Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1889-08-20
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 20 août 1889 20 août 1889
Description : 1889/08/20 (Numéro 232). 1889/08/20 (Numéro 232).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
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Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Description : Collection numérique : France-Brésil Collection numérique : France-Brésil
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k280858j
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
8# Année - 3* Série -'-Numéro 232
Le Numéro : 15 cent, à Paris, 20 cent, dans les Départements
Mardi 20 Août 1880
FRANCIS MAGNARO
Rédacteur en chej
A. PÊRIVIER
Secrétaire Je la Rédaction
, RËDACTIOIV
PE MIDI A TFLNUIT, RUE DHOUOT, 26
tes manuscrits ne sont pas rendu»
PUBLICITÉ BK 1" BT DE 8* FAOB
SO, rue Droaat
LE FIGARO
H. DE VILLEMESSANT
Fondateur
FERNAND DE RODAYS
Administrateur
Paris : Trait Mais 16 fr. D
Départements : IVotî liais 19 fr. 50
Cuion Postale .. Trait Mois 21 fr. 50
ANNONCES, RÉ CUMIS ET PETITES GAZETTES
EBollIngcn Fll« t Ségay et 0*
56, RUE GRANGE-BATELIÈRE ET AU FIGARO, EUS DROUOT, £
Tiers de l'Isle-Adam
Un des écrivains les plus originaux de
la France, qui fut collaborateur à ce
journal, vient de mourir ; le comte de
Villiers de l'Isle-Adam. .
Gloire longtemps marchandée I Admi-
ration restreinte à une élite ! Apôtre du
Verbe trop peu écouté ! Mais la mort
aura été pour lui comme une Pentecôte,
car sur ce front trop tôt pâli est descen-
due une lumière qui ne doit plus s'étein-
dre 1
Après une vie inquiète et rude, le pau-
vre grand écrivain aura eu la douleur
supplémentaire de voir venir kla mort à
lui et d'en avoir conscience.
Combien navrant et navré nous l'avons
vu, il y a trois mois, dans cette petite
maisonnette de Nogent, où il avait cru
se guérir par l'air balsamique du mai
nouveau ! Et comme, à la fenêtre, nous
causions de la jeune verdure et des mar-
ronniers aux thyrses blancs : « Ils por-
tént des ciergés pour un enterrement... »
fit le malade avec amertume.
Combien plus navrant encore, ces
jours derniers, à l'hospice des Frères de
Saint-Jean-l'Hospitalier, d'une maigreur
effrayante, sahs souffle. « Tout le monde
ici pour moi pousse à la roue de
la mort », nous dit-il, faisant allusion
aux Frères qui le soignaient et s'inquié-
taient de sa bonne fin. Il n'avait plus
même la force, selon sa manie, de se
plaindre dés médecins, les médecins qui,
depuis plusieurs mois, avaient diagnos-
tiqué chacun à sa façon : l'un, une
phtisie; l'autre, un cancer à l'estomac,
ne voyant pas clair, au surplus, dans sa
mort, pas plus que les hommes n'avaient
vu clair dans sa vie. Il fut mystérieux
et incompris, même pour ses médecins !
Mais, en chrétien sincère qu'il fut vrai-
ment, il paraissait résigné : « Je m'en
irai bien tranquille », ajouta-t-il, tandis
que ses grands yeux nostalgiques s'em-
plirent soudain de larmes, regardant
vers le jardin du couvent, cet identique
jardin sur lequel s'ouvrait précisément
aussi la chambre de Barbey d'Aurevilly,
rue Rousselet. Coïncidence des desti-
nées : la' belle verdure de cet été dans
le jardin des Frères aura été regardée
par les. yeux expirants de ces deux
grands morts. Extrême-Onction de leurs
regards communiant sous les espèces
des mêmes fleurs I
Mais en ses suprêmes journées,Villiers
songeait encore à la littérature qui fut
l'unique passion de sa vie, ou plutôt à
sa littérature, car celle-ci seule l'inté-
ressait. Il ne lisait aucun livre actuel
et complimentait sur ceux qu'il recevait,
sans jamais les avoir ouverts ni dé-
coupés.
Or donc, exténué et mourant,il se plai-
gnait, à propos de la dernière nouvelle
parue de lui, de fautes d'impression qui
eh altéraient l'art strict. On avait com-
posé : « 11 expira doucement, d'un air
d'élu. » Villiers était tout en peine
et en irritation : « C'est banal... c'est
quelconque... tandis que j'avais écrit :
« 11 expira doucement, Y air d'un élu ! »
Ceci est tout autre chose - l'air d'un
élu, ajouta-t-il, c'est le clair de lune sur
la face d'un mort !»
###
Comme dans les nécrologies ordinai-
res, il serait bien difficile de dire où Vil-
liers naquit, et quand. Lui-même se
plaisait à entretenir du mystère autour
de sa vie. La seule chose qui lui impor-
tât véritablement, c'était sa lignée : un
de son nom, un comte de Villiers de
l'Isle-Adam, fut en effet le dernier
Grand-Maître des chevaliers de Malte,(
et lui-même figurait sur la liste des
rares chevaliers de l'Ordre encore exis-
tants. C'est même à cause d'une telle
parenté qu'il alla un jour, prétend-on,
réclamer à Napoléon III, comme lui
étant dû, le trône de Grèce alors vacant.
L'Empereur sourit en lui disant que
malheureusement il venait juste d'en
disposer. Voilà du moins ce que raconte
la légende, une légende bariolée et
touffue que Villiers lui-même créait et
alimentait autour de lui. Peut-être
même que l'histoire est vraie ; car si
Villiers fut un féroce railleur, un mys-
tificateur à froid comme Baudelaire", il
était en même temps un candide et fou
poète, à la fois retors et très puéril, in-
génieux à combiner tel projet, mais tou-
jours lunatique à l'accomplir et adora-
blement étourdi.
Tantôt, dans son voyage à Weimar,
avec Catulle Mendès et ses compagnons
du Parnasse, pour se rencontrer avec y
Richard Wagner, il est reçu par le
grand-duc. On dit des vers; lui-même lit
une de ses extraordinaires histoires, et
comme lé prince, :pour mieux entendue,
était venu s'asseoir à côté de lui,Villiers,
achevant la lecture et le voyant qui riait,
lui frappe sur la cuisse : « N'est-ce pas
que c'est amusant!;.'» Vous pensez le
scandale que cette familiarité causa.
Autre étourderie exquise : l'an der-
nier, il alla à Dièppe pour voir lord Sa-
lisbury qui est son cousin, espérant de
lui, avec son éternelle naïveté de poète
qui voit déjà tout ce qu'il rêve, obtenir
quelque sinécure éminente et lucrative
en Angleterre. Il revint ici, heureux et
plein d'espoir, racontant à chacun qu'il
avait tout à fait enchanté le grave lord
par sa gaité et ses récits. Or, on lui ap-
prit à ce moment que lord Salisbury
n'avait pas pu l'apprécier ni lui rien
promettre efficacement, attendu qu'il est i
sourd comme une tombe murée.
D'ailleurs cette étourderie, si à peine
Vraisemblable, n'est-elle pas de famille
et héréditaire, s'il faut en croire le récit
qu'on fait de l'arrivée à Paris de Villiers
et des siens?
C'était dans les commencements du
Parnasse, vers 1864. En Bretagne,là-bas,
du côté de Saint-Brieuc, on ne sait où,
il avait dit un jour à sa famille : « Je
veux aller à Paris et faire de la littéra-
ture. » Et la famille avait décidé le dé-
part; on avait aliéné les terres patrimo-
niales. Une tante voulut même les ac-
compagner, ayant vendu aussi sa tour
ei son château.. Fixés ici,, le jeune Villiers
d§ l'Isle Adam travaillait le jour ; puis,
chaque soir, invitait autour de la famille
réunie quelques écrivains, imberbes au-
tant que lui, qu'il présentait aux siens
comme des poètes déjà célèbres. Alors
la vieille tante, celle qui gardait l'âme
des aïeux - les Villiers de l'Isle-Adam
qui furent aux Croisades, puis chevaliers
de Malte et Grand-Maître dans l'Ile- la
vieille tante qui portait encore le hennin
comme une châtelaine du moyen âge,
demandait; à son neveu ' : « Eh bien 1
comte Villiers de l'Isle-Adam, comment
marche ce nouveau drame? Où en êtes-
vous de Morgane ? »
Et Villiers alors, en parfait comédien
inconscient qu'il fut toujours, racontait
son scénario, essayait l'effet d'une ré-
plique, cherchait le dénouement d'une
scène par la griserie et ce que j'appel-
lerai l'inspiration de la parole.
D'abord il goûtait en soi le plaisir de
la causerie; et c'est ce qui explique tant
et trop de promiscuités, le soir, dans
les tavernes, où il livrait au premier
venu son étourdissant babil, son para-
doxal humour - les mots embrouillés
et se pressant à ses lèvres, les yeux
proéminents d'un bleu pâli d'ancien
portrait au pastel, un habituel geste re-
levant avec la main, d'une blancheur
féminine, ses longs cheveux qui tom-
baient sur sa figure.
Souvent lyrique, comme ce soir où il
railla devant nous les succès faciles des
écrivains médiocres : « Ah! la renom-
mée et les trompettes! Mais il y a une
i justice aussi. Il y a le Jugement dernier
pour les écrivains, où sonneront encore
dès trompettes - et de celles-là le cuivre
est déjà dans nos voix !.. »
Mais, comme nous dit Coppée un jour,
Villiers souvent commençait ainsi en
Shakespeare et finissait en Bonhomet.
