Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1869-09-18
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 18 septembre 1869 18 septembre 1869
Description : 1869/09/18 (Numéro 260). 1869/09/18 (Numéro 260).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
Description : Collection numérique : BIPFPIG69 Collection numérique : BIPFPIG69
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Description : Collection numérique : France-Brésil Collection numérique : France-Brésil
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
16' Année = 3* Sérié Naméro 260
Un numéro ÏS ëSâtiffiês:
jStmedi 18 Septembre 1869
Rédacteur en chef
H. DE YILLEMESSANT y
rédaction rue /4<;
De hMI à minait, rue Rossinlf ï'
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BéptrtemMU et gares aoeemimw
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ANNONCES
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A L'AMurunuriox
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Nous avons pour règle de réserver ex-
clusivement jau roman, le rez-de-chaussée
Su Figaro. En lisant la nouvelle dont
nous commençons aujourd'hui la publica-
tion, nos lecteurs approuveront, nous en
avons1 l'assurance, l'exception que nous
faisons à cette règle, en faveur du drama-
tique récit de M. Léon Cladel.
Dvailleurs LE "nommé Qou^el ne devant
faire quatre numéros, le grand roman
annoncé, Madame DE Léojaç, n'est reculé
que d'un nombre égal de jours.
GAZETTE DE PARTOUT
Salzbourg, 10 septembre.
La ville de Munich a un palais de cris-
tal, qu'on appelle le Palais-Royal de cris-
tal, car dans les petites capitales la mo-
narchie se fourre partout; il y a du cristal
royal et des vitriers royaux. Vous dire que
cette agréable serre éclipse le palais de
Sydenham serait une de ces flatteries dont
les Bavarois me conserveraient une éter-
nelle reconnaissance, mais qui me rendrait
ridicule depuis la barrière de l'Etoile jus-
qu'à la barrière du Trône.
Dans ce palais se trouve l'Exposition in-
ternationale des beaux-arts, à laquelle les
peintres de tous les pays ont été appelés à
concourir. La France a répondu par plus
de trois cents toiles, à peu près un cin-
quième des tableaux exposés. Parmi les
artistes français, j'ai retrouvé plus de deux
cents toiles qui ont figuré au dernier Salon,
et des meilleures. Le numéro d'ordre du
livret, suivi d'une étoile, indique que l'œu-
vre est à vendre, et presque tous les ta-
bleaux français sont dans ce cas. C'est,
jusqu'à présent, la plus grande surprise
que j'aie eue en voyage, et certainement
elle n'est pas agréable.
Comment? se dit-on il est de par le
monde une capitale de l'intelligence où des
hommes de .talent exposent chaque année
un jiombre considérable d'œuvres d'art, et
dans cette ville étrange, où l'homme riche
a toujours cinq cent mille francs de trop
pour une drôlesse; il n'a jamais dix mille
francs pour une œuvre d'art. Il faut que
les peintres français, las d'attendre le
client rebelle, envoient leurs toiles au delà
de là frontière, comme le négociant ex-
porte un vieuxlot de marchandises démo-
dées c'est vraiment désespérant.
Et cependant, de tous ces tableaux fran-
çais, la majorité est excellente. On y voit
les toiles remarquées et même médaillées
au dernier Salon, et sur cent de ces œuvres
d'art; quatre-vingt-dix-neuf sont à ven-
dre. Tant de pages exquises, pleines de
s.éveet de talent,n'ontpas trouvé, d'acheteur
dans cette immense et folle ville ou la pein-
ture est, comme le chapeau, une affaire
de mode. Pour que l'on s'occupe d'un ar-
tiste, il faut qu'il ait la vogue comme Thé-
résa; on accroche sur les murs de son sa-
lon un Fromentin ou un Gérôme, comme
ondemande à son tailleur un gilet de la
dernière coupe; c'est une affaire de pose
et non de sentiment; lés hommes qui
payent sans hésitation, à l'hôtel des ven-
tes, cent mille francs pour une vieille
croûte repeinte et abîmée, ne donneraient
pas deux cents louis pour une œuvre d'art
dont l'auteur n'aurait pas encore été adop-
té par la fashion parisienne. C'est navrant
comme tout ce qui est bête!
Voulez-vous un exemple flagrant ? Te-
Feuilleton du FIGARO dn 18 Septembre
•"̃̃-̃•. ̃ •- ,:̃̃' '.H'V '1
Le nommé Qouael
Une belle nuit on le surprit, à Meudon,
dans un enclos dont il avait franchi l'écha-
lier-de pierre.
Accroupi, pensif au milieu de l'herbe, il
avait les yeux braqués sur une maison pa-
tricienne, à l'intérieur de laquelle on
voyait, au premier étage, par les fenêtres
entr'buvertes, une lampe allumée posée
sur une crédence, et l'ombre grêle d'une
femme allant et venant dans lès diverses
pièces d'un vaste et riche appartement. c
Ohé! l'homme, que fais-tu là?
-Pour unique réponse, il montra dents et
griffés aux interpellants, les gardes voyers,
et s'élança sur e*ux, agile'et vif comme un
jaguar-: -̃'̃ "̃'
Espèces de punaises, s'écriait-il en les
meurtrissant â la Seine la Seine!
On parvint toutefois "'après une san-
glante rixe, à se rendre jnaître dé lui.
Terrassé, lié de branches d'arbres, on
l'emporta. Le lendemain soir, il couchait
à $£azas.On instruisit aussitôt son affaire,
et l'affaire vint vite au rôle. Au tribunal,
il fut non moins impassible et non moins
silencieux qu'il l'avait été devant le juge
d'instruction..
--Ni i, ni, c'est fini, dit-il en se secouant
dans ses haillons, quand on lui dit de se
lever et d'écouter debout le prononcé du
jugement.
Très dédaigneux et très audacieux, il
regarda les juges en face et leur rit au nez
en s'entendant condamner par eux et pour
vagabondage à quatre mois et demi dé
prison. r
̃ Ne suis ni tourbier (vagabond), ni fil-
de-soie (voleur), s'écria-t-il en sortant de
l'audience; et la prison! Bonsoir la
compagnie!
Reproduction interdite.
nezî prenons au hasard, dans le tas des
hommes de talent,un des maîtres peintres de
ce temps, M. Jules Dupré, le plus puissant
et le plus complet des paysagistes moder-
nes voilà trente ans qu'il fait la gloire de
l'école française! Depuis trente ans son
talent est reconnu, admiré, applaudi par
les artistes et il n'y a guère que sept ou
huit ans que,cet étourdissant: paysagiste
vend ses œuvres. Pour le mettre à la mode
il a fallu que les Anglais donnassent le si-
gnal; quand on a vu les chefs-d'œuvre de
Dupré émigrer en Angleterre,nos amateurs
éclairés se sont demandé enfin s'il ne fal-
lait pas avoir un Dupré dans sa galerie, et
cet artiste hors, ligne, qui jusqu'alors
avait misérablement vendu .ses oeuvres
aux marchands en boutique, a pu enfin,
après vingt années de luttes et d'attente,
atteindre les prix qu'on lui avait jusqu'a-
lors refusés avec une obstination voisine
du crétinisme.
L'accueil bienveillant que les membres
du comité-bavarois font aux représentants
de la presse française me fait regretter
que dans un journal essentiellement pari-
sien, comme le Figaro, je ne puisse pas
parler longuement de la belle exposition
de Munich, si riche en œuvres d'art de
toutes les écoles; et qui fait le plus grand
honneur au petit Etat qui en a pris l'ini-
tiative. Certes, à côté des tableaux fran-
çais, les œuvres des grands peintres alle-
mands pouvaient prétendre à une part de
notre publicité, mais il ne faudrait pas
moins de dix o.u quinze articles pour ren-
dre justice à tous les hommes de talent
qui sont représentés à l'exposition de Mu-
nich c'est une tâche de beaucoup au-des-
sus des forces d'un voyageur qui n'a que
vingt-quatre heures pour voir seize cents
tableaux, et qui a, vers trois heures vingt-
cinq de l'après-midi, reçu ce que nous ap-
pelons à Paris le coup du lapin, en se re-
trouvant à mille kilomètres du boulevard-, i
devant la Divina Tragedia de M. Cheva-
nard, qui, à Munich comme à Paris, lui
semble le dernier mot de la cocasserie ar-
tistique.
La peinture française a eu sa large part
dans les distinctions honorifiques. M.
Courbet a été médaillé pour ses casseurs
de pierres qui font partie de tout un lot de
rossignols qu'il a offert à la Bavière; Gus-
tave Doré a, me dit-on, été décoré pourson
Néophite de l'avant-dernier Salon, qui fi-
gure à côté de sept ou huit autres pages du
même artiste. Dans ce pays de l'art froid
de Kaulbach, M. Cabanel devait avoir un
succès formidable avec son Paradis perdu;
mais la toile la plus remarquée et la plus
applaudie est le portrait de M. Duruy, par
mademoiselle Jacquemart, qui a retrouvé
à Munich le succès du Salon de Paris.
