Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1864-05-15
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 164718 Nombre total de vues : 164718
Description : 15 mai 1864 15 mai 1864
Description : 1864/05/15 (Numéro 965). 1864/05/15 (Numéro 965).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
Description : Collection numérique : BIPFPIG69 Collection numérique : BIPFPIG69
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Description : Collection numérique : France-Brésil Collection numérique : France-Brésil
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k270309d
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
~l,
11e Année 965
..4 .'̃ w • t [' Seine '< f
11< ~4 CENTiI~ES~ ~J~L p
f RENTÉ-CINQ CENTIMES- \2__1/
Dimanche 15 Mai 1864
B. IJOUVIN
ItllCTIUR EN CHBF. ··.
ABONNEMENTS (PARIS)
"̃ Do an. 36 fr. I Trois mois. 9 fr. 9 50
Six mois.. 19 | Un mois. U
tES MANUSCRITS j
NON INSÉRÉS SONT BRÛLÉS
ADMINISTRATION ET RÉDACTION
14, BUE GTlANGE-BATEI.IÈnE, 14 «
il On me dit qu'il s'est établi dans Madrid,
un système de liberté sur la vente des proddo- ̃'
tions, qui s'étend même à celle de la presse,
et que, pourvu que je ne parle en mes écrits
• ni de l'autorité, ni du culte, ni de la politique,
m de la morale, ni des gens en place, ni des
corps en crédit, ni de l'Opéra, ni des autres
ô spectacles, ni de personne qui tienne à quel-
que chose, je puis tout imprimer librement, |
nous l'inspection de deux ou trois censeurs. • I
.̃ .̃̃̃ i
« Loué par ceux-ci, blâmé par ceux-là, me moquant des sots, bravant les méchants.
je me hâte de rire de tout de peur d'être obligé d'en pleurer.
FIGARO
G. BOURDIN sfW~^
·SCABTAIAB DS LA d~DACTIOr, si 7^' 7
MCRÉTAIRE DK LA. RÉDACTION. I i
fhf i> i'('
ABONNEMENTS (DÉPARTEMENTS) El J-
Un an. /jO fr Trois mois. lOfr. 5n\ fklîl VJ
Six mois..21 I Un mois.. 4 50 XOii'kîaJ-JU
FIGABO
PARAIT DEUX FOIS PAR SEMAINE
Le Jeudi et le Dimanche.
ADMINISTRATION ET RÉDACTION
14, RUE GRANGE-BATELIÈRE H
"̃ > :̃ • '̃ '̃- ̃
n Que je voudrais bien tenir un de ce:
puissants de quatre jours, si légers sur le
mal qu'ils ordonnent, quand une bonne dis-
grâce a cuvé son orgueil Je lui dirais que!
les sottises imprimées n'ont d'importance? r w
qu'aux lieux où l'on en gène le cours que, ,̃
sans la liberté de blâmer, il n'est point d'é- y
loges flatteurs, et qu'il n'y a que les petit»
hommes qui redoutent les petits écrits.
'̃̃̃> > ̃̃'̃ -•• ̃ tëmJË
JOURNAL D'UN FLANEUI^SL
Jeudi. i
Ah le vilain temps que le nôtre, on rit de tout. Je me
trompe, si on riait, il n'y aurait pas grand mal, on fait pis que
cela on blaguè tout.
J'espère bien que les critiques verts ne m'accuseront pas de
parler argot et qu'ils voudront bien se souvenir que c'est
M. Proudhon, l'homme de France qui parle le meilleur français,
qui a glissé le premier le mot blaguer dans le style parlemen-
taire.
♦
Il a eu la main heureuse, le mot a fait son chemin.
Il est passé non-seulement dans la conversation, mais encore
dans la littérature moderne, où il s'emploie avec un certain
succès.
Dans la vie pratique, on abuse, non du mot, mais de lachose.
Tout le monde blague.
La blague est vieille comme le monde.
Jacob achète à Esaü son droit d'aînesse. Il met sur son dos
une peau de chevreau pour faire croire à Isaac aveugle qu'il
est bien le fils velu, et il obtient la bénédiction paternelle de
cette façon.
