Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1868-12-31
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 31 décembre 1868 31 décembre 1868
Description : 1868/12/31 (Numéro 367). 1868/12/31 (Numéro 367).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
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Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Description : Collection numérique : France-Brésil Collection numérique : France-Brésil
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
15' Année t-'V Série– Pkiùgro 367
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Un numéro i 5 oenUme».
Jeudi 31 Décembre 1868
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SÉRAPHINE
J COMÉDIE EN CINQ ACTES
DE M. VICTORIEN SARDOU
« Regarde ce salon où la mondaine
» d'autrefois le dispute encore à la nou-
» velle convertie! Le tapis est sombre,
» mais il e<*t doux aux pieds. Les meubles
« affectent, des tonnes austères qui protes-
n tent contre les contorsions avachies du
» mobilier moderne mais les coussins
» sont d'un moelleux qui rappelle que la
i> chair a4 ses droits. Tu trouveras ici
» partout cette alliance du comfort et de
» Taust^rité. Une chapelle dans un bou-
» doir. » » .̃'•̃
C'est la phrase textuelle par laquelle
Planterose, le gendre de la baronne de
Rosanges, prépare l'entrée de la Dévote.
On pouvait croire, d'après cette introduc-
tion, qûe^M. Sardou avait attaqué de front
la haute actualité, et qu'il nous montre-
rait la dévote parisienne, courant du bal
de l'Opéra à l'église et du sermon au Bois!
Toutes les révélations que Planterose fait
à son ami Robert sur l'intérieur de la
Dévote et sur les étranges personnages
qui hantent ssoa-saion, toute cette exposi-
tion .pétillante d'esprit, et du meilleur,
avait faitjjaHre dans le public l'espoir que
M. Sardou lui montrerait cette dévote du
jour qui place au même niveau dans son
estime et légère. Hyacinthe et le coutu-
rier "W;ortth^
.c j. tJ:.f
Le désenchantement a été complet dès
la première entrée de Séraphine. A la
place de la mondaine dévote, telle que
nous l'avions rêvée après la remarqua-
ble scène entre Planterose et Robert,
nous avons, à notre grande stupéfaction,
vu l'original, qui ne ressemble guère au
portrait si fin, si spirituel, si parisien que
le gendre venait de faire-de sa belle-mère.
-1. -r,_
L a dévote de M. 'SaisJou n'est~pas la dé-
vote de 1868;. on dirait un vreirx :•• portrait
d'un autre âge. Pour la' baronne de Ro-
sanges, les joies du monde n'existent
pas; ce n'est plus de la dévotion, c'est le
fanatisme religieux avec toutes ses sévé-
rités, dans toute sa cruauté, avec toute
son intolérance. En collaboration avec
son premier ministre Chapelard, le con-
seil religieux de ces dames, ia baronne a
fait de .solf«ff6tfef"une église où Chapelard
officie du matin au sair.
C'est, en somme, un bon diable que ce
saint Chapelard il a une façon d'accom-
moder -les devoirs religieux suivant les
goûts de ses clients qui ne manque pas
d'une certaine originalité. Le baron de
Rosanges, un ancien colonel de zouaves,
a, lui aussi, suivi le traitement de ce mé-
decin de l'âme qui lui a recommandé la
prière comme le seul moyon de guérir la
goutte. Le. colonel a cru. la goutte a
disparu par hasard. La Provi !ence est
toute-puissante, et Cliapelard est son pro-
phète. Vive Chapelard C'est lui qui est
le vrai maitre de la maison; il compoee
le menu, se promène dans les voitures de
la baronne; il aime les plats exquis et le
bon vin dans un but tout religieux. Il faut
l'entendre s'écrier avec une adorable hypo-
crisie
Mais je ne veux pas avoir à m'occu-
per de mon corps! c'est humiliant! Alors
il n'y a qu'à le terrasser parla satiété! t<
Ah (tu as froid, misérable guenille! Eh
bien chauffe-loi Ah 1 tu as faim Eh bien,
gorge-toi! Quand tu seras bien repue, au
moins tu me, laisseras tranquille,
En dehors de deux ou trois amies, des
voisines de stalle aux conférences du père
Anselme, toutes -membres de la société
pour la conversion des petits Patagons,
société dont Séraphine ambitionne la pré-
sidence, et de Sulpice, filleul de Chape-
lard, pour le monde, fils dans l'intimité,
¥-?niIIetoB dnFHiARO da 31 décembre 1868
•' v LE
SALON DE FERNANDE
XII
Suite
Amédée ne s'inquiétait pas -du scan-
dale. II se penchait vers le duc Hector.
Sa mère se leva a-ussi, et le retenant par
le pan de son uniforme;
Est-ce qu'il vous prend un accès de
fièvre chau.de ? lui demanda-t elle tout
bas.
Ainedée se rassit. Mais toute son âme
était passée sur cette feuille qu'il ne pou-
vait pas.lira.
La parole fut donnée à l'avocat du vieux
duc, qui exposait la demande. Il n'épar-
gna pas les railleries au caractère de ma-
dame de Malmaison. Amédée ne comprit
aucune de ces injures qui ont le privilége
de voler dans les prétoires; à la façon
des oiseaux malfaisants qu'on ne peut at-
teindre. L'avocat secouait des quolibets
de sa large manche. Il inventait, quand il
ne pouvait prouver: il caloniniatt, quand
il ne pouvait accuser. Il fut amer, incisif
jusqu'au venin, sanglant jusqu'au coup
de stylet. Cette triste éloquence lui valait
cinquante mille francs par an, et les mé-
pris de ses confrères.
Le duc Hector avait été mal- renseigné
sut' le choix de son défenseur.
Ce-îui-ci fut pourtant irréfutable sur la
point de fait.
Il établit pièces en main que le fameux
Eudes IV, que la duchesse invoquait, avait
été déclaré bâtard, et qu'il ne pouvait
Reproduction interdite, aseeptd pour les
journaux qui ont traité aveo la Société des
Gons de lettres.
l jeune Piastre df*"îa première catégorie,
pique-assiette, espion, tout ce que vous
voudrez, personne -ne pénètre dans les
salons de Séraphine. Sa fille aînée, Aga-
the, a subi l'influence maternelle, et la
rigidité de ses principes religieux va jus-
qu'à imposer à Planterose les dures absti-
nences du prêtre. Legendre n'est pas homme
àvivre dans un pareil couvent; il voyage,
il court l'aventure il se console au café
Anglais, et s'il faut en croire Sulpice qui,
sur les or 1res de la Dévote, espionne le
gendre, Planterose est très sympathique
dans les coulisses de l'Opéra,
A propos de ce mari qui s'amuse pour
échapper à sa belle mère, on ne manque-
ra pas de rappeler le Mari à la campagne
tout autour de moi je t'entendais dire à
l'orchestre; la vérité est que cette situa-
tion a quelque analogie avec la comédie
de Bayard; mais est-il bien admissible que
l'on fasse un reproche aussi peu fondé à
un auteur dramatique? De ce que Bayard4
a mis au théâtre un mari qui court les
boudoirs, il ne s'ensuit point qu'un écri-
vain ne puisse plus exploiter pour son
compte une telle situation. Le mari à qui
l'on rend odieux le séjour du -foyer n'ap-
partient pas plus à M. Sardou qu'à Bayard;
c'est un tableau de la vie conjugale qui
est à vous, à moi, à nous tous., .pourvu,
que nous ayons le talent dé le présenter
sous une forme nouvelle.
Le théâtre serait impossible, si le pre-
mier qui a mis à la scène un coin de la
vie de famille, en interdisait, par ce fait
même, l'étude à tout autre écrivain.
Peu m'importe que Planterose soit de
la race des maris qui vont à lacampagne.
Cette vague ressemblance ne m'empêchera
pas d'admirer le tour vivant que Sardou a
donné à ce personnage et d'applaudir les
cent phrases plus spirituelles les unes que
les autres qu'il met dans la bouche de ce
sceptique égaré dans un couvent. D'ail-
leurs Planteçpse n'est pas homme i sup-
porter d'avantage le despotisme de sa
belle-mère et le fanatisme religieux d'A-'
gathe; il paraît décidé à faire son coup
d'état, car il aime .sa femme, ce qui se
comprend d'autant 'plus que mademoi-
selle Angelo, dont la beauté devient vrai-
ment agaçante depuis qu'elle est doublée
"detalaat," joue -le-r Aie d'Agathe.
Séraphine a une autre fille, Yvonne,
une enfantde dix-huit ans, élevée au,cou-
vent, et.que sa mère, égarée par la dé-
votioiijjiQiige sérieusement à sacrifier au
Dieu tout puissant dont, aux heures de so-
litude, elle invoque l'indulgence pour ses
fautes passées; car cette Séraphine,. avant
de vivre pour Dieu, a savouré toutes les
joies de la vie mondaine. Autrefois son
apparition dans un salon** produisait une
émotion générale. « Séraplrine dansait la
» polka suivant la méthode 'de Cellarius et
» de Laborde! Quel tableau! J'ai (c'est
» Planterose qui parle) vu des pairs de
» France ils étaient pairs en ce ternps-
» là monter sur des banquettes' "ou-
» blieux de leur âge comme ils l'ont été
» plus tard de tout le reste 1 »
Le public ne tardera pas d'apprendre
pourquoi Séraphine implore avec tant
d'ardeur la clémence du ciel. L'arrivée du
contre-amiral de Montillac met le feu aux
poudres. On sent, à l'émotion que lui
cause le retour dans cette maison, à l'ac-
cent pénétré avec lequel il demande à
voir Yvonne, que la seconde fille de la
baronne de Rosanges est plus que la fil-
leule de ce marin. L'apparition de Mon-
tillac chez Séraphine pioduit l'effet du
Diable qui apparaîtrait ^ans une église
à l'heure du Père Félix. Le contre-
amiral revient du Sénégal; sa tendresse
pour Yvonne égale l'affection que la jeu-
ne fille î-bssent pour son jarrain. Depuis
sa plus tendre enfance elle s'est habiuée à
.aimer Montillac qui l'a entourée de mille
soins, qui lui a donné tant de preuves
d'une profonde affection. Pour Yvonne, le
contre-amiral est plus qu'un parrain
il a sur son jeune cœur toute l'au-
33
transmettre un titre et un nom, qu'il n'a-
vait jamais régulièrement portés.
