Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1914-03-17
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 17 mars 1914 17 mars 1914
Description : 1914/03/17 (Numéro 76). 1914/03/17 (Numéro 76).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
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Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Description : Collection numérique : France-Brésil Collection numérique : France-Brésil
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k290257j
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
60ffie Année - 3mc Série - N° 76
Lé. Numéro quotidien : DIX CENTIMES en France et en Belgique - Étranger : VINGT CENTIMES
Mardi 17 Mars 1914
Gaston CALMETTE
Directcn r- Gérant
RÉDACTION - ADMINISTRATION
26, rue Drouot, Paris (9° Arr 1)
: POUR LA PUBLICITÉ
S'ADRESSER, 26, RUE DROUOT
h L'HOTEl DU « FIGARO »
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de'France et d'Algérie. i >
LE FIGARO
toué par ceux-ci,'blâmé par ceux-là, me moquant des sots, bravant les méchants, je me hât©
de rire de tout... dé peur d'être obligé d'en pleurer. » (BEAUMARCHAIS.') 1
H. DE 'YILLEMESSANT
Fondateur
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RÉDACTION - ADMINISTRATION
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d'abonnement que pour Paris.
ASSASSINAT
de
GASTON CALMETTE
Notre Directeur, Gaston Calmette, est
mort cette nuit, assassiné.
Notre Directeur avait accusé ,M. Cail-
laux : - - >
De cumuler ses fonctions publiques
de ministre des finances avec celles-de
président du . conseil . d'administration
d'une banque étrangère ;
D'avoir, par une inconcevable négli-
gence, facilité à ses amis un coup de
bourse sur la.Rente ;
D'avoir commis une forfaiture en sus-
pendant l'action de la justice au béné-
fice d'un escroc ; ,
D'avoir déclaré, en 1901, qu'il avait
« écrasé l'impôt sur le revenu en ayant
l'air de le défendre ».'
Au réquisitoire de notre Directeur, M.
Caillaux n'a pas répondu à la tribune. Il
n'a pas poursuivi en Cour'd'assises, il
n'a pas envoyé de témoins ; mais, hier
soir, à six heures et demie, la femme du
ministre des finances, Mme Joseph Cail-
laux, est venue au Figaro, et elle a as-
sassiné M. Gaston Calmette.
Ce .crime soulèvera la colère et l'indi-
gnation dans tout le pays. Quant;à nous,
ses collaborateurs et ses àmis de chaque
jour, après les heures d'atroce angoisse
que nous venons de subir, nous sommes
accablés de douleur. Nous avons perdu
le chef le plus noble.et le plus tendre, le
maître et le compagnon de tous nos ef-
forts et de toutes nos pensées.
Il est tombé vaillamment, dans la lutte
la plus loyale et hardie à laquelle un
écrivain patriote ait voué sa bravoure et
sou.,talent... . ... ; ~ .
Quand on l'a emporté, frappé à mort,
dé ta maison oh depuis trente, ans il
donnait', l'exemple' quotidien du labeur
souriant, du devoir accompli fermement,
il .a trouvé encore un peu'de voix pour
dire ces derniers mots-que nous n'ou-
blierons pas et qui peignent toute son
âme : « Dites-bien que je n'ai voulu faire
de mal à personne et que j'ai fait, mon
devoir... »
Ne faire de mal à personne, c'était son
beau scrupule. Et quand la défense des
idées l'obligeait à l'attaque des hommes,
il en soutirait amèrement. Il sacrifiait
alors au bien public son admirable in-
dulgence et la douceur de son caractère :
il le faisait avec une élégante crânerie.
Nous l'aimions. U nous est impossible
de concevoir que nous ne le verrons
plus, qu'il .nous est pris, - qu'il est
mort.
Nous étions auprès de lui une famille ;
nous le pleurons avec désespoir.
Il était charmant ; il était bon.
Dans nos chagrins, nous allions vers
lui : aujourd'hui-, dans notre chagrin si
cruel, pour la première fois, nous ne
l'avons plus.
Et nous pleurons, tout frissonnants de
l'horreur du crime.
LA RÉDACTION.
Il était six heures et demie. M. Gaston
Calmette accompagnait à la porte de son
cabinet un visiteur quand une carte lui
fut présentée. C'était la carte' de Mme
Joseph Caillaux.
Froidement notre directeur montra
cette carte à l'ami qui prenait congé de
lui. Célui-ci eut un geste de stupeur ;
- Vous la recevez ? dit-il.
.- Sans doute. Je ne puis refuser de
recevoir une femme.
Et M. Calmette donna ordre qu'on in-
troduisît la visiteuse.
Mme Caillaux s'avançait au même
moment, très - calme,- lès deux mains
plongées dans un manchon. M. Calmette
s'effaça pour la laisser passer, et referma
la porte de son cabinet derrière lui. Au
meme moment cinq détonations écla-
taient. Des rédacteurs se précipitaient et
trouvaient devant M, Calmëtte. debout,
très-pâle, appuyé à un fauteuil, Mme
Caillaux armée d'un revolver qu'ils lui
arrachaient des mains.
-Tandis que Mme. Caillaux gagnait le
vestibule de la rédaction, en proférant
des paroles de vengeance incompréhen-?
sibles pour ceux d'entre nous qui sur-
venaient à ce moment, - car le' bruit
des détonations n'avait pas été perçu aux
étages Supérieurs de l'hôtel, - le blessé
était étendu dans un fauteuil, et rece-
vait de ses collaborateurs les premiers
soins , cependant, que les médecins
étaient,mandés par téléphoné, et'que; de
la Pharmacie Normale arrivaient ies se-
cours'nécessaires.
Notre Directeur avait conservé toute
sa lucidité, tout son sang-froid. Tandis
qu'on le déshabillait pour panser la
seule blessure qu'on aperçût à ce mo-
ment - une trace de.balle qui rayait le
milieu de la poitrine d'un trait sanglant
- il murmura (et cette parole le.dépein-
dra tout entier aux yeux de ceux qui le
connaissent) : « Je vous" prie de m'éx-
cuser..'. » . .
. On avait étendu le blessé sur. un di-
vap, et à ce moment s'était révélée
l'existence.d'une blessure plus grave.
Une seconde balle avait perforé le côté
gauche. A hauteur du point où le pro-
jectile avait pénétré, la ceinture trouée
du caleçon portait une large tache de
sang. "
M. Calmette avait subi avec un admi-
rable calme la fatigue des premiers pan-
sements, il murpurait : «Je ne suis pas
très bien. » Il avait' accepté .quelques
gouttes d'un cordial, et semblait som-
meiller.