Parmi les peintres ^français qui ont envoyé
leur exposition de 1869 à Munich, citons
au hasard MM. Leconte-Dunouy, Henri
Leyy, Ranvier, Haudrin, Fichel, Harpi-
gnies, Luminais, Belly, Bernier, Give-,
Ribot, Millet, César de Cock, James
Bertrand, Pille, Giraud père, Auguin,
Lambinet, Durand-Brager, Tournemine
et Zamaçois; quelques amateurs alle-
mands ont envoyé le dessus de leur
galerie; M. Ravené, de Berlin, a prêté le
fameux fauconnier de M..Thomas Cou-
ture, qui denieure l'œuvre capitale de ce
petit homme qui, un instant, avait promis
de devenir un grand peintre.
Et cependant il nous faut quitter l'expo-
Iln'acheva point et fit un geste équi-
voque.
Extrait du dépôt de la préfecture de po-
lice, il monta, vingt-quatre heures après
sa condamnation, dans l'une des voitures'
cellulaires affectées au transport des con-
damnés, et fut trànsféré, lui treizième, à 4
Sainte-Pélagie. Aussitôt qu'il y eut mis
pied à cerre, il fut conduit avec ses com-
'pagnons de route au grené de la maison
correctionnelle et, comme eux, immédiat-
tement interrogé par le greffier qui rédige
les inscriptions d'écrou.
Votee nom?.,
Il répondit:
Qouœl.
Votreâge? 9
Il secoua plusieurs fois la tête en- signe
d'ignorance.
Votre profession ?
Hein? 1 ̃'̃̃̃'̃̃ -̃̃'
On vous demande quelle est votre
profession g
Ah j'y suis Sans le sou.;
-Votre lieu >de naissance?/
Par ci, par là. •>»
-r– Votre domicile ? • (i
Partout.
Les nom et prénom de votre père! t
Adam, tout court.
De votre mère?"
Eve, tout du long.
Acombien de mois de prison êtes-.
vous condamné ? 1
Farceur t-w. Il veut tout savoir. A
quatre mois et demi.
Soyez poli, drôle.
Ûui4 sire.
Pourquoi avez-yj^us été condamné 1
pourquoi
V'là vagabondage, ils ont dit les ju-
ges, ces pantresL.
Assez.
5 II resta béant.
On le poussa sous la toise.
-Est-ce qu'il faut quitter ses bottes, fit-
il en regardant ses pieds sans chaussu-
res 1
Animal, tais-toi donc 1
On le toisa brutalement. Il avait juste la
taille de soldat un mètre cinquante-six
centimètres.
Achetez des gants, s. v. p., murmura-
t-il encore sous le niveau.
Tire-toi de là va-t'eo.
ohr ̃̃ ̃ ̃̃• ̃ v ̃̃
sition internationale de Munich; la pein-
ture ne doit pas nous faire oublier la mu-
sique, et, du cabaret voisin, les joyeux
rhythmes de la valse allemande nous ap-
pellent.
Certes,,j'aime la peinture, mais il y a
des moments dans la vie où un bock de
Munich vous procure une aussi grande
jouissance que la .Kermesse de Rubens. Il
faut vous dire que cette exposition de
peinture qui, ailleurs, ferait fuir le bour-
geois, est devenue un événement pour l'Al-
lemagne du Sud; l'Allemand, moins ner-
veux que le Français, peut sans trop d'a-
.gacement contempler ses seize ou dix-sept
cents toiles avant le déjeuner; tandis qu'à
Paris l'ouverture du Salon annuel coïncide
avec le départ précipité pour la campagne
d'un bon tiers de la ville, les chemins de
fer bavarois ont pu organiser des trains
de plaisir pour les familles éprises delà'
peinture à l'huile aussi la ville est bon-
dée comme un théâtre parisien au gratis
du 15 août dans les hôtels on campe la
nuit dans les salles à manger, et les bras-
series sont bdurrées jusqu'à la gueule.
Celle-ci, d'où nous viennent les échos
d'une valse, de Strauss, est étourdissante.
dans cette vaste salle, au fond de laquelle
s'élève l'estrade de l'orchestre, on cher-
cherait en vain une place. On a ouvert
tbutes les fenêtres afln que les consomma-
teurs du jardin aient leur part de musi-
que ;.à l'intérieur c'est de la démence Au:
tour des tables, les bourgeois de Munich dî-
nent avec leur famille,tandis que l'orchestre
exécute une mélodie sans paroles de Men-
delssohn la côtelette de veau fraternise
avec l'ouverture de la Muette, et le jambon
fumé alterne avec le répertoire.de Strauss.
Le billard, au milieu de la salle, a été
converti en une grande table autour de
laquelle s'est installée toute une noce.; la
jeune mariée, vêtue de blanc, et;le jeune
époux, avec un bouquet à la boutonnière
le père NonancoUrt, de Munich, qui pré-
side le repas de noces sur un billard,
rayonne de joie et de bonheur; les demoi-
selles d'honneur mangent, avec l'appétit
de leur âge, des saucissons qui na-
gent dans la purée de pomme, comme
des grenouilles dans une mare Panem
et cireenses 1 Nourriture du corps et de
l'esprit! Musique et pommes frites
panachées! 1 Mendelssohn rivalise avec
une cuisinière 1 Beethoven se promène
bras-dessus bras-dessous avec les bras-
seurs C'est un tableau mouvementé, plein
de gaieté et d'imprévu, et bien autrement
agréable à l'œil que la Divina Tragedia
dont M. Chenavard a affligé la Bavière.
Quatre heures après j'étais à Salzbourg,
la première ville autrichienne que je ren-
contre sur ma route; c'est dans ce mer-
veilleux paysage que Napoléon III se ren-
contra avec l'empereur d'Autriche après
la mort de Maximilien. Non! jamais je
n'ai vu de ville plus poétique que cette
ville natale de Mozart quand on a quitté
la froide cité de Munich, où règnent les
froides combinaisons musicales de Wa-
gner, on se retrempe dans cette nature
tantôt pleine de grâce et de douce rêverie,
tantôt, quand on tourne le regard vers les
montagnes du Tyrol, d'une écrasante
grandeur; c'est bien là que devait naître
l'immortel compositeur que le tapage de
Wagner grandit encore, si cela est possi-
ble, dans notre admiration. Tout enfant,
il a dû s'enivrer de la grâce et de la poésie
de ce paysage où se reflète son admirable
Là, dans ce coin.
On lui montrait une banquette de chêne
scellée à l'angle d'un mur.
Un vrai trône, dit-il en s'asseyant.
Assis, il se tint coi.
Puis il songea.
Sa figure s'était un peu contractée, il
respirait avec effort, et mille gouttes de
sueur perlaient à son front. Où se trou-
vait-il ? Il paraissait l'avoir absolument
oublié. Tout le temps que dura l'interro-
gatoire de ses treize compagnons, il ne fit
pas un seul geste d'impatience ou d'ennui,
mais il se rongeait parfois les ongles: et
jusqu'au sang. v
« En route 1 ordonna tout à coup la voix
despotique d'un gardien eh le gosse,
lève-toi !>
Qouaîl se remit sur pied et marcha sans
souffler mot.
On conduisit alors, les condamnés au
vestiaire, et là, Qousel, ainsi que les autres,
ayant été obligé de revêtir le costume pé-
nal qui se compose d'une veste et d'un pan-
talon de drap gris en hiver, de toile blan-
che en été (l'on touehait aux derniers
jours du mois d'août), on consigna sur un
registre ad hoc, la ^nature 383 vêtements
dépouillés et l'on fit ensuite une liste des
divers objets appartenant à chacun des
nouveaux venus.
Une pièce blanche de quatre sous, un
couteau de Châtellerault à manche de
corne, un nœud de rubans verts, un élé-
gant petit livre de messe à fermoirs de
vermeil et doré sur tranche, tels furent
les singuliers objets, étonnés d'être ensem-
ble, que l'on trouva dans les poches de
Qousel. Lors de son arrestation, il avait su
les soustraire sans doute aux recherches
des agents. Sans difficultés aucunes, on
lui abandonna la pièce de vingt centimes^
mais on lui prit tout le reste. Affligé, fort
affligé de cette dépossession, il supplia
très instamment, ayant de grosses larmes
aux yeux et les mains jointes, l'un des in-
quisiteurs de lui laisser au moins le « pe-
tit bout de soie..»
On ne daigna même pas répondre à si
supplique.