Pour juger les hommes suivant leurs œuvres, comme disent
SOUVENIRS DE LA 6ME CHAMBRE
̃ ̃• i
L'ancien Palais. L'ancienne grand'salle. iMaleslierbes et son chien.
L'horloge et le baromètre de la première Chambre. L'ancienne sixième
Chambre et son public. Le Causoir. Me Couture. Me Cliicoisneau
pro mente sud. Me Baischère et son client Poulmann. Delirium tre-
mens. Oui, l'avocat est coupable. »
Un des signes les plus fâcheux de la vieillesse qui s'avance, un de
ceux contre lesquels je me suis le plus constamment appliqué à me
prémunir, c'est le blàme continuel du présent, l'éloge incessant d'un
passé qui ne doit plus revenir. CeUe disposition si ennuyeuse pour
les autres, si contraire surtout à notre propre bonheur, je l'ai trop
souvent ridiculisée chez les autres pour tomber dans le même tra-
vers aujourd'hui. Ne vous hâtez donc pas de me traiter de Nestor
chagrin et de radoteur si je vous dis que la sixième Chambre de po-
lice correctionnelle était infiniment plus amusante i, y a quelques
vingt ans que de nos jours.
On dit que ce sera un admirable monument que le Palais de Jus-
tice quand sa reconstruction sera terminée. Dieu me garde d'en
douter; il ne faut jamais douter de ravenir; mais voilà quinze ans
Sleïgaints-Simoniens, on peut admettre que Isaac-pas Pereire
–£4à un père dindon Jacob un homme fort autrefois on
.abwfit dit une canaille Esaü est un imbécile blagué jusqu'à
corde.
co
Blaguer est un verbe dont le besoin se faisait tout à fait sen-
tir. J'entends, cela va sans dire, le nouveau verbe blaguer, et
non l'ancien qui signifiait l'habitude de mentir ou de dire des
choses naïves et de peu de valeur.
Nos pères employaient le mot blague pour désigner une
vessie desséchée dans laquelle les gens du bas peuple mettaient
du tabac.
Par une image assez naturelle, ils avaient donné le nom de
blague, c'est-à-dire vessie vide, à une fanfaronnade menson-
gère.
C'était ingénieux, mais ce n'était pas fort.
'•• 'K& • • ̃
Aujourd'hui, le mot blague est devenue leplus grand mot de
la langue française.
Il s'applique dans tant d'acceptions, que si on l'écoulait, il
faudrait faire un dictionnaire pour lui tout seul.
•
Voyez-vous ce bon M. deVaugelas revenant sur terre; ce bon
M. de Vaugelas qu'on appelait le législateur du beau langage;
M. de Vaugelas, qui préféra voir son unique nièce rester fille
plutôt que de lui donner en mariage un gentilhomme toulou-
sain qu'elle adorait,-et cela par le seul fait quecegentilhomme,
le chevalier de Canolles, disait « Faites-moi lumière, je vous
prie, j'ai laissé tomber la canne dans l'escalier. »
x <
Or, que dirait le bon M. deVaugelas si, rencontrant Siraudin
sur le boulevard, ce dernier lui diait
qu'elle traîne, cette reconstruction, et, en attendant, c'estbien laid.
Me l'ont-ils gâchée, deshonorée, ma pauvre grand'salle, avec leurs
grosses poutres, ignobles étais, affligeantes béquilles d'une coupole
sans égale dans le monde, laquelle avait duré quatre ou cinq cents ans
svelte et légère, et semblait en devoir durer quatre ou cinq cents de
plus; alors qu'elle renfermait, un peu à l'étroit c'est vrai, les huit
chambres du Tribunal civil et correctionnel, l'une de celles de la
Cour de cassation, le parquet du procureur du roi, la chambre des
avoués, les quatorze cabinets des juges d'instruction, et la souri-
cière, comme elle était vive et animée I C'est là que, de neuf heures
à cinq, on voyait s'agiter, se promener tout ce que Paris renfermait
d'avocats, d'avoués, de clercs, de plaideurs, de journalistes et de
curieux. C'était un centre, le Palais n'en a plus aujourd'hui.
