dieu lui-mime,
Devant la vérité qui luit au jour »uprenw.
Devant le cher fantôme et le saint souTenir
De celui qn'en mentant je craindrai» de ternir.
Non par ma force. hélas! mais par mon impuissance.
Par mépris, par dégoût. plus que par innocence,
Mon coeur e«t reité vierge et pur Jusqu'à ce jour!
Oui, mon Ame est encore vierge à force d'amoar
Et rapporte au tombeau, sans l'avoir altéré*.
L'image de celui qui l'avait conftacrée
Mais comment dire au juste tous
ies éminents mérites de la thèse de
M. Guillemin ? *?
Elle dresse, comme nul autre
ouvrage auparavant n'a fait, l'exact
bilan de tout le génie lamartinien
aux prises avec une donnée fausse
en son principe. Non pas impassi-
blement, mais encore un coup en
toute justice, M. Guillemin loue,
exalte ou blâme le singulier poème,
en savant qui a scruté t'oeuvre à fond
et en artiste que ne laissent jamais
froid ni les sublimes beautés ni les
lourdes fautes.
Pour conclure il a dit ceci, qui
sur la matière pourrait bien être le
fin mot
« Jocelyn, œuvre hâtive, négligée,
gâchée presque, reste, en dépit 'de
tout cela, d'une surprenante beauté. »
Jo&t Vincent.
Mireaumont alla dans sa chaloupe au
devant de celle d'Augustin Legrand.
Celui-ci l'embrassa comme S'il avait été
son frère, et tous les deux, suivis de leur
état-major et de leurs hommes les plus
sûrs, montèrent sur le galion.
On descendit immédiatement au trésor,
et en apercevant les tonneaux d'or éven-
tré3, on jugea nécessaire de mettre des
gardiens à ce coffre-fort trop vaste, en
attendant qu'on en eût inventorié le con-
tenu. Les gardiens furent, pour le corsaire
breveté du roi, Joël Le Capelain, et pour
Augustin Legrand, Alain des Houx, dit le
Borgne, à cause d'une orbite creuse qui
déshonorait un visage jadis beau. Chacun
d'eux commandait à six hommea. C'était,
devant la chambre mystérieuse, un corps
de garde invincible et incorruptible.
Les précautions prises ainsi, il n'y avait
pas de raison d'interdire l'accès de la
prise tous ceux, même les plus humbles,
qui y avaient coopéré. Des Caraïbes
vinrent aussi, auxquels on ne lit pas plus
attention qu'à des chiens qui sont avec
les corbeaux les nettoyeurs des endroits
sans police.
Tout de suite ils commencèrent leur
besogne, jetant par-dessus bord, aussi bien
que les morts, les mourants achevés d un
coup de pied dans le thorax. Témoins de
cette besogne, les officiers du Lion-des~
Mers, qui remontaient de la cale, enton-
nèrent le Miserere. Aussitôt, tous les
Frères se mirent à genoux. Stupéfaits
d'abord, les matelots du Grand-aé en
firent autant. César, Jacques et Walter,
pâles et glacés, s'étaient mis à l'écart, der-
rière la dunette.
(A suivre.) Alice Meunier.
LA CROIX
Concarneau, ville de joie
Blottie dans un des nombreux replia de
la baie de la Forêt, anse minuscule ouverte
au sud-ouest de l'Armorique, Concarneau
apparait, vue de la mer, comme enchâssée
dans un nid de verdure. Sur toute la côte,
et parfois jusque dans les eaux, ia flo-
raison dense des arbres, dont If» vague*
viennent baigner à haute marée les bran-
ches, jette une note de gaieté et de
bcatrtude.
A la bonne saison, une multitude de
bateaux, thonnieis et sardiniers couvrent
de leura voiles aux bigarrures diverses ce
coin d'océan qui ne cesse pas d'être calme.
Les chaloupes sardinières aux moteurs
ronronnants glissent sur le flot tranquille
en laissant derrière elles un long sillage de
bsncheurs. Les thonnien, plus massifs.
promènent lentement sur la mer la riche
armature de leurs coques solides et de
leurs triangulaires voilures. Le spectacle,
alors que le soleil met sur la nature les
otï de ses rayons et les scintillements
de se lumière éclatante, devient pour
l'étranger au pays une source de joie et
d'enchantement. Et dans le creux de
l'anse sereine où débordent les quais
cl ('alignent les demeures, l'activité est
grande, le mouvement s'insinue des usines
aux barques, que dominent les vieux
mura altiers, les mâchicoulis surannés de
I antique ville close, château féodal qui
rappelle le passé presque oublié des con-
temporains. La ville close, cité minia-
ture dont les murailles ont 400 mètres
de tour, étale ses murs bas et crénelés
sur un îlot que la mer circonscrit à toutes
les marées et que la ville actuelle en-
toure de trois côtés. Une seule rue la
traverse, bordée de maisons étroites et
sombres, qui mène vers l'église Saint-
Guénolé, le patron du paya, édifiée au
XIV* siècle. L'un des bastions de l'en-
ceinte se nomme, lui aussi, bastion de la
reme Anne.
On ne sait rien de précis sur Concar-
neau avant cette époque. Mais, en 1373,
une garnison anglaise l'occupait, venue
sans doute au secours de Jean IV de Mont-
fort. Le connétable Du Guesclin vint y
mettre le siège avec les troupes des ducs de
Bburbon, de Rohan, de Maury. de Beau-
manoir et du sire de Vaucouleurs. Le pre-
mier assaut fut repoussé par les Anglais.
et le retour de la mer obligea les assail-
lants à se retirer. Le deuxième eut le
même insuccès, la mer en étant toujours la
cause.
