Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1869-03-02
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 02 mars 1869 02 mars 1869
Description : 1869/03/02 (Numéro 60). 1869/03/02 (Numéro 60).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
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Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Description : Collection numérique : France-Brésil Collection numérique : France-Brésil
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k2714132
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
Mardi 2 Mars 1869
16* Année 3' Série -r Numéro 60
Un numéro 15 centimes
Administrateur
AUGUSTE DUKOHT
ABONNEMENTS
Aria 3 mois 13 fr. 5»
Départements 3 mois. 16 fr. »
ANNONCES
MU. DOUINGEN fils et À. SÊGOÏ
Passage des Princes, Escajier C
BDKEAUX
S, &DR COe-B
$, RUE ~7
Rédacteur en cnef
£>E VILLEMESSAJiT
RÉDACTION
tfu 9 heures à 11 heures, rue Coq-Héïon,5 5
de midi à 5 heures, rue Rosaini, 3
les manuscrits ne sont pas rendus
Départements et gares: 20 centimes
BUREAUX
aosseoa
5, RUE COQ-HÉEON ET RUE 1OSSINI, S
GUETTE DE PARIS
La salle des Italiens était sombre
comme .un caveau de cimetière; sur la
scène, éclairée seulement par de rares
quinquets, se dessinaient dans un clair
obscur les musiciens de l'orchestre et
les choristes. Au premier plan, l'Alboni
et la Krauss, Nicolini et Agnesi atten-
daient le signal du chef d'orchestre. Par
une petite fenêtre du Paradis entrait par
ci par là un rayon de soleil traversant la
vaste salle obscure pour venir frapper en
plein visage les quatre artistes du pre-
mier plan, tandis que le fond de la scène
restait noyé dans la lueur blafarde des
lampes. >
Tout là-bas, là-bas, au fond, on distin-
guait dans le clair obscur le buste de
Rossini avec une couronne de laurier
en or.
Dans la salle, plongée dans la plus
profonde obscurité, on apercevait à peine
les silhouettes des rares invités admis à
la répétition générale de la messe de Ros-
sini. On était silencieux, on se serrait la
main, on se parlait à voix basse; on avait
peur de troubler le recueillement du voi-
sin dans ces funérailles intimes d'un grand
artiste.
J'ai vu l'enterrement officiel à la Tri-
nité. Cette église inondée de lumières,
ces uniformes, ces cravates blanches, ces
décorations, toute cette foule chamarrée
de cordons et de broderies, ces soldats
faisant résonner la crosse de leurs fusils, à
côté du cadavre, sur les dalles de l'église,
tout cet apparat officiel, ces croque-morts
en grande tenue et ce char argenté qui
attendait au dehors le corps d'un grand
homme, m'avaient laissé indifférent.
Tout en haut sur la galerie, j'avais
aperçu Jules Cohen, dirigeant les chœurs;
Faure chantait, l'Alboni aussi; c'était un
délicieux concert, sans doute, mais sauf
chez quelques amis qui pleuraient le grand
homme, on lisait plutôt la curiosité sur
toute? le", figurés que l'émotion.
Au dehqrs stationnait la foule indiffé-
rente. Le mort intéressait beaucoup moins
que les vivants. On voulait voir passer les
maréchaux, les sénateurs, les hommes il-
lustres qui devaient suivre le convoi.
J'ai vu le même empressement aux en-
terrements des morts en évidence, dont
Ip seul talent fut d'être heureux.
Quelle différence entre cette foâle et les
privilégiés qui composaient le public de
la répétition générale de la messe; il y
avait dans la salle une assemblée d'ar-
tistes, dont les cœurs battaient d'émotion.
Tous les exécutants sur la scène sem-
blaient avoir pris le deuii cette salle
sombre, ce public recueilli, non de ma
vie, je n'oublierai ce moment.
II me semblait qu'on n'attendait que le
cercueil de RossiRi pour commencer la cé-
rémonie funèhre dans le caveau d'une
église..
C'est à peine si l'on distinguait son
voisin dans cette obscurité. Quand le so-
leil, perçant les nuages.vint de loin enloin
se faufiler par la petite fenêtre du cintre,
Surgirent de l'ombre la tête inspirée de
JFélicien David, le profil correct de made-
moiselle Favart et d'autres têtes connues
et aimées du public. Mais ce ne fut qu'un
éclair, comme le rayon d'une lumière
magique qui passait rapidement dans la
salle, disparaissait tout aussitôt, et tout
rentrait dans l'ombre et le si.lence.
Enfin le chef d'orchestre monta sur son
tabouret, et quand il frappa sur la parti-
tion pour donner le signal, il me sembla
entendre la hallebarde _du suisse réson-
ner sur les dalles de la cathédrale. Ceux
qui chuchottaient dans le fond se turent
subitement, et au premier accord qui vint
envahir notre âme, tous se découvraient
comme devant le corbillard qui passe.
Il y, avait aussi quelques sceptiques
dans cet auditoire ému. Je fus du nom-
bre et je n'ai aucune honte de l'avouer.
L'oisiveté du grand vieillard italien m'a-
vait toujours troublé dans mon admira-
tion il me semblait qu'il me privait illé-
galement d'une fraction de son génie; je
lui en voulais de se taire comme j'en
voulais à l'électeur de Hesse, petit tyran
Collas qui ferma le musée de dassel,
sous prétexte que les chefs-d'œuvre de
la peinture n'étaient pas faits pour la
foule. Rossini avait, lui aussi, fermé
son musée; le soin qu'il prit à cacher au
jpublic les œuvres de ses dernières années
.ressemblait à un dédain p»u justifié de la
génération présente. Clonflt dans sa gloire,
retiré dans son apothéose de Passy, ce
vieillard paraissait mépriser le monde
nouveau qui avait eu l'audace de ne pas
adorer exclusivement le dieu italien.
Les officieux- ils n'en font jamais d'au-
tres arrivaient de Passy avec des nou-
velles à la main, des mots bons ou mau-
vais, que dans l#ur zèle ils attribuaient
au maître. Nous autres qui ne l'avions ja-
mais vu, nous crûmes toutes ces bali-
vernes nous nous figurions Rossini avec
un tablier blanc dans sa cuisine, en train
de préparer le macaroni pour ses invi-
tés, ou cherchant dans la solitude du jar-
din un mot piquant pour le dessert.
Et à l'heure où l'ironie facile lui lan-
çait des flèches en carton, je sais qu'ellfs
étaient en eârisan, car j'en ai confection-
né, lui le graad homme, insouciant du
bruit du dehors, ne s'occupait ni du
macaroni ni de ses amis il écrivait
cette page sublime dont nous avons en-
tendu la répétition générale. Et pendant
que tous les grands morceaux, dont vous
entretiendra notre critique musical,
remplissaient les cœurs d'une indes'
criptible émotion, il me semblait entendre
un ricanement d'outre-tombe qui vengeait
le grand maestro de tous les dédains et de
tous les sarcasmes.
Je ne crois pas que le public pour qui
s'ouvrent à deux battants les portes des
Italiens à l'heure où je jette sur le papier
le souvenir de samedi, ressenteunepareille
émotion la salle sera inondée de lumiè-
res, les loges seront remplies de soie, de
fleurs et de diamants, comme dans une
réception officielle. Le tableau sera rayon-
nant, sans doute, mais il ne vaudra pas
le doux mystère de samedi dernier.
Figurez-vous cette salle des Italiens la
nuit quand le dernier coupé a emporté
la dernière rivière de diamants; le lustre
et la lampe sont éteints; vous vous êtes
endormi au fond d'une loge; tout à coup
de divines harmonies viennent vous ré-
veiller vous regardez autour de vous, et'
vous appercevez sur la scène éclairée seu-
lement par quelques lampes blafardes, les
choristes et les musiciens, l'Alboni, la
Krauss, Nicolini et Agnesi. Vous vous de-
mandez si vous rêvez. Mais cela est, cette
musique sublime c'est la messe de Rossini,
et vous osez à peine applaudir de peur de'
chasser les fantômes qui vous enivrent de
leur chant et de leurs accords.
Nous avons tous éprouvé une pareille
sensation samedi dernier, dans cette salle
obscure, presque vide. On écoutait, on
avait peur de perdre une note de temps
en temps on poussait le voisin du coude
pour se convaincre qu'il était bien vivant
et que l'on ne rêvait pas.
M. Armand de Pontmartin, un lettré
et un artiste, était à côté de moi, et de
temps en temps il levait les bras au ciel
comme s'il avait voulu serrer la main de
Rossini. M. Blaze de Bury, le savant, cri-
tique musical doublé d'un spirituel boule-
vardier, était accroupi au fond de l'or-
chestre, la tête appuyée dans ses mains,
admirant le maître, pleurant l'ami. Qui
encore ? Je ne sais au juste, car on n'y
voyait pas bien dans cette obscurité mais
je crois avoir aperçu Henri Lavoye, du
Moniteur M. Feyrnet, homme d'esprit du
Temps; Pierre Véron, Alexandre de La-
vergne, E. Gautier,Gouzien et sur tous les
visages la même joie et la même émotion.