Combien j'ai vu de braves paysans prendre pour autant de magis-
trats les dix-sept écrivains publics qui y trônaient sur leur vieux
fauteuil vert, accoudés à leur table de sapin noirci. Combien j'en ai
vu ôter dévotement leur chapeau devant la niche de Malesherbes,
ne doutant pas qu'ils eussent affaire à saint Roch, à cause du'Lchien
dont on l'a accompagné. Faites-vous donc tuer pour les rois, afin
qu'après votre mort on représente votre fidélité sous l'ingénieux
emblème. d'un caniche?. non; sous celle d'un lévrier; l'espèce
la moins fidèle de toute la race canine.
Je l'avouerai, je regrette l'ancienne première Chambre, dans la-
quelle M. Debelleyme rendait ses oracles, flanqué à droite d'un ba-
romètre sans mercure, et à gauche d'une horloge sans aiguille, en
sorte que l'auditoire, s'il y apprenait la justice, n'y pouvait connaître
ni l'heure, ni le temps, neither time nor weather.
Et l'escalier à double rampe'de ma vieille sixième Chambre, ter-
miné au sommet par deux gardes municipaux lesquels, du haut
de cette position élevée, dominaient la foule et semblaient lui crier
l'éternel boniment « Voyez le monde, suivez le monde; au bureau,
messieurs, au bureau! ne vous arrêtez pas aux bagatelles de la
Cher monsieur deVaugelas, vous avez tort de ne pas don-
ner votre consentement à votre nièce qui est charmante. Vous
faites une affaire d'Etat d'un rien. Que vous importe que M. de
Canolles, qui est très gentil, parle ainsi ou autrement ? Il faut
prendre la vie en blague, que diable 1
̃"«, •̃, '̃;̃̃>̃
̃ r •̃̃,̃.
Cher monsieur Siraudin, répondrait Vaugelas, vous jetez
une grande confusion dans mon esprit. Si je n'avais pas été à
même de remarquer cent fois que vous connaissiez mieux la
langue française qu'aucun homme qui soit au monde, je vous
ferais répéter votre phrase. Comment, je vous prie, admettre
qu'il soit loisible à l'homme de prendre la vie en vessie ? Est-
ce à dire qu'on puisse enfermer son existence dans de la peau
de porc desséchée ? Je ne saurais admettre cette hypothèse.
!f
« Prendre la vie en blague. » •>. ̃=,-̃;̃̃.•
« La faire ù la blague. »
« Blaguer la situation. »
Sont autant de formules acquises désormais au langage.
C'est ennuyeux, mais c'est ainsi.
Je vois d'ici l'abonné de la Bretèche entrer dans une colère
bleue et s'écriant
Il est possible que ces messieurs de Paris emploient de
pareilles expressions, mais jamais, au grand jamais, on ne fera
que je me serve de locutions semblables.
L'abonné de la Bretèche a la naïveté de croire que Dieu l'a
mis sur terre pour moucher la lumière des mondes.
»
Il y a quelques vingt[ans que Daumier, « un crayon de génies
porte entrez, on va commencer, on ne paye pas même en sortant. »
La foule docile accourait de tous les coins de la grand'salle, voyous.
en casquette, filles douteuses en marmotte ou en bonnet. Identi-
quement le même public qui faisait queue le soir à la porte des
Funambules et du Petit-Lazari; les mêmes lazzis, les mêmes char-
ges pour charmer l'ennui de l'attente, et aussi les mêmes comesti-
bles, le même sou de pommes de terre frites dans un cornet de pa-
pier de paille, les mêmes pommes vertes, les mêmes sucres d'orge,
il n'y manquait absolument que la galette de la porte Saint-Denis,
mal remplacée par l'ignoble chausson aux pruneaux. De temps en
temps les heureux du jour se faisaient garder leur place et s'allaient
rafraîchir chez le marchand de vin qui fait l'angle du passage da
Prado, Au rendez-vous des témoins. Presque tous ces spectateurs-
là avaient été acteurs eux-mêmes sur le petit théâtre de la police
correctionnelle, ou se destinaient à y monter le plus tôt possible. Oa
avait promis aux amis d'assister à leur jugement, et il fallait leur te-
nir parole, qu'il y eùt ou non du pain à la maison; il fallait les en-
courager de sa présence, leur donner, fût-ce à distance, des nou-
velles et des renseignements. Ces gaillards-là avaient inventé la té-
léphonie, et la télégraphie électrique ou non, bien avant les hono-
rables industriels qu'on a cru devoir récompenser à la dernière Ex-
position.