Habillé de fil de pied en cap, visité 'des
cheveux aux orteils, ayant enfin été sou-
mis à toutes les disciplines qui pré-
cèdent l'incarcération, il entra, avec on
ne sait quelle gracieuse crânerie toute
naturelle, dans la cour de la Bette où les
génie quand on regarde cette vallée et
ces prairies où le ruisseau murmure l'é-
ternelle et grandiose symphonie de la na-
ture, on croit entendre au loin les eni-
vrantes mélodies d'un adagio du maître,
qui, quoi que l'on dise et quoi que l'on
fasse, dominera éternellement messieurs
les musiciens de l'avenir de toute la ma-
jesté de son immortel génie.
Albert Wolff..
Echos de, Paris
L'Empereur, parait-il, est de plus en
plus incommodé par le bruit infernal que
font les enragés saltimbanques de la fête
de Saint-Cloud. Le soir, surtout lorsque
le temps est beau, le tintamarre devient
tout à fait intolérable.
Mais comme le, chef de l'Etat veut que
tout le monde vive, et que d'un autre côté
il a besoin de repos, il a pris le parti d'al-
ler coucher au pavillon de Villeneuve-
l'Etang.
^Ce .domaine est, on le sait, si voisin de
Ipunt-Cloud Tju'on peut le considérer
comme une annexe de la résidence impé-
riale.
Simple question.
L'Empereur ne va pas à Biarritz, c'est
convenu. Tous les journaux le disent.
Cependant il est bien certain que lundi
dernier on a essayé, selon l'usage en.pa-i
reille circonstance, le train impérial sur
la ligne d'Orléans, de Paris à Brétigny.
Cela semble indiquer qu'on aura très in-
cessamment à en faire usage.
Ce ne peut être pour l'Impératrice, dont;
on annonce le prochain départ pour Tou-i
Ion où elle] doit, à ce qu'on assure, s'em-
barquer pour Venise.
Ce ne peut être non plus pour le Prince
Impérial, puisqu'on dément le Jjruit d'a-
près lequel il devrait inaugurei^l'embran-
chement de Vendôme, qui dépend de la
ligne d'Orléans.
Mais c'est aussi cette ligne qu'on prend
pour se rendre au château de Pau. Ne se-
rait ce pas dans cette résidence que l'Em-
pereur devrait bientôt passer les derniers
temps de sa convalescence? 1
pilier soir, grand dîner diplomatique au
ministère des affaires étrangères en
l'honneur de lord et de lady Clàrendon.
Quelques noms parmi les invités
Lord Lyons, ambassadeur d'Angleterre
et son premier secrétaire, l'honorable sir
Sackwille-West, le comte Benedetti, le
marquis de Banneville, le général Fleury,
le baron de Billinz, directeur de la comp-
tabilité aux affaires étrangères, MM. Des-
prez, directeur, et Tissot, sous-directeur à
la politique, enfin M. Armand, le nouveau
chef du cabinet du prince de la Tour-
d'Auvergne.
Lord Clarendon, qui avait demandé une
audience à S. M. l'Empereur, a été recu
hier à Saint-Gloud.
Il est question, nous dit-on, et très sé-
rieusement, de réorganiser complètement
le service de la police municipale.
Voici les renseignements que nous rece-
vons à ce sujet
II y aurait des gardes de jour et des
gardes de nuit. Les gardes de jour ne se-
raient pas armés, et n'auraient, comme en
Angleterre, que l'autorité ressortant du
détenus de son âge et de sa condition
l'accueillirent par trois hurrahs succes-
sifs, ainsi qu'ils ont accoutumé de faire à
l'apparition de chaque nouveau.
Qousel n'eut pas l'air d'entendre et, peut-
être, en effet, n'entendit-il pas cet ignoble
salut.
De plus en plus préoccupé, la tête
basse, les mains derrière le dos, il alla
s'asseoir sur l'un des quatre longs bancs de
bois dont sont garnis, en toute leur éten-
due, les quatre murs en regard du préau.
Puis, d'un œil distrait, en apparence, il
considéra les quelques arbres rabougris
et chauves qui parsèment cette cour fétide
et mal pavée, et, de la cime des' maigres
tilleuls, il passa, par une transition toute
naturelle, à Fëkamen de l'étroite et lon-
gue terrasse qui couronne les murailles
rectangulaires, et domine les divers
préaux, ainsi que le mur de ronde de la
prison. Hautes de soixante pieds au moins,
ces murailles, quoique perforées sur la
cour d'une foule de fenêtres à barreaux
de fer, semblaient absolument inaccessi-
bles. En admettant que, par un prodige
d'audace «t d'agilité/ l'on pût, avec des en-
̃ gins d'escalade, y gravir, comment, après
avoir pris, pied à leur crête, en redescen-
dre dit 'côté du chemin de ronde, aveugles
et recouvertes4'tin ciment poli comme le
j marbre qu'elles sont de haut en bas et
dans tout leur circuit?
«Y pas mèche! Anpeu, qu'avait du
nerf, y a péri l'an passé. »
Deux ou trois grognements sourds et
l'on' ne sait quelle fauve lueur dans les
yeux, ce fut à cette= réflexion intempestive
d'un détenu toute la réponse du nouveau
ceux qui l'entouraient reculèrent.
Trapu, bien pris, un peu large d'épau-
les et très délicat des extrémités, avec
cela fort pâle, un œil, des dents et le poil
d'un loup, Qouaeï avait une physionomie
intelligente et sauvage "à la fois, on ne
peut plus frappa.nte. On lui eût donné
plus de vingt ans, il n'en avait pas encore
dix-sept. Tout en lui respirait le courage
et la volonté. Ses lèpres vermeilles étaient
riches de sang et ses prunelles inquiètes,
ardaient, roulant du feu. Les novices du
préau lui trouy/aient un air malin, et les
vieux routiers te l'endroit disaient en dé-
taillant sa bonr te mine \'< Il est rup comme
un bâtard.* » >
On l'aborda;
.respect dû: à la loi ils seraient par le fait
les inspecteurs de laCité, des indicateurs
officieux donnés aux étrangers, les anges
gardiens des boulevards et des rues.Lëur
costume serait nécessairement changé.
«Les gardes de nuit, sous le titre de veil-
leur de nuit, remplaceraient l'ancien
guet et seraient composés de cavaliers et
de piétons. »
M. Garnier-Pagès termine en ce mo-
ment une histoire des événements de
Juin 1848.
Vendredi dernier, il s'est rendu sur les
lieux où se passa le drame qui termina
ces tristes journées, la mort de Mgr Affre.
Le député de la Seine était accompa-
gné de son gendre et de M. Théodore
Albert, qui. fut témoin et acteur dans ces
événements.
C'est.lui qui se présenta lorsquel'arche-
vêque, à la place de l'Arsenal, demanda
un guide de bonne volonté. Il était en habit
de garde national, on lui passa une blouse
par-dessus son uniforme, il cassa une
branche d'arbre et accompagna le: prélat
sur. la barricade du faubourg Saint-An-
toine, et après la catastrophe, jusqu'à la
cure d'une église de la rue de Charenton.
̃•̃̃̃̃#
'# ''II:
C'est lui'que l'on représente en costume
d'ouvrier, à côté de monseigneur Affre, et
tenant une branche à la main; en réalité
il était éditeur et garde national, et la
blouse n'était là, qu'un sauf-conduit.
Un dernier détail à ce sujet: lorsque
l'archevêque fut installé chez le curé de la
rue de Charenton, c'est encore Théodore
Albert que l'on chargea d'aller- chercher
un médecin la blouse n'était pas un gage
de sécurité pour traverser les rangs de la
troupe, pas plus que la tunique de garde
national pour traverser les rangs des ré-
volutionnaires. ,11 fallait aviser, on lui fit
endosser une soutane,et dans cet équipage
il se mit en route. quipage
Pris d'abord par' les combattants des
barricades, il s'en tira à merveille en énon-
çant sa mission; mais auprès des soldats
il eut toutes les peines du mondé à les
convaincre. Cette soutane récouvrant une
blouse, et cette blouse recouvrant une tu-
nique ne leur disaient rien qui vaille.
Ce n'est qu'après de longs poùrparlers
et avoir été conduit de chef en chef et
s'être fait reconnaître par sa légion qu'il
échappa à la fusillade.
Pendant ce temps, l'archevêque atten-
dait un médecin..
Mon ami Aurélien Scholl n'aura pas
l'étrenne du titre de son nouveau jour-
nal. l'i
Il y a déjà eu, dans la presse fantai-
siste, deux Lorgnons, sans compter les Lor-_
gnettes.
*•#•̃ ̃
Le premier Lorgnon est de' 1833. Son
sous-titre était journal des théâtres, de
la littérature, des arts, des mœurs et des
modes. Ses articles étaient généralement
fort incolores il prenait la précaution,
pour leur donner du montant, do les im-
primer sur papier de couleur.
Son format était l'in-4°.
Il disparut après une existence obscure
de quelques semaines.