Pendant ce temps, la nouvelle, très
vite propagée, attirait aû Figaro une
foule d'amis profondément émus qui,
entrés dans le vestibule de la rédaction,
s'arrêtaient stupéfaits -devant la seule
femme qui fût présente à ce moment
parmi nous : Mme Caillaux, qui sem-
blait au bout"d'une demi-heure ne pas
comprendre elle-même que les quatre
agents envoyés du poste de la rue
Drouot ne T'eussent point arrêtée en-
core !
L'un d'eux à qui cette scandaleuse
nonchalance, était-reprochée, répondit :
« Nous'n'avons pas le revolver ! »
On l'alla prendre sur la cheminée du
cabinet de M. Calmette, où il-avait été
déposé. Il contenaiten o.roune balle. On
remit l'arme aux agents,qui firent signe
alors à Mme Caillaux de les suivre.
Au même moment arrivait au Figaro
le docteur Reymond. Après avoir vérifié
l'état dù blesse - assisté du'docteur Le-
tournéur qui avait donné à M. Calmette
les premiers soins - le docteurRyemond
informait le professeur Hartmann, par
téléphone, de l'état sérieux du blessé,
et lui demandait de le recevoir d'ur-
gence en sa clinique. Une- voiture
d'ambulance arrivait aussitôt,-et à sept
heures,et demie, le professeur Hartmann
arrivaitson tour pour examiner notre
cher directeur, et l'accompagnait lui-
même jusqu'à Neuilly.
M. Cal mette était toujours en pleine
possession d& eor» .sang-froid» An mo-
ment de quitter son cabinet, il remit à.
u'n' collaborateur 'ses' clefs, " sôh" porte-
feuille et divers papiers, et, d'une voix
a d m i r a b 1 e m e n l ' c a l m e : -
- Dites bien que j'ai fait mon devoir.
Et la voiture d'ambulance l'emporta
vers, Neuilly. .
Ses derniers mots, en s'éloignant de
nous, furent : .« Ma maison... ' m'es
amis... ». , .
L'agonie
M. Calmette avait été transporté d'ur-
gence dans Une voiture, d'ambulance à
la maison de: santé dé la Société d'assis-
tance chirurgicale, 26, boulevard Victor-
Hugo, à Neuilly. Les docteurs Hartmann
et Reymond qui, raccompagnaient le
firent immédiatement installer dans une
des chambres du rez-de-chaussée.
Cependant, de tous les points de Paris,
des amis accouraient aux nouvelles, Un
important service d'ordre était; installé
devant la porte de la maison de santé et
quelques rares personnes seules étaient
admises.
Devant l'aggravation des symptômes,
les docteurs Hartmann et Reymond,
qu'avaient rejoints le docteur Cunéo, et
notre collaborateur Maurice de Fleury,
décidaient d'intervenir. Hélas! l'état de
M. Calmette était désespéré.' La mort
suivait bientôt. '
Les chirurgiens ont aussitôt rédigé le
procès-verbal suivant, qui fut,communi-
qué à la presse : ?
«Au moment de l'arrivée de M.Calmette
à la maison de santé, l'état do shock
était tel que toute tentative opératoire
sembla impossible. A la suite d'injection
intra-veineuse de sérum..., etc., le pouls
se remonta un peu sans que cependant
le malade eût complètement repris con-
naissance.
» A minuit 15, profitant.de cette très
légère amélioration.'on décida de tenter
une intervention. Mais, en raison de son
extrême faiblesse, M. Calmette a. suc-
combé au début même de l'opération.
« Neuilly, 17.mars, 1 heure du matin.
» Docteur Bernard CUNÉO,
» Docteur E. REYMOND,
J> Docteur HARTMANN. >I
Crime prémédité
Il est utile - et c'est un devoir -
d'établir que Mme Caillaux n'a pas agi
dans un mouvement d'Indignation irré-
fléchie; qu'elle avait froidement, prémé-
dité son crime, et qu'elle l'à exécuté avec
une complète maîtrise de soi.
Elle était arrivée au Figaro une heure
avant notre Directeur. Elle demanda au
chef des huissiers de l'introduire. Il ré-
pondit que M. Calmette n'était pas venu
encore'. , ,., - 1 > . . :
' É le déclara qu'elle l'attendrait. Et, en
effet, elle alla ê asseoirdans :le salon
d'attente. Pendant une" longue heure ,
elle y demeura, tenant dans son man-
chon le revolver chargé, et attendant
avec patience le moment où elle s'en
servirait.
Elle-avait dit à l'huissier :
- Dès que M. Calmette saura qui je
suis,.il me recevra.
Et il n'avait pas insisté davantage, par
une discrétion compréhensible. .
Pourtant, lorsque M. Calmette fut en-
tré dans la maison, l'huissier alla trou-
ver Mme Caillaux et lui dit :
- Si vous voulez que je vous annonce
à. M. Calmette," il faudra, madame, que
vous me remettiez votre carte.
Il ajouta :
- Sous enveloppe, si vous voulez.
Alors, elle sortit de son manchon une
enveloppe à l'en-tête de la Chambre dés
députés, et qui renfermait sa carte.
L'huissier alla la remettre à. M. Cal-
mette,; et justement il trouva notre
pauvre Directeur qui sortait du couloir,
son chapeau'sur la tête, allant à up
rendez-vous urgent.; Il ouvrit l'enve-
loppe,'vit le nom de Mme Caillaux, et
aussitôt, comme, nous le disons plus
haut, décida de lu,, recevoir.
Elle entra dans .le. couloir, accompa-
gnée par un huissier. .Plusieurs rédac-
teurs la virent, fort calme, débouta côté
de M. Calmette, qui ouvrit la porte et
s'effaça pour laisser passer la visiteuse.
Dix secondes ne s'étaient pas écoulées
que cinq détonations sèches retentis-
saient. On se précipita.
Mme Caillaux, sans émotion appa-
rente, priait un huissier, qui lui tenait
les mains, de la laisser. ? ? < . ? >
- Je ne veux pas m'enfuir. J'ai mon
auto en bas pour aller au poste avec les
agents. .
L'huissier, cependant, ne la quittait
pas.
Elle répéta :.
- Lâchez-moi. Je suis une dame.
Elle traversa, hautaine, le groupe de
rédacteurs pâles d'horreur. Elle les toisa,
et dit d'une voix qui ne tremblait pas :
- Puisqu'il n'y a pas de justice en
France...
- Taisez-vous, lui; cria l'un de nous.
Après ce que vous avez fait, vous devez
vous taire !
- Ce n'est pas à vous que je parle,
répondit-elle sur un ton froid.
Et elle demeura pendant vingt minu-
tes-car les agents apparus réclamaient
on ne sait quoi avant .de se .saisir d'elle
- elle et.
assurée. '
A la fin, quelqu'un supplia les agents
de l'emmener, de ne pas nous imposer
le supplice de voir cette femme paisible,
a deux pas de celui qui agonisait.