L'auditoire avait ri. L'attitude morne et
hautaine de la duchesse ne ramenait pas
lès sympathies. Ses partisans même la
délaissaient à mesure que ïes, périodes bi-
lieuses se déroulai/yat. A'sffiodèle était fu-
rieux pouc Y'anii de Thérèse.
L'avjo'çat de madame de Malmaison eut
son tour.
C'était un homme de l'sbole probe.
Il ne s'attacha pas à ur: point de droit
chancelant, Jl glissa sur *es vertus de la
dur-hesse.
Mais il s'empara flèrenient d'Amédée,
II raconta simplement sa vie de marine,
pleine des épisodes d'une bravoure écla-
tante, et sa vie de citoyen, où les actes
patriotiques s'amoncelaieit déjà.
-Messieurs, dit-il en erminant, vous
êtes, en cette occasion, moins un tribunal
qu'une cour d'honneur. Il vous appartient
de rajeunir par un seul exemple l'ins-
titution surannée de la noblesse. Dans
l'origine, elle n'a été accu-dée qu'au plus
méritant et au plus brave. .faites des preux
comme Cliarlemagne. Chojsissez-les parmi
ceux qui ont porté, malgrf leur éducation,
la bannière de la démocrUi-j, et qui, sur
les rivages, ont fait du bien au nom de la
France. Le colonel Penco vous raconte-
rait que, s'il a encore uneépée au service
de la liberté, il la doit à u« Malmaison
Des applaudissements éclatèrent au fond
de l'auditoire qui savait la part d'Amédée
à la délivrance du célèbre Italien. Le pré-
sident les réprima commis il convenait à
son avancement, et l'avocit reprit ainsi ¡
Nous ne voulons pas recréer des
ducs, c'est-à-dire des chefs, mais il s'agit
d'en honorer un que noui trouvons par
hasard à un poste d'action. Est-il digne
du commandement? Demandez-le à ses
soldats et à ses blessures! peut-il porter
un vieux nom Français? Demandez-le à
son indépendance et à sas paroles! Ne
vous inquiétez pas s'il y a eu une goutte
d'alliage dans son sang. Honorez-le pour
ce qu'il a fait, et non pas pour son point
de départ. Maintenez-lui un nom qu'il a
!t~"
torité d'un père c'est à lui qu'elle
contait ses chagrins et ses joies c'est à
lui qu'elle écrivait en cachette. Le retour
du contre-amiral n'éveille pas seule-
ment chez Séraphine le souvenir d'un
passé qui lui estodieuxmaintenant; la cou-
pable ne se contente pas d'expier sa faute
comme une pénitente; elle veut encore
acheter le pardon du ciel- en faisant .en-
trer en religion la fille née de sa faute.
Séraphine sent que l'arrivée de Montil-
lac va détruire tousses projels et qu'il
s'opposera de toutes ses forces au sacri-
fice d'Yvonne le mariu est ho m me. à dé-
fendre sa fille contre la dévote.
It faut qu'Yvonne rentre au couvent
avant que Montiflac, qui vient de l'em-
brasser avec une si profonde émotion, ait
pu la revoir. En attendant qu'à la faveur
de la nuit on ramène la pauvre enfant au
cloître d'où elle ne sortira plus jamais, on
la sequestre dans sa chambre. A qui con-
fierait-elle sa peine sinon à son parrain;
mais comment lui faire parvenir sa lettre?
Elle est seule, le soir, dans .-a chambre
qui donne sur le parc. Moyennant cin-
quante louis, Robert a décidé le groom à
laisser la porte entr'ouverte. Le voici dans
la place. Il a surpris Yvonne au moment
oii, mystérieusement, elle glissait des let-
tres dans la boite; il l'a entendue en <-a-
chefte parler une inconnue d'un enfant
et d'une nourrice. Plus de doute pour lui!
Yvonne est une petite dame du monde, et
Robert est venu pour s'amuser. Au pre-
mier mot qui vient souiller t'oreille de
cette enfant chaste et pure, Yvonne se re-
dresse dans sa fierté. Robert se trouble;
il courbe le-front et lui demande hum-
blement pardon.
M. Sardou'avait sans doute beaucoup
compté sur ce revirement, qui a cepen-
dant peu impressionné le public. La faute
n'en est pas aux acteurs, qui ont fort, bien
joué cette scène, à laquelle ni l'adresse ni
le talent de l'auteur ne font défaut elle est
dans la fausseté, dans l'absurdité du point
de "départ qui amène ce revirement'.
Comment! voilà un jeune homme qui
voit dans la rue une jeune fille glisser dis-
crètement une lettre dans la boîte. Pour
lui, c'est une lettre d'amour. Soit! Sommé
toute, il ne connait pas cette enfant; mais.
dès le premier acte, il la retrouve dans sa
famille, çtiejz le baron de Rpsanges, à côté
de sud père, un brave..coiônel, à côté de
sa mère, qui pass« dans le'monde pour une
austère vertu il la voit au foyer de la fa-
mille, douce, chaste, jeune, entourée de
l'affection des siens. Il a" surpris un en-
tretien où il est question de nourrice et
d'enfant, c'est encore vrai mais, à un
houutie bien élevé, ces légères indicaiions
ne su frisent pas pour manquer de respect
à une jeune fille. Que nous importe le re-
pentir de ce drôle, à qui l'on est tenté de
crier des-fauteuils d'orchestre
Ah! vraiment, jeune imbécile, vous
avez pris cette enfant pour une pefite'dame
du grand monde? Il est vrai que vous lui
avez entendu prononcer les mots de nour-
rice et d enfant! Ne savez-vous donc pas
que cw la ne suffit pas pour dégrader une
jeune fille dans votre cervelle vide! Sou-
venez-vous de la Closerie des Genêts, où la
fille du général passe à tort pour être
imère-l'Et d'ailleurs le beau-frère d'Yvonne,
votre ami Planterose, à qui vous avez fait
part de vos jgoupçons au deuxième acte,
au lien de vous tirer les oreilles et de
vous ilanquer par la fenêtre, a bien voulu
vous dire qu'il s'agissait d'une ancienne
femme de chambre de la baronne, qui
expie sa faute dans un grenier. Et vous
ne vwus êtes -fias rendu à l'évidence, et
vous achetez les laquais pour vous intro-
duire dans la chambre virginale de cette
enfant? Et c'est vous qui l'épouserez, à
minuit? Allons donc, pour un pareil crime,
il n'y a pas de pardon, car vous n'êtes pas
seulement un abominable crétin et un
odieux polisson, mais encore un malhon-
nête homme!
Mais Yvonne ne sait pas tenir le lan-
gage qui était au fond du cœur de tous les
grandi! Et à côté de ce vieux duc de Mal-
maison qui représente dignement sa fa-
millo, et qui vous remerciera plus tard,
laissez s'élever ce jeune homme qui rajeu-
nit sa souche, et ne dégradez pas un futur
amiral de France, et ce qui est plus, mes-
sieurs, un patriote et un désintéressé.
La plaidoirie était ingénieuse. L'ora,-
teur, désespérant de sa cause, ne cher-
chait plus son point d'appui que dans la
popularité de son héros. Beaucoup de re-
gards cherchèrent Amédée, et lui repor-
tèrent des hommages. Mais la base légale
manquait à l'argumentation. Les juges
n'eurent pas besoin de consulter, comme
d'habitude, la physionomie*de M. Com-
bler, La conviction de tous était faite par
avance.
La duchesse frémissait Non-seulement
elle allait être vaincue, mais elle avait
été passée sous silence. Son avocat même
ne s'était pas hasardé à parler d'elle.
Amédée avait à peine entendu un com-
mencement du discours. Mais quand sa
personne surgit du débat, quand on plaça
si haut dés vertus auxquelles il aurait
vouju atteindre, il oublia un instant Fer-
nande, pour regretter cette glorification
de sa vie privée, et cette exagération de
sa conduite de marin. Son avocat l'avait
pour longtemps compromis de ses
chefs; mais il couvrait ce côté de la ques-
tion, de l'indiûérence la plus grandiose..
Le tribunal se leva, et se groupa autour
de son présidenf.
Un frisson cour-ut dans l'auditoire
comme s'il devait être question de la tête
d'un homme. L'éloquence avait grandi
des intérêts secondaires.