̃-•̃̃ ̃••#;
Le second Lorgnon voulait avoir des al-
lures plus vives il s'intitulait Lorgnon du
diable, biblothèque populaire-et républi-
caine, par le citoyen Ch. Lefebvre, avec
cette épigraphe
Je vois tout, f entends tout, j'écris tout.
Mais, au fond, ce Lorgnon là n'était pas
bien méchant non plus.
"Il vécut ce que vivent les rosés, le mois
de mai 1848.
D'où viens-tu? 1
Que fais-tu?
Comment t'appelles-tu? g
Vas-tu rester ici beaucoup de temps ? y
Y viens-tu pour la première fois ?
Il fut très bref en ses réponses et parvint
à satisfaire lés curieux, sans cependant
leur dire,grand'chose.'On avait voulu lui
tirer les vers du nez, ce fut lui qui- fit par-
ler les autres. « Il fallait se défier d'un
tel surveillant. Tel détenu n'était qu'une
mouche et tel autre qu'un mouton. Avec
un peu de poignon, on pouvait encore
boulotter à Saintp-Plégie. Il n'était pas im-
possible défaire venir du dehors le fruit
défendu. >
C'était bon, très bon à savoir, tout
cela
Qousel avait éCoutéde toutes ses oreilles.
Il savait déjà beaucoup de choses utiles à
connaître lorsque la cloche du préau sonf
na sept heures et quart un grand tumulte
se produisit parmi les détenus. L'heure de
se coucher était venue. Il était presque
nuit. On alla lentement à tâtons dans une
sorte d'étroit boyau servant de corridor et
de loin en loin éclairé tant bien' que mal
par de hautes et -salés lanternes, appen-
dues aux murailles nues et froides qui
pleuraient on ne sait quelles larmes. Au
bas d'un escalier gluant^à rampes- de fer,
on se mit deux à deux, et l'on lèn^monta
sous l'œil d'un gardien i les marches de
chêne qui cédaient et geignaient sous-le
poids.
Huitième, il entra., lui Qmtaal,; dans
dans-une geôle du troisièmes itage assez
basse et dont les murs jaune ^d'ocre^t
noirs (pourquoi ces couleurs autrichien-
nes ?) avaient été récemment enduits d'une
épaisse couche de' colle.: On .étouffait là.
L'air vicié, n'y parvenait que par une seule
fenêtre étroitement grillée. Un affreux
suint tombait des murs .et du plafond Sur
le,carreau. Pour tout ameublement, huit
lits se touchant presque, alignés côte à
côte. Au milieu de la pièce, un seau.
De même que les autres, en même temps
que les autres, Qousel se coucha.
Bien qu'il ne fût ni superstitieux ni.lâ-
che, il avait eu peur en entendant grincer
les énormes verrous dont, sont garnies les
portes de, toutes les: geôles, et tremblé
quand on tira ceux de la = sienne sur lui.
Pourquoi cette crainte Il avait simple-
ment pensé ceci « Que le feu prenne dans
Quant aux Lorgnettes, la première én
date, celle dé J790r est la, Lorgnette de l'en-
chanteur Merlin, « trouvée sous les ruine»
de la Bastille. » ̃>
Ce fut une de ces feuilles éphémères qui
naissent et meurent.ài oison au lendemain
d'une révolution.
Elle n'eut que six numéros.
Quant à la seconde, celle de 1823, elle
n'était qu'une transformation du Petit Don
Quichotte, « journal des. théâtres, de la lit-
têrature, des arts,, des.mœurs, des modes
et de la librairie.» J
Elle vécut deux ans, sur cette devise
Rions de tout. De si
c'est possible.
Il faut convenir qu'en dépit de cette pro-
inesse,, la Lorgnette n'était ni d'unie. folle
gaieté ni d'une impartialité particulière.
"J .'̃v:*V.
On lé voit, c'est un yérita,ble nécrologfC
Aussi Scholl n'a-t-il garde de se récla-
mer de ces. ancêtres obscurs, le mauvais
flls, et ne parle-t-il, en présentant son
journal, que de la marraine, madame de
Girardin.
En fait, si ce n'est pas lui qui a inventé
le Lorgnon, il sera le ..premier à savoir le
tenir élégamment incrusté sous l'arcade
sourcilière.
Sinous sommes bien informés, H serait
sérieusement question d'envoyer aui
Etats-Unis un de nos plus brillants capi-
taines de vaiseau, en qualité d'attaché
militaire à l'ambassade de Washington
histoire d'étudier de près les progrès ef-
frayants de la marine américaine. ̃̃
Chose étonnante veut-on mesurer, ou
mieux, peser la différence qui existe entre
le fait et le droit ? Ecoutez il y a à Poissy
non plus unmarché aux bestiaux, M.
Haussmann l'a porté à la Villette mais
une maison centrale de détention. Dans
cette maison, 980 prisonniers. Défense ebt
faite de fumer, défense absolue qui est
l'objet,. de mille précautions ingénieuses
et d'une surveillance irè*. active de la
part des chefs et des employés de cette
sombre administration. Jtsu bien la con-
sommation quotidienne de la maison
centrale est de dix kilogrammes de tabac à
fumer! Où fument-ils? quand fument-ils ? t
on en est encore à le savoir. .'̃'>
Mais comment peut- on affirmer ce ren-
seignement et ce chiffre? Par le bureau de
tabac de Poissy, et eu égard à la moyenne
connue des fumeurs pour un chiffre -donné
dé population fixe. • <̃̃
Il est certain, puisque M. Haussmanna
eu 4 obligeance de nous le faire savoir,
qu'aucune communication officielle n'a
été faite au conseil municipal, au sujet
des grands projets de reorganisation de la
ville.
Mais il est, certain aussi que le gouver-
nement étudie en ce moment et fait étu^
dier les modes nouveaux qu,'til se propose
d'appliquer à l'administration de Paris.
Trois systèmes sont en présence
Lé premier doit détacher du départe-
ment de la Seine les communes suburbai-
nes, formant au nord l'arrondissement de
Saint-Denis, et au midi celui de Sceaux.
Ces d'aux arrondissements iraient enri-
chir Seine-et-Oise, et la ville J'dç '.Paris for-
merait .seule un département dont là li-
mite est toute tracé par l'enceinte des for-
tifications.
'̃̃̃̃ :̃'̃'̃' **» "̃̃;̃ v.
Le second système n'est qu'une modifi-
cation du premier. Paris serait doté de
faubourgs d'une étendue considérable afin
d'assurer l'entretien de ses Vastes abords*.
C'est-à-dire que les deux arrondissements
l'une des mille pièces de la prison; avant
que les soldats qui font sentinelle, la nuit
sur la terrasse, .aient appelé les gardiens
et que les gardiens soient venus à l'appel-
il est sûr que l'incendie, alimenté par lès
matières inflammables dont sont enduite
tous les murs, aura dévoré tout un étage
du bâtiment, et que bien des prisonniers
auront péri sous les verrous et derrière
les barreaux Une telle.réflexion avait,
à/la vérité, quelque raison d'être et serait
sans doute .venue; à plus d'un; II avait,
d'ailleurs, lui, Qougel, une foule id'exeel-
lents motifs .pour teair à la vio; aussiy--
très alarmé, ne dormit-il cette nuitAàjçm
d'un œil et,§ur une: seiileqreille.
Al'aube, il rit de., ses. peurs^i se leva.
Le premier coup: de cloche le', trouva de-
bout et vêtu. Nouveau venu ïa corvée • l;ui
incombait. Aussitôt il se jait_à-u'ignobîê be-
sogne sans faire le récâîçitrant, Trois ou^
quatre coups d'œil à l'adresse do Quelques
railleurs suffirent à le faire respecter en
tout et de tous.
Or donc, il opéra sans gêne.
-Après la -corvée, il descendit" avec ses
compagnons dë^geôle dans la cour, et,
toute la- journée; il étudia très attentive-
ment -les -êtres dé la maison. Entre neuf f
et dix heures du matin, et le soir à quatre
heures et*; demie; il répondit', ainsi que
tout le monde, à l'appel nominal, et reçut,
après cette -formalité quotidienne, dans sa
gamelle, la soupe (mouise) et les légumes
(vestiges) qui constituent, sauf le-dimanche
et le jeudi, jours de liesse où l'on a droit
aux vivres grés (soupe de viande et bouilli
de lœuf)r la pitance ordinaire et malsaine
du détenu.
Les hommes, à ce régime-là, meurent
comme des ^mouches, en temps d'épMémie.
Heureusement, le choléra -ne fauche pas
tout le long de l'an et le- scorbut ne tra-
vaille que l'hiver.
« Rester un mois ici, j'aimerais mieux
m'y laisser tout de suite mourir de faim,
murjnurait Qouael en envoyant à droite, à
gauche, en bas, en haut, de tous -côtés, ses
yeux de lynx. >
:> ."̃̃̃•. LÉQN.CLadel.
(La mite à demain.)