Elle approuva de la tête. Et comme on
l'emmenait,- elle fit une inclination de
tète à celui qui avait parlé :
- Merci, monsieur, dit-elle.
Et elle partit, marchant devant les
agents,
. ;.. ;t ( I ?.? . , „ , ,
Hier soir avait lieu, à l'ambassade d'I-
talie, un dîner diplomatique, suivi de
soirée, donné en l'honneur du Président
de la : République. Le ministre des'
finances et Mme: Gaillaux, conviés,
avaient accepté de s'y rendre. .
Or, à la fin de l'après-midi, Mme Cail-
laux téléphonait à l'ambassade et faisait
savoir à Mme Tittoni que, prise d'une
indisposition soudaine, elle ne pourrait
assister au dîner et demandait qu'on vou-
lût bien l'excuser; elle ajoutait que le
ministre des finances s'y rendrait seul.
Mme Caillaux devait prendre place à
la gauche du Président de la République.
Au commissariat
M. Carpin, commissaire de police du
quartier Montmartre, interrogeait de-
puis un quart d'heure à peine Mme
Caillaux qui venait de quitter le Figaro.
lorsqu'un taxi daps lequel se trouvait
M. Caillaux stoppa devant le poste.
M- Caillaux descendit de la voiture et,
poussant de la main l'agent de planton :
- Jé suis le ministre des finances, lui
dit-il.
11 se dirigea vers l'escalier, au fond du
couloir, et, se retournant brusquement,
jeta au gardien :
- Vous pourriez bien me saluer !
ET le ministre pénétra dans les bu-
reaux. Les doubles portés se refermè-
rent sur lui. Les journalistes pedevaient
plus le revoir qu'au moment où il se
sauvait par une épicerie de la rue
Grange-Batelière.
Quelques instants plus tard, la foule
envahissait le commissariat.
Il y avait là dans lés petites pièces,
MM. Malvy, ministre du commerce;
Lescouvé, procureur de là République ;
Mouton, le docteur Paul, M. Ceccaldi ; ét
sur le palier de l'escalier, assis ou de-,
bout sur les marches, jusqu'au second
étage, des reporters, des inspecteurs de
la Sûreté, des photographes, des gens
que l'on ne connaissait pas.
On attendit ainsi durant de longues
heures; très émus, les journalistes se
serraient la main, s'entretenaient à voix
basse. Parfois, l'un d'eux communiquait
le dernier renseignement : ^
- On dit qu'il à eu un entretien ex-
trêmement vif avec sa femme...
- Il vient de téléphoner à Doumergue.
Il a parlé de démission...
Que se passa-t-il exactement dans le
bureau du commissaire?,M.. Carpin a
bien voulu nous dire ceci
- Mme Caillaux, en sortant du Figaro,
a été conduite immédiatement dans mon
cabinet. Elle était très calme. Je l'ai' in-
terrogée, et elle m'a répondu : « Vous
êtes au courant, monsieur, de la cam-
pagne menée par M. Gaston Calmette
contre mon mari. Tout dernièrement
j'ai demandé à une personne que je ne
nommerai pas, le moyen de faire cesser
cette' campagne. « Il n'y en a pas », me
fut-il répondu et on me laissa entendre
que les attaques du directeur du Figaro
n'avaient, pour ainsi dire, aucune impor-
tance. Mais ces attaques se précisèrent.
Une lettre fut publiée.^D'autres, je le
sais, devaient l'être également. Alors,
que faire?...' »
D'une voix nette, Mme Caillaux ajouta :
« Ce matin, j'ai acheté un browning, et
dans l'après-midi je me suis rendue au
Figaro. Je ne voulais pas donner la mort.
Je l'affirme, et je regrette profondément
mon acte. »
Puis M. Boucard, juge d'instruction,
interrogea" à son tour Mme Caillaux.
Quand l'interrogatoire fut terminé, le
magistrat inculpa Mme Caillaux de ten-
tative de meurtre et lui annonça' qu'elle
serait écrouée le soir même à la prison de.
Saint-Lazare. Il-l'autorisa ensuite à s'en-
tretenir quelques instants avec son mari.
Neuf, heures sonnèrent- M. Lescouvé
'pria'alors tous les journalistes de se re-
tirer. Les agents' lés" poussèrent vers la
sortie et lès portes cochères donnant sur
la rue furent fermées.
La foule qui avait envahi la chaussée
et les trottoirs entourait l'automobile de
Mme Caillaux dont tous les stores étaient
baissés. Des marchands vendaient la
deuxième édition des journaux du soir
et déjà, derrière le double cordon d'a-
gents faisant la haie de la porte à la voi-
ture, d'aucuns poussaient des cris hos-
tiles contre la meurtrière qui allait sortir
du poste d'un moment à l'autre pour ga-
gner la prison Saint-Lazare ; contre le
ministre des finances qu'on espérait bien
voir et huer.
Et tout à coup un grand remous se
produisit dans toute cette foule. Quel-
qu'un venait de crier :
- Il s'est sauvé par la rue Grange-
Batelière ! Assassin ! Assassin !
Le millier de personnes qui se trou-
vaient rue du Faubourg-Montmartre
coururent alors fol'ement vers l'endroit
indiqué. A cinquante pas, devant le nu-
méro 2 de la rue Grange-Batelière, où est
située une épicerie dont l'arrière-bou-
tique communique .par la cour avec le
commissariat, stationnait, eit effet, un
taxi-auto. . ' ' . , 'v';"
, Le ministre des finances et M.. Malvy,
ministre du commerce',' sàutèrent dans
la voiture, mais ils avaient été reconnus.
Les cris redoublèrent : « Mort à Caillaux !
Assassin! Démission ! Démission ! » Mille
poings se tendirent vers le taxi qui aussi-
tôt, la portière fermée, démarra à toute
vitesse. :
Nous apprîmes peu après que Mme
Caillaux, accompagnée de MM. Lescouvé
et Mouton, avait, quelques instants avant
son mari, quitté le poste, toujours parla
petite épicerie, sans être reconnue.
-] I : : ' . , ' -f ! . .
Dans Paris -
Dès que les journaux du soir eurent
répandu l'affreuse nouvelle, une grande
émotion gagna Paris entier. Devant la
porte du Figaro, la foule se rassembla.
Et lorsque quelqu'un sortait .de notre
maison, il devait répondre aux interro-
gations angoissées :
- Il n'est pas mort, dites!
On répondait. On disait : « Non, espé-
rez ! » avec une voix qui tremblait .
Et la nouvelle passait de bouche en
bouche ;
- Il a bien supporté le transport...
- Il n'a pas beaucoup de fièvre...