Mais la palabre continuelle entre assié-
geants et assiégés finit par convaincre les
habitants que les soldats du roi de France
l'en voulaient qu'aux Anglais et que
leurs vies seraient sauves et leurs biens
respectés. Dès lors, ils n'aidèrent plus à
la défense et laissèrent les Saozons se dé-
brouiller tout seuls. Du Guesclin se mit
lui-même à la tête de la troisième attaque
et emporta la place. Tous les Anglais
furent passés au 61 de l'épée, à l'excep-
tion du chef, auquel « le connétable ac-
cordà mercy ».
En 1488, la ville close était aux maine
de Charles VIII. « A cette époque, dit
le chanoine Moreau. cest endroit ainsy for-
tifié n'estoit qu'une retraicte à voleurs et
$en# de corde, comme il se voit paz expé-
rience que ;si quelqu'un avoit assassiné ton
voisin ou fiict quelque vol, ou ravy quelque
fillf ou femme, Concarneau ettoit sa re-
traicte. » Le site de Rieux la reprend
aux Français en 1489.
Sous la Ligue le duc de Mercoeur, qui
commandait en Bretagne les armées catho-
liques, en confie la défense au sieur Le
Prostré de Lézonnet. Mais la place fut sur-
prise en 1576 par le calvinistes au moyen
d'une ruse de l'ennemi. Comme le pays
était calme, une troupe de 30 hommes,
menée par messires De Kermassouet et
Baud de Vigne-la-Houlle, s'en vint proche
des remparts. L'un des officiers s'approcha
du soldat de garde, se fit abaisser le pont-
levis en exhibant des paperasses, que. lors-
que le portier fut tout près, il laissa,
semble-t-il, tomber par mégarde à terre. Le
pcrtier se baissa pour les ramasser, et
autre pro6ta de ce moment pour l'abattre
et appela ses compagnons. La garnison
fi:t mise à mort et Lézonnet s'enfuit.
Mais la prise était précaire et une atta-
que à craindre les calvinistes font appel
aux Rochellois, qui leur expédient une
escadre sous les ordres de Du Vigean.
Entre temps, les paroisses voisines s'assem-
blent au son du tocsin et se mettent en
marche sur Concarneau avec messieurs de
Pratmaria et Jean de Tyvarlen. Les assié-
gés s'en alarment et se reprochent leur
trop confiante audace néanmoins, l'es-
cadre de Du Vigean est en vue, retardée
seulement par des vents contraires. Le cin-
quième jour du siège, une surprise atten-
dait les recrues des paroisses. Un mar-
chand de Concarneau, Charles Le Bris,
qui logeait dans sa maison les chefs pro-
testants et auquel on laissait une demi-
liberté pour qu'il put les servir, trouva, en
montant dans leur chambre. Kem»ssouet
et Vigne-la-Houlle endormis. Ils s'étaient
défaits de leurs armes, éçées, pistolets et
poignards, Le Bris, pris d un soudain désir
de délivrer son pays, saisit deux dagues
posées sur la table et les plongea d'un
FEUILLETON DES 22-23 NOV. i936 14
Le sang
payera le sang
Les Français, supérieurs en énergie,
mais inférieurs en nombre, succombe-
raient-ils ?.
U se produisit un fait si étrange que la
fureur de se joindre fut suspendue. Les
deux canons du galion n'avaient pas
encore eu à dire leur mot. Il se tenait
à distance du tir de l'ennemi, ses lianes
trop lourds, au surplus trop précieux, le
rendaient impropre à un combat. Et voilà
que ces canons se mettaient à hurler des
appels de détresse.
Que se passe-t-il ?. Les pirogues ont
disparu. Le Canadien comprend et sourit.
11 conseille à Mireaumont de se dégager
de l'étreinte de l'abordage. En même
temps, les deux corvettes virent de bord
pour se porter au secours du galion qui
les appelle. Des démons nus, agrippés aux
flancs du navire, semblent monter à l'as-
saut d'une forteresse.
Soudain, la mer bleue s'assombrit
quoique le soleil continue de briller elle
se hérisse de petites vagues, qui sont
LES PORTS DE L'OCÉAN
seul coup dans la poitrine des malheu-
reux, qui expirèrent sans un cri, « fort
quelques tressauts en mourant ». De Ker-
massouet portait, suspendues à son bras,
le» clés de la ville. Le Bris s'en empare
et se dirige vers la porte de la cité.
Ma|; un soldat l'aperçoit et se doute,
à sa mine suspecte et à ses précautions,
qu 'il médite un mauvais coup. Il se lance
à sa poursuite en criant u Trahison » n
Mais le bourgeois le distance et arrive
à temps pour ouvrir la porte aux «siégeants
qui mettent à mort les 30 braves de la
garnison. Les vaisseaux de Du Vigean,
arrivés trop tard, s'enfuient en apprenant j
la chute de la place.
Lézonnet reprit le gouvernement de Con-
carneau, qu'il transmit ensuite à son fils,
lequel rendit la forteresse à Henri IV,
après la reddition de Quimper, en 1595.
Concarneau devint une juridiction royale
avec droit de prévôté et fut une des
quarante-deux villes de Bretagne qui dé-
putèrent désormais aux Etats de province.