Un numéro ÏS ëSâtiffiês:
jStmedi 18 Septembre 1869
Rédacteur en chef
H. DE YILLEMESSANT y
rédaction rue /4<;
De hMI à minait, rue Rossinlf ï'
tM d11lMdfh .<~ d111dtN
BéptrtemMU et gares aoeemimw
BOBKADX
•j «m mouiKi, I
'Aimhdstratewr
A0OUSTE DOHONT
;̃̃̃•' ABONNKHBNIS
«rto « mois. tstr. KO «.
Wpwtementa s moi* ite fr. »
ANNONCES
• iCLAMBS HT FAITS DITIB»
A L'AMurunuriox
• »» %VM K01SIHI, • •̃̃̃ i
Nous avons pour règle de réserver ex-
clusivement jau roman, le rez-de-chaussée
Su Figaro. En lisant la nouvelle dont
nous commençons aujourd'hui la publica-
tion, nos lecteurs approuveront, nous en
avons1 l'assurance, l'exception que nous
faisons à cette règle, en faveur du drama-
tique récit de M. Léon Cladel.
Dvailleurs LE "nommé Qou^el ne devant
faire quatre numéros, le grand roman
annoncé, Madame DE Léojaç, n'est reculé
que d'un nombre égal de jours.
GAZETTE DE PARTOUT
Salzbourg, 10 septembre.
La ville de Munich a un palais de cris-
tal, qu'on appelle le Palais-Royal de cris-
tal, car dans les petites capitales la mo-
narchie se fourre partout; il y a du cristal
royal et des vitriers royaux. Vous dire que
cette agréable serre éclipse le palais de
Sydenham serait une de ces flatteries dont
les Bavarois me conserveraient une éter-
nelle reconnaissance, mais qui me rendrait
ridicule depuis la barrière de l'Etoile jus-
qu'à la barrière du Trône.
Dans ce palais se trouve l'Exposition in-
ternationale des beaux-arts, à laquelle les
peintres de tous les pays ont été appelés à
concourir. La France a répondu par plus
de trois cents toiles, à peu près un cin-
quième des tableaux exposés. Parmi les
artistes français, j'ai retrouvé plus de deux
cents toiles qui ont figuré au dernier Salon,
et des meilleures. Le numéro d'ordre du
livret, suivi d'une étoile, indique que l'œu-
vre est à vendre, et presque tous les ta-
bleaux français sont dans ce cas. C'est,
jusqu'à présent, la plus grande surprise
que j'aie eue en voyage, et certainement
elle n'est pas agréable.
Comment? se dit-on il est de par le
monde une capitale de l'intelligence où des
hommes de .talent exposent chaque année
un jiombre considérable d'œuvres d'art, et
dans cette ville étrange, où l'homme riche
a toujours cinq cent mille francs de trop
pour une drôlesse; il n'a jamais dix mille
francs pour une œuvre d'art. Il faut que
les peintres français, las d'attendre le
client rebelle, envoient leurs toiles au delà
de là frontière, comme le négociant ex-
porte un vieuxlot de marchandises démo-
dées c'est vraiment désespérant.
Et cependant, de tous ces tableaux fran-
çais, la majorité est excellente. On y voit
les toiles remarquées et même médaillées
au dernier Salon, et sur cent de ces œuvres
d'art; quatre-vingt-dix-neuf sont à ven-
dre. Tant de pages exquises, pleines de
s.éveet de talent,n'ontpas trouvé, d'acheteur
dans cette immense et folle ville ou la pein-
ture est, comme le chapeau, une affaire
de mode. Pour que l'on s'occupe d'un ar-
tiste, il faut qu'il ait la vogue comme Thé-
résa; on accroche sur les murs de son sa-
lon un Fromentin ou un Gérôme, comme
ondemande à son tailleur un gilet de la
dernière coupe; c'est une affaire de pose
et non de sentiment; lés hommes qui
payent sans hésitation, à l'hôtel des ven-
tes, cent mille francs pour une vieille
croûte repeinte et abîmée, ne donneraient
pas deux cents louis pour une œuvre d'art
dont l'auteur n'aurait pas encore été adop-
té par la fashion parisienne. C'est navrant
comme tout ce qui est bête!
Voulez-vous un exemple flagrant ? Te-
Feuilleton du FIGARO dn 18 Septembre
•"̃̃-̃•. ̃ •- ,:̃̃' '.H'V '1
Le nommé Qouael
Une belle nuit on le surprit, à Meudon,
dans un enclos dont il avait franchi l'écha-
lier-de pierre.
Accroupi, pensif au milieu de l'herbe, il
avait les yeux braqués sur une maison pa-
tricienne, à l'intérieur de laquelle on
voyait, au premier étage, par les fenêtres
entr'buvertes, une lampe allumée posée
sur une crédence, et l'ombre grêle d'une
femme allant et venant dans lès diverses
pièces d'un vaste et riche appartement. c
Ohé! l'homme, que fais-tu là?
-Pour unique réponse, il montra dents et
griffés aux interpellants, les gardes voyers,
et s'élança sur e*ux, agile'et vif comme un
jaguar-: -̃'̃ "̃'
Espèces de punaises, s'écriait-il en les
meurtrissant â la Seine la Seine!
On parvint toutefois "'après une san-
glante rixe, à se rendre jnaître dé lui.
Terrassé, lié de branches d'arbres, on
l'emporta. Le lendemain soir, il couchait
à $£azas.On instruisit aussitôt son affaire,
et l'affaire vint vite au rôle. Au tribunal,
il fut non moins impassible et non moins
silencieux qu'il l'avait été devant le juge
d'instruction..
--Ni i, ni, c'est fini, dit-il en se secouant
dans ses haillons, quand on lui dit de se
lever et d'écouter debout le prononcé du
jugement.
Très dédaigneux et très audacieux, il
regarda les juges en face et leur rit au nez
en s'entendant condamner par eux et pour
vagabondage à quatre mois et demi dé
prison. r
̃ Ne suis ni tourbier (vagabond), ni fil-
de-soie (voleur), s'écria-t-il en sortant de
l'audience; et la prison! Bonsoir la
compagnie!
Reproduction interdite.
nezî prenons au hasard, dans le tas des
hommes de talent,un des maîtres peintres de
ce temps, M. Jules Dupré, le plus puissant
et le plus complet des paysagistes moder-
nes voilà trente ans qu'il fait la gloire de
l'école française! Depuis trente ans son
talent est reconnu, admiré, applaudi par
les artistes et il n'y a guère que sept ou
huit ans que,cet étourdissant: paysagiste
vend ses œuvres. Pour le mettre à la mode
il a fallu que les Anglais donnassent le si-
gnal; quand on a vu les chefs-d'œuvre de
Dupré émigrer en Angleterre,nos amateurs
éclairés se sont demandé enfin s'il ne fal-
lait pas avoir un Dupré dans sa galerie, et
cet artiste hors, ligne, qui jusqu'alors
avait misérablement vendu .ses oeuvres
aux marchands en boutique, a pu enfin,
après vingt années de luttes et d'attente,
atteindre les prix qu'on lui avait jusqu'a-
lors refusés avec une obstination voisine
du crétinisme.
L'accueil bienveillant que les membres
du comité-bavarois font aux représentants
de la presse française me fait regretter
que dans un journal essentiellement pari-
sien, comme le Figaro, je ne puisse pas
parler longuement de la belle exposition
de Munich, si riche en œuvres d'art de
toutes les écoles; et qui fait le plus grand
honneur au petit Etat qui en a pris l'ini-
tiative. Certes, à côté des tableaux fran-
çais, les œuvres des grands peintres alle-
mands pouvaient prétendre à une part de
notre publicité, mais il ne faudrait pas
moins de dix o.u quinze articles pour ren-
dre justice à tous les hommes de talent
qui sont représentés à l'exposition de Mu-
nich c'est une tâche de beaucoup au-des-
sus des forces d'un voyageur qui n'a que
vingt-quatre heures pour voir seize cents
tableaux, et qui a, vers trois heures vingt-
cinq de l'après-midi, reçu ce que nous ap-
pelons à Paris le coup du lapin, en se re-
trouvant à mille kilomètres du boulevard-, i
devant la Divina Tragedia de M. Cheva-
nard, qui, à Munich comme à Paris, lui
semble le dernier mot de la cocasserie ar-
tistique.
La peinture française a eu sa large part
dans les distinctions honorifiques. M.
Courbet a été médaillé pour ses casseurs
de pierres qui font partie de tout un lot de
rossignols qu'il a offert à la Bavière; Gus-
tave Doré a, me dit-on, été décoré pourson
Néophite de l'avant-dernier Salon, qui fi-
gure à côté de sept ou huit autres pages du
même artiste. Dans ce pays de l'art froid
de Kaulbach, M. Cabanel devait avoir un
succès formidable avec son Paradis perdu;
mais la toile la plus remarquée et la plus
applaudie est le portrait de M. Duruy, par
mademoiselle Jacquemart, qui a retrouvé
à Munich le succès du Salon de Paris.