Sur les boulevards, des groupes s'é-
taient formés... Hélàs ! comment redire,
à cette heure où le journaliste anonyme
ne-peut retenir son émotion et jetterait
sa plume pour pleurer, comment redire
des propos indignés, des mots coléreux
qui ne sbnt d'aucun secours...
Pourtant, il faut continuer. Il faut,
quelle que.soit l'heure, raconter.
Rue^ Saint-André-des-Arts, il y avait
une réunion des sections d'Action fran-
çaise de Paris et de la Seine. M. Maurice
Pujo arriva et annonça ce qui n'était pas
connu encore: Soixante jeunes gens aus-
sitôt partirent, coude à coude, criant :
« Gaillaux, assassin ! Caillaux, assassin ! »
Ils arrivèrent sur le boulevard Saint-De-
nis, et la foule se joignit à eux, répétant
leur cri. Vite,il y eut mille figures hurlant.
Deux mille, bientôt. Les fenêtres s'ou-
vraient, et des gens se penchaient pour
crier à leur tour. Aux terrasses des ca-
les, sur le trottoir, sur la chaussée, la
même clameur, et des applaudissements
pour ceux qui crient !...
Un autre groupe arrive, venant dc-
l'Opéra, et se fond avec le premier.
Devant le Gymnase, on acclame les ma-
nifestants. Trois mille Français s'en vont
maintenant au long des boulevards,
criant : « Assassin, assassin!,» A l'Opéra,
des agents veulent les empêcher de pas-
ser. Leur ligne ondule et plie. La foule
s'engage dans l'avenue de l'Opéra, cou-
verte de monde, déjà. Les agents se re-
forment et arrêtent quelques personnes.
Mais les autres passent, et veulent
courir jusqu'au ministère des finances
que la police garde. Et là, c'est une cla-
meur formidable qui monte, bien que
les agents, de droite etgauche, arrêtent...
Comment exprimer notre gratitude et
notre émotion aux amis dont la sympa-
thie, dès que la douloureuse nouvelle
fut connue, vint se manifester à nous
si chaleureuse, si spontanée ! Toute la
soirée, cette affluence amie a rempli
notre maison. Des feuilles déposées au
rez-de-chaussée de l'hôtel s'étaient.im-
médiatement couvertes de signatures.
Dans nos salles de rédaction, même
affluence; et ce fut, pendant ces heures
angoissantes de la soirée, le défilé inin-
terrompu de tous les amis du monde,
du Parlement," de la presse, des
arts, des lettres, et, pourrait-on dire,
de toutes les "parties de l'élite pa-
risienne - de tous ceux par qui, de-
puis des semaines, la clairvoyance et le
tranquille courage de notre directeur
avaient été si cordialement admirés !
Cette émotion, cette sympathie s'ép-
iaient propagées jusqu'à l'a rue.
L'émotion n'était pas qu'à Paris, et
dès le début de la soirée, on nous télé-
graphiait de Londres :
Londres, 16 mars.
? L'abominable attentat n'a été connu,
à Londres, qu'à sept heures, par un coup
de téléphone du correspondant parisien
du Daily Mail. Il était trop tard pour que
les journaux du soir pussent même
mentionner ce crime sans précédent
dans les annales politiques du monde
entier.
Mais l'émotion produite dans les salles
de rédaction,puis dans les cercles et en-
fin dans les. milieux politiques de Lon-
dres a été énorme. L'indignation est pro-
fonde. Je devrais plutôt dire que c'est
de la stupeur.
Tous les journaux, sans distinction de
parti, publieront demain des articles té-
moignant de la sympathie qu'éprouve la
presse britannique pour notre directeur,
qui tombe ainsi sur la brèche, victime de
son devoir patriotique. - J. COUDURIER.
La carrière
Notre cher Directeur était âgé de cin-
quante-cinq ans. 11 était né à Montpel-
lier, le 30 juillet 1858 ; mais il avait eu,'
étant fils de fonctionnaire, une jeunesse
un peu errante, et c'est à travers les ly-
cées de Brest, de Bordeaux, de Cler-
mont-Ferrand, de Màcon que son édu-
cation se poursuivit. .
Il vint terminer ses études à Paris, à
la.Faculté de droit, et presque aussitôt,
déjà passionnément attiré par le métier
où il allait fournir une si brillante car-
rière, il entrait au Figaro.
Cette maison a été toute sa vie ! Il y
aura passé près de trente ans.
D'abord secrétaire de notre regretté
ami Philippe Gille, à qui avait été
confiée l'importante rubrique des Echos
du Figaro, il devenait bientôt de cette
rubrique le rédacteur principal, puis le
chef.
En même temps, il faisait dans le
grand reportage des débuts remarqués;
et de jour en jour sa situation s'affir-
mait dans une maison où tout de suite
sa bonne grâce, son exquise courtoisie,
ses dons professionnels, l'énergie de son
labeur lui avaient conquis, avec la con-
fiance de ses chefs, l'affection de tous
ses camarades.
Le poste de secrétaire de la rédaction
était devenu vacant, Gaston Calmette
sembla, de tous, le mieux préparé à l'oc-
cuper. Il l'occupait avec distinction à la
mort de Francis Magnard, en 1894. Les
successeurs de celui-ci, MM. de Rodays
et A- Périvier, maintinrent dans ces
fonctions Gaston Calmette, dont on peut
dire que la situation parisienne était,
dès cette époque, considérable.
On n'a pas oublié les événements à la
suite desquels notre cher ami devint
notre chef, et fut porté par l'unanime
confiance des actionnaires du Figaro à
la direction de notre chère maison.
Il y avait douze ans qu'il en était le
directeur ; et l'on n'oubliera pas quel
fut l'éclat de cette direction, et aussi
quel ami délicieux fut, pour tous ceux
qui l'entouraient, ce chef !
Il possédait l'art de savoir être obéi
en n'exprimant que des . désirs, et de
rendre aimable sa volonté, sans paraître
l'imposer jamais. Il avait le respect de
ses collaborateurs ; je veux dire le res-
pect de leur effort, de leur dévouement,
de l'affection dont il se sentait entouré
par eux. -
Et il était, en outre, un journaliste
admirable. Ouvert à. toutes les ques-
tions, curieux de toutes les nouveautés
intéressantes, merveilleusement prompt
à discerner, dans la rapide confection
du journal, la faute à éviter ou le moyen-
de la réparer, si elle était commise"
Ce qu'il fut comme polémiste, comme
défenseur des idées qu'il croyait justes,
des principes dont la victoire lui, sem-
blait nécessaire au salut même du
pays, nos lecteurs le savent, et nous
avons le coeur déchiré en pensant que
c'est cette maîtrise qui lui a coûté la
vie, que notre pauvre chef est mort
pour avoir mis trop de courage et trop
de talent au service de ses généreuses
convictions!