Et cependant, cette exécution n'était
entourée d'aucune mise en scène. Sou-
vent les chœurs hésitaient, et le chef
d'orchestre marquait la mesure avec
les pieds et les mains. Nicolini ne
chantait qu'à mezza voce mais toutes ces
imperfections toutes- ces négligences
ne troublaient pas notre émotion et
notre admiration. Et quand tout fut fini
et qu'après le dernier morceau, le plus
grandiose de tous, on se retrouvait dans
les couloirs en pleine lumière, on se ser-
rait la main; tous éprouvaient le même
enivrement que partageaient les exécu-
tants. Mademoiselle Krauss, la grande ar-
tiste, nous avouait avec une simplicité
charmante que ce sancius lui causait
une émotion indescriptible et qu'elle ne
croyait jamais avoir chanté avec tant
d'ame et tant de conviction.
Il m'en coûte, croyez-le bien, de ns pas
insister davantage sur les beautés de cette
grande partition; ceci est du domaine de
notre critique Bénédict, plus autorisé que
moi, à vous parler d'un chef-d'œuvre mu-
sical. Je me suis borné à traduire ici une
impression toute personnelle sans oser
discuter les points lumineux de cette page
sublime. La tâche de mon confrère Bé-
nédict commence où la mienne finit.
Albert Woffi
PROFILS PARLEMENTAIRES
M. CARNOT
DÉPUTÉ DE LA SEINE
68 ans. Ancien déjuté, ancien ministre,
ancien représentant du peuple à l'Assam-
blée constituante et à l'Assemblée législa-
tive. Elu en 1863 par 18,551 voix sur
19,873 votants.
Voilà une carrière bien remplie et
aucune -occasion n'a manqué au flls de
Carnot pour se greffer une réputation sur
la gloire paternelle. Il s'en est fait une
qui a bien son prix tous ceux qui ne le
connaissent pas disent de lui: «Càe'doit
être un grand homme 1 Ceux qui le
connaissent répondent « C'est un brave
homme »
Il a une de ces têtes respectables qui
caractérisent bien plutôt la bourgeoisie
orléaniste que la démocratie républicaine.
Vingt députés de la majorité lui ressem-
blent, et il ressemble lui-même à feu
M. Havin, bien qu'un peu moins majes-
tueux. Un collier de favoris blancs, à la
dernière mode de 1840, encadre son vi-
sage une gravité toute politique est em-
preinte sur ses traits; son geste est sé-
rieux, sa démarche est noble; c'est à peine
s'il consent quelquefois à se dérider un
peu pour sourire discrètement aux pro-
fondes pensées qui l'absorbent.
Quel est cet homme d'Etat? demande
un provincial dans les tribunes.
-–C'est M. Carnot, député de Montmar-
tre répond immédiatement un Parisien.
M Carnot a commencé par être saint-
simonien on l'6tait alors, comme on est
normalien aujourd'hui. Il écrivit dans les
journaux de la secte un certain nombre
d'articles qui ne furent pas assez remar-
qués pour éloigner de lui les électeurs.
La révolution de 1848 le trouva député et*
le fit ministre. Il écrivit alors (lui aussi!)
des circulaires aux maîtres d'école. li
leur recommandait de ne faire épeler au
suffrage universel que des alphabets ré-
publicains, ce qui parut fort libéral.
En souvenir de son court passage au
ministère de l'instruction publique, M.
Carnot fait chaque année, à la tribune, sa
petite conférence sur le gratuit et l'obli-
gatoire. M. Jules Simon l'applaudit, on
dit même qu'il le souffle. M. Carnot a
d'ailleurs un autre cheval Je bataille,
c'est la Pologne. Il prie pour elle et il a
raison la malheureuse n'a plus besoin
que de nos prières v
L. de la Comte.
Echos de Paris
La réception de M. Autran à l'Acadé-
mie française aura lieu le jeudi 8 avril.
Celle de M. Claude Bernard se fera le 22
du même mois. Enfin, le scrutin acadé-
mique pourle remplacement de'MM. Vien-
net, Berryer et Empis est fixé- jeudi
29 avril. v
On annonce que M. le comte de Brosses,
le descendant du célèbre auteur des Lettres
sur l Italie, est à toute extrémité..
b
Samedi dernier, madame Parnell rece-
vait une dernière fois l'élite de la société
anglaise, américaine et parisienne de Pa-
ris. Pas de foule sur le minuit seulement
un peu d'encombrement par .v 'le monde
venu de l'Hôtel-de-Ville et di| charmant
concert de madame Downing. • :e
En voyant toutes ces dames, un philan-
thrope se disait qu'il jserait temps, peut-
être, de refaire la brochure de M«-pupin.
Quel luxe! au milieu duquel ressortait
surtout la robe verte de madame Biers-
tadt à retroussis blancs, dan| un. ravis-
sante parure de lilas les toilettes bleues
do mesdemoiselles de Laroche, Pondiin,
et les blanches robas des trois demoiselles
de la maison.
·
5
Société nombreuse et choisie au mi-
lieu d'elle M. et madame Fafcpner, ma-
dame Shakespeare (du comté de Galles,
tout comme le grand poëte), *M. et ma-
dame Burlingame, les Chinois et M.
Browne, de la même maison; marquis de
Bassano la famille Binnse djic Braschi
madame Osborne comte dé. Courson
prince Czartoriski; M. Fould comte de
Garminy; comtesse de Gabriac made-
moiselle Godwin madame Hetae, M. Hi-
dalgo madame Moulton princesse de
Monbar ladies Morris; prince Manga-
nelli prince Sciara de Palerme mes-
dames Pilié mesdames P.ayn.e, comte de
Rasilly, etc., etc.
#*# y ̃̃'̃?-
Soirée charmante buffet gantagruéii-
que anglais, américain, français, etc.
il y en avait pour tous les goûts foies
gras et champagne, volailles ettruffes,
homards, mayonnaises, c'était complet,
rien n'y manquait. La choucroute était
représentée par le blond M. 4'Arnim de
l'ambassade de M. de Bismark-Schœn-
hœsen. Atchi
̃̃•̃̃̃- g .-y
Ah ce fut une rude nuit, messeigneurs,
que la nuit du samedi 27 au dimanche
28 février.
Rude pour les danseurs, rude pour les
musiciens, rude pour les soupeurs.
Les fleuristes dansaient au Louvre, les
artistes (?) à T Opéra-Comique, lès démoi-
selles de magasin à Valentino.
Je vous réponds qu'on s'est amusé dans
ce dernier bal. °
̃ ••• X
De la vie, pareil entrain, pareille gaieté
n'animèrent une soirée.
Ces demoiselles en toilette de bal éta-
laient de splendides épaules; les minois
les plus frais souriaient aux danseurs en-
ragés. Jusqu'après cinq. heures, on se li-
vrait aux galops -les plus effrénés.
Ah 1 ces messieurs ont du biceps et du
jarret. Nous devons dire d'ailleurs que la
société était des mieux composées, et
qu'une foule de gilets en cœur avaient fui
l'Opéra-Comique pour venir sans façon se
trémousser de leur mieux, et sarpejéu! ils
ne s'en flrent pas fauK n
#*#
La recette a, dû être des plus belles, il
n'y avait certes pas loin de trois mille
personnes.
Des soupers joyeux terminèrent cette
soirée dont tous, jeunes et belles-filles et
vilains barbus, garderont le meilleursou-
venir.
On se séparait en se disant entre deux
baisers discrets A l'année prochaine!
Quelques détails administratifs la co-
tisation mensuelle est de 2 fr. 50 c. La
Société est présidée par M. Ménessier,
médecin du prince Napoléon; son vice-
président est M. D. Augerville, qui l'a fon-
dée avec l'intention de venir en aide, dans
les jours de misère et de maladie, à ces
nombreuses jeunes filles qu'emploie le
commerce parisien.
Insouciantes pour la plupart, quelqu'un
pense à l'avenir pour elles.
L'élévation des mises au Casino de Mo-
naco cinq francs au minimum à la rou-
lette, et vingt francs au trente-et-quarante
•i-a produit le meilleur effet.. La société
s'est épurée, il y à moins de mélange.
Mais pourquoi trois tables de roulette
et une seule de trente-et-quarante!
Bénazet I", l'ancien fermier des jeux à
Paris, appelait la roulette le couteau à
deux -tranchants. Il disait aussi qu'il fau-
drait faire dorer les fauteuils des joueurs.