Le président écrivit quelques notes,
et après avoir prononcé des considérants
assez développés, promulgua que la terre
de Valtravers resterait restituée au sieur
Hector, duc de Malmaison, après resfï-
tutign des impenses, gt que la veuve
tâour.tois ne sët°~it pjus ad~tise p4rtér
Courtois ne serait plus admise porter
la nom et le titre des M'ai maison, porter
L'ex-duchesse eut assez de tenue pour
ne répondre que par un sourire à cet ar-
rêt. Mais ce sourire dardait une telle
spectateurs peines de cette erreur de M.
Sardou la jeune fille pardonne d'autant
plus volontiers qu'elle apprend de la bou-
che de Robert qu'il est le neveu de son
parrain. Il la supplie de le suivre auprès
de Montillac qui la protégera' Il ne veut
pas qu'Yvonne aille s'enterrer au couvent.
Il l'entraine. Mais la chasteté l'emporte.
Yvonne s'arrache des bras de Robert; elle
appelle au secours Sa mère arrive, le
colonel aussi, et cet ancien zouave, au
lieu de brûler la cervelle à ce jeune hom-
me, ce qui d'ailleurs terminerait, ou à peu
près la pièce, admire son courage, son
amour pour Yvonne, et le laisse partir
comme il est venu, par le jardin. Il y a
gros à parier que le baron a été beaucoup
moins indulgent pour les Arabes qui n'a-
vaient cependant pas tenté de lui enlever
sa fille.
Hélas 1 ce troisième acte, qui avait pour-
tant si bien débuté par une scène exqu,ise,
entre Planterose et sa femme, à la suite
de laquelle le rendre célibataire va s'ins-
taller rue Le Peletier, en face de l'Opéra,
cet acte t'ait tache dans la comédie de M.
Sardou par l'extrême fausseté de la situa-
tion révoltante. On éprouvait un malaise
général de voir cette comédie, qui avait
débuté avec un si grand éclat, prendre
une telle tournure^ niaû au-fond on était
cdnv#Ntcttrq'uë M. Sardou rachèterait bril-
lamment cette erreur au quatrième acte.
En»présence des faits qui viennent de
s'accomplir dans son hôtel, Séraphine
n'hésite plus; elle a peur qu'on lui arra-
che cette fille qu'elle offre à Dieu en ex-
piation de sa faute. Il faut qu'Yvonne
rentre sur l'heure au couvent. Chapelard
l'accompagnera; la voiture attend à la
.porte. Yvonne y monte, mais au moment
où le digne Chapelard veut la rejoindre,
on le repousse et la voiture part au triple
galop des chevaux.
Enfin je respire Après avoir insisté
sans aucun plaisir, je vous prie de le
croire, sur la tache de ce troisième acte,
je vais donc pouvoir admirer ce qu'on
appelle vulgairement l'habileté, mais ce
que j'appellerai plus justement le grand
artsçéniquedcM. Sardou. Il a déjà pro-
digué à pleines mains son esprit, atten-
dez le dramaturge va secouer le specta-
teur dans sa stalle et le forcer de crier
bravo Non jamais M. Sardou n'a dé-
ployé une telle vigueur; il y a dans ce
quatrième acte'une scène qui rappelle les
plus belles soirées du théâtre. On y re-,
trouveitimpleiir de Dumas père dans ses
meilleurs.jours. Cette scène nous fait es-
pérer les plus beaux résultats du drame
que Sardou écrit en ce moment pour!
l'heureux M. Raphaël Félix. ,,1
C'est Montiliac qui a enlevé sa fille.
voici avec -elle dans cette maison isolée de
Neuilly dont Séraphine sait si bien lephe-
min. Pour la première fois, Montillac goûte
la joie pure d'avoir son enfant-près de lui,
sous son toit. Que lui importe l'ivresse de
Planterose quia enfin retrouvé sa femme?
Agathe a rejoint son mari rue Lepeletier;
la jalousie a tué la dévotion. Il faut en-
tendre Landrol raconter cette fète
« Je l'ai tenue dans mes bras, mon ami,
» pendant cinq minutes, savourant le char-
» me de ce groupe inconnu dansjmon mé-
» nage Mets-toi bien à ma place, mon bon
u Montillac! Ma femme àrnoi. chez moi I
» et sans ma belle-mère! Non, ce sont là
» des choses que la langue est impuissante,
» à exprimer! J'ai retrouvé mes vingt ans 1
» j'ai fait le galopin je lui ai tiré les bri-
» des de son chapeau, et j'ai jeté le cha-
» peau sous le canapé; je lui ai delacé ses
» bottines, je lui ai chaussé des pantoufles
» trop larges. J'ai coui.u acheter du pain,
» du vin, des orangesjides biscuits, le diner
» le plus insensé! Mais^^tais fou, je riais,
» je chantais. Nous avons mis le couvert
» nous-méme comme un étudiant qui reçoit
» sa grisette Elle était émue; elle plèu-
» rait, elle lâchait son assiette pour m'era-
» brasser! Et je lui essuyais les yeux avec
» ma serviette. Des choses délicieuses! tu
» sais! le premier rendez-vous, la fe mme
» audacieuse et craintive! l'œil brillant,
» les mains brûlantes Quel diner! Et que
haine, qu'il annonçait vingt ans de com-
bat au duc Hector.
Elle n'articula qu'un mot, en se tour-
nant vers le vieillard
J'ai trois cent mille francs de rente
on s'en apercevra.
Celui-ci, pendant ce temps-là, embras-
sait sa fille.
Amédée restait presque insensible à
toutes ces émotions environnantes.
Au moment où le vieux duc passait ses
mains autour du cou de mademoiselle de
Malmaison, Amédée se précipita sur son
banc,
L'huissier crut à une attaque contre le
vieillard, et allait faire intervenir la force
publique.
Mais Amédée se borna à ramasser par
terre un journal et à y lire un nom.
La foule s'était quelque peu Uoignée,
traînant ses commentaires. Amédée, re-
venu à lui depuis qu'il avait ce qu'il vou-
lait avoir, s'apprêtait à donner quelques
paroles de consolation sa mère, et lui
offrait son bras.
Elle se'retourna frémissante.
Quelques personnes pouvaient encore
l'entendre, mais la colère l'hallucinait.
-Je suis dépouillée! s'écria-t-elle, et
vous êtes le^complice de ces misérables.
Vour n'avez rien* su faire pour moi, et je
vous ai surpris tout à l'heure souriant à ce
respectable drôle. Mais je me vengerai
de tous, et ce ne sera pas long.
Amédée s'épuisait à chercher les moyens
de calmer sa mère.
Elle repoussa son bras.
Suivez-moi.! dit-elle.
Elle traversa la salle des Pas Perdus.
Où dépose-t-on les plaintes? deman-.
da-t-elle à un 'sergent de ville.
Celui-ci la conduisit au parquet.
-A qui en avez-vous, ma mère? s'écria
Amédée.
À vous! à ellel à tous!
C'était le moment pour Amédée d'i1--
tervenir et de s'opposera ce qui lui pa-
raissait devoir être un acte de folie.
Mais la vengeance donne quelquefois
une expression splendide, comme toutes
» nous étions donc loin, quand la pauvre
» mignonne s'est écriée « Ah! Dieu, si
» maman nous voyait! » Mais cette fois
» là, ma foi, ça venait si drôlement. »
Ah! Montillac a bien le temps d'écouter
ce charmant babillage. Yvonne est près de
lui: il peut donc la presser sur son cœur;
ce père, jaloux de la tendresse que cestte
enfant, prodigue à l'autre, au baron, peut
donc l'embrasser à son aise! Vraiment,
cette scène est adorable Voici Sardou re-
trouvé C'est bien sa touche délicate, tout t
son talent, tout son esprit. Mademoiselle
Antonitie avait à lutter depuis le commen-
cement de la pièce contre le souvenir de
mademoiselle Delajjorte; cette fois elle a
vaincu je ne dirai pas la froideur, mais la
réserve du public; tes applaudissements
ont éclaté de toutes parts; on lui a fait un
succè,s vrai, sincère, ainsi qu'à M. Pujol
qui est en train de devenir un des bons
comédiens de Paris. L'arrivée de Séra-
phine vient troubler ce touchant entre-
tien c'est à peine :-i Montillac a le temps
de cacher Yvonne! Voici la baronne.
Il n'est plus question de la T)?.vot<>, dont
l'extrême intolérance fatiguait parfois le
spectateur; c'est la mère qui vient rede-
mander son enfant. La voici donc dans
cette maison de Neuilly, où la baronne a
tant aimé l'homme qu'elle exècre mainte-
nant S'ui enfant est là, près de lui, elle
le devins. Il lui faut Yvonne, il faut
qu'elle entre au couvent pour expier la
faute de sa mère; il faut apaiser le cour-
roux de Dieu, de Dieu redoutable Séra-
phine ne sortira pas sans sa fille; au be-
soin, elle appellera au secours, elle atti-
rera les passants, la police Eperdue,
folle, haletante, elle court vers la fenêtre
-Si vous criez, je montrerai vos lettres
d'autrefois lui dit Montillac.
Aces mot. Séraphine s'arrête. Comment?
aucune puissance ne pourra arracher
Yvonne dos griffes de ce père qui défend
sa tille contre le couvent? La scène est
superbe, faite de main de maître, et ma-
dame Pasca l'a jouée en comédienne con-
sommée. K faut l'entendre, il faut la voir;
elle a des rugissements qui font frémir.
