Titre : L'Humanité : journal socialiste quotidien
Auteur : Parti communiste français. Auteur du texte
Éditeur : L'Humanité (Paris)
Éditeur : L'HumanitéL'Humanité (Saint-Denis)
Date d'édition : 1908-06-04
Contributeur : Jaurès, Jean (1859-1914). Directeur de publication
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb327877302
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 04 juin 1908 04 juin 1908
Description : 1908/06/04 (Numéro 1509). 1908/06/04 (Numéro 1509).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k251685c
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
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CINQUIEME ANNEE. N° 1509-
JOURNAL SOCIALISTE QUOTIDIEN
JEUDI 4 JUIN 1^8,
RÉOICTIW, ADffilHiSTRâTION & ANNONCES
16, Rue du Croissant, Paris
Tout ce qui concerne l'Administration du journal doit être adressé
à l'Administrateur.
TÉLÉPHONE 102-69
Paris, Seine
ABONNEMENT8 et Seine-et-Oiae Départ» Etranger
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Xie lËSTumérb
Directeur Politique
fBAN JTj URÈS
~-i<3 ZETu.xïiéro
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y:rr/}r.i :̃̃:̃̃̃: '̃̃' ̃ ̃ i ̃ • ̃ .̃- .•. -̃ ̃- -̃•̃' ̃.
MES LmMB
La rumeur d'outrage qui enveloppe le
S6m et le cercueil de Zola est une ru-
meur de gloire. C'est parce qu'il a donné
*es dernières années de sa vie à une gran-
3§ œuvre de vérité et de droit que l'in-
sulte et la calomnie le suivent jusque
'60US les voûtes du Panthéon.
Ce fut pour lui une dure épreuve et,
sans doute, il n'en avait pas mesuré d'em-
blée toute l'étendue. Scheurer-Kestne/
avait l'habitude de dire, avec une haute
et mélancolique résignation « J'ai
péché par orgueil ». Il voulait dire qu'il
s'était exagéré l'influence que l'autorité
cle sa vie et de sa parole aurait sur les
événements et sur la force trouble des
passions. Zola aussi avait pensé, je crois,
tque l'intervention, d'un grand écrivain,
en pleine gloire et visiblement désinté-
ressé dans le sombre drame, serait pour
les esprits les plus prévenus un avertis-
sement et une lumière. Il avait compté
sans la sauvagerie du nationalisme et -de
l'antisémitisme, sans la force de résis-
tance des institutions de mensonge, me-
nacées dans leur base même. Et il souf-
frit certainement dans son système ner-
veux, tendu par un long effort de travail,
3e la violence et de la férocité des hai-
nes déchaînées contre lui. Les manifes-
tations atroces qui accueillirent en cour
ii'assises sa condamnation lui arrachè-
rent un cri d'étonnement douloureux
& Ce sont donc des cannibales »
L'exil aussi fut pour lui un arrache-
ment et j'ai vu l'ombre 3e tristesse 'qui
était sur son front quand, après la séance
3e Versailles et sur les sages conseils de
Labori, il se décida à partir.
f
Mais c'est précisément son honneur
gue, dans cette épreuve dont il n'avait
pas pressenti d'abord toute la rigueur,
sa foi en la vérité et en l'avenir n'ait
jamais fléchi. Au contraire, sa pensée
s'élargit, son espérance d'humanité s'exal-
ta et, comme un pêcheur qui, penché
pur le fleuve trouble de la vie, ra-
inette enfin dans ses filets un pur trésor,
c'est une certitude de science et de jus-
tice qu'il ramenait 'du fond de l'huma-
nité bourbeuse encore et obscure.
^uand j'eus l'honneur de le voir,'
pendant son exil dans ces environs de
Londres, où il s'était remis au travail,
il me dit « Je ne me plains pas 3e
l'épreuve, Elle m'a révélé la vanité cle
bi«ï des choses auxquelles je tenais
trop, le néant de certaines glorioles litté-
raires. Je pressens des temps nouveaux.