Aujourd'hui les audiences de la police correctionnelle sont pu-
bliques, puisque la loi le veut, mais elles ne le sont plus pour tout le
monde. D'abord on les a reléguées dans le beau bâtiment neuf de la ?"
Cour des Comptes, où les simples flâneurs ont bien de la peine à les
découvrir; puis, au bas d'un escalier presque aussi magnifique que
celui du Louvre, on a placé un garde de Paris qui laisse facilement
passer l'habit noir et la robe de soie, mais qui demande toujours à
la blouse et à !a robe d'indienne s'ils sont porteurs d'une assigna-
tion, à défaut de laquelle il les engage à circuler. Plus do gaieté à
la porte, bien peu en dedans, aussi, je vous le jure.yA. peine, dans
11e Année 965
..4 .'̃ w • t [' Seine '< f
11< ~4 CENTiI~ES~ ~J~L p
f RENTÉ-CINQ CENTIMES- \2__1/
Dimanche 15 Mai 1864
B. IJOUVIN
ItllCTIUR EN CHBF. ··.
ABONNEMENTS (PARIS)
"̃ Do an. 36 fr. I Trois mois. 9 fr. 9 50
Six mois.. 19 | Un mois. U
tES MANUSCRITS j
NON INSÉRÉS SONT BRÛLÉS
ADMINISTRATION ET RÉDACTION
14, BUE GTlANGE-BATEI.IÈnE, 14 «
il On me dit qu'il s'est établi dans Madrid,
un système de liberté sur la vente des proddo- ̃'
tions, qui s'étend même à celle de la presse,
et que, pourvu que je ne parle en mes écrits
• ni de l'autorité, ni du culte, ni de la politique,
m de la morale, ni des gens en place, ni des
corps en crédit, ni de l'Opéra, ni des autres
ô spectacles, ni de personne qui tienne à quel-
que chose, je puis tout imprimer librement, |
nous l'inspection de deux ou trois censeurs. • I
.̃ .̃̃̃ i
« Loué par ceux-ci, blâmé par ceux-là, me moquant des sots, bravant les méchants.
je me hâte de rire de tout de peur d'être obligé d'en pleurer.
FIGARO
G. BOURDIN sfW~^
·SCABTAIAB DS LA d~DACTIOr, si 7^' 7
MCRÉTAIRE DK LA. RÉDACTION. I i
fhf i> i'('
ABONNEMENTS (DÉPARTEMENTS) El J-
Un an. /jO fr Trois mois. lOfr. 5n\ fklîl VJ
Six mois..21 I Un mois.. 4 50 XOii'kîaJ-JU
FIGABO
PARAIT DEUX FOIS PAR SEMAINE
Le Jeudi et le Dimanche.
ADMINISTRATION ET RÉDACTION
14, RUE GRANGE-BATELIÈRE H
"̃ > :̃ • '̃ '̃- ̃
n Que je voudrais bien tenir un de ce:
puissants de quatre jours, si légers sur le
mal qu'ils ordonnent, quand une bonne dis-
grâce a cuvé son orgueil Je lui dirais que!
les sottises imprimées n'ont d'importance? r w
qu'aux lieux où l'on en gène le cours que, ,̃
sans la liberté de blâmer, il n'est point d'é- y
loges flatteurs, et qu'il n'y a que les petit»
hommes qui redoutent les petits écrits.