Que faire? Comment se venger de Mon-
tillac Et avec quel accent de rage, de
haine et de vengeance elle lui jette à la
face cf-s mots cruels
Cette enfant n'est-pas de toi. Il est
de mon mai- de mon mari.de mon
mari! •̃
Mais sous le regard calme, digne et
froid de sou ancien amant, la pécheresse
courb': le f-ont; elle poussera l'humilia-
tion jusqu'à affirmer à son mari qui sur-
vient qu'Yvonne n'est pas chez Montillac.
Mais le colonel ne se contenteras de celte
explication; pour la première fois, il se
demande si l'amiral n'a pas d'autres droits
sur Yvonne que ceux d'un parrain il
tuera de Montillac.
^M «t. ̃̃̃
Tout I';v:!<ï esl superbe; il serait injuste
de trop insister sur une agréable ficelle
qui fait toinhur entre les mains d'Yvonne
les lettres écrites autrefois par Séraphine
à son amant. Ce petit escamotage amène le
dénoue. hent; la baronne, croyant ces let-
tres dans les mains de sa fille, se suppo-
sant meaacéa du mépris de son enfant, se
détache un instant du ciel tant son âme
est abso:-bè%nar la douleur et l'angoisse.
Rbber-t fait croire au colonel que c'est lui
qui a enlevé Yvonne; le vieux troupier se
calme et consent au mariage de sa fille
avec Robert. Séraphine ne s'opposera
plus à ce dénouement. Déjà elle respire
Yvonne a brûlé les lettres sans les lire;
elle conserve l'estime de sa fille; elle con-
servera l'estime du monde en consentant
à ce mariage .Le silence de Montillac qui
retournera au Sénégal est à ce prix.
Telle est en gros traits la donnée de
cette come.tie, où le talent de Sardou se
montre avec plus de maturité que par le
passé, et où son esprit sonne des fanfares.
les passions. Amédée subissait l'ascen-
dant d'une organisation plus trempée
que la sienne.
Ils arrivèrent au parquet.
Le substitut, qui les reçut, venait d'as-
sister aux débats et connaissait la figure
de madame de Malmaison.
Que voulez-vous, madame? lui de-
manda-t-il.
Accuser deux personnes, répondit-
elle,
Le duc Hector et sa fille sont à l'abri
de vos poursuites, dit le magistrat:la jus-
tice a prononcé.
II ne s'agit pas d'eux.»
Qui, alors?
Je porte plainte contre mon fils que
voici.
Amédée balbutia quelques paroles.
-Que vous ai-je fait? dit-il d'un ton
navré.
J'accuse aussi une seconde personne,
sa complice, la nommée Fernande Blan-
clard, -dit la duchesse.
Amédée poussa un cri.
Et de quel crime les accusez-vous,
madame? reprit le substitut.
De s'èlre marié* secrètement en Ita-
lie, et sans mon consentement, et je de-
mande qu'on rende hommage à la loi
française, en cassant leur mariage.
Ali ma mère! cria Amédée en tom-
bant d'épouvanté sur le banc.
Très bien madame Voici votre
plainte rédigée sommairement. Vous nous
donnerez les détails plus tard. Veuillez
signer.
Elle prit la plume*
Un instant, madame, dit le magis-
trat, Contestez-vous, capitaine? g
Non monsieur, articula Amédée
d'une voix éteinte.
Elle écrivit au bas d'une feuille de pa-
pier à moitié remplie
Bérengère d'Hurbal, veuve Courtois.
Il vous a plu que je portasse' ce. nos),
dit-elle à son fils. Je m'en sers l
Séraphine sera assurément le an
cès de l'hiver d'abord par l'intérêt dudi^
me, et ensuite par le bruit qui se fera au-!
tour de cette plaidoirie contre la dévo-
tion. Ne croye^cependant pas que l'auteur
ait cassé les vitres comme on l'a dit •"uH
gdirement. L'audace n'a pas envahi à- ce
point sa plume qu'elle se livre à des atta-
ques trop brutales et trop directes contre
la religion. Dans aucune scène, Sardou 1
n'a osé prendre, comme on dit, le taureau f
par les cornes; il ne s'attaque qu'aux.
hors-d'œuvres, aux abus qu'une croyance,
mal dirigée par le fanatisme peut com-
mettre. Quand au fond, à la grande ques-
tion palpitante qui divise les conscien-
ces, il ne fait (jue l'effleurer avec une
adresse et un tact inouis. Les libres
penseurs s'amuseront des tirades spiri-
tuelles de Planter jse, mais 1-; malii,-
rialisme de cet homme 'du monde ne dé-
passe jamais l'honnête moyenne; de là
viennent les hésitations, à côté de quel-
ques audaces tempérées, et dans ces con-
ditions le rôle de Chapelard ne pouvait
être qu'une vague ébauche dans laquelle
l'œil exercé de l'artiste peut seul deviner
l'intention. En réalité, Cliapelard. loin de
représenter une confrérie envahissante;,
n'est qu'une réduction du père GhHvnfloi,
qui sait fort bien accommoder la religion
aux exigences de ses appétits. Pradeau a
eu des moments fort heureux.• J ?
Et maintenant, si vous voulez causer
théâtre, au lieu de soulever des contro-
verses religieuses, laissez-moi vuu* dire
que la religion n'a aucun rapport avec
l'action de ce drame palpitant, de cafta
amusante comédie. Si Séraphine, au lieu-
d'être la dévote que vous savezi pié-Mait
le club dès femmes à la salle de la Re-
doute, si une libre pA,seuse voulait faire
épouser .«a fille, amoureuse d'un rédacteur
de Y Univers, par un libre penseur, l'ac-
tion serait la même.
Ce qui survit de la pièce de Sardon,
c'est, en dehors de son esprit étincelant'
le drame purement humain, dt-ga-é de
toute préoccupation religieuse; la "libre
pensée ne s'élève guère au dessus ''l'une
spirituelle conférence, mais du drame
même, de l'action ne se dégage aucun en-
seignement et ne jaillit aucune lumière.
Mais telle qu'elle est, cette comédie avec
ses élans et ses défaillances est nnedes
plus émouvantes et des plus spirituelles-*
qu'ait enfantées le cerveau ingénieux
l'esprit alerte, vif et si parisien de.Jvic-
tonen Sardou. On ne manquera pas de
vous dire que la situation dramatique du
quatrième acte est un peu forte pour le
théâtre du Gymnase. Permet'ez moi de ne
pas tomber dans de pareils errements-
pour moi il n'y a que deux théâtres U
bon et le mauvais.
Userait injuste d'oublier M. Vietoriu-
il a donné une allure très vive au peiit
cuistra Sulpice, qui finit par mander
avec une danseuse la caisse destinée à
hâter la conversion des Patagons. M. Ber-
ton a été très spirituel au premier acte et
aussi amoureux que possible dans l'éter-
nel rôle du jeune homme qui se marie à
minuit. J'ai gardé pour la fin Lar-drbl cet
excellent comédien, qui, depuis ,]\ ans,»
fait des tours de force, et qui enfin à"
trouvé un grand, très grand et très légi-
time succès. °
Sa création dans la comédie de M Sar-
dou a mis M. Landrol au premier plan;
il a été spirituel, gai, charmant au po,-
sible le public l'a fêté quand il est
venu annoncer le nom sympathique do
Sardou.
Albert vvol.tr.-
'̃ "0
w ̃ ,-̃
Nous rappelota à nus lecteurs que de /»'>̃'£
d'abonnement, ,.u ï<'kuho, «( pour i&s dé.
̃parlementt de lti fr. ptlUr trou mois, M /r.
pour nia: mou et tU fr. tiour un an.
xni ̃
Justin avait mis huit jours à trouver
1 adresse d'Alberline. Il ne fit pas un seul
report, et ne s'engagea sur aucune-prime,
pendant toute cette semaine mais il sa-
vait sous quelle fenêtre envoyer les sou-
pirs qui lui gonflaient le cœur.
Car il aimait madame Mansoury.
La première fois qu'il l'avait trouvée,
elle- lui laissa l'impression d'un par-
fum, dont le souvenir caresse quelque
temps, et qui finit par s'évaporer. A la se-
conde rencontre, elle entra en lui tout
entière, comme une fauvette entre
dans son nid. EUe s'y blottit pendant toute
une saison d'amour, et ne le quitte que
pour y revenir. H
Justin connaissait l'étage et la terrasse
de madame Mansoury. il ignorait son
nom, et la respectait déjà beaucoup trop
pour se renseigner chez son concierge
Il aurait estimé d'un goût affreux, de
faire des deux services qu'il lui avait ren-
dus, le prétexte d'une visite. Cependant i1
ne pouvait plus vivre sans la voir.
Elle avait l'air de se tenir sur ses gar-
des elle ne sortait plus. Mais c'était bien
sans calcud. Elle s'était promis, dans son
honnêteté, de ne rien faire pour renouer
avecNoirmoutiers, mais elle ne s'inter-
disait nullement le plaisir de le rencon-
trer.
La chaleur était trop forte sous les ar-
bres clairs du Luxembourg, Il tombait
des ondées, aux heures de la promenade.
La vertu n'était pour rien dans la mm-
apparition d'Albertine, qui parcourait dé-
sespérément son quartier.
Mais, comment le hasard serait-il nn«x-
dieu, s'il ne rapprocllaU quelque les
amoureux.
H. DE LACUETELLE
(LasuUeùdemma.)
i- i-̃̃̃ l.
