Titre : Figaro : journal non politique
Éditeur : Figaro (Paris)
Date d'édition : 1864-01-21
Contributeur : Villemessant, Hippolyte de (1810-1879). Directeur de publication
Contributeur : Jouvin, Benoît (1810-1886). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34355551z
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 164718 Nombre total de vues : 164718
Description : 21 janvier 1864 21 janvier 1864
Description : 1864/01/21 (Numéro 932). 1864/01/21 (Numéro 932).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
Description : Collection numérique : BIPFPIG63 Collection numérique : BIPFPIG63
Description : Collection numérique : BIPFPIG69 Collection numérique : BIPFPIG69
Description : Collection numérique : Arts de la marionnette Collection numérique : Arts de la marionnette
Description : Collection numérique : Commun Patrimoine:... Collection numérique : Commun Patrimoine: bibliothèque numérique du réseau des médiathèques de Plaine Commune
Description : Collection numérique : Commune de Paris de 1871 Collection numérique : Commune de Paris de 1871
Description : Collection numérique : France-Brésil Collection numérique : France-Brésil
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k270276c
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
TRENTE-ciNQ CENTIMES
He Année 932
Jeudi 21 Janvier 1864
B. JOUVIN
̃ REDACTEUR EN CHEF.
G. BOURDIN
8BCRÉTAIBE DE LA RÉDACTION. I
ABONNEMENTS! (DÉPARTEMENTS)-
Un an. so fr. |
Six mois.. 21 I
Trois mois. 10 fr. 50 k
Un mois.. 4 50
̃ x
_.· ,fi~. ¡.Í~
FIGABO
<• PARAIT DEUX FOIS PAR SEMAINE
Le Jeudi et le Dimanche.
ADMINISTRATION ET RÉDACTION
14, RUE GRANGE-BATELIÈRE 14
s I '̃ ̃) ';• /;rr ̃ z
(.. ·
« Que je voudrais bien tenir un de ces ̃̃
puissants de quatre jours, si légers' sur le
mal qu'ils ordonnent, quand une bonne dis-
grâce a cuvé son orgueil Je lui dirais que
les sottises imprimées n'ont d'importance
qu'aux lieux où l'on en gène le cours que '•-
sans la liberté de blâmer, il n'est point d'é-
loges flatteurs, et qu'il n'y a que les petits-
hommes qui redoutent les petits écrits.
i)'-1 i Z5
ABONNEMENTS ( PARIS)
Un an. 36 fr. 1
Six mois.. 19 |
Trois mois.' 9Bv-§0 y l~
Un mois.. 4 <,
LES MANUSCRITS
NON INSÉRÉS SONT BRÛLÉS
ADMINISTRATION ET RÉDACTION
14 RUE GHANGE-BATEL1ÈRE, 14
«.On me dit qu'il s'est établi dans Madrid,
un système de liberté sur la verte des prodûc-
tions, qui s'étend même à celle de la presse,
et que, pourvu que je ne parle en mes écrits
ni de l'autorité, ni du culte, ni de la politique,
ni de la morale, ni des gens en place, ni des
corps en crédit, ni de l'Opéra, 'ni des autres
spectacles, ni de personne qui tienne à quel-
que chose, je puis tout imprimer librement,
sous l'inspection de deux ou trois censeurs.
FIGARO
i CAUSERIE S
Je suis allé samedi dernier au bal de l'Opéra.
J'y vais une fois par an, comme tout le monde, me promet-
tant bien, toujours comme tout le monde, de ne pas y retour-
ner l'année suivante. Mais il est des entraînements auxquels,
sans qu'on s'en rende bien compte, il est impossible de ne pas
céder. Par une belle journée de gelée piquante, que doit ter-
miner une première représentation fastidieuse, MM. Strauss et
Philippe m'offrent une bonne loge où je pourrai, chaudement,
confortablement, agréablement peut-être, finir une soirée mal
commencée. J'hésite longtemps, je me consulte, et, malgré les
excellents avis que je me donne à moi-même, je me dirige vers
la rue Le Peletier, déguisé en mouton de Panurge. Ce qui me dé-
termine surtout c'est l'espoir d'entendre, non des compositions
savantes, mais des airs gais et enlevants, jouéspar l'incompara-
ble orchestre de l'Opéra.