'̃̃̃> > ̃̃'̃ -•• ̃ tëmJË
JOURNAL D'UN FLANEUI^SL
Jeudi. i
Ah le vilain temps que le nôtre, on rit de tout. Je me
trompe, si on riait, il n'y aurait pas grand mal, on fait pis que
cela on blaguè tout.
J'espère bien que les critiques verts ne m'accuseront pas de
parler argot et qu'ils voudront bien se souvenir que c'est
M. Proudhon, l'homme de France qui parle le meilleur français,
qui a glissé le premier le mot blaguer dans le style parlemen-
taire.
♦
Il a eu la main heureuse, le mot a fait son chemin.
Il est passé non-seulement dans la conversation, mais encore
dans la littérature moderne, où il s'emploie avec un certain
succès.
Dans la vie pratique, on abuse, non du mot, mais de lachose.
Tout le monde blague.
La blague est vieille comme le monde.
Jacob achète à Esaü son droit d'aînesse. Il met sur son dos
une peau de chevreau pour faire croire à Isaac aveugle qu'il
est bien le fils velu, et il obtient la bénédiction paternelle de
cette façon.
Pour juger les hommes suivant leurs œuvres, comme disent
SOUVENIRS DE LA 6ME CHAMBRE
̃ ̃• i
L'ancien Palais. L'ancienne grand'salle. iMaleslierbes et son chien.
L'horloge et le baromètre de la première Chambre. L'ancienne sixième
Chambre et son public. Le Causoir. Me Couture. Me Cliicoisneau
pro mente sud. Me Baischère et son client Poulmann. Delirium tre-
mens. Oui, l'avocat est coupable. »
Un des signes les plus fâcheux de la vieillesse qui s'avance, un de
ceux contre lesquels je me suis le plus constamment appliqué à me
prémunir, c'est le blàme continuel du présent, l'éloge incessant d'un
passé qui ne doit plus revenir. CeUe disposition si ennuyeuse pour
les autres, si contraire surtout à notre propre bonheur, je l'ai trop
souvent ridiculisée chez les autres pour tomber dans le même tra-
vers aujourd'hui. Ne vous hâtez donc pas de me traiter de Nestor
chagrin et de radoteur si je vous dis que la sixième Chambre de po-
lice correctionnelle était infiniment plus amusante i, y a quelques
vingt ans que de nos jours.
On dit que ce sera un admirable monument que le Palais de Jus-
tice quand sa reconstruction sera terminée. Dieu me garde d'en
douter; il ne faut jamais douter de ravenir; mais voilà quinze ans
Sleïgaints-Simoniens, on peut admettre que Isaac-pas Pereire
–£4à un père dindon Jacob un homme fort autrefois on
.abwfit dit une canaille Esaü est un imbécile blagué jusqu'à
corde.
co
Blaguer est un verbe dont le besoin se faisait tout à fait sen-
tir. J'entends, cela va sans dire, le nouveau verbe blaguer, et
non l'ancien qui signifiait l'habitude de mentir ou de dire des
choses naïves et de peu de valeur.
Nos pères employaient le mot blague pour désigner une
vessie desséchée dans laquelle les gens du bas peuple mettaient
du tabac.
Par une image assez naturelle, ils avaient donné le nom de
blague, c'est-à-dire vessie vide, à une fanfaronnade menson-
gère.
C'était ingénieux, mais ce n'était pas fort.
'•• 'K& • • ̃
Aujourd'hui, le mot blague est devenue leplus grand mot de
la langue française.
Il s'applique dans tant d'acceptions, que si on l'écoulait, il
faudrait faire un dictionnaire pour lui tout seul.
•
Voyez-vous ce bon M. deVaugelas revenant sur terre; ce bon
M. de Vaugelas qu'on appelait le législateur du beau langage;
M. de Vaugelas, qui préféra voir son unique nièce rester fille
plutôt que de lui donner en mariage un gentilhomme toulou-
sain qu'elle adorait,-et cela par le seul fait quecegentilhomme,
le chevalier de Canolles, disait « Faites-moi lumière, je vous
prie, j'ai laissé tomber la canne dans l'escalier. »
x <
Or, que dirait le bon M. deVaugelas si, rencontrant Siraudin
sur le boulevard, ce dernier lui diait
qu'elle traîne, cette reconstruction, et, en attendant, c'estbien laid.