Parmi les peintres ^français qui ont envoyé
leur exposition de 1869 à Munich, citons
au hasard MM. Leconte-Dunouy, Henri
Leyy, Ranvier, Haudrin, Fichel, Harpi-
gnies, Luminais, Belly, Bernier, Give-,
Ribot, Millet, César de Cock, James
Bertrand, Pille, Giraud père, Auguin,
Lambinet, Durand-Brager, Tournemine
et Zamaçois; quelques amateurs alle-
mands ont envoyé le dessus de leur
galerie; M. Ravené, de Berlin, a prêté le
fameux fauconnier de M..Thomas Cou-
ture, qui denieure l'œuvre capitale de ce
petit homme qui, un instant, avait promis
de devenir un grand peintre.
Et cependant il nous faut quitter l'expo-
Iln'acheva point et fit un geste équi-
voque.
Extrait du dépôt de la préfecture de po-
lice, il monta, vingt-quatre heures après
sa condamnation, dans l'une des voitures'
cellulaires affectées au transport des con-
damnés, et fut trànsféré, lui treizième, à 4
Sainte-Pélagie. Aussitôt qu'il y eut mis
pied à cerre, il fut conduit avec ses com-
'pagnons de route au grené de la maison
correctionnelle et, comme eux, immédiat-
tement interrogé par le greffier qui rédige
les inscriptions d'écrou.
Votee nom?.,
Il répondit:
Qouœl.
Votreâge? 9
Il secoua plusieurs fois la tête en- signe
d'ignorance.
Votre profession ?
Hein? 1 ̃'̃̃̃'̃̃ -̃̃'
On vous demande quelle est votre
profession g
Ah j'y suis Sans le sou.;
-Votre lieu >de naissance?/
Par ci, par là. •>»
-r– Votre domicile ? • (i
Partout.
Les nom et prénom de votre père! t
Adam, tout court.
De votre mère?"
Eve, tout du long.
Acombien de mois de prison êtes-.
vous condamné ? 1
Farceur t-w. Il veut tout savoir. A
quatre mois et demi.
Soyez poli, drôle.
Ûui4 sire.
Pourquoi avez-yj^us été condamné 1
pourquoi
V'là vagabondage, ils ont dit les ju-
ges, ces pantresL.
Assez.
5 II resta béant.
On le poussa sous la toise.
-Est-ce qu'il faut quitter ses bottes, fit-
il en regardant ses pieds sans chaussu-
res 1
Animal, tais-toi donc 1
On le toisa brutalement. Il avait juste la
taille de soldat un mètre cinquante-six
centimètres.
Achetez des gants, s. v. p., murmura-
t-il encore sous le niveau.
Tire-toi de là va-t'eo.
ohr ̃̃ ̃ ̃̃• ̃ v ̃̃
sition internationale de Munich; la pein-
ture ne doit pas nous faire oublier la mu-
sique, et, du cabaret voisin, les joyeux
rhythmes de la valse allemande nous ap-
pellent.
Certes,,j'aime la peinture, mais il y a
des moments dans la vie où un bock de
Munich vous procure une aussi grande
jouissance que la .Kermesse de Rubens. Il
faut vous dire que cette exposition de
peinture qui, ailleurs, ferait fuir le bour-
geois, est devenue un événement pour l'Al-
lemagne du Sud; l'Allemand, moins ner-
veux que le Français, peut sans trop d'a-
.gacement contempler ses seize ou dix-sept
cents toiles avant le déjeuner; tandis qu'à
Paris l'ouverture du Salon annuel coïncide
avec le départ précipité pour la campagne
d'un bon tiers de la ville, les chemins de
fer bavarois ont pu organiser des trains
de plaisir pour les familles éprises delà'
peinture à l'huile aussi la ville est bon-
dée comme un théâtre parisien au gratis
du 15 août dans les hôtels on campe la
nuit dans les salles à manger, et les bras-
series sont bdurrées jusqu'à la gueule.
Celle-ci, d'où nous viennent les échos
d'une valse, de Strauss, est étourdissante.
dans cette vaste salle, au fond de laquelle
s'élève l'estrade de l'orchestre, on cher-
cherait en vain une place. On a ouvert
tbutes les fenêtres afln que les consomma-
teurs du jardin aient leur part de musi-
que ;.à l'intérieur c'est de la démence Au:
tour des tables, les bourgeois de Munich dî-
nent avec leur famille,tandis que l'orchestre
exécute une mélodie sans paroles de Men-
delssohn la côtelette de veau fraternise
avec l'ouverture de la Muette, et le jambon
fumé alterne avec le répertoire.de Strauss.
Le billard, au milieu de la salle, a été
converti en une grande table autour de
laquelle s'est installée toute une noce.; la
jeune mariée, vêtue de blanc, et;le jeune
époux, avec un bouquet à la boutonnière
le père NonancoUrt, de Munich, qui pré-
side le repas de noces sur un billard,
rayonne de joie et de bonheur; les demoi-
selles d'honneur mangent, avec l'appétit
de leur âge, des saucissons qui na-
gent dans la purée de pomme, comme
des grenouilles dans une mare Panem
et cireenses 1 Nourriture du corps et de
l'esprit! Musique et pommes frites
panachées! 1 Mendelssohn rivalise avec
une cuisinière 1 Beethoven se promène
bras-dessus bras-dessous avec les bras-
seurs C'est un tableau mouvementé, plein
de gaieté et d'imprévu, et bien autrement
agréable à l'œil que la Divina Tragedia
dont M. Chenavard a affligé la Bavière.
Quatre heures après j'étais à Salzbourg,
la première ville autrichienne que je ren-
contre sur ma route; c'est dans ce mer-
veilleux paysage que Napoléon III se ren-
contra avec l'empereur d'Autriche après
la mort de Maximilien. Non! jamais je
n'ai vu de ville plus poétique que cette
ville natale de Mozart quand on a quitté
la froide cité de Munich, où règnent les
froides combinaisons musicales de Wa-
gner, on se retrempe dans cette nature
tantôt pleine de grâce et de douce rêverie,
tantôt, quand on tourne le regard vers les
montagnes du Tyrol, d'une écrasante
grandeur; c'est bien là que devait naître
l'immortel compositeur que le tapage de
Wagner grandit encore, si cela est possi-
ble, dans notre admiration. Tout enfant,
il a dû s'enivrer de la grâce et de la poésie
de ce paysage où se reflète son admirable
Là, dans ce coin.
On lui montrait une banquette de chêne
scellée à l'angle d'un mur.
Un vrai trône, dit-il en s'asseyant.
Assis, il se tint coi.
Puis il songea.
Sa figure s'était un peu contractée, il
respirait avec effort, et mille gouttes de
sueur perlaient à son front. Où se trou-
vait-il ? Il paraissait l'avoir absolument
oublié. Tout le temps que dura l'interro-
gatoire de ses treize compagnons, il ne fit
pas un seul geste d'impatience ou d'ennui,
mais il se rongeait parfois les ongles: et
jusqu'au sang. v
« En route 1 ordonna tout à coup la voix
despotique d'un gardien eh le gosse,
lève-toi !>
Qouaîl se remit sur pied et marcha sans
souffler mot.
On conduisit alors, les condamnés au
vestiaire, et là, Qousel, ainsi que les autres,
ayant été obligé de revêtir le costume pé-
nal qui se compose d'une veste et d'un pan-
talon de drap gris en hiver, de toile blan-
che en été (l'on touehait aux derniers
jours du mois d'août), on consigna sur un
registre ad hoc, la ^nature 383 vêtements
dépouillés et l'on fit ensuite une liste des
divers objets appartenant à chacun des
nouveaux venus.
Une pièce blanche de quatre sous, un
couteau de Châtellerault à manche de
corne, un nœud de rubans verts, un élé-
gant petit livre de messe à fermoirs de
vermeil et doré sur tranche, tels furent
les singuliers objets, étonnés d'être ensem-
ble, que l'on trouva dans les poches de
Qousel. Lors de son arrestation, il avait su
les soustraire sans doute aux recherches
des agents. Sans difficultés aucunes, on
lui abandonna la pièce de vingt centimes^
mais on lui prit tout le reste. Affligé, fort
affligé de cette dépossession, il supplia
très instamment, ayant de grosses larmes
aux yeux et les mains jointes, l'un des in-
quisiteurs de lui laisser au moins le « pe-
tit bout de soie..»
On ne daigna même pas répondre à si
supplique.
