Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1864-02-18
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 164718 Nombre total de vues : 164718
Description : 18 février 1864 18 février 1864
Description : 1864/02/18 (Numéro 940). 1864/02/18 (Numéro 940).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
Description : Collection numérique : BIPFPIG69 Collection numérique : BIPFPIG69
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Description : Collection numérique : France-Brésil Collection numérique : France-Brésil
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k270284z
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
11e Année 940
TRENTE-CINQ CENTIMES V_J
1 Jeudi 18 Février 1864
B. JOUVIN
«4DACTEUR EN CBHF.
ABONNEMENTS ( PARIS)
Un an. 30 fr. | Trois mois. 0 fr. 50
Six mois..19 Un mois. k
LES MANUSCRITS
NON INSÉRÉS SONT^rçnÇ%
ADMINISTRATION IJ0P J^^TO0^]
14 RUE GtlANGE-BATjS^IByEÎ^gJ, '^V
« On me dit qu'il s'est établi dans Madrid,
un système de liberté sur la verte des prodac-
tions, qui s'étend même à celle de la presse,
et que, pourvu que je ne parle en mes écrits
ni de l'autorité, ni du culte, ni de la politique,
m de la morale, ni des gens en place, ni des
corps en crédit, ni de l'Opéra, ni des autres
spectacles, ni de personne qui tienne à quel-
que chose, je puis tout imprimer librement,
sous l'inspection de deux ou trois censeurs.
« Loué par ceux-ci, blâmé pnr ceux-là, me moquant des sots, bravant les méchants.
je me hâte de rirp de tout, 'de peur d'être obligé d'en pleurer.
FIGARO
G. BOURDIN y
«KCBÉTA1RE DE LA RÉDACTION. A3?
p
t~
ABONNEMENTS (DÉPARTEMENTS) V
Un an. 40 fr. Trois mois. 10 fr. 50
Six mois. 21 1 Un iroir,. 4 50 :̃
FIGARO
PARAIT DEUX FOIS PAR SEMAINE
Le Jeudi et le Dimanche.
ADMINISTRATION ET RÉDACTION
.l \k RUE GRAXGE- BATELIÈRE 14
,-t
« Que je voudrais bien tenir un de ces
puissants de quatre jours, si légers sur le
mal qu'ils ordonnent, quand une bonne dis-
grâce a cuvé son orgueil Je lui dirais que
les sottises imprimées n'ont d'importatee
qu'aux lieux où l'on en gêne le cours que, 1
sans la liberté de blâmer. il n'est point d'é-
loges flatteurs, et qu'il n'y a que les petit»
hommes qui redoutent les petits écrits.
̃ •
--<:>0<:>
v
Théâtre du Figaro
COMMENT S'ECOULE UNE EDITION
SCÈNES DE LA VIE DE LIBRAIRIE
*-̃-•̃ .-̃•r->, SCÈNE PREMIÈRE
'<
(Le théâtre représente le cabinet du riche libraire-éditeur Joseph Brimer. 0»
annonce un auteur qui porte, en style de catalogue, « un des noms les plus
aimés du public ».)
L'éditeur. Faites entrer.
L'auteur. Bonjour, Joseph. Comment va? Je parie que
vous faites des additions. Pendant que vous y êtes, donnez-moi
donc un bout de papier, pour que je vous signe un bout de
reçu.
L'éditeur. Un reçu. de quoi?
L'AUTEUR. De quinze cents francs que vous allez me
prêter. `
L'ÉDITEUR. Qu'est-ce que c'est que cette plaisanterie?
Quinze cents francs? et pourquoi ?
L'auteur.– Parce que j'en ai besoin, tiens
L'éditeur. Vous ne m'entendez pas. Je veux dire à quel
titre ?
LE PROCÈS DE LAVALETTE1'
Le lendemain, Lavalette obtint des détails très circonstanciés sur
ce qui s'était passé dans la salle des jurés la délibération avait été
des plus animées. M. Héron de Ville-Fosse avait vivement soutenu
l'accusation, que M. Jurien avait non moins énergiquement com-
battue huit voix sur douze s'étaient, en définitive, prononcées con-
tre l'accusé.