Un numéro i 5 oenUme».
Jeudi 31 Décembre 1868
Sâàmtuur ta eluf
Mi •̃ VILLEISËSSANT |
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ââlBACTlOK •:
éê • &•«•• I 11 heure», nia Coq-H*roa,#
A* MMi i haure», rue ftownai, »
lêl mumuMrit» n* smt pat mutut N.
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Administrateur
AfaUSTE OUMOIT
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MM. DOLLIHOBN Sis *t A. SÉCSI
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SÉRAPHINE
J COMÉDIE EN CINQ ACTES
DE M. VICTORIEN SARDOU
« Regarde ce salon où la mondaine
» d'autrefois le dispute encore à la nou-
» velle convertie! Le tapis est sombre,
» mais il e<*t doux aux pieds. Les meubles
« affectent, des tonnes austères qui protes-
n tent contre les contorsions avachies du
» mobilier moderne mais les coussins
» sont d'un moelleux qui rappelle que la
i> chair a4 ses droits. Tu trouveras ici
» partout cette alliance du comfort et de
» Taust^rité. Une chapelle dans un bou-
» doir. » » .̃'•̃
C'est la phrase textuelle par laquelle
Planterose, le gendre de la baronne de
Rosanges, prépare l'entrée de la Dévote.
On pouvait croire, d'après cette introduc-
tion, qûe^M. Sardou avait attaqué de front
la haute actualité, et qu'il nous montre-
rait la dévote parisienne, courant du bal
de l'Opéra à l'église et du sermon au Bois!
Toutes les révélations que Planterose fait
à son ami Robert sur l'intérieur de la
Dévote et sur les étranges personnages
qui hantent ssoa-saion, toute cette exposi-
tion .pétillante d'esprit, et du meilleur,
avait faitjjaHre dans le public l'espoir que
M. Sardou lui montrerait cette dévote du
jour qui place au même niveau dans son
estime et légère. Hyacinthe et le coutu-
rier "W;ortth^
.c j. tJ:.f
Le désenchantement a été complet dès
la première entrée de Séraphine. A la
place de la mondaine dévote, telle que
nous l'avions rêvée après la remarqua-
ble scène entre Planterose et Robert,
nous avons, à notre grande stupéfaction,
vu l'original, qui ne ressemble guère au
portrait si fin, si spirituel, si parisien que
le gendre venait de faire-de sa belle-mère.
-1. -r,_
L a dévote de M. 'SaisJou n'est~pas la dé-
vote de 1868;. on dirait un vreirx :•• portrait
d'un autre âge. Pour la' baronne de Ro-
sanges, les joies du monde n'existent
pas; ce n'est plus de la dévotion, c'est le
fanatisme religieux avec toutes ses sévé-
rités, dans toute sa cruauté, avec toute
son intolérance. En collaboration avec
son premier ministre Chapelard, le con-
seil religieux de ces dames, ia baronne a
fait de .solf«ff6tfef"une église où Chapelard
officie du matin au sair.
C'est, en somme, un bon diable que ce
saint Chapelard il a une façon d'accom-
moder -les devoirs religieux suivant les
goûts de ses clients qui ne manque pas
d'une certaine originalité. Le baron de
Rosanges, un ancien colonel de zouaves,
a, lui aussi, suivi le traitement de ce mé-
decin de l'âme qui lui a recommandé la
prière comme le seul moyon de guérir la
goutte. Le. colonel a cru. la goutte a
disparu par hasard. La Provi !ence est
toute-puissante, et Cliapelard est son pro-
phète. Vive Chapelard C'est lui qui est
le vrai maitre de la maison; il compoee
le menu, se promène dans les voitures de
la baronne; il aime les plats exquis et le
bon vin dans un but tout religieux. Il faut
l'entendre s'écrier avec une adorable hypo-
crisie
Mais je ne veux pas avoir à m'occu-
per de mon corps! c'est humiliant! Alors
il n'y a qu'à le terrasser parla satiété! t<
Ah (tu as froid, misérable guenille! Eh
bien chauffe-loi Ah 1 tu as faim Eh bien,
gorge-toi! Quand tu seras bien repue, au
moins tu me, laisseras tranquille,
En dehors de deux ou trois amies, des
voisines de stalle aux conférences du père
Anselme, toutes -membres de la société
pour la conversion des petits Patagons,
société dont Séraphine ambitionne la pré-
sidence, et de Sulpice, filleul de Chape-
lard, pour le monde, fils dans l'intimité,
¥-?niIIetoB dnFHiARO da 31 décembre 1868
•' v LE
SALON DE FERNANDE
XII
Suite
Amédée ne s'inquiétait pas -du scan-
dale. II se penchait vers le duc Hector.
Sa mère se leva a-ussi, et le retenant par
le pan de son uniforme;
Est-ce qu'il vous prend un accès de
fièvre chau.de ? lui demanda-t elle tout
bas.
Ainedée se rassit. Mais toute son âme
était passée sur cette feuille qu'il ne pou-
vait pas.lira.
La parole fut donnée à l'avocat du vieux
duc, qui exposait la demande. Il n'épar-
gna pas les railleries au caractère de ma-
dame de Malmaison. Amédée ne comprit
aucune de ces injures qui ont le privilége
de voler dans les prétoires; à la façon
des oiseaux malfaisants qu'on ne peut at-
teindre. L'avocat secouait des quolibets
de sa large manche. Il inventait, quand il
ne pouvait prouver: il caloniniatt, quand
il ne pouvait accuser. Il fut amer, incisif
jusqu'au venin, sanglant jusqu'au coup
de stylet. Cette triste éloquence lui valait
cinquante mille francs par an, et les mé-
pris de ses confrères.
Le duc Hector avait été mal- renseigné
sut' le choix de son défenseur.
Ce-îui-ci fut pourtant irréfutable sur la
point de fait.
Il établit pièces en main que le fameux
Eudes IV, que la duchesse invoquait, avait
été déclaré bâtard, et qu'il ne pouvait
Reproduction interdite, aseeptd pour les
journaux qui ont traité aveo la Société des
Gons de lettres.
l jeune Piastre df*"îa première catégorie,
pique-assiette, espion, tout ce que vous
voudrez, personne -ne pénètre dans les
salons de Séraphine. Sa fille aînée, Aga-
the, a subi l'influence maternelle, et la
rigidité de ses principes religieux va jus-
qu'à imposer à Planterose les dures absti-
nences du prêtre. Legendre n'est pas homme
àvivre dans un pareil couvent; il voyage,
il court l'aventure il se console au café
Anglais, et s'il faut en croire Sulpice qui,
sur les or 1res de la Dévote, espionne le
gendre, Planterose est très sympathique
dans les coulisses de l'Opéra,
A propos de ce mari qui s'amuse pour
échapper à sa belle mère, on ne manque-
ra pas de rappeler le Mari à la campagne
tout autour de moi je t'entendais dire à
l'orchestre; la vérité est que cette situa-
tion a quelque analogie avec la comédie
de Bayard; mais est-il bien admissible que
l'on fasse un reproche aussi peu fondé à
un auteur dramatique? De ce que Bayard4
a mis au théâtre un mari qui court les
boudoirs, il ne s'ensuit point qu'un écri-
vain ne puisse plus exploiter pour son
compte une telle situation. Le mari à qui
l'on rend odieux le séjour du -foyer n'ap-
partient pas plus à M. Sardou qu'à Bayard;
c'est un tableau de la vie conjugale qui
est à vous, à moi, à nous tous., .pourvu,
que nous ayons le talent dé le présenter
sous une forme nouvelle.
Le théâtre serait impossible, si le pre-
mier qui a mis à la scène un coin de la
vie de famille, en interdisait, par ce fait
même, l'étude à tout autre écrivain.
Peu m'importe que Planterose soit de
la race des maris qui vont à lacampagne.
Cette vague ressemblance ne m'empêchera
pas d'admirer le tour vivant que Sardou a
donné à ce personnage et d'applaudir les
cent phrases plus spirituelles les unes que
les autres qu'il met dans la bouche de ce
sceptique égaré dans un couvent. D'ail-
leurs Planteçpse n'est pas homme i sup-
porter d'avantage le despotisme de sa
belle-mère et le fanatisme religieux d'A-'
gathe; il paraît décidé à faire son coup
d'état, car il aime .sa femme, ce qui se
comprend d'autant 'plus que mademoi-
selle Angelo, dont la beauté devient vrai-
ment agaçante depuis qu'elle est doublée
"detalaat," joue -le-r Aie d'Agathe.