Je sens monter des étoiles nouvelles. »
Elles montaient dans le soir 'd'une
vie assombrie par l'épreuve, par l'injus-
tice des hommes, par l'ombre de l'exil,
mais qui gardait encore une profonde
rumeur d'action. Elles rayonnaient d'une
ïorce invincible sur son œuvre vaste et
taèlée, sur son expérience confuse et tra-
gique, comme ces étoiles qui se lèvent
jd'uœ douceur souveraine sur le Paris
nocturne, énorme et tumultueux encore,
ïaogeux et splendide, tout plein de vice
et tout plein de rêve, et dont les nuits
étranges, mêlées de frissons sublimes et
3e spasmes abjects, de lueurs sidérales
jEt éê reflets boueux, semblent méditer
Se surprenantes aurores, où toutes tes,
âmes se laveront, les unes dé leur boue,
les autres de leur orgueil, 'dans une mê-.
toc iumière, dans la même fraîcheur ma-
tôWe du monde renouvelé.
Ce ne sera pas la victoire d'un idéa-
lisais timide et partiel procédant par
sélection ce ne sera pas l'étroite libéra-
tioa d'une élite ce sera l'affranchisse--
caeaï de toute l'humanité, avouant et
létal&nt ses misères, ses haillons, ses bou-
ges* trouvant enfin, dans cet énergique
anas de soi-même, la force de se libérer,
dajipefer sur tous la science et le
ponJ.nur.
au ce rêve, incomplet sans 'doute et
qui me-comprend pas tout l'homme, mais
fjui Jépjsss infiniment les horizons pro-
chaîfts. du socialisme même, la pensée
jSe Zola s'élargissait. Et- tout ce qu'il y
tïvaà d'idéalisme latent dans sonrafeme. outrnncier se 'dégageait. C'est'
fceUz force sublime d'espérance, palpitant
jdastj u grossièreté même de la vie, qui,
yalsut à l'heure entrer au Panthéon.
JEAN JAURÈS.
-jus
Le SeuvernBment réduit à un
cortège de policiers la trans'
lation des restes de Zola.
Il est curieux de constater l'influence
qu'exercent sur un gouvernement d'inco-
hérents et de poltrons, la littératurie sca-
tologique d'un Drumont et d'un Daudet,
les insanités prétentieuses d'un Barrés, les
'affiches injurieuses d'une Patrie Fran-
çaise fantôme.
« A mon mari s
La couronne de Mme Zola apportée. hier au
Panthéon
Il a suffl à quelques nationalistes d'an-
noncer une manifestation au sujet die là
translation des cendrés de Zola au Pan-
théon pour qu'imanédiatement le gouver-
nement reculât indéfiniment la date d'un®
cérémonie qui eût dû être grandiose et
finît par la faire en cadette.
Zola devait aller au Panthéon, conduit
ipaf la foule qu'il a si 'merveilleusement dé-
crite, par le prolétariat qu'il a passionné-
ment aune et défendu. iLe gouvernement
de M. Clemenceau l'y a fait mener nar dû%
^olicjerei, au galop iâ® deux chevaux, par
dés voies détournées.
Le icartège, qui aurait dû accompagner
le génial écrivain eût été composé de csn?
tâjrigs"de inanifestants^si l'on 'avait ^la|9sé
librement Paris bémoignèf 'sôn'enthousiaà-
me/ • ̃ ,̃ • •
Maïs le gpuyer>neiïïeirit des 'dreyfusao^da
Cleniëntfèa,U: et Picquaxt, qui ïa4t masaa-
çr-er les ouvriers dans les grèves, a eu
peur -'dep teaaîaiidf natio;aalifl$!B et a xe-
culé devant les éommaticttis de la Libre
Parole.
La réaction..sera contente.: une fois de
plus les ministres ont irenié leuiv (passé de
républicains et eu peur du jugement de la
foule.
Au cimetière Montmartre
Cérémoniei lugubre que ne releva pas
l'enthousiasme .d'un .public venu pour sa-
luer un mort aimé, car les portes du ci.-
metière étaient hermétiquement closes.
Les brigades de M. Lépine filtraient soi-
gneusement ceux qui s'y présentaient, et
c'est tout juste si quelques journalistes
purent pénétrer dans le lieu 'de repos rem-
pli de sergents de ville et d'agents de la
Sûreté.