Et, à ce propos, que M. Strauss me permette pour le re-
mercier de sa loge de lui adresser une critique amicale.
Pourquoi n'arranger, pour quadrilles, que des airs bien
corrects, bien soignés, bien peignés, et qui ne choqueraient en
rien M. Prudhomme dans un bal travesti du Marais? Il est con-
venu-dans les chroniques de Y Indépendance et ailleurs- que
l'archet magique de Strauss est un sceptre infernal qui donne
le signal des danses les plus échevelées et des joies les plus
turbulentes. Il est évident qu'en effet on ne vient pas au bal
AFFAIRE PEYTEL
(Suite et fin). ̃ .̃-
Des mesures de plus en plus rigoureuses furent prises à son égard.
Toutefois, on lui laissa la faculté d'écrire, comme il n'avait cessé
de le faire depuis sa condamnation. Il écrivait tour à tour en prose
et en vers, et faisait le récit de sa vie, s'efforçant d'établir qu'il n'a.
vait aucun intérêt dans le crime dont la justice l'avait reconnu cou-
pable. Le reproche de cupidité semblait celui qui lui pesait le plus.
Voici un billet autographe de Peytel, écrit de sa prison et évidem-
ment dans l'espace de temps qui s'écoula entre sa condamnation et
le rejet de son pourvoi en cassation. A vrai dire, ce billet ne nous
y apprend pas grand'chose, mais en même temps qu'il constate sa cons-
tante préoccupation de savoir ce qui se dit de lui dans le public et
son besoin d'écrire continuellement en vers et en prose, il constate
aussi la tenue très irrégulière des prisons départementales.
de l'Opéra pour y danser le menuet et qu'il conviendrait que
la musique y fût appropriée aux saturnales qu'on y rêve. Les
airs anciens, dont la ritournelle est familière à tous les dan-
seurs et les airs nouveaux qui,-dans l'année ont joui d'une
popularité universelle, voilà, selon moi, ce que'devraient ru-
gir les cuivres gigantesques de Sax. Le bal de l'Opéra ne doit
pas avoir les pruderies du Conservatoire, et, pour ma part, je
voudrais qu'on ne jouât pas un seul quadrille dont la foule
bondissante, enivrée, affolée, ne reprit en chœur et avec un
ensemble assourdissant le refrain bien connu, fût-ce Ah l
dites-mé qui vous a donné, ou En jouant du niirliton, ou même
Ah zut! alors Ce serait de la grosse gaieté c'est vrai, mais ce
serait de la gaieté la plus rare des choses faciles.
Pendant que je m'ennuyais l'autre nuit dans ma loge, en
compagnie 4'un.ami, à qui j'en ai demandé pardon, car ce n'é-
tait pas sa faute s '̃* •
Vous paraissez, me dit-il, ne pas vous amuser beaucoup
plus ici qu'à une seconde audition des Troyens. Qui diable vous
rend si morose?
Le bal masqué, lui répondis-je, m'a toujours produit cet
effet-là.
La première fois que j'y suis allé, c'était à Nantes, en 1832.
J'étais déguisé en Folie, et toute la nuit je fus un peu moins
gai qu'un croque-mort je me promenais tristement les deux
mains dans mes poches.
En voilà une^Folie qui n'est pas contagieuse, disaient ceux
que je coudoyais.
La vérité est que le specacle de toute cette joie artificielle me
rendait lugubre et que je m'amusais comme un volume de Bé-
ranger dans la bibliothèque d'un couvent.