Me l'ont-ils gâchée, deshonorée, ma pauvre grand'salle, avec leurs
grosses poutres, ignobles étais, affligeantes béquilles d'une coupole
sans égale dans le monde, laquelle avait duré quatre ou cinq cents ans
svelte et légère, et semblait en devoir durer quatre ou cinq cents de
plus; alors qu'elle renfermait, un peu à l'étroit c'est vrai, les huit
chambres du Tribunal civil et correctionnel, l'une de celles de la
Cour de cassation, le parquet du procureur du roi, la chambre des
avoués, les quatorze cabinets des juges d'instruction, et la souri-
cière, comme elle était vive et animée I C'est là que, de neuf heures
à cinq, on voyait s'agiter, se promener tout ce que Paris renfermait
d'avocats, d'avoués, de clercs, de plaideurs, de journalistes et de
curieux. C'était un centre, le Palais n'en a plus aujourd'hui.
Combien j'ai vu de braves paysans prendre pour autant de magis-
trats les dix-sept écrivains publics qui y trônaient sur leur vieux
fauteuil vert, accoudés à leur table de sapin noirci. Combien j'en ai
vu ôter dévotement leur chapeau devant la niche de Malesherbes,
ne doutant pas qu'ils eussent affaire à saint Roch, à cause du'Lchien
dont on l'a accompagné. Faites-vous donc tuer pour les rois, afin
qu'après votre mort on représente votre fidélité sous l'ingénieux
emblème. d'un caniche?. non; sous celle d'un lévrier; l'espèce
la moins fidèle de toute la race canine.
Je l'avouerai, je regrette l'ancienne première Chambre, dans la-
quelle M. Debelleyme rendait ses oracles, flanqué à droite d'un ba-
romètre sans mercure, et à gauche d'une horloge sans aiguille, en
sorte que l'auditoire, s'il y apprenait la justice, n'y pouvait connaître
ni l'heure, ni le temps, neither time nor weather.
Et l'escalier à double rampe'de ma vieille sixième Chambre, ter-
miné au sommet par deux gardes municipaux lesquels, du haut
de cette position élevée, dominaient la foule et semblaient lui crier
l'éternel boniment « Voyez le monde, suivez le monde; au bureau,
messieurs, au bureau! ne vous arrêtez pas aux bagatelles de la
Cher monsieur deVaugelas, vous avez tort de ne pas don-
ner votre consentement à votre nièce qui est charmante. Vous
faites une affaire d'Etat d'un rien. Que vous importe que M. de
Canolles, qui est très gentil, parle ainsi ou autrement ? Il faut
prendre la vie en blague, que diable 1
̃"«, •̃, '̃;̃̃>̃
̃ r •̃̃,̃.
Cher monsieur Siraudin, répondrait Vaugelas, vous jetez
une grande confusion dans mon esprit. Si je n'avais pas été à
même de remarquer cent fois que vous connaissiez mieux la
langue française qu'aucun homme qui soit au monde, je vous
ferais répéter votre phrase. Comment, je vous prie, admettre
qu'il soit loisible à l'homme de prendre la vie en vessie ? Est-
ce à dire qu'on puisse enfermer son existence dans de la peau
de porc desséchée ? Je ne saurais admettre cette hypothèse.
!f
« Prendre la vie en blague. » •>. ̃=,-̃;̃̃.•
« La faire ù la blague. »
« Blaguer la situation. »
Sont autant de formules acquises désormais au langage.
C'est ennuyeux, mais c'est ainsi.
Je vois d'ici l'abonné de la Bretèche entrer dans une colère
bleue et s'écriant
Il est possible que ces messieurs de Paris emploient de
pareilles expressions, mais jamais, au grand jamais, on ne fera
que je me serve de locutions semblables.
L'abonné de la Bretèche a la naïveté de croire que Dieu l'a
mis sur terre pour moucher la lumière des mondes.
