Titre : Le Figaro. Supplément littéraire du dimanche
Éditeur : Le Figaro (Paris)
Date d'édition : 1921-09-04
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb343599097
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Description : 04 septembre 1921 04 septembre 1921
Description : 1921/09/04 (Numéro 126). 1921/09/04 (Numéro 126).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k273395t
Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, JOD-246
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
(Nouvelle série) N° 126
Dimanche 4 Septembre 1921
Gaston GALMETTE
< .̃̃- -•-«; Directeur (1902- 19 14) '̃£,
RÉDACTION & ADMINISTRATION
̃̃*̃̃' 26,Eue Drouot, Paris (9e Arr.) >̃̃
H. DE VILLEMESSANT
Fondateur
1-
RÉDACTION & ADMINISTRATION
26, Rue Drouot, Paris (9e Arr.)
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sxj^FiùÉiv^Bnsra? LITTÉRAIRE
Sommaire
Francisco Paul Fort dans
>̃̃$, •.AMUNa.TÉGTJiq.. » l'Amérique latine
Stéphen Liégard. Septembre
P.-J. Toulet .y Les trois imposteurs
,'r' '̃ (Les livres de demain)
Fr. Bœuf. Sous la Croix du Sud
(Impressions
africaines)
Georges Docquois Le voyage en Suisse
Edouard Bonnaffé. English spoken
Pierre Courtois La double image y
(Nouvelle)
Hugues Delorme Les deux pigeons
MAURICE Levaillant Lectures françaises
(Quelques. revues)
HENRY Asselim Maha la Folle
Jacques Patin. Chez le libraire
PflDL f OHT
dans Tflmérique latine
M. Francisco Amunatégui, le jeune écri-
vain chilien, 110'us adresse l'article suivant
sur le poète Paul Fort. On sait que l'auteur
des « Balladès Françaises voyagé en ce
momènt en Amérique Latine, et'qu 'il visitera
prochainement le Chili. •••̃
"A Paris, tout le monde connaît et aime
Paul Fort il fait partie intégrante' de
certains décors de la ville les terrasses
du Jardin du Luxembourg n'auraient pas .s
leur physionomie habituelle si la haute et
fine silhouette de notre poète ne s'y pro-
filait à chaque instant, et nous ne pour-
rions aller dans quelque .pittoresque* coin
de 1'lle-de-France sans que ses vers,
comme une douce musique, ne reviennent
à notre mémoire.
Paul Fort, « Prince des Poètes », et
plus noble:que les vrais princes, puisqu'il
est prince de'l'esprit, aime et comprend
Paris et tout ce qui l'entoure, d'une façon
merveilleuse et profonde et il sait nous
faire partager sa joie en chantant, dans
une langue souple et cadencée, qui se
déroule suivant un rythme original et
doux, ce qu'il voit, ce' qu'il sent, ce qu'il
admire.
̃ Le vers de Paul Fort n'a pas la mono-
tonie Qu la rigidité de l'alexandrin classi-
que et il n'a pas non plus le négligé et
l'abandon du vers libre qui, parfois, ne
sert qu'à recouvrir quelque impuissance
à versifier non, son vers n'a pris à cha-
cun que le meilleur et est arrivé ainsi à
être 'quelque cl^ôse.'d'absQliiment perspn,-
ri'ël: 'Le.pùby.ç de, Santiago-dù-Chili- s'en
apercevra en entendant Mme' Germaine
d'Orfer réciter, comme seule elle sait le
faire, les « Ballades Françaises les plus
caractéristiques.
Paul Fort a été et est toujours au pre-
mier rang dès qu'il s'agit de lutter pour
l'art. A notre époque de brutal réalisme,
il est réconfortant de parler à un homme
qui ne s'occupe pas d'affaires de Bourse,
qui ne vous propose aucun marché,
ne nourrit le projet d.'aucune spécu-
lation avantageuse, mais qui préfère
vous entretenir de ses vieux amis Ver-
-laine, Mallarmé ou Dierx et vous donne
sur eux, sur leurs rêves et sur leurs souf-
frances des aperçus nouveaux et des dé-
tàils inédits.
Nous ne voulons point déflorer, par des
indiscrétions, l'immense intérêt que pré-
sentent les conférences de Paul Fort et
que nos compatriotes auront le bonheur
et la chance d'entendre, mais il nous est
permis de dire, avant que le rideau se
lève et qu'on allume les chandelles, que
Paul Fort, dès un âge très tendre, s'oc-
cupa de la poésie et des poètes qu'ayant
fondé, encore au collège, le « Théâtre
d'Art », il fut, croyons-nous, renvoyé des
classes par un austère proviseur qu'il
prit part, mieux encore, qu'il fut l'ini-
tiateur des grandes luttes d'où devait
sortir l'art moderne; qu'avec une poignée
'd'illuminés comme lui, il sut imposer à
une foule que cela d'abord avait fait ri-
re, la splendide et pure beauté de Péléas
et Mélisande, des Aveugles, de certai-
nes délicieuses pièces de Verlaine, enfin
de tout ce qui surgissait, de tout ce qui
annonçait.les temps nouveaux et qui al-
lait quelques années plus tard rempla-'
cer victorieusement sur les tréteaux les
vaudevilles de M. Scribe. Paul Fort, le
feutre en bataille, ne se découragea ja-
mais il vous dira les moyens de fortune
dont il disposait, certains décors som-
maires qu'il était obligé d'employer et
on ne pourra s'empêcher d'acclamer sa
'foi vibrante, qui sut narguer et briser
tous;les obstacles. Alors que' -mainte-
nant beaucoup prostituent le mot « poè-
te » en entrant dans de vagues et lou-
ches combinaisons commerciales, d'où
doit sortir le fort tirage, Paul Fort, par
les matins radieux emmène sa mie à
Meudon, puis s'en va rêver sous les ton-
nelles, au « glou-glou » du vin vermeil.
Nul ne connaît mieux que lui Paris et
la France et l'on ne saurait faire aucun
voyage, sans emporter; avec l'indica-
teur des chemins de fer, un volume de
poésie de Paul Fort. Ses vers, mieux
qu'un froid Baedeker, feront compren-
dre l'âme insaisissable et multiple de la
région, et à peu de frais,'on pourra, ce
qui n'est pas permis à tous, regarder les
gens et les choses avec des yeux de poè-
te. Le livre précieux à la main, on s'en
ira dans les vieilles petites rues de la
Ferté-Milon, où passait le doux Jean Ra-
cine,-ou bien dans les grasses campa-
gnes de Château-Thierry, où La Fontaine
apprit à aimer la nature. Miracle des
vers, on se sentira l'égal de ces grands
hommes,, et on pourra même, tant l'illu-
sion est parfaite, les tutoyer.
On aimera les noms charmants de la
contrée, on s'attendrira devant le cours
de la capricieuse Nonette, sur les vieux
pavés de. Senlis ou sur le mystérieux Coin
Musard, partout-le cœur en joie, ivres
d'une.journée divine, on suivra Paul Fort
et son génie, puis, le soir, on .pourra
avec plus de courage, rentrer dans la
grand'ville, où tout-n'est que lutte et
bataille. • '̃̃
Comme il le dit lui-même spirituelle-
ment, puisque les poètes n'étant pas ri-
ches, ne peuvent avoir des ./salons, vet
sont obligés de se réunir dans les taver-
nes, il n'est rien de plus caractéristique
et de plus instructif que d'aller a la Clo-,
serie des Lilas, le lieu préféré des artis-
tes. Tous les mardis, devant une as-
semblée imposante de poètes, Paul Fort,
fait son apparition, salué pas tous corn,
me le maître, et c'est un des à-côtés les
plus intéressants de la vie de Paris que
d'aller à ces réunions, où il n'est parlé
que d'art devant d'immenses pots de bièr,
re. Là, le monde, est réformé plusieurs
fois par séance, et les yeux s'ouvrent plus
grands devant des idéals qu'on sent plus,
proches. Que reste-t-il de tous ces rê-
ves et de toutes ces généreuses discus-
sions ? Il serait vain et facile de dire que
si tout s'envole comme la fumée des pi-
pes, il en reste un grand amour pour les
hommes, un grand désir d'idées belles et
nobles, une grande confiance dans l'ave-
nir, et tout cela est déjà très- apprécia-
ble puis ce cliquetis brillant des mots,
cette bataille verbale, ces images sou-
vent nouvelles, parfois hardies, qui se
heurtent et s'entre-croisent, tout cela
fait de la vie, et c'est encore bien pour
notre humanité. Paul Fort, qui préside et
dirige avec science, les débats oratoires
de ses jeunes confrères, d'où sortira
peut-être la vérité de demain, mérite
ainsi notre reconnaissance. et .ayant, si
merveilleusement compris son rôle, ou
plutôt son apostolat de poète, c'ést-à lui
que doivent aller, comme le lui montrera
l'élite de Santiago-du-Chili, notre grati-
tude et notre admiration.
,̃̃, Francisco Amunatégui.
JSIEÏJPT'EïiïVEIO.aEt.IEJ
Pampre au front, sèrpe en main, voici venir Sep-
tembre.
D'un vol prompt, sur ses pas s'élande la Chanson;
II vient par les coteaux, le divin échanson, f
Mêler ses^çlairs rubis aux grains dorés de l'ambre.
Son chaume est le sarment, le raisin, sa moisson.