Une autre fois, à Paris, j'allai au bal masqué avec plusieurs
amis, que vous avez peut-être connus. Il y avait Delaunay de
Favières, que nous appelions l'étudiant millionnaire. Il était
je le vois encore déguisé en hussard de la Mort, avec un
chapeau gris aussi avarié, aussi défoncé, aussi mélancolique
que celui de Bertrand, l'ami de Robert.Macaire; puis aussi
Oliveira, qui doit, être aujourd'hui consul on ambassadeur quel-
que part; il avait un costume de daudy, fait tout entier dfr
toile d'emballage, et il portait un énorme lorgnon retenu par.
une corde et enfin ce pauvre Calemard Lafayette, qui est mort-
en Afrique, avec les épaulettes et la croix. Comme il était d'une.,
taille à faire paraitre Premaray bel homme, par comparaison,
il s'était tout naturellement habillé en carabinier.
A la sujte de je ne sais plus quelle futile discussion, ces-,
messieurs se prirent de querelle avec une bande de pierrots.
J'intervins au moment où le geste devenait vif et animé. Il faut
vous dire que je me pavanais dans un superbe costume de
troubadour. Je flanquai des coups de poing; la grâce que je
déployais pour faire valoir mon travestissement, du goût le plus
pur, ne toucha point les sergents de ville, qui nous menèrent
tous au poste, où nous passâmes la nuit. Belle conclusion, in-
digne de l'exorde, pensez-vous? Eh bien 1 je vous jure que
c'est la seule fois que je me sois amusé au bal masqué.
Mais pourquoi?
Mon Dieu 1 pour bien des choses, et particulièrement pour
celle-ci Je regarde tous ces gens qui sautent, qui'se tré-
moussent, qui se bousculent, qui font des grimaces, de la pous-
sière et du bruit, qui rient aux éclats, poussent des cris de
paons en délire, et se livrent à des télégraphies frénétiques, et
je me dis que toute cette gaieté n'est pas vraie, qu'elle n'est
qu'apparente et superficielle. Et si je crois que leur plaisir est
faux, comment en éprouverai-je un vrai à les regarder? Ils ont
épuisé leurs dernières économies pour louer un costume, et
acheter un billet;ils s'en retourneront à pied, ne souperontni à
la Maison d'Or ni ailleurs, et s'imposeront de dures privations
pour rattraper l'argent dépensé en quelques heures. Ils cherchent
à s'étourdir, mais leurs semblants de gaieté ne m'en imposent
La France entière se préoccupait du sort de Peytel ses avocats,
en même temps que le pourvoi en cassation, lui avaient fait signer
un recours en grâce. Dès le 16, le Capitole, journal rédigé en chef
par M. Mauguin, annonçait que la peine avait été commuée, nou-
velle que démentait deux jours après la Gazette des Tribunaux, à la
demande de la Chancellerie.
La sœur de Peytel, qui lui était sincèrement dévouée, avait fait le
voyage de Paris pour venir se jeter aux pieds du roi elle n'avait pu,
quoique fortement appuyée, en obtenir un moment d'audience. Le
dimanche 27, le roi, ouvrant son Paroissien dans la chapelle de
Saint-Cloud, y avait trouvé la supplique la plus émouvante; pareille
chose était arrivée. à la reine Marie-Amélie. Certes, ce n'étaient pas
des gens au cœur dur, inexorable à la pitié. Louis-Philippe avait
écrit contre la peine de mort, et tous les actes de sa vie avaient été
conformes à son opinion le premier de nos rois il avait défendu que
sur aucune partie du territoire, même dans nos colonies, un con-
damné à mort fût exécuté sans que le dossier lui eût été soumis, et
ce dossier il l'examinait avec un soin religieux. Il avait consacré
une nuit presque entière, seul dans son cabinet, à l'examen de celui.
de Peytel. Le lendemain, en le rendant au garde des sceaux, il lui
dit dulgence on me veut faire croire qu'il peut exister quelque doute.