Le dernier article de Gaston Calmette
a paru le 16 mars 1914. La signature de
Gaston Calmette avait paru pour la pre-
mière fois ' dans le Figaro le 20 octobre
1885. ' - ; '
Nos coeurs conserveront précieuse-
ment les souvenirs de vaillance, de ta-
lent, d'esprit, de bonté contenus en ces
vingt-neuf années de labeur !
Lé. Numéro quotidien : DIX CENTIMES en France et en Belgique - Étranger : VINGT CENTIMES
Mardi 17 Mars 1914
Gaston CALMETTE
Directcn r- Gérant
RÉDACTION - ADMINISTRATION
26, rue Drouot, Paris (9° Arr 1)
: POUR LA PUBLICITÉ
S'ADRESSER, 26, RUE DROUOT
h L'HOTEl DU « FIGARO »
ET POUR LES ANNONCES ET RÉCLAMES
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LE FIGARO
toué par ceux-ci,'blâmé par ceux-là, me moquant des sots, bravant les méchants, je me hât©
de rire de tout... dé peur d'être obligé d'en pleurer. » (BEAUMARCHAIS.') 1
H. DE 'YILLEMESSANT
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d'abonnement que pour Paris.
ASSASSINAT
de
GASTON CALMETTE
Notre Directeur, Gaston Calmette, est
mort cette nuit, assassiné.
Notre Directeur avait accusé ,M. Cail-
laux : - - >
De cumuler ses fonctions publiques
de ministre des finances avec celles-de
président du . conseil . d'administration
d'une banque étrangère ;
D'avoir, par une inconcevable négli-
gence, facilité à ses amis un coup de
bourse sur la.Rente ;
D'avoir commis une forfaiture en sus-
pendant l'action de la justice au béné-
fice d'un escroc ; ,
D'avoir déclaré, en 1901, qu'il avait
« écrasé l'impôt sur le revenu en ayant
l'air de le défendre ».'
Au réquisitoire de notre Directeur, M.
Caillaux n'a pas répondu à la tribune. Il
n'a pas poursuivi en Cour'd'assises, il
n'a pas envoyé de témoins ; mais, hier
soir, à six heures et demie, la femme du
ministre des finances, Mme Joseph Cail-
laux, est venue au Figaro, et elle a as-
sassiné M. Gaston Calmette.
Ce .crime soulèvera la colère et l'indi-
gnation dans tout le pays. Quant;à nous,
ses collaborateurs et ses àmis de chaque
jour, après les heures d'atroce angoisse
que nous venons de subir, nous sommes
accablés de douleur. Nous avons perdu
le chef le plus noble.et le plus tendre, le
maître et le compagnon de tous nos ef-
forts et de toutes nos pensées.
Il est tombé vaillamment, dans la lutte
la plus loyale et hardie à laquelle un
écrivain patriote ait voué sa bravoure et
sou.,talent... . ... ; ~ .
Quand on l'a emporté, frappé à mort,
dé ta maison oh depuis trente, ans il
donnait', l'exemple' quotidien du labeur
souriant, du devoir accompli fermement,
il .a trouvé encore un peu'de voix pour
dire ces derniers mots-que nous n'ou-
blierons pas et qui peignent toute son
âme : « Dites-bien que je n'ai voulu faire
de mal à personne et que j'ai fait, mon
devoir... »
Ne faire de mal à personne, c'était son
beau scrupule. Et quand la défense des
idées l'obligeait à l'attaque des hommes,
il en soutirait amèrement. Il sacrifiait
alors au bien public son admirable in-
dulgence et la douceur de son caractère :
il le faisait avec une élégante crânerie.
Nous l'aimions. U nous est impossible
de concevoir que nous ne le verrons
plus, qu'il .nous est pris, - qu'il est
mort.
Nous étions auprès de lui une famille ;
nous le pleurons avec désespoir.
Il était charmant ; il était bon.
Dans nos chagrins, nous allions vers
lui : aujourd'hui-, dans notre chagrin si
cruel, pour la première fois, nous ne
l'avons plus.
Et nous pleurons, tout frissonnants de
l'horreur du crime.
LA RÉDACTION.
Il était six heures et demie. M. Gaston
Calmette accompagnait à la porte de son
cabinet un visiteur quand une carte lui
fut présentée. C'était la carte' de Mme
Joseph Caillaux.
Froidement notre directeur montra
cette carte à l'ami qui prenait congé de
lui. Célui-ci eut un geste de stupeur ;
- Vous la recevez ? dit-il.
.- Sans doute. Je ne puis refuser de
recevoir une femme.
Et M. Calmette donna ordre qu'on in-
troduisît la visiteuse.
Mme Caillaux s'avançait au même
moment, très - calme,- lès deux mains
plongées dans un manchon. M. Calmette
s'effaça pour la laisser passer, et referma
la porte de son cabinet derrière lui. Au
meme moment cinq détonations écla-
taient. Des rédacteurs se précipitaient et
trouvaient devant M, Calmëtte. debout,
très-pâle, appuyé à un fauteuil, Mme
Caillaux armée d'un revolver qu'ils lui
arrachaient des mains.
-Tandis que Mme. Caillaux gagnait le
vestibule de la rédaction, en proférant
des paroles de vengeance incompréhen-?
sibles pour ceux d'entre nous qui sur-
venaient à ce moment, - car le' bruit
des détonations n'avait pas été perçu aux
étages Supérieurs de l'hôtel, - le blessé
était étendu dans un fauteuil, et rece-
vait de ses collaborateurs les premiers
soins , cependant, que les médecins
étaient,mandés par téléphoné, et'que; de
la Pharmacie Normale arrivaient ies se-
cours'nécessaires.
Notre Directeur avait conservé toute
sa lucidité, tout son sang-froid. Tandis
qu'on le déshabillait pour panser la
seule blessure qu'on aperçût à ce mo-
ment - une trace de.balle qui rayait le
milieu de la poitrine d'un trait sanglant
- il murmura (et cette parole le.dépein-
dra tout entier aux yeux de ceux qui le
connaissent) : « Je vous" prie de m'éx-
cuser..'. » . .
. On avait étendu le blessé sur. un di-
vap, et à ce moment s'était révélée
l'existence.d'une blessure plus grave.
Une seconde balle avait perforé le côté
gauche. A hauteur du point où le pro-
jectile avait pénétré, la ceinture trouée
du caleçon portait une large tache de
sang. "
M. Calmette avait subi avec un admi-
rable calme la fatigue des premiers pan-
sements, il murpurait : «Je ne suis pas
très bien. » Il avait' accepté .quelques
gouttes d'un cordial, et semblait som-
meiller.