Ah ! ce Tribulat Bonhomet (le titre d'un
de ses livres) ce type de transcendan-
tale sottise que Villiers avait créé et dont
il était si fier; ce Bonhomet qui était le
bourgeois, l'éternel ennemi, mais autre-
ment maniaque que Bouvard et Pécu-
chet, avec des manies non quotidiennes,
des manies rares et cruelles comme
celle de Bonhomet docteur, « qui tue
des cygnes pour avoir le plaisir de les
entendre chanter ».
Depuis des années, Villiers interprétait !
et jouait des Bonhomet devant ses audi-
teurs, ravi de les ahurir par quelque
abracadabrante histoire et scandant son
'solennelrécit d'un rire bref,- strident, qui
donnait froid comme le rire des fous.
Mais Villiers n'aimait pas seulement
la causerie pour elle-même et sa joie
.intrinsèque; il l'aimait parce que, afin
j de travailler, d'imaginer, d'écrire, il
avait besoin de cette excitation. D'autres
ont recours au tabac, aux alcools. Lui,
c'est en causant, en se grisant de sa
propre verve qu'il saisit* au vol des-
mots, d'incomparables trouvailles, des
images imprévues, de la poussière d'or
et de feu qu'il rapportait, à travers la
nuit noire, dans son encre morte, et qui
alors jusqu'au matin allait incendier ses
pages, envahies de fièvre et de génie ! .
Ainsi il se cherchait et il se trouvait
lui-même, en parlant! Et voilà pourquoi
il ressassait sans cesse aux amis ren-
contrés telle nouvelle en germe, tel
poème inachevé. Est-ce que depuis vingt
ans il ne s'ingéniait pas, en la racontant,
à trouver la formule de symbolisme
exacte pour une oeuvre qui mettrait en
scène ceci : un homme misanthrope a
rompu avec le monde ; il est parfaite-
ment heureux, sauf qu'à l'heure du re-
pas il lui semble pénible de s'asseoir
seul à table. Alors il installe dans sa
maison un orang-outang, qui prend
place vis-à-vis de lui pour le dîner. So-
ciété charmante ! L'animal n'est pas
bruyant : il est discret; il a des gestes
polis ! Si bien que le philosophe en in-
troduit encore quelques autres ; quand,
un soir, il entend dans son jardin de
grandes clameurs de ses hôtes, si tran-
quilles d'ordinaire. Par la fenêtre ou-
verte, qu'aperçoit-il? Tous les singes
criant et dansant autour d'une croix (ils
avaient vu dans sa chambre un crucifix)
qui venaient d'y crucifier un des leurs I
Effrayante et bizarre conception dont le
symbole s'entrevoit, sans être nettement
démêlé. Et voilà pourquoi Villiers la
racontait sans cesse depuis des années,
espérant en trouver la formule complète
au tournant d'une phrase, dans l'excita-
tion de son propre récit - infatigable
araignée qui court toujours à travers sa
toile pour l'agrandir et la parfaire en
soleil de dentelle 1
###
/ Mais si Villiers parla ses livres avant
de les écrire, ceux-ci n'en furent pas
moins fixés dans un style définitif et
comme éternel. Cependant il y demeure
un orateur, un grand .orateur dont tels
discours sont comparables aux plus
belles harangues de Tacite ou de Shakes-
peare, ceux d'Akédyssérit, par exemple,
ou ceux d'Axel et du Nouveau-Monde. On
se souvient encore de la représentation
de ce dernier drame - couronné en 1876
par les jurys de l'Académie française et
de la critique, théâtrale, joué quelques
années plus tard au Théâtre-Historique,
mais dont la singularité et la nouveauté
entraînèrent la chute. Il y avait entre au-
tres une scène où tout le monde parle à
la fois - « un de ces moments de confu-
sion, comme a dit Villiers, où la foule
prend elle-même la parole».
Quant à Axel, son chef-d'oeuvre, pu-
hlié sous sa/ première forme dans la
Jeune France, il est à l'impression, chez
Quantin, /et paraîtra sans que Villiers
ait pu le corriger jusqu'au bout et en
nettoyer toutes les épreuves - pauvre
évoque qui meurt au seuil du sacre,
avant d'avoir vu tomber les échafauda-
ges de ses tours !
Quant à ses livres, les Contes cruels,
VAmour suprême, les Contes insolites,
il y demeura partout un lyrique, un poète
dont la plume « se souvient d'avoir été
une aile », comme a dit Sully-Pru-
dhomme, et à travers la page blanche
s'envole en un essor magnifique et pal'
pitant.
C'est en cela qu'il se différencia de
Flaubert dont il avait un peu l'esprit lé-
gendaire, et d'Edgar Poë dont il accli-
mata le frisson fantastique. Les Contes
cruels et \Amour suprême à cet égard
ne sont pas sans éveiller des souvenan-
ces et des ascendances.
Le plus original de son oeuvre demeu-
rera cette extraordinaire Eve future, la-
quelle prouve combien Villiers était
avant tout un grand visionnaire qui,
après avoir retrouvé, reconstitué, revu
l'Inde magnifique dans Akédysséril, et
tout le passé de l'histoire humaine et
l'Exégèse divine dans d'autres oeuvres,
fut encore Un visionnaire de l'avenir
dans ce livre qui met en scène Edison "et
raconte les prochaines sorcelleries de
l'électricité, du téléphone, du phonogra-
phe, du microphone, etc. Non sans fan-
taisie et charmante exagération, puis-
qu'il s'agit ici dé la construction méca-
nique d'une femme - Eve de rouages et
de ressorts savamment articulés ; non
sans ironie cruelle aussi et glaçante dans
cette façon de glorifier le progrès, les
inventions modernes, tout l'américa-
nisme mercantile du siècle, déjà dénon-
cés dans la Machine à gloire, Y Affichage
céleste, etc. Ainsi la tour Eiffel l'irritait
particulièrement : « Il en aurait fallu
construire une seconde, à côté - nous
disait-il - avec M. Carnot, en habit noir,
au sommet, une jambe sur chaque tour
- comme le colosse de Rhodes des temps
modernes. »
Dans ses livres, même ironie miroi-
tante ; les phrases ont des lueurs par
moments d'une trousse terrifiante dans
la main d'un médecin qui plaisante, qui
fait remarquer' l'éclat des aciers, la den-
telle des scies, la coquetteriè des spatu-
les et des scalpels - oh ! les jolis JOU-
jôux ! - et soudain, avec une joie im-
mense et un rire strident, les enfonce
dans les têtes et dans les coeurs !
En dehors même de la singularité et
de la profondeur de ses conceptions,
Villiers demeurera comme unmaître par
la qualité de son style, ce style d'eau
vive et de lumière échappée, ce style si
renouvelé, si moderne et en même temps
si classique, car lui fut le contraire de
ceux qu'il raillait un jour devant nous :
« Ecrivains maniant des mots comme
les employés de banque qui empilent les
pièces d'or et d'argent-c'est la richesse
des autres !... »
A propos d'un volume de nouvelles
qui seront posthumes, il avait songé à
ce beau titre : Histoires souveraines.
C'est l'épithète qui convient à tout son
oeuvre. Il a vraiment fait de la Littéra-
ture Souveraine. Et avec quelle fierté :
« Celui qui en naissant ne porte pas dans
sa poitrine sa propre gloire ne connaî-
tra jamais la signification réelle de ce ,
mot », écrivait-il dans la préface de la
Révolte.
Avec quelle résignation aussi, car
Villiers ne fut guère lu; Villiers vécut i
pauvre. Il cherchait à s'en consoler en
citant le verset de l'Ecriture : « Dieu a .
montré le peu de cas qu'il .fait lui-même
des richesses par la qualité de ceux à qui
il les a données. » D'autres fois il disait
avec une mélancolie infinie : « J'aurais
cependant eu droit au petit ménage,
comme les autres ! »
La destinée jusqu'au bout ne se mon-
tra pas plus clémente ; et le pauvre ma-
lade n'a dû de vivre tranquille, ces der-
niers temps, qu'à l'intervention de quel-
ques amis - « une collecte pour moi I »,
comme il soupira avec navrement quand
Stéphane Mallarmé et Léon Dierx - si
noblement dévoués - vinrent lui porter
le premier versement de cette cotisation
amicale. Chacun donnait cinq ou dix
francs par mois ; Gyp (une grande ad-
miratrice imprévue de Villiers), cin-
quante francs ; Alexandre Dumas, cent.
Hélas ! on a jeté un peu d'argent sur son
dernier lit, comme demain on jettera un
peu de terre sur son cercueil.
Tristesse d'une telle mort abandonnée
et pauvre, comme mourut Barbey d'Au-
revilly, comme mourut aussi Baude-
laire. Sombre et pourtant radieuse tri-
nité ! C'est la loi, dirait-on, en ce dur
siècle, et la rançon de la gloire. Les
temps sont revenus où la lyre d'Orphée
ne surnage et ne chante pour l'avenir
que moyennant le supplice préalable du
poète, déchiré enGore une fois par les
Bacchantes.
Georges Rodenbach.