Si c'était un homme du peuple, un homme en blouse, j'hésiterais
peut-être; mais un homme en habit noir, un notaire. je ne puis
pas; on dirait encore que je protège les bourgeois. D'ailleurs, dans
mon opinion, un homme d'éducation qui commet un crime est cent
fois moins digne de pitié qu'un malheureux illettré. »
Peytel avait eu des communications qui ne lui laissaient que fort
peu d'illusions, et, dès ce moment, son attitude et sa conversation
dénotaient qu'il se préparait à une mort prochaine.
Voici maintenant les détails de l'exécution communiqués à la Ga-
zette des Tribunaux, dans une lettre datée de Bourg, le lundi 28 oc-
tobre.
He Année 932
Jeudi 21 Janvier 1864
B. JOUVIN
̃ REDACTEUR EN CHEF.
G. BOURDIN
8BCRÉTAIBE DE LA RÉDACTION. I
ABONNEMENTS! (DÉPARTEMENTS)-
Un an. so fr. |
Six mois.. 21 I
Trois mois. 10 fr. 50 k
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<• PARAIT DEUX FOIS PAR SEMAINE
Le Jeudi et le Dimanche.
ADMINISTRATION ET RÉDACTION
14, RUE GRANGE-BATELIÈRE 14
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(.. ·
« Que je voudrais bien tenir un de ces ̃̃
puissants de quatre jours, si légers' sur le
mal qu'ils ordonnent, quand une bonne dis-
grâce a cuvé son orgueil Je lui dirais que
les sottises imprimées n'ont d'importance
qu'aux lieux où l'on en gène le cours que '•-
sans la liberté de blâmer, il n'est point d'é-
loges flatteurs, et qu'il n'y a que les petits-
hommes qui redoutent les petits écrits.
i)'-1 i Z5
ABONNEMENTS ( PARIS)
Un an. 36 fr. 1
Six mois.. 19 |
Trois mois.' 9Bv-§0 y l~
Un mois.. 4 <,
LES MANUSCRITS
NON INSÉRÉS SONT BRÛLÉS
ADMINISTRATION ET RÉDACTION
14 RUE GHANGE-BATEL1ÈRE, 14
«.On me dit qu'il s'est établi dans Madrid,
un système de liberté sur la verte des prodûc-
tions, qui s'étend même à celle de la presse,
et que, pourvu que je ne parle en mes écrits
ni de l'autorité, ni du culte, ni de la politique,
ni de la morale, ni des gens en place, ni des
corps en crédit, ni de l'Opéra, 'ni des autres
spectacles, ni de personne qui tienne à quel-
que chose, je puis tout imprimer librement,
sous l'inspection de deux ou trois censeurs.
FIGARO
i CAUSERIE S
Je suis allé samedi dernier au bal de l'Opéra.
J'y vais une fois par an, comme tout le monde, me promet-
tant bien, toujours comme tout le monde, de ne pas y retour-
ner l'année suivante. Mais il est des entraînements auxquels,
sans qu'on s'en rende bien compte, il est impossible de ne pas
céder. Par une belle journée de gelée piquante, que doit ter-
miner une première représentation fastidieuse, MM. Strauss et
Philippe m'offrent une bonne loge où je pourrai, chaudement,
confortablement, agréablement peut-être, finir une soirée mal
commencée. J'hésite longtemps, je me consulte, et, malgré les
excellents avis que je me donne à moi-même, je me dirige vers
la rue Le Peletier, déguisé en mouton de Panurge. Ce qui me dé-
termine surtout c'est l'espoir d'entendre, non des compositions
savantes, mais des airs gais et enlevants, jouéspar l'incompara-
ble orchestre de l'Opéra.
Et, à ce propos, que M. Strauss me permette pour le re-
mercier de sa loge de lui adresser une critique amicale.