D'abord il ne voulait pas appeler en Cassation il ne se détermina
à le faire que par amour pour sa fille et pour sa femme. Il revit
celle-ci le surlendemain de sa condamnation pour la première fois
depuis son arrestation. Elle lui raconta que la veille, conduite par
le duc de Duras, elle avait été reçue dans le cabinet de Louis XVIII.
qu'elle s'était jetée à ses pieds et que le monarque lui avait dit
« Madame, je vous ai reçue d'ABORD pour vous donner une
marque de tout mon intérêt. »
Il y avait donc lieu d'espérer, car cette faveur d'une audience,
qu'elle obtenait une lieure seulement après l'avoir demandée, Mm es
Ney y et de Labédoyère l'avaient en vain sollicitée.
Pendant la nuit qui suivit sa condamnation, Lavalette avait écrit
à deux de ses amis, le général Clarke et le baron Pasquier. La té-
(\) Voir le numéro du Figaro des 7, 11 et 14 février. `
L'auteur. A titred'ami, d'abord, ce qui est quelque chose; <
ensuite à titre d'écrivain renommé, figurant dans votre vitrine 1
sous l'apparence d'un in-18 respectable, recouvert de cette éti-
quette sacrée Vient de paraître.
L'éditeur. Mais vous savez bien que je ne vous dois rien
du tout.
L'auteur. Parbleu 1 Il ne manquerait plus que cela
L'éditeur. Vous êtes même en avance ici de plusieurs
centaines de francs je ne sais pas au juste. Je ferai faire votre
compte demain.
L'auteur. Très bien 1 c'est d'une excellente administra-
tion. En attendant, mon cher Joseph, prêtez-moi ce que je vous
demande; nous compterons après.
L'éditeur. Vous êtes fou 1
L'auteur. Vous ne pouvez pas savoir.
L'ÉDITEUR. Quinze cents francs Sur quoi ? sur quelle ga-
rantie ?
L'auteur. Sur les -ouvrages qae en trjûn, naturelle-
ment. Car je travaille. Je n'ai que cela à faire.
L'ÉDITEUR. Vos ouvrages 1 vos ouvrages Ils ne se ven-
dent pas.
L'AUTEUR. Malhonnête 1
L'éditeur. -Eh non Voulez-vous savoir le nombre d'exem-
plaires qui nous restent de vos Scènes de la vie d'artiste? (Feuil-
letant un registre.) Nous avons tiré à quatre mille; nous avons
deux mille huit cents en magasin. C'est donc douze cents
seulement qu'il y a dehors et nos rentrées de la province ne
sont pas faites. Appelez-vous cela une bonne affaire?
L'AUTEUR, faisant la grimace. C'est incompréhensible.
L'ÉDITEUR. Que voulez-vous ? Vous ne soignez pas votre
réputation vous ne voyez pas les journalistes; vous n'avez de
compte-rendu nulle part.
L'auteur. Sainte-Beuve m'aformellement promis un ar-
ticle.
L'ÉDITEUR. Pour quand ? y
L'AUTEUR. Oh 1 je ne peux pas le tourmenter. Le fait est
ponse du premier fut cruelle; elle se résumait dans ce peu de
mots
« Il ne vous reste plus qu'à recommander votre femme et votre
enfant à l'inépuisable bonté du roi. »
Pendant qu'il s'indignait d'une telle ingratitude, car il lui avait
autrefois rendu un service signalé, un homme entra mystérieuse-
ment dans son cachot et lui remit un billet; cet homme, c'était
M. Anglès, préfet de police; ce billet était de M. Pasquier, garde des
sceaux
« Conservez votre courage, tout n'est pas perdu plusieurs de vos
amis entourent Sa Majesté, et tout ce qu'il sera possible de faire
pour la toucher sera tenté avec courage. Espérez encore. »
Enfin, l'un de ses anciens compagnons d'armes, il est vrai, mais
que depuis un an il avait lieu de croire son ennemi, le duc de Jla-
guse, lui écrivit spontanément
« J'allais deux fois par semaine aux Tuileries, j'irai maintenant
deux fois par jour; je parlerai, je solliciterai jusqu'à l'importunité.
Tout ce qui a du cœur se joindra à moi, et j'espère obtenir ce que
je désire le plus au monde. »
Cependant Lavalette ne comptait que bien peu soit sur son pourvoi
en Cassation, soit sur les efforts de ses amis, pour lui obtenir une
commutation de peine. Il était convaincu qu'il mourrait. sur l'écha-
faud, et, pour s'aguerrir contre l'horreur d'une pareille fin, il trou-
vait un douloureux plaisir à se faire raconter par les guichetiers les
détails les plus minutieux, les plus poignants de la toilette, de la
marche et de l'exécution.