ÉCHOS
La Température
Les faibles pressions signalées sur les Iles
Britanniques se sont rapidement avancées près
du continent (Valentia, 75omm). Les dépressions
orageuses ont alors continué à envahir la France,
et la baisse barométrique, qui s'est étendue
jusqu'à la Méditerranée et i la mer Noire, at-
teignait, hier matin, iomm en Bretagne. L'aire
des pressions supérieures à 765mm couvrait en-
core le sud de l'Autriche et de l'Italie ; son cen-
tre était près d'Odessa (767TT). Des orages ont
éclaté dans nos régions de l'ouest et du Sud ;
l'un d'eux a occasionné une bourrasque à Biar-
ritz. Les pluies orageuses vont continuer en
France, où le temps va rester assez chaud.
La température a monté sur l'ouest de l'Eu-
rope ; elle était, , hier matin, de 13° à Hapa-
randa, x6° à Brest, Memel, 190 à Paris, 21° à
Bordeaux et 27 à Cagliari. A Paris, journée de
pluie. Thermomètre maximum, 22°5; baromè-
tre en forte baisse, 756mm. Fort orage ie soir.
Dieppe. - Tempsorageux, merbelle. Ther. 180.
Dinar d.-Assez beau temps,ventfaible. Th.18°
Spa. - Temps incertain, journée chaude.
Les Courses
A deux heures, courses à Deauville.
Gagnants de Robert Milton :
Prix de Lassay : Pharsale.
Prix Yacowlet : Jumièges.
Prix de Saint-Arnoult : Comte Louis.
Grand handicap de Deauville : Cho-
pine.
Prix de Clôture : Perle Rose.
Course de haies : Bandmaster.
A deux heures, courses à Neuilly-Le-
vallois. Pronostics de la journée :
Prix des Champs-Elysées : Pulandy.
Prix de Boulogne : Grande Dame.
Prix de la Pelouse : Hercule Normand.
Prix du Cèdre : Nitouche.
. prix des Dames ; Misty-Morning.
A TRAVERS PARIS
M. Carnot part ce soir pour Fontai-
nebleau.
II préside ce matin un dernier Conseil
des ministres, Conseil auquel n'assiste-
ront ni M. Rouvier, ni M. Spuller, ni
l'amiral Krantz, qui sont absents de
Paris.
La réception que le Président de la
République et Mme Carnot donnaient
hier à l'Elysée, en l'honneur des maires,
a été quelque peu contrariée par la
pluie: le programme de la fête cham-
pêtre n'a pu être exécuté puisque le jar-
din devenait inaccessible , mais la foule
n'en a pas moins été très grande et le
défilé très long.
M. Carnot se tenait dans la serre
d'hiver, entouré dçs ministres et des
officiers de sa maison militaire : les
maires arrivaient trois par trois, sa-
luaient et s'arrêtaient quelques se-
condes devant le chef de l'Etat qui
leur serrait la main. Puis d'autres ve-
naient, et d'autres encore. Aux plus
connus le Président adressait quelques
paroles aimables, et tous se rendaient
aussitôt dans les salons du milieu et
vers l'immense buffet qui, long de cent
vingt mètres, suivait d'un bout à l'autre
toute la façade du palais.
Pendant ce temps, la musique delà
garde républicaine se faisait entendre.
M. Carnot a dû donner hier huit à
neuf mille poignées de main.
Le prince Victor-Napoléon vient d'a-
dresser au général du Barail, président
du Comité central impérialiste, la lettre
suivante :
17 août.
Mon cher général,
Remerciez en mon nom les comités impé-
rialistes qui, à l'occasion du 15 août, ont tenu
à m'assurer de nouveau de leur dévouement
et de leur inébranlable fidélité.
Je vous félicite d'avoir si énergiquement
rappelé dans votre chaleureux discours les
doctrines constantes de nos Empereurs.
Seuls, pendant dix-huit ans, les impéria-
listes n'ont cessé de revendiquer les droits
de la nation foulés aux pieds par les républi-
cains d'aujourd'hui.
Nos efforts no sont plus isolés. L'idée plé-
biscitaire fait tous les jours et dans tous les
partis de nouveaux progrès.
En dépit des violences de parlementaires
aux abois, la France redeviendra maîtresse
de ses destinées.
Le parti de l'Empire a de tout temps placé
sa confiance dans le peuple : elle nô sera pas
déçue.
Croyez-moi, mon cher général, votre bien
affectionné
?Victor NAPOLÉON.
'Le Conseil municipal recevra ce ma-
tin, à dix heures, toutes les délégations
ouvrières' étrangères et départementales
présentes à Paris, à propos de l'Exposi-
tion universelle.
Le rendez-vous est à la Bourse du tra-
vail, à neuf heures du matin, pour se
rendre en corps à l'Hôtel de Ville.
L'un des fils du Président de la Répu-
blique, élève de l'Ecole des mines, a fait
il y a deux jours, en compagnie de deux
de ses collègues, une courte excursion
aux mines de Lens.
Les trois élèves ingénieurs ont été re-
çus par M. Bollaêrt, agent général des
mines, qui les a retenus à dîner. M. Car-
not fils, après une visite détaillée de
l'exploitation, est parti pour Boulogne.
La fête de ce soir à l'Esplanade des
Invalides :
A huit heures, devant le Palais cen-
tral des colonies, distribution des ré-
compenses aux sociétés instrumentales
françaises, et musiques d'harmonie.
A neuf heures: défilé du cortège orien-
tal dans l'ordre suivant : cavaliers ara-
bes ç't sénégalais, spahis algériens,janis-
saires tunisiens, bannières, Nouba algé-
rienne. En pousse-pousse, par deux de
front: acteurs annamites en costumes
de théâtre, femmes algériennes, tuni-
siennes, javanaises. Un mandarin en
grand costume, en palanquin.
Toute cette partie du défilé entre une
double haie de tirailleurs annamites
portant des lanternes ; Canaques en
masques de guerre ; nègres du Congo
et du Sénégal ; musique nègre, prome-
nade du dragon.
Après le défilé : fanfares sur divers
points de l'Esplanade, danses nègres,
combats de Canaques.
Embrasement des divers palais de
l'Esplanade.
Deux fauteuils, où prendront place les
princes Taïeb-bey et Mohammed, seront
placés sur le perron du palais de la Tu-
nisie ; en arrière seront disposées des
chaises pour le corps diplomatique et les
directeurs de l'Exposition.
Le prince Baudouin assistera proba-
blement à la fête.
Edison est allé hier matin à onze heu-
res à l'Elysée et a été reçu trèsaffectueu-
sement parle Président de la République
pii était fort heureux de s'entretenir
ivec le grand savant.
L'entrevue très cordiale a duré plus
d'une demi-heure.
Dans l'après-midi, visite à l'Académie
des Sciences. Edison a pris place avec
le colonel Gouraud et M. Janssen dans
l'hémicycle, à côté du bureau : par l'en-
tremise de M. Janssen, il a d'abord re-
mercié l'Académie de l'intérêt qu'elle
prend à ses travaux. Le président, M.
Des Cloizeaux,lui a souhaitéalors la bien-
venue et Edison de répondre : « Je ne
serais pas venu à Paris sans témoigner
à l'Académie mon estime, mon respect
et mon admiration.»
On devine les acclamations qui ont
accueilli ces paroles, surtout quand M.
Janssen a ajouté : !
M. Edison me témoigne le désir de
s faire hommage à l'Académie des
& sciences et aux autres compagnies de
» l'Institut de phonographes. Les voix
» et les paroles de tous les membres de
» l'Institut seraient ainsi indéfiniment
» conservées aux archives, »
. Une ovation est faite au grand savant.
Son offre gracieuse est unanimement
acceptée, et la visite se termine par une
promenade à travers les différentes
salles de l'Institut.
J. «'
! Il a été procédé hier, par les soins de
Mme Sarah Bernhardt, à l'embaume-
ment du corps de M. Jacques Damala.
Le corps doit être transporté en Grèce,
où il sera inhumé dans un caveau de fa-
mille, suivant le désir exprimé par Mme
Damala mère.
Il n'y aura donc pas de cérémonie
des obsèques à Paris, mais il sera dit, ce
matin, à dix heures, une messe funèbre
en l'église russe de la rue Daru.
Dès hier, l'archiprêtre, accompagné
de ses deux diacres, est venu au domi-
cile du défunt pour dire les dernières
prières, conformément au rite grec.
On profite de l'absence de lord Lytton,
parti en villégiature, pour faire des
changements assez importants à l'hôtel
de l'ambassade d'Angleterre.
Hier les ouvriers ont placé les pre-
miers échafaudages. L'aile droite va être
considérablement agrandie. Pour la com-
modité du service, la cour d'honneur a
été séparée en deux par une palissade
en planches, de façon à isoler complète-
ment la partie en construction pendant
la durée des travaux qui serontterminés
pour la rentrée de lord Lytton.
Dans le volumineux courrier que re-
çoit chaque matin le Figaro, nous trou-
vons une fantaisie toute d'actualité. Ce
sont les commandements des maires' :
La Loi comme l'Eglise a ses commandements.
Pour un maire,apprenez quels sont les règlements :
A la maison commune être journellement.
Lire tous les placets très attentivement,
Y répondre en bon style et surtout promptement.
A monsieur le préfet écrire exactement,
Avec le sous-préfet procéder mêmement.
Recevoir le public toujours courtoisement
Même alors qu'il se plaint du maire injustement.
Puis surveiller l'école et paternellement
Parler à chaquo enfant qui le trouve assommant.