A 7 heures et demie seulement, lorsque
le jour commence à baisser,, les employés
des pompes funèbres sortent le cercueil du
superbe monument funéraire que tout Pa-
ris connaît. Un peu détériorée, l'enveloppe
de chêne est remplacée paT une autre
neuve. En présence de MM. Bruneau, com-
positeur et Desmoulins, graveur, amis in-
times' du défunt, des journalistes et des
policiers, on procède à cette opération lu-
gubre puis la bière est placée dans un
fourgon attelé de deux chevaux.
Au galop I
Derrière les portes du cimetière, la foule
est nombreuse. Bien que l'heure du trans-
fert eût été tenue cachée et retar-
dée de plus de deux heures (elle avait
été fixée à 5 heures), plusieurs milliers de
prolétaires se sont rangés aux environs de
la nécropole.
Aussitôt les portes ouvertes, entre une
haie de cyclistes, le fourgon dans lequel
ont seuls pris place MM. Bruneau et Des-
moulins, part à toute vitesse. Bien qu'é-
tonné de cette sortie en coup de vent, le
public salue et crie vigoureusement
« Vive Zola !» »
Mais déjà la voiture funèbre a pris le
boulevard de Clidhy et, à toute vitesse,
gagne la place Blanche, disparaît dans la
rue Blanche, suivi de cinq ou six fiacres
contenant des policiers entassés.
Les journalistes eux, ont frété des auto-
taxi et veulent suivre mais ders barrages
d'agents les retardent et lorsqu'ils attei-
gnent la rue Blanche, le fourgon emporté
au double galop de ses chevaux; est déjà
place de la Trinité."
C'est alors une course éehevelée, crui se-
rrait ridicule ai elle n'était odieuse. Le
fourgon, précédé d'une voiture contenant
M. Touny, chef de la police municipale,
ZOLA (En 1899)
Par L. Braun. (Cri de Paris).
celui-là même qui, il y a dix ans, faisait
annoncer mensongèrement dans tous les
postes de jpolico que Zola était condamne
ipour <( outrages à l'armée », passe avenue
de l'Opéra, rue St-Martin, rue St-Jacques
et rue Soufflot.
Au Panthéon
Boulevard St-Miohel et rue Soufflot., une
foule compacte est massée depuis six heu-
res. Elle manifeste diversement.Les cris de
«A bas Zola et Vive Zola se •.croisent et
de temps à autre les manifestants en vien-
nent aux mains.
Pendant cae des bagarres sans impor-
tance se proefuisent au bas de la rue Souf-
flot, entre spectateurs énervés d'être ridi-
culement contenus par la pdlice,l& fourgon
funèbre arrive par là rue St-Jacques et
vient se ranger devant la griLle du Pan-
théon.
Nécessairement, la place a été balayée
par la troupe et le public repoussé dans
toutes les rues adjacentes.
Sur les marches, derrière la statue du
Penseur, de Roddn, voilée de crêpe, atten-
dent Mme Zola, les deux enfants de l'é-
crivain, Pierre et Denize, M. Dujardin-
Beattmetz, sous-seçrétaire d'Etat aux
Beaux-Arts, le docteur Larat, le cominan.
danti Dreyfus, MM. Fasquelle, St-Georges
de Bbuhelier, Paul Brulat, Dumontier,
Théodore' Duret et quelques autres amis
de la famille.
Ce modeste cortège réduit, comme on
voit, Q. ceux qui furent les intimes de l'é-
crivain, pénètre diansi le Panthéon décoré:
de drapeaux tricolores, de tentures et d*é-
cûssons au chiffre du mort.
Dans. cette immense nécropole, «pendant
que de loin montent les cris divers des ma-
nifestants- chargés par la troupe, dans une
-presque obscurité, en silence recueilli, le
cortège suit le cercueil, qui est placé dans
le .catafalque, entouré de fleurs, garni des
couronnes -déposées par -la famille.
Mme Zola, au bras de M. Dujardm-
Bcaumetz, se retire dans un local spécia-
lement aménagé, suivie de Mlle Denize et
de,M. Jacques Zola, qui, avec MM. Bru-
neau, Desmoulins, Dreyfus et Fasquelle,
feront la veillée funèbre.