« Tous les soirs, on venait chercher le maréchal Ney en voiture
pour le conduire au Luxembourg, et on le ramenait à la Concierge-
rie le lendemain matin. Le 7 décembre, il ne rentra pas. J'interro-
geai le guichetier, qui se troubla enfin, le poussant de questions,
j'appris que le maréchal venait d'ètre exécute.
Est-ce à la Grève, sur l'échafaud ? `.'
ïu'il est un peu lent il a mis trente-quatre ans pour faire
une étude sur Théophile Gautier.
L'éditeur. Vous voyez bien 1
L'AUTEUR. Oui, mais tous les critiques n'ont pas une cons-
cience aussi exagérée que celle de Sainte-Beuve. M. de Pont-
martin s'est mis à ma disposition dans la Gazette de France, et
Philarète Chasles fera quelque chose dans les Débats.
L'éditeur. Eh 1 ce n'est pas tout que d'avoir des articles.
L'AUTEUR, étonné. Comment?
L'éditeur. C'est le pont-aux-ânes, cela. Il faut encore se
faire valoir, faire parler de soi, s'ingénier, avoir des aven-
tures. ̃
L'AUTEUR. -Quelles aventures ?
L"éditeur. Que sais-je, moi ? On est attaqué, la nuit, en
rentrant chez soi.. Justement, vous demeurez, je crois, dans un
quartier assez désert, du côté du Luxembourg. Le lendemain,
les journaux s'emparent de l'événement on vous nomme et,
moi, je vends dans la journée trois cents exemplaires de vos
Scènes de la vie d'artiste.. Voilà comment on pousse une édi-
tion.
L'AUTEUR. Savez-vous que vous avez de l'imagination,
mon cher Joseph ?
L'ÉDITEUR. Mon Dieu! je vous indique cela comme je vous
indiquerais autre chose.
L'auteur.– Eh bien 1 je vous promets d'être d'ici à quelques
jours le héros d'une agression nocturne. Je ne veux plus ren-
trer à mon logis que passé minuit, jusqu'à ce que j'aie trouvé
mon affaire.
L'éditeur. Le principal est de réveiller l'attention pu-
blique.
L 'AUTEUR. Vous serez satisfait.– Or ça, maintenant, mes
quinze cents francs ?
L'EDITEUR. II faut que vous soyez bien de mes amis pour
que je me mette autant à découvert avec vous. Voici d'abord la
moitié de la somme; l'autre moitié vous sera comptée après.
l'accident.
Non, me dit-il, fusillé.
Il est bien heureux m'écriai-je avec un mouvement de joie.
Et le pauvre homme, qui ne me comprenait pas, crut que j'étais
fou. »
Le pourvoi fut porté à la Cour de cassation, à l'audience du 14 dé-
cembre, et voici en quels termes Martinville commence son compte
rendu, le seul peut être qu'il ait fait de sa vie, de cette juridiction
suprême
« Quoique les audiences de la Cour de cassation paraissent encore
plus solennelles que celles de tout autre tribunal, puisque ses déci-
sions sont suprêmes, elles ne sont pourtant suivies habituellement
que par un petit nombre de spectateurs. Ce tribunal, conservateur
des formes protectrices que la loi a prescrites dans l'administration
de la justice, ne s'occupe que de questions exactes, précises, litté-
rales, dont la discussion technique, si je puis me servir de ce mot,
n'offre aucun intérêt à l'oisive curiosité et serait même inintelligi-
ble pour le vulgaire des auditeurs. Mais, hier, la salle était remplie
avant l'ouverture de l'audience. On savait que la Cour devait s'oc-
cuper du pourvoi formé par le condamné Lavalette contre le juge-
ment qui l'a frappé de la peine capitale. L'éclat encore récent que
ce procès a eu devant la Cour d'assises, le rang que le condamné a.
occupé dans le monde, le rôle qu'il a joué sur la scène politique,
l'importance de l'événement qui a produit son crime et de celui qui
en a amené la punition, tout se réunissait pour exciter le désir de
suivre le dernier pas que faisait, pour fuir la mort, un malheu-
reux aux yeux duquel un faible rayon d'espoir luisait peut-être
encore. »
Après la lecture du rapport, présenté par M. le conseiller Olivier,
M" Darien a présenté six moyens de cassation, que M. le procureur
général Mourre a successivement combattus, et qu'après un délibéré
d'une heure la Cour a rejetés par l'organe de son président, M. Bar-.
ris. « Contre la coutume ordinaire, mais suivant son usage person-
TRENTE-CINQ CENTIMES V_J
1 Jeudi 18 Février 1864
B. JOUVIN
«4DACTEUR EN CBHF.