Séraphine a une autre fille, Yvonne,
une enfantde dix-huit ans, élevée au,cou-
vent, et.que sa mère, égarée par la dé-
votioiijjiQiige sérieusement à sacrifier au
Dieu tout puissant dont, aux heures de so-
litude, elle invoque l'indulgence pour ses
fautes passées; car cette Séraphine,. avant
de vivre pour Dieu, a savouré toutes les
joies de la vie mondaine. Autrefois son
apparition dans un salon** produisait une
émotion générale. « Séraplrine dansait la
» polka suivant la méthode 'de Cellarius et
» de Laborde! Quel tableau! J'ai (c'est
» Planterose qui parle) vu des pairs de
» France ils étaient pairs en ce ternps-
» là monter sur des banquettes' "ou-
» blieux de leur âge comme ils l'ont été
» plus tard de tout le reste 1 »
Le public ne tardera pas d'apprendre
pourquoi Séraphine implore avec tant
d'ardeur la clémence du ciel. L'arrivée du
contre-amiral de Montillac met le feu aux
poudres. On sent, à l'émotion que lui
cause le retour dans cette maison, à l'ac-
cent pénétré avec lequel il demande à
voir Yvonne, que la seconde fille de la
baronne de Rosanges est plus que la fil-
leule de ce marin. L'apparition de Mon-
tillac chez Séraphine pioduit l'effet du
Diable qui apparaîtrait ^ans une église
à l'heure du Père Félix. Le contre-
amiral revient du Sénégal; sa tendresse
pour Yvonne égale l'affection que la jeu-
ne fille î-bssent pour son jarrain. Depuis
sa plus tendre enfance elle s'est habiuée à
.aimer Montillac qui l'a entourée de mille
soins, qui lui a donné tant de preuves
d'une profonde affection. Pour Yvonne, le
contre-amiral est plus qu'un parrain
il a sur son jeune cœur toute l'au-
33
transmettre un titre et un nom, qu'il n'a-
vait jamais régulièrement portés.
L'auditoire avait ri. L'attitude morne et
hautaine de la duchesse ne ramenait pas
lès sympathies. Ses partisans même la
délaissaient à mesure que ïes, périodes bi-
lieuses se déroulai/yat. A'sffiodèle était fu-
rieux pouc Y'anii de Thérèse.
L'avjo'çat de madame de Malmaison eut
son tour.
C'était un homme de l'sbole probe.
Il ne s'attacha pas à ur: point de droit
chancelant, Jl glissa sur *es vertus de la
dur-hesse.
Mais il s'empara flèrenient d'Amédée,
II raconta simplement sa vie de marine,
pleine des épisodes d'une bravoure écla-
tante, et sa vie de citoyen, où les actes
patriotiques s'amoncelaieit déjà.
-Messieurs, dit-il en erminant, vous
êtes, en cette occasion, moins un tribunal
qu'une cour d'honneur. Il vous appartient
de rajeunir par un seul exemple l'ins-
titution surannée de la noblesse. Dans
l'origine, elle n'a été accu-dée qu'au plus
méritant et au plus brave. .faites des preux
comme Cliarlemagne. Chojsissez-les parmi
ceux qui ont porté, malgrf leur éducation,
la bannière de la démocrUi-j, et qui, sur
les rivages, ont fait du bien au nom de la
France. Le colonel Penco vous raconte-
rait que, s'il a encore uneépée au service
de la liberté, il la doit à u« Malmaison
Des applaudissements éclatèrent au fond
de l'auditoire qui savait la part d'Amédée
à la délivrance du célèbre Italien. Le pré-
sident les réprima commis il convenait à
son avancement, et l'avocit reprit ainsi ¡
Nous ne voulons pas recréer des
ducs, c'est-à-dire des chefs, mais il s'agit
d'en honorer un que noui trouvons par
hasard à un poste d'action. Est-il digne
du commandement? Demandez-le à ses
soldats et à ses blessures! peut-il porter
un vieux nom Français? Demandez-le à
son indépendance et à sas paroles! Ne
vous inquiétez pas s'il y a eu une goutte
d'alliage dans son sang. Honorez-le pour
ce qu'il a fait, et non pas pour son point
de départ. Maintenez-lui un nom qu'il a
!t~"
torité d'un père c'est à lui qu'elle
contait ses chagrins et ses joies c'est à
lui qu'elle écrivait en cachette. Le retour
du contre-amiral n'éveille pas seule-
ment chez Séraphine le souvenir d'un
passé qui lui estodieuxmaintenant; la cou-
pable ne se contente pas d'expier sa faute
comme une pénitente; elle veut encore
acheter le pardon du ciel- en faisant .en-
trer en religion la fille née de sa faute.
Séraphine sent que l'arrivée de Montil-
lac va détruire tousses projels et qu'il
s'opposera de toutes ses forces au sacri-
fice d'Yvonne le mariu est ho m me. à dé-
fendre sa fille contre la dévote.
It faut qu'Yvonne rentre au couvent
avant que Montiflac, qui vient de l'em-
brasser avec une si profonde émotion, ait
pu la revoir. En attendant qu'à la faveur
de la nuit on ramène la pauvre enfant au
cloître d'où elle ne sortira plus jamais, on
la sequestre dans sa chambre. A qui con-
fierait-elle sa peine sinon à son parrain;
mais comment lui faire parvenir sa lettre?
Elle est seule, le soir, dans .-a chambre
qui donne sur le parc. Moyennant cin-
quante louis, Robert a décidé le groom à
laisser la porte entr'ouverte. Le voici dans
la place. Il a surpris Yvonne au moment
oii, mystérieusement, elle glissait des let-
tres dans la boite; il l'a entendue en <-a-
chefte parler une inconnue d'un enfant
et d'une nourrice. Plus de doute pour lui!
Yvonne est une petite dame du monde, et
Robert est venu pour s'amuser. Au pre-
mier mot qui vient souiller t'oreille de
cette enfant chaste et pure, Yvonne se re-
dresse dans sa fierté. Robert se trouble;
il courbe le-front et lui demande hum-
blement pardon.
M. Sardou'avait sans doute beaucoup
compté sur ce revirement, qui a cepen-
dant peu impressionné le public. La faute
n'en est pas aux acteurs, qui ont fort, bien
joué cette scène, à laquelle ni l'adresse ni
le talent de l'auteur ne font défaut elle est
dans la fausseté, dans l'absurdité du point
de "départ qui amène ce revirement'.
Comment! voilà un jeune homme qui
voit dans la rue une jeune fille glisser dis-
crètement une lettre dans la boîte. Pour
lui, c'est une lettre d'amour. Soit! Sommé
toute, il ne connait pas cette enfant; mais.
dès le premier acte, il la retrouve dans sa
famille, çtiejz le baron de Rpsanges, à côté
de sud père, un brave..coiônel, à côté de
sa mère, qui pass« dans le'monde pour une
austère vertu il la voit au foyer de la fa-
mille, douce, chaste, jeune, entourée de
l'affection des siens. Il a" surpris un en-
tretien où il est question de nourrice et
d'enfant, c'est encore vrai mais, à un
houutie bien élevé, ces légères indicaiions
ne su frisent pas pour manquer de respect
à une jeune fille. Que nous importe le re-
pentir de ce drôle, à qui l'on est tenté de
crier des-fauteuils d'orchestre
Ah! vraiment, jeune imbécile, vous
avez pris cette enfant pour une pefite'dame
du grand monde? Il est vrai que vous lui
avez entendu prononcer les mots de nour-
rice et d enfant! Ne savez-vous donc pas
que cw la ne suffit pas pour dégrader une
jeune fille dans votre cervelle vide! Sou-
venez-vous de la Closerie des Genêts, où la
fille du général passe à tort pour être
imère-l'Et d'ailleurs le beau-frère d'Yvonne,
votre ami Planterose, à qui vous avez fait
part de vos jgoupçons au deuxième acte,
au lien de vous tirer les oreilles et de
vous ilanquer par la fenêtre, a bien voulu
vous dire qu'il s'agissait d'une ancienne
femme de chambre de la baronne, qui
expie sa faute dans un grenier. Et vous
ne vwus êtes -fias rendu à l'évidence, et
vous achetez les laquais pour vous intro-
duire dans la chambre virginale de cette
enfant? Et c'est vous qui l'épouserez, à
minuit? Allons donc, pour un pareil crime,
il n'y a pas de pardon, car vous n'êtes pas
seulement un abominable crétin et un
odieux polisson, mais encore un malhon-
nête homme!
Mais Yvonne ne sait pas tenir le lan-
gage qui était au fond du cœur de tous les
grandi! Et à côté de ce vieux duc de Mal-
maison qui représente dignement sa fa-
millo, et qui vous remerciera plus tard,
laissez s'élever ce jeune homme qui rajeu-
nit sa souche, et ne dégradez pas un futur
amiral de France, et ce qui est plus, mes-
sieurs, un patriote et un désintéressé.
La plaidoirie était ingénieuse. L'ora,-
teur, désespérant de sa cause, ne cher-
chait plus son point d'appui que dans la
popularité de son héros. Beaucoup de re-
gards cherchèrent Amédée, et lui repor-
tèrent des hommages. Mais la base légale
manquait à l'argumentation. Les juges
n'eurent pas besoin de consulter, comme
d'habitude, la physionomie*de M. Com-
bler, La conviction de tous était faite par
avance.
La duchesse frémissait Non-seulement
elle allait être vaincue, mais elle avait
été passée sous silence. Son avocat même
ne s'était pas hasardé à parler d'elle.
Amédée avait à peine entendu un com-
mencement du discours. Mais quand sa
personne surgit du débat, quand on plaça
si haut dés vertus auxquelles il aurait
vouju atteindre, il oublia un instant Fer-
nande, pour regretter cette glorification
de sa vie privée, et cette exagération de
sa conduite de marin. Son avocat l'avait
pour longtemps compromis de ses
chefs; mais il couvrait ce côté de la ques-
tion, de l'indiûérence la plus grandiose..
Le tribunal se leva, et se groupa autour
de son présidenf.
Un frisson cour-ut dans l'auditoire
comme s'il devait être question de la tête
d'un homme. L'éloquence avait grandi
des intérêts secondaires.