Ah! les joueurs, comme il lès connais-
sait
Si l'on vous offre une concession de
jeux dans un désert, conseillait-il à un
ami, n'y eut-il pas un arbre, pas une
goutte d'eau, acceptez. les joueurs y
'viendront toujours bien 1
#*#̃
Il y a eu, toute la semaine, de grands
gains et de grandes pertes à Moraco.
L'autre jour, quatorze coups à la couleur
ont été suivies de seize coups à l'inverse.
Les joueurs ont gagné 150,000 fr. Le len-
demain, madame S. en enlevait 125,000
à la banque.
Et l'on dit que las jours se suivent et ne-
se ressemblent pas 1
Un joli mot de M. Calley Saint-Paul,- le
héros du moment
« Le régime actuel, c'est le système cel-
lulaire appliqué à la politique. »
II y a quelques jours, une violente alter-
dation eut lieu entre deux hommes du
monde l'un, M. de M.; l'autre, un Hano-
vrien, actuellement officier supérieur dans
Tannée prussienne.
Tous deux avaient servi ensemble dans
l'armée ha-novrienne et la cause de l'al-
tercation était quelques propos malséants
tenus par l'officier Mir M. de M. Après
de longs pourparlers dans lesquels dut in-
tervenir un prince étranger. Une rencon-
tre fat décidée.
Les résultats du duel devaient être sé-
rieux. On se battait au pistolet de tir, à
trente pas. Chaque adversaire ayant le
droit de faire huit pas,et de tirer à volonté.
Le duel a eu lieu avant-hier à Erque-
lines (frontières de la Belgique et de la
France).
M. de M. connaissant la force de son
adversaire au pistolet, tira presque immé-
diatement le signal donné. La balle ef-
fleura tellement près l'oreille de son ad:
versaire que celui-ci (il l'avoua plus tard)
en fut presque assourdi; mais il flt alors
quatre pas en avant et, après avoir soi-
gneusement visé, lâcha la détente.
Au même instant M. de M. fit deux
tours sur lui-même et s'abattit.,
On accourt pour le relever.
Il avait reçu la balle sur une fausse côte.
Heureusement pour lui, il portait dans
la poche de son gilet un paquet de billets
de banque et quelques cartes de visite.
La balle, après avoir frappé l'heureux
obstacle, avait glissé de quelques centi-
mètres et était venue se loger au milieu
delà liasse de billets.
M. de M. par un hasard providentiel,
n'avait été que violemment contusionné.
C'est bien le cas de. répéter le mot fa-
meux
• Voilà de l'argent bien placé.
<: En voyant tomber son adversaire, l'offi-
cier s'est approché de lui et lui a déclaré,
loyalement, que les propos qu'il avait te-
nus contre lui étaient sans fondement et
qu'il le tenait pour un galant homme.
M. de M. a été vu aujourd'hui à Paris
tout à fait remis des suites de cette ren-
contre, qui menaçait d'avoir un résultat
plus fatal.
Elle a cinq enfants, la duchesse de P.
babys adorables, mais terribles, Le fouet,
la cave, la corde même, rien n'y fait.
Il y a quelques jours, des peintres, qui
travaillaient à l'Hôtel, oublient un pot de
couleur. L'aîné s'en empare et peint en
vert son frère au maillot. La nourrice ar-
rive. Terreur, désespoir! Elle crie au cho-
léra. La stupeur passée, tout le monde rit
aux larmes.
C'est égal, l'enfant a été malade. il
s'était léché.
Emile Blavet.
CHRONIQUE DE PARIS
'<
Jusqu'à présent le nom de M. Emile Ol-
livier faisait penser au renard de la fable
après avoir lu les épreuves de son Compte
rendu aux électeurs de la troisième circons-
cription de Paris,, intitulé LE 19 JAN-
VIER, on est tenté de croire que ce re-
nard est mâtiné d'agneau et qu'on a mal
défini son cas en l'appelant La ffi-ande
trahison de M. de Mirabeau c'est la Grande
naïveté d'un bon jeune homme qu'il eût fallu
dire.
On doit toujours croire un homme dis-
cuté qui vient se mettre en cible et ra-
conter au public sa vie, ses espérances et
ses déceptions on doit le croire, parce
qu'il s'expose à des démentis, et qu'en
histoire contemporaine tout ce qui n'est
pas démenti est vrai.
Donc M. Emile Ollivier a dit la vérité
sur ses rapports avec le chef de l'Etat,
avec quelques hauts personnages de l'Em-
pire il n'a peut-être pas dit la vérité
aussi nette sur lui-même que sur M. Rou-
her, et vraiment il ne faut pas lui en te-
nir rigueur.
Otez à M. Emile Ollivier la naïveté et
la vanité, il devient. un homme supérieur;
sa médiocrité relative, la fausse position
qu'il s'est faite, l'isolement où il se trouve
entre une minorité qui ne veut plus de
lui et une majorité qui n'en voudra ja-
mais, tout cela découle de la naïveté et
de la vanité incommensurables de M.
Emile Ollivier.
M. Emile Ollivier, dans son 19 JAN-
VIER, que la librairie internationale met-
tra en vente demain matin mardi, M.
Emile Ollivier adoptant la forme des mé-
moires, se met en scène dans l'histoire de
ces vingt dernières années. Le rôle quil
s'y donne n'est point laid il y a du fémi-
nin dans sa manière de s'apprécier, il dit
volontiers Je; volontiers il s'appesantit
sur sa façon de concevoir et d'exécuter;
il n'y a rien de fortuit dans sa vie, il a
tout prévu et tout bien prévu.
Mais c'est là le petit côté du livre de
M. Ollivier, un homme raconté par un
autre homme est quelquefois bien vu
mais un homme raconté par lui-même est
toujours triché, et le plus grand capitaine
des temps modernes, l'Eaipereur Napo-
léon 1er, a donné dans ses dictées de
Sainte-Hélène le plus solennel exemple
d'un génie qui se farde devant la posté-
rité.
Si M. Emile Ollivier s'est mal vu ou
plutôt trop vu, il est juste pour ceux qu'il
a approchés, sévère mais juste et.
dans l'éreintement de M. Rouher, dont je
recommande la lecture à tous les gour-
mets de perfidie, il n'y a pas un trait qui
ne soit vrai dans une proportion quelcon-
que et qui pùt être absolument nié. M.
Emile Ollivier n'a vu que des poutres dans
le talent du premier ministre et que des
lauriers dans le sien.
Aussi est-il bien convaincu, bien certain
que le seul ennemi de toutes nos libertés
c'est M. Rouher.
J'avoue que le libéralisme de M. Rouher
m'a toujours trouvé incrédule; mais lors-
que j'ai vu paraître la lettre du 19 janvier
et que je n'ai point vu entrer M. Ollivier
au ministère, j'ai trouvé que c'était d'une
bonne politique. Je ne croyais pas en
effet qu'il fut possible de faire accepter au
Corps législatif, tel qu'il est composé,
quatre pouces de liberté et je ne voyais
que M. Rouher qui fût en position de
dorer des pilules libérales et de les faire
gober aux inertes résistants de la majorité.
M. Emile Ollivier me paraissait un épou-
vantail à candidats officiels dont l'avéne-
ment au pouvoir aurait fait le vide autour
du gouvernement. Aujourd'hui je crois
que pour bien faire, il aurait fallu que le
ministre, chargé de mettre en pratique la
lettre du 19 janvier, joignît à la prépon-
dérance de M. Rouher les idées de M. Emile
Ollivier.
•̃'̃ •%
C'était alors ou du moins c'est mainte-
nant l'opinion de ce dernier, car il affirme
dans le livre instructif qui paraîtra de-
main, il affirme avoir refusé le ministère
de l'instruction publique, qui lui était po-
sitivement offert'avec l'accès des Cham-
bres. Et quoiqu'il avoue avoir accepté
après la succession de M. Rouher, si
M. Rouher déclinait l'honneur de mettre
la liberté dans ses meubles, il concède que
la collaboration du ministre d'Etat était
nécessaire.
Toujours est-il qu'à.la suite de longues
conférences avec M. de Morny, puis avec
M. Walewski, M. Emile Ollivier fut reçu
deux fois par l'Empereur. Il sortit de ces
conférences avec l'impression qu'empor-
tent tous les hommes libéraux qui appro-
chent le chef de l'EtatjJlsprJit ^çharmé.de
l'homme et seuJ.emjnt^aii5faiftiiï»soTive-
rai n. l7|impJêxeïï;iy^i4.,JJ^^ntFè'les
lignes lé récit de ces entrevues l'Em-
pereur était fixé sur la nécessité de faire
un pas en avant, mais il flottait entre
mille projets divers; le principe lui sem-
blait évident, l'exécution seule le tourmen-
tait. Les discours d9 M. Emile Ollivier ne
paraissent pas. avoir remué très fortement
le chef de l'Etat, car rien de net ne s'en
dégagea et les points importants sur les-
quels le jeune député insistaient ne firent
pas partie du programme du 19 janvier; et
pourtant c'est dix jours avant que les deux
entrevues avaient eu lieu.