La ville close, bardée de canons •'̃
et de coulevrines, continua pendant -Ji
des années à protéger le port et ,/È
n'eut plus d'histoire jusqu'en 1806, ,M?
où elle put mettre à l'abri le Jfôf
vaisseau le Vétéran, que mon- MÈ £
tait le prince Jérôme Bona- Jw/ A
parte, dont l'inertie s'op- JFM s Jk
posa à la rentrée a Brest JW/'lSFâ
du navire, malgré les /fffîf-jËÊÂ
prières des marins qui ffîJffîfc'mMFWsi
se faisaient fort» d'en MMf'jM&MM
«gnei la rade à la MlJÊf/M
barbe des escadres M&MM&ËÊFÉJBœÀ
britanniques blo ·
quant la flotte de
l'océan. Depuis
cette époque, A
Concarneau,
devenue Jj^m
une ville Jfâw,
calme e MM V
entiè JÉP JÀ
e JET* mFs
Le Pardon des
ment adonnée a la pêche, n'a fait que
s'agrandir. Des quais larges et bien entre-
tenus, que bordent des maisons claires et
aérées, circonscrivent l'antique citadelle
demeurée intacte, dont les vieilles murailles
se mirent dan» l'eau des bassins réguliers
et profonds. De belles rues tirées au cor-
deau mènent aux quatre coins de la ville,
que déparent malheureusement des venelles
Les meilleurs livres
du mois
Tout le monde sait maintenant l'impor-
tance du régime alimentaire pour la santé.
Le régime intellectuel n'a pas moins d'im-
portance pour la santé de l'âme. C'est pour-
quoi le choix des lectures est une question
Ii grave et ai délicate.
La Revue des Lecture», de l'abbé Bethléem
(77, rue de Vnujfirard, Paris, VIe), vous aiden j
à établir votre régime et celui île vu» enfants.
Voici la liste de livres qu'elle propose pour
le présent mois.
Les romans
POUR u» orandss pki\sonne9 Jeanne Ance.
let-Huttache, le Chemin sans retour,
POUR TOUTES LES PERSONNE» QUI PEUVENT
liiie des romans Bernard Frank, la Vergue
Urbain Milly, le Boléro rouge.
Poun l'enfance ET LA jeunesse (lublet. la
Bonde des quatre Camille Melloy, Contes
de Noll cl d'Epiphanie.
Les livres en cdllection
POUR LB9 ADOLMCFNTS 8T LES JBL'NES GE!»S
bu gén^kal Jules Verne, Maître du monde
(Bibliothèque verte).
POUR LES enfant» M. du Genostoux,
Psitt. enlevée I (Bibliothèque rosé)
Svensson, Nonni et Manni en mer (Bel âge).
Pour tous les Chefs-d'œuvre de Molière
(Héros et légende») Ch. Dodeman, Mon
beau film (collection Bijou) Franc-
Nohain, Bien vivre (Bonne» Lectures)
Pierre Croydi», l'Empire des sans-Dieu (Ru-
ban bleu).
comme une dentelle remuée par une brise
légère. Mais, instantanément, une taelîe
d'encre salit l'horizon et amène la tempête.
La tornade
Les petites dentelles de la mer
deviennent des colonnes qui touchent le
nuage noir maintenant immense et retom-
bent en paquets d'eau sur les ponts san-
glants du lougre et des deux corvettes. Il
n'est plus question de se battre entre
hommes. Il faut se défendre oh bien
petitement 1 contre les éléments irrités.
Il s'agit de fuir les trombes. A peine y par-
viendrait-on avec des voilures intactes.
Désemparés, il ne faut compter que sur
un miracle, et les hommes des trois
navires, prosternés sur le tillac que la
mer a nettoyé, disent dans la même
tangue
Sancta Maria, ora pro nobis.
Sur le pont du galion, on ne priait pas.
Tout au plus le nom de la Vierge ou d'un
saint s'échappait-il d'une bouche expi-
rante. Avec leurs haches de pierre et leurs
coutelas, les Caraïbes décapitaient, éven-
traient les bourreaux de leur race qui,
dans le tourbillonnement du galion,
n'avaient pas la force de lutter ni contre
l'ouragan ni contre les poignards.
Se nant à son escorte. on n'avait donné
au galion que des hommes médiocres .pour
gardiens, alors qu'il eût fallu un «pur
d'airain et des bras herculéens pour faire
face à ces monstres qui, au gré du roulis
et du tangage, couraient sur le pont
comme mouches au plafond.
En deux minutes, il ne resta plus sur
le galion d'autres vivants que trois blessés
qui furent jetés à l'eau comme des paquets
inertes, et deux lâches trouvés grelottants
inélégantes où s'abritent les familles nom-
breuses da pêcheurs.
Ceux-ci, il n'y a guère longtemps, li-
vraient une chasse active à la sardine sai-
sonnière, et leur port, où les fritures étaient
plus nombreuses que partout ailleurs, en-
tretenait une nuée d'ouvriers et d'ouvrières
et attirait, durant l'été, la majeure partie
des chaloupes aux
flancs creux de
la Cornouaille
maritime.
Concarneau >
était la ville A
aux filets s/i
bleus I/Jj
celle e £WJ
où le 1MZ
« Filets Bleus •
poisson se payait le plus cher aussi l'ai-
sance y abondait-elle. Chaque jour, il fallait
voir les groupes animés de gentilles sardi-
nières, la coiffe au vent et le rire aux lèvres,
se presser le long des quais où les mate-
lots s'activaient à la rentrée de la pêche,
courir dans l'éparpillement des châles mul-
ticolores qui leur faisaient comme des ailes
de papillons, lancer aux échos leurs chan-
Les livres de culture générale
Pour les personnes plus cultivées, QUI
HFCUERCnENT DES OUVKAGE8 SOf IDES, PROPnlIS
A LEH INSTHUmS, A LES ÉDIFIER ET A LU TENIR
au courant nui uiÉEs Emile Baudin, Précit
de psychologie (résumé de «on grand ou-
vrage) Paul Guilly, Duchenne de Bou-
logne (un grand médecin, un grand chré-
tien) L. Cuénot, l'Espèce (ouvrage fonda-
mental sur la question) F. Jammes, le
Pèlerin de Lourdes (Lourdes, vu par un grand
poète) Emil Ludwig, le Nil, vie d'un
Jleuve (monographie originale et puissante)
Henry Bordcimx, De Baudelaire à Sœur
Marguerite (recueil d'articles littéraires)
Tristan Derflmt', l'Escargot bleu (un régal
pour lettres) J. Madoule. le Drame de
Paul Claudel (étude remarquable sur Claudel
et son œuvre dramatique) ̃ Ch. Maquet,
Dictionnaire analogique (livre de chevet pour
écrivains) R. Preslefont, Au gré des
your.s (poème*).