Pourquoi n'arranger, pour quadrilles, que des airs bien
corrects, bien soignés, bien peignés, et qui ne choqueraient en
rien M. Prudhomme dans un bal travesti du Marais? Il est con-
venu-dans les chroniques de Y Indépendance et ailleurs- que
l'archet magique de Strauss est un sceptre infernal qui donne
le signal des danses les plus échevelées et des joies les plus
turbulentes. Il est évident qu'en effet on ne vient pas au bal
AFFAIRE PEYTEL
(Suite et fin). ̃ .̃-
Des mesures de plus en plus rigoureuses furent prises à son égard.
Toutefois, on lui laissa la faculté d'écrire, comme il n'avait cessé
de le faire depuis sa condamnation. Il écrivait tour à tour en prose
et en vers, et faisait le récit de sa vie, s'efforçant d'établir qu'il n'a.
vait aucun intérêt dans le crime dont la justice l'avait reconnu cou-
pable. Le reproche de cupidité semblait celui qui lui pesait le plus.
Voici un billet autographe de Peytel, écrit de sa prison et évidem-
ment dans l'espace de temps qui s'écoula entre sa condamnation et
le rejet de son pourvoi en cassation. A vrai dire, ce billet ne nous
y apprend pas grand'chose, mais en même temps qu'il constate sa cons-
tante préoccupation de savoir ce qui se dit de lui dans le public et
son besoin d'écrire continuellement en vers et en prose, il constate
aussi la tenue très irrégulière des prisons départementales.
de l'Opéra pour y danser le menuet et qu'il conviendrait que
la musique y fût appropriée aux saturnales qu'on y rêve. Les
airs anciens, dont la ritournelle est familière à tous les dan-
seurs et les airs nouveaux qui,-dans l'année ont joui d'une
popularité universelle, voilà, selon moi, ce que'devraient ru-
gir les cuivres gigantesques de Sax. Le bal de l'Opéra ne doit
pas avoir les pruderies du Conservatoire, et, pour ma part, je
voudrais qu'on ne jouât pas un seul quadrille dont la foule
bondissante, enivrée, affolée, ne reprit en chœur et avec un
ensemble assourdissant le refrain bien connu, fût-ce Ah l
dites-mé qui vous a donné, ou En jouant du niirliton, ou même
Ah zut! alors Ce serait de la grosse gaieté c'est vrai, mais ce
serait de la gaieté la plus rare des choses faciles.
Pendant que je m'ennuyais l'autre nuit dans ma loge, en
compagnie 4'un.ami, à qui j'en ai demandé pardon, car ce n'é-
tait pas sa faute s '̃* •
Vous paraissez, me dit-il, ne pas vous amuser beaucoup
plus ici qu'à une seconde audition des Troyens. Qui diable vous
rend si morose?
Le bal masqué, lui répondis-je, m'a toujours produit cet
effet-là.
La première fois que j'y suis allé, c'était à Nantes, en 1832.
J'étais déguisé en Folie, et toute la nuit je fus un peu moins
gai qu'un croque-mort je me promenais tristement les deux
mains dans mes poches.
En voilà une^Folie qui n'est pas contagieuse, disaient ceux
que je coudoyais.
La vérité est que le specacle de toute cette joie artificielle me
rendait lugubre et que je m'amusais comme un volume de Bé-
ranger dans la bibliothèque d'un couvent.
Une autre fois, à Paris, j'allai au bal masqué avec plusieurs
amis, que vous avez peut-être connus. Il y avait Delaunay de
Favières, que nous appelions l'étudiant millionnaire. Il était
je le vois encore déguisé en hussard de la Mort, avec un
chapeau gris aussi avarié, aussi défoncé, aussi mélancolique
que celui de Bertrand, l'ami de Robert.Macaire; puis aussi
Oliveira, qui doit, être aujourd'hui consul on ambassadeur quel-
que part; il avait un costume de daudy, fait tout entier dfr
toile d'emballage, et il portait un énorme lorgnon retenu par.
une corde et enfin ce pauvre Calemard Lafayette, qui est mort-
en Afrique, avec les épaulettes et la croix. Comme il était d'une.,
taille à faire paraitre Premaray bel homme, par comparaison,
il s'était tout naturellement habillé en carabinier.