Certes, M. Emile Ollivier n'a pas à se
plaindre, et ne me semble pas se plaindre
de l'Empereur. Il ne voulait pas être mi-
nistre, il ne l'eut été qu'à son corps dé-
fendant il ne l'est pas, mais M. Rouher
l'est, et M. Rouher paraît avoir joué avec
M. Emile Ollivier comme le chat avec la
souris. Je crois même avoir entendu dire
par des personnes bien informées que
l'Empereur n'approuvait pas la conduite
de ses ministres envers M. Ollivier qui,
après tout, que ce fût l'ambition qui le
poussât ou tout autre motif, avait fait
preuve de déférence, de bonne volonté,
en se mettant lui, ancien républicain, en
communication avec la couronne.
L'indiscret c'est l'indiscret qui a
déjà communiqué à M. Thiers le rapport
de la cour des comptes l'indiscret à
qui je dois de pouvoir parler par antici-
pation aux lecteurs du Figaro du livre de
M. Emile Ollivier ne m'a pas laissé pren-
dre beaucoup de notes. Cependant, sur
cette querelle de MM. Ollivier et Rouher,
il s'est montré plus généreux, et je puis
vous narrer l'affaire avec pièces à l'ap-
pui.
1 Voici d'abord les pièces qui simplifie-
ront mo\récit. Je les mets en face l'une
de l'autre\
27 janvier 1867.
Mon cher député,
Je vous remercie de
la communication que
vous m'avez faite, j'ai
iu ces notes avec
grand intérêt.
Je n'ai qu'à me louer
-de la franchise qui a
présidé à votre en-
tretien, et je n'atta-
ctàrai aucune impor-
tance à des insinua-
tions, qui cherche-
raient, à dénature^
vos intentions.
Au fond, croyez que
je cherche à assurer
au programme de
l'EmpereuK l'exécu-
tion la plus Miïcère et.
la plus loyale; toute
autre solution serait
sans valeur.
Recevez, mon cher
monsieur Ollivi&r
l'assurance de mes
sentimentsa ffectueux.
E. ROUHER.
21 janvW 1867.
Mon cher monsieur,
Les déterminations
de Sa Majesté son\ au-
jourd'hui' officielles
et je n'ignore pas quje
votre opinion n'a pas
été sans influence sur
les résolutions défini-
tives de l'Empereur.
Je serais heureux
de pouvoir m'enten-
dre avec vous sur
l'exécution des pro-
jets nouveaux. J'es-
père que vous ac-
cueillerez avec sym-
pathie cette commu-
nication affectueuse et
confidentielle et je
me mets à votre dis-
position.
Recevez, mon cher
député, l'assurance de
mes sentiments les
plus empressés.
E UOUHER.
A six jours de distance M. Rouher a
bien changé de ton! Tout dans ces deux
lettres, le style, la façon de détacher ou
d'enchainer le début, le salut, tout indique
deux situations différentes.
C'est que pour M. Rouher comme pour
tout Paris, M. E. Ollivier était le 21 jan-
vier l'auteur, l'homo ex machina des ré-
formes du 19 il était le premier ministre
du lendemain; et puis, on pouvait croire
encore les réformes sérieuses, radicales,
efficaces le 27 on avait appris que
M. Emile Ollivier n'était pas le provoca-
teur de la lettre du f§ janvier, mais une
sorte d'avocat consultant; on sa `~
ne serait 'pas ministre, et l'on pré§|ip!i3P"'
déjà la possibili'é' d'amoindj^*«'tmormé-
ment le programme impérjârtï
M. Emile Ollivier n'avait pas éfé joué,
il s'était trompé, car dans toute cette
affaire', celui qui a le plus à se plaindre
c'est sans contredit l'Empereur, dont les
volontés du 19 janvier n'ont pas été res-
pectées, et qui, pouvoir personnel, a ren-
contré de l'opposition autour de lui la pre-
mière fois qu'il a parlé de liberté.
y ':̃̃
J'ignore si le livre de M. Emile Oli-
vier sera suivi d'une réplique; mais dans
tous les cas, même si aucun des faits arti-
culés n'est contesté ou expliqué, il me
paraît certain que personne n'a compris
la philosophie de la lettre du 19 janvier
ni M. Rouher qui a voulu y voir le moins
possible, ni M. Emile Ollivier qui y a
trouvé ce qui n'y était pas.
Que Louis XIV qui disait l'Etat c'est
moi; que Napoléon 1er, qui avait avili tous
les pouvoirs jusqu'au silence absolu, aient
pu gouverner sans la liberté, cela se con-
çoit mais Napoléon III, comme il l'a très
bien dit à M. Emile Ollivier, succède à
des gouvernements parlementaires; >tl
n'est pas l'Etat, et il le sait; il n'a pas le
pouvoir de commander le silence, et il le
sait.
Les réformes du 19 janvier avaient
pour but, ce me semble, d'augmenter le
contrôle de la nation sans diminuer la
prérogative impériale.
Peut-être avant de les formuler n'a,t-
on pas assez étudié la difficulté de conci-
lier le contrôle avec la prérogative et ce
qui me paraît diviser MM. Ollivier et Rouîj
her c'est justement la mesure de cette
conciliation.
A mon humble avis tout ceci devrait
être une question de finances encore plus
qu'une question de liberté.
Je me mets au-dessus des gens qui ne
pardonnent pas le coup d'Etat, au-dessus
de ceux qui ne voient le bonheur de la
nation qu'avec un d'Orléans ou sous un
gouvernement républicain; je me mets au
point de vue de la multitude qui a besoin
de sécurité pour le travail et pour l'in-
dustrie.
Eh bien! je le répète, le couronnement
de l'édifice est une question de finances et
non une question de liberté.
Si l'Empereur avait, dans sa lettre du
19 janvier, donné l'ordre à M Rouher,
qu'il chargeait du portefeuille des finan-
ces, de réaliser une économie de cent
minions sur le budget des dépenses, s'il
avait annoncé l'intention de tenir la main
à ce que ce dégrèvement fût effectif et
non apparent, il n'y aurait pas eu d'oppo-
sition "de gauche, il n'y aurait pas eu de
journal qui eût pu soutenir que le régime
actuel n'entrait pas dans la voie du pro-
grès.
Mais on a promis des libertés vagues, des
libertés réglementées, des libertés indé-
cises l'opposition en a/profité, le pouvoir
n'en a pas bénéficié.
M. Emile Ollivier a ait eu une bonne
idée, c'était de faire retirer la loi sur
l'armée; mais ce n'était pas là une ré-
forme. La loi de 1832 éiait insuffisante, la
loi de 1868 est onéreuse il fallait modi-
fier celle de 1832 et ne/pas faire voter celle
de 1868 on pouvait même, par la ré-
forme de la loi de 1832, satisfaire le pays;
mais le gros morceau, ce sont les finances;
car il n'y a de liberjé possible que pour
les pays dont les comptes sont clairs et
nets. f
Malheureusement, les finances forment
le système même de l'Empire, et la lettre
du 19 janvier les laissa intactes.
."̃- ̃̃̃ A-
Je reviens au livre de M. Emile Olli-
vier. Il sera un événement, non point par
la portion personnelle à l'auteur, mais
par les révélations qu'il contient c'est la
première fois, je crois, que l'Empereur
est directement introduit dans un récit. IL
ya aussi de jolis épisodes sur la vie publi-
que et- le volume se termine par une let-
tre de" Pie IX à l'archevêque dé Paris, qui
fera .époque et. esclanire.
On pourrait adresser à M. Emile Olli-
vier un reproche grave celui d'avoir dé-
couvert son mandat de député pour deve-
nir ministre, et de compromettre aujour-
d'hui. son portefeuille pour être réélu
mais j'ai dit que M. Emile Ollivier était
avant tout un naïf.
Il ne sait pas que la première qualité
d'un homme politique est la discrétion et
la sûreté dans les relations.
Je désire que ses électeurs ne le lui fas-
sent pas durement sentir.
Jules Richard.
BCHOS POLITIQUES
Il est fort probable que la discussion sur
l'emprunt de la ville de Paris ne recom-
mencera pas aujourd'hui. La commission
a besoin de s'entendre avec le gouverne-
ment pour corriger son article ler. Cela
demandera un certain temps et donnera
certainement lieu à un nombre assez con-
sidérable de nouveaux amendements, sans
compter les anciens. M. Pagézy tient beau-
coup à celui qu'il a présenté et que l'on
peut considérer comme un autre projet de
loi. Mais il est bien évident que la Cham-
bre, désormais fixée et satisfaite, passera
vite sur toutes les réformes que les mem-
bres lui proposent, en reconnaissance des
concessions que le gouvernement lui a ac-
cordées.