POI'H LA GÉKÉRALIT» DU LECTEURS, POUI\
LES BlnLIOTllEQUEB ET LES FAMILLES Edmond
Delage, Chroniques de la mer (toute la ques-
tion de la marine française) Paul Genti-
ron, la Conquête de VÈlhiopie (histoire som-
maire et complète) Anne Daix, Sainte
Rosé de Lima (vie populaire de cette Sainte
extraordinaire) Général Rampont, la Pen-
sée et l'action (un remarquable appel aux
jeunes) Henry Bordeaux, Nos Indu
noires (un voyage en Afrique, par un maitre);
C.-E. Engel, les Batailles pour l'Himalaya
(récits pittoresques et dramatique»)
Georges Goynu, l'Eglise en marche (nos mis-
sionnaires encore) E. Grévin, Voyage au
Hoggar (le désert, qui « appela le P. de
Foucauld) H. Bidou, Histoire de la grande
guerre (récit sobre et clair) J. Bardoux,
les Soviet* contre la France (la révolution qui
se prépare) E. Dnpeyrat, les Derniers
seront Ifs premiers (enquêtes sociales)
XXX, l'Armée française (un petit chef-
d'œuvre).
contre la porte de la chambre aux perles,
L'ouragan avait passé. Aussi vite qu'il
l'avait perdue, le galion avait retrouvé
sa stabilité. Tiré par les pieds, les piètres
Espagnols firent leur apparition hors de
l'écuiitille, au milieu d'une ronde de sau-
vages hideux, éclaboussés de sang. La
ronde s'allongea en farandole, les prison-
niers dont la tète heurtait les morts que
les danseurs piétinaient, avec une immonde
volupté, en chantant le chant de guerre,
le chant de mort, le chant de triomphe.
Tout le navire fut ainsi parcouru par la
chaine forcenée, depuis la passerelle jus-
qu'au fond de la cale, où se trouvaient les
tonneaux d'or. Croyant qu'ils contenaient.
de l'eau de feu, les sauvages les défon-
cèrent à la hache. L'or s'écoula sur les
victimes que l'on poussa dessous.
Mais on trouva du rhum aussi. On avait
soif, on était fatigué, on en but tant
qu'on put, et toute la tribu, à laquelle ne
manquaient que cinq guerriers, s'endormit
ivre-morte.
CHAPITRE X
UN SECOURS DIABOLIQUE
Le Lion-des-Mers, aux Frères de la Côte,
allant de Cuba à la Guyane, avait eu le
temps, avant la tornade, de se réfugier
dans un petit archipel d'îles désertes bien
connues d'eux. Il v avait un bon mouillage,
une petite crique, bref, un endroit propice
aux embuscades.
La Dolorès et la Notre-Dame-del-Pitar,
toutes" deux meurtries par la bataille et
par les éléments, se mirent, dès que ce
fut possible, à la recherche du galion. La
Xotre-Damc-del-PUar devança tout de
sonnettes joyeuse* et harceler de bouscu- I
lades puériles leurs amis les marins, jus-
qu'au moment où la sirène perçante des
usines les rappelât au travail minutieux
qui leur était dévolu.
Concarneau. Les filets bleus. Ce fut
cette année un enchantement d'admirer la
longue théorie des coiffe» venues de toutes
parts, de Pont-Aven et de Quimperlé, de
Lorient et de Pont-l'Abbé, et d'ailleurs
encore précédant la jolie reine sur son
char d'apparat, et doigt la démarche impo-
sante en faisait véritablement la déesse de
c jour de soleil et de réjouissances. Et
ie long de l'unique rue de la ville close,
l'éphémère majesté passa, à l'ombre des
vieux logis brûlés par les embruns, symbo-
lisant la grâce fragile, mais aussi la ténacité
légendaire des fiiles de chez nous à leurs
costumes et à leurs mœurs ancestraux.
Depuis quelques années, les filets bleus
ont déserté Concarneau une pêche, qui
fut naguère plus heureuse et qui demande
plus de courage et d'efforts, les a rempla-
ces. Dans le vaste bassin que la ville
close abrite une flottille de barques puis-
santes attend à chaque saison le renouveau
de la grande pêche au large,
Et le jour où le thon est signalé sur
les côtes atlantiques, les superbes dundees
gréés de neuf et les cales pleines, s'en
vont ver* la haute mer, leurs longues lignes
pendantes basculant dans le roulis. Car
le germon et le thon rouge se pêchent
à la volée, à l'allure rapide du navire
qui vogue à toutes voiles vers un but im-
précis. Et si l'énorme banc des scombridés
voraces se rencontre «ur la route c'est la
pêche miraculeuse. rapide et profitable, et
le retour prochain vers l'hospitalière es-
cale. Plus souvent, hélas il il faut voguer
longtemps, courir la mer vide, sou» un
soleil de feu qui détériore les prises, ou.
en cas d'ouragan, fuir sous la rafale qui
décime périodiquement cette population
héroïque de pêcheurs désargentés. Mais
l'oubli se fait vite et les équipages repar-
tent, insouciants et l'espoir au cœur.
Les mâts geignent sout les voiles
Doucement,
El bercent dam le gréement
Les étoiles. (F. GRECH.)