»
Il y a quelques vingt[ans que Daumier, « un crayon de génies
porte entrez, on va commencer, on ne paye pas même en sortant. »
La foule docile accourait de tous les coins de la grand'salle, voyous.
en casquette, filles douteuses en marmotte ou en bonnet. Identi-
quement le même public qui faisait queue le soir à la porte des
Funambules et du Petit-Lazari; les mêmes lazzis, les mêmes char-
ges pour charmer l'ennui de l'attente, et aussi les mêmes comesti-
bles, le même sou de pommes de terre frites dans un cornet de pa-
pier de paille, les mêmes pommes vertes, les mêmes sucres d'orge,
il n'y manquait absolument que la galette de la porte Saint-Denis,
mal remplacée par l'ignoble chausson aux pruneaux. De temps en
temps les heureux du jour se faisaient garder leur place et s'allaient
rafraîchir chez le marchand de vin qui fait l'angle du passage da
Prado, Au rendez-vous des témoins. Presque tous ces spectateurs-
là avaient été acteurs eux-mêmes sur le petit théâtre de la police
correctionnelle, ou se destinaient à y monter le plus tôt possible. Oa
avait promis aux amis d'assister à leur jugement, et il fallait leur te-
nir parole, qu'il y eùt ou non du pain à la maison; il fallait les en-
courager de sa présence, leur donner, fût-ce à distance, des nou-
velles et des renseignements. Ces gaillards-là avaient inventé la té-
léphonie, et la télégraphie électrique ou non, bien avant les hono-
rables industriels qu'on a cru devoir récompenser à la dernière Ex-
position.
Aujourd'hui les audiences de la police correctionnelle sont pu-
bliques, puisque la loi le veut, mais elles ne le sont plus pour tout le
monde. D'abord on les a reléguées dans le beau bâtiment neuf de la ?"
Cour des Comptes, où les simples flâneurs ont bien de la peine à les
découvrir; puis, au bas d'un escalier presque aussi magnifique que
celui du Louvre, on a placé un garde de Paris qui laisse facilement
passer l'habit noir et la robe de soie, mais qui demande toujours à
la blouse et à !a robe d'indienne s'ils sont porteurs d'une assigna-
tion, à défaut de laquelle il les engage à circuler. Plus do gaieté à
la porte, bien peu en dedans, aussi, je vous le jure.yA. peine, dans
Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 84.21%.
En savoir plus sur l'OCR
En savoir plus sur l'OCR
Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 84.21%.
- Collections numériques similaires Monnaies grecques Monnaies grecques /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "MonnGre"
- Auteurs similaires Monnaies grecques Monnaies grecques /services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&maximumRecords=50&collapsing=true&exactSearch=true&query=colnum adj "MonnGre"
-
-
Page
chiffre de pagination vue 1/8
- Recherche dans le document Recherche dans le document https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/search/ark:/12148/bpt6k270309d/f1.image ×
Recherche dans le document
- Partage et envoi par courriel Partage et envoi par courriel https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/share/ark:/12148/bpt6k270309d/f1.image
- Téléchargement / impression Téléchargement / impression https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/download/ark:/12148/bpt6k270309d/f1.image
- Mise en scène Mise en scène ×
Mise en scène
Créer facilement :
- Marque-page Marque-page https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/bookmark/ark:/12148/bpt6k270309d/f1.image ×
Gérer son espace personnel
Ajouter ce document
Ajouter/Voir ses marque-pages
Mes sélections ()Titre - Acheter une reproduction Acheter une reproduction https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/pa-ecommerce/ark:/12148/bpt6k270309d
- Acheter le livre complet Acheter le livre complet https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/indisponible/achat/ark:/12148/bpt6k270309d
- Signalement d'anomalie Signalement d'anomalie https://sindbadbnf.libanswers.com/widget_standalone.php?la_widget_id=7142
- Aide Aide https://gallica.bnf.fr/services/ajax/action/aide/ark:/12148/bpt6k270309d/f1.image × Aide
Facebook
Twitter
Pinterest