Pendant ce temps, la nouvelle, très
vite propagée, attirait aû Figaro une
foule d'amis profondément émus qui,
entrés dans le vestibule de la rédaction,
s'arrêtaient stupéfaits -devant la seule
femme qui fût présente à ce moment
parmi nous : Mme Caillaux, qui sem-
blait au bout"d'une demi-heure ne pas
comprendre elle-même que les quatre
agents envoyés du poste de la rue
Drouot ne T'eussent point arrêtée en-
core !
L'un d'eux à qui cette scandaleuse
nonchalance, était-reprochée, répondit :
« Nous'n'avons pas le revolver ! »
On l'alla prendre sur la cheminée du
cabinet de M. Calmette, où il-avait été
déposé. Il contenaiten o.roune balle. On
remit l'arme aux agents,qui firent signe
alors à Mme Caillaux de les suivre.
Au même moment arrivait au Figaro
le docteur Reymond. Après avoir vérifié
l'état dù blesse - assisté du'docteur Le-
tournéur qui avait donné à M. Calmette
les premiers soins - le docteurRyemond
informait le professeur Hartmann, par
téléphone, de l'état sérieux du blessé,
et lui demandait de le recevoir d'ur-
gence en sa clinique. Une- voiture
d'ambulance arrivait aussitôt,-et à sept
heures,et demie, le professeur Hartmann
arrivaitson tour pour examiner notre
cher directeur, et l'accompagnait lui-
même jusqu'à Neuilly.
M. Cal mette était toujours en pleine
possession d& eor» .sang-froid» An mo-
ment de quitter son cabinet, il remit à.
u'n' collaborateur 'ses' clefs, " sôh" porte-
feuille et divers papiers, et, d'une voix
a d m i r a b 1 e m e n l ' c a l m e : -
- Dites bien que j'ai fait mon devoir.
Et la voiture d'ambulance l'emporta
vers, Neuilly. .
Ses derniers mots, en s'éloignant de
nous, furent : .« Ma maison... ' m'es
amis... ». , .
L'agonie
M. Calmette avait été transporté d'ur-
gence dans Une voiture, d'ambulance à
la maison de: santé dé la Société d'assis-
tance chirurgicale, 26, boulevard Victor-
Hugo, à Neuilly. Les docteurs Hartmann
et Reymond qui, raccompagnaient le
firent immédiatement installer dans une
des chambres du rez-de-chaussée.
Cependant, de tous les points de Paris,
des amis accouraient aux nouvelles, Un
important service d'ordre était; installé
devant la porte de la maison de santé et
quelques rares personnes seules étaient
admises.
Devant l'aggravation des symptômes,
les docteurs Hartmann et Reymond,
qu'avaient rejoints le docteur Cunéo, et
notre collaborateur Maurice de Fleury,
décidaient d'intervenir. Hélas! l'état de
M. Calmette était désespéré.' La mort
suivait bientôt. '
Les chirurgiens ont aussitôt rédigé le
procès-verbal suivant, qui fut,communi-
qué à la presse : ?
«Au moment de l'arrivée de M.Calmette
à la maison de santé, l'état do shock
était tel que toute tentative opératoire
sembla impossible. A la suite d'injection
intra-veineuse de sérum..., etc., le pouls
se remonta un peu sans que cependant
le malade eût complètement repris con-
naissance.
» A minuit 15, profitant.de cette très
légère amélioration.'on décida de tenter
une intervention. Mais, en raison de son
extrême faiblesse, M. Calmette a. suc-
combé au début même de l'opération.
« Neuilly, 17.mars, 1 heure du matin.
» Docteur Bernard CUNÉO,
» Docteur E. REYMOND,
J> Docteur HARTMANN. >I
Crime prémédité
Il est utile - et c'est un devoir -
d'établir que Mme Caillaux n'a pas agi
dans un mouvement d'Indignation irré-
fléchie; qu'elle avait froidement, prémé-
dité son crime, et qu'elle l'à exécuté avec
une complète maîtrise de soi.
Elle était arrivée au Figaro une heure
avant notre Directeur. Elle demanda au
chef des huissiers de l'introduire. Il ré-
pondit que M. Calmette n'était pas venu
encore'. , ,., - 1 > . . :
' É le déclara qu'elle l'attendrait. Et, en
effet, elle alla ê asseoirdans :le salon
d'attente. Pendant une" longue heure ,
elle y demeura, tenant dans son man-
chon le revolver chargé, et attendant
avec patience le moment où elle s'en
servirait.
Elle-avait dit à l'huissier :
- Dès que M. Calmette saura qui je
suis,.il me recevra.
Et il n'avait pas insisté davantage, par
une discrétion compréhensible. .
Pourtant, lorsque M. Calmette fut en-
tré dans la maison, l'huissier alla trou-
ver Mme Caillaux et lui dit :
- Si vous voulez que je vous annonce
à. M. Calmette," il faudra, madame, que
vous me remettiez votre carte.
Il ajouta :
- Sous enveloppe, si vous voulez.
Alors, elle sortit de son manchon une
enveloppe à l'en-tête de la Chambre dés
députés, et qui renfermait sa carte.
L'huissier alla la remettre à. M. Cal-
mette,; et justement il trouva notre
pauvre Directeur qui sortait du couloir,
son chapeau'sur la tête, allant à up
rendez-vous urgent.; Il ouvrit l'enve-
loppe,'vit le nom de Mme Caillaux, et
aussitôt, comme, nous le disons plus
haut, décida de lu,, recevoir.
Elle entra dans .le. couloir, accompa-
gnée par un huissier. .Plusieurs rédac-
teurs la virent, fort calme, débouta côté
de M. Calmette, qui ouvrit la porte et
s'effaça pour laisser passer la visiteuse.
Dix secondes ne s'étaient pas écoulées
que cinq détonations sèches retentis-
saient. On se précipita.
Mme Caillaux, sans émotion appa-
rente, priait un huissier, qui lui tenait
les mains, de la laisser. ? ? < . ? >
- Je ne veux pas m'enfuir. J'ai mon
auto en bas pour aller au poste avec les
agents. .
L'huissier, cependant, ne la quittait
pas.
Elle répéta :.
- Lâchez-moi. Je suis une dame.
Elle traversa, hautaine, le groupe de
rédacteurs pâles d'horreur. Elle les toisa,
et dit d'une voix qui ne tremblait pas :
- Puisqu'il n'y a pas de justice en
France...
- Taisez-vous, lui; cria l'un de nous.
Après ce que vous avez fait, vous devez
vous taire !
- Ce n'est pas à vous que je parle,
répondit-elle sur un ton froid.
Et elle demeura pendant vingt minu-
tes-car les agents apparus réclamaient
on ne sait quoi avant .de se .saisir d'elle
- elle et.
assurée. '
A la fin, quelqu'un supplia les agents
de l'emmener, de ne pas nous imposer
le supplice de voir cette femme paisible,
a deux pas de celui qui agonisait.