Habillé de fil de pied en cap, visité 'des
cheveux aux orteils, ayant enfin été sou-
mis à toutes les disciplines qui pré-
cèdent l'incarcération, il entra, avec on
ne sait quelle gracieuse crânerie toute
naturelle, dans la cour de la Bette où les
génie quand on regarde cette vallée et
ces prairies où le ruisseau murmure l'é-
ternelle et grandiose symphonie de la na-
ture, on croit entendre au loin les eni-
vrantes mélodies d'un adagio du maître,
qui, quoi que l'on dise et quoi que l'on
fasse, dominera éternellement messieurs
les musiciens de l'avenir de toute la ma-
jesté de son immortel génie.
Albert Wolff..
Echos de, Paris
L'Empereur, parait-il, est de plus en
plus incommodé par le bruit infernal que
font les enragés saltimbanques de la fête
de Saint-Cloud. Le soir, surtout lorsque
le temps est beau, le tintamarre devient
tout à fait intolérable.
Mais comme le, chef de l'Etat veut que
tout le monde vive, et que d'un autre côté
il a besoin de repos, il a pris le parti d'al-
ler coucher au pavillon de Villeneuve-
l'Etang.
^Ce .domaine est, on le sait, si voisin de
Ipunt-Cloud Tju'on peut le considérer
comme une annexe de la résidence impé-
riale.
Simple question.
L'Empereur ne va pas à Biarritz, c'est
convenu. Tous les journaux le disent.
Cependant il est bien certain que lundi
dernier on a essayé, selon l'usage en.pa-i
reille circonstance, le train impérial sur
la ligne d'Orléans, de Paris à Brétigny.
Cela semble indiquer qu'on aura très in-
cessamment à en faire usage.
Ce ne peut être pour l'Impératrice, dont;
on annonce le prochain départ pour Tou-i
Ion où elle] doit, à ce qu'on assure, s'em-
barquer pour Venise.
Ce ne peut être non plus pour le Prince
Impérial, puisqu'on dément le Jjruit d'a-
près lequel il devrait inaugurei^l'embran-
chement de Vendôme, qui dépend de la
ligne d'Orléans.
Mais c'est aussi cette ligne qu'on prend
pour se rendre au château de Pau. Ne se-
rait ce pas dans cette résidence que l'Em-
pereur devrait bientôt passer les derniers
temps de sa convalescence? 1
pilier soir, grand dîner diplomatique au
ministère des affaires étrangères en
l'honneur de lord et de lady Clàrendon.
Quelques noms parmi les invités
Lord Lyons, ambassadeur d'Angleterre
et son premier secrétaire, l'honorable sir
Sackwille-West, le comte Benedetti, le
marquis de Banneville, le général Fleury,
le baron de Billinz, directeur de la comp-
tabilité aux affaires étrangères, MM. Des-
prez, directeur, et Tissot, sous-directeur à
la politique, enfin M. Armand, le nouveau
chef du cabinet du prince de la Tour-
d'Auvergne.
Lord Clarendon, qui avait demandé une
audience à S. M. l'Empereur, a été recu
hier à Saint-Gloud.
Il est question, nous dit-on, et très sé-
rieusement, de réorganiser complètement
le service de la police municipale.
Voici les renseignements que nous rece-
vons à ce sujet
II y aurait des gardes de jour et des
gardes de nuit. Les gardes de jour ne se-
raient pas armés, et n'auraient, comme en
Angleterre, que l'autorité ressortant du
détenus de son âge et de sa condition
l'accueillirent par trois hurrahs succes-
sifs, ainsi qu'ils ont accoutumé de faire à
l'apparition de chaque nouveau.
Qousel n'eut pas l'air d'entendre et, peut-
être, en effet, n'entendit-il pas cet ignoble
salut.
De plus en plus préoccupé, la tête
basse, les mains derrière le dos, il alla
s'asseoir sur l'un des quatre longs bancs de
bois dont sont garnis, en toute leur éten-
due, les quatre murs en regard du préau.
Puis, d'un œil distrait, en apparence, il
considéra les quelques arbres rabougris
et chauves qui parsèment cette cour fétide
et mal pavée, et, de la cime des' maigres
tilleuls, il passa, par une transition toute
naturelle, à Fëkamen de l'étroite et lon-
gue terrasse qui couronne les murailles
rectangulaires, et domine les divers
préaux, ainsi que le mur de ronde de la
prison. Hautes de soixante pieds au moins,
ces murailles, quoique perforées sur la
cour d'une foule de fenêtres à barreaux
de fer, semblaient absolument inaccessi-
bles. En admettant que, par un prodige
d'audace «t d'agilité/ l'on pût, avec des en-
̃ gins d'escalade, y gravir, comment, après
avoir pris, pied à leur crête, en redescen-
dre dit 'côté du chemin de ronde, aveugles
et recouvertes4'tin ciment poli comme le
j marbre qu'elles sont de haut en bas et
dans tout leur circuit?
«Y pas mèche! Anpeu, qu'avait du
nerf, y a péri l'an passé. »
Deux ou trois grognements sourds et
l'on' ne sait quelle fauve lueur dans les
yeux, ce fut à cette= réflexion intempestive
d'un détenu toute la réponse du nouveau
ceux qui l'entouraient reculèrent.
Trapu, bien pris, un peu large d'épau-
les et très délicat des extrémités, avec
cela fort pâle, un œil, des dents et le poil
d'un loup, Qouaeï avait une physionomie
intelligente et sauvage "à la fois, on ne
peut plus frappa.nte. On lui eût donné
plus de vingt ans, il n'en avait pas encore
dix-sept. Tout en lui respirait le courage
et la volonté. Ses lèpres vermeilles étaient
riches de sang et ses prunelles inquiètes,
ardaient, roulant du feu. Les novices du
préau lui trouy/aient un air malin, et les
vieux routiers te l'endroit disaient en dé-
taillant sa bonr te mine \'< Il est rup comme
un bâtard.* » >
On l'aborda;
.respect dû: à la loi ils seraient par le fait
les inspecteurs de laCité, des indicateurs
officieux donnés aux étrangers, les anges
gardiens des boulevards et des rues.Lëur
costume serait nécessairement changé.
«Les gardes de nuit, sous le titre de veil-
leur de nuit, remplaceraient l'ancien
guet et seraient composés de cavaliers et
de piétons. »
M. Garnier-Pagès termine en ce mo-
ment une histoire des événements de
Juin 1848.
Vendredi dernier, il s'est rendu sur les
lieux où se passa le drame qui termina
ces tristes journées, la mort de Mgr Affre.
Le député de la Seine était accompa-
gné de son gendre et de M. Théodore
Albert, qui. fut témoin et acteur dans ces
événements.
C'est.lui qui se présenta lorsquel'arche-
vêque, à la place de l'Arsenal, demanda
un guide de bonne volonté. Il était en habit
de garde national, on lui passa une blouse
par-dessus son uniforme, il cassa une
branche d'arbre et accompagna le: prélat
sur. la barricade du faubourg Saint-An-
toine, et après la catastrophe, jusqu'à la
cure d'une église de la rue de Charenton.
̃•̃̃̃̃#
'# ''II:
C'est lui'que l'on représente en costume
d'ouvrier, à côté de monseigneur Affre, et
tenant une branche à la main; en réalité
il était éditeur et garde national, et la
blouse n'était là, qu'un sauf-conduit.
Un dernier détail à ce sujet: lorsque
l'archevêque fut installé chez le curé de la
rue de Charenton, c'est encore Théodore
Albert que l'on chargea d'aller- chercher
un médecin la blouse n'était pas un gage
de sécurité pour traverser les rangs de la
troupe, pas plus que la tunique de garde
national pour traverser les rangs des ré-
volutionnaires. ,11 fallait aviser, on lui fit
endosser une soutane,et dans cet équipage
il se mit en route. quipage
Pris d'abord par' les combattants des
barricades, il s'en tira à merveille en énon-
çant sa mission; mais auprès des soldats
il eut toutes les peines du mondé à les
convaincre. Cette soutane récouvrant une
blouse, et cette blouse recouvrant une tu-
nique ne leur disaient rien qui vaille.
Ce n'est qu'après de longs poùrparlers
et avoir été conduit de chef en chef et
s'être fait reconnaître par sa légion qu'il
échappa à la fusillade.
Pendant ce temps, l'archevêque atten-
dait un médecin..
Mon ami Aurélien Scholl n'aura pas
l'étrenne du titre de son nouveau jour-
nal. l'i
Il y a déjà eu, dans la presse fantai-
siste, deux Lorgnons, sans compter les Lor-_
gnettes.
*•#•̃ ̃
Le premier Lorgnon est de' 1833. Son
sous-titre était journal des théâtres, de
la littérature, des arts, des mœurs et des
modes. Ses articles étaient généralement
fort incolores il prenait la précaution,
pour leur donner du montant, do les im-
primer sur papier de couleur.
Son format était l'in-4°.
Il disparut après une existence obscure
de quelques semaines.
