Titre : La Presse
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1838-08-28
Contributeur : Girardin, Émile de (1806-1881). Directeur de publication
Contributeur : Laguerre, Georges (1858-1912). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34448033b
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 28 août 1838 28 août 1838
Description : 1838/08/28. 1838/08/28.
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Grande collecte... Collection numérique : Grande collecte d'archives. Femmes au travail
Description : Collection numérique : La Grande Collecte Collection numérique : La Grande Collecte
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
ne, sur lequel seront établis cinq grands orchestres d'harmonie. A !a
même heure, un feu d'artifice sera tiré à !a barrière du Trône.
L'Hôtet.de-Vitte, lesChamps-Etysées et tous les édifices pubiics se-
ront ittuminés.
Depuis hier matin ou relève avec une grande activité aux Tuileries
et dans les Chainps-Etysëës les ifs, tes mats et les théâtres de juitt~t pour
la fête de la naissfnce du comte de Paris. Le feu d'artifice. qui, il y a un
mois, a occasioné de fortes dégradatious au pont Louis XVI, sera place
à l'entrée du quai d'Orsay, prés de la chambre des députée.
Lors d''s réceptions ch?z te roi qui ont eu lieu hier à l'occasion de
l'heureuse délivrance de S.A.R, Mm" la duchesse d'Orléans, S. M.
ayant aperçu au milieu desoffioersqui passaient devant fUe un lieu-
tenant de chasseurs ampute, l'a présente à M. !e ministre des finances.
« Voici un brave qui a perdu son avenir militaire, a dit le roi. Je vous te
recommande U peut encore servir utilement son pays.
Aujourd'hui, après le dente, MM. les officiers de l'éta'-major de la
garde nationale ont complimente M. le gênera) Jacquinot sur te nouveau
grade que le roi vient de lui conférer, et ils lui ont. spontanément offert
des épautettes dr tieutenantgéuërat. Le générât les a vivemfntremerciéa
et leur a promis de conserver ce~ epaulettes, et, à t'eceaiiion, de les dé-
fendre comme un précieux souvenu'.
–M. le président du conseil, ministre des affaires étrangères ne re-
cavra pa-. demain mardi 2S août, mais it recevra mardi 4 septembre et les
mardis suivans.
–Une solennité touchante a eu lien hierdam la sstte duVaux-
hatt, sous la présidence de M. te préfet de la Seine. M. le maire et
l'adjoint du 5e arrondissement, ont fait ta distribution des prix aux f-cotes
pr maires d'adultes et d'enf~nsd's quartiers St-Denis et Saiuf-Mariin.
M. te maire a annoncé aux jf.unes lauréats que le roi, la reine, Mme
Adélaïde et M neL duchfsse u'O 'téans ette-mëme, avaient envoyé pour
cette distribution plusieurs tivrcts de la cai-.se d'épargne ft. divers obje'.s
étégans tels que livres, boites à dessin, boîtes de mathématiques, eic.
M. le msire a également fait connaire ~'t'assemblée que la banque
phita~tropiqu'* tui avait fait remettre une somme de 520 fr.; cette somme
a servi à achfter S tivrets de SO, 40 et 50 fr., qui ont été remis aux mfit-
leurs étévfs des huit èco'es présetts à la distribution.
M. do R~mbuteau a adressé aussi aux jcunesétèves quelques paroles
peines de convenance sur tt-s améliorations et l'accroissement d~ t'ins-
truoiM) primaire dans Paris. Le nombre des écohs gratuitfs est de cent.
cinq':ante-sep!, quaud il y a ving! ans on nen comptait que trois. Le
nombre d-'s élèves esi mon ë de 23 mit)e a o9 milte.
Venriredi soi' au moment où te spectacle unissait a Beauvais, un
acteur s'est avancé sur la scène, et a lu, d'après l'ordre de M. le préfet.
la dcpech.* annonçant t'accouchemen) de M~e la duchesse d'Orléans. La
nouvc'te a été accueUtie par les cris unanimes et protongés de /~e /c
7'0t
La caisse d'épargne de Paris a reçu dimanche 26 et lundi 37 août
1858, de 5.714 déposans, dont 6i7 nouveaux, la somme de 311,5S8 fr.
Les rcmboursemens demandés !ie sont élevé;! à la somme de 536,300 fr.
Voici ce qu'o:t écrit d'Albi, 20 août, à I'7?/Ha;tez~a~o/! du AM/:
« Le maréchal Soutt est arrivé à A!!)i tner dimanche, à cinq heures de
l'après-midi. A peine cette nouvelle fut ette connue du pub'ic, que les
musiciens de notre ex-garde nationale s'empressèrent de se )éunir pour
lui offrir une sérénade.
Dès t'entrée de la nuit, une foule immense de promeneurs assiégea
les avenues de la préfecture. Chacun cherchait à voir le duc de Dalma-
tie, ce vieux sotdat de la répubSiqu' et de l'empire, cet illustre repré-
sent-mt de la France au sacre de Victoria. C'est que cette illustration mi-
litaire a grandi d.' toute la hauteur de sa première réputation depuis son
veyage en Angleterre; c'est qu'it a remporté sur cette nation intetii-
genteune v)ctoirequ'it n'aurait j~a-, conquise en cent ba'aitfes. car il a
obtenu la manifestation la plus éclatante des généreuses sympa!hies qui
animent aujourd'hui le peopte anglais envers la révolution françaisB.
Au mUieu de la sérénade, M. le duc de Datmaiie s'est présenté aux
musiciens et au pubtic pour témoigner combien il était sensible aux
honneurs qu'on lui accordait, et dont it conservera toujours te souvenir.
A Cftte attocutiôn flatteuse, tfs musiciens ont répondu par les airs de
/a ~ar~et7/~Me et de ~a .Pa~M;'e/!Me.
Toute la ville d'AIbi s'était, pour ainsi dire, donné rendez-vous sur
la promenade des Lices, et l'on conçoit l'enthousiasme patriotique qui
exaltait tous les esprits.
Aujourd'hui, 20 août, le eons~it-général a ouvert sa session. M. le
duc de Dalmatie a été nommé PREStDENT a l'unanimité, et M. R'ga).
docteur-médecin, secrétaire.
–C'est à nu neveu de M. le.comte d'Appony, et non pas à M. l'am-
bassadeur lui-même, que se rapporte l'aventure dont Nous avons rendu
compte hier.
-Voici une lettre quf nous devons croire authentique. Eile est de
MM. les membres du conseil-général du département de la Loire-ïnfé-
rifûre. Gomme c'est un document et une démarche qui touche au prin-
cipe sacré de la limitation des pouvoirs, nous attendrons pius amptes
informations pour y rattacher les réflexions qu'elle doit éveiiler
Monsieur le ministre,
x L'aTt. 7 de la tôt du 10 mars 1858 nous donne te droit de vous adresser
tes r~ctanmfionsqtie Bous aurions à présenter dans t'intcret spécial, du dé-
partement, ainsi que catre opinion sur )'état et tes besoins des différens ser-
vices publics en ce qui touche le département.
L'usage de ce droit devient, dans )cs cirQonstaccfs actuelles, un impé-
rieux devotr. Depuis cinq an* chaque session a été pour nous l'occasion de
plaintes; et de griefs contre M le préfet. Nous avons été jusqu'à vous décla-'
rer qu'il n'y avait pas entre lui et )e conseil cette harmonie sans taqnette
ne peut se faire le bien du pays. Plusieurs de nos députés vous ont, à di-
verses époques, signalé les difncuitës d'une telle situation, la nécessite pour
ce magistrat, pour nous, pour le département, qu'i! y fut porté remède.
x En se prolongeant, ce facheuï état de choses n'a fait que s'aggraver.
Aujourd'hui, entre le premier fonctionnaire du département et le consei)-
gënérat, écho trop Bdèteence point de l'opinion publique, it n'est pas d'ac-
cord possible.
Vous avez a examiner, monsieur le ministre, si dans cette fâcheuse oc-
currence il faut éloigner le magistrat qui a eu le math~ur, non seulement de
ne point s'entendre avec son conseit-géncrat, mais encore de s'environner
dans son département d'une impopularité qui réagit surt'inuuence gouver-
nementate, ou si vous dissoudrez un conseil qui ne demandait qu'une plus
heureuse impulsion pour seconder de tous ses efforts faction administra-
t;ve.
f Nous savans qu'en provoquant une pareitte opinion nous faisons une dé-
marche grave, capitale; nous avons tong-temps recuté devant ettc; mais un
plus long retard serait coupable. Nous'vou* devens nos réctimations dans
i'fntérét du département, notre opinion sur les services publics. Eh bien!
tous les services publics souffrent, et le premier intérêt du département., ce-
luid'une bonne administration gênérate, est probabtementbtessé.
Si nos observations avaient le malheur de ne pas être comprises, vaus
auriez, pour la session prochaine à demander au département d'autres élus,
car nous aurions la conscience de ne pouvoir plus être utites.* n
Une fille de Thionville, reconnu'' coupable de sept infanticide
commis sur ses propres enfans, a été condamnée a mort le 35, par la cour
d'assises de Metz.
Les assassins de la femme Renaud ont fait des avcnx. Le couteau
qui a servi à frapper la victime a été saisi ce matin au Petit Gentitty,
chez un forçat libéré.
ADMNKTRATION DES POSTES.
~MaMp'tM~c.–L'adjudication de t'entreprise du transport des dépê-
ches, sur tes~ routes de Paris a Sentis, de Paris à Mcaux, etdeParisàChan-
ti!)y, à taquette il devait être procédé, en séance publique du conseit des
postes, le mercredi 29 de ce moi! ne pouvant avoir tien au jour indiqué,
attendu que ce jour est consacré aux fêtes et réjouissances données a l'occa-
sion de ta naissance de S. A. R. te comte de Paris, te pubtic est prévenu
que cette adju tication est remise au 5 septembre prochain..
En conséquence, les soumissionnaires devront se présenter en la Mtte du
conseil des postes, le mercredi 5 septembre, à midi précis.
VÀ~MB'ilS~.
DES CHEVEUX BLONDS A UNE FENÊTRE (~.
§ IIL TJKE FEMME EN COLÈRE.
Le capucin sortit en saluant le cavalier, et cetui-ci courut aussitôt
dans l'appartement de Van-Dick. A demi plongé au fond d'un grand
et moelleux fauteuil en tapisserie, le peintre se laissait aller à ces mille
fantaisies qui caressent et stimulent l'imagination, lorsqu'une impres-
sion vive l'a naguère émue. Toutes tes circonstances de la journée qui
venait de s'écouler passaient lentement devant son souvenir et se do-
raient de reflets chatoyans et merveilleux. Il entendait éclater le rire
naïf des deux enfans il se sentait inonde de roses, il voyait les blon-
des têtes se réfugier derrière le rideau; la fenêtre se refermait et se
rouvrait avec un petit bruit; puis son âme s'épanouissait, quand la
jeune Ctlè revenait avec sécurité se pencher sur le balcon; il frémissait
à sa voix, il baissait lis yeux, comme durant le souper, sous les re-
gards timides de la ravissante créature. Et tout-s-coup, son cceur
se serrait douloureusement, car il pensait que bientôt, sans doute,
il ne la verrait peut-être plus, et que cette apparition radieuse, une
Jais enfuie, te laisserait dans une obscurité profonde. C'est un bon-
heur, peut-être; car des rêves dangereux s'éveillaient dans son imagi-
nation Oui, il faut qu'il ne la revoie plus; il faut qu'il parte demain,
aujourd'hui, à l'instant même, car il se sent enraye de la violence de
ce qu'il éprouve.
Comme il se levait brusquement et en sursaut, son hôte entra et
vints'asseoirprèsdelui.
Van-Dick, lui dit-il, je viens requérir de vous un service que
toute ma gratitude ne saurait assez reconnaître. Je veux vous con-
fier un secret qui vous prouvera l'est'me sans bornes que vous
m'inspirez. Je pars tout-â-1'heure pour Paris où m'appelle une affaire
dans laquelle il y va de ma vie peut-être. Il faut que ma pupille m'ac-
compagne dans cette vitte, ou qu'elle reparte pour l'Angleterre. J'ai
jure de ne jamais me séparer d'elle, et de veiller comme un père
sur la chaste et pure enfant; elle me huivra donc à Paris. Comme elle
ne peut ni partir, ni arriver en même temps que moi, elle ne quit-
tera Matines que demain matin c'est à vous que je con6e le soin de
me l'amener. Ëtte changera de nom et passera pour votre sœur. Vous
lui choisirez un logement voisin du logement que j'occuperai moi-
même dans les environs du Louvre. Enfin, vous allez me jurer sur
l'honneur que jamais vous ne révélerez rien, ni du service que je vous
demande, ni de ce que le hasard pourrait vous apprendre de mes se-
crets M'en faites-vous le serment?
Van-Dick plein de surprise et d'émotion, porta la main sur sa poi-
trine, par un geste expressif et solennet.
Merci je me fie à vous comme à un ami, comme à un frère 1
croyez que George Yitliers de Buckingham ne sera pas un ingrat.
Le duc de Buckingham! s'écria Van-Dick en s'inclinant! ô
mes rêves, mes rêves insensés pensa-t-il en même temps, disparaissez
pour toujours! car entre Marie et moi il y a de fatales distances' It y
a d'infranchissables distances de rangs.
Ainsi, demain matin, au point du jour, vous partirez seul.avec
Marie et son frère, une vieille gouvernante qui l'a élevée vous ac-
compagnera. Je vais prévenir ma pupille; adieu Van-Dick, à Paris.
Dès que vous serez arrivé, je vous ferai parvenir de nouvelles ins-
tructions.
Quand il eut pris congé du peintre qui ne savait s'il dormait ou
s'il était éveitté, te duc de Buckingham se rendit près de Marie dont
la surprise et l'émotion ne furent pas moindres que ne l'avait été l'é-
tonnement de Van-Dick! il ordonna .à tous ses gens de se tenir prêts
à repartir, sur l'heure même, pour Londres, et passa dans le salon
où le capucin reparut bientôt.
Il vous faut à présent prendre un déguisement, cachez vos che-
veux noirs sous une perruque Monde; au heu d'un pourpoint de ve-
lours, revêtez cette casaque de laine et ces hauts de chausses gros-
siers. Maintenant, tâchez de vous défaire de vos allures de grand sei-
gneur prenez des manières humbles et songez bien que Fran ois Bats
lui-mome doit vous croire un pauvre hère. Dans la voiture vous occu-
perez la plus mauvaise place; vous n'adresserez la parole à personne
sans être interrogé, et vous vous garderez bien de prononcer un seul
mot anglais. En route maintenant Que Dieu nous conduise!
Le duc et le capucin montèrent dans la voiture où se trouvait déjà
François Hals profondément endormi. Les chevaux partirent au
galop et laissèrent bientôt Malines derrière eux.
Malgré les recommandations du capucin, le duc, oublieux de son
déguisement, avait pris la place d'honneur de ta voiture, et, sans songer
à ses deux compagnons de route, se laissait atter aux pensées impé-
tueuses qui l'assaillissaient de toutes parts. Il s'agitait, il laissait échap-
per des soupirs; il proférait des paroles entrecoupées; il se passait les
mains sur le front; et plus d'une fois ses lèvres tremblantes balbutiè-
rent un nom de femme. Le capucin regardait d'un œil surpris et cu-
rieux ces mouvemens desordonnés, produits par une passion qu'il
n'avait jamais éprouvée et qu'il ne comprenait même pas. Pour lui,
c'était une énigme qu'une pareiiie folie produite par l'idée seule de revoir
bientôt une femme aimée! Car non-seulement Buckingham, pour ob-
tenir un rendez-vous de cette femme, n'avait point hésité à former
une alliance avec ceux qu'il regardait comme ses ennemis, mais en-
core il acceptait, sans une seule objection, des conditions qu'il eût re-
ponsscesavec indignation en toute autre circonsiance; enfin ils'exposait
à des périls, inévitab'es, et il ne risquait rien moins que sa liberté et sa
vie p~'ut-être. Tout ceta, pour un amour impossible. Tout cela, pour
entrevoir unefemme tremblante et en larmes. Toutcela, pour satisfaire
un caprice que l'on ne pardonnerait point à une jeune tille! La fièvre et
la catalepsie sont donc des maladies moins redoutables que l'amour
Buckihgbam passa le reste de la nuit à soupirer, et le capucin à
méditer sur la passion, sans échanger une seule parole; mais quand
le jour naissant éclaira l'intérieur de la voiture, le religieux se pencha
versieduc:
Milord, lui dit-il, il est temps de reprendre votre rôle. Cet ivro-
gne s'éveille du lourd sommeil qu'il doit à la bierre dont il s'est gor-
gé outre mesure hier soir, et je ne pense point qu'il soit prudent de
lui montrer son apprenti peintre à la place d'honneur. Je vous engage
encore une fois à vous observer et à garder pour vous certaines pa-
roles dont vous vous êtes montré prodigue' cette nuit. L'entreprise où
nous courons n'est point chose si facile et sans peu de dangers qu'il
faille la confier au premier venu et mettre tout le monde au courant
devosaBaires.
Voici déjà bien des leçons que vous me donnez, répliqua sèche-
mentleduc.
C'est que je joue gros jeu sur votre partie, mylord. Du reste, il
en sera ce que vous voudrez.
Le duc, sans répondre, changea de place avec le capucin et ils ne
prononcèrent pas un mot jusqu'au réveil de François Hais; réveil qui
(1) Voir !a Presse des 26 et 27 août.
se fit attendre plus d'une heure encore. Mais a h fin, te peintre étendit
les bras, ouvrit ta'bouche, bfiitta d'une façon dcmesurÔL', )uurMtU!a te
nom de Brigitte,.et retomba dans un assoupissement qui ne résista
point long-tcn.ps aux cahots de ta voiture. Aiors. Fian~bis Hais ouvrit
les yeux tout a-fait, et quand il vit devant tuile capucin et le jeune
homme, qLaod il se trouva dans un carrosse emporte par des che-
vaux au galop, ses traits prirent une expression si comique, que Buc-
kingham partit d'un éclat de rire et que le front impassible et grave
du capucin se dérida quoique peu..
De par saint François, mon patron! voilà une singulier rêve,
murmura le Flamand qui se frottait les yeux.
Ce n'est point un rcvë; c'est une réalité.
Où m'emmène-t-on ?
–En France.
Pourquoi?
–Pour y peindre un portrait de femme?
Je ne veux point aller en France. Faites arrêter ta voiture. Je
prétends mettre pied à terre.
Cela est impossible, mon maître, et pour trois raisons; la pre-
mière, c'est que vous vous trouvez à vingt-cinq lieues de Malines la
seconde, c'est que je ne le veux pas, et la troisième, c'est que ce jeu-
ne homme, votre futur apprenti, vous caresserait de sa dague à la
moindre tentative d'évasion.
Voilà une manière d'argumenter à laquelle il ne se trouve rien
à répondre. Mais, du moins, vous m'expliquerez comment je me trou-
ve dans cette voiture?
Rien de plus simple j'ai présente à votre bourgmestre un ordre
signé de ta gouvernante des Pays-Bas, la princesse Clara Eugéhia.
Cet ordre enjoignait de me livrer, bon gré, mat gré, le peintre
François Hals. Le bourgmestre a fait appeler quatre de ses estaftïers
et m'a conduit au cabaret où vous vous étiez enivré. Les estaffiers vous
ont pris sur leurs bras et apporté dans cette voiture. Yoità tout.
Et ma femme dans quelle inquiétude, dans quelle colère ne va-
t-elle pas se trouver?
Ah! vous avez une femme?
Qui va faire retentir de ses cris toute la ville de Matines, jusqu'à
ce qu'elle ait retrouvé son'mari.
Ette ne le retrouvera pas; du moins de quelques semaines. Le
bourgmestre la rassurera sur votre sort, sans toutefois lui appren-
dre en quels lieux vous vous trouvez, car il l'ignore lui-même.
Qui donc êtes-vous tous les deux pour disposer ainsi d'ordres
signés par la gouvernante des Pays-Bas, et faire obéir le bourgmestre,
comme un chien obéit à son maître?
–Un capucin indigne.
Un apprenti peintre..
Décidément, je fais un rêve, dit François Hals en se frottant de
nouveau les yeux.
Non, tu ne rêves point du tout, s'écria Buckinghàm en jetant sûr
les genoux de l'artiste une bourse pleine d'or.
–TuMeu, l'apprenti! fit François Hals en pesant la bourse: pour
un broyeur de couleurs, vous avez la parole prompte, la poche bien
garnie et la main généreuse 1
C'est un a-compte sur le prix du portra!t que vous allez faire, se
hâta d'interrompre le capucin. J'ai remis tout à l'heure pour vous, à
votre apprenti, l'argent qu'il vous a jeté. Comme il a le caractère
espiègle, il a trouvé rejouissantde vous donner cette bourse d'une ma-
nière drolatique.
Oui dà reprit François Hais, mon apprenti est d'an caractère
plaisant, tant mieux. Il a de l'or plein ses poches, tant mieux encore I
Les bourses qu'il donne sont brodées en perles et portent un btazon
que je ne connais point, mais que surmonte une couronne d~cMè;taàt
pis car je prévois que mes couleurs seront mal broyées~d'autNtfpnS'
qu'il a les mains btanches, petites et deHcates! Maiss~ta/~uco~
d'argumens du poids de cette bourse, je ne le gronderai quefp~ë~
le battrai pas, comme il est d'usage d'en user avec un maladjStC~g~
ti. N'avez-vous rien à medonner a boire~legosiér me b~
tangue sèche à ne pouvoir parler. Le capucin prit dans una~
de la voiture un flacon qu'il présenta à François Hals. Cetu~t deba~ <~
cha la bouteille, la porta à ses lèvres et la vida d'un seul trait"u~~
Ce vin là sortit-il des caves de mon apprenti? demanda-t-ild~un
ton goguenard.
Buckingham laissa échapper un geste d'impatience, et teretigieœe
lui fit un signe pour lui recommander la patience encore quelques
instans. En effet, quelques instans après avoir vidé la bouteille, la tête
de François Hals s'abaissa sur sa potrine, ses yeux se fermèrent, et
un rigoureux ronnement annonça qu'il s'était endorm thh~ sommeil
profond.
Ce vin contient un somnifère qui nous débarrassera des ques-
tions de cet homme. J'avais prévu qu'il ne manquerait pas d'inter-
préter les indiscrétions que vous ne manqueriez pas de commettre,
mylord; c'est pourquoi je m'étais muni, par précaution, de ce vin
préparé. Vouspouvez maintenant reprendre votre place, et vous livrer
a toutes les exclamations que vous jugerez à propos de pousser. Nous
voilà sans témoin jusqu'à Paris.
Pendant que la voiture du capucin emmenait rapidement vers Pa-
ris le duc de Buckinghàm et François Hals, Van-Dyck réfléchissait
à la singulière position dans laquelle te hitsard t'avait jeté, et nese sen-
tait pas plus disposé à dormir que le noble lord, agité par l'impatience
et par l'amour. Quoi! Marie, la fille du comte de. Rhutven! ta pu-
pille du duc de Buckingham se trouve placée sous sa protection! H
va faire un long voyage avec elle! Elle prend le nom de sa sœur!
Marie Oh c'est trop de bonheur c'est trop de périls Le trouble
qu'il ressent, l'agitation qu'il éprouve. les pensées, qui se heurtent
autour de son front, l'inquiètent avec juste raison, et ne lui font que
trop redouter ce doux et funeste voyage S'il pouvait fuir à présent,
s'il pouvait né ptus revoir .Marie, peut-être, a force de temps et d'aB-
sence, ëtouifemit-il dans son cœur un sentiment dont ta force l'étonné
et l'épouvante déjà. Mais il faut qu'il reste près d'elle, il faut qu'il la
voie sans cesse Il faut qu'il ne la quitte point, pendant des semaines,
pendant des mois, sans doute! Mon Dieu! de telles épreuves ne sur-
passeront-eltcs point ses forces? Aura-t-il le courage de cacher sa pas-
sion insensée? Il le faut pourtant; car la nobte fille de lord Rhutvem
repousserait du pied, avec un sourire de mépris et de dédain, l'amour
d'un pfintre Àthms du courage 1 et loin, bien loin des rêves extrava-
gans Essayons de dormir, le sommeil me calmera et me donnera de
la force
Et néanmoins, quand vint le point du jour, il marchait encore
grands pas dans sa chambre. Aussi, lorsqu'on frappa doucement à ta
porte, il ouvrit aussitôt. C'était la gouvernante de lady Ruthven,
mistriss Sarah, vieille beauté émérite, quelque peu bavarde,liseuse in-
fatigable de romans de chevalerie, et qui ne se sentait point de joie des
événemens romanesques au milieu desquels la volonté du duc la jetait
avec sa jeune maîtresse.
–Lady Marie me charge de vous prévenir qu'elle se trouve prête
à partir, lit-elle avec une de ses plus pompeuses et de ses plus pn*-
fondes révérences.
Je suis aux ordres de lady Marie, répliqua Van-Dick, et il sui-
même heure, un feu d'artifice sera tiré à !a barrière du Trône.
L'Hôtet.de-Vitte, lesChamps-Etysées et tous les édifices pubiics se-
ront ittuminés.
Depuis hier matin ou relève avec une grande activité aux Tuileries
et dans les Chainps-Etysëës les ifs, tes mats et les théâtres de juitt~t pour
la fête de la naissfnce du comte de Paris. Le feu d'artifice. qui, il y a un
mois, a occasioné de fortes dégradatious au pont Louis XVI, sera place
à l'entrée du quai d'Orsay, prés de la chambre des députée.
Lors d''s réceptions ch?z te roi qui ont eu lieu hier à l'occasion de
l'heureuse délivrance de S.A.R, Mm" la duchesse d'Orléans, S. M.
ayant aperçu au milieu desoffioersqui passaient devant fUe un lieu-
tenant de chasseurs ampute, l'a présente à M. !e ministre des finances.
« Voici un brave qui a perdu son avenir militaire, a dit le roi. Je vous te
recommande U peut encore servir utilement son pays.
Aujourd'hui, après le dente, MM. les officiers de l'éta'-major de la
garde nationale ont complimente M. le gênera) Jacquinot sur te nouveau
grade que le roi vient de lui conférer, et ils lui ont. spontanément offert
des épautettes dr tieutenantgéuërat. Le générât les a vivemfntremerciéa
et leur a promis de conserver ce~ epaulettes, et, à t'eceaiiion, de les dé-
fendre comme un précieux souvenu'.
–M. le président du conseil, ministre des affaires étrangères ne re-
cavra pa-. demain mardi 2S août, mais it recevra mardi 4 septembre et les
mardis suivans.
–Une solennité touchante a eu lien hierdam la sstte duVaux-
hatt, sous la présidence de M. te préfet de la Seine. M. le maire et
l'adjoint du 5e arrondissement, ont fait ta distribution des prix aux f-cotes
pr maires d'adultes et d'enf~nsd's quartiers St-Denis et Saiuf-Mariin.
M. te maire a annoncé aux jf.unes lauréats que le roi, la reine, Mme
Adélaïde et M neL duchfsse u'O 'téans ette-mëme, avaient envoyé pour
cette distribution plusieurs tivrcts de la cai-.se d'épargne ft. divers obje'.s
étégans tels que livres, boites à dessin, boîtes de mathématiques, eic.
M. le msire a également fait connaire ~'t'assemblée que la banque
phita~tropiqu'* tui avait fait remettre une somme de 520 fr.; cette somme
a servi à achfter S tivrets de SO, 40 et 50 fr., qui ont été remis aux mfit-
leurs étévfs des huit èco'es présetts à la distribution.
M. do R~mbuteau a adressé aussi aux jcunesétèves quelques paroles
peines de convenance sur tt-s améliorations et l'accroissement d~ t'ins-
truoiM) primaire dans Paris. Le nombre des écohs gratuitfs est de cent.
cinq':ante-sep!, quaud il y a ving! ans on nen comptait que trois. Le
nombre d-'s élèves esi mon ë de 23 mit)e a o9 milte.
Venriredi soi' au moment où te spectacle unissait a Beauvais, un
acteur s'est avancé sur la scène, et a lu, d'après l'ordre de M. le préfet.
la dcpech.* annonçant t'accouchemen) de M~e la duchesse d'Orléans. La
nouvc'te a été accueUtie par les cris unanimes et protongés de /~e /c
7'0t
La caisse d'épargne de Paris a reçu dimanche 26 et lundi 37 août
1858, de 5.714 déposans, dont 6i7 nouveaux, la somme de 311,5S8 fr.
Les rcmboursemens demandés !ie sont élevé;! à la somme de 536,300 fr.
Voici ce qu'o:t écrit d'Albi, 20 août, à I'7?/Ha;tez~a~o/! du AM/:
« Le maréchal Soutt est arrivé à A!!)i tner dimanche, à cinq heures de
l'après-midi. A peine cette nouvelle fut ette connue du pub'ic, que les
musiciens de notre ex-garde nationale s'empressèrent de se )éunir pour
lui offrir une sérénade.
Dès t'entrée de la nuit, une foule immense de promeneurs assiégea
les avenues de la préfecture. Chacun cherchait à voir le duc de Dalma-
tie, ce vieux sotdat de la répubSiqu' et de l'empire, cet illustre repré-
sent-mt de la France au sacre de Victoria. C'est que cette illustration mi-
litaire a grandi d.' toute la hauteur de sa première réputation depuis son
veyage en Angleterre; c'est qu'it a remporté sur cette nation intetii-
genteune v)ctoirequ'it n'aurait j~a-, conquise en cent ba'aitfes. car il a
obtenu la manifestation la plus éclatante des généreuses sympa!hies qui
animent aujourd'hui le peopte anglais envers la révolution françaisB.
Au mUieu de la sérénade, M. le duc de Datmaiie s'est présenté aux
musiciens et au pubtic pour témoigner combien il était sensible aux
honneurs qu'on lui accordait, et dont it conservera toujours te souvenir.
A Cftte attocutiôn flatteuse, tfs musiciens ont répondu par les airs de
/a ~ar~et7/~Me et de ~a .Pa~M;'e/!Me.
Toute la ville d'AIbi s'était, pour ainsi dire, donné rendez-vous sur
la promenade des Lices, et l'on conçoit l'enthousiasme patriotique qui
exaltait tous les esprits.
Aujourd'hui, 20 août, le eons~it-général a ouvert sa session. M. le
duc de Dalmatie a été nommé PREStDENT a l'unanimité, et M. R'ga).
docteur-médecin, secrétaire.
–C'est à nu neveu de M. le.comte d'Appony, et non pas à M. l'am-
bassadeur lui-même, que se rapporte l'aventure dont Nous avons rendu
compte hier.
-Voici une lettre quf nous devons croire authentique. Eile est de
MM. les membres du conseil-général du département de la Loire-ïnfé-
rifûre. Gomme c'est un document et une démarche qui touche au prin-
cipe sacré de la limitation des pouvoirs, nous attendrons pius amptes
informations pour y rattacher les réflexions qu'elle doit éveiiler
Monsieur le ministre,
x L'aTt. 7 de la tôt du 10 mars 1858 nous donne te droit de vous adresser
tes r~ctanmfionsqtie Bous aurions à présenter dans t'intcret spécial, du dé-
partement, ainsi que catre opinion sur )'état et tes besoins des différens ser-
vices publics en ce qui touche le département.
L'usage de ce droit devient, dans )cs cirQonstaccfs actuelles, un impé-
rieux devotr. Depuis cinq an* chaque session a été pour nous l'occasion de
plaintes; et de griefs contre M le préfet. Nous avons été jusqu'à vous décla-'
rer qu'il n'y avait pas entre lui et )e conseil cette harmonie sans taqnette
ne peut se faire le bien du pays. Plusieurs de nos députés vous ont, à di-
verses époques, signalé les difncuitës d'une telle situation, la nécessite pour
ce magistrat, pour nous, pour le département, qu'i! y fut porté remède.
x En se prolongeant, ce facheuï état de choses n'a fait que s'aggraver.
Aujourd'hui, entre le premier fonctionnaire du département et le consei)-
gënérat, écho trop Bdèteence point de l'opinion publique, it n'est pas d'ac-
cord possible.
Vous avez a examiner, monsieur le ministre, si dans cette fâcheuse oc-
currence il faut éloigner le magistrat qui a eu le math~ur, non seulement de
ne point s'entendre avec son conseit-géncrat, mais encore de s'environner
dans son département d'une impopularité qui réagit surt'inuuence gouver-
nementate, ou si vous dissoudrez un conseil qui ne demandait qu'une plus
heureuse impulsion pour seconder de tous ses efforts faction administra-
t;ve.
f Nous savans qu'en provoquant une pareitte opinion nous faisons une dé-
marche grave, capitale; nous avons tong-temps recuté devant ettc; mais un
plus long retard serait coupable. Nous'vou* devens nos réctimations dans
i'fntérét du département, notre opinion sur les services publics. Eh bien!
tous les services publics souffrent, et le premier intérêt du département., ce-
luid'une bonne administration gênérate, est probabtementbtessé.
Si nos observations avaient le malheur de ne pas être comprises, vaus
auriez, pour la session prochaine à demander au département d'autres élus,
car nous aurions la conscience de ne pouvoir plus être utites.* n
Une fille de Thionville, reconnu'' coupable de sept infanticide
commis sur ses propres enfans, a été condamnée a mort le 35, par la cour
d'assises de Metz.
Les assassins de la femme Renaud ont fait des avcnx. Le couteau
qui a servi à frapper la victime a été saisi ce matin au Petit Gentitty,
chez un forçat libéré.
ADMNKTRATION DES POSTES.
~MaMp'tM~c.–L'adjudication de t'entreprise du transport des dépê-
ches, sur tes~ routes de Paris a Sentis, de Paris à Mcaux, etdeParisàChan-
ti!)y, à taquette il devait être procédé, en séance publique du conseit des
postes, le mercredi 29 de ce moi! ne pouvant avoir tien au jour indiqué,
attendu que ce jour est consacré aux fêtes et réjouissances données a l'occa-
sion de ta naissance de S. A. R. te comte de Paris, te pubtic est prévenu
que cette adju tication est remise au 5 septembre prochain..
En conséquence, les soumissionnaires devront se présenter en la Mtte du
conseil des postes, le mercredi 5 septembre, à midi précis.
VÀ~MB'ilS~.
DES CHEVEUX BLONDS A UNE FENÊTRE (~.
§ IIL TJKE FEMME EN COLÈRE.
Le capucin sortit en saluant le cavalier, et cetui-ci courut aussitôt
dans l'appartement de Van-Dick. A demi plongé au fond d'un grand
et moelleux fauteuil en tapisserie, le peintre se laissait aller à ces mille
fantaisies qui caressent et stimulent l'imagination, lorsqu'une impres-
sion vive l'a naguère émue. Toutes tes circonstances de la journée qui
venait de s'écouler passaient lentement devant son souvenir et se do-
raient de reflets chatoyans et merveilleux. Il entendait éclater le rire
naïf des deux enfans il se sentait inonde de roses, il voyait les blon-
des têtes se réfugier derrière le rideau; la fenêtre se refermait et se
rouvrait avec un petit bruit; puis son âme s'épanouissait, quand la
jeune Ctlè revenait avec sécurité se pencher sur le balcon; il frémissait
à sa voix, il baissait lis yeux, comme durant le souper, sous les re-
gards timides de la ravissante créature. Et tout-s-coup, son cceur
se serrait douloureusement, car il pensait que bientôt, sans doute,
il ne la verrait peut-être plus, et que cette apparition radieuse, une
Jais enfuie, te laisserait dans une obscurité profonde. C'est un bon-
heur, peut-être; car des rêves dangereux s'éveillaient dans son imagi-
nation Oui, il faut qu'il ne la revoie plus; il faut qu'il parte demain,
aujourd'hui, à l'instant même, car il se sent enraye de la violence de
ce qu'il éprouve.
Comme il se levait brusquement et en sursaut, son hôte entra et
vints'asseoirprèsdelui.
Van-Dick, lui dit-il, je viens requérir de vous un service que
toute ma gratitude ne saurait assez reconnaître. Je veux vous con-
fier un secret qui vous prouvera l'est'me sans bornes que vous
m'inspirez. Je pars tout-â-1'heure pour Paris où m'appelle une affaire
dans laquelle il y va de ma vie peut-être. Il faut que ma pupille m'ac-
compagne dans cette vitte, ou qu'elle reparte pour l'Angleterre. J'ai
jure de ne jamais me séparer d'elle, et de veiller comme un père
sur la chaste et pure enfant; elle me huivra donc à Paris. Comme elle
ne peut ni partir, ni arriver en même temps que moi, elle ne quit-
tera Matines que demain matin c'est à vous que je con6e le soin de
me l'amener. Ëtte changera de nom et passera pour votre sœur. Vous
lui choisirez un logement voisin du logement que j'occuperai moi-
même dans les environs du Louvre. Enfin, vous allez me jurer sur
l'honneur que jamais vous ne révélerez rien, ni du service que je vous
demande, ni de ce que le hasard pourrait vous apprendre de mes se-
crets M'en faites-vous le serment?
Van-Dick plein de surprise et d'émotion, porta la main sur sa poi-
trine, par un geste expressif et solennet.
Merci je me fie à vous comme à un ami, comme à un frère 1
croyez que George Yitliers de Buckingham ne sera pas un ingrat.
Le duc de Buckingham! s'écria Van-Dick en s'inclinant! ô
mes rêves, mes rêves insensés pensa-t-il en même temps, disparaissez
pour toujours! car entre Marie et moi il y a de fatales distances' It y
a d'infranchissables distances de rangs.
Ainsi, demain matin, au point du jour, vous partirez seul.avec
Marie et son frère, une vieille gouvernante qui l'a élevée vous ac-
compagnera. Je vais prévenir ma pupille; adieu Van-Dick, à Paris.
Dès que vous serez arrivé, je vous ferai parvenir de nouvelles ins-
tructions.
Quand il eut pris congé du peintre qui ne savait s'il dormait ou
s'il était éveitté, te duc de Buckingham se rendit près de Marie dont
la surprise et l'émotion ne furent pas moindres que ne l'avait été l'é-
tonnement de Van-Dick! il ordonna .à tous ses gens de se tenir prêts
à repartir, sur l'heure même, pour Londres, et passa dans le salon
où le capucin reparut bientôt.
Il vous faut à présent prendre un déguisement, cachez vos che-
veux noirs sous une perruque Monde; au heu d'un pourpoint de ve-
lours, revêtez cette casaque de laine et ces hauts de chausses gros-
siers. Maintenant, tâchez de vous défaire de vos allures de grand sei-
gneur prenez des manières humbles et songez bien que Fran ois Bats
lui-mome doit vous croire un pauvre hère. Dans la voiture vous occu-
perez la plus mauvaise place; vous n'adresserez la parole à personne
sans être interrogé, et vous vous garderez bien de prononcer un seul
mot anglais. En route maintenant Que Dieu nous conduise!
Le duc et le capucin montèrent dans la voiture où se trouvait déjà
François Hals profondément endormi. Les chevaux partirent au
galop et laissèrent bientôt Malines derrière eux.
Malgré les recommandations du capucin, le duc, oublieux de son
déguisement, avait pris la place d'honneur de ta voiture, et, sans songer
à ses deux compagnons de route, se laissait atter aux pensées impé-
tueuses qui l'assaillissaient de toutes parts. Il s'agitait, il laissait échap-
per des soupirs; il proférait des paroles entrecoupées; il se passait les
mains sur le front; et plus d'une fois ses lèvres tremblantes balbutiè-
rent un nom de femme. Le capucin regardait d'un œil surpris et cu-
rieux ces mouvemens desordonnés, produits par une passion qu'il
n'avait jamais éprouvée et qu'il ne comprenait même pas. Pour lui,
c'était une énigme qu'une pareiiie folie produite par l'idée seule de revoir
bientôt une femme aimée! Car non-seulement Buckingham, pour ob-
tenir un rendez-vous de cette femme, n'avait point hésité à former
une alliance avec ceux qu'il regardait comme ses ennemis, mais en-
core il acceptait, sans une seule objection, des conditions qu'il eût re-
ponsscesavec indignation en toute autre circonsiance; enfin ils'exposait
à des périls, inévitab'es, et il ne risquait rien moins que sa liberté et sa
vie p~'ut-être. Tout ceta, pour un amour impossible. Tout cela, pour
entrevoir unefemme tremblante et en larmes. Toutcela, pour satisfaire
un caprice que l'on ne pardonnerait point à une jeune tille! La fièvre et
la catalepsie sont donc des maladies moins redoutables que l'amour
Buckihgbam passa le reste de la nuit à soupirer, et le capucin à
méditer sur la passion, sans échanger une seule parole; mais quand
le jour naissant éclaira l'intérieur de la voiture, le religieux se pencha
versieduc:
Milord, lui dit-il, il est temps de reprendre votre rôle. Cet ivro-
gne s'éveille du lourd sommeil qu'il doit à la bierre dont il s'est gor-
gé outre mesure hier soir, et je ne pense point qu'il soit prudent de
lui montrer son apprenti peintre à la place d'honneur. Je vous engage
encore une fois à vous observer et à garder pour vous certaines pa-
roles dont vous vous êtes montré prodigue' cette nuit. L'entreprise où
nous courons n'est point chose si facile et sans peu de dangers qu'il
faille la confier au premier venu et mettre tout le monde au courant
devosaBaires.
Voici déjà bien des leçons que vous me donnez, répliqua sèche-
mentleduc.
C'est que je joue gros jeu sur votre partie, mylord. Du reste, il
en sera ce que vous voudrez.
Le duc, sans répondre, changea de place avec le capucin et ils ne
prononcèrent pas un mot jusqu'au réveil de François Hais; réveil qui
(1) Voir !a Presse des 26 et 27 août.
se fit attendre plus d'une heure encore. Mais a h fin, te peintre étendit
les bras, ouvrit ta'bouche, bfiitta d'une façon dcmesurÔL', )uurMtU!a te
nom de Brigitte,.et retomba dans un assoupissement qui ne résista
point long-tcn.ps aux cahots de ta voiture. Aiors. Fian~bis Hais ouvrit
les yeux tout a-fait, et quand il vit devant tuile capucin et le jeune
homme, qLaod il se trouva dans un carrosse emporte par des che-
vaux au galop, ses traits prirent une expression si comique, que Buc-
kingham partit d'un éclat de rire et que le front impassible et grave
du capucin se dérida quoique peu..
De par saint François, mon patron! voilà une singulier rêve,
murmura le Flamand qui se frottait les yeux.
Ce n'est point un rcvë; c'est une réalité.
Où m'emmène-t-on ?
–En France.
Pourquoi?
–Pour y peindre un portrait de femme?
Je ne veux point aller en France. Faites arrêter ta voiture. Je
prétends mettre pied à terre.
Cela est impossible, mon maître, et pour trois raisons; la pre-
mière, c'est que vous vous trouvez à vingt-cinq lieues de Malines la
seconde, c'est que je ne le veux pas, et la troisième, c'est que ce jeu-
ne homme, votre futur apprenti, vous caresserait de sa dague à la
moindre tentative d'évasion.
Voilà une manière d'argumenter à laquelle il ne se trouve rien
à répondre. Mais, du moins, vous m'expliquerez comment je me trou-
ve dans cette voiture?
Rien de plus simple j'ai présente à votre bourgmestre un ordre
signé de ta gouvernante des Pays-Bas, la princesse Clara Eugéhia.
Cet ordre enjoignait de me livrer, bon gré, mat gré, le peintre
François Hals. Le bourgmestre a fait appeler quatre de ses estaftïers
et m'a conduit au cabaret où vous vous étiez enivré. Les estaffiers vous
ont pris sur leurs bras et apporté dans cette voiture. Yoità tout.
Et ma femme dans quelle inquiétude, dans quelle colère ne va-
t-elle pas se trouver?
Ah! vous avez une femme?
Qui va faire retentir de ses cris toute la ville de Matines, jusqu'à
ce qu'elle ait retrouvé son'mari.
Ette ne le retrouvera pas; du moins de quelques semaines. Le
bourgmestre la rassurera sur votre sort, sans toutefois lui appren-
dre en quels lieux vous vous trouvez, car il l'ignore lui-même.
Qui donc êtes-vous tous les deux pour disposer ainsi d'ordres
signés par la gouvernante des Pays-Bas, et faire obéir le bourgmestre,
comme un chien obéit à son maître?
–Un capucin indigne.
Un apprenti peintre..
Décidément, je fais un rêve, dit François Hals en se frottant de
nouveau les yeux.
Non, tu ne rêves point du tout, s'écria Buckinghàm en jetant sûr
les genoux de l'artiste une bourse pleine d'or.
–TuMeu, l'apprenti! fit François Hals en pesant la bourse: pour
un broyeur de couleurs, vous avez la parole prompte, la poche bien
garnie et la main généreuse 1
C'est un a-compte sur le prix du portra!t que vous allez faire, se
hâta d'interrompre le capucin. J'ai remis tout à l'heure pour vous, à
votre apprenti, l'argent qu'il vous a jeté. Comme il a le caractère
espiègle, il a trouvé rejouissantde vous donner cette bourse d'une ma-
nière drolatique.
Oui dà reprit François Hais, mon apprenti est d'an caractère
plaisant, tant mieux. Il a de l'or plein ses poches, tant mieux encore I
Les bourses qu'il donne sont brodées en perles et portent un btazon
que je ne connais point, mais que surmonte une couronne d~cMè;taàt
pis car je prévois que mes couleurs seront mal broyées~d'autNtfpnS'
qu'il a les mains btanches, petites et deHcates! Maiss~ta/~uco~
d'argumens du poids de cette bourse, je ne le gronderai quefp~ë~
le battrai pas, comme il est d'usage d'en user avec un maladjStC~g~
ti. N'avez-vous rien à medonner a boire~legosiér me b~
tangue sèche à ne pouvoir parler. Le capucin prit dans una~
de la voiture un flacon qu'il présenta à François Hals. Cetu~t deba~ <~
cha la bouteille, la porta à ses lèvres et la vida d'un seul trait"u~~
Ce vin là sortit-il des caves de mon apprenti? demanda-t-ild~un
ton goguenard.
Buckingham laissa échapper un geste d'impatience, et teretigieœe
lui fit un signe pour lui recommander la patience encore quelques
instans. En effet, quelques instans après avoir vidé la bouteille, la tête
de François Hals s'abaissa sur sa potrine, ses yeux se fermèrent, et
un rigoureux ronnement annonça qu'il s'était endorm thh~ sommeil
profond.
Ce vin contient un somnifère qui nous débarrassera des ques-
tions de cet homme. J'avais prévu qu'il ne manquerait pas d'inter-
préter les indiscrétions que vous ne manqueriez pas de commettre,
mylord; c'est pourquoi je m'étais muni, par précaution, de ce vin
préparé. Vouspouvez maintenant reprendre votre place, et vous livrer
a toutes les exclamations que vous jugerez à propos de pousser. Nous
voilà sans témoin jusqu'à Paris.
Pendant que la voiture du capucin emmenait rapidement vers Pa-
ris le duc de Buckinghàm et François Hals, Van-Dyck réfléchissait
à la singulière position dans laquelle te hitsard t'avait jeté, et nese sen-
tait pas plus disposé à dormir que le noble lord, agité par l'impatience
et par l'amour. Quoi! Marie, la fille du comte de. Rhutven! ta pu-
pille du duc de Buckingham se trouve placée sous sa protection! H
va faire un long voyage avec elle! Elle prend le nom de sa sœur!
Marie Oh c'est trop de bonheur c'est trop de périls Le trouble
qu'il ressent, l'agitation qu'il éprouve. les pensées, qui se heurtent
autour de son front, l'inquiètent avec juste raison, et ne lui font que
trop redouter ce doux et funeste voyage S'il pouvait fuir à présent,
s'il pouvait né ptus revoir .Marie, peut-être, a force de temps et d'aB-
sence, ëtouifemit-il dans son cœur un sentiment dont ta force l'étonné
et l'épouvante déjà. Mais il faut qu'il reste près d'elle, il faut qu'il la
voie sans cesse Il faut qu'il ne la quitte point, pendant des semaines,
pendant des mois, sans doute! Mon Dieu! de telles épreuves ne sur-
passeront-eltcs point ses forces? Aura-t-il le courage de cacher sa pas-
sion insensée? Il le faut pourtant; car la nobte fille de lord Rhutvem
repousserait du pied, avec un sourire de mépris et de dédain, l'amour
d'un pfintre Àthms du courage 1 et loin, bien loin des rêves extrava-
gans Essayons de dormir, le sommeil me calmera et me donnera de
la force
Et néanmoins, quand vint le point du jour, il marchait encore
grands pas dans sa chambre. Aussi, lorsqu'on frappa doucement à ta
porte, il ouvrit aussitôt. C'était la gouvernante de lady Ruthven,
mistriss Sarah, vieille beauté émérite, quelque peu bavarde,liseuse in-
fatigable de romans de chevalerie, et qui ne se sentait point de joie des
événemens romanesques au milieu desquels la volonté du duc la jetait
avec sa jeune maîtresse.
–Lady Marie me charge de vous prévenir qu'elle se trouve prête
à partir, lit-elle avec une de ses plus pompeuses et de ses plus pn*-
fondes révérences.
Je suis aux ordres de lady Marie, répliqua Van-Dick, et il sui-
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