Chose plus grave encore, unir des coeurs aimants
Qui bientôt maudiront le maire et leurs serments.
Au chef-lieu de canton mener une fois l'an
Les conscrits que l'Etat tient à voir comme Adam.
Agir aux élections impartialement,
Car c'est ce qu'avant tout veut le gouvernement.
Présider le Conseil, en subir bravement
Les stériles débats sans découragement.
Ne recevoir jamais le moindre traitement,
Et souvent du pays aucun remerciement.
Tel est le sort d'un maire habituellement.
Parfois il peut avoir un dédommagement,
Mais il faut pour cela mourir subitement.
Le peuple alors ému dit trop tardivement :
Il fut un maire habile et d'un grand dévouement.
Accompagnons le corps avec recueillement.
Le beau jour de sa vie est son enterrement.
Cette fantaisie est signée : « un des
11,182 maires du banquet de dimanche.»
La « Tour Eiffel en diamants », qui
.aurait été l'une des grandes curiosités
de l'Exposition,ne figurera pas au Champ
de Mars. Ce chef-d'oeuvre de joaillerie
aurait-il éclipsé d'autres objets qui sont
plus officiellement protégés en haut
lieu? Nous l'ignorons et ne voulons pas
connaître les motifs de cette déplorable
exclusion : toujours est-il que la direc-
tion de l'Exposition, après avis du Co-
mité de la joaillerie, a refusé de donner
une place quelconque à M. Martin
Posno pour ce bijou merveilleux d'élé-
gance et de légèreté, travail sans égal
dans le monde entier. Le public parisien
s'en consolera en apprenant que la fa-
meuse Tour en brillants, réduction ab-
solument exacte, au tqMMawftme, de
la grande Tour, sera de
jeudi à la galerieQt^^^^^^^K'éclat
de ces quatre-virift va
attirer tout Paris à la rua^^H^
Un concert improvisé nous a été donné
hier, de quatre à cinq heures, par un or-
chestre viennois, arrivé depuis la veille
à Paris et qu'un jeune imprésario ame-
nait à notre hôtel : cet orchestre, « la
chapelle des jeunes Viennoises », se
compose d'une dizaine de jeunes filles
de douze à dix-huit ans,et de quatre- ou
cinq enfants qui jouent sur le violon, le
violoncelle et la flûte tout le brillant ré- !
pertoire de Strauss et de Farbach. On a
beaucoup applaudi la marche viennoise,
la polka uniquement jouée sur les ins-
truments à corde avec des plumes comme
archets, etc., etc.
C'est une jeune fille, Mlle Lucie Raus-
cher, qui conduit cet orchestre, assuré
dans Paris d'un grand succès de curio-
sité.
Le Shah de Perse a conféré à M.Henri
Monnot, manufacturier à Paris, la croix
de chevalier de l'ordre du Lion et du
Soleil.
M. Michelin, dont nous annoncions
hier la rentrée dans le parti boulangiste,
se marie à la fin de cette semaine.
Il épouse Mlle Chopin.
Un anniversaire scientifique :
Il y a eu hier cinquante ans qu'Arago
annonça à l'Académie des sciences que
le peintre Daguerre avait obtenu des
reproductions d'objets sur des plaques
d'argent. C'était le commencement de la
photographie.
La Société française de photographie,
la Chambre syndicale de la photographie,
la Société d'excursions des amateurs de
la photographie, le Photo-Club de Paris
et la Société d'études photographiques
ont célébré, hier, par une fête magni-
fique donnée à l'Hôtel Continental, le
cinquantenaire de la divulgation de la
nhotographie (19 août 1839).
Un banquet de 130 couverts, auquel
les organisateurs avaient convié les
nombreux confrères de l'étranger qui
ont assisté au congrès de la photogra-
phie, a été suivi d'une brillante soirée
artistique.
L'orchestre Waldteufel s'est fait en-
tendre pendant le dîner.
Nous avons annoncé dernièrement
l'apparition d'un nouveau journal répu-
blicain, avec M. Millerand. pour rédac-
i teur en chef. Ce nouveau journal, qui
s appelle La Voix, et dont les affiches
ont déjà donné lieu à des polémiques
nombreuses, aura pour principaux colla-
borateurs MM. Anatole de La Forge, de
Lanessan, Basly, Hovelacque, Alphonse
Humbert, Paul Buquet, Dr Jaclard, etc.
La Voix, qui publiera dans un de ses
premiers numéros une lettre politique
de M. Goblet, paraît ce matin.
Notre collaborateur Caran d'Àche fait
paraître aujourd'hui chez Pion un char-
mant recueil de ses oeuvres les plus gaies
sous le titre : Album Caran d'Ache.
HORS PARIS
La musique de l'Ecole d'artillerie
d'Orléans est arrivée hier à Fontaine-
bleau. Elle sera à la disposition de M.
Carnot pendant son séjour.
L'Empereur et l'Impératrice d'Alle-
magne passeront quelques jours, à la fin
de septembre, aux bords du lac de Côme.
Ils habiteront la villa du duc de Visconti,
qui a été mise à leur disposition par le
propriétaire.
La Chine se civilise.
Le Journal officiel de Pékin annonce
le même jour : 1° Que les travaux du
chemin de fer de Hankau à Pékin vont
commencer ; 2° que le meurtre d'enfants
nouveau-nés sera puni à l'avenir de
soixante coups de bâton.
NOUVELLES A LA MAiN
Un mot recueilli à la réunion des
maires.
- On dit qu'à Paris beaucoup de per-
sonnes se trouvent dans une situation
irrégulière ; elles n'ont qu'à se présenter,
en ce moment, il ne manque pas de
maires pour les unir.
Un cordon-bleu est cité comme témoin
dans une affaire d'assises où ses maîtres
sont compromis.
- Dites-nous, ce que vous savez, lui
demande le président.
- Faire un peu de cuisine.
La Masqua d9 Far»
FIGARO-EXPOSITION
Les deux publications sur l'Exposition qui
ont obtenu le meilleur accueil du public
sont, sans contredit, le Guide Bleu et le
FIGARO-EXPOSITION.
Cette dernière publication, quoique d'un
prix relativement élevé - trois francs la
livraison- a obtenu un tel succès qu'ac-
tuellement le premier fascicule est épuisé
en librairie ; les quelques exemplaires qui
restent sont réservés aux abonnés et ache-
teurs du Figaro qui désirent avoir l'ou-
vrage entier.
Des second et troisième fascicules, la
maison Goupil (Boussod, Valadon et Cie)
a été obligée de faire plusieurs réimpres-
sions et. malgré cela, ces deux numéros
sont déjà rares.
Il reste encore à publier trois fascicules,
- soit en tout six fascicules -qui, réunis,
formeront un volume fort curieux sur
l'Exposition, avec gravures en couleurs et
en noir.
Le quatrième fascicule paraîtra du 20 au
25 courant.
Le prix de l'abonnement à l'ouvrage
complet est de 18 fr. ; les demandes doi-
vent être adressées à M. G. Hazard, 8, rue
Paul-Lelong, aux messageries du Figaro.
13,000 MAIRES A RECEVOIR
Hier, comme on le sait, M. Carnot a
reçu à l'Elysée tous les maires de pro-
vince; qui sont venus à Paris pour le
banquet de l'Hôtel-de-VilIe.
Dès le matin, le Président de la Répu-
blique s'était habillé et se promenait
dans son grand salon : « Mon Dieu,
murmurait-il avec agitation, 13,000 mai-
res à recevoir, à saluer, à complimenter.
A deux secondes par maires, cela fait
26,000 secondes, ce qui donne 432 minu-
tes, ce qui produit plus de six heures à
rester debout. Le pourrai-je? Et si l'un
de ces maires veut me haranguer, si un
autre demande à être présenté à Mme
Carnot, si un autre laisse tomber son
mouchoir, si un autre est infirme, il
n'y a plus de raison pour que ça fi-
nisse. »
"Néanmoins, pénétré de son devoir, le
Président de la République a pris posi-
tion devant sa cheminée, à deux heures
précises, et le défilé a commencé.
Grâce au service d'ordre, les maires
n'ont pas eu plus des deux secondes ré-
glementaires. Quand l'un d'eux ouvrait
la bouche, il était immédiatement en-
levé par deux agents, placés derrière le
défilé, et place était faite à un autre.
Jusqu'à trois heures, M< Carnot parvint
à conserver un certain sourire de longue
durée, qui consiste à tenir la bouche
longuement fendue. A ce .moment, le
Président eut une première défaillance.
Sans en avoir l'air, il gagna de quel-
ques pas et s'accota entre deux fauteuils,
qui le soutenaient. Puis, sans être vu et
se tournant comme pour donner un or-
dre, il prit un crayon rouge et s'allon-
gea les lèvres pour continuer son pre-
mier sourire, sans être forcé de conser-
ver à sa bouche sa première position
qui devenait fatigante.
Vers quatre heures, le Présidentqui,
toujours ferme, sentait néanmoins les
deux fauteuils fléchir sous ses mains
mortes, se coula vers le mur contre le-
quel il s'accota. Malheureusement, il
sentit que son sourire ne tenait plus et
que sa bouche se crispait." Pour des
maires d'humbles visages, cette crispa-
tion, habilement conduite, pouvait en-
core passer pour un rictus amène.