ABONNEMENTS ( PARIS)
Un an. 30 fr. | Trois mois. 0 fr. 50
Six mois..19 Un mois. k
LES MANUSCRITS
NON INSÉRÉS SONT^rçnÇ%
ADMINISTRATION IJ0P J^^TO0^]
14 RUE GtlANGE-BATjS^IByEÎ^gJ, '^V
« On me dit qu'il s'est établi dans Madrid,
un système de liberté sur la verte des prodac-
tions, qui s'étend même à celle de la presse,
et que, pourvu que je ne parle en mes écrits
ni de l'autorité, ni du culte, ni de la politique,
m de la morale, ni des gens en place, ni des
corps en crédit, ni de l'Opéra, ni des autres
spectacles, ni de personne qui tienne à quel-
que chose, je puis tout imprimer librement,
sous l'inspection de deux ou trois censeurs.
« Loué par ceux-ci, blâmé pnr ceux-là, me moquant des sots, bravant les méchants.
je me hâte de rirp de tout, 'de peur d'être obligé d'en pleurer.
FIGARO
G. BOURDIN y
«KCBÉTA1RE DE LA RÉDACTION. A3?
p
t~
ABONNEMENTS (DÉPARTEMENTS) V
Un an. 40 fr. Trois mois. 10 fr. 50
Six mois. 21 1 Un iroir,. 4 50 :̃
FIGARO
PARAIT DEUX FOIS PAR SEMAINE
Le Jeudi et le Dimanche.
ADMINISTRATION ET RÉDACTION
.l \k RUE GRAXGE- BATELIÈRE 14
,-t
« Que je voudrais bien tenir un de ces
puissants de quatre jours, si légers sur le
mal qu'ils ordonnent, quand une bonne dis-
grâce a cuvé son orgueil Je lui dirais que
les sottises imprimées n'ont d'importatee
qu'aux lieux où l'on en gêne le cours que, 1
sans la liberté de blâmer. il n'est point d'é-
loges flatteurs, et qu'il n'y a que les petit»
hommes qui redoutent les petits écrits.
̃ •
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Théâtre du Figaro
COMMENT S'ECOULE UNE EDITION
SCÈNES DE LA VIE DE LIBRAIRIE
*-̃-•̃ .-̃•r->, SCÈNE PREMIÈRE
'<
(Le théâtre représente le cabinet du riche libraire-éditeur Joseph Brimer. 0»
annonce un auteur qui porte, en style de catalogue, « un des noms les plus
aimés du public ».)
L'éditeur. Faites entrer.
L'auteur. Bonjour, Joseph. Comment va? Je parie que
vous faites des additions. Pendant que vous y êtes, donnez-moi
donc un bout de papier, pour que je vous signe un bout de
reçu.
L'éditeur. Un reçu. de quoi?
L'AUTEUR. De quinze cents francs que vous allez me
prêter. `
L'ÉDITEUR. Qu'est-ce que c'est que cette plaisanterie?
Quinze cents francs? et pourquoi ?
L'auteur.– Parce que j'en ai besoin, tiens
L'éditeur. Vous ne m'entendez pas. Je veux dire à quel
titre ?
LE PROCÈS DE LAVALETTE1'
Le lendemain, Lavalette obtint des détails très circonstanciés sur
ce qui s'était passé dans la salle des jurés la délibération avait été
des plus animées. M. Héron de Ville-Fosse avait vivement soutenu
l'accusation, que M. Jurien avait non moins énergiquement com-
battue huit voix sur douze s'étaient, en définitive, prononcées con-
tre l'accusé.
D'abord il ne voulait pas appeler en Cassation il ne se détermina
à le faire que par amour pour sa fille et pour sa femme. Il revit
celle-ci le surlendemain de sa condamnation pour la première fois
depuis son arrestation. Elle lui raconta que la veille, conduite par
le duc de Duras, elle avait été reçue dans le cabinet de Louis XVIII.
qu'elle s'était jetée à ses pieds et que le monarque lui avait dit
« Madame, je vous ai reçue d'ABORD pour vous donner une
marque de tout mon intérêt. »
Il y avait donc lieu d'espérer, car cette faveur d'une audience,
qu'elle obtenait une lieure seulement après l'avoir demandée, Mm es
Ney y et de Labédoyère l'avaient en vain sollicitée.