Si la discussion ne peut être reprise au-
jourd'hui, les heureux privilégiés qui
ont obtenu des billets auront le bon-
heur d'entendre M. Maurice Richard
sur les cimetières. M. Maurice Richard,
fort agréable, d'ailleurs, de sa personne,
et qui porte les cheveux à l'artiste, rele-
vés, sans raie, derrière la tête, n'est pas
16* Année 3' Série -r Numéro 60
Un numéro 15 centimes
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AUGUSTE DUKOHT
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BUREAUX
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5, RUE COQ-HÉEON ET RUE 1OSSINI, S
GUETTE DE PARIS
La salle des Italiens était sombre
comme .un caveau de cimetière; sur la
scène, éclairée seulement par de rares
quinquets, se dessinaient dans un clair
obscur les musiciens de l'orchestre et
les choristes. Au premier plan, l'Alboni
et la Krauss, Nicolini et Agnesi atten-
daient le signal du chef d'orchestre. Par
une petite fenêtre du Paradis entrait par
ci par là un rayon de soleil traversant la
vaste salle obscure pour venir frapper en
plein visage les quatre artistes du pre-
mier plan, tandis que le fond de la scène
restait noyé dans la lueur blafarde des
lampes. >
Tout là-bas, là-bas, au fond, on distin-
guait dans le clair obscur le buste de
Rossini avec une couronne de laurier
en or.
Dans la salle, plongée dans la plus
profonde obscurité, on apercevait à peine
les silhouettes des rares invités admis à
la répétition générale de la messe de Ros-
sini. On était silencieux, on se serrait la
main, on se parlait à voix basse; on avait
peur de troubler le recueillement du voi-
sin dans ces funérailles intimes d'un grand
artiste.
J'ai vu l'enterrement officiel à la Tri-
nité. Cette église inondée de lumières,
ces uniformes, ces cravates blanches, ces
décorations, toute cette foule chamarrée
de cordons et de broderies, ces soldats
faisant résonner la crosse de leurs fusils, à
côté du cadavre, sur les dalles de l'église,
tout cet apparat officiel, ces croque-morts
en grande tenue et ce char argenté qui
attendait au dehors le corps d'un grand
homme, m'avaient laissé indifférent.
Tout en haut sur la galerie, j'avais
aperçu Jules Cohen, dirigeant les chœurs;
Faure chantait, l'Alboni aussi; c'était un
délicieux concert, sans doute, mais sauf
chez quelques amis qui pleuraient le grand
homme, on lisait plutôt la curiosité sur
toute? le", figurés que l'émotion.
Au dehqrs stationnait la foule indiffé-
rente. Le mort intéressait beaucoup moins
que les vivants. On voulait voir passer les
maréchaux, les sénateurs, les hommes il-
lustres qui devaient suivre le convoi.
J'ai vu le même empressement aux en-
terrements des morts en évidence, dont
Ip seul talent fut d'être heureux.
Quelle différence entre cette foâle et les
privilégiés qui composaient le public de
la répétition générale de la messe; il y
avait dans la salle une assemblée d'ar-
tistes, dont les cœurs battaient d'émotion.
Tous les exécutants sur la scène sem-
blaient avoir pris le deuii cette salle
sombre, ce public recueilli, non de ma
vie, je n'oublierai ce moment.
II me semblait qu'on n'attendait que le
cercueil de RossiRi pour commencer la cé-
rémonie funèhre dans le caveau d'une
église..
C'est à peine si l'on distinguait son
voisin dans cette obscurité. Quand le so-
leil, perçant les nuages.vint de loin enloin
se faufiler par la petite fenêtre du cintre,
Surgirent de l'ombre la tête inspirée de
JFélicien David, le profil correct de made-
moiselle Favart et d'autres têtes connues
et aimées du public. Mais ce ne fut qu'un
éclair, comme le rayon d'une lumière
magique qui passait rapidement dans la
salle, disparaissait tout aussitôt, et tout
rentrait dans l'ombre et le si.lence.
Enfin le chef d'orchestre monta sur son
tabouret, et quand il frappa sur la parti-
tion pour donner le signal, il me sembla
entendre la hallebarde _du suisse réson-
ner sur les dalles de la cathédrale. Ceux
qui chuchottaient dans le fond se turent
subitement, et au premier accord qui vint
envahir notre âme, tous se découvraient
comme devant le corbillard qui passe.
Il y, avait aussi quelques sceptiques
dans cet auditoire ému. Je fus du nom-
bre et je n'ai aucune honte de l'avouer.
L'oisiveté du grand vieillard italien m'a-
vait toujours troublé dans mon admira-
tion il me semblait qu'il me privait illé-
galement d'une fraction de son génie; je
lui en voulais de se taire comme j'en
voulais à l'électeur de Hesse, petit tyran
Collas qui ferma le musée de dassel,
sous prétexte que les chefs-d'œuvre de
la peinture n'étaient pas faits pour la
foule. Rossini avait, lui aussi, fermé
son musée; le soin qu'il prit à cacher au
jpublic les œuvres de ses dernières années
.ressemblait à un dédain p»u justifié de la
génération présente. Clonflt dans sa gloire,
retiré dans son apothéose de Passy, ce
vieillard paraissait mépriser le monde
nouveau qui avait eu l'audace de ne pas
adorer exclusivement le dieu italien.
Les officieux- ils n'en font jamais d'au-
tres arrivaient de Passy avec des nou-
velles à la main, des mots bons ou mau-
vais, que dans l#ur zèle ils attribuaient
au maître. Nous autres qui ne l'avions ja-
mais vu, nous crûmes toutes ces bali-
vernes nous nous figurions Rossini avec
un tablier blanc dans sa cuisine, en train
de préparer le macaroni pour ses invi-
tés, ou cherchant dans la solitude du jar-
din un mot piquant pour le dessert.
Et à l'heure où l'ironie facile lui lan-
çait des flèches en carton, je sais qu'ellfs
étaient en eârisan, car j'en ai confection-
né, lui le graad homme, insouciant du
bruit du dehors, ne s'occupait ni du
macaroni ni de ses amis il écrivait
cette page sublime dont nous avons en-
tendu la répétition générale. Et pendant
que tous les grands morceaux, dont vous
entretiendra notre critique musical,
remplissaient les cœurs d'une indes'
criptible émotion, il me semblait entendre
un ricanement d'outre-tombe qui vengeait
le grand maestro de tous les dédains et de
tous les sarcasmes.
Je ne crois pas que le public pour qui
s'ouvrent à deux battants les portes des
Italiens à l'heure où je jette sur le papier
le souvenir de samedi, ressenteunepareille
émotion la salle sera inondée de lumiè-
res, les loges seront remplies de soie, de
fleurs et de diamants, comme dans une
réception officielle. Le tableau sera rayon-
nant, sans doute, mais il ne vaudra pas
le doux mystère de samedi dernier.
Figurez-vous cette salle des Italiens la
nuit quand le dernier coupé a emporté
la dernière rivière de diamants; le lustre
et la lampe sont éteints; vous vous êtes
endormi au fond d'une loge; tout à coup
de divines harmonies viennent vous ré-
veiller vous regardez autour de vous, et'
vous appercevez sur la scène éclairée seu-
lement par quelques lampes blafardes, les
choristes et les musiciens, l'Alboni, la
Krauss, Nicolini et Agnesi. Vous vous de-
mandez si vous rêvez. Mais cela est, cette
musique sublime c'est la messe de Rossini,
et vous osez à peine applaudir de peur de'
chasser les fantômes qui vous enivrent de
leur chant et de leurs accords.
Nous avons tous éprouvé une pareille
sensation samedi dernier, dans cette salle
obscure, presque vide. On écoutait, on
avait peur de perdre une note de temps
en temps on poussait le voisin du coude
pour se convaincre qu'il était bien vivant
et que l'on ne rêvait pas.
M. Armand de Pontmartin, un lettré
et un artiste, était à côté de moi, et de
temps en temps il levait les bras au ciel
comme s'il avait voulu serrer la main de
Rossini. M. Blaze de Bury, le savant, cri-
tique musical doublé d'un spirituel boule-
vardier, était accroupi au fond de l'or-
chestre, la tête appuyée dans ses mains,
admirant le maître, pleurant l'ami. Qui
encore ? Je ne sais au juste, car on n'y
voyait pas bien dans cette obscurité mais
je crois avoir aperçu Henri Lavoye, du
Moniteur M. Feyrnet, homme d'esprit du
Temps; Pierre Véron, Alexandre de La-
vergne, E. Gautier,Gouzien et sur tous les
visages la même joie et la même émotion.