Elle approuva de la tête. Et comme on
l'emmenait,- elle fit une inclination de
tète à celui qui avait parlé :
- Merci, monsieur, dit-elle.
Et elle partit, marchant devant les
agents,
. ;.. ;t ( I ?.? . , „ , ,
Hier soir avait lieu, à l'ambassade d'I-
talie, un dîner diplomatique, suivi de
soirée, donné en l'honneur du Président
de la : République. Le ministre des'
finances et Mme: Gaillaux, conviés,
avaient accepté de s'y rendre. .
Or, à la fin de l'après-midi, Mme Cail-
laux téléphonait à l'ambassade et faisait
savoir à Mme Tittoni que, prise d'une
indisposition soudaine, elle ne pourrait
assister au dîner et demandait qu'on vou-
lût bien l'excuser; elle ajoutait que le
ministre des finances s'y rendrait seul.
Mme Caillaux devait prendre place à
la gauche du Président de la République.
Au commissariat
M. Carpin, commissaire de police du
quartier Montmartre, interrogeait de-
puis un quart d'heure à peine Mme
Caillaux qui venait de quitter le Figaro.
lorsqu'un taxi daps lequel se trouvait
M. Caillaux stoppa devant le poste.
M- Caillaux descendit de la voiture et,
poussant de la main l'agent de planton :
- Jé suis le ministre des finances, lui
dit-il.
11 se dirigea vers l'escalier, au fond du
couloir, et, se retournant brusquement,
jeta au gardien :
- Vous pourriez bien me saluer !
ET le ministre pénétra dans les bu-
reaux. Les doubles portés se refermè-
rent sur lui. Les journalistes pedevaient
plus le revoir qu'au moment où il se
sauvait par une épicerie de la rue
Grange-Batelière.
Quelques instants plus tard, la foule
envahissait le commissariat.
Il y avait là dans lés petites pièces,
MM. Malvy, ministre du commerce;
Lescouvé, procureur de là République ;
Mouton, le docteur Paul, M. Ceccaldi ; ét
sur le palier de l'escalier, assis ou de-,
bout sur les marches, jusqu'au second
étage, des reporters, des inspecteurs de
la Sûreté, des photographes, des gens
que l'on ne connaissait pas.
On attendit ainsi durant de longues
heures; très émus, les journalistes se
serraient la main, s'entretenaient à voix
basse. Parfois, l'un d'eux communiquait
le dernier renseignement : ^
- On dit qu'il à eu un entretien ex-
trêmement vif avec sa femme...
- Il vient de téléphoner à Doumergue.
Il a parlé de démission...
Que se passa-t-il exactement dans le
bureau du commissaire?,M.. Carpin a
bien voulu nous dire ceci
- Mme Caillaux, en sortant du Figaro,
a été conduite immédiatement dans mon
cabinet. Elle était très calme. Je l'ai' in-
terrogée, et elle m'a répondu : « Vous
êtes au courant, monsieur, de la cam-
pagne menée par M. Gaston Calmette
contre mon mari. Tout dernièrement
j'ai demandé à une personne que je ne
nommerai pas, le moyen de faire cesser
cette' campagne. « Il n'y en a pas », me
fut-il répondu et on me laissa entendre
que les attaques du directeur du Figaro
n'avaient, pour ainsi dire, aucune impor-
tance. Mais ces attaques se précisèrent.
Une lettre fut publiée.^D'autres, je le
sais, devaient l'être également. Alors,
que faire?...' »
D'une voix nette, Mme Caillaux ajouta :
« Ce matin, j'ai acheté un browning, et
dans l'après-midi je me suis rendue au
Figaro. Je ne voulais pas donner la mort.
Je l'affirme, et je regrette profondément
mon acte. »
Puis M. Boucard, juge d'instruction,
interrogea" à son tour Mme Caillaux.
Quand l'interrogatoire fut terminé, le
magistrat inculpa Mme Caillaux de ten-
tative de meurtre et lui annonça' qu'elle
serait écrouée le soir même à la prison de.
Saint-Lazare. Il-l'autorisa ensuite à s'en-
tretenir quelques instants avec son mari.
Neuf, heures sonnèrent- M. Lescouvé
'pria'alors tous les journalistes de se re-
tirer. Les agents' lés" poussèrent vers la
sortie et lès portes cochères donnant sur
la rue furent fermées.
La foule qui avait envahi la chaussée
et les trottoirs entourait l'automobile de
Mme Caillaux dont tous les stores étaient
baissés. Des marchands vendaient la
deuxième édition des journaux du soir
et déjà, derrière le double cordon d'a-
gents faisant la haie de la porte à la voi-
ture, d'aucuns poussaient des cris hos-
tiles contre la meurtrière qui allait sortir
du poste d'un moment à l'autre pour ga-
gner la prison Saint-Lazare ; contre le
ministre des finances qu'on espérait bien
voir et huer.
Et tout à coup un grand remous se
produisit dans toute cette foule. Quel-
qu'un venait de crier :
- Il s'est sauvé par la rue Grange-
Batelière ! Assassin ! Assassin !
Le millier de personnes qui se trou-
vaient rue du Faubourg-Montmartre
coururent alors fol'ement vers l'endroit
indiqué. A cinquante pas, devant le nu-
méro 2 de la rue Grange-Batelière, où est
située une épicerie dont l'arrière-bou-
tique communique .par la cour avec le
commissariat, stationnait, eit effet, un
taxi-auto. . ' ' . , 'v';"
, Le ministre des finances et M.. Malvy,
ministre du commerce',' sàutèrent dans
la voiture, mais ils avaient été reconnus.
Les cris redoublèrent : « Mort à Caillaux !
Assassin! Démission ! Démission ! » Mille
poings se tendirent vers le taxi qui aussi-
tôt, la portière fermée, démarra à toute
vitesse. :
Nous apprîmes peu après que Mme
Caillaux, accompagnée de MM. Lescouvé
et Mouton, avait, quelques instants avant
son mari, quitté le poste, toujours parla
petite épicerie, sans être reconnue.
-] I : : ' . , ' -f ! . .
Dans Paris -
Dès que les journaux du soir eurent
répandu l'affreuse nouvelle, une grande
émotion gagna Paris entier. Devant la
porte du Figaro, la foule se rassembla.
Et lorsque quelqu'un sortait .de notre
maison, il devait répondre aux interro-
gations angoissées :
- Il n'est pas mort, dites!
On répondait. On disait : « Non, espé-
rez ! » avec une voix qui tremblait .
Et la nouvelle passait de bouche en
bouche ;
- Il a bien supporté le transport...
- Il n'a pas beaucoup de fièvre...
Sur les boulevards, des groupes s'é-
taient formés... Hélàs ! comment redire,
à cette heure où le journaliste anonyme
ne-peut retenir son émotion et jetterait
sa plume pour pleurer, comment redire
des propos indignés, des mots coléreux
qui ne sbnt d'aucun secours...