Fier du gai vendangeur qui sous l'osier se cambre,
fi dit au buveur d'eau: Courbe-toi, froid Sicambre!"
Il tend au vieux Burgonde un cep pour étançon..
Par lui le pressoir craque et bout flots la cuve', `
Déjà, des flancs rougis de l'odorante étuve.
Jaillit l'esprit subtil, feu follet du succès
Car Septembre du thyrse arme plus d'un athlète.
Car, donnant force au preux et génie au poète.
Du sang pur de la vigne il fait le sang français.
Stéphen Liégeard.
LES LIVRES D£;DEmiH \x '̃̃:
Lés trois impostures
Les Ecrits nouveaux, dans leur prochain
numéro double août-septembre, vont pu-
bier, à la fin de la semaine prochaine, des
fragments d'un livre inédit de P.-J. Toulet,
Les Trois impostures.
Nous devons à l'obligeance de cette, revue
d'en donner aujourd'hui quelques extraits.
et ce nous sera l'occasion de rendre Hom-
mage à la mémoire de cet écrivain si fran-
çais, disparu l'an passé, auteur de délicieux
romans, tels que Les Tendres Ménages, Mon
ami Nane, La Jeune Fille verté, et dont les
Coutrerime-s, parues récemment, sauront
longtemps nous enchanter. ̃
Il n'est si bel amour qui ne laisse parfois
sonner une secrète chaîne.
x
A l'aube d'un nouvel amour, que l'amour
d'hier, semble un mauvais rêve
I,equel vaut mieux d'avoir des remords
ou des regrets ?
Il faut pousser sa volupté jusqu'à la dou-
leur,, pour être sûr de l'avoir goûtée tout en-
tière.
Passe que l'amour porte des épines il est
une fleur. Mais quoi, l'amitié? Ce n'est
qu'un légume.
Celles qui sont liées près de notre cœur,
c'est comme les beaux livres et d'abord on
y entend goutte. Mais qu'il est doux, plus
tard, de les ouvrir.
Que de femmes ont passé leur vie à se
donner, et qui ne se sont pas senties une
fois, peut-être, aux bras d'un amant.
On dirait que la douleur donne à certaines
âmes une espèce de conscience. C'est Comme
aux huîtres le citron.
Les femmes d'âge ont une espèce de na-
turel dans l'abandon, et de savoir-faire qui
insensiblement engagent. On dirait ces li-
vres de chevet qui d'eux-mêmes s'ouvrent,
et nous découvrent^ leurs bons endroits.
x–
Ce n'est pas sans beauté que la douleur
sculpte les visages.
Quand les femmes seront enfin aussi sa-
vantes que des hommes que des hommes
savants ô amour, vous ne serez plus le sel
de la vie vous en serez le chlorure de so-
dium.
Peut-être vaut-il mieux, comme on pré-
tend, ne point battre les femmes. C'est ris-
quer qu'elles y contractent ensemble un
goût et un dégoût qu'il est malaisé que l'on
concilie, à la fois, et satisfasse.
Qui au monde, et dans le monde, ne con-
naît Zoraïde, cette gentille femme d'esprit
que l'on met en tête des ceuyres comme de
l'autruche aux catafalques. C'est là qu'elle
apprit que la charité se doit faire avec de
l'argent des autres.
Irène, un de ces prêtres plus habiles à dé-
nicher le pauvre qu'un enfant des nids d'oi-
seaux, lui décrivait de toute une famille et
la vermine, et la marmaille, et la faim, au
même grabat, sous un jour de souffrance.
̃ Hélas, l'abbé, répondît-elle avec une
émouvante mélancolie, tous nos joues ne
sont-ils pas des jours de souffrance? .-•>v-i-
;f;-t~,T~' .J! a Q
scll'viéîit- u-n.îâge où:Î!} vie semble se retirer
du bonheur, comme ces lacs que la longueur
de l'été" dévore' entre leurs rives.'
C'est. le temps qui donne aux chefs-d'œu-
vre,, comme aux grands vins, la lumière, la
saveur, la gloire.
De s'allier aux sots, quelle sottise Les
oies du Capitole, qui étaient toulousaines, et
de coeur avec les Gaulois, quand elles menè-
rent tout ce bruit. c'était pour leur crier de
faire silence, en cas qu'ils n'éveillassent les
Romains.
Tout ainsi que les mikados d'autrefois, le
bonheur' est un' prince irrésistible et caché
à qui l'oufait sa cour sans le voir jamais en
façe^1 '̃ ,v •' ̃ '̃
-x
Une femme peut fort bien aimer deux
hommes à la fois son, amant,- par exemple,
et son mari. On dirait que, toutes petites,
elles ont appris'à loucher dit cœur. •
.Peut-être qu'il est doux d'être mprfypjli- 31e
l'est 'pas assurément de mourir. »,'<̃
-'̃' ̃̃ P.-J. Toulet.
,?~/o~
Sous la Croix du Sud
L,e Hong=King
L'ancre levée, la masse grisâtre vire et pi-
que vers le large. Les grues du wharf sif-
flent, le Hon-King salue la terre.
Malgré le vacarme de la barre, j'entends
le son mat du canon. A l'ouest, le soleil
donne de la bande et coule dans une flaque
immense' et pourpre. De courtes flammes
dansent au ras des vagues. Je ne distingue
plus très bien les. lignes du cargo. Si je pou-
vais le suivre Un bateau qui s'en va charge
nos illusions et" paisse un' désert à sa poupe.
Une explosion de chaudière retient le Hon-
King à deux milles de la côte. On vient de
débarquer les victimes, des Jaunes. De l'am-
bulance où je suis en traitement, mes yeux
plongent sur le réduit qui sert de morgue.
Là, sont déposés les funèbres paquets. J'a-
perçois deux pieds chaussés de bottines d'un
verni étiucelaut. J'essaie de ne plus açegar-
der, mais: en, vain.- J&-Ji'p5t.e.iiyp.no.t1isg ;par
l'éclat de ces souliers. Ce Chinois devait être
coquet.* J-é-vo'qéë ;son ̃ supplice» P-éelatement
des parois d'acier, le jet, le image de vapeur,
le choc des panneaux refermés. Cet homme
a hurlé, grimacé, puis, aveuglé par la buée,
les poumons cuits, il s'est effondré dans un
coin de la chaufferie.
Pressés, les uns contre les autres, pareils
à des gueux qui ont froid, ils.semblent ber-
cés par un rêve natal pagodes dorées, riziè-
res infinies.
•
"̃' On va enterrer les Chinois, dit l'infir-
mier de garde.
C'est un matin de novembre. La lumière
colore les amandiers, le sable, la mer. Une
odeur de sciure emplit mes narines. Des pri-
sonniers ont apporté de longues caisses et la
sale besogne commence. Ils se mettent à six
pour enlever un corps. Sont-ils maladroits ?
Des mains crispées, des jambes roides jail-
lissent des couvertures.' Les cadavres résis-
tent, puis, avec un bruit feutré, se cognent
au fond de la bière. C'est le tour des char-
pentiers ils s'excitent clouent en cadence
les planches. Bambam r;,
• Allons, c'est débrouiller plus .vite; gro-
gne un brigadier de police, c'est sentir beau-
coup mauvais. •
Quelques coups de. marteau; èricofe c'est
fini. ̃ ̃
Les nègres croque-morts çut, de :]a peine à
soulever, à porter les cercueils ils titubent,
marchent de travers comme les crabes. Le
cortège noir.scande une mélopée/ s, î^bratile,
s'use et disparaît au bout d'une route que
mange le soleil.
Accroupis, les matelots dit. Hon-King se
redressent et suivent uii officier blond,. en
casquette. Ils ont soif et vont à l'hôtel. Tout
à l'heure, à leur poste, ils travailleront dou-
ble, afin de remplacer les absents. Deux
schellings de supplément leur sont alloués.
Ce n'est pas à dédaigner le whisky coûte
cher.
Ce sera Dia=Mana,
la plus belle
Terri-Fô brandit le poing vers le Sud.
Maudits soient ces voleurs rapaces, hy-
pocrites Pleure, vide tes yeux Dia-Mana. Il
ne faut pas que tu pleures lorsque le mo-
ment sera venu, je manquerai de courage et
tu sais bien que je dois tenir mon serment.
Dia-Mana sanglota
Je t'obéis, je t'obéirai, mais pourquoi
est-ce moi que Gamba a choisie? Laisse-moi
déchirer mon visage, qu'il soit horrible.
Dia-Mana, le Fétiche est jaloux, cruel
le sacrifice. I^ou, je ne savais r)as
encore souffrir, mon amour me fait mal.
Prends-moi dans tes bras. Comme son
baiser doit être froid. Je songe à ces chenil-
les qui sucent la moelle des mimosas. Terri-
Fô, j'ai peur
Je t'aimerai jusqu'à la fin.
Oui, tu m'aimes, mais m'aimes-tu as-
sez?
Veux-tu que je tue Gamba, veux-tu
que je fuie?
Je ne sais pas, je t'aime et je me sou-
viens du soir où tu m'as dit « Donne-moi à
boire dans ta petite main ». Il y avait une
lune, pâle qui s'est cachée tout à coup.
Le Somba l'interrompit
Ne parle plus. Ton cœur bondit com-
me un chevreau à l'attache. On dirait qu'il
tire sur la corde et veut s'échapper. Ah
pourquoi t'ai-je connue?