Et cependant, cette exécution n'était
entourée d'aucune mise en scène. Sou-
vent les chœurs hésitaient, et le chef
d'orchestre marquait la mesure avec
les pieds et les mains. Nicolini ne
chantait qu'à mezza voce mais toutes ces
imperfections toutes- ces négligences
ne troublaient pas notre émotion et
notre admiration. Et quand tout fut fini
et qu'après le dernier morceau, le plus
grandiose de tous, on se retrouvait dans
les couloirs en pleine lumière, on se ser-
rait la main; tous éprouvaient le même
enivrement que partageaient les exécu-
tants. Mademoiselle Krauss, la grande ar-
tiste, nous avouait avec une simplicité
charmante que ce sancius lui causait
une émotion indescriptible et qu'elle ne
croyait jamais avoir chanté avec tant
d'ame et tant de conviction.
Il m'en coûte, croyez-le bien, de ns pas
insister davantage sur les beautés de cette
grande partition; ceci est du domaine de
notre critique Bénédict, plus autorisé que
moi, à vous parler d'un chef-d'œuvre mu-
sical. Je me suis borné à traduire ici une
impression toute personnelle sans oser
discuter les points lumineux de cette page
sublime. La tâche de mon confrère Bé-
nédict commence où la mienne finit.
Albert Woffi
PROFILS PARLEMENTAIRES
M. CARNOT
DÉPUTÉ DE LA SEINE
68 ans. Ancien déjuté, ancien ministre,
ancien représentant du peuple à l'Assam-
blée constituante et à l'Assemblée législa-
tive. Elu en 1863 par 18,551 voix sur
19,873 votants.
Voilà une carrière bien remplie et
aucune -occasion n'a manqué au flls de
Carnot pour se greffer une réputation sur
la gloire paternelle. Il s'en est fait une
qui a bien son prix tous ceux qui ne le
connaissent pas disent de lui: «Càe'doit
être un grand homme 1 Ceux qui le
connaissent répondent « C'est un brave
homme »
Il a une de ces têtes respectables qui
caractérisent bien plutôt la bourgeoisie
orléaniste que la démocratie républicaine.
Vingt députés de la majorité lui ressem-
blent, et il ressemble lui-même à feu
M. Havin, bien qu'un peu moins majes-
tueux. Un collier de favoris blancs, à la
dernière mode de 1840, encadre son vi-
sage une gravité toute politique est em-
preinte sur ses traits; son geste est sé-
rieux, sa démarche est noble; c'est à peine
s'il consent quelquefois à se dérider un
peu pour sourire discrètement aux pro-
fondes pensées qui l'absorbent.
Quel est cet homme d'Etat? demande
un provincial dans les tribunes.
-–C'est M. Carnot, député de Montmar-
tre répond immédiatement un Parisien.
M Carnot a commencé par être saint-
simonien on l'6tait alors, comme on est
normalien aujourd'hui. Il écrivit dans les
journaux de la secte un certain nombre
d'articles qui ne furent pas assez remar-
qués pour éloigner de lui les électeurs.
La révolution de 1848 le trouva député et*
le fit ministre. Il écrivit alors (lui aussi!)
des circulaires aux maîtres d'école. li
leur recommandait de ne faire épeler au
suffrage universel que des alphabets ré-
publicains, ce qui parut fort libéral.
En souvenir de son court passage au
ministère de l'instruction publique, M.
Carnot fait chaque année, à la tribune, sa
petite conférence sur le gratuit et l'obli-
gatoire. M. Jules Simon l'applaudit, on
dit même qu'il le souffle. M. Carnot a
d'ailleurs un autre cheval Je bataille,
c'est la Pologne. Il prie pour elle et il a
raison la malheureuse n'a plus besoin
que de nos prières v
L. de la Comte.
Echos de Paris
La réception de M. Autran à l'Acadé-
mie française aura lieu le jeudi 8 avril.
Celle de M. Claude Bernard se fera le 22
du même mois. Enfin, le scrutin acadé-
mique pourle remplacement de'MM. Vien-
net, Berryer et Empis est fixé- jeudi
29 avril. v
On annonce que M. le comte de Brosses,
le descendant du célèbre auteur des Lettres
sur l Italie, est à toute extrémité..
b
Samedi dernier, madame Parnell rece-
vait une dernière fois l'élite de la société
anglaise, américaine et parisienne de Pa-
ris. Pas de foule sur le minuit seulement
un peu d'encombrement par .v 'le monde
venu de l'Hôtel-de-Ville et di| charmant
concert de madame Downing. • :e
En voyant toutes ces dames, un philan-
thrope se disait qu'il jserait temps, peut-
être, de refaire la brochure de M«-pupin.
Quel luxe! au milieu duquel ressortait
surtout la robe verte de madame Biers-
tadt à retroussis blancs, dan| un. ravis-
sante parure de lilas les toilettes bleues
do mesdemoiselles de Laroche, Pondiin,
et les blanches robas des trois demoiselles
de la maison.
·
5
Société nombreuse et choisie au mi-
lieu d'elle M. et madame Fafcpner, ma-
dame Shakespeare (du comté de Galles,
tout comme le grand poëte), *M. et ma-
dame Burlingame, les Chinois et M.
Browne, de la même maison; marquis de
Bassano la famille Binnse djic Braschi
madame Osborne comte dé. Courson
prince Czartoriski; M. Fould comte de
Garminy; comtesse de Gabriac made-
moiselle Godwin madame Hetae, M. Hi-
dalgo madame Moulton princesse de
Monbar ladies Morris; prince Manga-
nelli prince Sciara de Palerme mes-
dames Pilié mesdames P.ayn.e, comte de
Rasilly, etc., etc.
#*# y ̃̃'̃?-
Soirée charmante buffet gantagruéii-
que anglais, américain, français, etc.
il y en avait pour tous les goûts foies
gras et champagne, volailles ettruffes,
homards, mayonnaises, c'était complet,
rien n'y manquait. La choucroute était
représentée par le blond M. 4'Arnim de
l'ambassade de M. de Bismark-Schœn-
hœsen. Atchi
̃̃•̃̃̃- g .-y
Ah ce fut une rude nuit, messeigneurs,
que la nuit du samedi 27 au dimanche
28 février.
Rude pour les danseurs, rude pour les
musiciens, rude pour les soupeurs.
Les fleuristes dansaient au Louvre, les
artistes (?) à T Opéra-Comique, lès démoi-
selles de magasin à Valentino.
Je vous réponds qu'on s'est amusé dans
ce dernier bal. °
̃ ••• X
De la vie, pareil entrain, pareille gaieté
n'animèrent une soirée.
Ces demoiselles en toilette de bal éta-
laient de splendides épaules; les minois
les plus frais souriaient aux danseurs en-
ragés. Jusqu'après cinq. heures, on se li-
vrait aux galops -les plus effrénés.
Ah 1 ces messieurs ont du biceps et du
jarret. Nous devons dire d'ailleurs que la
société était des mieux composées, et
qu'une foule de gilets en cœur avaient fui
l'Opéra-Comique pour venir sans façon se
trémousser de leur mieux, et sarpejéu! ils
ne s'en flrent pas fauK n
#*#
La recette a, dû être des plus belles, il
n'y avait certes pas loin de trois mille
personnes.
Des soupers joyeux terminèrent cette
soirée dont tous, jeunes et belles-filles et
vilains barbus, garderont le meilleursou-
venir.
On se séparait en se disant entre deux
baisers discrets A l'année prochaine!
Quelques détails administratifs la co-
tisation mensuelle est de 2 fr. 50 c. La
Société est présidée par M. Ménessier,
médecin du prince Napoléon; son vice-
président est M. D. Augerville, qui l'a fon-
dée avec l'intention de venir en aide, dans
les jours de misère et de maladie, à ces
nombreuses jeunes filles qu'emploie le
commerce parisien.
Insouciantes pour la plupart, quelqu'un
pense à l'avenir pour elles.
L'élévation des mises au Casino de Mo-
naco cinq francs au minimum à la rou-
lette, et vingt francs au trente-et-quarante
•i-a produit le meilleur effet.. La société
s'est épurée, il y à moins de mélange.
Mais pourquoi trois tables de roulette
et une seule de trente-et-quarante!
Bénazet I", l'ancien fermier des jeux à
Paris, appelait la roulette le couteau à
deux -tranchants. Il disait aussi qu'il fau-
drait faire dorer les fauteuils des joueurs.
Ah! les joueurs, comme il lès connais-
sait
Si l'on vous offre une concession de
jeux dans un désert, conseillait-il à un
ami, n'y eut-il pas un arbre, pas une
goutte d'eau, acceptez. les joueurs y
'viendront toujours bien 1
#*#̃
Il y a eu, toute la semaine, de grands
gains et de grandes pertes à Moraco.
L'autre jour, quatorze coups à la couleur
ont été suivies de seize coups à l'inverse.
Les joueurs ont gagné 150,000 fr. Le len-
demain, madame S. en enlevait 125,000
à la banque.