Mais à cinq heures, M. Carnot sentit
qu'il allait succomber. Il donna un ordre
rapide à M. Yves Guyot, situé à côté de
lui et, dix minutes après, deux ouvriers
des ponts et chaussées se glissaient ocr-
rière le Président, et lui étavaient les
Le Numéro : 15 cent, à Paris, 20 cent, dans les Départements
Mardi 20 Août 1880
FRANCIS MAGNARO
Rédacteur en chej
A. PÊRIVIER
Secrétaire Je la Rédaction
, RËDACTIOIV
PE MIDI A TFLNUIT, RUE DHOUOT, 26
tes manuscrits ne sont pas rendu»
PUBLICITÉ BK 1" BT DE 8* FAOB
SO, rue Droaat
LE FIGARO
H. DE VILLEMESSANT
Fondateur
FERNAND DE RODAYS
Administrateur
Paris : Trait Mais 16 fr. D
Départements : IVotî liais 19 fr. 50
Cuion Postale .. Trait Mois 21 fr. 50
ANNONCES, RÉ CUMIS ET PETITES GAZETTES
EBollIngcn Fll« t Ségay et 0*
56, RUE GRANGE-BATELIÈRE ET AU FIGARO, EUS DROUOT, £
Tiers de l'Isle-Adam
Un des écrivains les plus originaux de
la France, qui fut collaborateur à ce
journal, vient de mourir ; le comte de
Villiers de l'Isle-Adam. .
Gloire longtemps marchandée I Admi-
ration restreinte à une élite ! Apôtre du
Verbe trop peu écouté ! Mais la mort
aura été pour lui comme une Pentecôte,
car sur ce front trop tôt pâli est descen-
due une lumière qui ne doit plus s'étein-
dre 1
Après une vie inquiète et rude, le pau-
vre grand écrivain aura eu la douleur
supplémentaire de voir venir kla mort à
lui et d'en avoir conscience.
Combien navrant et navré nous l'avons
vu, il y a trois mois, dans cette petite
maisonnette de Nogent, où il avait cru
se guérir par l'air balsamique du mai
nouveau ! Et comme, à la fenêtre, nous
causions de la jeune verdure et des mar-
ronniers aux thyrses blancs : « Ils por-
tént des ciergés pour un enterrement... »
fit le malade avec amertume.
Combien plus navrant encore, ces
jours derniers, à l'hospice des Frères de
Saint-Jean-l'Hospitalier, d'une maigreur
effrayante, sahs souffle. « Tout le monde
ici pour moi pousse à la roue de
la mort », nous dit-il, faisant allusion
aux Frères qui le soignaient et s'inquié-
taient de sa bonne fin. Il n'avait plus
même la force, selon sa manie, de se
plaindre dés médecins, les médecins qui,
depuis plusieurs mois, avaient diagnos-
tiqué chacun à sa façon : l'un, une
phtisie; l'autre, un cancer à l'estomac,
ne voyant pas clair, au surplus, dans sa
mort, pas plus que les hommes n'avaient
vu clair dans sa vie. Il fut mystérieux
et incompris, même pour ses médecins !
Mais, en chrétien sincère qu'il fut vrai-
ment, il paraissait résigné : « Je m'en
irai bien tranquille », ajouta-t-il, tandis
que ses grands yeux nostalgiques s'em-
plirent soudain de larmes, regardant
vers le jardin du couvent, cet identique
jardin sur lequel s'ouvrait précisément
aussi la chambre de Barbey d'Aurevilly,
rue Rousselet. Coïncidence des desti-
nées : la' belle verdure de cet été dans
le jardin des Frères aura été regardée
par les. yeux expirants de ces deux
grands morts. Extrême-Onction de leurs
regards communiant sous les espèces
des mêmes fleurs I
Mais en ses suprêmes journées,Villiers
songeait encore à la littérature qui fut
l'unique passion de sa vie, ou plutôt à
sa littérature, car celle-ci seule l'inté-
ressait. Il ne lisait aucun livre actuel
et complimentait sur ceux qu'il recevait,
sans jamais les avoir ouverts ni dé-
coupés.
Or donc, exténué et mourant,il se plai-
gnait, à propos de la dernière nouvelle
parue de lui, de fautes d'impression qui
eh altéraient l'art strict. On avait com-
posé : « 11 expira doucement, d'un air
d'élu. » Villiers était tout en peine
et en irritation : « C'est banal... c'est
quelconque... tandis que j'avais écrit :
« 11 expira doucement, Y air d'un élu ! »
Ceci est tout autre chose - l'air d'un
élu, ajouta-t-il, c'est le clair de lune sur
la face d'un mort !»
###
Comme dans les nécrologies ordinai-
res, il serait bien difficile de dire où Vil-
liers naquit, et quand. Lui-même se
plaisait à entretenir du mystère autour
de sa vie. La seule chose qui lui impor-
tât véritablement, c'était sa lignée : un
de son nom, un comte de Villiers de
l'Isle-Adam, fut en effet le dernier
Grand-Maître des chevaliers de Malte,(
et lui-même figurait sur la liste des
rares chevaliers de l'Ordre encore exis-
tants. C'est même à cause d'une telle
parenté qu'il alla un jour, prétend-on,
réclamer à Napoléon III, comme lui
étant dû, le trône de Grèce alors vacant.
L'Empereur sourit en lui disant que
malheureusement il venait juste d'en
disposer. Voilà du moins ce que raconte
la légende, une légende bariolée et
touffue que Villiers lui-même créait et
alimentait autour de lui. Peut-être
même que l'histoire est vraie ; car si
Villiers fut un féroce railleur, un mys-
tificateur à froid comme Baudelaire", il
était en même temps un candide et fou
poète, à la fois retors et très puéril, in-
génieux à combiner tel projet, mais tou-
jours lunatique à l'accomplir et adora-
blement étourdi.
Tantôt, dans son voyage à Weimar,
avec Catulle Mendès et ses compagnons
du Parnasse, pour se rencontrer avec y
Richard Wagner, il est reçu par le
grand-duc. On dit des vers; lui-même lit
une de ses extraordinaires histoires, et
comme lé prince, :pour mieux entendue,
était venu s'asseoir à côté de lui,Villiers,
achevant la lecture et le voyant qui riait,
lui frappe sur la cuisse : « N'est-ce pas
que c'est amusant!;.'» Vous pensez le
scandale que cette familiarité causa.
Autre étourderie exquise : l'an der-
nier, il alla à Dièppe pour voir lord Sa-
lisbury qui est son cousin, espérant de
lui, avec son éternelle naïveté de poète
qui voit déjà tout ce qu'il rêve, obtenir
quelque sinécure éminente et lucrative
en Angleterre. Il revint ici, heureux et
plein d'espoir, racontant à chacun qu'il
avait tout à fait enchanté le grave lord
par sa gaité et ses récits. Or, on lui ap-
prit à ce moment que lord Salisbury
n'avait pas pu l'apprécier ni lui rien
promettre efficacement, attendu qu'il est i
sourd comme une tombe murée.
D'ailleurs cette étourderie, si à peine
Vraisemblable, n'est-elle pas de famille
et héréditaire, s'il faut en croire le récit
qu'on fait de l'arrivée à Paris de Villiers
et des siens?
C'était dans les commencements du
Parnasse, vers 1864. En Bretagne,là-bas,
du côté de Saint-Brieuc, on ne sait où,
il avait dit un jour à sa famille : « Je
veux aller à Paris et faire de la littéra-
ture. » Et la famille avait décidé le dé-
part; on avait aliéné les terres patrimo-
niales. Une tante voulut même les ac-
compagner, ayant vendu aussi sa tour
ei son château.. Fixés ici,, le jeune Villiers
d§ l'Isle Adam travaillait le jour ; puis,
chaque soir, invitait autour de la famille
réunie quelques écrivains, imberbes au-
tant que lui, qu'il présentait aux siens
comme des poètes déjà célèbres. Alors
la vieille tante, celle qui gardait l'âme
des aïeux - les Villiers de l'Isle-Adam
qui furent aux Croisades, puis chevaliers
de Malte et Grand-Maître dans l'Ile- la
vieille tante qui portait encore le hennin
comme une châtelaine du moyen âge,
demandait; à son neveu ' : « Eh bien 1
comte Villiers de l'Isle-Adam, comment
marche ce nouveau drame? Où en êtes-
vous de Morgane ? »
Et Villiers alors, en parfait comédien
inconscient qu'il fut toujours, racontait
son scénario, essayait l'effet d'une ré-
plique, cherchait le dénouement d'une
scène par la griserie et ce que j'appel-
lerai l'inspiration de la parole.
D'abord il goûtait en soi le plaisir de
la causerie; et c'est ce qui explique tant
et trop de promiscuités, le soir, dans
les tavernes, où il livrait au premier
venu son étourdissant babil, son para-
doxal humour - les mots embrouillés
et se pressant à ses lèvres, les yeux
proéminents d'un bleu pâli d'ancien
portrait au pastel, un habituel geste re-
levant avec la main, d'une blancheur
féminine, ses longs cheveux qui tom-
baient sur sa figure.
Souvent lyrique, comme ce soir où il
railla devant nous les succès faciles des
écrivains médiocres : « Ah! la renom-
mée et les trompettes! Mais il y a une
i justice aussi. Il y a le Jugement dernier
pour les écrivains, où sonneront encore
dès trompettes - et de celles-là le cuivre
est déjà dans nos voix !.. »
Mais, comme nous dit Coppée un jour,
Villiers souvent commençait ainsi en
Shakespeare et finissait en Bonhomet.