Terri-Fô, est-ce possible? Je ne veux
pas mourir! 1
Ferme les yeux, je mettrai mon cœur
entre cette lame et ta chair, ferme les yeux.
Et ayant dit, le guerrier enfonça le cou-
teau dans la gorge de sa fiancée.
Elle est morte! rugit-il, stupide, la pru-
nelle éteinte.
Dia-Mana ne bougeait pas. Terri-Fô lais-
sait couler le sang dans une calebasse. Rem-
plie jusqu'au bord, il alla la porter à son
père qui attendait.
Gamba, impassible trempa sa lance c
ses flèches.
Que ce sang retombe sur nos ennemis,
fit-il.
Le soleil émergeait de la chaîne rocheuse.
Le grand chef alluma sa pipe et se mit à
compter les tentes blanches qui brillaient,
là-bas, au fond de la vallée.
Fr. Bœuf.
Ixe Voyage en fuisse
Avant de me fermer les yeux,
Seigneur, fais que je puisse
Voyager, un jour, sous les cieux
Azurés de la Suisse
Hélas hélas pauvre croquant
Que le sort mortifie,
Je ne la connais encor qu'en
Chromolithographie
Il ne se passe pas d'hiver
Que je ne refeuillette
De l'exquis' Genevois Topffer
L'œuvre si. gentillette
Les pages eu sont, à présent,
Toutes pleines de taches!
,i\ Mais n'empêche qu'en les lisait,
̃fi), J'entends le ranz des vaches,
Et que je vois, oui, que je vois,
(Spectacle bellissime !)
Le timide et léger chamois
Bondir de cime en cime
« Ah » pensé-je, « le doux destin,
Si là je pouvais vivre »
II est deux heures du matin,
Quand je ferme le livre.
Du reste, je suis endormi
D'une minute à peine
.Que, dans ce paysage ami N
Encor je me promène
Comme alors tout est à mon gré 1
Quel adorable rêve
Armé du bon bâton ferré,
J'escalade sans trêve
̃ Et là-haut, là-haut (quel plaisir !),
Loin de la foule humaine,
Voilà quîen. pensée, à loisir,
J'établis, mon domaine
Et de quel chagrin je suis pris,
(Ah ce n'est pas merveille, !)
En me retrouvant à Paris,
Lorsque je me réveille
Mais hors du lit je fais un bond'
^Èt; cours (o "facétie tj' f"
-• Admirer, aux Buttes-Chaumorit,
Un semblant d'Helvétie
¡ Georges Docquois.
ËNGLISH.JPOKEN
Par centaines de mille, comme avant la
guerre, nos amis Anglais et Américains ont
repris, cet été, le chemin de la France. Voici
la saison chère aux touristes où nous les
rencontrons un peu partout sur les boule-
vards, au théâtre, au restaurant, au Bois de
Boulogne, en chemin de fer, en bateau, à la
mer, à la montagne, sur nos champs de ba-
taille, à l'hôtel. Et partout, pour leur faire
bon accueil et retenir leur clientèle, les com-
merçants ne se contentent plus d'arborer le
traditionnel EngUsh spoken, mais s'anglici-
sent à qui mieux mieux.
Les tca-rooms foisonnent, dans lesquels
nos voisins d'outre-Manche ont la facilité
de prendre à loisir breakfast au bacon, lunch
ou f ive o'clock, accompagné de cakes, toasts
etinuffins onctueux. Les tailleurs, tous soi-
disant du West-End, exposent à leurs de-
vantures des tissus aux noms britanniques
corkscrew, whipeord, homespun, cover-coat
Entrez chez un de nos outfitters à la mode,
vous n'y verrez que chapeaux r'ustic, che-
mises de cellular, chaussures Bahnoral, ra-
glans et norfolks pour messieurs, golfs et
sweaters pour dames.
Le coiffeur, mué en hair dresser, vous of-
frira, suivant le cas, soit un singeing, soit
un shampooing au ̃whiterose voire au bay-
rum, s'il a lieu de supposer que vous préfé-
rez les lotions américaines. Il n'est pas jus-
qu'au moderne pharmacien, devenu che-
mist ou druggist depuis la guerre, dont les
vitrines ne recèlent tout un assortiment de
chewing-gums yankees et d'embrocations
anglaises.
Toujours en vue de plaire aux visiteurs
que nous envoient l'Angleterre et les Etats-
Unis, les bars se sont multipliés. Cocktails,
flips, egg-nogs, claret-cups, chcrry-cobblers,
d'innombrables autres drinks y sont prépa-
rés de manière à flatter les palais les plus dif-
ficiles. De même au restaurant, la carte fait
alterner l'oxtail avec le potage bisque, le
piccalilli avec les hors-d'œuvre, les kippers
et le haddock avec la sole dieppoise, le pou-
let au carry avec le poulet en cocotte, le rice-
pudding et les ice-creams variés avec nos en-
tremets à la française.
On en vient parfois à se demander, non
sans quelque appréhension, si nous sommes
bien en France, ou dans Oxford Street, et si
toute cette anglomanie alimentaire et com-
nicrciale ne finira pas par porter atteinte à
l'étranger au bon renom de notre goût com-
me au prestige de notre langue.
Ce n'est pas tout. L'introduction, chez
nous, des courses de chevaux et la pratique
des sports en plein air-, nous ont amenés à
emprunter de nos voisins une foule de ter-
mes, contre l'invasion desquels nous ne sa-
vons pas assez nous garder.
Si certains d'entre eux, par exemple en-
traîner, dribbler, challenge, outsider, handi-
cap, raid, match ou rccord, pour ne citer que
des néologismes, paraissent justifiés parce,
qu'ils correspondent à un ordre de faits réel-
lement nouveau, à des acquisitions nouvel-
les, difficiles à traduire autrement, quelle
utilité, par contre, y a-t-il d'adopter des
mots tels que les suivants, pour lesquels
nous possédons déjà des équivalents bien
français et compris de tous? Pourquoi ro-
wing, alors que nous avons canotage? Pour-
quoi dire brohen down, au lieu de fourbu,
claqué? Crack, au lieu de champion? Canter,
au lieu de galop d'essai? Goal, au lieu de
but? Cruising, au lieu de croisière? Hnm-
merlcss, au1 lieu de « sans chien »? Round,
au lieu de" reprise? Stand, aii lieu de tri-
bune ? Evcnt^au lieu d'événement? Racingt
au lieu de course? Doper, au lieu de' dro-
guer ? Brook, au lieu de rivière? •• •
Pareilles' adaptations semblent d'autant
plus critiquables que, parmi ces prétendus
anglicismes, quelques-uns sont eux-mêmes
d'origine française. Connaissez-vous, entre
autres, l'origine du mot'tennis? Elle est en-
core à peu près ignorée et pourtant bien cu-
rieuse.
C'est tout simplement le vieux français
« tenetz », tenez, appel employé par le ser-
veur, au jeu de paume, lorsqu'il allait lan-
cer la balle. Donato Velluti, mort en 1370,
relate dans la Cronîca di Firenze, que le jeu
de « tenes » passe pour avoir été introduit à
Florence, au début du xiv° siècle, par des
chevaliers français; d'autre part, Minshen,
dans son Ductor in Linguas (1617), fait le
rapprochement de « tennis play » et de « te-
nez mot que les Français, seuls joueurs de
paume, ont coutume de prononcer quand ilf=
envoient la balle.
Au surplus, il y a lieu de noter que. la
paume a été le sport favori de nos aïeux dès
le moyen âge, qu'au xvie siècle, il y avait
plus de 1.800 emplacements consacrés à ce
jeu à Paris seulement, et que Rqbert Dal-
liugton écrivait, en r598 « Le tennis est
plus en usage ici (en 'France) que dans toute
la chrétienté réunie. On dirait que les Fran-
çais sont tous nés une raquette à là- main.
Si les contemporains de Gpwer et de
Chanccr nous ont emprunté la paume, dont
ils ont fait ]e tennis, nous avons, cinq siè-
cles plus tard pris à leurs arrière-petits-fils
la boxe. Sans vouloir médire d'un art que
notre compatriote Carpeutier a porté à un si
haut point de perfection, il faut avouer que
la boxe nous a valu un lot d'expressions
knock out, swing, clinch, hook, uppercut,
side stcp, etc. :qui, malgré le bruit fait
autour du match sensationnel de Jersey
City, auront'du mal, j'ose l'espérer, à se
fixer dans notre vocabulaire.
Il y a, au fond de tout cela, un snobisme
verbal qui nous porte, plus ou moins in-
consciemment, à nous servir de préférence
d'un vocable exotique, rare ou seulement
inusité pour définir une chose, fût-elle très
ancienne, -dont nous entendons parler pour
la première fois. Et si ce vocable est à con-
sonance britannique, on dirait que c'est tant
mieux au regard de ces snobs dont je parle.
N'ont-ils pas été jusqu'à inventer des an-
glicismes dont les Anglais n'ont jamais con-
nu l'existence! Footing et dancing' sont to-
talement ignorés outre-Manche, dans le sens
que nous leur. prêtons; un rallye-paper «'̃
appelle un paper-chase; pouloler (galoper),
est calqué sur le .verbe pull up, dont la si-
gn/fication hippique, est au contraire ̃ « n 7
rê.ter » plusieurs de, nos écrivains s'ob&t1-:
nent-à- travestir en c^efet-irnôtrejèullë cro-
quet, lequel a toujours été français de nom
et d'origine.