Le président écrivit quelques notes,
et après avoir prononcé des considérants
assez développés, promulgua que la terre
de Valtravers resterait restituée au sieur
Hector, duc de Malmaison, après resfï-
tutign des impenses, gt que la veuve
tâour.tois ne sët°~it pjus ad~tise p4rtér
Courtois ne serait plus admise porter
la nom et le titre des M'ai maison, porter
L'ex-duchesse eut assez de tenue pour
ne répondre que par un sourire à cet ar-
rêt. Mais ce sourire dardait une telle
spectateurs peines de cette erreur de M.
Sardou la jeune fille pardonne d'autant
plus volontiers qu'elle apprend de la bou-
che de Robert qu'il est le neveu de son
parrain. Il la supplie de le suivre auprès
de Montillac qui la protégera' Il ne veut
pas qu'Yvonne aille s'enterrer au couvent.
Il l'entraine. Mais la chasteté l'emporte.
Yvonne s'arrache des bras de Robert; elle
appelle au secours Sa mère arrive, le
colonel aussi, et cet ancien zouave, au
lieu de brûler la cervelle à ce jeune hom-
me, ce qui d'ailleurs terminerait, ou à peu
près la pièce, admire son courage, son
amour pour Yvonne, et le laisse partir
comme il est venu, par le jardin. Il y a
gros à parier que le baron a été beaucoup
moins indulgent pour les Arabes qui n'a-
vaient cependant pas tenté de lui enlever
sa fille.
Hélas 1 ce troisième acte, qui avait pour-
tant si bien débuté par une scène exqu,ise,
entre Planterose et sa femme, à la suite
de laquelle le rendre célibataire va s'ins-
taller rue Le Peletier, en face de l'Opéra,
cet acte t'ait tache dans la comédie de M.
Sardou par l'extrême fausseté de la situa-
tion révoltante. On éprouvait un malaise
général de voir cette comédie, qui avait
débuté avec un si grand éclat, prendre
une telle tournure^ niaû au-fond on était
cdnv#Ntcttrq'uë M. Sardou rachèterait bril-
lamment cette erreur au quatrième acte.
En»présence des faits qui viennent de
s'accomplir dans son hôtel, Séraphine
n'hésite plus; elle a peur qu'on lui arra-
che cette fille qu'elle offre à Dieu en ex-
piation de sa faute. Il faut qu'Yvonne
rentre sur l'heure au couvent. Chapelard
l'accompagnera; la voiture attend à la
.porte. Yvonne y monte, mais au moment
où le digne Chapelard veut la rejoindre,
on le repousse et la voiture part au triple
galop des chevaux.
Enfin je respire Après avoir insisté
sans aucun plaisir, je vous prie de le
croire, sur la tache de ce troisième acte,
je vais donc pouvoir admirer ce qu'on
appelle vulgairement l'habileté, mais ce
que j'appellerai plus justement le grand
artsçéniquedcM. Sardou. Il a déjà pro-
digué à pleines mains son esprit, atten-
dez le dramaturge va secouer le specta-
teur dans sa stalle et le forcer de crier
bravo Non jamais M. Sardou n'a dé-
ployé une telle vigueur; il y a dans ce
quatrième acte'une scène qui rappelle les
plus belles soirées du théâtre. On y re-,
trouveitimpleiir de Dumas père dans ses
meilleurs.jours. Cette scène nous fait es-
pérer les plus beaux résultats du drame
que Sardou écrit en ce moment pour!
l'heureux M. Raphaël Félix. ,,1
C'est Montiliac qui a enlevé sa fille.
voici avec -elle dans cette maison isolée de
Neuilly dont Séraphine sait si bien lephe-
min. Pour la première fois, Montillac goûte
la joie pure d'avoir son enfant-près de lui,
sous son toit. Que lui importe l'ivresse de
Planterose quia enfin retrouvé sa femme?
Agathe a rejoint son mari rue Lepeletier;
la jalousie a tué la dévotion. Il faut en-
tendre Landrol raconter cette fète
« Je l'ai tenue dans mes bras, mon ami,
» pendant cinq minutes, savourant le char-
» me de ce groupe inconnu dansjmon mé-
» nage Mets-toi bien à ma place, mon bon
u Montillac! Ma femme àrnoi. chez moi I
» et sans ma belle-mère! Non, ce sont là
» des choses que la langue est impuissante,
» à exprimer! J'ai retrouvé mes vingt ans 1
» j'ai fait le galopin je lui ai tiré les bri-
» des de son chapeau, et j'ai jeté le cha-
» peau sous le canapé; je lui ai delacé ses
» bottines, je lui ai chaussé des pantoufles
» trop larges. J'ai coui.u acheter du pain,
» du vin, des orangesjides biscuits, le diner
» le plus insensé! Mais^^tais fou, je riais,
» je chantais. Nous avons mis le couvert
» nous-méme comme un étudiant qui reçoit
» sa grisette Elle était émue; elle plèu-
» rait, elle lâchait son assiette pour m'era-
» brasser! Et je lui essuyais les yeux avec
» ma serviette. Des choses délicieuses! tu
» sais! le premier rendez-vous, la fe mme
» audacieuse et craintive! l'œil brillant,
» les mains brûlantes Quel diner! Et que
haine, qu'il annonçait vingt ans de com-
bat au duc Hector.
Elle n'articula qu'un mot, en se tour-
nant vers le vieillard
J'ai trois cent mille francs de rente
on s'en apercevra.
Celui-ci, pendant ce temps-là, embras-
sait sa fille.
Amédée restait presque insensible à
toutes ces émotions environnantes.
Au moment où le vieux duc passait ses
mains autour du cou de mademoiselle de
Malmaison, Amédée se précipita sur son
banc,
L'huissier crut à une attaque contre le
vieillard, et allait faire intervenir la force
publique.
Mais Amédée se borna à ramasser par
terre un journal et à y lire un nom.
La foule s'était quelque peu Uoignée,
traînant ses commentaires. Amédée, re-
venu à lui depuis qu'il avait ce qu'il vou-
lait avoir, s'apprêtait à donner quelques
paroles de consolation sa mère, et lui
offrait son bras.
Elle se'retourna frémissante.
Quelques personnes pouvaient encore
l'entendre, mais la colère l'hallucinait.
-Je suis dépouillée! s'écria-t-elle, et
vous êtes le^complice de ces misérables.
Vour n'avez rien* su faire pour moi, et je
vous ai surpris tout à l'heure souriant à ce
respectable drôle. Mais je me vengerai
de tous, et ce ne sera pas long.
Amédée s'épuisait à chercher les moyens
de calmer sa mère.
Elle repoussa son bras.
Suivez-moi.! dit-elle.
Elle traversa la salle des Pas Perdus.
Où dépose-t-on les plaintes? deman-.
da-t-elle à un 'sergent de ville.
Celui-ci la conduisit au parquet.
-A qui en avez-vous, ma mère? s'écria
Amédée.
À vous! à ellel à tous!
C'était le moment pour Amédée d'i1--
tervenir et de s'opposera ce qui lui pa-
raissait devoir être un acte de folie.
Mais la vengeance donne quelquefois
une expression splendide, comme toutes
» nous étions donc loin, quand la pauvre
» mignonne s'est écriée « Ah! Dieu, si
» maman nous voyait! » Mais cette fois
» là, ma foi, ça venait si drôlement. »
Ah! Montillac a bien le temps d'écouter
ce charmant babillage. Yvonne est près de
lui: il peut donc la presser sur son cœur;
ce père, jaloux de la tendresse que cestte
enfant, prodigue à l'autre, au baron, peut
donc l'embrasser à son aise! Vraiment,
cette scène est adorable Voici Sardou re-
trouvé C'est bien sa touche délicate, tout t
son talent, tout son esprit. Mademoiselle
Antonitie avait à lutter depuis le commen-
cement de la pièce contre le souvenir de
mademoiselle Delajjorte; cette fois elle a
vaincu je ne dirai pas la froideur, mais la
réserve du public; tes applaudissements
ont éclaté de toutes parts; on lui a fait un
succè,s vrai, sincère, ainsi qu'à M. Pujol
qui est en train de devenir un des bons
comédiens de Paris. L'arrivée de Séra-
phine vient troubler ce touchant entre-
tien c'est à peine :-i Montillac a le temps
de cacher Yvonne! Voici la baronne.
Il n'est plus question de la T)?.vot<>, dont
l'extrême intolérance fatiguait parfois le
spectateur; c'est la mère qui vient rede-
mander son enfant. La voici donc dans
cette maison de Neuilly, où la baronne a
tant aimé l'homme qu'elle exècre mainte-
nant S'ui enfant est là, près de lui, elle
le devins. Il lui faut Yvonne, il faut
qu'elle entre au couvent pour expier la
faute de sa mère; il faut apaiser le cour-
roux de Dieu, de Dieu redoutable Séra-
phine ne sortira pas sans sa fille; au be-
soin, elle appellera au secours, elle atti-
rera les passants, la police Eperdue,
folle, haletante, elle court vers la fenêtre
-Si vous criez, je montrerai vos lettres
d'autrefois lui dit Montillac.
Aces mot. Séraphine s'arrête. Comment?
aucune puissance ne pourra arracher
Yvonne dos griffes de ce père qui défend
sa tille contre le couvent? La scène est
superbe, faite de main de maître, et ma-
dame Pasca l'a jouée en comédienne con-
sommée. K faut l'entendre, il faut la voir;
elle a des rugissements qui font frémir.