Mais Concarneau est aussi le paradis
des artistes peintres et littérateurs. La
beauté de sa rade et de sa campagne
en a fait le séjour préféré des artisans
de la palette. La ville en a produit, elle
auni, deux qui sont parmi les meilleurs
et dont la réputation a depuis longtemp.
dépassé les limites du terroir Alfred Le
Giullou et Th. Deyrolle ont admirablement
traduit les charmes de leur pays d'origine
et dépeint les joies ou les tristesses du
pénible métier de laboureur de la mer.
IU demeureront à jamais la gloire du joli
petit port breton.
Et le peuple est gai, comme il sied dans
un pays de lumière et de magnificence
sa tristesse n'est jamais que passagère et
ne se loge qu'au fond des âmes.
Le rire fuse, des usines aux quai», des
n:elles anx boulevards, et s'extériorise
chaque jour dans les groupes animés de
jouvencelles qui. semble-t-il, veulent con-
server aux leurs les joies du retour et pré-
server, s'il «e peut, les pêcheurs arrivant
au port après des journée» de labeur ac-
cablant et parfois vain de cette désespé-
rance faite de vanité déçue et de colère
contre la destinée, qui est le propre des
hommes habitués à vivre presque seuls
su. l'immensité des océans.
PAUL Nédellec.
Mémento-Revues
La Bévue générale. Abonnement annuel:
Belgique, 75 francs le numéro, 7 France
étranger, £5 francs le numéro, 8 franc».
Compte chèques postaux io38-<)i. L'Edi-
tion universelle, 53, rue Royale, Bruxelles.
Sommaire du i5 novembre jg36
Chanoine Jean Dermine La famille au
Congrès de Matines. Le discours du
r.)i. Firmin van den Boach Trois faits di-
tiers romantiques. Princesse Z. Sehakhow-
skoy Une enfance (Deuxième partie).
Jules Garsou Lettres du temps d. la révolu-
tion beige (i83o-i83a). Notre enquête
Quel est l'ouvrage qui a eu sur vous la plus
furie influence ? Réponse de M. Henri Goffi-
net. Maurice Hoornaert Lanternes téni-
tiennes (Poème). Germaine Sneyen Revue
littéraire a A'olre ami Ptichari ». Henri
Davignon La vie et les idées La littérature
wallonne De la />oésie patoisante au Ihédtre
populaire Un arl plaisant et courageux.
Fernand Baudhuin La vie économique et
financière Le communiant, système écono.
mique. Les Cinq Personnalaiié* et per-
sonnages M. Henri Gofjinet.
Le Recrutement Sacerdotal (Revue trimes-
trielle des intérêts du recrutement et de la
formation du clergé. Rédaction, administra-
tion, 3o, rue Barbet-de-Jouy, Paris, Vil*)
Au sommaire du numéro de juillet-août-
septembre
Le XII' Congrès de recrutement sacerdotal.
P. Lieutier. Le compte rendu du XI' Con-
grès de recrutement sacerdotal. Hymne
sacerdotale. Hommage au cardinal Binet
ci à Mgr Castellan. Un point d'histoire du
suite la Dolorès, qui faisait eau par deux I
larges trous, en sorte qu'un bon tiers de
l'équipage devait rester aux pompes. Le
capitaine avait eu un bras emporté. Les
deux pilotes, quatre soldats, autant de
matelots, avaient été tués. C'était presque
un désastre. La Notre-Dame-del-Pilar,
beaucoup moins éprouvée, comptait
anéantir l'ennemi. Mais d'abord il fallait
voler au secours de l'Oiseau-de-Paradis,
le galion.
Il n'appelait plus. L'oreille tendue, don
Luiz Herrera entendait comme des cris de
ces mouettes rieuses qui se réjouissent
des naufrages. C'était, adouci par la dis-
tance, le chant de guerre des Caraïbes, j
Leur ivresse avait été courte, l'instinct
les avertissant qu'il y allait de leur vie,
s'ils ne la secouaient. Le chant, inter-
rompu par la beuverie, leur revint aux
lèvres, moins furieux. Et ce fut ainsi que,
sans emporter une paillette d'or, ils quit-
tèrent le galion dans ses propres embar-
cations.
Comme don Luiz Herrera, Mireaumont
se rapprochait du galion, mais ils tar-
dèrent à s'apercevoir, la tempête leur
ayant fait faire du chemin en sens con-
traire. La chance des Caraïbes voulut que
Mireaumont allât de leur côté. Encore une
fois il les sauva, mais non sans horreur,
quand il devina ce qu'ils avaient fait.
Ainsi que dans une lice, l'Espagnol cou-
rait sur le Français, César aussi désireux
que don Luiz de l'abordage, ou tout au
moins de pouvoir se fusiller d'un pont
à l'autre.
Le Grand-Bé était de nouveau canonné.
Avant d'avoir le temps de riposter, il
Le « Jocelyn » de Lamartine
La lecture d'une thèse de doctorat
es lettres est. souvent une lecture
mortiliante. Un jour, comiiw j'en dé-
plorais devant il. Jeanroy la fré-
quente et inutilo austérité, mon éru-
dit interlocuteur qui, lui du moins,
ne s'est jamais interdit de divertir
d'attacher, de plaire eu instruisant
même des étudiants .l'agrégation,
cunçut et exprima opvant m. i
ceci se passait au cour^ de la £.'aniie
guerre l'espoir qu'.u.e paix avau-|
tageuse à la France modifierait sans!
doute dans un sens. français. el|
donc plus réjouissant, le fond même
et l'aspect extérieur de ces sortes
ù ouvrages.
Il n'en fut rien.
En sorte que quand l'occasion se
présente à nous de lire une thèse
qui, tout en se condamnant à suivre
les tristes lois du genre, n'ennuie
pas et se permet, même de demeurer
attachante d'un bout à l'autre de!
ses 800 pages, notre joie est grande.
Cela nous dédommage et nous con-
sole.