Pendant la nuit qui suivit sa condamnation, Lavalette avait écrit
à deux de ses amis, le général Clarke et le baron Pasquier. La té-
(\) Voir le numéro du Figaro des 7, 11 et 14 février. `
L'auteur. A titred'ami, d'abord, ce qui est quelque chose; <
ensuite à titre d'écrivain renommé, figurant dans votre vitrine 1
sous l'apparence d'un in-18 respectable, recouvert de cette éti-
quette sacrée Vient de paraître.
L'éditeur. Mais vous savez bien que je ne vous dois rien
du tout.
L'auteur. Parbleu 1 Il ne manquerait plus que cela
L'éditeur. Vous êtes même en avance ici de plusieurs
centaines de francs je ne sais pas au juste. Je ferai faire votre
compte demain.
L'auteur. Très bien 1 c'est d'une excellente administra-
tion. En attendant, mon cher Joseph, prêtez-moi ce que je vous
demande; nous compterons après.
L'éditeur. Vous êtes fou 1
L'auteur. Vous ne pouvez pas savoir.
L'ÉDITEUR. Quinze cents francs Sur quoi ? sur quelle ga-
rantie ?
L'auteur. Sur les -ouvrages qae en trjûn, naturelle-
ment. Car je travaille. Je n'ai que cela à faire.
L'ÉDITEUR. Vos ouvrages 1 vos ouvrages Ils ne se ven-
dent pas.
L'AUTEUR. Malhonnête 1
L'éditeur. -Eh non Voulez-vous savoir le nombre d'exem-
plaires qui nous restent de vos Scènes de la vie d'artiste? (Feuil-
letant un registre.) Nous avons tiré à quatre mille; nous avons
deux mille huit cents en magasin. C'est donc douze cents
seulement qu'il y a dehors et nos rentrées de la province ne
sont pas faites. Appelez-vous cela une bonne affaire?
L'AUTEUR, faisant la grimace. C'est incompréhensible.
L'ÉDITEUR. Que voulez-vous ? Vous ne soignez pas votre
réputation vous ne voyez pas les journalistes; vous n'avez de
compte-rendu nulle part.
L'auteur. Sainte-Beuve m'aformellement promis un ar-
ticle.
L'ÉDITEUR. Pour quand ? y
L'AUTEUR. Oh 1 je ne peux pas le tourmenter. Le fait est
ponse du premier fut cruelle; elle se résumait dans ce peu de
mots
« Il ne vous reste plus qu'à recommander votre femme et votre
enfant à l'inépuisable bonté du roi. »
Pendant qu'il s'indignait d'une telle ingratitude, car il lui avait
autrefois rendu un service signalé, un homme entra mystérieuse-
ment dans son cachot et lui remit un billet; cet homme, c'était
M. Anglès, préfet de police; ce billet était de M. Pasquier, garde des
sceaux
« Conservez votre courage, tout n'est pas perdu plusieurs de vos
amis entourent Sa Majesté, et tout ce qu'il sera possible de faire
pour la toucher sera tenté avec courage. Espérez encore. »
Enfin, l'un de ses anciens compagnons d'armes, il est vrai, mais
que depuis un an il avait lieu de croire son ennemi, le duc de Jla-
guse, lui écrivit spontanément
« J'allais deux fois par semaine aux Tuileries, j'irai maintenant
deux fois par jour; je parlerai, je solliciterai jusqu'à l'importunité.
Tout ce qui a du cœur se joindra à moi, et j'espère obtenir ce que
je désire le plus au monde. »
Cependant Lavalette ne comptait que bien peu soit sur son pourvoi
en Cassation, soit sur les efforts de ses amis, pour lui obtenir une
commutation de peine. Il était convaincu qu'il mourrait. sur l'écha-
faud, et, pour s'aguerrir contre l'horreur d'une pareille fin, il trou-
vait un douloureux plaisir à se faire raconter par les guichetiers les
détails les plus minutieux, les plus poignants de la toilette, de la
marche et de l'exécution.