A la sujte de je ne sais plus quelle futile discussion, ces-,
messieurs se prirent de querelle avec une bande de pierrots.
J'intervins au moment où le geste devenait vif et animé. Il faut
vous dire que je me pavanais dans un superbe costume de
troubadour. Je flanquai des coups de poing; la grâce que je
déployais pour faire valoir mon travestissement, du goût le plus
pur, ne toucha point les sergents de ville, qui nous menèrent
tous au poste, où nous passâmes la nuit. Belle conclusion, in-
digne de l'exorde, pensez-vous? Eh bien 1 je vous jure que
c'est la seule fois que je me sois amusé au bal masqué.
Mais pourquoi?
Mon Dieu 1 pour bien des choses, et particulièrement pour
celle-ci Je regarde tous ces gens qui sautent, qui'se tré-
moussent, qui se bousculent, qui font des grimaces, de la pous-
sière et du bruit, qui rient aux éclats, poussent des cris de
paons en délire, et se livrent à des télégraphies frénétiques, et
je me dis que toute cette gaieté n'est pas vraie, qu'elle n'est
qu'apparente et superficielle. Et si je crois que leur plaisir est
faux, comment en éprouverai-je un vrai à les regarder? Ils ont
épuisé leurs dernières économies pour louer un costume, et
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la Maison d'Or ni ailleurs, et s'imposeront de dures privations
pour rattraper l'argent dépensé en quelques heures. Ils cherchent
à s'étourdir, mais leurs semblants de gaieté ne m'en imposent
La France entière se préoccupait du sort de Peytel ses avocats,
en même temps que le pourvoi en cassation, lui avaient fait signer
un recours en grâce. Dès le 16, le Capitole, journal rédigé en chef
par M. Mauguin, annonçait que la peine avait été commuée, nou-
velle que démentait deux jours après la Gazette des Tribunaux, à la
demande de la Chancellerie.
La sœur de Peytel, qui lui était sincèrement dévouée, avait fait le
voyage de Paris pour venir se jeter aux pieds du roi elle n'avait pu,
quoique fortement appuyée, en obtenir un moment d'audience. Le
dimanche 27, le roi, ouvrant son Paroissien dans la chapelle de
Saint-Cloud, y avait trouvé la supplique la plus émouvante; pareille
chose était arrivée. à la reine Marie-Amélie. Certes, ce n'étaient pas
des gens au cœur dur, inexorable à la pitié. Louis-Philippe avait
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conformes à son opinion le premier de nos rois il avait défendu que
sur aucune partie du territoire, même dans nos colonies, un con-
damné à mort fût exécuté sans que le dossier lui eût été soumis, et
ce dossier il l'examinait avec un soin religieux. Il avait consacré
une nuit presque entière, seul dans son cabinet, à l'examen de celui.
de Peytel. Le lendemain, en le rendant au garde des sceaux, il lui
dit
Si c'était un homme du peuple, un homme en blouse, j'hésiterais
peut-être; mais un homme en habit noir, un notaire. je ne puis
pas; on dirait encore que je protège les bourgeois. D'ailleurs, dans
mon opinion, un homme d'éducation qui commet un crime est cent
fois moins digne de pitié qu'un malheureux illettré. »
Peytel avait eu des communications qui ne lui laissaient que fort
peu d'illusions, et, dès ce moment, son attitude et sa conversation
dénotaient qu'il se préparait à une mort prochaine.
Voici maintenant les détails de l'exécution communiqués à la Ga-
zette des Tribunaux, dans une lettre datée de Bourg, le lundi 28 oc-
tobre.
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