Ah ! ce Tribulat Bonhomet (le titre d'un
de ses livres) ce type de transcendan-
tale sottise que Villiers avait créé et dont
il était si fier; ce Bonhomet qui était le
bourgeois, l'éternel ennemi, mais autre-
ment maniaque que Bouvard et Pécu-
chet, avec des manies non quotidiennes,
des manies rares et cruelles comme
celle de Bonhomet docteur, « qui tue
des cygnes pour avoir le plaisir de les
entendre chanter ».
Depuis des années, Villiers interprétait !
et jouait des Bonhomet devant ses audi-
teurs, ravi de les ahurir par quelque
abracadabrante histoire et scandant son
'solennelrécit d'un rire bref,- strident, qui
donnait froid comme le rire des fous.
Mais Villiers n'aimait pas seulement
la causerie pour elle-même et sa joie
.intrinsèque; il l'aimait parce que, afin
j de travailler, d'imaginer, d'écrire, il
avait besoin de cette excitation. D'autres
ont recours au tabac, aux alcools. Lui,
c'est en causant, en se grisant de sa
propre verve qu'il saisit* au vol des-
mots, d'incomparables trouvailles, des
images imprévues, de la poussière d'or
et de feu qu'il rapportait, à travers la
nuit noire, dans son encre morte, et qui
alors jusqu'au matin allait incendier ses
pages, envahies de fièvre et de génie ! .
Ainsi il se cherchait et il se trouvait
lui-même, en parlant! Et voilà pourquoi
il ressassait sans cesse aux amis ren-
contrés telle nouvelle en germe, tel
poème inachevé. Est-ce que depuis vingt
ans il ne s'ingéniait pas, en la racontant,
à trouver la formule de symbolisme
exacte pour une oeuvre qui mettrait en
scène ceci : un homme misanthrope a
rompu avec le monde ; il est parfaite-
ment heureux, sauf qu'à l'heure du re-
pas il lui semble pénible de s'asseoir
seul à table. Alors il installe dans sa
maison un orang-outang, qui prend
place vis-à-vis de lui pour le dîner. So-
ciété charmante ! L'animal n'est pas
bruyant : il est discret; il a des gestes
polis ! Si bien que le philosophe en in-
troduit encore quelques autres ; quand,
un soir, il entend dans son jardin de
grandes clameurs de ses hôtes, si tran-
quilles d'ordinaire. Par la fenêtre ou-
verte, qu'aperçoit-il? Tous les singes
criant et dansant autour d'une croix (ils
avaient vu dans sa chambre un crucifix)
qui venaient d'y crucifier un des leurs I
Effrayante et bizarre conception dont le
symbole s'entrevoit, sans être nettement
démêlé. Et voilà pourquoi Villiers la
racontait sans cesse depuis des années,
espérant en trouver la formule complète
au tournant d'une phrase, dans l'excita-
tion de son propre récit - infatigable
araignée qui court toujours à travers sa
toile pour l'agrandir et la parfaire en
soleil de dentelle 1
###
/ Mais si Villiers parla ses livres avant
de les écrire, ceux-ci n'en furent pas
moins fixés dans un style définitif et
comme éternel. Cependant il y demeure
un orateur, un grand .orateur dont tels
discours sont comparables aux plus
belles harangues de Tacite ou de Shakes-
peare, ceux d'Akédyssérit, par exemple,
ou ceux d'Axel et du Nouveau-Monde. On
se souvient encore de la représentation
de ce dernier drame - couronné en 1876
par les jurys de l'Académie française et
de la critique, théâtrale, joué quelques
années plus tard au Théâtre-Historique,
mais dont la singularité et la nouveauté
entraînèrent la chute. Il y avait entre au-
tres une scène où tout le monde parle à
la fois - « un de ces moments de confu-
sion, comme a dit Villiers, où la foule
prend elle-même la parole».
Quant à Axel, son chef-d'oeuvre, pu-
hlié sous sa/ première forme dans la
Jeune France, il est à l'impression, chez
Quantin, /et paraîtra sans que Villiers
ait pu le corriger jusqu'au bout et en
nettoyer toutes les épreuves - pauvre
évoque qui meurt au seuil du sacre,
avant d'avoir vu tomber les échafauda-
ges de ses tours !
Quant à ses livres, les Contes cruels,
VAmour suprême, les Contes insolites,
il y demeura partout un lyrique, un poète
dont la plume « se souvient d'avoir été
une aile », comme a dit Sully-Pru-
dhomme, et à travers la page blanche
s'envole en un essor magnifique et pal'
pitant.
C'est en cela qu'il se différencia de
Flaubert dont il avait un peu l'esprit lé-
gendaire, et d'Edgar Poë dont il accli-
mata le frisson fantastique. Les Contes
cruels et \Amour suprême à cet égard
ne sont pas sans éveiller des souvenan-
ces et des ascendances.
Le plus original de son oeuvre demeu-
rera cette extraordinaire Eve future, la-
quelle prouve combien Villiers était
avant tout un grand visionnaire qui,
après avoir retrouvé, reconstitué, revu
l'Inde magnifique dans Akédysséril, et
tout le passé de l'histoire humaine et
l'Exégèse divine dans d'autres oeuvres,
fut encore Un visionnaire de l'avenir
dans ce livre qui met en scène Edison "et
raconte les prochaines sorcelleries de
l'électricité, du téléphone, du phonogra-
phe, du microphone, etc. Non sans fan-
taisie et charmante exagération, puis-
qu'il s'agit ici dé la construction méca-
nique d'une femme - Eve de rouages et
de ressorts savamment articulés ; non
sans ironie cruelle aussi et glaçante dans
cette façon de glorifier le progrès, les
inventions modernes, tout l'américa-
nisme mercantile du siècle, déjà dénon-
cés dans la Machine à gloire, Y Affichage
céleste, etc. Ainsi la tour Eiffel l'irritait
particulièrement : « Il en aurait fallu
construire une seconde, à côté - nous
disait-il - avec M. Carnot, en habit noir,
au sommet, une jambe sur chaque tour
- comme le colosse de Rhodes des temps
modernes. »
Dans ses livres, même ironie miroi-
tante ; les phrases ont des lueurs par
moments d'une trousse terrifiante dans
la main d'un médecin qui plaisante, qui
fait remarquer' l'éclat des aciers, la den-
telle des scies, la coquetteriè des spatu-
les et des scalpels - oh ! les jolis JOU-
jôux ! - et soudain, avec une joie im-
mense et un rire strident, les enfonce
dans les têtes et dans les coeurs !
En dehors même de la singularité et
de la profondeur de ses conceptions,
Villiers demeurera comme unmaître par
la qualité de son style, ce style d'eau
vive et de lumière échappée, ce style si
renouvelé, si moderne et en même temps
si classique, car lui fut le contraire de
ceux qu'il raillait un jour devant nous :
« Ecrivains maniant des mots comme
les employés de banque qui empilent les
pièces d'or et d'argent-c'est la richesse
des autres !... »
A propos d'un volume de nouvelles
qui seront posthumes, il avait songé à
ce beau titre : Histoires souveraines.
C'est l'épithète qui convient à tout son
oeuvre. Il a vraiment fait de la Littéra-
ture Souveraine. Et avec quelle fierté :
« Celui qui en naissant ne porte pas dans
sa poitrine sa propre gloire ne connaî-
tra jamais la signification réelle de ce ,
mot », écrivait-il dans la préface de la
Révolte.
Avec quelle résignation aussi, car
Villiers ne fut guère lu; Villiers vécut i
pauvre. Il cherchait à s'en consoler en
citant le verset de l'Ecriture : « Dieu a .
montré le peu de cas qu'il .fait lui-même
des richesses par la qualité de ceux à qui
il les a données. » D'autres fois il disait
avec une mélancolie infinie : « J'aurais
cependant eu droit au petit ménage,
comme les autres ! »
La destinée jusqu'au bout ne se mon-
tra pas plus clémente ; et le pauvre ma-
lade n'a dû de vivre tranquille, ces der-
niers temps, qu'à l'intervention de quel-
ques amis - « une collecte pour moi I »,
comme il soupira avec navrement quand
Stéphane Mallarmé et Léon Dierx - si
noblement dévoués - vinrent lui porter
le premier versement de cette cotisation
amicale. Chacun donnait cinq ou dix
francs par mois ; Gyp (une grande ad-
miratrice imprévue de Villiers), cin-
quante francs ; Alexandre Dumas, cent.
Hélas ! on a jeté un peu d'argent sur son
dernier lit, comme demain on jettera un
peu de terre sur son cercueil.
Tristesse d'une telle mort abandonnée
et pauvre, comme mourut Barbey d'Au-
revilly, comme mourut aussi Baude-
laire. Sombre et pourtant radieuse tri-
nité ! C'est la loi, dirait-on, en ce dur
siècle, et la rançon de la gloire. Les
temps sont revenus où la lyre d'Orphée
ne surnage et ne chante pour l'avenir
que moyennant le supplice préalable du
poète, déchiré enGore une fois par les
Bacchantes.
Georges Rodenbach.