Celle que M. Henri Guillemin a
consacrée au Jocelyn de Lamartine
mérite à cet égard des éloges à peu
près sans réserve. Le fichier de son
auteur n'a pas étouffé son talent et
ut l'a jamais empêché de demeurer
tout au long de son livre un homme
de goût, un connaisseur et un grand
lettré.
Ledit Jocelyn de Lamartine, est
un chef-d'œuvre de mesure et
d'équité.
La pensée religieuse de Lamartine,
si peu et si contradictoirement défi-
nie par lui-mème, ici se dégage sans
peine des buées tout irisées dont le
poète l'a sans le vouloir ou tout
exprès enveloppée. C'est avant tout
ce qui m'a capté dans cette thèse.
Aussi est-ce de cela que je parle-
rai aujourd'hui beaucoup plus en-
core que de Jocelyn.
Oui, comme nous le dit M. Guille-
min, Lamartine a vécu devant Dieu.
Mais combien la notion qu'il en eut
fut évasive 1 Avec ardeur, il est vrai,
il repoussa le reproche d'avoir ja-
mais été panthéiste. Et maints cri-
tiques l'ont cru sur parole. Ferais.je
pourtant erreur ? Mais non. N'a-t-il
pas écrit ceci, qui dément sur ce
point mains auteurs de manuels sco-
laires
Cet Mtre nnlTenel, «ans déclin. mm aurore.
C'est Dieu. c'e«t ce grand Tout qui lui-mime t'adore
et ceci
Pouuiere, écume. nuit, tou». me. reux. loi, mon low.
Ditci, Ii tous aavei, où donc allons-nous tous7 '1
A toi, grand Tout.
Sur les dogmes de notre foi com-
bien il semble de même que Lamar-
tine ait été mal informé Notam-
ment sur le mystère de la Trinité,
et tout spécialement sur le Saint-
Esprit, à l'occasion de qui le poète a
écrit ces mots contre lesquels s'élè-
verait tout enfant du petit caté-
chisme-
C'ett toi qui.
Comme un bleu tapît déroulât 1» lumière
Sous les pu du Très-Haut?
Le Saint-Esprit n'est-il donc pas
La résurrection du Sanctuaire
de Sain -Malhnrin de Larchant
Le chanoine Mangou
et la première commananté sacerdotale
de Larchant
par Pioie-Makis Britonnit.
Omvrtft entromé p»r l'AuuUmit Frtmç* u
( Une it> plus belles pages de l'histoire
du clergé français au XX* sikle. ».
(A. Soosit, S. J.
Nmnll' mut tl/olofifue)
Beau M/an» 20+/3. 224 page*, 2 portraits,
I carte.
Prix 10 franc*; port, 1 fr. 35.
Boom Presse, t, nu rWJ, Piro-S' C. e. 1668
recrutement sacerdotal, chanoine Ardent.
Apôtres pour la Terre Sainte, R. P. Amiel.
La formation chrétienne de. tout petits,
Grégoire. Le groupe Pie-X des apôtres des
vocations. La relève sacerdohle dan* le
diocèse de Besançon (suite), A. Demoment.
La formation cléricale dans les Petits Sémi-
naires, F. Mourey. Le* irrégularités « tx
defectu corporit », G. Guaydier. Trait
d'union inlerdiocésain idées, projets, réali-
sations, rertseignements et nouvelles. Bi-
bliographie. Notre parloir.
constatait que l'on tirait d'autre part sur
la Notrc-Dame-dcl-Pilar, dont la dunette
volait en éclats.
Ce renfort qui arrivait au Grand-Dé
continuait de tonner, en sorte que la cor-
vette finit par se trouver prise entre deux
ennemis, comme J'avait été le lougre avant
la tornade.
Comprenant maintenant que le galion
était perdu corps et biens, don Luiz
Herrera, ses officiers, son équipage, ivres
de fureur, concentraient tout leur désir
de vengeance sur les Français. lis en
oubliaient les Frères de la Côte, dont ils
avaient pourtant reconnu l'affreux pavillon
noir avec une tête de mort et deux tibias
en croix.
Mais, pendant que l'on jetait les grapins
et que les soldats des deux bords commen-
çaient à s'entre-tuer à la hache et au pis-
tolet, ta Notre-Dame-del-Pilar, atteinte
trois fois dans ses œuvres vives, commen-
çait à couler.
Alors, la peur, méprisée jusque-là, saisit
ces hommes affolés. Les matelots espa-
gnols se rendirent et aidèrent Ie3 Français
à arracher les grappins. Don Luiz et ses
officiers n'abandonnèrent pas leur vais-
seau ils se croisèrent les bras et périrent
avec lui.
Mireaumont eût voulu vaincre par ses
propres moyens. Mais il se rendait compte
que, sans le secours inopiné des Frères de
la Côte, il aurait eu le sort de la Solre-
Dame-det-Pilar. En dépit du pavillon des
pirates, il répondit donc aux signaux
d'amitié qu'on lui faisait, et en quelques
évolutions les deux navires se rencon-
trères aux abords de l'Oiseau-de-Paradia.
lui-même Dieu Sur le même sujet
Lamartine n'a-t-il pas dit encore
Pour tracer aa route à l'aveugle Batwe
Tu aaixbe» derant Dieu? 2
Encore un coup, le Saint-Esprit
n'est donc pas Dieu ?
Pourquoi enfin Lamartine évo-
quant, en termes d'ailleurs fort
beaux, l'universel émoi des êtres el
des choses quand l'Esprit va venir.,
u-t-il ajouté
Et ie ci*l a* goutt« et la terre
Croit qu'un autre iest approcha,
A Et nul ne comprend ce mjttère.
Car ton maître e«t un Oieu cacfa*.
Le Saint-Esprit a donc un maître?