Pourtant, il faut continuer. Il faut,
quelle que.soit l'heure, raconter.
Rue^ Saint-André-des-Arts, il y avait
une réunion des sections d'Action fran-
çaise de Paris et de la Seine. M. Maurice
Pujo arriva et annonça ce qui n'était pas
connu encore: Soixante jeunes gens aus-
sitôt partirent, coude à coude, criant :
« Gaillaux, assassin ! Caillaux, assassin ! »
Ils arrivèrent sur le boulevard Saint-De-
nis, et la foule se joignit à eux, répétant
leur cri. Vite,il y eut mille figures hurlant.
Deux mille, bientôt. Les fenêtres s'ou-
vraient, et des gens se penchaient pour
crier à leur tour. Aux terrasses des ca-
les, sur le trottoir, sur la chaussée, la
même clameur, et des applaudissements
pour ceux qui crient !...
Un autre groupe arrive, venant dc-
l'Opéra, et se fond avec le premier.
Devant le Gymnase, on acclame les ma-
nifestants. Trois mille Français s'en vont
maintenant au long des boulevards,
criant : « Assassin, assassin!,» A l'Opéra,
des agents veulent les empêcher de pas-
ser. Leur ligne ondule et plie. La foule
s'engage dans l'avenue de l'Opéra, cou-
verte de monde, déjà. Les agents se re-
forment et arrêtent quelques personnes.
Mais les autres passent, et veulent
courir jusqu'au ministère des finances
que la police garde. Et là, c'est une cla-
meur formidable qui monte, bien que
les agents, de droite etgauche, arrêtent...
Comment exprimer notre gratitude et
notre émotion aux amis dont la sympa-
thie, dès que la douloureuse nouvelle
fut connue, vint se manifester à nous
si chaleureuse, si spontanée ! Toute la
soirée, cette affluence amie a rempli
notre maison. Des feuilles déposées au
rez-de-chaussée de l'hôtel s'étaient.im-
médiatement couvertes de signatures.
Dans nos salles de rédaction, même
affluence; et ce fut, pendant ces heures
angoissantes de la soirée, le défilé inin-
terrompu de tous les amis du monde,
du Parlement," de la presse, des
arts, des lettres, et, pourrait-on dire,
de toutes les "parties de l'élite pa-
risienne - de tous ceux par qui, de-
puis des semaines, la clairvoyance et le
tranquille courage de notre directeur
avaient été si cordialement admirés !
Cette émotion, cette sympathie s'ép-
iaient propagées jusqu'à l'a rue.
L'émotion n'était pas qu'à Paris, et
dès le début de la soirée, on nous télé-
graphiait de Londres :
Londres, 16 mars.
? L'abominable attentat n'a été connu,
à Londres, qu'à sept heures, par un coup
de téléphone du correspondant parisien
du Daily Mail. Il était trop tard pour que
les journaux du soir pussent même
mentionner ce crime sans précédent
dans les annales politiques du monde
entier.
Mais l'émotion produite dans les salles
de rédaction,puis dans les cercles et en-
fin dans les. milieux politiques de Lon-
dres a été énorme. L'indignation est pro-
fonde. Je devrais plutôt dire que c'est
de la stupeur.
Tous les journaux, sans distinction de
parti, publieront demain des articles té-
moignant de la sympathie qu'éprouve la
presse britannique pour notre directeur,
qui tombe ainsi sur la brèche, victime de
son devoir patriotique. - J. COUDURIER.
La carrière
Notre cher Directeur était âgé de cin-
quante-cinq ans. 11 était né à Montpel-
lier, le 30 juillet 1858 ; mais il avait eu,'
étant fils de fonctionnaire, une jeunesse
un peu errante, et c'est à travers les ly-
cées de Brest, de Bordeaux, de Cler-
mont-Ferrand, de Màcon que son édu-
cation se poursuivit. .
Il vint terminer ses études à Paris, à
la.Faculté de droit, et presque aussitôt,
déjà passionnément attiré par le métier
où il allait fournir une si brillante car-
rière, il entrait au Figaro.
Cette maison a été toute sa vie ! Il y
aura passé près de trente ans.
D'abord secrétaire de notre regretté
ami Philippe Gille, à qui avait été
confiée l'importante rubrique des Echos
du Figaro, il devenait bientôt de cette
rubrique le rédacteur principal, puis le
chef.
En même temps, il faisait dans le
grand reportage des débuts remarqués;
et de jour en jour sa situation s'affir-
mait dans une maison où tout de suite
sa bonne grâce, son exquise courtoisie,
ses dons professionnels, l'énergie de son
labeur lui avaient conquis, avec la con-
fiance de ses chefs, l'affection de tous
ses camarades.
Le poste de secrétaire de la rédaction
était devenu vacant, Gaston Calmette
sembla, de tous, le mieux préparé à l'oc-
cuper. Il l'occupait avec distinction à la
mort de Francis Magnard, en 1894. Les
successeurs de celui-ci, MM. de Rodays
et A- Périvier, maintinrent dans ces
fonctions Gaston Calmette, dont on peut
dire que la situation parisienne était,
dès cette époque, considérable.
On n'a pas oublié les événements à la
suite desquels notre cher ami devint
notre chef, et fut porté par l'unanime
confiance des actionnaires du Figaro à
la direction de notre chère maison.
Il y avait douze ans qu'il en était le
directeur ; et l'on n'oubliera pas quel
fut l'éclat de cette direction, et aussi
quel ami délicieux fut, pour tous ceux
qui l'entouraient, ce chef !
Il possédait l'art de savoir être obéi
en n'exprimant que des . désirs, et de
rendre aimable sa volonté, sans paraître
l'imposer jamais. Il avait le respect de
ses collaborateurs ; je veux dire le res-
pect de leur effort, de leur dévouement,
de l'affection dont il se sentait entouré
par eux. -
Et il était, en outre, un journaliste
admirable. Ouvert à. toutes les ques-
tions, curieux de toutes les nouveautés
intéressantes, merveilleusement prompt
à discerner, dans la rapide confection
du journal, la faute à éviter ou le moyen-
de la réparer, si elle était commise"
Ce qu'il fut comme polémiste, comme
défenseur des idées qu'il croyait justes,
des principes dont la victoire lui, sem-
blait nécessaire au salut même du
pays, nos lecteurs le savent, et nous
avons le coeur déchiré en pensant que
c'est cette maîtrise qui lui a coûté la
vie, que notre pauvre chef est mort
pour avoir mis trop de courage et trop
de talent au service de ses généreuses
convictions!
Le dernier article de Gaston Calmette
a paru le 16 mars 1914. La signature de
Gaston Calmette avait paru pour la pre-
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