Mais il faut se borner, le sujet serait
inépuisable. Je ne puis que renvoyer ceux
de nos lecteurs qui s'intéressent à ces que'
tions si actuelles et si passionnantes au Dic-
tionnaire Historique des anglicismes auquel
l'Académie française vient de décerner un
brin de laurier, et je leur demande de
joindre à tous les amis de la Langue fran-
çaise, la plus belle, la plus pure de celles qui
se parlent à travers le monde, pour la défen-
dre contre les excès de VEnglish spoken.
Edouard Bonnaffé.
La double image
NOUVELLE
Il.
Ah vieillir, dit à son tour Jean Li-
niëre, dont le visage, jeune encore, con-
trastait avec des cheveux tout grison-
nants. Ah vieillir On pense sans peine
d'un autre, d'un ami, d'une femme
qu'on a connue et qu'on retrouve
Comme ils sont changés L'âge les a
touchés. On ne le pense guère de soi-
même. On a l'illusion d'avoir été épar-
gné par le temps. La révélation, quand
elle se fait, est douloureuse. Laissez-
moi vous raconter cette histoire,
J'ai aimé Blanche d'un amour pas-
sionné. Elle est mêlée intimement aux
souvenirs de mon cœur.
Je me rappelle le lointain je suis
dans la. force de la jeunesse j'ai cons-
cience de regarder la. vie avec des yeux
animés par le désir et de créer le monde
pour moi. C'est l'enchantement t de la
découverte, avec l'élan de l'espérance
Je jette sur tout le filet de mes rêves'
Des maîtresses s'y laissent prendre
mais mon cœur ne se donne pas à elles'
Qu'en apraient-elles fait ? Et qu'aurais-
je fait de leur cœur ? Je connais sans
doute la griserie des soirées tièdes, au
bord de l'eau, la douceur de vivre, en
respirant la nuit lunaire et ses longs
silences dans le jardin, auprès d'une
femme, la joie sensuelle d'entendre s'ap-
procher le froufrou d'une robe ou le
tintement clair de petits souliers.
Qu'est-ce que tout cela ? Rien de ces
amourettes n'entre profondément dans
Tàme toutes leurs images se sont étein-
tes, comme les -étoiles au bord du ciel
matinal. •
Blanche apparaît, dans ma vie, un
soir de printemps, à la campagne. Je
suis frappé dé son air mélancolique et
charmant. L'intonation de sa voix me
pénètre comme d'un émoi mystérieux.
Son profil est fin, d'une exquise pureté.
bes yeux ont une expression de dou-
ceur voilée d'ombre, et j'admire la blon-
deur cendrée de ses cheveux.
J'eus le pressentiment que le destin
l'offrait à mon cœur. Remarque curieu-
se Je ne fus pas, à sa première appa-
rition, attiré vers elle par l'attrait du
désir, l'instinct, de la. conquête amou-
reuse. Je J'associai seulement à un rêve
de tendresse lointaine, familière, apai-
sante.
En sortant, je parlai de cette femme
à un ami habituel de la maison « Je ne
sais pas grand'chose, me dit-il, je l'ai
vue assez rarement chez mes amis elle
est divorcée, depuis peu; je crois, elle
vit solitaire. 'très distinguée d'esprit
et d'allure coquette, aimable. un beau
brin de femme »
Ces mots tirent naître .en moi, par un
coup -soudain- de jalousie, le goût physi-
que de cette femme. J'eus peur qu'elle
ne me fût enlévée. Je disposais d'elle,
comme d'un trésor conquis.
La conquête, pourtant, ne.fut pas une
conquête aisée. Je revis Blanche. Elle
devina à mon regard, qui ne la quittait
pas, à mille riens, Je trouble de ..mon
cœur et la puissance de sa séduction
.sur moi. Je lui lis d'abord une cour dis-
crète. Sa coquetterie me laissa faire,
mais elle ne trahit rien de ses senti-
ments et tout resta, assez longtemps,
noyé dans le vague, de relations.mon-
daines. Je J'accompagnai un soir. jus-
qu'à sa porte. Autorisé par ce consente-
ment, je me déclarai je pris sa main,
pour la serrer tendrement. Elle essaya
de se dérober, mais avec une mollesse
qui m'encouragea. Elle avait ralenti
la marche, elle m'écoutait sans rien dire
qui pût me forcer à me taire; je pris
confiance je lui jetai à poignée tout
mon cœur, dans ces lambeaux de phra-
ses usées, qui servent à tous les amants.
Elle ne suspecta pas ma sincérité.' Elle>
comprit que je serais très malheureux
si elle se détournait de moi. Elle se borna
à me dire « Laissez-moi rentrer. lais-
sez-moi !̃»
Je la- revis le lendemain. Il n'y a plus
pour -longtemps d'histoire à raconter.
Nous nous aimâmes, Blanche et" moi
dans une symphonie d'amour heureux'
ardente, puissante comme un .chant éter-
nel, douce infiniment. Toutes les res-
sources de mon coeur, je les versais en
elle. ̃
Sa beauté rayonnait. Blanche était,
sans le paraître, de quelques années
plus âgée que' moi, que guettait la tren-
taine. Elle ne l'avait pas avoué, "certes
elle s'en-serait même défendue, mais je
le sus par le hasard d'une indiscrétion.
Son jeune amour ,s'embellissait de sa
fraîche jeunesse épanouie. Je me plai-
sais à regarder ses yeux bleus, aux cils
courbes, la grâce de son teint, laper-
fection de son..visage, et le mouvement
souple de son allure.
Je la voyais presque tous les jours.
Chez elle rarement. Elle venait, comme
la lumière, dans mon logis qu'elle ai-
mait et qu'elle parait, elle-même de
fleurs. Quelquefois,, nous allions à iw
campagne, assez loin de Paris, dans une
maison. isolée, qu'elle tenait de ses pa-
rents et où elle se plaisait à vivre; pro-
tégée par l'ombre des grands bois pro-
ches. Je me rappelle cette maison de ta
,B.?1!«>ailv^is' Ç9P«ne je la,; désignais,
habjllee de lierres e^d^vèrdurés. ̃̃
Du passé de Blanche, je' ne savais-
rien je n'avais pas cherché' à/savoir. Je:
ne voyais qu'elle, je ne connaissais per-
sonne de son entourage. A quoi bon ?
Une fois ou deux, elle mlavait parlé de
son divorce, que la, conduite de son mari
avait rendu nécessaire. « Ce fut un
homme sans scrupule, dit-elle il s'est
expatrié, me laissant toutes les char-
ges. » Je ne voulus pas la faire parler
davantage sur ce sujet. Je ne me sou-
ciais que d'elle, et de notre, intimité.
J'aurais désiré la vie partagée tout
entière avec elle elle ne se prêta pas à
mon désir elle répétait « Tu sais bien
que je t'aime », avec une telle tendresse
que je me rendais toujours; Elle s'absen-
tait fréquemment pour aller en province
auprès d'une tante, chez laquelle. était
un filleul qu'elle aimait et, qu'elle fai-
sait garder, là-bas, au plein air de la
campagne. Ses absences m'étaient dou-
loureuses. La jalousie me vrillait le
cœur. le soupçon, l'inquiétude. Mais
les fêtes du retour apaisaient ma souf-
france et je retrouvais dans ses bras la
paix et la confiance.
Dix ans nous vécûmes ainsi, presque
côte à côte, sincèrement l'un à -L'autre
et sans qu'il y eût jamais entre nous la
mauvaise surprise d'une, discussion ou
d'une querelle.
Blanche restait jeun/} de toute sa per-
sonne. Le temps épargnait son joli vi-
sage amoureux. Sa taille conservait sa
sveltesse et son allure sa, souplesse ai-
sée. Je'la voyais telle qu'au premier jour
avec des yeux. que rien ne désenchan-
tait. L'habitude des heures quotidiennes
que nous passions ensemble me conser-
vait, intacte, son image.
Un jour, après une courte absence,
elle ne vint pas au rendez-vous que nous
avions décidé. Je ne la revis plus. Un
billet seulement, au bout de deux se-
maines, m'arriva « Mon'Jean chéri,- il
faut que nous nous quittions. Garde
mon image en tes yeux et en ton cœur,
comme je garde la tienne. Je t'ai donné
mon amour, il est la joie de mon sou-
venir. »
Toutes les tentatives que je fis pour
revoir Blanche, pour savoir quelque
chose, furent inutiles. Etait-elle souf-
frante ? Je l'avais quittée en bonne
santé. Je me souviens seulement que, de-
puis quelque temps, elle était inquiète,
nerveuse, mélancolique et exubérante'
sans transition elle se regardait, sou-
vent au miroir. Quel mal la minait-
il ? Me l'avait-elle caché ? Je nie per-
dais en conjectures. Dix années de
ma vie, dix années de mon amour
s'enterraient dans la douleur. Oui,
je ne savais que penser. J'étais aba-
sourdi et désespéré. Du dépit se mêlait
à mon chagrin. Je me forgeai .des rai-
sons de souffrir en associant la réso-
lution,brusque de Blanche à ses- fré-
quentes absences, en lesquelles je
voyais, maintenant, trahison et mys-
tère. Je me reprochais ma faiblesse "et
mon inertie. J'aurais dû me préoccu-
per, chercher à savoir!