Et l'on dit que las jours se suivent et ne-
se ressemblent pas 1
Un joli mot de M. Calley Saint-Paul,- le
héros du moment
« Le régime actuel, c'est le système cel-
lulaire appliqué à la politique. »
II y a quelques jours, une violente alter-
dation eut lieu entre deux hommes du
monde l'un, M. de M.; l'autre, un Hano-
vrien, actuellement officier supérieur dans
Tannée prussienne.
Tous deux avaient servi ensemble dans
l'armée ha-novrienne et la cause de l'al-
tercation était quelques propos malséants
tenus par l'officier Mir M. de M. Après
de longs pourparlers dans lesquels dut in-
tervenir un prince étranger. Une rencon-
tre fat décidée.
Les résultats du duel devaient être sé-
rieux. On se battait au pistolet de tir, à
trente pas. Chaque adversaire ayant le
droit de faire huit pas,et de tirer à volonté.
Le duel a eu lieu avant-hier à Erque-
lines (frontières de la Belgique et de la
France).
M. de M. connaissant la force de son
adversaire au pistolet, tira presque immé-
diatement le signal donné. La balle ef-
fleura tellement près l'oreille de son ad:
versaire que celui-ci (il l'avoua plus tard)
en fut presque assourdi; mais il flt alors
quatre pas en avant et, après avoir soi-
gneusement visé, lâcha la détente.
Au même instant M. de M. fit deux
tours sur lui-même et s'abattit.,
On accourt pour le relever.
Il avait reçu la balle sur une fausse côte.
Heureusement pour lui, il portait dans
la poche de son gilet un paquet de billets
de banque et quelques cartes de visite.
La balle, après avoir frappé l'heureux
obstacle, avait glissé de quelques centi-
mètres et était venue se loger au milieu
delà liasse de billets.
M. de M. par un hasard providentiel,
n'avait été que violemment contusionné.
C'est bien le cas de. répéter le mot fa-
meux
• Voilà de l'argent bien placé.
<: En voyant tomber son adversaire, l'offi-
cier s'est approché de lui et lui a déclaré,
loyalement, que les propos qu'il avait te-
nus contre lui étaient sans fondement et
qu'il le tenait pour un galant homme.
M. de M. a été vu aujourd'hui à Paris
tout à fait remis des suites de cette ren-
contre, qui menaçait d'avoir un résultat
plus fatal.
Elle a cinq enfants, la duchesse de P.
babys adorables, mais terribles, Le fouet,
la cave, la corde même, rien n'y fait.
Il y a quelques jours, des peintres, qui
travaillaient à l'Hôtel, oublient un pot de
couleur. L'aîné s'en empare et peint en
vert son frère au maillot. La nourrice ar-
rive. Terreur, désespoir! Elle crie au cho-
léra. La stupeur passée, tout le monde rit
aux larmes.
C'est égal, l'enfant a été malade. il
s'était léché.
Emile Blavet.
CHRONIQUE DE PARIS
'<
Jusqu'à présent le nom de M. Emile Ol-
livier faisait penser au renard de la fable
après avoir lu les épreuves de son Compte
rendu aux électeurs de la troisième circons-
cription de Paris,, intitulé LE 19 JAN-
VIER, on est tenté de croire que ce re-
nard est mâtiné d'agneau et qu'on a mal
défini son cas en l'appelant La ffi-ande
trahison de M. de Mirabeau c'est la Grande
naïveté d'un bon jeune homme qu'il eût fallu
dire.
On doit toujours croire un homme dis-
cuté qui vient se mettre en cible et ra-
conter au public sa vie, ses espérances et
ses déceptions on doit le croire, parce
qu'il s'expose à des démentis, et qu'en
histoire contemporaine tout ce qui n'est
pas démenti est vrai.
Donc M. Emile Ollivier a dit la vérité
sur ses rapports avec le chef de l'Etat,
avec quelques hauts personnages de l'Em-
pire il n'a peut-être pas dit la vérité
aussi nette sur lui-même que sur M. Rou-
her, et vraiment il ne faut pas lui en te-
nir rigueur.
Otez à M. Emile Ollivier la naïveté et
la vanité, il devient. un homme supérieur;
sa médiocrité relative, la fausse position
qu'il s'est faite, l'isolement où il se trouve
entre une minorité qui ne veut plus de
lui et une majorité qui n'en voudra ja-
mais, tout cela découle de la naïveté et
de la vanité incommensurables de M.
Emile Ollivier.
M. Emile Ollivier, dans son 19 JAN-
VIER, que la librairie internationale met-
tra en vente demain matin mardi, M.
Emile Ollivier adoptant la forme des mé-
moires, se met en scène dans l'histoire de
ces vingt dernières années. Le rôle quil
s'y donne n'est point laid il y a du fémi-
nin dans sa manière de s'apprécier, il dit
volontiers Je; volontiers il s'appesantit
sur sa façon de concevoir et d'exécuter;
il n'y a rien de fortuit dans sa vie, il a
tout prévu et tout bien prévu.
Mais c'est là le petit côté du livre de
M. Ollivier, un homme raconté par un
autre homme est quelquefois bien vu
mais un homme raconté par lui-même est
toujours triché, et le plus grand capitaine
des temps modernes, l'Eaipereur Napo-
léon 1er, a donné dans ses dictées de
Sainte-Hélène le plus solennel exemple
d'un génie qui se farde devant la posté-
rité.
Si M. Emile Ollivier s'est mal vu ou
plutôt trop vu, il est juste pour ceux qu'il
a approchés, sévère mais juste et.
dans l'éreintement de M. Rouher, dont je
recommande la lecture à tous les gour-
mets de perfidie, il n'y a pas un trait qui
ne soit vrai dans une proportion quelcon-
que et qui pùt être absolument nié. M.
Emile Ollivier n'a vu que des poutres dans
le talent du premier ministre et que des
lauriers dans le sien.
Aussi est-il bien convaincu, bien certain
que le seul ennemi de toutes nos libertés
c'est M. Rouher.
J'avoue que le libéralisme de M. Rouher
m'a toujours trouvé incrédule; mais lors-
que j'ai vu paraître la lettre du 19 janvier
et que je n'ai point vu entrer M. Ollivier
au ministère, j'ai trouvé que c'était d'une
bonne politique. Je ne croyais pas en
effet qu'il fut possible de faire accepter au
Corps législatif, tel qu'il est composé,
quatre pouces de liberté et je ne voyais
que M. Rouher qui fût en position de
dorer des pilules libérales et de les faire
gober aux inertes résistants de la majorité.
M. Emile Ollivier me paraissait un épou-
vantail à candidats officiels dont l'avéne-
ment au pouvoir aurait fait le vide autour
du gouvernement. Aujourd'hui je crois
que pour bien faire, il aurait fallu que le
ministre, chargé de mettre en pratique la
lettre du 19 janvier, joignît à la prépon-
dérance de M. Rouher les idées de M. Emile
Ollivier.
•̃'̃ •%
C'était alors ou du moins c'est mainte-
nant l'opinion de ce dernier, car il affirme
dans le livre instructif qui paraîtra de-
main, il affirme avoir refusé le ministère
de l'instruction publique, qui lui était po-
sitivement offert'avec l'accès des Cham-
bres. Et quoiqu'il avoue avoir accepté
après la succession de M. Rouher, si
M. Rouher déclinait l'honneur de mettre
la liberté dans ses meubles, il concède que
la collaboration du ministre d'Etat était
nécessaire.
Toujours est-il qu'à.la suite de longues
conférences avec M. de Morny, puis avec
M. Walewski, M. Emile Ollivier fut reçu
deux fois par l'Empereur. Il sortit de ces
conférences avec l'impression qu'empor-
tent tous les hommes libéraux qui appro-
chent le chef de l'EtatjJlsprJit ^çharmé.de
l'homme et seuJ.emjnt^aii5faiftiiï»soTive-
rai n. l7|impJêxeïï;iy^i4.,JJ^^ntFè'les
lignes lé récit de ces entrevues l'Em-
pereur était fixé sur la nécessité de faire
un pas en avant, mais il flottait entre
mille projets divers; le principe lui sem-
blait évident, l'exécution seule le tourmen-
tait. Les discours d9 M. Emile Ollivier ne
paraissent pas. avoir remué très fortement
le chef de l'Etat, car rien de net ne s'en
dégagea et les points importants sur les-
quels le jeune député insistaient ne firent
pas partie du programme du 19 janvier; et
pourtant c'est dix jours avant que les deux
entrevues avaient eu lieu.