ÉCHOS
La Température
Les faibles pressions signalées sur les Iles
Britanniques se sont rapidement avancées près
du continent (Valentia, 75omm). Les dépressions
orageuses ont alors continué à envahir la France,
et la baisse barométrique, qui s'est étendue
jusqu'à la Méditerranée et i la mer Noire, at-
teignait, hier matin, iomm en Bretagne. L'aire
des pressions supérieures à 765mm couvrait en-
core le sud de l'Autriche et de l'Italie ; son cen-
tre était près d'Odessa (767TT). Des orages ont
éclaté dans nos régions de l'ouest et du Sud ;
l'un d'eux a occasionné une bourrasque à Biar-
ritz. Les pluies orageuses vont continuer en
France, où le temps va rester assez chaud.
La température a monté sur l'ouest de l'Eu-
rope ; elle était, , hier matin, de 13° à Hapa-
randa, x6° à Brest, Memel, 190 à Paris, 21° à
Bordeaux et 27 à Cagliari. A Paris, journée de
pluie. Thermomètre maximum, 22°5; baromè-
tre en forte baisse, 756mm. Fort orage ie soir.
Dieppe. - Tempsorageux, merbelle. Ther. 180.
Dinar d.-Assez beau temps,ventfaible. Th.18°
Spa. - Temps incertain, journée chaude.
Les Courses
A deux heures, courses à Deauville.
Gagnants de Robert Milton :
Prix de Lassay : Pharsale.
Prix Yacowlet : Jumièges.
Prix de Saint-Arnoult : Comte Louis.
Grand handicap de Deauville : Cho-
pine.
Prix de Clôture : Perle Rose.
Course de haies : Bandmaster.
A deux heures, courses à Neuilly-Le-
vallois. Pronostics de la journée :
Prix des Champs-Elysées : Pulandy.
Prix de Boulogne : Grande Dame.
Prix de la Pelouse : Hercule Normand.
Prix du Cèdre : Nitouche.
. prix des Dames ; Misty-Morning.
A TRAVERS PARIS
M. Carnot part ce soir pour Fontai-
nebleau.
II préside ce matin un dernier Conseil
des ministres, Conseil auquel n'assiste-
ront ni M. Rouvier, ni M. Spuller, ni
l'amiral Krantz, qui sont absents de
Paris.
La réception que le Président de la
République et Mme Carnot donnaient
hier à l'Elysée, en l'honneur des maires,
a été quelque peu contrariée par la
pluie: le programme de la fête cham-
pêtre n'a pu être exécuté puisque le jar-
din devenait inaccessible , mais la foule
n'en a pas moins été très grande et le
défilé très long.
M. Carnot se tenait dans la serre
d'hiver, entouré dçs ministres et des
officiers de sa maison militaire : les
maires arrivaient trois par trois, sa-
luaient et s'arrêtaient quelques se-
condes devant le chef de l'Etat qui
leur serrait la main. Puis d'autres ve-
naient, et d'autres encore. Aux plus
connus le Président adressait quelques
paroles aimables, et tous se rendaient
aussitôt dans les salons du milieu et
vers l'immense buffet qui, long de cent
vingt mètres, suivait d'un bout à l'autre
toute la façade du palais.
Pendant ce temps, la musique delà
garde républicaine se faisait entendre.
M. Carnot a dû donner hier huit à
neuf mille poignées de main.
Le prince Victor-Napoléon vient d'a-
dresser au général du Barail, président
du Comité central impérialiste, la lettre
suivante :
17 août.
Mon cher général,
Remerciez en mon nom les comités impé-
rialistes qui, à l'occasion du 15 août, ont tenu
à m'assurer de nouveau de leur dévouement
et de leur inébranlable fidélité.
Je vous félicite d'avoir si énergiquement
rappelé dans votre chaleureux discours les
doctrines constantes de nos Empereurs.
Seuls, pendant dix-huit ans, les impéria-
listes n'ont cessé de revendiquer les droits
de la nation foulés aux pieds par les républi-
cains d'aujourd'hui.
Nos efforts no sont plus isolés. L'idée plé-
biscitaire fait tous les jours et dans tous les
partis de nouveaux progrès.
En dépit des violences de parlementaires
aux abois, la France redeviendra maîtresse
de ses destinées.
Le parti de l'Empire a de tout temps placé
sa confiance dans le peuple : elle nô sera pas
déçue.
Croyez-moi, mon cher général, votre bien
affectionné
?Victor NAPOLÉON.
'Le Conseil municipal recevra ce ma-
tin, à dix heures, toutes les délégations
ouvrières' étrangères et départementales
présentes à Paris, à propos de l'Exposi-
tion universelle.
Le rendez-vous est à la Bourse du tra-
vail, à neuf heures du matin, pour se
rendre en corps à l'Hôtel de Ville.
L'un des fils du Président de la Répu-
blique, élève de l'Ecole des mines, a fait
il y a deux jours, en compagnie de deux
de ses collègues, une courte excursion
aux mines de Lens.
Les trois élèves ingénieurs ont été re-
çus par M. Bollaêrt, agent général des
mines, qui les a retenus à dîner. M. Car-
not fils, après une visite détaillée de
l'exploitation, est parti pour Boulogne.
La fête de ce soir à l'Esplanade des
Invalides :
A huit heures, devant le Palais cen-
tral des colonies, distribution des ré-
compenses aux sociétés instrumentales
françaises, et musiques d'harmonie.
A neuf heures: défilé du cortège orien-
tal dans l'ordre suivant : cavaliers ara-
bes ç't sénégalais, spahis algériens,janis-
saires tunisiens, bannières, Nouba algé-
rienne. En pousse-pousse, par deux de
front: acteurs annamites en costumes
de théâtre, femmes algériennes, tuni-
siennes, javanaises. Un mandarin en
grand costume, en palanquin.
Toute cette partie du défilé entre une
double haie de tirailleurs annamites
portant des lanternes ; Canaques en
masques de guerre ; nègres du Congo
et du Sénégal ; musique nègre, prome-
nade du dragon.
Après le défilé : fanfares sur divers
points de l'Esplanade, danses nègres,
combats de Canaques.
Embrasement des divers palais de
l'Esplanade.
Deux fauteuils, où prendront place les
princes Taïeb-bey et Mohammed, seront
placés sur le perron du palais de la Tu-
nisie ; en arrière seront disposées des
chaises pour le corps diplomatique et les
directeurs de l'Exposition.
Le prince Baudouin assistera proba-
blement à la fête.
Edison est allé hier matin à onze heu-
res à l'Elysée et a été reçu trèsaffectueu-
sement parle Président de la République
pii était fort heureux de s'entretenir
ivec le grand savant.
L'entrevue très cordiale a duré plus
d'une demi-heure.
Dans l'après-midi, visite à l'Académie
des Sciences. Edison a pris place avec
le colonel Gouraud et M. Janssen dans
l'hémicycle, à côté du bureau : par l'en-
tremise de M. Janssen, il a d'abord re-
mercié l'Académie de l'intérêt qu'elle
prend à ses travaux. Le président, M.
Des Cloizeaux,lui a souhaitéalors la bien-
venue et Edison de répondre : « Je ne
serais pas venu à Paris sans témoigner
à l'Académie mon estime, mon respect
et mon admiration.»
On devine les acclamations qui ont
accueilli ces paroles, surtout quand M.
Janssen a ajouté : !
M. Edison me témoigne le désir de
s faire hommage à l'Académie des
& sciences et aux autres compagnies de
» l'Institut de phonographes. Les voix
» et les paroles de tous les membres de
» l'Institut seraient ainsi indéfiniment
» conservées aux archives, »
. Une ovation est faite au grand savant.
Son offre gracieuse est unanimement
acceptée, et la visite se termine par une
promenade à travers les différentes
salles de l'Institut.
J. «'
! Il a été procédé hier, par les soins de
Mme Sarah Bernhardt, à l'embaume-
ment du corps de M. Jacques Damala.
Le corps doit être transporté en Grèce,
où il sera inhumé dans un caveau de fa-
mille, suivant le désir exprimé par Mme
Damala mère.
Il n'y aura donc pas de cérémonie
des obsèques à Paris, mais il sera dit, ce
matin, à dix heures, une messe funèbre
en l'église russe de la rue Daru.
Dès hier, l'archiprêtre, accompagné
de ses deux diacres, est venu au domi-
cile du défunt pour dire les dernières
prières, conformément au rite grec.
On profite de l'absence de lord Lytton,
parti en villégiature, pour faire des
changements assez importants à l'hôtel
de l'ambassade d'Angleterre.
Hier les ouvriers ont placé les pre-
miers échafaudages. L'aile droite va être
considérablement agrandie. Pour la com-
modité du service, la cour d'honneur a
été séparée en deux par une palissade
en planches, de façon à isoler complète-
ment la partie en construction pendant
la durée des travaux qui serontterminés
pour la rentrée de lord Lytton.
Dans le volumineux courrier que re-
çoit chaque matin le Figaro, nous trou-
vons une fantaisie toute d'actualité. Ce
sont les commandements des maires' :
La Loi comme l'Eglise a ses commandements.
Pour un maire,apprenez quels sont les règlements :
A la maison commune être journellement.
Lire tous les placets très attentivement,
Y répondre en bon style et surtout promptement.
A monsieur le préfet écrire exactement,
Avec le sous-préfet procéder mêmement.
Recevoir le public toujours courtoisement
Même alors qu'il se plaint du maire injustement.
Puis surveiller l'école et paternellement
Parler à chaquo enfant qui le trouve assommant.
Chose plus grave encore, unir des coeurs aimants
Qui bientôt maudiront le maire et leurs serments.
Au chef-lieu de canton mener une fois l'an
Les conscrits que l'Etat tient à voir comme Adam.