̃-•̃̃ ̃••#;
Le second Lorgnon voulait avoir des al-
lures plus vives il s'intitulait Lorgnon du
diable, biblothèque populaire-et républi-
caine, par le citoyen Ch. Lefebvre, avec
cette épigraphe
Je vois tout, f entends tout, j'écris tout.
Mais, au fond, ce Lorgnon là n'était pas
bien méchant non plus.
"Il vécut ce que vivent les rosés, le mois
de mai 1848.
D'où viens-tu? 1
Que fais-tu?
Comment t'appelles-tu? g
Vas-tu rester ici beaucoup de temps ? y
Y viens-tu pour la première fois ?
Il fut très bref en ses réponses et parvint
à satisfaire lés curieux, sans cependant
leur dire,grand'chose.'On avait voulu lui
tirer les vers du nez, ce fut lui qui- fit par-
ler les autres. « Il fallait se défier d'un
tel surveillant. Tel détenu n'était qu'une
mouche et tel autre qu'un mouton. Avec
un peu de poignon, on pouvait encore
boulotter à Saintp-Plégie. Il n'était pas im-
possible défaire venir du dehors le fruit
défendu. >
C'était bon, très bon à savoir, tout
cela
Qousel avait éCoutéde toutes ses oreilles.
Il savait déjà beaucoup de choses utiles à
connaître lorsque la cloche du préau sonf
na sept heures et quart un grand tumulte
se produisit parmi les détenus. L'heure de
se coucher était venue. Il était presque
nuit. On alla lentement à tâtons dans une
sorte d'étroit boyau servant de corridor et
de loin en loin éclairé tant bien' que mal
par de hautes et -salés lanternes, appen-
dues aux murailles nues et froides qui
pleuraient on ne sait quelles larmes. Au
bas d'un escalier gluant^à rampes- de fer,
on se mit deux à deux, et l'on lèn^monta
sous l'œil d'un gardien i les marches de
chêne qui cédaient et geignaient sous-le
poids.
Huitième, il entra., lui Qmtaal,; dans
dans-une geôle du troisièmes itage assez
basse et dont les murs jaune ^d'ocre^t
noirs (pourquoi ces couleurs autrichien-
nes ?) avaient été récemment enduits d'une
épaisse couche de' colle.: On .étouffait là.
L'air vicié, n'y parvenait que par une seule
fenêtre étroitement grillée. Un affreux
suint tombait des murs .et du plafond Sur
le,carreau. Pour tout ameublement, huit
lits se touchant presque, alignés côte à
côte. Au milieu de la pièce, un seau.
De même que les autres, en même temps
que les autres, Qousel se coucha.
Bien qu'il ne fût ni superstitieux ni.lâ-
che, il avait eu peur en entendant grincer
les énormes verrous dont, sont garnies les
portes de, toutes les: geôles, et tremblé
quand on tira ceux de la = sienne sur lui.
Pourquoi cette crainte Il avait simple-
ment pensé ceci « Que le feu prenne dans
Quant aux Lorgnettes, la première én
date, celle dé J790r est la, Lorgnette de l'en-
chanteur Merlin, « trouvée sous les ruine»
de la Bastille. » ̃>
Ce fut une de ces feuilles éphémères qui
naissent et meurent.ài oison au lendemain
d'une révolution.
Elle n'eut que six numéros.
Quant à la seconde, celle de 1823, elle
n'était qu'une transformation du Petit Don
Quichotte, « journal des. théâtres, de la lit-
têrature, des arts,, des.mœurs, des modes
et de la librairie.» J
Elle vécut deux ans, sur cette devise
Rions de tout. De si
c'est possible.
Il faut convenir qu'en dépit de cette pro-
inesse,, la Lorgnette n'était ni d'unie. folle
gaieté ni d'une impartialité particulière.
"J .'̃v:*V.
On lé voit, c'est un yérita,ble nécrologfC
Aussi Scholl n'a-t-il garde de se récla-
mer de ces. ancêtres obscurs, le mauvais
flls, et ne parle-t-il, en présentant son
journal, que de la marraine, madame de
Girardin.
En fait, si ce n'est pas lui qui a inventé
le Lorgnon, il sera le ..premier à savoir le
tenir élégamment incrusté sous l'arcade
sourcilière.
Sinous sommes bien informés, H serait
sérieusement question d'envoyer aui
Etats-Unis un de nos plus brillants capi-
taines de vaiseau, en qualité d'attaché
militaire à l'ambassade de Washington
histoire d'étudier de près les progrès ef-
frayants de la marine américaine. ̃̃
Chose étonnante veut-on mesurer, ou
mieux, peser la différence qui existe entre
le fait et le droit ? Ecoutez il y a à Poissy
non plus unmarché aux bestiaux, M.
Haussmann l'a porté à la Villette mais
une maison centrale de détention. Dans
cette maison, 980 prisonniers. Défense ebt
faite de fumer, défense absolue qui est
l'objet,. de mille précautions ingénieuses
et d'une surveillance irè*. active de la
part des chefs et des employés de cette
sombre administration. Jtsu bien la con-
sommation quotidienne de la maison
centrale est de dix kilogrammes de tabac à
fumer! Où fument-ils? quand fument-ils ? t
on en est encore à le savoir. .'̃'>
Mais comment peut- on affirmer ce ren-
seignement et ce chiffre? Par le bureau de
tabac de Poissy, et eu égard à la moyenne
connue des fumeurs pour un chiffre -donné
dé population fixe. • <̃̃
Il est certain, puisque M. Haussmanna
eu 4 obligeance de nous le faire savoir,
qu'aucune communication officielle n'a
été faite au conseil municipal, au sujet
des grands projets de reorganisation de la
ville.
Mais il est, certain aussi que le gouver-
nement étudie en ce moment et fait étu^
dier les modes nouveaux qu,'til se propose
d'appliquer à l'administration de Paris.
Trois systèmes sont en présence
Lé premier doit détacher du départe-
ment de la Seine les communes suburbai-
nes, formant au nord l'arrondissement de
Saint-Denis, et au midi celui de Sceaux.
Ces d'aux arrondissements iraient enri-
chir Seine-et-Oise, et la ville J'dç '.Paris for-
merait .seule un département dont là li-
mite est toute tracé par l'enceinte des for-
tifications.
'̃̃̃̃ :̃'̃'̃' **» "̃̃;̃ v.
Le second système n'est qu'une modifi-
cation du premier. Paris serait doté de
faubourgs d'une étendue considérable afin
d'assurer l'entretien de ses Vastes abords*.
C'est-à-dire que les deux arrondissements
l'une des mille pièces de la prison; avant
que les soldats qui font sentinelle, la nuit
sur la terrasse, .aient appelé les gardiens
et que les gardiens soient venus à l'appel-
il est sûr que l'incendie, alimenté par lès
matières inflammables dont sont enduite
tous les murs, aura dévoré tout un étage
du bâtiment, et que bien des prisonniers
auront péri sous les verrous et derrière
les barreaux Une telle.réflexion avait,
à/la vérité, quelque raison d'être et serait
sans doute .venue; à plus d'un; II avait,
d'ailleurs, lui, Qougel, une foule id'exeel-
lents motifs .pour teair à la vio; aussiy--
très alarmé, ne dormit-il cette nuitAàjçm
d'un œil et,§ur une: seiileqreille.
Al'aube, il rit de., ses. peurs^i se leva.
Le premier coup: de cloche le', trouva de-
bout et vêtu. Nouveau venu ïa corvée • l;ui
incombait. Aussitôt il se jait_à-u'ignobîê be-
sogne sans faire le récâîçitrant, Trois ou^
quatre coups d'œil à l'adresse do Quelques
railleurs suffirent à le faire respecter en
tout et de tous.
Or donc, il opéra sans gêne.
-Après la -corvée, il descendit" avec ses
compagnons dë^geôle dans la cour, et,
toute la- journée; il étudia très attentive-
ment -les -êtres dé la maison. Entre neuf f
et dix heures du matin, et le soir à quatre
heures et*; demie; il répondit', ainsi que
tout le monde, à l'appel nominal, et reçut,
après cette -formalité quotidienne, dans sa
gamelle, la soupe (mouise) et les légumes
(vestiges) qui constituent, sauf le-dimanche
et le jeudi, jours de liesse où l'on a droit
aux vivres grés (soupe de viande et bouilli
de lœuf)r la pitance ordinaire et malsaine
du détenu.
Les hommes, à ce régime-là, meurent
comme des ^mouches, en temps d'épMémie.
Heureusement, le choléra -ne fauche pas
tout le long de l'an et le- scorbut ne tra-
vaille que l'hiver.
« Rester un mois ici, j'aimerais mieux
m'y laisser tout de suite mourir de faim,
murjnurait Qouael en envoyant à droite, à
gauche, en bas, en haut, de tous -côtés, ses
yeux de lynx. >
:> ."̃̃̃•. LÉQN.CLadel.
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