Que faire? Comment se venger de Mon-
tillac Et avec quel accent de rage, de
haine et de vengeance elle lui jette à la
face cf-s mots cruels
Cette enfant n'est-pas de toi. Il est
de mon mai- de mon mari.de mon
mari! •̃
Mais sous le regard calme, digne et
froid de sou ancien amant, la pécheresse
courb': le f-ont; elle poussera l'humilia-
tion jusqu'à affirmer à son mari qui sur-
vient qu'Yvonne n'est pas chez Montillac.
Mais le colonel ne se contenteras de celte
explication; pour la première fois, il se
demande si l'amiral n'a pas d'autres droits
sur Yvonne que ceux d'un parrain il
tuera de Montillac.
^M «t. ̃̃̃
Tout I';v:!<ï esl superbe; il serait injuste
de trop insister sur une agréable ficelle
qui fait toinhur entre les mains d'Yvonne
les lettres écrites autrefois par Séraphine
à son amant. Ce petit escamotage amène le
dénoue. hent; la baronne, croyant ces let-
tres dans les mains de sa fille, se suppo-
sant meaacéa du mépris de son enfant, se
détache un instant du ciel tant son âme
est abso:-bè%nar la douleur et l'angoisse.
Rbber-t fait croire au colonel que c'est lui
qui a enlevé Yvonne; le vieux troupier se
calme et consent au mariage de sa fille
avec Robert. Séraphine ne s'opposera
plus à ce dénouement. Déjà elle respire
Yvonne a brûlé les lettres sans les lire;
elle conserve l'estime de sa fille; elle con-
servera l'estime du monde en consentant
à ce mariage .Le silence de Montillac qui
retournera au Sénégal est à ce prix.
Telle est en gros traits la donnée de
cette come.tie, où le talent de Sardou se
montre avec plus de maturité que par le
passé, et où son esprit sonne des fanfares.
les passions. Amédée subissait l'ascen-
dant d'une organisation plus trempée
que la sienne.
Ils arrivèrent au parquet.
Le substitut, qui les reçut, venait d'as-
sister aux débats et connaissait la figure
de madame de Malmaison.
Que voulez-vous, madame? lui de-
manda-t-il.
Accuser deux personnes, répondit-
elle,
Le duc Hector et sa fille sont à l'abri
de vos poursuites, dit le magistrat:la jus-
tice a prononcé.
II ne s'agit pas d'eux.»
Qui, alors?
Je porte plainte contre mon fils que
voici.
Amédée balbutia quelques paroles.
-Que vous ai-je fait? dit-il d'un ton
navré.
J'accuse aussi une seconde personne,
sa complice, la nommée Fernande Blan-
clard, -dit la duchesse.
Amédée poussa un cri.
Et de quel crime les accusez-vous,
madame? reprit le substitut.
De s'èlre marié* secrètement en Ita-
lie, et sans mon consentement, et je de-
mande qu'on rende hommage à la loi
française, en cassant leur mariage.
Ali ma mère! cria Amédée en tom-
bant d'épouvanté sur le banc.
Très bien madame Voici votre
plainte rédigée sommairement. Vous nous
donnerez les détails plus tard. Veuillez
signer.
Elle prit la plume*
Un instant, madame, dit le magis-
trat, Contestez-vous, capitaine? g
Non monsieur, articula Amédée
d'une voix éteinte.
Elle écrivit au bas d'une feuille de pa-
pier à moitié remplie
Bérengère d'Hurbal, veuve Courtois.
Il vous a plu que je portasse' ce. nos),
dit-elle à son fils. Je m'en sers l
Séraphine sera assurément le an
cès de l'hiver d'abord par l'intérêt dudi^
me, et ensuite par le bruit qui se fera au-!
tour de cette plaidoirie contre la dévo-
tion. Ne croye^cependant pas que l'auteur
ait cassé les vitres comme on l'a dit •"uH
gdirement. L'audace n'a pas envahi à- ce
point sa plume qu'elle se livre à des atta-
ques trop brutales et trop directes contre
la religion. Dans aucune scène, Sardou 1
n'a osé prendre, comme on dit, le taureau f
par les cornes; il ne s'attaque qu'aux.
hors-d'œuvres, aux abus qu'une croyance,
mal dirigée par le fanatisme peut com-
mettre. Quand au fond, à la grande ques-
tion palpitante qui divise les conscien-
ces, il ne fait (jue l'effleurer avec une
adresse et un tact inouis. Les libres
penseurs s'amuseront des tirades spiri-
tuelles de Planter jse, mais 1-; malii,-
rialisme de cet homme 'du monde ne dé-
passe jamais l'honnête moyenne; de là
viennent les hésitations, à côté de quel-
ques audaces tempérées, et dans ces con-
ditions le rôle de Chapelard ne pouvait
être qu'une vague ébauche dans laquelle
l'œil exercé de l'artiste peut seul deviner
l'intention. En réalité, Cliapelard. loin de
représenter une confrérie envahissante;,
n'est qu'une réduction du père GhHvnfloi,
qui sait fort bien accommoder la religion
aux exigences de ses appétits. Pradeau a
eu des moments fort heureux.• J ?
Et maintenant, si vous voulez causer
théâtre, au lieu de soulever des contro-
verses religieuses, laissez-moi vuu* dire
que la religion n'a aucun rapport avec
l'action de ce drame palpitant, de cafta
amusante comédie. Si Séraphine, au lieu-
d'être la dévote que vous savezi pié-Mait
le club dès femmes à la salle de la Re-
doute, si une libre pA,seuse voulait faire
épouser .«a fille, amoureuse d'un rédacteur
de Y Univers, par un libre penseur, l'ac-
tion serait la même.
Ce qui survit de la pièce de Sardon,
c'est, en dehors de son esprit étincelant'
le drame purement humain, dt-ga-é de
toute préoccupation religieuse; la "libre
pensée ne s'élève guère au dessus ''l'une
spirituelle conférence, mais du drame
même, de l'action ne se dégage aucun en-
seignement et ne jaillit aucune lumière.
Mais telle qu'elle est, cette comédie avec
ses élans et ses défaillances est nnedes
plus émouvantes et des plus spirituelles-*
qu'ait enfantées le cerveau ingénieux
l'esprit alerte, vif et si parisien de.Jvic-
tonen Sardou. On ne manquera pas de
vous dire que la situation dramatique du
quatrième acte est un peu forte pour le
théâtre du Gymnase. Permet'ez moi de ne
pas tomber dans de pareils errements-
pour moi il n'y a que deux théâtres U
bon et le mauvais.
Userait injuste d'oublier M. Vietoriu-
il a donné une allure très vive au peiit
cuistra Sulpice, qui finit par mander
avec une danseuse la caisse destinée à
hâter la conversion des Patagons. M. Ber-
ton a été très spirituel au premier acte et
aussi amoureux que possible dans l'éter-
nel rôle du jeune homme qui se marie à
minuit. J'ai gardé pour la fin Lar-drbl cet
excellent comédien, qui, depuis ,]\ ans,»
fait des tours de force, et qui enfin à"
trouvé un grand, très grand et très légi-
time succès. °
Sa création dans la comédie de M Sar-
dou a mis M. Landrol au premier plan;
il a été spirituel, gai, charmant au po,-
sible le public l'a fêté quand il est
venu annoncer le nom sympathique do
Sardou.
Albert vvol.tr.-
'̃ "0
w ̃ ,-̃
Nous rappelota à nus lecteurs que de /»'>̃'£
d'abonnement, ,.u ï<'kuho, «( pour i&s dé.
̃parlementt de lti fr. ptlUr trou mois, M /r.
pour nia: mou et tU fr. tiour un an.
xni ̃
Justin avait mis huit jours à trouver
1 adresse d'Alberline. Il ne fit pas un seul
report, et ne s'engagea sur aucune-prime,
pendant toute cette semaine mais il sa-
vait sous quelle fenêtre envoyer les sou-
pirs qui lui gonflaient le cœur.
Car il aimait madame Mansoury.
La première fois qu'il l'avait trouvée,
elle- lui laissa l'impression d'un par-
fum, dont le souvenir caresse quelque
temps, et qui finit par s'évaporer. A la se-
conde rencontre, elle entra en lui tout
entière, comme une fauvette entre
dans son nid. EUe s'y blottit pendant toute
une saison d'amour, et ne le quitte que
pour y revenir. H
Justin connaissait l'étage et la terrasse
de madame Mansoury. il ignorait son
nom, et la respectait déjà beaucoup trop
pour se renseigner chez son concierge
Il aurait estimé d'un goût affreux, de
faire des deux services qu'il lui avait ren-
dus, le prétexte d'une visite. Cependant i1
ne pouvait plus vivre sans la voir.
Elle avait l'air de se tenir sur ses gar-
des elle ne sortait plus. Mais c'était bien
sans calcud. Elle s'était promis, dans son
honnêteté, de ne rien faire pour renouer
avecNoirmoutiers, mais elle ne s'inter-
disait nullement le plaisir de le rencon-
trer.
La chaleur était trop forte sous les ar-
bres clairs du Luxembourg, Il tombait
des ondées, aux heures de la promenade.
La vertu n'était pour rien dans la mm-
apparition d'Albertine, qui parcourait dé-
sespérément son quartier.
Mais, comment le hasard serait-il nn«x-
dieu, s'il ne rapprocllaU quelque les
amoureux.
H. DE LACUETELLE
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