Au !.c6:billet reçu, ce billet de mort,
où nalpitaient encore des mots d'amour,
que de iois l'ai-je lu, le cœur comprimé,
sans, y croire
Et puis, le temps passa, le temps
coula, car rien ne peut l'empêcher de
Dimanche 4 Septembre 1921
Gaston GALMETTE
< .̃̃- -•-«; Directeur (1902- 19 14) '̃£,
RÉDACTION & ADMINISTRATION
̃̃*̃̃' 26,Eue Drouot, Paris (9e Arr.) >̃̃
H. DE VILLEMESSANT
Fondateur
1-
RÉDACTION & ADMINISTRATION
26, Rue Drouot, Paris (9e Arr.)
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ABONNEMENT SPÉCIAL
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France, Étranger, Union postale.. • 15 fr.
sxj^FiùÉiv^Bnsra? LITTÉRAIRE
Sommaire
Francisco Paul Fort dans
>̃̃$, •.AMUNa.TÉGTJiq.. » l'Amérique latine
Stéphen Liégard. Septembre
P.-J. Toulet .y Les trois imposteurs
,'r' '̃ (Les livres de demain)
Fr. Bœuf. Sous la Croix du Sud
(Impressions
africaines)
Georges Docquois Le voyage en Suisse
Edouard Bonnaffé. English spoken
Pierre Courtois La double image y
(Nouvelle)
Hugues Delorme Les deux pigeons
MAURICE Levaillant Lectures françaises
(Quelques. revues)
HENRY Asselim Maha la Folle
Jacques Patin. Chez le libraire
PflDL f OHT
dans Tflmérique latine
M. Francisco Amunatégui, le jeune écri-
vain chilien, 110'us adresse l'article suivant
sur le poète Paul Fort. On sait que l'auteur
des « Balladès Françaises voyagé en ce
momènt en Amérique Latine, et'qu 'il visitera
prochainement le Chili. •••̃
"A Paris, tout le monde connaît et aime
Paul Fort il fait partie intégrante' de
certains décors de la ville les terrasses
du Jardin du Luxembourg n'auraient pas .s
leur physionomie habituelle si la haute et
fine silhouette de notre poète ne s'y pro-
filait à chaque instant, et nous ne pour-
rions aller dans quelque .pittoresque* coin
de 1'lle-de-France sans que ses vers,
comme une douce musique, ne reviennent
à notre mémoire.
Paul Fort, « Prince des Poètes », et
plus noble:que les vrais princes, puisqu'il
est prince de'l'esprit, aime et comprend
Paris et tout ce qui l'entoure, d'une façon
merveilleuse et profonde et il sait nous
faire partager sa joie en chantant, dans
une langue souple et cadencée, qui se
déroule suivant un rythme original et
doux, ce qu'il voit, ce' qu'il sent, ce qu'il
admire.
̃ Le vers de Paul Fort n'a pas la mono-
tonie Qu la rigidité de l'alexandrin classi-
que et il n'a pas non plus le négligé et
l'abandon du vers libre qui, parfois, ne
sert qu'à recouvrir quelque impuissance
à versifier non, son vers n'a pris à cha-
cun que le meilleur et est arrivé ainsi à
être 'quelque cl^ôse.'d'absQliiment perspn,-
ri'ël: 'Le.pùby.ç de, Santiago-dù-Chili- s'en
apercevra en entendant Mme' Germaine
d'Orfer réciter, comme seule elle sait le
faire, les « Ballades Françaises les plus
caractéristiques.
Paul Fort a été et est toujours au pre-
mier rang dès qu'il s'agit de lutter pour
l'art. A notre époque de brutal réalisme,
il est réconfortant de parler à un homme
qui ne s'occupe pas d'affaires de Bourse,
qui ne vous propose aucun marché,
ne nourrit le projet d.'aucune spécu-
lation avantageuse, mais qui préfère
vous entretenir de ses vieux amis Ver-
-laine, Mallarmé ou Dierx et vous donne
sur eux, sur leurs rêves et sur leurs souf-
frances des aperçus nouveaux et des dé-
tàils inédits.
Nous ne voulons point déflorer, par des
indiscrétions, l'immense intérêt que pré-
sentent les conférences de Paul Fort et
que nos compatriotes auront le bonheur
et la chance d'entendre, mais il nous est
permis de dire, avant que le rideau se
lève et qu'on allume les chandelles, que
Paul Fort, dès un âge très tendre, s'oc-
cupa de la poésie et des poètes qu'ayant
fondé, encore au collège, le « Théâtre
d'Art », il fut, croyons-nous, renvoyé des
classes par un austère proviseur qu'il
prit part, mieux encore, qu'il fut l'ini-
tiateur des grandes luttes d'où devait
sortir l'art moderne; qu'avec une poignée
'd'illuminés comme lui, il sut imposer à
une foule que cela d'abord avait fait ri-
re, la splendide et pure beauté de Péléas
et Mélisande, des Aveugles, de certai-
nes délicieuses pièces de Verlaine, enfin
de tout ce qui surgissait, de tout ce qui
annonçait.les temps nouveaux et qui al-
lait quelques années plus tard rempla-'
cer victorieusement sur les tréteaux les
vaudevilles de M. Scribe. Paul Fort, le
feutre en bataille, ne se découragea ja-
mais il vous dira les moyens de fortune
dont il disposait, certains décors som-
maires qu'il était obligé d'employer et
on ne pourra s'empêcher d'acclamer sa
'foi vibrante, qui sut narguer et briser
tous;les obstacles. Alors que' -mainte-
nant beaucoup prostituent le mot « poè-
te » en entrant dans de vagues et lou-
ches combinaisons commerciales, d'où
doit sortir le fort tirage, Paul Fort, par
les matins radieux emmène sa mie à
Meudon, puis s'en va rêver sous les ton-
nelles, au « glou-glou » du vin vermeil.
Nul ne connaît mieux que lui Paris et
la France et l'on ne saurait faire aucun
voyage, sans emporter; avec l'indica-
teur des chemins de fer, un volume de
poésie de Paul Fort. Ses vers, mieux
qu'un froid Baedeker, feront compren-
dre l'âme insaisissable et multiple de la
région, et à peu de frais,'on pourra, ce
qui n'est pas permis à tous, regarder les
gens et les choses avec des yeux de poè-
te. Le livre précieux à la main, on s'en
ira dans les vieilles petites rues de la
Ferté-Milon, où passait le doux Jean Ra-
cine,-ou bien dans les grasses campa-
gnes de Château-Thierry, où La Fontaine
apprit à aimer la nature. Miracle des
vers, on se sentira l'égal de ces grands
hommes,, et on pourra même, tant l'illu-
sion est parfaite, les tutoyer.
On aimera les noms charmants de la
contrée, on s'attendrira devant le cours
de la capricieuse Nonette, sur les vieux
pavés de. Senlis ou sur le mystérieux Coin
Musard, partout-le cœur en joie, ivres
d'une.journée divine, on suivra Paul Fort
et son génie, puis, le soir, on .pourra
avec plus de courage, rentrer dans la
grand'ville, où tout-n'est que lutte et
bataille. • '̃̃
Comme il le dit lui-même spirituelle-
ment, puisque les poètes n'étant pas ri-
ches, ne peuvent avoir des ./salons, vet
sont obligés de se réunir dans les taver-
nes, il n'est rien de plus caractéristique
et de plus instructif que d'aller a la Clo-,
serie des Lilas, le lieu préféré des artis-
tes. Tous les mardis, devant une as-
semblée imposante de poètes, Paul Fort,
fait son apparition, salué pas tous corn,
me le maître, et c'est un des à-côtés les
plus intéressants de la vie de Paris que
d'aller à ces réunions, où il n'est parlé
que d'art devant d'immenses pots de bièr,
re. Là, le monde, est réformé plusieurs
fois par séance, et les yeux s'ouvrent plus
grands devant des idéals qu'on sent plus,
proches. Que reste-t-il de tous ces rê-
ves et de toutes ces généreuses discus-
sions ? Il serait vain et facile de dire que
si tout s'envole comme la fumée des pi-
pes, il en reste un grand amour pour les
hommes, un grand désir d'idées belles et
nobles, une grande confiance dans l'ave-
nir, et tout cela est déjà très- apprécia-
ble puis ce cliquetis brillant des mots,
cette bataille verbale, ces images sou-
vent nouvelles, parfois hardies, qui se
heurtent et s'entre-croisent, tout cela
fait de la vie, et c'est encore bien pour
notre humanité. Paul Fort, qui préside et
dirige avec science, les débats oratoires
de ses jeunes confrères, d'où sortira
peut-être la vérité de demain, mérite
ainsi notre reconnaissance. et .ayant, si
merveilleusement compris son rôle, ou
plutôt son apostolat de poète, c'ést-à lui
que doivent aller, comme le lui montrera
l'élite de Santiago-du-Chili, notre grati-
tude et notre admiration.
,̃̃, Francisco Amunatégui.
JSIEÏJPT'EïiïVEIO.aEt.IEJ
Pampre au front, sèrpe en main, voici venir Sep-
tembre.
D'un vol prompt, sur ses pas s'élande la Chanson;
II vient par les coteaux, le divin échanson, f
Mêler ses^çlairs rubis aux grains dorés de l'ambre.
Son chaume est le sarment, le raisin, sa moisson.
Fier du gai vendangeur qui sous l'osier se cambre,
fi dit au buveur d'eau: Courbe-toi, froid Sicambre!"
Il tend au vieux Burgonde un cep pour étançon..
Par lui le pressoir craque et bout flots la cuve', `
Déjà, des flancs rougis de l'odorante étuve.
Jaillit l'esprit subtil, feu follet du succès
Car Septembre du thyrse arme plus d'un athlète.
Car, donnant force au preux et génie au poète.
Du sang pur de la vigne il fait le sang français.
Stéphen Liégeard.
LES LIVRES D£;DEmiH \x '̃̃:
Lés trois impostures
Les Ecrits nouveaux, dans leur prochain
numéro double août-septembre, vont pu-
bier, à la fin de la semaine prochaine, des
fragments d'un livre inédit de P.-J. Toulet,
Les Trois impostures.
Nous devons à l'obligeance de cette, revue
d'en donner aujourd'hui quelques extraits.
et ce nous sera l'occasion de rendre Hom-
mage à la mémoire de cet écrivain si fran-
çais, disparu l'an passé, auteur de délicieux
romans, tels que Les Tendres Ménages, Mon
ami Nane, La Jeune Fille verté, et dont les
Coutrerime-s, parues récemment, sauront
longtemps nous enchanter. ̃
Il n'est si bel amour qui ne laisse parfois
sonner une secrète chaîne.
x
A l'aube d'un nouvel amour, que l'amour
d'hier, semble un mauvais rêve
I,equel vaut mieux d'avoir des remords
ou des regrets ?
Il faut pousser sa volupté jusqu'à la dou-
leur,, pour être sûr de l'avoir goûtée tout en-
tière.
Passe que l'amour porte des épines il est
une fleur. Mais quoi, l'amitié? Ce n'est
qu'un légume.
Celles qui sont liées près de notre cœur,
c'est comme les beaux livres et d'abord on
y entend goutte. Mais qu'il est doux, plus
tard, de les ouvrir.
Que de femmes ont passé leur vie à se
donner, et qui ne se sont pas senties une
fois, peut-être, aux bras d'un amant.
On dirait que la douleur donne à certaines
âmes une espèce de conscience. C'est Comme
aux huîtres le citron.
Les femmes d'âge ont une espèce de na-
turel dans l'abandon, et de savoir-faire qui
insensiblement engagent. On dirait ces li-
vres de chevet qui d'eux-mêmes s'ouvrent,
et nous découvrent^ leurs bons endroits.
x–
Ce n'est pas sans beauté que la douleur
sculpte les visages.
Quand les femmes seront enfin aussi sa-
vantes que des hommes que des hommes
savants ô amour, vous ne serez plus le sel
de la vie vous en serez le chlorure de so-
dium.
Peut-être vaut-il mieux, comme on pré-
tend, ne point battre les femmes. C'est ris-
quer qu'elles y contractent ensemble un
goût et un dégoût qu'il est malaisé que l'on
concilie, à la fois, et satisfasse.
Qui au monde, et dans le monde, ne con-
naît Zoraïde, cette gentille femme d'esprit
que l'on met en tête des ceuyres comme de
l'autruche aux catafalques. C'est là qu'elle
apprit que la charité se doit faire avec de
l'argent des autres.
Irène, un de ces prêtres plus habiles à dé-
nicher le pauvre qu'un enfant des nids d'oi-
seaux, lui décrivait de toute une famille et
la vermine, et la marmaille, et la faim, au
même grabat, sous un jour de souffrance.
̃ Hélas, l'abbé, répondît-elle avec une
émouvante mélancolie, tous nos joues ne
sont-ils pas des jours de souffrance? .-•>v-i-
;f;-t~,T~' .J! a Q
scll'viéîit- u-n.îâge où:Î!} vie semble se retirer
du bonheur, comme ces lacs que la longueur
de l'été" dévore' entre leurs rives.'
C'est. le temps qui donne aux chefs-d'œu-
vre,, comme aux grands vins, la lumière, la
saveur, la gloire.
De s'allier aux sots, quelle sottise Les
oies du Capitole, qui étaient toulousaines, et
de coeur avec les Gaulois, quand elles menè-
rent tout ce bruit. c'était pour leur crier de
faire silence, en cas qu'ils n'éveillassent les
Romains.
Tout ainsi que les mikados d'autrefois, le
bonheur' est un' prince irrésistible et caché
à qui l'oufait sa cour sans le voir jamais en
façe^1 '̃ ,v •' ̃ '̃
-x
Une femme peut fort bien aimer deux
hommes à la fois son, amant,- par exemple,
et son mari. On dirait que, toutes petites,
elles ont appris'à loucher dit cœur. •
.Peut-être qu'il est doux d'être mprfypjli- 31e
l'est 'pas assurément de mourir. »,'<̃
-'̃' ̃̃ P.-J. Toulet.
,?~/o~
Sous la Croix du Sud
L,e Hong=King
L'ancre levée, la masse grisâtre vire et pi-
que vers le large. Les grues du wharf sif-
flent, le Hon-King salue la terre.
Malgré le vacarme de la barre, j'entends
le son mat du canon. A l'ouest, le soleil
donne de la bande et coule dans une flaque
immense' et pourpre. De courtes flammes
dansent au ras des vagues. Je ne distingue
plus très bien les. lignes du cargo. Si je pou-
vais le suivre Un bateau qui s'en va charge
nos illusions et" paisse un' désert à sa poupe.
Une explosion de chaudière retient le Hon-
King à deux milles de la côte. On vient de
débarquer les victimes, des Jaunes. De l'am-
bulance où je suis en traitement, mes yeux
plongent sur le réduit qui sert de morgue.
Là, sont déposés les funèbres paquets. J'a-
perçois deux pieds chaussés de bottines d'un
verni étiucelaut. J'essaie de ne plus açegar-
der, mais: en, vain.- J&-Ji'p5t.e.iiyp.no.t1isg ;par
l'éclat de ces souliers. Ce Chinois devait être
coquet.* J-é-vo'qéë ;son ̃ supplice» P-éelatement
des parois d'acier, le jet, le image de vapeur,
le choc des panneaux refermés. Cet homme
a hurlé, grimacé, puis, aveuglé par la buée,
les poumons cuits, il s'est effondré dans un
coin de la chaufferie.
Pressés, les uns contre les autres, pareils
à des gueux qui ont froid, ils.semblent ber-
cés par un rêve natal pagodes dorées, riziè-
res infinies.
•
"̃' On va enterrer les Chinois, dit l'infir-
mier de garde.
C'est un matin de novembre. La lumière
colore les amandiers, le sable, la mer. Une
odeur de sciure emplit mes narines. Des pri-
sonniers ont apporté de longues caisses et la
sale besogne commence. Ils se mettent à six
pour enlever un corps. Sont-ils maladroits ?
Des mains crispées, des jambes roides jail-
lissent des couvertures.' Les cadavres résis-
tent, puis, avec un bruit feutré, se cognent
au fond de la bière. C'est le tour des char-
pentiers ils s'excitent clouent en cadence
les planches. Bambam r;,
• Allons, c'est débrouiller plus .vite; gro-
gne un brigadier de police, c'est sentir beau-
coup mauvais. •
Quelques coups de. marteau; èricofe c'est
fini. ̃ ̃
Les nègres croque-morts çut, de :]a peine à
soulever, à porter les cercueils ils titubent,
marchent de travers comme les crabes. Le
cortège noir.scande une mélopée/ s, î^bratile,
s'use et disparaît au bout d'une route que
mange le soleil.
Accroupis, les matelots dit. Hon-King se
redressent et suivent uii officier blond,. en
casquette. Ils ont soif et vont à l'hôtel. Tout
à l'heure, à leur poste, ils travailleront dou-
ble, afin de remplacer les absents. Deux
schellings de supplément leur sont alloués.
Ce n'est pas à dédaigner le whisky coûte
cher.
Ce sera Dia=Mana,
la plus belle
Terri-Fô brandit le poing vers le Sud.
Maudits soient ces voleurs rapaces, hy-
pocrites Pleure, vide tes yeux Dia-Mana. Il
ne faut pas que tu pleures lorsque le mo-
ment sera venu, je manquerai de courage et
tu sais bien que je dois tenir mon serment.
Dia-Mana sanglota
Je t'obéis, je t'obéirai, mais pourquoi
est-ce moi que Gamba a choisie? Laisse-moi
déchirer mon visage, qu'il soit horrible.
Dia-Mana, le Fétiche est jaloux, cruel
le sacrifice. I^ou, je ne savais r)as
encore souffrir, mon amour me fait mal.
Prends-moi dans tes bras. Comme son
baiser doit être froid. Je songe à ces chenil-
les qui sucent la moelle des mimosas. Terri-
Fô, j'ai peur
Je t'aimerai jusqu'à la fin.
Oui, tu m'aimes, mais m'aimes-tu as-
sez?
Veux-tu que je tue Gamba, veux-tu
que je fuie?
Je ne sais pas, je t'aime et je me sou-
viens du soir où tu m'as dit « Donne-moi à
boire dans ta petite main ». Il y avait une
lune, pâle qui s'est cachée tout à coup.
Le Somba l'interrompit
Ne parle plus. Ton cœur bondit com-
me un chevreau à l'attache. On dirait qu'il
tire sur la corde et veut s'échapper. Ah
pourquoi t'ai-je connue?
Terri-Fô, est-ce possible? Je ne veux
pas mourir! 1
Ferme les yeux, je mettrai mon cœur
entre cette lame et ta chair, ferme les yeux.
Et ayant dit, le guerrier enfonça le cou-
teau dans la gorge de sa fiancée.
Elle est morte! rugit-il, stupide, la pru-
nelle éteinte.
Dia-Mana ne bougeait pas. Terri-Fô lais-
sait couler le sang dans une calebasse. Rem-
plie jusqu'au bord, il alla la porter à son
père qui attendait.
Gamba, impassible trempa sa lance c
ses flèches.
Que ce sang retombe sur nos ennemis,
fit-il.
Le soleil émergeait de la chaîne rocheuse.
Le grand chef alluma sa pipe et se mit à
compter les tentes blanches qui brillaient,
là-bas, au fond de la vallée.
Fr. Bœuf.
Ixe Voyage en fuisse
Avant de me fermer les yeux,
Seigneur, fais que je puisse
Voyager, un jour, sous les cieux
Azurés de la Suisse
Hélas hélas pauvre croquant
Que le sort mortifie,
Je ne la connais encor qu'en
Chromolithographie
Il ne se passe pas d'hiver
Que je ne refeuillette
De l'exquis' Genevois Topffer
L'œuvre si. gentillette
Les pages eu sont, à présent,
Toutes pleines de taches!
,i\ Mais n'empêche qu'en les lisait,
̃fi), J'entends le ranz des vaches,
Et que je vois, oui, que je vois,
(Spectacle bellissime !)
Le timide et léger chamois
Bondir de cime en cime
« Ah » pensé-je, « le doux destin,
Si là je pouvais vivre »
II est deux heures du matin,
Quand je ferme le livre.
Du reste, je suis endormi
D'une minute à peine
.Que, dans ce paysage ami N
Encor je me promène
Comme alors tout est à mon gré 1
Quel adorable rêve
Armé du bon bâton ferré,
J'escalade sans trêve
̃ Et là-haut, là-haut (quel plaisir !),
Loin de la foule humaine,
Voilà quîen. pensée, à loisir,
J'établis, mon domaine
Et de quel chagrin je suis pris,
(Ah ce n'est pas merveille, !)
En me retrouvant à Paris,
Lorsque je me réveille
Mais hors du lit je fais un bond'
^Èt; cours (o "facétie tj' f"
-• Admirer, aux Buttes-Chaumorit,
Un semblant d'Helvétie
¡ Georges Docquois.
ËNGLISH.JPOKEN
Par centaines de mille, comme avant la
guerre, nos amis Anglais et Américains ont
repris, cet été, le chemin de la France. Voici
la saison chère aux touristes où nous les
rencontrons un peu partout sur les boule-
vards, au théâtre, au restaurant, au Bois de
Boulogne, en chemin de fer, en bateau, à la
mer, à la montagne, sur nos champs de ba-
taille, à l'hôtel. Et partout, pour leur faire
bon accueil et retenir leur clientèle, les com-
merçants ne se contentent plus d'arborer le
traditionnel EngUsh spoken, mais s'anglici-
sent à qui mieux mieux.
Les tca-rooms foisonnent, dans lesquels
nos voisins d'outre-Manche ont la facilité
de prendre à loisir breakfast au bacon, lunch
ou f ive o'clock, accompagné de cakes, toasts
etinuffins onctueux. Les tailleurs, tous soi-
disant du West-End, exposent à leurs de-
vantures des tissus aux noms britanniques
corkscrew, whipeord, homespun, cover-coat
Entrez chez un de nos outfitters à la mode,
vous n'y verrez que chapeaux r'ustic, che-
mises de cellular, chaussures Bahnoral, ra-
glans et norfolks pour messieurs, golfs et
sweaters pour dames.
Le coiffeur, mué en hair dresser, vous of-
frira, suivant le cas, soit un singeing, soit
un shampooing au ̃whiterose voire au bay-
rum, s'il a lieu de supposer que vous préfé-
rez les lotions américaines. Il n'est pas jus-
qu'au moderne pharmacien, devenu che-
mist ou druggist depuis la guerre, dont les
vitrines ne recèlent tout un assortiment de
chewing-gums yankees et d'embrocations
anglaises.
Toujours en vue de plaire aux visiteurs
que nous envoient l'Angleterre et les Etats-
Unis, les bars se sont multipliés. Cocktails,
flips, egg-nogs, claret-cups, chcrry-cobblers,
d'innombrables autres drinks y sont prépa-
rés de manière à flatter les palais les plus dif-
ficiles. De même au restaurant, la carte fait
alterner l'oxtail avec le potage bisque, le
piccalilli avec les hors-d'œuvre, les kippers
et le haddock avec la sole dieppoise, le pou-
let au carry avec le poulet en cocotte, le rice-
pudding et les ice-creams variés avec nos en-
tremets à la française.
On en vient parfois à se demander, non
sans quelque appréhension, si nous sommes
bien en France, ou dans Oxford Street, et si
toute cette anglomanie alimentaire et com-
nicrciale ne finira pas par porter atteinte à
l'étranger au bon renom de notre goût com-
me au prestige de notre langue.
Ce n'est pas tout. L'introduction, chez
nous, des courses de chevaux et la pratique
des sports en plein air-, nous ont amenés à
emprunter de nos voisins une foule de ter-
mes, contre l'invasion desquels nous ne sa-
vons pas assez nous garder.
Si certains d'entre eux, par exemple en-
traîner, dribbler, challenge, outsider, handi-
cap, raid, match ou rccord, pour ne citer que
des néologismes, paraissent justifiés parce,
qu'ils correspondent à un ordre de faits réel-
lement nouveau, à des acquisitions nouvel-
les, difficiles à traduire autrement, quelle
utilité, par contre, y a-t-il d'adopter des
mots tels que les suivants, pour lesquels
nous possédons déjà des équivalents bien
français et compris de tous? Pourquoi ro-
wing, alors que nous avons canotage? Pour-
quoi dire brohen down, au lieu de fourbu,
claqué? Crack, au lieu de champion? Canter,
au lieu de galop d'essai? Goal, au lieu de
but? Cruising, au lieu de croisière? Hnm-
merlcss, au1 lieu de « sans chien »? Round,
au lieu de" reprise? Stand, aii lieu de tri-
bune ? Evcnt^au lieu d'événement? Racingt
au lieu de course? Doper, au lieu de' dro-
guer ? Brook, au lieu de rivière? •• •
Pareilles' adaptations semblent d'autant
plus critiquables que, parmi ces prétendus
anglicismes, quelques-uns sont eux-mêmes
d'origine française. Connaissez-vous, entre
autres, l'origine du mot'tennis? Elle est en-
core à peu près ignorée et pourtant bien cu-
rieuse.
C'est tout simplement le vieux français
« tenetz », tenez, appel employé par le ser-
veur, au jeu de paume, lorsqu'il allait lan-
cer la balle. Donato Velluti, mort en 1370,
relate dans la Cronîca di Firenze, que le jeu
de « tenes » passe pour avoir été introduit à
Florence, au début du xiv° siècle, par des
chevaliers français; d'autre part, Minshen,
dans son Ductor in Linguas (1617), fait le
rapprochement de « tennis play » et de « te-
nez mot que les Français, seuls joueurs de
paume, ont coutume de prononcer quand ilf=
envoient la balle.
Au surplus, il y a lieu de noter que. la
paume a été le sport favori de nos aïeux dès
le moyen âge, qu'au xvie siècle, il y avait
plus de 1.800 emplacements consacrés à ce
jeu à Paris seulement, et que Rqbert Dal-
liugton écrivait, en r598 « Le tennis est
plus en usage ici (en 'France) que dans toute
la chrétienté réunie. On dirait que les Fran-
çais sont tous nés une raquette à là- main.
Si les contemporains de Gpwer et de
Chanccr nous ont emprunté la paume, dont
ils ont fait ]e tennis, nous avons, cinq siè-
cles plus tard pris à leurs arrière-petits-fils
la boxe. Sans vouloir médire d'un art que
notre compatriote Carpeutier a porté à un si
haut point de perfection, il faut avouer que
la boxe nous a valu un lot d'expressions
knock out, swing, clinch, hook, uppercut,
side stcp, etc. :qui, malgré le bruit fait
autour du match sensationnel de Jersey
City, auront'du mal, j'ose l'espérer, à se
fixer dans notre vocabulaire.
Il y a, au fond de tout cela, un snobisme
verbal qui nous porte, plus ou moins in-
consciemment, à nous servir de préférence
d'un vocable exotique, rare ou seulement
inusité pour définir une chose, fût-elle très
ancienne, -dont nous entendons parler pour
la première fois. Et si ce vocable est à con-
sonance britannique, on dirait que c'est tant
mieux au regard de ces snobs dont je parle.
N'ont-ils pas été jusqu'à inventer des an-
glicismes dont les Anglais n'ont jamais con-
nu l'existence! Footing et dancing' sont to-
talement ignorés outre-Manche, dans le sens
que nous leur. prêtons; un rallye-paper «'̃
appelle un paper-chase; pouloler (galoper),
est calqué sur le .verbe pull up, dont la si-
gn/fication hippique, est au contraire ̃ « n 7
rê.ter » plusieurs de, nos écrivains s'ob&t1-:
nent-à- travestir en c^efet-irnôtrejèullë cro-
quet, lequel a toujours été français de nom
et d'origine.
Mais il faut se borner, le sujet serait
inépuisable. Je ne puis que renvoyer ceux
de nos lecteurs qui s'intéressent à ces que'
tions si actuelles et si passionnantes au Dic-
tionnaire Historique des anglicismes auquel
l'Académie française vient de décerner un
brin de laurier, et je leur demande de
joindre à tous les amis de la Langue fran-
çaise, la plus belle, la plus pure de celles qui
se parlent à travers le monde, pour la défen-
dre contre les excès de VEnglish spoken.
Edouard Bonnaffé.
La double image
NOUVELLE
Il.
Ah vieillir, dit à son tour Jean Li-
niëre, dont le visage, jeune encore, con-
trastait avec des cheveux tout grison-
nants. Ah vieillir On pense sans peine
d'un autre, d'un ami, d'une femme
qu'on a connue et qu'on retrouve
Comme ils sont changés L'âge les a
touchés. On ne le pense guère de soi-
même. On a l'illusion d'avoir été épar-
gné par le temps. La révélation, quand
elle se fait, est douloureuse. Laissez-
moi vous raconter cette histoire,
J'ai aimé Blanche d'un amour pas-
sionné. Elle est mêlée intimement aux
souvenirs de mon cœur.
Je me rappelle le lointain je suis
dans la. force de la jeunesse j'ai cons-
cience de regarder la. vie avec des yeux
animés par le désir et de créer le monde
pour moi. C'est l'enchantement t de la
découverte, avec l'élan de l'espérance
Je jette sur tout le filet de mes rêves'
Des maîtresses s'y laissent prendre
mais mon cœur ne se donne pas à elles'
Qu'en apraient-elles fait ? Et qu'aurais-
je fait de leur cœur ? Je connais sans
doute la griserie des soirées tièdes, au
bord de l'eau, la douceur de vivre, en
respirant la nuit lunaire et ses longs
silences dans le jardin, auprès d'une
femme, la joie sensuelle d'entendre s'ap-
procher le froufrou d'une robe ou le
tintement clair de petits souliers.
Qu'est-ce que tout cela ? Rien de ces
amourettes n'entre profondément dans
Tàme toutes leurs images se sont étein-
tes, comme les -étoiles au bord du ciel
matinal. •
Blanche apparaît, dans ma vie, un
soir de printemps, à la campagne. Je
suis frappé dé son air mélancolique et
charmant. L'intonation de sa voix me
pénètre comme d'un émoi mystérieux.
Son profil est fin, d'une exquise pureté.
bes yeux ont une expression de dou-
ceur voilée d'ombre, et j'admire la blon-
deur cendrée de ses cheveux.
J'eus le pressentiment que le destin
l'offrait à mon cœur. Remarque curieu-
se Je ne fus pas, à sa première appa-
rition, attiré vers elle par l'attrait du
désir, l'instinct, de la. conquête amou-
reuse. Je J'associai seulement à un rêve
de tendresse lointaine, familière, apai-
sante.
En sortant, je parlai de cette femme
à un ami habituel de la maison « Je ne
sais pas grand'chose, me dit-il, je l'ai
vue assez rarement chez mes amis elle
est divorcée, depuis peu; je crois, elle
vit solitaire. 'très distinguée d'esprit
et d'allure coquette, aimable. un beau
brin de femme »
Ces mots tirent naître .en moi, par un
coup -soudain- de jalousie, le goût physi-
que de cette femme. J'eus peur qu'elle
ne me fût enlévée. Je disposais d'elle,
comme d'un trésor conquis.
La conquête, pourtant, ne.fut pas une
conquête aisée. Je revis Blanche. Elle
devina à mon regard, qui ne la quittait
pas, à mille riens, Je trouble de ..mon
cœur et la puissance de sa séduction
.sur moi. Je lui lis d'abord une cour dis-
crète. Sa coquetterie me laissa faire,
mais elle ne trahit rien de ses senti-
ments et tout resta, assez longtemps,
noyé dans le vague, de relations.mon-
daines. Je J'accompagnai un soir. jus-
qu'à sa porte. Autorisé par ce consente-
ment, je me déclarai je pris sa main,
pour la serrer tendrement. Elle essaya
de se dérober, mais avec une mollesse
qui m'encouragea. Elle avait ralenti
la marche, elle m'écoutait sans rien dire
qui pût me forcer à me taire; je pris
confiance je lui jetai à poignée tout
mon cœur, dans ces lambeaux de phra-
ses usées, qui servent à tous les amants.
Elle ne suspecta pas ma sincérité.' Elle>
comprit que je serais très malheureux
si elle se détournait de moi. Elle se borna
à me dire « Laissez-moi rentrer. lais-
sez-moi !̃»
Je la- revis le lendemain. Il n'y a plus
pour -longtemps d'histoire à raconter.
Nous nous aimâmes, Blanche et" moi
dans une symphonie d'amour heureux'
ardente, puissante comme un .chant éter-
nel, douce infiniment. Toutes les res-
sources de mon coeur, je les versais en
elle. ̃
Sa beauté rayonnait. Blanche était,
sans le paraître, de quelques années
plus âgée que' moi, que guettait la tren-
taine. Elle ne l'avait pas avoué, "certes
elle s'en-serait même défendue, mais je
le sus par le hasard d'une indiscrétion.
Son jeune amour ,s'embellissait de sa
fraîche jeunesse épanouie. Je me plai-
sais à regarder ses yeux bleus, aux cils
courbes, la grâce de son teint, laper-
fection de son..visage, et le mouvement
souple de son allure.
Je la voyais presque tous les jours.
Chez elle rarement. Elle venait, comme
la lumière, dans mon logis qu'elle ai-
mait et qu'elle parait, elle-même de
fleurs. Quelquefois,, nous allions à iw
campagne, assez loin de Paris, dans une
maison. isolée, qu'elle tenait de ses pa-
rents et où elle se plaisait à vivre; pro-
tégée par l'ombre des grands bois pro-
ches. Je me rappelle cette maison de ta
,B.?1!«>ailv^is' Ç9P«ne je la,; désignais,
habjllee de lierres e^d^vèrdurés. ̃̃
Du passé de Blanche, je' ne savais-
rien je n'avais pas cherché' à/savoir. Je:
ne voyais qu'elle, je ne connaissais per-
sonne de son entourage. A quoi bon ?
Une fois ou deux, elle mlavait parlé de
son divorce, que la, conduite de son mari
avait rendu nécessaire. « Ce fut un
homme sans scrupule, dit-elle il s'est
expatrié, me laissant toutes les char-
ges. » Je ne voulus pas la faire parler
davantage sur ce sujet. Je ne me sou-
ciais que d'elle, et de notre, intimité.
J'aurais désiré la vie partagée tout
entière avec elle elle ne se prêta pas à
mon désir elle répétait « Tu sais bien
que je t'aime », avec une telle tendresse
que je me rendais toujours; Elle s'absen-
tait fréquemment pour aller en province
auprès d'une tante, chez laquelle. était
un filleul qu'elle aimait et, qu'elle fai-
sait garder, là-bas, au plein air de la
campagne. Ses absences m'étaient dou-
loureuses. La jalousie me vrillait le
cœur. le soupçon, l'inquiétude. Mais
les fêtes du retour apaisaient ma souf-
france et je retrouvais dans ses bras la
paix et la confiance.
Dix ans nous vécûmes ainsi, presque
côte à côte, sincèrement l'un à -L'autre
et sans qu'il y eût jamais entre nous la
mauvaise surprise d'une, discussion ou
d'une querelle.
Blanche restait jeun/} de toute sa per-
sonne. Le temps épargnait son joli vi-
sage amoureux. Sa taille conservait sa
sveltesse et son allure sa, souplesse ai-
sée. Je'la voyais telle qu'au premier jour
avec des yeux. que rien ne désenchan-
tait. L'habitude des heures quotidiennes
que nous passions ensemble me conser-
vait, intacte, son image.
Un jour, après une courte absence,
elle ne vint pas au rendez-vous que nous
avions décidé. Je ne la revis plus. Un
billet seulement, au bout de deux se-
maines, m'arriva « Mon'Jean chéri,- il
faut que nous nous quittions. Garde
mon image en tes yeux et en ton cœur,
comme je garde la tienne. Je t'ai donné
mon amour, il est la joie de mon sou-
venir. »
Toutes les tentatives que je fis pour
revoir Blanche, pour savoir quelque
chose, furent inutiles. Etait-elle souf-
frante ? Je l'avais quittée en bonne
santé. Je me souviens seulement que, de-
puis quelque temps, elle était inquiète,
nerveuse, mélancolique et exubérante'
sans transition elle se regardait, sou-
vent au miroir. Quel mal la minait-
il ? Me l'avait-elle caché ? Je nie per-
dais en conjectures. Dix années de
ma vie, dix années de mon amour
s'enterraient dans la douleur. Oui,
je ne savais que penser. J'étais aba-
sourdi et désespéré. Du dépit se mêlait
à mon chagrin. Je me forgeai .des rai-
sons de souffrir en associant la réso-
lution,brusque de Blanche à ses- fré-
quentes absences, en lesquelles je
voyais, maintenant, trahison et mys-
tère. Je me reprochais ma faiblesse "et
mon inertie. J'aurais dû me préoccu-
per, chercher à savoir!
Au !.c6:billet reçu, ce billet de mort,
où nalpitaient encore des mots d'amour,
que de iois l'ai-je lu, le cœur comprimé,
sans, y croire
Et puis, le temps passa, le temps
coula, car rien ne peut l'empêcher de
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