« Tous les soirs, on venait chercher le maréchal Ney en voiture
pour le conduire au Luxembourg, et on le ramenait à la Concierge-
rie le lendemain matin. Le 7 décembre, il ne rentra pas. J'interro-
geai le guichetier, qui se troubla enfin, le poussant de questions,
j'appris que le maréchal venait d'ètre exécute.
Est-ce à la Grève, sur l'échafaud ? `.'
ïu'il est un peu lent il a mis trente-quatre ans pour faire
une étude sur Théophile Gautier.
L'éditeur. Vous voyez bien 1
L'AUTEUR. Oui, mais tous les critiques n'ont pas une cons-
cience aussi exagérée que celle de Sainte-Beuve. M. de Pont-
martin s'est mis à ma disposition dans la Gazette de France, et
Philarète Chasles fera quelque chose dans les Débats.
L'éditeur. Eh 1 ce n'est pas tout que d'avoir des articles.
L'AUTEUR, étonné. Comment?
L'éditeur. C'est le pont-aux-ânes, cela. Il faut encore se
faire valoir, faire parler de soi, s'ingénier, avoir des aven-
tures. ̃
L'AUTEUR. -Quelles aventures ?
L"éditeur. Que sais-je, moi ? On est attaqué, la nuit, en
rentrant chez soi.. Justement, vous demeurez, je crois, dans un
quartier assez désert, du côté du Luxembourg. Le lendemain,
les journaux s'emparent de l'événement on vous nomme et,
moi, je vends dans la journée trois cents exemplaires de vos
Scènes de la vie d'artiste.. Voilà comment on pousse une édi-
tion.
L'AUTEUR. Savez-vous que vous avez de l'imagination,
mon cher Joseph ?
L'ÉDITEUR. Mon Dieu! je vous indique cela comme je vous
indiquerais autre chose.
L'auteur.– Eh bien 1 je vous promets d'être d'ici à quelques
jours le héros d'une agression nocturne. Je ne veux plus ren-
trer à mon logis que passé minuit, jusqu'à ce que j'aie trouvé
mon affaire.
L'éditeur. Le principal est de réveiller l'attention pu-
blique.
L 'AUTEUR. Vous serez satisfait.– Or ça, maintenant, mes
quinze cents francs ?
L'EDITEUR. II faut que vous soyez bien de mes amis pour
que je me mette autant à découvert avec vous. Voici d'abord la
moitié de la somme; l'autre moitié vous sera comptée après.
l'accident.
Non, me dit-il, fusillé.
Il est bien heureux m'écriai-je avec un mouvement de joie.
Et le pauvre homme, qui ne me comprenait pas, crut que j'étais
fou. »
Le pourvoi fut porté à la Cour de cassation, à l'audience du 14 dé-
cembre, et voici en quels termes Martinville commence son compte
rendu, le seul peut être qu'il ait fait de sa vie, de cette juridiction
suprême
« Quoique les audiences de la Cour de cassation paraissent encore
plus solennelles que celles de tout autre tribunal, puisque ses déci-
sions sont suprêmes, elles ne sont pourtant suivies habituellement
que par un petit nombre de spectateurs. Ce tribunal, conservateur
des formes protectrices que la loi a prescrites dans l'administration
de la justice, ne s'occupe que de questions exactes, précises, litté-
rales, dont la discussion technique, si je puis me servir de ce mot,
n'offre aucun intérêt à l'oisive curiosité et serait même inintelligi-
ble pour le vulgaire des auditeurs. Mais, hier, la salle était remplie
avant l'ouverture de l'audience. On savait que la Cour devait s'oc-
cuper du pourvoi formé par le condamné Lavalette contre le juge-
ment qui l'a frappé de la peine capitale. L'éclat encore récent que
ce procès a eu devant la Cour d'assises, le rang que le condamné a.
occupé dans le monde, le rôle qu'il a joué sur la scène politique,
l'importance de l'événement qui a produit son crime et de celui qui
en a amené la punition, tout se réunissait pour exciter le désir de
suivre le dernier pas que faisait, pour fuir la mort, un malheu-
reux aux yeux duquel un faible rayon d'espoir luisait peut-être
encore. »
Après la lecture du rapport, présenté par M. le conseiller Olivier,
M" Darien a présenté six moyens de cassation, que M. le procureur
général Mourre a successivement combattus, et qu'après un délibéré
d'une heure la Cour a rejetés par l'organe de son président, M. Bar-.
ris. « Contre la coutume ordinaire, mais suivant son usage person-
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