Voilà pourquoi le prêtre qui est le
héros de Jocelyn ne sait pas très
bien aussi ce qu'on entend au jusîe
par la présence réelle de Jésus-
Christ sous les espèces du pain et du
vin. Jocelyn, en effet, lui,
Dani ce Bain voit un corpt et dans ce corp» un Dieu,
Formule, il me semble, suspecte,
puisque dans l'Eucharistie il n'y a
plus de pain. Vaut encore moins, à
ce qu'il me semble, cette autre for-
mule, sur le même sujet, qui figure
dans te poème, du moins dans l'édi-
tion que j'en ai, et qui évoque la
première messe dite devant le trop
fameux évoque, dans les cachots de
la Terreur
Sur cet autel da^pleun, un noir morceau de pain
Fut Fimaf 3» O'um que lui rompit ma main
Une coupe de boit fut le divin calice
Où U tti» figun G rang du Mcrinc<6.
Quelle hérésie, Seigneur Dieu 1
De la foi de Jocelyn, en particu-
lier, et de celle de Lamartine, en
général, M. Guillomin a donné la
plus détaillée et la plus nuancée des
analyses.
Au fond, cette foi souvent prit
physionomie de foi de désespéré. Un
peu comme l'Oronte de Molière face
aux rigueurs de Philis, il semble que
Lamartine aussi ait désespéré alors
qu'il espérait toujours.
Mai» peut-être au-deladee bornes d* sa sphère.
Lieux où le vrai soleil éclair* d'autres deux.
Hélas comme il était peu sûr de
son fait Ou bien comme il lui fal-
lait se raidir pour aspirer à un Dieu
qui si souvent se dérobait 1
Même quand il annonçait, avec
insistance sa foi, Lamartine était-il i
tellement assuré de croire, même
peut-être dans la mémorable tirade
que voici ?
Pour moi. quand je Terrais dan» les céleites plaine»
Le* autres «'écartant de leur» route» certaine».
Quand j'entendrai» gémir et »e briser la terre,
Quand je Terrai» 'on globe err»»t et lolilaire
Flottant loin de» soleil», pleurant t'homme détruit,
Se perdre dan» le» champ» de l'éternelle nuit.
Et quand, dernier témoin de'cc» «cène«*Anèbre»,
Entouré du ebao», de la mort, du lénibres.
Seul, je tereit debout, seul, maigri mon effroi.
Etre infaillible et bon j'espérerais en toi.
Et ctrlain du retour de l'éternelle aurore,
Sur les mondes détruit», je t'attendrai» encart.
Certain 1 Peut-être, mais trop sou-
vent furtivement et à si grand peine,
tout comme dans cette citation, qui-
je trouve au chapitre du livre de
M. Guillemin "intitulé l'Inquiétude
religieuse
Et quand l'autel briȎ que la foule abandonne
S'écroulerait sur moi, temple que je chérie,
Temple oit j'ai tout reçu, temple où j'ai tout appris.
J'embrasserais encore ta dernière colonne,
Dussé-je être écrasé sou» tes sacrés débri»!
Avant le livre de M. Guillemin,
j'ai cru beaucoup plus à la foi de
Lamartine. Depuis lors, j'ai relu
pour la n1"* fois le poète. Et j'en
doute bien plus. De môme qu'après
avoir lu le dernier livre, si remar-
quable et si sévère, sans que son au-
tour l'ait voulu, de Jean des Cognets.
sur Lamartine, en celui-ci j'ai de
moins en moins aimé et admiré
l'homme.
Sur ce propos, Sainte-Beuve, en-
core et toujours heureusement cité
par M. Guillemin, a dit le fin mot, à
l'occasion des Harmonies
« Le poète cherche, interroge,
doute, passe de la défaillance à l'es-
poir, et, le plus souvent, dès qu'il a
entrevu la lueur, se prosterne au
lieu de conclure. »
Lamartine, par exemple, ne
semble pas croire à la vertu apo-
logétique du miracle et, dans le
Chant du sacre, on lit, à ce propos
ces étranges vers
Si nous rtioB» encore an aiècU des miracles»
La colombe.
rapporterait encore le chrême d. Cloviaw
Mais les temps ne sont plus!
Le ciel parle à U terre une langue plu» forte.
Il lui arrive de toiser la foi ré-
putée grossière des humbles et,
une autre fots, d'aspirer à la (ti du
charbonnier, autrement oit à !a fui
qui ne se conquiert pas par la patient*)
recherche à laquelle ne doit jamaii
se soustraire quiconque ayant d*
l'intelligence, à plus forte raison ds
génie, une bibliothèque et des loi-
sirs, peut asseoir son Credo sur let
solides arguments que lui peuvent
fournir généreusement la science et
l'amour de Dieu.
En ce livre de M. Guillemin, oit
ne se trouve pas seulement une défi-
nitive analyse de Jocelyn, mais une
remarquable synthèse de la religion
de Lamartine, tout cela est magis-
tralement analysé. Personne jus-
qu'ici n'a mieux défini et Dieu
sait si la chose est malaisée !e
fuyant et mobile credo du poète.