Agir aux élections impartialement,
Car c'est ce qu'avant tout veut le gouvernement.
Présider le Conseil, en subir bravement
Les stériles débats sans découragement.
Ne recevoir jamais le moindre traitement,
Et souvent du pays aucun remerciement.
Tel est le sort d'un maire habituellement.
Parfois il peut avoir un dédommagement,
Mais il faut pour cela mourir subitement.
Le peuple alors ému dit trop tardivement :
Il fut un maire habile et d'un grand dévouement.
Accompagnons le corps avec recueillement.
Le beau jour de sa vie est son enterrement.
Cette fantaisie est signée : « un des
11,182 maires du banquet de dimanche.»
La « Tour Eiffel en diamants », qui
.aurait été l'une des grandes curiosités
de l'Exposition,ne figurera pas au Champ
de Mars. Ce chef-d'oeuvre de joaillerie
aurait-il éclipsé d'autres objets qui sont
plus officiellement protégés en haut
lieu? Nous l'ignorons et ne voulons pas
connaître les motifs de cette déplorable
exclusion : toujours est-il que la direc-
tion de l'Exposition, après avis du Co-
mité de la joaillerie, a refusé de donner
une place quelconque à M. Martin
Posno pour ce bijou merveilleux d'élé-
gance et de légèreté, travail sans égal
dans le monde entier. Le public parisien
s'en consolera en apprenant que la fa-
meuse Tour en brillants, réduction ab-
solument exacte, au tqMMawftme, de
la grande Tour, sera de
jeudi à la galerieQt^^^^^^^K'éclat
de ces quatre-virift va
attirer tout Paris à la rua^^H^
Un concert improvisé nous a été donné
hier, de quatre à cinq heures, par un or-
chestre viennois, arrivé depuis la veille
à Paris et qu'un jeune imprésario ame-
nait à notre hôtel : cet orchestre, « la
chapelle des jeunes Viennoises », se
compose d'une dizaine de jeunes filles
de douze à dix-huit ans,et de quatre- ou
cinq enfants qui jouent sur le violon, le
violoncelle et la flûte tout le brillant ré- !
pertoire de Strauss et de Farbach. On a
beaucoup applaudi la marche viennoise,
la polka uniquement jouée sur les ins-
truments à corde avec des plumes comme
archets, etc., etc.
C'est une jeune fille, Mlle Lucie Raus-
cher, qui conduit cet orchestre, assuré
dans Paris d'un grand succès de curio-
sité.
Le Shah de Perse a conféré à M.Henri
Monnot, manufacturier à Paris, la croix
de chevalier de l'ordre du Lion et du
Soleil.
M. Michelin, dont nous annoncions
hier la rentrée dans le parti boulangiste,
se marie à la fin de cette semaine.
Il épouse Mlle Chopin.
Un anniversaire scientifique :
Il y a eu hier cinquante ans qu'Arago
annonça à l'Académie des sciences que
le peintre Daguerre avait obtenu des
reproductions d'objets sur des plaques
d'argent. C'était le commencement de la
photographie.
La Société française de photographie,
la Chambre syndicale de la photographie,
la Société d'excursions des amateurs de
la photographie, le Photo-Club de Paris
et la Société d'études photographiques
ont célébré, hier, par une fête magni-
fique donnée à l'Hôtel Continental, le
cinquantenaire de la divulgation de la
nhotographie (19 août 1839).
Un banquet de 130 couverts, auquel
les organisateurs avaient convié les
nombreux confrères de l'étranger qui
ont assisté au congrès de la photogra-
phie, a été suivi d'une brillante soirée
artistique.
L'orchestre Waldteufel s'est fait en-
tendre pendant le dîner.
Nous avons annoncé dernièrement
l'apparition d'un nouveau journal répu-
blicain, avec M. Millerand. pour rédac-
i teur en chef. Ce nouveau journal, qui
s appelle La Voix, et dont les affiches
ont déjà donné lieu à des polémiques
nombreuses, aura pour principaux colla-
borateurs MM. Anatole de La Forge, de
Lanessan, Basly, Hovelacque, Alphonse
Humbert, Paul Buquet, Dr Jaclard, etc.
La Voix, qui publiera dans un de ses
premiers numéros une lettre politique
de M. Goblet, paraît ce matin.
Notre collaborateur Caran d'Àche fait
paraître aujourd'hui chez Pion un char-
mant recueil de ses oeuvres les plus gaies
sous le titre : Album Caran d'Ache.
HORS PARIS
La musique de l'Ecole d'artillerie
d'Orléans est arrivée hier à Fontaine-
bleau. Elle sera à la disposition de M.
Carnot pendant son séjour.
L'Empereur et l'Impératrice d'Alle-
magne passeront quelques jours, à la fin
de septembre, aux bords du lac de Côme.
Ils habiteront la villa du duc de Visconti,
qui a été mise à leur disposition par le
propriétaire.
La Chine se civilise.
Le Journal officiel de Pékin annonce
le même jour : 1° Que les travaux du
chemin de fer de Hankau à Pékin vont
commencer ; 2° que le meurtre d'enfants
nouveau-nés sera puni à l'avenir de
soixante coups de bâton.
NOUVELLES A LA MAiN
Un mot recueilli à la réunion des
maires.
- On dit qu'à Paris beaucoup de per-
sonnes se trouvent dans une situation
irrégulière ; elles n'ont qu'à se présenter,
en ce moment, il ne manque pas de
maires pour les unir.
Un cordon-bleu est cité comme témoin
dans une affaire d'assises où ses maîtres
sont compromis.
- Dites-nous, ce que vous savez, lui
demande le président.
- Faire un peu de cuisine.
La Masqua d9 Far»
FIGARO-EXPOSITION
Les deux publications sur l'Exposition qui
ont obtenu le meilleur accueil du public
sont, sans contredit, le Guide Bleu et le
FIGARO-EXPOSITION.
Cette dernière publication, quoique d'un
prix relativement élevé - trois francs la
livraison- a obtenu un tel succès qu'ac-
tuellement le premier fascicule est épuisé
en librairie ; les quelques exemplaires qui
restent sont réservés aux abonnés et ache-
teurs du Figaro qui désirent avoir l'ou-
vrage entier.
Des second et troisième fascicules, la
maison Goupil (Boussod, Valadon et Cie)
a été obligée de faire plusieurs réimpres-
sions et. malgré cela, ces deux numéros
sont déjà rares.
Il reste encore à publier trois fascicules,
- soit en tout six fascicules -qui, réunis,
formeront un volume fort curieux sur
l'Exposition, avec gravures en couleurs et
en noir.
Le quatrième fascicule paraîtra du 20 au
25 courant.
Le prix de l'abonnement à l'ouvrage
complet est de 18 fr. ; les demandes doi-
vent être adressées à M. G. Hazard, 8, rue
Paul-Lelong, aux messageries du Figaro.
13,000 MAIRES A RECEVOIR
Hier, comme on le sait, M. Carnot a
reçu à l'Elysée tous les maires de pro-
vince; qui sont venus à Paris pour le
banquet de l'Hôtel-de-VilIe.
Dès le matin, le Président de la Répu-
blique s'était habillé et se promenait
dans son grand salon : « Mon Dieu,
murmurait-il avec agitation, 13,000 mai-
res à recevoir, à saluer, à complimenter.
A deux secondes par maires, cela fait
26,000 secondes, ce qui donne 432 minu-
tes, ce qui produit plus de six heures à
rester debout. Le pourrai-je? Et si l'un
de ces maires veut me haranguer, si un
autre demande à être présenté à Mme
Carnot, si un autre laisse tomber son
mouchoir, si un autre est infirme, il
n'y a plus de raison pour que ça fi-
nisse. »
"Néanmoins, pénétré de son devoir, le
Président de la République a pris posi-
tion devant sa cheminée, à deux heures
précises, et le défilé a commencé.
Grâce au service d'ordre, les maires
n'ont pas eu plus des deux secondes ré-
glementaires. Quand l'un d'eux ouvrait
la bouche, il était immédiatement en-
levé par deux agents, placés derrière le
défilé, et place était faite à un autre.
Jusqu'à trois heures, M< Carnot parvint
à conserver un certain sourire de longue
durée, qui consiste à tenir la bouche
longuement fendue. A ce .moment, le
Président eut une première défaillance.
Sans en avoir l'air, il gagna de quel-
ques pas et s'accota entre deux fauteuils,
qui le soutenaient. Puis, sans être vu et
se tournant comme pour donner un or-
dre, il prit un crayon rouge et s'allon-
gea les lèvres pour continuer son pre-
mier sourire, sans être forcé de conser-
ver à sa bouche sa première position
qui devenait fatigante.
Vers quatre heures, le Présidentqui,
toujours ferme, sentait néanmoins les
deux fauteuils fléchir sous ses mains
mortes, se coula vers le mur contre le-
quel il s'accota. Malheureusement, il
sentit que son sourire ne tenait plus et
que sa bouche se crispait." Pour des
maires d'humbles visages, cette crispa-
tion, habilement conduite, pouvait en-
core passer pour un rictus amène.
Mais à cinq heures, M. Carnot sentit
qu'il allait succomber. Il donna un ordre
rapide à M. Yves Guyot, situé à côté de
lui et, dix minutes après, deux ouvriers
des ponts et chaussées se glissaient ocr-
rière le Président, et lui étavaient les
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