Certes, M. Emile Ollivier n'a pas à se
plaindre, et ne me semble pas se plaindre
de l'Empereur. Il ne voulait pas être mi-
nistre, il ne l'eut été qu'à son corps dé-
fendant il ne l'est pas, mais M. Rouher
l'est, et M. Rouher paraît avoir joué avec
M. Emile Ollivier comme le chat avec la
souris. Je crois même avoir entendu dire
par des personnes bien informées que
l'Empereur n'approuvait pas la conduite
de ses ministres envers M. Ollivier qui,
après tout, que ce fût l'ambition qui le
poussât ou tout autre motif, avait fait
preuve de déférence, de bonne volonté,
en se mettant lui, ancien républicain, en
communication avec la couronne.
L'indiscret c'est l'indiscret qui a
déjà communiqué à M. Thiers le rapport
de la cour des comptes l'indiscret à
qui je dois de pouvoir parler par antici-
pation aux lecteurs du Figaro du livre de
M. Emile Ollivier ne m'a pas laissé pren-
dre beaucoup de notes. Cependant, sur
cette querelle de MM. Ollivier et Rouher,
il s'est montré plus généreux, et je puis
vous narrer l'affaire avec pièces à l'ap-
pui.
1 Voici d'abord les pièces qui simplifie-
ront mo\récit. Je les mets en face l'une
de l'autre\
27 janvier 1867.
Mon cher député,
Je vous remercie de
la communication que
vous m'avez faite, j'ai
iu ces notes avec
grand intérêt.
Je n'ai qu'à me louer
-de la franchise qui a
présidé à votre en-
tretien, et je n'atta-
ctàrai aucune impor-
tance à des insinua-
tions, qui cherche-
raient, à dénature^
vos intentions.
Au fond, croyez que
je cherche à assurer
au programme de
l'EmpereuK l'exécu-
tion la plus Miïcère et.
la plus loyale; toute
autre solution serait
sans valeur.
Recevez, mon cher
monsieur Ollivi&r
l'assurance de mes
sentimentsa ffectueux.
E. ROUHER.
21 janvW 1867.
Mon cher monsieur,
Les déterminations
de Sa Majesté son\ au-
jourd'hui' officielles
et je n'ignore pas quje
votre opinion n'a pas
été sans influence sur
les résolutions défini-
tives de l'Empereur.
Je serais heureux
de pouvoir m'enten-
dre avec vous sur
l'exécution des pro-
jets nouveaux. J'es-
père que vous ac-
cueillerez avec sym-
pathie cette commu-
nication affectueuse et
confidentielle et je
me mets à votre dis-
position.
Recevez, mon cher
député, l'assurance de
mes sentiments les
plus empressés.
E UOUHER.
A six jours de distance M. Rouher a
bien changé de ton! Tout dans ces deux
lettres, le style, la façon de détacher ou
d'enchainer le début, le salut, tout indique
deux situations différentes.
C'est que pour M. Rouher comme pour
tout Paris, M. E. Ollivier était le 21 jan-
vier l'auteur, l'homo ex machina des ré-
formes du 19 il était le premier ministre
du lendemain; et puis, on pouvait croire
encore les réformes sérieuses, radicales,
efficaces le 27 on avait appris que
M. Emile Ollivier n'était pas le provoca-
teur de la lettre du f§ janvier, mais une
sorte d'avocat consultant; on sa `~
ne serait 'pas ministre, et l'on pré§|ip!i3P"'
déjà la possibili'é' d'amoindj^*«'tmormé-
ment le programme impérjârtï
M. Emile Ollivier n'avait pas éfé joué,
il s'était trompé, car dans toute cette
affaire', celui qui a le plus à se plaindre
c'est sans contredit l'Empereur, dont les
volontés du 19 janvier n'ont pas été res-
pectées, et qui, pouvoir personnel, a ren-
contré de l'opposition autour de lui la pre-
mière fois qu'il a parlé de liberté.
y ':̃̃
J'ignore si le livre de M. Emile Oli-
vier sera suivi d'une réplique; mais dans
tous les cas, même si aucun des faits arti-
culés n'est contesté ou expliqué, il me
paraît certain que personne n'a compris
la philosophie de la lettre du 19 janvier
ni M. Rouher qui a voulu y voir le moins
possible, ni M. Emile Ollivier qui y a
trouvé ce qui n'y était pas.
Que Louis XIV qui disait l'Etat c'est
moi; que Napoléon 1er, qui avait avili tous
les pouvoirs jusqu'au silence absolu, aient
pu gouverner sans la liberté, cela se con-
çoit mais Napoléon III, comme il l'a très
bien dit à M. Emile Ollivier, succède à
des gouvernements parlementaires; >tl
n'est pas l'Etat, et il le sait; il n'a pas le
pouvoir de commander le silence, et il le
sait.
Les réformes du 19 janvier avaient
pour but, ce me semble, d'augmenter le
contrôle de la nation sans diminuer la
prérogative impériale.
Peut-être avant de les formuler n'a,t-
on pas assez étudié la difficulté de conci-
lier le contrôle avec la prérogative et ce
qui me paraît diviser MM. Ollivier et Rouîj
her c'est justement la mesure de cette
conciliation.
A mon humble avis tout ceci devrait
être une question de finances encore plus
qu'une question de liberté.
Je me mets au-dessus des gens qui ne
pardonnent pas le coup d'Etat, au-dessus
de ceux qui ne voient le bonheur de la
nation qu'avec un d'Orléans ou sous un
gouvernement républicain; je me mets au
point de vue de la multitude qui a besoin
de sécurité pour le travail et pour l'in-
dustrie.
Eh bien! je le répète, le couronnement
de l'édifice est une question de finances et
non une question de liberté.
Si l'Empereur avait, dans sa lettre du
19 janvier, donné l'ordre à M Rouher,
qu'il chargeait du portefeuille des finan-
ces, de réaliser une économie de cent
minions sur le budget des dépenses, s'il
avait annoncé l'intention de tenir la main
à ce que ce dégrèvement fût effectif et
non apparent, il n'y aurait pas eu d'oppo-
sition "de gauche, il n'y aurait pas eu de
journal qui eût pu soutenir que le régime
actuel n'entrait pas dans la voie du pro-
grès.
Mais on a promis des libertés vagues, des
libertés réglementées, des libertés indé-
cises l'opposition en a/profité, le pouvoir
n'en a pas bénéficié.
M. Emile Ollivier a ait eu une bonne
idée, c'était de faire retirer la loi sur
l'armée; mais ce n'était pas là une ré-
forme. La loi de 1832 éiait insuffisante, la
loi de 1868 est onéreuse il fallait modi-
fier celle de 1832 et ne/pas faire voter celle
de 1868 on pouvait même, par la ré-
forme de la loi de 1832, satisfaire le pays;
mais le gros morceau, ce sont les finances;
car il n'y a de liberjé possible que pour
les pays dont les comptes sont clairs et
nets. f
Malheureusement, les finances forment
le système même de l'Empire, et la lettre
du 19 janvier les laissa intactes.
."̃- ̃̃̃ A-
Je reviens au livre de M. Emile Olli-
vier. Il sera un événement, non point par
la portion personnelle à l'auteur, mais
par les révélations qu'il contient c'est la
première fois, je crois, que l'Empereur
est directement introduit dans un récit. IL
ya aussi de jolis épisodes sur la vie publi-
que et- le volume se termine par une let-
tre de" Pie IX à l'archevêque dé Paris, qui
fera .époque et. esclanire.
On pourrait adresser à M. Emile Olli-
vier un reproche grave celui d'avoir dé-
couvert son mandat de député pour deve-
nir ministre, et de compromettre aujour-
d'hui. son portefeuille pour être réélu
mais j'ai dit que M. Emile Ollivier était
avant tout un naïf.
Il ne sait pas que la première qualité
d'un homme politique est la discrétion et
la sûreté dans les relations.
Je désire que ses électeurs ne le lui fas-
sent pas durement sentir.
Jules Richard.
BCHOS POLITIQUES
Il est fort probable que la discussion sur
l'emprunt de la ville de Paris ne recom-
mencera pas aujourd'hui. La commission
a besoin de s'entendre avec le gouverne-
ment pour corriger son article ler. Cela
demandera un certain temps et donnera
certainement lieu à un nombre assez con-
sidérable de nouveaux amendements, sans
compter les anciens. M. Pagézy tient beau-
coup à celui qu'il a présenté et que l'on
peut considérer comme un autre projet de
loi. Mais il est bien évident que la Cham-
bre, désormais fixée et satisfaite, passera
vite sur toutes les réformes que les mem-
bres lui proposent, en reconnaissance des
concessions que le gouvernement lui a ac-
cordées.
Si la discussion ne peut être reprise au-
jourd'hui, les heureux privilégiés qui
ont obtenu des billets auront le bon-
heur d'entendre M. Maurice Richard
sur les cimetières. M. Maurice Richard,
fort agréable, d'ailleurs, de sa personne,
et qui porte les cheveux à l'artiste, rele-
vés, sans raie, derrière la tête, n'est pas
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