Dans cette vaste étude, notez avec
moi ce détail que je relevé entre
cent parmi mes innombrables notes
« Tant qu'il s'agissait seulement.
d'un enrichissement du trésor moral
de l'humanité par un»j pénétration
plus complète de la grande leçon
chrétienne, tant qu'on pouvait
croire qu'aux yeux de Lamartine
la foi était comme un fanal fixé au
front de l'homme et jetant sa clarté
divine sur chacune des formes suc-
cessives de l'organisation sociale,
l'orthodoxie ne se voyait point
absolument menacée. Mais c'était
bien pourtant d'une évolution du
dogme lui-même qu'il s'agissait
dans ta pensée de Lamartine non
pas seulement conquête de l'intel-
ligence et de sa puissance d'analyse
appliquée à une intuition que
l'homme met du temps à se rendre
assimilable, mais authentique mi-
tamorphose du christianisme, sur-
plus ajouté à sa réalité première,
soit par l'effet de quelque message
nouveau venu du ciel, soit par le
seul travail de la raison humaine. »
Voilà pourquoi Jocelyn, dans le
poème où il est le héros, nous appa-
rait sous les traits d'un si étrange
prêtre, dans l'âme de qui s'as-
semblent, voisinent et cousinent,
comme ils peuvent, le bon Sama-
ritain, Vincent de Paul, René,
J.-J. Rousseau, le Vicaire savoyard
et Lamartine lui-même,
D'où également l'abondance des
erreurs que professent dans le
poème les plus divers personnages
Laurence, par exemple, brodant in
extremis le thème réconfortant, mais
peu sur, de son personnel rachat
par l'amour. Tout comme telle autre
héroïne des temps préromantiques
ou romantiques, elle soutient, avant
de mourir, qu'en dépit de ses éga-
rements son âme est demeurée
pure et que son attachement pour
Jocelyn devait, par anticipation,
racheter toutes ses fautes à venir.
Un pur amour, à l'en croire, même
remontant assez haut. détient vertu
d'absolution. En de tels cas, l'abso-
lution sacramentelle ne fait quy
couronner et consacrer l'autre.
Devant ce Dieu lui-mime,
Devant la vérité qui luit au jour »uprenw.
Devant le cher fantôme et le saint souTenir
De celui qn'en mentant je craindrai» de ternir.
Non par ma force. hélas! mais par mon impuissance.
Par mépris, par dégoût. plus que par innocence,
Mon coeur e«t reité vierge et pur Jusqu'à ce jour!
Oui, mon Ame est encore vierge à force d'amoar
Et rapporte au tombeau, sans l'avoir altéré*.
L'image de celui qui l'avait conftacrée
Mais comment dire au juste tous
ies éminents mérites de la thèse de
M. Guillemin ? *?
Elle dresse, comme nul autre
ouvrage auparavant n'a fait, l'exact
bilan de tout le génie lamartinien
aux prises avec une donnée fausse
en son principe. Non pas impassi-
blement, mais encore un coup en
toute justice, M. Guillemin loue,
exalte ou blâme le singulier poème,
en savant qui a scruté t'oeuvre à fond
et en artiste que ne laissent jamais
froid ni les sublimes beautés ni les
lourdes fautes.
Pour conclure il a dit ceci, qui
sur la matière pourrait bien être le
fin mot
« Jocelyn, œuvre hâtive, négligée,
gâchée presque, reste, en dépit 'de
tout cela, d'une surprenante beauté. »
Jo&t Vincent.
Mireaumont alla dans sa chaloupe au
devant de celle d'Augustin Legrand.
Celui-ci l'embrassa comme S'il avait été
son frère, et tous les deux, suivis de leur
état-major et de leurs hommes les plus
sûrs, montèrent sur le galion.
On descendit immédiatement au trésor,
et en apercevant les tonneaux d'or éven-
tré3, on jugea nécessaire de mettre des
gardiens à ce coffre-fort trop vaste, en
attendant qu'on en eût inventorié le con-
tenu. Les gardiens furent, pour le corsaire
breveté du roi, Joël Le Capelain, et pour
Augustin Legrand, Alain des Houx, dit le
Borgne, à cause d'une orbite creuse qui
déshonorait un visage jadis beau. Chacun
d'eux commandait à six hommea. C'était,
devant la chambre mystérieuse, un corps
de garde invincible et incorruptible.
Les précautions prises ainsi, il n'y avait
pas de raison d'interdire l'accès de la
prise tous ceux, même les plus humbles,
qui y avaient coopéré. Des Caraïbes
vinrent aussi, auxquels on ne lit pas plus
attention qu'à des chiens qui sont avec
les corbeaux les nettoyeurs des endroits
sans police.
Tout de suite ils commencèrent leur
besogne, jetant par-dessus bord, aussi bien
que les morts, les mourants achevés d un
coup de pied dans le thorax. Témoins de
cette besogne, les officiers du Lion-des~
Mers, qui remontaient de la cale, enton-
nèrent le Miserere. Aussitôt, tous les
Frères se mirent à genoux. Stupéfaits
d'abord, les matelots du Grand-aé en
firent autant. César, Jacques et Walter,
pâles et glacés, s'étaient mis à l'écart, der-
rière la dunette.
(A suivre.) Alice Meunier.
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 73.32%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 73.32%.
- Collections numériques similaires Leuret François Leuret François /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Leuret François" or dc.contributor adj "Leuret François")Anatomie comparée du système nerveux considéré dans ses rapports avec l'intelligence.... Tome 1 / par Fr. Leuret,... /ark:/12148/bpt6k4225641c.highres Notice sur les indigens de la ville de Paris ; suivie d'un Rapport sur les améliorations dont est susceptible le service médical des bureaux de bienfaisance / fait au nom d'une commission par François Leuret,... /ark:/12148/bpt6k12657090.highres
- Auteurs similaires Leuret François Leuret François /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=(dc.creator adj "Leuret François" or dc.contributor adj "Leuret François")Anatomie comparée du système nerveux considéré dans ses rapports avec l'intelligence.... Tome 1 / par Fr. Leuret,... /ark:/12148/bpt6k4225641c.highres Notice sur les indigens de la ville de Paris ; suivie d'un Rapport sur les améliorations dont est susceptible le service médical des bureaux de bienfaisance / fait au nom d'une commission par François Leuret,... /ark:/12148/bpt6k12657090.highres
-
-
Page
chiffre de pagination vue 4/8
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k442872z/f4.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k442872z/f4.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k442872z/f4.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k442872z/f4.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k442872z
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k442872z
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k442872z/f4.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest