Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1914-05-26
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 26 mai 1914 26 mai 1914
Description : 1914/05/26 (Numéro 146). 1914/05/26 (Numéro 146).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
Description : Collection numérique : BIPFPIG69 Collection numérique : BIPFPIG69
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Description : Collection numérique : France-Brésil Collection numérique : France-Brésil
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k290327t
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
LE FIGARO - MARDI 26 MAI 1914
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l'abrégé : « Le duel doit-être rai , sé-
rieux et discret. »
L'introduction envisage l'état actuel
des jurys d'honneur et, accessoirement,
les rapports de 1 honneur avec le duel.
Les questions relatives à la disqualifi-
cation, aux procès-verbaux de carence,
au droit de critique, à l'offense par le
livre et au théâtre, notamment, sont
examinées dans les notes, après que
l'auteur a pris le soin d'indiquer qu'il ne
présente nullement ses opinions comme
des règles, mais seu.ement comme des
bases de discussion, d'ailleurs sérieuse-
ment étudiées.
Pour les aveugles
La curieuse exposition des. aveugles
travailleurs, 9. rue Duroc (près le bou-
levard des Invalides), organisée par l'As-
sociation Valentin - haùy, pourra être
visitée mercredi 27 et jeudi 28 mai, de
deux à six heures (entrée libre).
Nos souscriptions
Pour Mlle Lépinc.
Mme Emile Marx Fr. 50 »
MM. Claude et Léon-Roger Marx. DO »
M. J. J 10 »
Total % Fr. 110 »
Liste précédente 100 »
'Total général... Fr. 210 »
Pour Mme Poulain.
C. G. D Fr. 50 »
M. Labutliie.. 20 »
G. P. (2e versement) 30 »
Mme Georges Massy 20 »
Un Autrichien S. P.... 100 «
M. Edmond Jean 5 »
N. C... 5 »
Total : Fr. 230 »
Listes précédentes 4.0(35 »
. Total général....Fr. 4.295 »
Le duel d'hier
Un incident de presse fut la cause
d'un échange ' de témoins entre MM.
Jean Brezolles et A. Martini.
M. Jean Brezolles était représenté par
MM. Robert de Jouvenel et camille ber->
nard, M. A. Martini par MM. Vinrent
de Moro-Giafferi et rouzier-Dorcières.
Les quatre témoins furent d'accord
pour juger une rencontre inévitable.
Elle a eu lieu hier matin aux établisse-
ments Chéri-halbronn, à l'épée de com-
bat.
M. Rouzier-Dorcières dirigeait le com-
bat. Dès la première reprise, après un
très vif débat d'épée, M. Martini a été
blessé au bras droit.. Cette blessure a
mis fin à la rencontre, et les deux adver-
saires se sont réconciliés.
Les docteurs Desmarais et Bergeron
assistaient les deux adversaires.
Conférences
Mme Isabelle Debran, directrice du
journal Pour la Femme, a fait, au Par-
thénon, une conférence extrêmement
intéressante et applaudie sur le « Rôle
politique de la femme ». Avec une har-
diesse généreuse et une élégance de
forme parfaite, Mme Debran a su expo-
ser devant un auditoire tout de suite
conquis les idées les plus neuves et les
. plus captivantes.
Un bon régime
o. Pour les arthritiques et rhumatisants,
î'é .meilleur régime est de boire aux re-
pas de l'eau de Vichy-Célestins,' qui se
trouve en bouteilles et demi-bouteilles
dans tous les restaurants.
La. crise des perles
Lacrise des perles n'est qu'un vain mot,
puisque Robert, 10,rue Daunou, 1er étage,
maintient ses anciens prix et achète tou-
jours comptant, le plus cher do Paris,
bijoux, perles et diamants. - Tél.033-95.
La Presse illustrée
. Le prochain diner de l'Association de
la Presse illustrée aura lieu le jeudi
28 mai, à 7 h. 1/2, à la taverne de la
Cigale.
Le grand chic
C'est, pour les dames élégantes, de se
faire habiller chez Bazau, 101, rue des
Petits-Champs, où elles trouveront un
choix de robes de ville depuis 223francs.
En montagne
« C'est la nature qui guérit ». Les
cures enregistrées dans l'Alpe dauphi-
noise confirment cet aphorisme. Les
eaux sulfureuses d'Allevard-les-Bains
sont, en effet, radicalement efficaces
contre les affections de la gorge et du
nez et contre l'arthritisme. Ajoutons
que son coquet Casino et le confort de
son Splendid Hôtel font la jolie station
idéalement agréable.
Jean de Paris.
L'Association de l'industrie et de l'agricul-
ture. Cet après-midi aura lieu, sous la prési-
dence de M. Touron, vice-président du Sénat,
l'assemblée générale annuelle de l'Associa-
tion de l'industrie et de l'agriculture.
Parmi les voeux quï seront soumis à l'as-
semblée, citons ceux qui concernent : notre
politiquo économique; la production natio-
nale et les projets fiscaux ; le régime doua-
nier colonial ; la question algéro-marocaine ;
la Tunisie; la réglementation du travail (loi
de dix heures ; semaine anglaise) ; les re-
traites ouvrières.
I ,e soir; un banquet réunira les membres
de l'Association.
COURRIER DELÀ BOURSE
Paris, 25 mai.
Pour la Bourse, la question d'Albanie
n'existe plus depuis le retrait des troupes
grecques. Les promenades en canot du prince
ne l'ont donc pas autrement émue. Le marc hé
était cependant encore fort hésitant au début de
la séance car la situation politique intérieure
est toujours aussi obscure, et on pouvait
craindre que les ennemis du marché ne lus-
sent tentés de poursuivre une campagne qui
leur a si bien réussi jusqu'ici.
Mais le bruit s'étant répandu que les direc-
teurs des principaux établissements de crédit
avaient été convoqués rue de Rivoli, les ven-
deurs jugèrent à propos de ne pas pousser
plus loin leur avantage, et quelques rachats
suffirent pour déterminer une reprise modérée
en clôture.
Une fois de plus, la crainte d'une interven-
tion a donc suffi pour raffermir le marché.
Un de mes conlrères les plus écoutés disait
hier : .?. C'est le public qui doit donner la note
aux banques. Celles-ci suivront quand elles
verront la tendance nouvelle de la clientèle. »
Je ne suis pas très sûr qu'il ait raison.
Une véritable campagne de dénigrement et
de diffamation est menée depuis quelque
temps contre les établissements de crédit qui
reçoivent des dépôts aussi bien que contre
les banques d'affaires. Des brochures, des
journaux spéciaux sont répandus à profu-
sion dans le public pour l'amener à retirer
son compte de telle ou telle banque ou pour
lui faire vendre ses titres. Et notez qu'il ne
s'agit pas là de l'action isolée d'un maître
chanteur aux abois.Pour qui connaît le prix
des choses, il est visible que de grossos som-
mes sont consacrées à cette oeuvre malfaisante.
Si on ne fait rien pour l'arrêter, comment espé-
rer que le public saura discerner où est la vé-
rité ? Comme le dit le très distingué rédacteur
financier des Débats : « Tant que ces racon-
tars ne sortent pas du cercle dos profession-
nels, cela n'a pas grande importance. Mais
il importe que le grand public ne se laisse,
pas gagher par l'affolement de la Bourse fit
"qu'il n'accueille pas des bruits, qui ne sont
pas seulement exagérés, mais dont la plu-
part n'ont même pas le moindre' fondement; i>
On aime à croire que cette question aura
été étudiée au cours des diverses entrevues
d'aujourd'hui et que les bureaux du minis-
tère des finances, qui sont toujours disposés
à s'immiscer dans des questions où ils n'ont
que faire, comprendront qu'à la veille d'un
grand emprunt il est non seulement de leur
devoir, mais de leur intérêt de défendre l'or-
ganisation financière du pays et de rendre
confiance à l'épargne, qui en est à se deman-
der où sont ses vrais amis et ses défenseurs.
Marché officiel. - La Rente est mieux dis-
posée. Elle regagne 22 centimes à 86 05.
Les fonds d'Etat étrangers reprennent éga-
lement : Extérieure, 88 35 ; Russe consolidé.
88 90 contre 88 60 ; Russe 1896, 70 20 ; Russe
i 1/2 1909, 97 92 ; Turc, 82 32,
Les établissements de crédit rattrappent
une. partie de la baisse de samedi -..Banque
de Paris, 1,523, 16 francs mieux- ; Crédit
lyonnais, 1,600 au lieu do 1,587; Crédit Mobi-
lier, 503 ; Union Parisienne, 820.
Banque nationale du Mexique, 504.
Les banques russes font exception, Saint-
Pétersbourg nous envoyant des cours en
baisse : la Banque Russo-Asiatique perd
12 fr. à 651 ; la Banque Privée de Saint-Pé-
tersbourg, 13 fr. à 536.
Les valeurs électriques et de transports
regagnent un pou de terrain ; Métropolitain,
507 ; Omnibus, 565 ; Thomson, 686 ; Gaz du
Nord, 327 contre 323.
Nord, 1,705; Suez, 4,965.
Le Rio s'avance à 1,758, sur la bonne tenue
du marché américain; mais le bruit d'une
nouvelle grève sur ses chantiers le ramène à
1,750, cours de clôture.
Les valeurs industrielles russes du Parquet
se maintiennent assez bien : Briànsk, 393 ;
Sosnowice, 1,350, 10 francs mieux ; A'aphte
russe, 454 contre 456.
Azote, 283 ; Carpet, 268.
Marché en Banque. - Les mines d'or et
do diamant sont lourdes. C'est la liquidation
aujourd'hui à Londres, et quelques dégage-
ments se produisent. Rand Mines, 149; Crown
Mines, 146 50 contre 148 ; Goldfields, 54 50 ;
Léna, 40 50.
De Beers, 418 50 ; Jagersfontein, 97 50.
Balia, 485 ; Cape, 81 50.
Les mines américaines, toujours bien dis-
posées, gagnent en moyenne 2 francs: Chino,
213 50 ; Ray, 111 ; Utah, 296 ; Butte, 21150.
"Valeurs russes, indécises : Hartmann, 463
contre 468 ; Platine, 637 ; Taganroy, 545;
Toula, 987 ; Waqons, 264 ; Lianosoff, 462.
Tobacco, 239 56 ; Phosphates tunisiens, 400.
Nouveilo faiblesse des valeurs de caout-
chouc dûe au recul do la matière première :
malacca, 103 50; Financière, 82 ; Kuala,
87 75.
Les petites valeurs pétrolifères sont sta-
tion n aires : Spies, 29 25; Russian OU, 3150 ;
North Caucasian, 53 25.
Louis Aubert.
Nouvelles
La Température
Lo thermomètre descend encore.. Hier ma-
tin, à Paris, nous n'avions plus que 9° et à
cinq heures 14°. Avec cola un temps gris, un.
vent du nord-est qui atteignait douze mètres
par seconde. On se serait cru au mois de
novembre.
La pression barométrique se relève lente-
ment. Elle accusait à midi 765mm7.
Départements, le matin, au-dessus de zéro :
9° à Dunkerque et à Clermont ; 10° à Brest ;.
'11° à Bordeaux et à I .yon ; 12° à Biarritz ;
13° à Rochefort et à Toulouse ; 15° à Cette ;
18° à Marseille ; 19° à Alger.
En France le temps va rester généralement
nuageux et frais. Des averses sont probables
dans le sud.
(La température du 25 mai 1913 était à
Paris : le matin 15°, le soir 25°. Baromètre
769mm. Beau soleil).
Du Ne w York Herald :
A New-York : Beau. Température : max.,
27°2 ; min., 16°7. Vent sud. - A Londres :
Beau . Température : max., 12°3 ; min.,
5°5. Vent nord-nord-eSt. - A Berlin ; Tempéra-
ture (à midi) : 10°.
Un million de détournements
Sur mandat de M. Bourgueil, juge d'ins-
truction, M, Darru, commissaire aux déléga-
tions judiciaires, a arrêté, hier, Hàns Léon
Chapi'ra et l'a inculpé d'abus de confiance et
de complicité à la suite d'une plainte déposée
par le syndic de la faillite.« Musica et fils .»,
de New-York.
Représentant à Paris de cette maison amé-
ricaine, M. Chapira avait commis des détour-
nements évalués à 1,125,000 francs.
Des documents ont été saisis chez M. Cha-
pira, 31, rue Tronchet, et dans ses bureaux,
9, rue Pillet-Will. \
Le crime de la rue de Villejuif
Ainsi que nous l'avons dit hier, l'enquête
faite sur l'assassinat de la fille Juliette Lo-
veau, rue.de Villejuif, a fait porter les soup-
çons sur un ami de la. victime,'nommé Va-
cheit. Cet homme a déjà à l'anthropométrie
sa fiche, ayant été arrêté antérieurement
"pour tentative de. meurtre.
On croit de plus que c'est un « rat d'hô-
tel », car à son domicile on a trouvé une
valise contenant un maillot noir, costume
traditionnel de cette catégorie do voleurs,
La fillette tombée du train
Ou sait maintenant lo nom dp la fillette
qui. est tombée du train, entre Mantes et
Paris. Elle se nomme Elisa Billy et ses pa-
rents habitent Lyon. Elle était dans le train
avec sa grand'mère. La pauvre femme était) si
émue qu'au'premier moment elle n'avait pu
fournir aucune indication.
Quant au brave soldat colonial, qui non
seulement a fait son possible pour retenir
l'enfant lors de sa chute, mais qui, aès Jè ra-r
léntissemeut du train, a sauté sur la voie
pour aller la relever, il a refusé de faire
connaître son nom, disant qu'il n'a fait que
son dévoir.
Un bazar pillé
Au cours do l'avant-dernièré nuit, dos mal-
faiteurs se sont introduits dans le bazar des
Patriotes, tenu par M. Saulnier, 2, boulevard
Arago, ot se sont emparés d'un grand nom-
bre de marchandises.
M. Yendt, commissaire de police du quar-
tier,, a commencé une enquête.
Un scandale
Une enquête est ouverte sur un fait scan-
daleux, révélé par le journal Banlieue de Pa-
ris et qui s'est, d'après ce journal, passé lors
du tirage au sort à Maisons-Alfort.
Une bande de conscrits, drapeau tricolore
en tête, se serait arrêtée à un carrefour de la
ville et, au chant de Internationale, aurait
arraché les couleurs bleue et blanche du dra-
peau pour ne conserver que le rouge.
DÉPARTEMENTS
Atterrissage d'un ballon. - Un accident
Maubeuge. - Un ballon parti de Houdeny-
Aimeries (Belgique) à l'occasion des fêtes
communales a atterri à Villers-Sire-Nicole.
11 était monté par M. Jules Dumortier, aéro-
naute-constructeur à Bruxelles, et deux
jeunes filles. La fille de M. Dumortier,
Yvonne, devait exécuter au départ des exer-
cices de trapèze sous le ballon. Elle tomba
d'une hauteur, de quinze mètres et se brisa
un bras.
Délesté, le ballon partit, sans que le père
put savoir ce qui était arrivé à sa fille, et at-
territ une demi-heure après à Villers.
Electrocuté
Byères. - Le quartier-maître boulanger-
coq Coat-Saliou, du Tourville, étant monté
sur un pylône supportant des câbles d'élec-
tricité, à Hyères, dans la nuit du 24 au 25, a
été électrocuté : le corps a été transporté au
dépositoire du cimetière d'Hyères.
Une vengeance
Auxerre. - Le 28 mai 1913, un incendie
détruisait une tannerie appartenant aux frè-
res Ménant à Avallon. On inculpa un ancien
ouvrier de l'usine Camille Perreau, qui, faute
do preuves, fut relâché après une longue dé-
tention.
Jeudi dernier, les frères Menant, accompa-
gnés de plusieurs ouvriers le recherchèrent
on automobile et l'ayant rencontré sur la
route de Lyon, Paul Ménant tira sur lui deux
coups de revolver et le blessa. Perreau ne ne
plaignit pas et se rendit à pied à Vorecy où
il passa la nuit. Le lendemain les gendar-
mes l'arrêtèrent pour vagabondage et remar-
quèrent la blessure qu'il avait au maxillaire
inférieur. Il refusa ae dire d'où elle prove-
nait. On le conduisit, à l'hospice d'Avallon.
Malgré son refus de parler, l'enquête a
amené l'arrestation de quatre ouvriers qui
ont fait des aveux ot dénoncé PaUl Ménant.
Celui-ci a été arrêté hier-soir.
Argus.
AVIS DIVERS
Î) ANIMEZ vos yeux éteints, en les ombrageant
l de cils et de sourcils rendus touffus et
runis à l'aide do la Sève sourcilière de la
Parfumerie Ninon, 31, rue du 4-Septembre.
Figaro-Théâtre
LES THÉÂTRES
Opéra : Ballets russes ; le Coq.'d'or., opéra
on trois actos de Rimsky-Korsàkoff, d'a-
près la légende do Pouchkine.
De tant de spectacles, pittoresques ou
magnifiques, par quoi les organisateurs
de la saison russe se proposèrent, cette
année, de nous éblouir, le Coq d'or,
j'imagine, restera celui qui réunira
tous les Suffrages. Cet opéra, ou ce
ballet - comme il plaira de dire -
n'affiche point ces hautes prétentions
qui, dans un divertissement chorégra-
phique, ne laissent pas d'être tant soit
peu comiques. On n'entend point que
nous en déduisions une métaphysique, ni
que nous en allions tirer une conception
nouvelle du monde et de la vie. Il n'est
même pas représentatif d'une esthétique
nouvelle. Et l'on ne se propose point
d'y frayer, à l'art des gestes non plus
qu'à celui des sons, des voies' nouvelles
et inexplorées. Point du tout. Les au-
teurs - c'est à n'y point croire ! - n'eu-
rent d'autre dessein que de nous diver-
tir. Oui, et de la façon la plus naturelle
du monde. Simplement, naïvement, sans
symboles ni complications décadentes,
et tout ainsi que les honnêtes gens se
divertissaient autrefois.
Pour ce faire, ce. fut assez d'adapter
à la scène un vieux conte populaire
russe, que Pouchkine avait modernisé
tant soit peu, sans lui enlever rien de sa
gaillardise malicieuse. C'est l'histoire
déplorable et plaisante du roi Dodôn,
tsar d'un pays de légende. Goinfre, pail-
lard, paresseux, fourbe, poltron, et, par
surcroît, très suffisamment imbécile,
ce monarque réunit en sa large personne
tous les vices que la rancune des petits
impute volontiers à ceux qui les gouver-
nent. Sympathique avec cela, le roi Do-
dôn, et beaucoup plus bonhomme, mal-
gré tout, que son cousin, Ubu roi, dont
il rappelle assez l'inoubliable-figure.
Il aimerait bien passer le temps à sa-
tisfaire ses goûts: boire, manger,dormir
et ne rien faire. Mais il se trouve que des
ennemis très méchants menacent sans
cesse son trône et son royaume. Tandis
qu'avec ses boyards il délibère sur cette
situation périlleuse, voici qu'un vieil as-
trologue s'en vient lui offrir un talisman
merveilleux. C'est un coq d'or. Planté
sur une pique, l'oiseau magique pré-
viendra le roi de tous les dangers qui le
pourront menacer. Danger connu est à
moitié évité. Et le roi Dodôn, sûr de
vaincre désormais, se met à table avant
d'aller au lit. Non sans avoir promis à
l'astrologue d'exaucer la demande qu'il
lui présentera, au jour de la grande vic-
toire.
Dodôn s'endort. Mais voilà que le coq
chante. Il faut que le pauvre roi se hâte
d'envoyer ses troupes au combat et de
tout préparer pour la guerre. L'oiseau
chante et rechante de plus belle... Si
bien que le peu belliqueux monarque se
voit contraint d'endosser casqup et cui-
rasse, d'enfourcher son grand cheval
blanc et de se m ettre en campagne,
Le sort des armes ne. lui est guère fa-
vorable. Tandis qu'il se lamente sur ses
malheurs, une tente magnifique s'offre
à ses regards surpris. Une petite femme
délicieuse en sort à la tête d'une suite
brillante et bariolée. C'est la reine de
Chemâkha, tout simplement, venue pour
faire la conquête de Dodôn et de son
peuple.
Il ne lui en coûte d'ailleurs pas beau-
coup, à cette aimable petite reine. Elle
danse, elle chante, elle fait des mines et
offre à cet imbécile de Dodôn lo plus
charmant divertissement du monde. Lo
voilà séduit. Il met à ses pieds son coeur,
son sceptre et sa couronne. Et le cortège
se met en marche. Dodôn, en grande
pompe,.va présenter leur nouvelle reine
à ses fidèles sujets.
Tandis que le peuple s'égosille en
acclamations, surgit soudain le fâcheux
astrologue. Il veut l'appeler sa promesse
au triomphateur. Ce serait fort bien
si, pour sa récompensé, co peu clair-
voyant necromant ne réclamait, très im-
pudemment, la petite reine. D'un bon
coup de sceptre sur le crâne, Dodôn, jus-
ticier som maire, se débarrasse de ce gê-
neur. Mais le tonnerre, soudain, gronde
terriblement. La nuit s'étend sur la
ville. Et s'envolant de son perchoir, le
coq d'or magique, de son bec acéré, .s'en
vient percer te crâne du monarque par-
jure. Un grand cri retentit... Quand
la lumière renaît, le peuple de Che-
mâkha et sa souveraine ont' disparu.
Plus de reine, plus d'odalisques, plus
d'esclaves, de géants, de nègres, ni de
gardes. Plus rien que les fidèlës sujets
du roi Dodôn se lamentant sur le trépas
d'un si excellent prince. Et tirez de
cette'belle histoire la morale qu'il vous
plaira.
Mais il n'en faut pas tirer de morale !
Ce n'est qu'un conte, rien de plus. Un
conte pour enfants, si divertissant, si sim-
plement et si naturellement comique que
les grandes personnes y prendront le plus
vif plaisir. Il est certain d'ailleurs que
Rimsky-Korsàkoff s'y est, pour son
compte, prodigieusement diverti puisque
l'histoire du coq d'or et du roi Dodôn lui a
inspiré la partition la plus colorée, la
plus originale, la plus abondante et la
plus exquise qu'il ait jamais écrite. Ja-
mais l'auteur do tant de poèmes sympho-
niques admirables ne fut plus heureu*
sement inspiré. Jamais il n'imagina avec
une spontanéité plus constante faut de
mélodies franches et caractéristiques,
tant de rythmes ingénieux et précis, tant
d'harmonies heureusement hardies. Et
son orchestre transparent ne résonna
jamais plus clair, en sonorités transpa-
rentes et légères.
Si l'on disait que, nous voulant révé-
ler cette partition, délicieuse et si spiri-
tuellement musicale, les organisateurs
des ballets russes l'ont donnée telle
qu'elle était sortie de la main du compo-
siteur, personne assurément 110 le croi-
rait. Et, en effet, le Démon de la perver-
sité qui les possède - lorsqu'il s'agit
de musique- leur inspira cette fois une
invention bien surprenante.
Le Coq d'Or est un opéra. Comme en
tous les opéras passés et présents - je
ne dis rien des futurs - les acteurs
jouent et chantent. A l'Opéra, par une
innovation singulière, les rôles sont dé-
doublés. Doux estrades, de chaque côté
de la scène, reçoivent les chanteurs et
les choristes, assis immobiles en lon-
gues robes toutes rouges. Ils chantent,
sans bouger. Et mimes et danseurs, au
milieu* de la scène, s'agitent de leur
mieux pour représenter le drame. C'est
le principe de la division du travail.
L'industrie en tire de grands avantages.
La musique, mutilée par de larges cou-
.pures devenues nécessaires, aura beau-
coup moins à s'en louer.
Responsable sans doute du sacrilège,
M. Fokine n'en demeure pas moins un
metteur en scène étonnant. Les disposi-
tions qu'il imagina pour le Coq d'or, les
divertissements dansés, les marches, IQS
cortèges, tout cela est d'une fantaisie
originale, burlesque ou somptueuse
tour à tour, devant quoi on ne peut qu'ad-
mirer. Les costumes sont d'une richesse
et d'une diversité surprenantes. Ainsi
Feuilleton du FIGARO du 26 mai
La Vie littéraire
LA NOUVELLE CROISADE DES ENFANTS, par
Henry BORDEAUX. - DE BRETAGNE EN SAIN-
TONGE, par André HALLAYS.
. C'est une belle chose que le merveil-
leux et aussi plaisante pur nature à
l'imagination des grandes personnes
qu'à celles des petites; mais l'opinion
commune professe que c'est une chose
rare et désormais périmée. Car le mer-
veilleux, c'est tout ce qui dépasse l'en-
tendement humain; plutôt c'est tout ce
qui le défie; or, la première condition
pour supporter un défi, c'est évidemment
d'avoir quelque défiance de soi-même ; et
l'on sait que nous' vivons en un siècle
où la défiance de soi n'est point fort
répandue. Particulièrement la raison
des hommes est plus portée, de nos
jours, à la superbe qu'à l'humilité ; elle
a construit de l'univers une explication
claire et nette que l'on appelle la science;
ainsi, elle en -a chassé le mystère : du
moins elle le prétend; elle a prisions
les miracles à son compte... Ce n'est
plus au vingtième siècle qu'il faut croire
encore que le merveilleux existe.
Ainsi pense,en tout cas,M.l'instituteur
Mussillon, d'Avrieux, qui est un bourg de
la Savoie, proche la frontière italienne,
dont M. Henry Bordeaux fait une fraîche
et séduisante peinture au début de son
roman. Roman? A vrai dire, ce terme-
là ne convient guère à la Nouvelle Croi-
sade des Enfants; on ne rencontre point
dans cette oeuvre ce qu'on est,assuré'
de trouver dans un roman ; on ne
voit guère qu'une troupe do garçons et
de filles., échappée d'une école primaire;
ils font ce qu'on appelle depuis long-
temps l'école buissonnière, mais ils la
font, si l'on peut dire, sur une assez
vaste échelle: ils restent plusieurs jours
absents de chez eux. Aucune de leurs
aventures n'est du reste extraordinaire ;
elles s'enchaînent selon les lois du plus
rigoureux déterminisme et ne cherchent
point, une minute, à échapper aux dé-
crets que la science impose à l'univers...
Ces aventures, néanmoins, sont ins-
tructives , même pour 1 ' instituteur
Mussillon; elles lui enseignent que
le merveilleux, s'il est exclu du monde, 1
a pris retraite, dans l'imagination et
le coeur des enfants; elles lui décou-
vrent enfin qu'au-dessous ou au delà
du monde des corps, il y a le monde
des âmes où s'élaborent des forces tou-
jours mystérieuses qui 11e se pèsent, 11e
se mesurent, et ne laissent point prévoir
leur action aux observateurs des labora-
toires, voire au plus consciencieux péda-
gogue. C'est toute une philosophie ,
comme 011 voit, qui se dégage de la
« Croisade » des enfants d'Avrieux.
On a beaucoup discuté, et l'on n'est
pas d'accord sur le point de savoir ce
qui se passe précisément dans le cerveau
des gamins. Pour se débarrasser de toute
difficulté, on enseignait volontiers jadis
qu'il ne s'y passe pas grand'chose.
Ceux-là même qui daignaient s'incliner
vers des têtes si peu élevées au-des-
sus de la terre, ne leur faisaient qu'en
rechignant l'aumône de leur attention. '
La Bruyère, l'un dés rares écrivains
classiques pour qui les enfants aient
existé, n'a guère aperçu en eux que de
« petits hommes », et,' dans leur vision
de l'univers, une réduction en miniature
de celle que plus tard nous recomposons
laborieusement. On s'est bien éloigné de'
ces théories; nous pensons, au contraire,:
que les enfants diffèrent infiniment de
nous et qu'ils dépensent une somme
?considérable d'efforts pour édifier une
représentation des choses où la fantaisie
et le caprice légifèrent comme la science
dans la nôtre. Les enfants ne sont point
simples, que pour ceux qui n'essaient
pas de les comprendre ; M. Henry Bor-
deaux les comprend excellemment.
11 a démêlé quelle conception du
monde habile sous les fronts têtus des
petits paysans d'Avrieux. C'est une
conception tout à fait aimable, où les
enseignements de M. le curé ont leur
part, comme ceux de M. l'instituteur.
Parmi les leçons de celui-ci, on préfère
celles qui se rapportent à l'histoire ; tant
d'événements- prodigieux se sont dé-
roulés jadis ! Mais ce qui a eu lieu déjà
peut avoir lieu encore. Les enfants se
plaisent à imaginer le recommencement
de l'histoire. C'est ainsi qu'ils écou-
tent avec une sorte d'avidité le récit
de la croisade qui, au début du treizième
siècle, lança « plus de trente mille en-
fants de douze à treize ans», sous la
conduile du berger Etienne, à la con-
quête du tombeau du Christ ; ces croisés
d'un nouveau genre étaient « fous à
lier », affirme l'instituteur, et ils furent
bien punis de leur folie puisqu'ils jonchè-
rent les chemins de leurs cadavres, et que
ceux qui ne moururent point furent ven-
dus comme esclaves sur les marchés
d'Alexandrie en Egypte... Mais l'excel-
lent M. Mussillon a beau insister sur l'é-
.chec lamentable et sur la punition : les ga-
mins d'Avrieux « n'on t retenu de la leçon
que le berger Etienne,devant qui les brebis
s'agenouillaient, et qui commandait une
armée d'enfants de leur âge. Les mar-,
chés d'Alexandrie sont pour eux pareils
au marché de Modane où l'on vend des
légumes et des instruments aratoires,
et de la' mer ils n'ont pas la moindre
idée... » Vienne maintenant la leçon de
catéchisme, où M. le curé annonce que
le Pape ayant abaissé l'âge requis pour
la première communion, un pèlerinage
d'enfants va s'organiser pour l'aller re-
mercier en son palais, à Rome, les ga-
mins d'Avrieux voudront renouveler
l'exploit de leurs ancêtres du moyen
âge; ils décideront d'aller, eux aussi,
chercher la bénédiction du Pape ;
Rome est en Italie, l'Italie est toute
.proche, de l'autre côté de la mon-
tagne qui dresse son mur au fond
delà vallée; il suffira de traverser la
montagne; on fera le chemin en chan-
tant des cantiques dès que le soleil du
printemps aura fondu les neiges sur le
col qui mène vers l'Italie. Ainsi l'esprit
des enfants, plus alerte que le nôtre, se
précipite d'un bond vers les conclusions
souhaitées, d'un raisonnement par-des-
sus les longues enquêtes intermédiaires, '
grâce auxquelles nous sollicitons, ion
doutant d'elle, l'évidence...
Mais des gamins, et surtout des ga-
mins du pays do Maurienne, en Savoie,
11e sont pas moins capables de patience
que d'imagination. Tout 1111 hiver ils
gardent leur secret; et c'est, avant la
croisade, la conspiration des enfants. Ils
se parlent du projet, l'un à l'autre, à
mi-voix, dans l'intervalle des classes et
des jeux; ils en organisent la réa-:
lisation ; ils se choisissent un chef
en la personne d'un des leurs, Phi-
libert, le fils d'un sabotier, qui n'a
pas atteint douze ans, et dont la soeur
Annette est encore plus petite... Enfin,
au début du mois de juin, le lendemain
du jour où le premier char a passé le
col débarrassé des neiges, les quarante-
deux enfants d'Avrieux, au lieu de se
rendre à la classe de l'après-midi, par-
tent pour Rome, assurés qu'ils verront
le Papè, ce soir même, ou demain, certes,
au plus tard...
Pour enregistrer les épisodes de leur
pittoresque voyage, M. Henry Bordeaux
a adopté le ton véridique d'un" chroni-
queur du moyen âge qui ne s'effare
d'aucune aventure, mais qui 11e s'interdit
point de sourire Sans penser à mal,
toutes fois que l'humaine faiblesse prête
à quelque gaieté légère... Poursuivispar
leurs parents d'abord épouvantés et qui
bientôt prennent leur parti de l'excur-
sion, les croisés, dès le premier jour,
sentent faiblir leur courage; de défail-
lance en défaillance, la troupe fond
au soleil, et se laisse, rattraper à la
frontière italienne : seuls Philibert et
Annette, dont l'ardeur pas un instant
n'a décru, éprouvent que si la foi, se-
lon la parole évangélique, transporte les
montagnes, elle peut aussi les faire
traverser. Ils parviennent jusqu'à Rome,
- non point sans doute sur leurs pieds,
mais successivement en automobile et
en chemin de fer; il n'a même tenu qu'à
eux de se faire enlever en aéroplane;
ils voient le Pape et ils font leur pre-
mière communion, de sa main, dans la
chapelle Sixtine...
Quelle suite logique et nullement mi-
raculeuse d ' événements récompense
,ainsi l'ardeur des deux chefs de la nou-
velle croisade, qui étaient partis sans
aucun sou en poche, il faut le deman-
der au livre de M. Henry Bordeaux. C'est
presque un miracle, en somme, et tout
à fait charmant, qu'il ait réussi à rendre
toujours amusantes et parfois pathé-
tiques les aventures de ses deux petits
héros ; les esprits les plus sérieux ado-
rent que, de temps en temps, on leur
conte Peau d'Ane. Mais M. Henry
Bordeaux le conte à la moderne ; il
n'use que de faits et de personna-
ges vraisemblables ; seuls les enfants,
qui ont le regard plus perçant, re-
connaîtront peut-être l'enchanteur de
leur livre d'images sous le costume du
monsieur qui aide les deux petits « croi-
sés » parce qu'il aime les enfants et
qu'il ressent du chagrin de n'en point
avoir. Mais ils auront tort; rien n'est
plus moderne et plus vraisemblable que
« le mari de là dame qui préfère élever
un chien plutôt qu'un enfant... »
On voit que le romancier n'est jamais
absent de ce conte qui n'est point un
conte bleu, ni davantage un conte à dor-
mir debout, mais un tableau peint de
couleurs vives, dans le style des primi-
tifs; la réalité contemporaine n'y est
point déformée, mais aperçue à travers
les yeux d'enfants. M. Henry Bordeaux
n'a point écrit de livre qui soit d'un bout
à l'autre plus frais, plus ravissant et en
même temps plus ingénieux.
&
* *
M. André Ilallays est un grand voya-
geur, et pourtant,"il n'a point, que l'on
sache, dépassé les frontières de la:
France; mais il connaît des secrets pour
élargir, au moyen du temps, l'espacé;
au-dessus des plus humbles décors et
des localités les plus méprisées, il dis-
pose, d'une main sûre, la perspective
grandiose du passé ; il n'a point son pa-
reil pour restituer leur noblesse aux
survivants méconnus des grandes épo-
ques. Ce touriste, d'allures indolentes,
est ainsi une sorte de bienfaiteur pour
les petites villes endormies aux bras re-
pliés de leurs remparts, pour les châ-
teaux envahis de décrépitude, pour
les églises oubliées au fond des pla-
ces où l'on planta des tilleuls en
quinconce, pour le moindre monument
que le reflux des siècles abandonna
dans un coin de nos provinces comme
sur une grève peu à peu désertée.
M. André Hallays dédaigne l'attirail
de bagages compliqués que l'ingénio-
sité moderne combina pour assurer le
confort des voyageurs ; il emporte seu-
lement, à la mode ancienne, un porte-
manteau que quelques livres choisis
alourdissent. Ainsi peut-il, loin desrou-
tes nationales qui percent en ligne droite
les bourgades pittoresques et qui se res-
semblent toutes, suivre « en flânant»
les sinuosités des venelles entre les mai-
sons vétustés et le lacis des chemins de
petite communication. M. André Hal-
lays n'est jamais un voyageur pressé.
11 parcourut récemment, selon ses rai-
sonnables principes, la Provence, la
Touràine et l'Anjou, pays où les souve-
nirs abondent entre les pierres ; mais
une fois embarqué sur la Loire, com-
ment ne pas la descendre jusqu'au bout?
M. André hallays se laissa donc con-
duire par le fleuve paresseux à l'inté-
rieur des limites de la Bretagne ; il re-
descendit ensuite la côte de l'Océan jus-
que vers La Rochelle ; et cette suite
logique de « flâneries » nous vaut un
volume d'impressions où les amis de
l'art, les amis de l'histoire, et les amis
de M. A. Hallays trouveront également
leur compte.
Seuls, ceux de la Bretagne éprouve-
ront peut-être quelque déception. Ils ne
manqueront pas d'estimer qu'un vo-
lume entier n'eût-pas été superflu tou-
chant les castels et les paysages d'Ar-
morique, et que M. A. Hallays leur doit
ce volume-là ; aussi bien n'a-t-il pris
cette fois-ci la Bretagne que de biais,
pour ainsi dire, et en écharpe ; sauf une
pointe vers ce château un peu mys-
térieux de kerjean qui, en plein
Léonnois, semble la demeure aban-
donnée de l'enchanteur Merlin, il s'est
contenté de traverser la province,
de Nantes à Vitré; et il eût mieux
fait, après tout, de le confesser : ce,
n'est point l'àme ou l'architecture .
bretonnes qu'il s'en venait étudier au
pays du granit et de la mélancolie; il
n'y était attiré que par le plaisir de re-
trouver certaine dame du dix-septième
siècle dont il tomba amoureux en la
voyant rêver antérieurement sur les ter-
rasses du château de Grignon en Pro-
vence : M. A. Hallays en Bretagne n'a
cherché que le souvenir de Mme de
Sévigné.
Il l'y a trouvé sans trop de peine, bien
qu'il se soit imposé plus de peine que la
marquise elle-même n'en a jamais ac-
cepte pour parcourir tous les domaines
dont elle fut la suzeraine. Outre 1e pèle-
rinage des Rochers, il a fait celui du
château de Buron, non loin de Nantes,
où Charles de Sévigné dépossédait drya-
des et sylvains -pour remplir sa bourse,
de pistoles qu'il croquait à Paris avec la
w Chammelay » ; même il a poussé jus- ]
qu'au village de Bodegat, où la marquise
avait une ferme... et « une belle pe-
tite fermière avec de beaux yeux
brillants, une belle taille, une robe
de drap de Hollande sur du tabis,,
les manches tailladées », bref une
trop belle fermière qui s'en venait lui
faire de belles révérences au lieu de lui
porter des écus... Pourtant Mme de
Sévigné n'a jamais pté à Bodegat : M.
André hallays le savait bien ; et qu'on
lui montrerait une maison où elle,n'a-
vait point habité. Mais quoi ! Elle a parlé
de Bodegat dans ses lettres; et cela
suffit pour un « sévigniste », qui est au
surplus, comme on disait jadis, « un
gentil esprit»...
D'autres ont plus d'exigence, et met-
tent leurs méditations à plus haut prix ; la
-somptuosité de Versailles, la gravité ma-
jestueuse de Notre-Dame suffisent tout
juste pour servir de cadre ou de prétexte
à leurs émois. La sympathie de M. Hal-
lays est plus complaisante ; elle s'éveille
au contact de la moindre ruine. Mais
encore faut-il que celle-ci soit « pure de
tout contact étranger », de toute restau-
ration maladroite : M. Hallays exècre"
sans doute les automobilistes, qui «cou-
pent » sans s'arrêter les sous-préfec-
tures pittoresques; mais il tient davan-
tage encore en détestation toute une
catégorie d'humains : les restaurateurs
qui veulent gratter les vieilles pierres et
« remettre les monuments ert valeur »,
dans « le style... » Ce touriste indolent
cache un homme redoutable.
Il semble pourtant qu'il ait rencontré
moins d'occasions, cette fois, de lancer
l'anathème; 'c'est qu'en Saintonge,
comme en Bretagne, il visitait moins
des monuments qu'un fantôme presti-
gieux. Richelieu domine cette seconde
partie de son pèlérinage. A La Rochelle,
au Brouage, M. Hallays l'a rencontré,
puissant; il a eu la déception-de ne
point découvrir à Luçon « quelque ves-
tige qui nous rendit plus présente la
mémoire du cardinal ».
Il avoue que « l'aspect de la ville a
changé; de même celui de la campa-
gne ». Mais il s'est consolé en lisant les
lettres que « l'évêque le plus crotté de
France » écrivait en 1608, du fond de la
petite ville vendéenne. Lues en cet en-
droit, elles lui ont paru plus belles...
Car, ainsi qu'il l'écrit à propos de J. du
Bellay et de son petit Lyre, « c'est ho-
norer un poète que d'écouter la confi-
dence de ses rêves et de ses nostalgies
aux lieux mêmes qu'il a chéris et re-
grettés ».
M. A. Hallays est un professeur de
tourisme dont 1111 grand nombre de
Français devraient chaque été solliciter
les leçons.
Francis Chevassu.
r * * * * j. .
5
l'abrégé : « Le duel doit-être rai , sé-
rieux et discret. »
L'introduction envisage l'état actuel
des jurys d'honneur et, accessoirement,
les rapports de 1 honneur avec le duel.
Les questions relatives à la disqualifi-
cation, aux procès-verbaux de carence,
au droit de critique, à l'offense par le
livre et au théâtre, notamment, sont
examinées dans les notes, après que
l'auteur a pris le soin d'indiquer qu'il ne
présente nullement ses opinions comme
des règles, mais seu.ement comme des
bases de discussion, d'ailleurs sérieuse-
ment étudiées.
Pour les aveugles
La curieuse exposition des. aveugles
travailleurs, 9. rue Duroc (près le bou-
levard des Invalides), organisée par l'As-
sociation Valentin - haùy, pourra être
visitée mercredi 27 et jeudi 28 mai, de
deux à six heures (entrée libre).
Nos souscriptions
Pour Mlle Lépinc.
Mme Emile Marx Fr. 50 »
MM. Claude et Léon-Roger Marx. DO »
M. J. J 10 »
Total % Fr. 110 »
Liste précédente 100 »
'Total général... Fr. 210 »
Pour Mme Poulain.
C. G. D Fr. 50 »
M. Labutliie.. 20 »
G. P. (2e versement) 30 »
Mme Georges Massy 20 »
Un Autrichien S. P.... 100 «
M. Edmond Jean 5 »
N. C... 5 »
Total : Fr. 230 »
Listes précédentes 4.0(35 »
. Total général....Fr. 4.295 »
Le duel d'hier
Un incident de presse fut la cause
d'un échange ' de témoins entre MM.
Jean Brezolles et A. Martini.
M. Jean Brezolles était représenté par
MM. Robert de Jouvenel et camille ber->
nard, M. A. Martini par MM. Vinrent
de Moro-Giafferi et rouzier-Dorcières.
Les quatre témoins furent d'accord
pour juger une rencontre inévitable.
Elle a eu lieu hier matin aux établisse-
ments Chéri-halbronn, à l'épée de com-
bat.
M. Rouzier-Dorcières dirigeait le com-
bat. Dès la première reprise, après un
très vif débat d'épée, M. Martini a été
blessé au bras droit.. Cette blessure a
mis fin à la rencontre, et les deux adver-
saires se sont réconciliés.
Les docteurs Desmarais et Bergeron
assistaient les deux adversaires.
Conférences
Mme Isabelle Debran, directrice du
journal Pour la Femme, a fait, au Par-
thénon, une conférence extrêmement
intéressante et applaudie sur le « Rôle
politique de la femme ». Avec une har-
diesse généreuse et une élégance de
forme parfaite, Mme Debran a su expo-
ser devant un auditoire tout de suite
conquis les idées les plus neuves et les
. plus captivantes.
Un bon régime
o. Pour les arthritiques et rhumatisants,
î'é .meilleur régime est de boire aux re-
pas de l'eau de Vichy-Célestins,' qui se
trouve en bouteilles et demi-bouteilles
dans tous les restaurants.
La. crise des perles
Lacrise des perles n'est qu'un vain mot,
puisque Robert, 10,rue Daunou, 1er étage,
maintient ses anciens prix et achète tou-
jours comptant, le plus cher do Paris,
bijoux, perles et diamants. - Tél.033-95.
La Presse illustrée
. Le prochain diner de l'Association de
la Presse illustrée aura lieu le jeudi
28 mai, à 7 h. 1/2, à la taverne de la
Cigale.
Le grand chic
C'est, pour les dames élégantes, de se
faire habiller chez Bazau, 101, rue des
Petits-Champs, où elles trouveront un
choix de robes de ville depuis 223francs.
En montagne
« C'est la nature qui guérit ». Les
cures enregistrées dans l'Alpe dauphi-
noise confirment cet aphorisme. Les
eaux sulfureuses d'Allevard-les-Bains
sont, en effet, radicalement efficaces
contre les affections de la gorge et du
nez et contre l'arthritisme. Ajoutons
que son coquet Casino et le confort de
son Splendid Hôtel font la jolie station
idéalement agréable.
Jean de Paris.
L'Association de l'industrie et de l'agricul-
ture. Cet après-midi aura lieu, sous la prési-
dence de M. Touron, vice-président du Sénat,
l'assemblée générale annuelle de l'Associa-
tion de l'industrie et de l'agriculture.
Parmi les voeux quï seront soumis à l'as-
semblée, citons ceux qui concernent : notre
politiquo économique; la production natio-
nale et les projets fiscaux ; le régime doua-
nier colonial ; la question algéro-marocaine ;
la Tunisie; la réglementation du travail (loi
de dix heures ; semaine anglaise) ; les re-
traites ouvrières.
I ,e soir; un banquet réunira les membres
de l'Association.
COURRIER DELÀ BOURSE
Paris, 25 mai.
Pour la Bourse, la question d'Albanie
n'existe plus depuis le retrait des troupes
grecques. Les promenades en canot du prince
ne l'ont donc pas autrement émue. Le marc hé
était cependant encore fort hésitant au début de
la séance car la situation politique intérieure
est toujours aussi obscure, et on pouvait
craindre que les ennemis du marché ne lus-
sent tentés de poursuivre une campagne qui
leur a si bien réussi jusqu'ici.
Mais le bruit s'étant répandu que les direc-
teurs des principaux établissements de crédit
avaient été convoqués rue de Rivoli, les ven-
deurs jugèrent à propos de ne pas pousser
plus loin leur avantage, et quelques rachats
suffirent pour déterminer une reprise modérée
en clôture.
Une fois de plus, la crainte d'une interven-
tion a donc suffi pour raffermir le marché.
Un de mes conlrères les plus écoutés disait
hier : .?. C'est le public qui doit donner la note
aux banques. Celles-ci suivront quand elles
verront la tendance nouvelle de la clientèle. »
Je ne suis pas très sûr qu'il ait raison.
Une véritable campagne de dénigrement et
de diffamation est menée depuis quelque
temps contre les établissements de crédit qui
reçoivent des dépôts aussi bien que contre
les banques d'affaires. Des brochures, des
journaux spéciaux sont répandus à profu-
sion dans le public pour l'amener à retirer
son compte de telle ou telle banque ou pour
lui faire vendre ses titres. Et notez qu'il ne
s'agit pas là de l'action isolée d'un maître
chanteur aux abois.Pour qui connaît le prix
des choses, il est visible que de grossos som-
mes sont consacrées à cette oeuvre malfaisante.
Si on ne fait rien pour l'arrêter, comment espé-
rer que le public saura discerner où est la vé-
rité ? Comme le dit le très distingué rédacteur
financier des Débats : « Tant que ces racon-
tars ne sortent pas du cercle dos profession-
nels, cela n'a pas grande importance. Mais
il importe que le grand public ne se laisse,
pas gagher par l'affolement de la Bourse fit
"qu'il n'accueille pas des bruits, qui ne sont
pas seulement exagérés, mais dont la plu-
part n'ont même pas le moindre' fondement; i>
On aime à croire que cette question aura
été étudiée au cours des diverses entrevues
d'aujourd'hui et que les bureaux du minis-
tère des finances, qui sont toujours disposés
à s'immiscer dans des questions où ils n'ont
que faire, comprendront qu'à la veille d'un
grand emprunt il est non seulement de leur
devoir, mais de leur intérêt de défendre l'or-
ganisation financière du pays et de rendre
confiance à l'épargne, qui en est à se deman-
der où sont ses vrais amis et ses défenseurs.
Marché officiel. - La Rente est mieux dis-
posée. Elle regagne 22 centimes à 86 05.
Les fonds d'Etat étrangers reprennent éga-
lement : Extérieure, 88 35 ; Russe consolidé.
88 90 contre 88 60 ; Russe 1896, 70 20 ; Russe
i 1/2 1909, 97 92 ; Turc, 82 32,
Les établissements de crédit rattrappent
une. partie de la baisse de samedi -..Banque
de Paris, 1,523, 16 francs mieux- ; Crédit
lyonnais, 1,600 au lieu do 1,587; Crédit Mobi-
lier, 503 ; Union Parisienne, 820.
Banque nationale du Mexique, 504.
Les banques russes font exception, Saint-
Pétersbourg nous envoyant des cours en
baisse : la Banque Russo-Asiatique perd
12 fr. à 651 ; la Banque Privée de Saint-Pé-
tersbourg, 13 fr. à 536.
Les valeurs électriques et de transports
regagnent un pou de terrain ; Métropolitain,
507 ; Omnibus, 565 ; Thomson, 686 ; Gaz du
Nord, 327 contre 323.
Nord, 1,705; Suez, 4,965.
Le Rio s'avance à 1,758, sur la bonne tenue
du marché américain; mais le bruit d'une
nouvelle grève sur ses chantiers le ramène à
1,750, cours de clôture.
Les valeurs industrielles russes du Parquet
se maintiennent assez bien : Briànsk, 393 ;
Sosnowice, 1,350, 10 francs mieux ; A'aphte
russe, 454 contre 456.
Azote, 283 ; Carpet, 268.
Marché en Banque. - Les mines d'or et
do diamant sont lourdes. C'est la liquidation
aujourd'hui à Londres, et quelques dégage-
ments se produisent. Rand Mines, 149; Crown
Mines, 146 50 contre 148 ; Goldfields, 54 50 ;
Léna, 40 50.
De Beers, 418 50 ; Jagersfontein, 97 50.
Balia, 485 ; Cape, 81 50.
Les mines américaines, toujours bien dis-
posées, gagnent en moyenne 2 francs: Chino,
213 50 ; Ray, 111 ; Utah, 296 ; Butte, 21150.
"Valeurs russes, indécises : Hartmann, 463
contre 468 ; Platine, 637 ; Taganroy, 545;
Toula, 987 ; Waqons, 264 ; Lianosoff, 462.
Tobacco, 239 56 ; Phosphates tunisiens, 400.
Nouveilo faiblesse des valeurs de caout-
chouc dûe au recul do la matière première :
malacca, 103 50; Financière, 82 ; Kuala,
87 75.
Les petites valeurs pétrolifères sont sta-
tion n aires : Spies, 29 25; Russian OU, 3150 ;
North Caucasian, 53 25.
Louis Aubert.
Nouvelles
La Température
Lo thermomètre descend encore.. Hier ma-
tin, à Paris, nous n'avions plus que 9° et à
cinq heures 14°. Avec cola un temps gris, un.
vent du nord-est qui atteignait douze mètres
par seconde. On se serait cru au mois de
novembre.
La pression barométrique se relève lente-
ment. Elle accusait à midi 765mm7.
Départements, le matin, au-dessus de zéro :
9° à Dunkerque et à Clermont ; 10° à Brest ;.
'11° à Bordeaux et à I .yon ; 12° à Biarritz ;
13° à Rochefort et à Toulouse ; 15° à Cette ;
18° à Marseille ; 19° à Alger.
En France le temps va rester généralement
nuageux et frais. Des averses sont probables
dans le sud.
(La température du 25 mai 1913 était à
Paris : le matin 15°, le soir 25°. Baromètre
769mm. Beau soleil).
Du Ne w York Herald :
A New-York : Beau. Température : max.,
27°2 ; min., 16°7. Vent sud. - A Londres :
Beau . Température : max., 12°3 ; min.,
5°5. Vent nord-nord-eSt. - A Berlin ; Tempéra-
ture (à midi) : 10°.
Un million de détournements
Sur mandat de M. Bourgueil, juge d'ins-
truction, M, Darru, commissaire aux déléga-
tions judiciaires, a arrêté, hier, Hàns Léon
Chapi'ra et l'a inculpé d'abus de confiance et
de complicité à la suite d'une plainte déposée
par le syndic de la faillite.« Musica et fils .»,
de New-York.
Représentant à Paris de cette maison amé-
ricaine, M. Chapira avait commis des détour-
nements évalués à 1,125,000 francs.
Des documents ont été saisis chez M. Cha-
pira, 31, rue Tronchet, et dans ses bureaux,
9, rue Pillet-Will. \
Le crime de la rue de Villejuif
Ainsi que nous l'avons dit hier, l'enquête
faite sur l'assassinat de la fille Juliette Lo-
veau, rue.de Villejuif, a fait porter les soup-
çons sur un ami de la. victime,'nommé Va-
cheit. Cet homme a déjà à l'anthropométrie
sa fiche, ayant été arrêté antérieurement
"pour tentative de. meurtre.
On croit de plus que c'est un « rat d'hô-
tel », car à son domicile on a trouvé une
valise contenant un maillot noir, costume
traditionnel de cette catégorie do voleurs,
La fillette tombée du train
Ou sait maintenant lo nom dp la fillette
qui. est tombée du train, entre Mantes et
Paris. Elle se nomme Elisa Billy et ses pa-
rents habitent Lyon. Elle était dans le train
avec sa grand'mère. La pauvre femme était) si
émue qu'au'premier moment elle n'avait pu
fournir aucune indication.
Quant au brave soldat colonial, qui non
seulement a fait son possible pour retenir
l'enfant lors de sa chute, mais qui, aès Jè ra-r
léntissemeut du train, a sauté sur la voie
pour aller la relever, il a refusé de faire
connaître son nom, disant qu'il n'a fait que
son dévoir.
Un bazar pillé
Au cours do l'avant-dernièré nuit, dos mal-
faiteurs se sont introduits dans le bazar des
Patriotes, tenu par M. Saulnier, 2, boulevard
Arago, ot se sont emparés d'un grand nom-
bre de marchandises.
M. Yendt, commissaire de police du quar-
tier,, a commencé une enquête.
Un scandale
Une enquête est ouverte sur un fait scan-
daleux, révélé par le journal Banlieue de Pa-
ris et qui s'est, d'après ce journal, passé lors
du tirage au sort à Maisons-Alfort.
Une bande de conscrits, drapeau tricolore
en tête, se serait arrêtée à un carrefour de la
ville et, au chant de Internationale, aurait
arraché les couleurs bleue et blanche du dra-
peau pour ne conserver que le rouge.
DÉPARTEMENTS
Atterrissage d'un ballon. - Un accident
Maubeuge. - Un ballon parti de Houdeny-
Aimeries (Belgique) à l'occasion des fêtes
communales a atterri à Villers-Sire-Nicole.
11 était monté par M. Jules Dumortier, aéro-
naute-constructeur à Bruxelles, et deux
jeunes filles. La fille de M. Dumortier,
Yvonne, devait exécuter au départ des exer-
cices de trapèze sous le ballon. Elle tomba
d'une hauteur, de quinze mètres et se brisa
un bras.
Délesté, le ballon partit, sans que le père
put savoir ce qui était arrivé à sa fille, et at-
territ une demi-heure après à Villers.
Electrocuté
Byères. - Le quartier-maître boulanger-
coq Coat-Saliou, du Tourville, étant monté
sur un pylône supportant des câbles d'élec-
tricité, à Hyères, dans la nuit du 24 au 25, a
été électrocuté : le corps a été transporté au
dépositoire du cimetière d'Hyères.
Une vengeance
Auxerre. - Le 28 mai 1913, un incendie
détruisait une tannerie appartenant aux frè-
res Ménant à Avallon. On inculpa un ancien
ouvrier de l'usine Camille Perreau, qui, faute
do preuves, fut relâché après une longue dé-
tention.
Jeudi dernier, les frères Menant, accompa-
gnés de plusieurs ouvriers le recherchèrent
on automobile et l'ayant rencontré sur la
route de Lyon, Paul Ménant tira sur lui deux
coups de revolver et le blessa. Perreau ne ne
plaignit pas et se rendit à pied à Vorecy où
il passa la nuit. Le lendemain les gendar-
mes l'arrêtèrent pour vagabondage et remar-
quèrent la blessure qu'il avait au maxillaire
inférieur. Il refusa ae dire d'où elle prove-
nait. On le conduisit, à l'hospice d'Avallon.
Malgré son refus de parler, l'enquête a
amené l'arrestation de quatre ouvriers qui
ont fait des aveux ot dénoncé PaUl Ménant.
Celui-ci a été arrêté hier-soir.
Argus.
AVIS DIVERS
Î) ANIMEZ vos yeux éteints, en les ombrageant
l de cils et de sourcils rendus touffus et
runis à l'aide do la Sève sourcilière de la
Parfumerie Ninon, 31, rue du 4-Septembre.
Figaro-Théâtre
LES THÉÂTRES
Opéra : Ballets russes ; le Coq.'d'or., opéra
on trois actos de Rimsky-Korsàkoff, d'a-
près la légende do Pouchkine.
De tant de spectacles, pittoresques ou
magnifiques, par quoi les organisateurs
de la saison russe se proposèrent, cette
année, de nous éblouir, le Coq d'or,
j'imagine, restera celui qui réunira
tous les Suffrages. Cet opéra, ou ce
ballet - comme il plaira de dire -
n'affiche point ces hautes prétentions
qui, dans un divertissement chorégra-
phique, ne laissent pas d'être tant soit
peu comiques. On n'entend point que
nous en déduisions une métaphysique, ni
que nous en allions tirer une conception
nouvelle du monde et de la vie. Il n'est
même pas représentatif d'une esthétique
nouvelle. Et l'on ne se propose point
d'y frayer, à l'art des gestes non plus
qu'à celui des sons, des voies' nouvelles
et inexplorées. Point du tout. Les au-
teurs - c'est à n'y point croire ! - n'eu-
rent d'autre dessein que de nous diver-
tir. Oui, et de la façon la plus naturelle
du monde. Simplement, naïvement, sans
symboles ni complications décadentes,
et tout ainsi que les honnêtes gens se
divertissaient autrefois.
Pour ce faire, ce. fut assez d'adapter
à la scène un vieux conte populaire
russe, que Pouchkine avait modernisé
tant soit peu, sans lui enlever rien de sa
gaillardise malicieuse. C'est l'histoire
déplorable et plaisante du roi Dodôn,
tsar d'un pays de légende. Goinfre, pail-
lard, paresseux, fourbe, poltron, et, par
surcroît, très suffisamment imbécile,
ce monarque réunit en sa large personne
tous les vices que la rancune des petits
impute volontiers à ceux qui les gouver-
nent. Sympathique avec cela, le roi Do-
dôn, et beaucoup plus bonhomme, mal-
gré tout, que son cousin, Ubu roi, dont
il rappelle assez l'inoubliable-figure.
Il aimerait bien passer le temps à sa-
tisfaire ses goûts: boire, manger,dormir
et ne rien faire. Mais il se trouve que des
ennemis très méchants menacent sans
cesse son trône et son royaume. Tandis
qu'avec ses boyards il délibère sur cette
situation périlleuse, voici qu'un vieil as-
trologue s'en vient lui offrir un talisman
merveilleux. C'est un coq d'or. Planté
sur une pique, l'oiseau magique pré-
viendra le roi de tous les dangers qui le
pourront menacer. Danger connu est à
moitié évité. Et le roi Dodôn, sûr de
vaincre désormais, se met à table avant
d'aller au lit. Non sans avoir promis à
l'astrologue d'exaucer la demande qu'il
lui présentera, au jour de la grande vic-
toire.
Dodôn s'endort. Mais voilà que le coq
chante. Il faut que le pauvre roi se hâte
d'envoyer ses troupes au combat et de
tout préparer pour la guerre. L'oiseau
chante et rechante de plus belle... Si
bien que le peu belliqueux monarque se
voit contraint d'endosser casqup et cui-
rasse, d'enfourcher son grand cheval
blanc et de se m ettre en campagne,
Le sort des armes ne. lui est guère fa-
vorable. Tandis qu'il se lamente sur ses
malheurs, une tente magnifique s'offre
à ses regards surpris. Une petite femme
délicieuse en sort à la tête d'une suite
brillante et bariolée. C'est la reine de
Chemâkha, tout simplement, venue pour
faire la conquête de Dodôn et de son
peuple.
Il ne lui en coûte d'ailleurs pas beau-
coup, à cette aimable petite reine. Elle
danse, elle chante, elle fait des mines et
offre à cet imbécile de Dodôn lo plus
charmant divertissement du monde. Lo
voilà séduit. Il met à ses pieds son coeur,
son sceptre et sa couronne. Et le cortège
se met en marche. Dodôn, en grande
pompe,.va présenter leur nouvelle reine
à ses fidèles sujets.
Tandis que le peuple s'égosille en
acclamations, surgit soudain le fâcheux
astrologue. Il veut l'appeler sa promesse
au triomphateur. Ce serait fort bien
si, pour sa récompensé, co peu clair-
voyant necromant ne réclamait, très im-
pudemment, la petite reine. D'un bon
coup de sceptre sur le crâne, Dodôn, jus-
ticier som maire, se débarrasse de ce gê-
neur. Mais le tonnerre, soudain, gronde
terriblement. La nuit s'étend sur la
ville. Et s'envolant de son perchoir, le
coq d'or magique, de son bec acéré, .s'en
vient percer te crâne du monarque par-
jure. Un grand cri retentit... Quand
la lumière renaît, le peuple de Che-
mâkha et sa souveraine ont' disparu.
Plus de reine, plus d'odalisques, plus
d'esclaves, de géants, de nègres, ni de
gardes. Plus rien que les fidèlës sujets
du roi Dodôn se lamentant sur le trépas
d'un si excellent prince. Et tirez de
cette'belle histoire la morale qu'il vous
plaira.
Mais il n'en faut pas tirer de morale !
Ce n'est qu'un conte, rien de plus. Un
conte pour enfants, si divertissant, si sim-
plement et si naturellement comique que
les grandes personnes y prendront le plus
vif plaisir. Il est certain d'ailleurs que
Rimsky-Korsàkoff s'y est, pour son
compte, prodigieusement diverti puisque
l'histoire du coq d'or et du roi Dodôn lui a
inspiré la partition la plus colorée, la
plus originale, la plus abondante et la
plus exquise qu'il ait jamais écrite. Ja-
mais l'auteur do tant de poèmes sympho-
niques admirables ne fut plus heureu*
sement inspiré. Jamais il n'imagina avec
une spontanéité plus constante faut de
mélodies franches et caractéristiques,
tant de rythmes ingénieux et précis, tant
d'harmonies heureusement hardies. Et
son orchestre transparent ne résonna
jamais plus clair, en sonorités transpa-
rentes et légères.
Si l'on disait que, nous voulant révé-
ler cette partition, délicieuse et si spiri-
tuellement musicale, les organisateurs
des ballets russes l'ont donnée telle
qu'elle était sortie de la main du compo-
siteur, personne assurément 110 le croi-
rait. Et, en effet, le Démon de la perver-
sité qui les possède - lorsqu'il s'agit
de musique- leur inspira cette fois une
invention bien surprenante.
Le Coq d'Or est un opéra. Comme en
tous les opéras passés et présents - je
ne dis rien des futurs - les acteurs
jouent et chantent. A l'Opéra, par une
innovation singulière, les rôles sont dé-
doublés. Doux estrades, de chaque côté
de la scène, reçoivent les chanteurs et
les choristes, assis immobiles en lon-
gues robes toutes rouges. Ils chantent,
sans bouger. Et mimes et danseurs, au
milieu* de la scène, s'agitent de leur
mieux pour représenter le drame. C'est
le principe de la division du travail.
L'industrie en tire de grands avantages.
La musique, mutilée par de larges cou-
.pures devenues nécessaires, aura beau-
coup moins à s'en louer.
Responsable sans doute du sacrilège,
M. Fokine n'en demeure pas moins un
metteur en scène étonnant. Les disposi-
tions qu'il imagina pour le Coq d'or, les
divertissements dansés, les marches, IQS
cortèges, tout cela est d'une fantaisie
originale, burlesque ou somptueuse
tour à tour, devant quoi on ne peut qu'ad-
mirer. Les costumes sont d'une richesse
et d'une diversité surprenantes. Ainsi
Feuilleton du FIGARO du 26 mai
La Vie littéraire
LA NOUVELLE CROISADE DES ENFANTS, par
Henry BORDEAUX. - DE BRETAGNE EN SAIN-
TONGE, par André HALLAYS.
. C'est une belle chose que le merveil-
leux et aussi plaisante pur nature à
l'imagination des grandes personnes
qu'à celles des petites; mais l'opinion
commune professe que c'est une chose
rare et désormais périmée. Car le mer-
veilleux, c'est tout ce qui dépasse l'en-
tendement humain; plutôt c'est tout ce
qui le défie; or, la première condition
pour supporter un défi, c'est évidemment
d'avoir quelque défiance de soi-même ; et
l'on sait que nous' vivons en un siècle
où la défiance de soi n'est point fort
répandue. Particulièrement la raison
des hommes est plus portée, de nos
jours, à la superbe qu'à l'humilité ; elle
a construit de l'univers une explication
claire et nette que l'on appelle la science;
ainsi, elle en -a chassé le mystère : du
moins elle le prétend; elle a prisions
les miracles à son compte... Ce n'est
plus au vingtième siècle qu'il faut croire
encore que le merveilleux existe.
Ainsi pense,en tout cas,M.l'instituteur
Mussillon, d'Avrieux, qui est un bourg de
la Savoie, proche la frontière italienne,
dont M. Henry Bordeaux fait une fraîche
et séduisante peinture au début de son
roman. Roman? A vrai dire, ce terme-
là ne convient guère à la Nouvelle Croi-
sade des Enfants; on ne rencontre point
dans cette oeuvre ce qu'on est,assuré'
de trouver dans un roman ; on ne
voit guère qu'une troupe do garçons et
de filles., échappée d'une école primaire;
ils font ce qu'on appelle depuis long-
temps l'école buissonnière, mais ils la
font, si l'on peut dire, sur une assez
vaste échelle: ils restent plusieurs jours
absents de chez eux. Aucune de leurs
aventures n'est du reste extraordinaire ;
elles s'enchaînent selon les lois du plus
rigoureux déterminisme et ne cherchent
point, une minute, à échapper aux dé-
crets que la science impose à l'univers...
Ces aventures, néanmoins, sont ins-
tructives , même pour 1 ' instituteur
Mussillon; elles lui enseignent que
le merveilleux, s'il est exclu du monde, 1
a pris retraite, dans l'imagination et
le coeur des enfants; elles lui décou-
vrent enfin qu'au-dessous ou au delà
du monde des corps, il y a le monde
des âmes où s'élaborent des forces tou-
jours mystérieuses qui 11e se pèsent, 11e
se mesurent, et ne laissent point prévoir
leur action aux observateurs des labora-
toires, voire au plus consciencieux péda-
gogue. C'est toute une philosophie ,
comme 011 voit, qui se dégage de la
« Croisade » des enfants d'Avrieux.
On a beaucoup discuté, et l'on n'est
pas d'accord sur le point de savoir ce
qui se passe précisément dans le cerveau
des gamins. Pour se débarrasser de toute
difficulté, on enseignait volontiers jadis
qu'il ne s'y passe pas grand'chose.
Ceux-là même qui daignaient s'incliner
vers des têtes si peu élevées au-des-
sus de la terre, ne leur faisaient qu'en
rechignant l'aumône de leur attention. '
La Bruyère, l'un dés rares écrivains
classiques pour qui les enfants aient
existé, n'a guère aperçu en eux que de
« petits hommes », et,' dans leur vision
de l'univers, une réduction en miniature
de celle que plus tard nous recomposons
laborieusement. On s'est bien éloigné de'
ces théories; nous pensons, au contraire,:
que les enfants diffèrent infiniment de
nous et qu'ils dépensent une somme
?considérable d'efforts pour édifier une
représentation des choses où la fantaisie
et le caprice légifèrent comme la science
dans la nôtre. Les enfants ne sont point
simples, que pour ceux qui n'essaient
pas de les comprendre ; M. Henry Bor-
deaux les comprend excellemment.
11 a démêlé quelle conception du
monde habile sous les fronts têtus des
petits paysans d'Avrieux. C'est une
conception tout à fait aimable, où les
enseignements de M. le curé ont leur
part, comme ceux de M. l'instituteur.
Parmi les leçons de celui-ci, on préfère
celles qui se rapportent à l'histoire ; tant
d'événements- prodigieux se sont dé-
roulés jadis ! Mais ce qui a eu lieu déjà
peut avoir lieu encore. Les enfants se
plaisent à imaginer le recommencement
de l'histoire. C'est ainsi qu'ils écou-
tent avec une sorte d'avidité le récit
de la croisade qui, au début du treizième
siècle, lança « plus de trente mille en-
fants de douze à treize ans», sous la
conduile du berger Etienne, à la con-
quête du tombeau du Christ ; ces croisés
d'un nouveau genre étaient « fous à
lier », affirme l'instituteur, et ils furent
bien punis de leur folie puisqu'ils jonchè-
rent les chemins de leurs cadavres, et que
ceux qui ne moururent point furent ven-
dus comme esclaves sur les marchés
d'Alexandrie en Egypte... Mais l'excel-
lent M. Mussillon a beau insister sur l'é-
.chec lamentable et sur la punition : les ga-
mins d'Avrieux « n'on t retenu de la leçon
que le berger Etienne,devant qui les brebis
s'agenouillaient, et qui commandait une
armée d'enfants de leur âge. Les mar-,
chés d'Alexandrie sont pour eux pareils
au marché de Modane où l'on vend des
légumes et des instruments aratoires,
et de la' mer ils n'ont pas la moindre
idée... » Vienne maintenant la leçon de
catéchisme, où M. le curé annonce que
le Pape ayant abaissé l'âge requis pour
la première communion, un pèlerinage
d'enfants va s'organiser pour l'aller re-
mercier en son palais, à Rome, les ga-
mins d'Avrieux voudront renouveler
l'exploit de leurs ancêtres du moyen
âge; ils décideront d'aller, eux aussi,
chercher la bénédiction du Pape ;
Rome est en Italie, l'Italie est toute
.proche, de l'autre côté de la mon-
tagne qui dresse son mur au fond
delà vallée; il suffira de traverser la
montagne; on fera le chemin en chan-
tant des cantiques dès que le soleil du
printemps aura fondu les neiges sur le
col qui mène vers l'Italie. Ainsi l'esprit
des enfants, plus alerte que le nôtre, se
précipite d'un bond vers les conclusions
souhaitées, d'un raisonnement par-des-
sus les longues enquêtes intermédiaires, '
grâce auxquelles nous sollicitons, ion
doutant d'elle, l'évidence...
Mais des gamins, et surtout des ga-
mins du pays do Maurienne, en Savoie,
11e sont pas moins capables de patience
que d'imagination. Tout 1111 hiver ils
gardent leur secret; et c'est, avant la
croisade, la conspiration des enfants. Ils
se parlent du projet, l'un à l'autre, à
mi-voix, dans l'intervalle des classes et
des jeux; ils en organisent la réa-:
lisation ; ils se choisissent un chef
en la personne d'un des leurs, Phi-
libert, le fils d'un sabotier, qui n'a
pas atteint douze ans, et dont la soeur
Annette est encore plus petite... Enfin,
au début du mois de juin, le lendemain
du jour où le premier char a passé le
col débarrassé des neiges, les quarante-
deux enfants d'Avrieux, au lieu de se
rendre à la classe de l'après-midi, par-
tent pour Rome, assurés qu'ils verront
le Papè, ce soir même, ou demain, certes,
au plus tard...
Pour enregistrer les épisodes de leur
pittoresque voyage, M. Henry Bordeaux
a adopté le ton véridique d'un" chroni-
queur du moyen âge qui ne s'effare
d'aucune aventure, mais qui 11e s'interdit
point de sourire Sans penser à mal,
toutes fois que l'humaine faiblesse prête
à quelque gaieté légère... Poursuivispar
leurs parents d'abord épouvantés et qui
bientôt prennent leur parti de l'excur-
sion, les croisés, dès le premier jour,
sentent faiblir leur courage; de défail-
lance en défaillance, la troupe fond
au soleil, et se laisse, rattraper à la
frontière italienne : seuls Philibert et
Annette, dont l'ardeur pas un instant
n'a décru, éprouvent que si la foi, se-
lon la parole évangélique, transporte les
montagnes, elle peut aussi les faire
traverser. Ils parviennent jusqu'à Rome,
- non point sans doute sur leurs pieds,
mais successivement en automobile et
en chemin de fer; il n'a même tenu qu'à
eux de se faire enlever en aéroplane;
ils voient le Pape et ils font leur pre-
mière communion, de sa main, dans la
chapelle Sixtine...
Quelle suite logique et nullement mi-
raculeuse d ' événements récompense
,ainsi l'ardeur des deux chefs de la nou-
velle croisade, qui étaient partis sans
aucun sou en poche, il faut le deman-
der au livre de M. Henry Bordeaux. C'est
presque un miracle, en somme, et tout
à fait charmant, qu'il ait réussi à rendre
toujours amusantes et parfois pathé-
tiques les aventures de ses deux petits
héros ; les esprits les plus sérieux ado-
rent que, de temps en temps, on leur
conte Peau d'Ane. Mais M. Henry
Bordeaux le conte à la moderne ; il
n'use que de faits et de personna-
ges vraisemblables ; seuls les enfants,
qui ont le regard plus perçant, re-
connaîtront peut-être l'enchanteur de
leur livre d'images sous le costume du
monsieur qui aide les deux petits « croi-
sés » parce qu'il aime les enfants et
qu'il ressent du chagrin de n'en point
avoir. Mais ils auront tort; rien n'est
plus moderne et plus vraisemblable que
« le mari de là dame qui préfère élever
un chien plutôt qu'un enfant... »
On voit que le romancier n'est jamais
absent de ce conte qui n'est point un
conte bleu, ni davantage un conte à dor-
mir debout, mais un tableau peint de
couleurs vives, dans le style des primi-
tifs; la réalité contemporaine n'y est
point déformée, mais aperçue à travers
les yeux d'enfants. M. Henry Bordeaux
n'a point écrit de livre qui soit d'un bout
à l'autre plus frais, plus ravissant et en
même temps plus ingénieux.
&
* *
M. André Ilallays est un grand voya-
geur, et pourtant,"il n'a point, que l'on
sache, dépassé les frontières de la:
France; mais il connaît des secrets pour
élargir, au moyen du temps, l'espacé;
au-dessus des plus humbles décors et
des localités les plus méprisées, il dis-
pose, d'une main sûre, la perspective
grandiose du passé ; il n'a point son pa-
reil pour restituer leur noblesse aux
survivants méconnus des grandes épo-
ques. Ce touriste, d'allures indolentes,
est ainsi une sorte de bienfaiteur pour
les petites villes endormies aux bras re-
pliés de leurs remparts, pour les châ-
teaux envahis de décrépitude, pour
les églises oubliées au fond des pla-
ces où l'on planta des tilleuls en
quinconce, pour le moindre monument
que le reflux des siècles abandonna
dans un coin de nos provinces comme
sur une grève peu à peu désertée.
M. André Hallays dédaigne l'attirail
de bagages compliqués que l'ingénio-
sité moderne combina pour assurer le
confort des voyageurs ; il emporte seu-
lement, à la mode ancienne, un porte-
manteau que quelques livres choisis
alourdissent. Ainsi peut-il, loin desrou-
tes nationales qui percent en ligne droite
les bourgades pittoresques et qui se res-
semblent toutes, suivre « en flânant»
les sinuosités des venelles entre les mai-
sons vétustés et le lacis des chemins de
petite communication. M. André Hal-
lays n'est jamais un voyageur pressé.
11 parcourut récemment, selon ses rai-
sonnables principes, la Provence, la
Touràine et l'Anjou, pays où les souve-
nirs abondent entre les pierres ; mais
une fois embarqué sur la Loire, com-
ment ne pas la descendre jusqu'au bout?
M. André hallays se laissa donc con-
duire par le fleuve paresseux à l'inté-
rieur des limites de la Bretagne ; il re-
descendit ensuite la côte de l'Océan jus-
que vers La Rochelle ; et cette suite
logique de « flâneries » nous vaut un
volume d'impressions où les amis de
l'art, les amis de l'histoire, et les amis
de M. A. Hallays trouveront également
leur compte.
Seuls, ceux de la Bretagne éprouve-
ront peut-être quelque déception. Ils ne
manqueront pas d'estimer qu'un vo-
lume entier n'eût-pas été superflu tou-
chant les castels et les paysages d'Ar-
morique, et que M. A. Hallays leur doit
ce volume-là ; aussi bien n'a-t-il pris
cette fois-ci la Bretagne que de biais,
pour ainsi dire, et en écharpe ; sauf une
pointe vers ce château un peu mys-
térieux de kerjean qui, en plein
Léonnois, semble la demeure aban-
donnée de l'enchanteur Merlin, il s'est
contenté de traverser la province,
de Nantes à Vitré; et il eût mieux
fait, après tout, de le confesser : ce,
n'est point l'àme ou l'architecture .
bretonnes qu'il s'en venait étudier au
pays du granit et de la mélancolie; il
n'y était attiré que par le plaisir de re-
trouver certaine dame du dix-septième
siècle dont il tomba amoureux en la
voyant rêver antérieurement sur les ter-
rasses du château de Grignon en Pro-
vence : M. A. Hallays en Bretagne n'a
cherché que le souvenir de Mme de
Sévigné.
Il l'y a trouvé sans trop de peine, bien
qu'il se soit imposé plus de peine que la
marquise elle-même n'en a jamais ac-
cepte pour parcourir tous les domaines
dont elle fut la suzeraine. Outre 1e pèle-
rinage des Rochers, il a fait celui du
château de Buron, non loin de Nantes,
où Charles de Sévigné dépossédait drya-
des et sylvains -pour remplir sa bourse,
de pistoles qu'il croquait à Paris avec la
w Chammelay » ; même il a poussé jus- ]
qu'au village de Bodegat, où la marquise
avait une ferme... et « une belle pe-
tite fermière avec de beaux yeux
brillants, une belle taille, une robe
de drap de Hollande sur du tabis,,
les manches tailladées », bref une
trop belle fermière qui s'en venait lui
faire de belles révérences au lieu de lui
porter des écus... Pourtant Mme de
Sévigné n'a jamais pté à Bodegat : M.
André hallays le savait bien ; et qu'on
lui montrerait une maison où elle,n'a-
vait point habité. Mais quoi ! Elle a parlé
de Bodegat dans ses lettres; et cela
suffit pour un « sévigniste », qui est au
surplus, comme on disait jadis, « un
gentil esprit»...
D'autres ont plus d'exigence, et met-
tent leurs méditations à plus haut prix ; la
-somptuosité de Versailles, la gravité ma-
jestueuse de Notre-Dame suffisent tout
juste pour servir de cadre ou de prétexte
à leurs émois. La sympathie de M. Hal-
lays est plus complaisante ; elle s'éveille
au contact de la moindre ruine. Mais
encore faut-il que celle-ci soit « pure de
tout contact étranger », de toute restau-
ration maladroite : M. Hallays exècre"
sans doute les automobilistes, qui «cou-
pent » sans s'arrêter les sous-préfec-
tures pittoresques; mais il tient davan-
tage encore en détestation toute une
catégorie d'humains : les restaurateurs
qui veulent gratter les vieilles pierres et
« remettre les monuments ert valeur »,
dans « le style... » Ce touriste indolent
cache un homme redoutable.
Il semble pourtant qu'il ait rencontré
moins d'occasions, cette fois, de lancer
l'anathème; 'c'est qu'en Saintonge,
comme en Bretagne, il visitait moins
des monuments qu'un fantôme presti-
gieux. Richelieu domine cette seconde
partie de son pèlérinage. A La Rochelle,
au Brouage, M. Hallays l'a rencontré,
puissant; il a eu la déception-de ne
point découvrir à Luçon « quelque ves-
tige qui nous rendit plus présente la
mémoire du cardinal ».
Il avoue que « l'aspect de la ville a
changé; de même celui de la campa-
gne ». Mais il s'est consolé en lisant les
lettres que « l'évêque le plus crotté de
France » écrivait en 1608, du fond de la
petite ville vendéenne. Lues en cet en-
droit, elles lui ont paru plus belles...
Car, ainsi qu'il l'écrit à propos de J. du
Bellay et de son petit Lyre, « c'est ho-
norer un poète que d'écouter la confi-
dence de ses rêves et de ses nostalgies
aux lieux mêmes qu'il a chéris et re-
grettés ».
M. A. Hallays est un professeur de
tourisme dont 1111 grand nombre de
Français devraient chaque été solliciter
les leçons.
Francis Chevassu.
r * * * * j. .
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