Il est huit heures lorsque cette cérémo-
nie intime prend fin. I
Les Manifestations
Au dehors, le tumulte va grandissant.
Lst public qui n'a rien vu puisqu'il a été
refoulé de tous côtés à plusieurs centaines
dé mètres du Panthéon, crie, conspue^
sous les coups de illa -police. Les troupes
nationalistes sont venues au grand com?
plet armées de sifflets et d'énormes oan*
nés, ces fameux gourdins qui, en 1898, se-
condaient si vaillamment les poings de
la police.
Toutefois, les partisans de l'écrivain
sont nombreux aussi et protestent en
criant vigoureusement Vive Zola 1
Comme aux heures les plus tra-
giques de l'Affaire, les agents frappent
ceux-là de préférence. Près de moi, une
femme reçoit un coup de poing en pleine
poitrine et chancèle pendant qu'un cama-
rade de la 5° section qui chantait l'Inter-
nationale est appréhendé, passé à tabac,
et traîné au commissariat de Saint-Sul-
piç&̃̃̃̃
Jusqu'à 11 heures, des nahdes de mani-
festants ont parcouru le quartier Latin J
en poussant des cris divers mais sans
occasionner d'incidents graves. A signa-
Un dessin da l' « Asino » (Rome 1902)
Porc Traître Vendu Canaille Damné
1er un groupe compact de camarades qui,
VHumqnité au bout d'un bâton et au chant
de ^Internationale, s'est promené sur le
boulevard Saint-Michel et la rue Souf-
flot, imposant silence, aux braillards de
la Patrie Française.
Aujourd'hui, la cérémonie officielle con-
tinuera mais comme hier, Jie peuple de
Paris qui veut acclamer la mémoire du
grand Zola sera tenu éloigné par les for-
ces policières de M. Clemenceau.
Pour la cérémonie d'aujourd'hui
La façade du Panthéon a été recouver-
te de 'draperies noires lamées d'argent.
Entre les colonnes sont placées des écus-
sons aux initia-les E. Z. entrelacées.
Au sommet flottent des trophées de dra-
peaux tricolores.
La décoration intérieure est simple aus-
si Dans le transept du monument,. les
couleurs tendres dominent, spécialement
le vieil or et le* mauve.
Les fleurs, au pied du catalf alque, de
douze mètres de haut, soutenu par des
colonnes de marbre, sont répandues à pro-
fusion. Des bannières., des drapeaux, aux
couleurs nationales, et des palmes.
Devant le catafalque, à droite des fau-
teuils ̃réservés.au chef de l'Etat et aux
.membres du gouvernement, Une tribune'
.rec-ouiv-erte' de velours rouge a ..été édifiée.
C'est là que M. Doumergue prononcera le
discours officiel, après que les dfiœurs et
l'orchestre de la Société des concerts du
Conservatoire auront exécuté la Marseil-
laise, ie prélude die Messidor, de M. Alfred
Bruneau, et la marche funèbre de la
Symphonie héroïque de Beethoven.
EN DEUXIEME PAGE .•
I;N DEU~IE~~lE t AGE
Gouvernement d'Assassins, Manifeste fle
la Confédération Générale du Travail.
Hotre Enquête à Draveil.
EN TROISIEME PAGE
Le Crime de l'Impasse Romin.
~
La Grave des Maçons de Roubaix
Lille, 3 juin. On si^nnls à Roubai::
quelques lîap.rres sur plusieurs points de
La ville entre 2Tévi,3tes -na~ns et tes non. gré- >-
vistes. A Lille, lu grevé îc&to stationnai''
lUavasi.
LA TURRIE DBDRI'BI¡
–s^
Le Gouvernement fournit une
Version contraire à la Vérité
i n i«««Kin*nm tt-iî t
L E c au--la ~l ..E
Le ministère Clemenceau ne peut vi-
vre sans cadavres. Il lui en faut. Il a
eu ceux de Narbonne, de Nantes et de
Raon-l'Etape. Il a eu mardi dernier le
mort et les blessés de Vigneux-Draveil.
Nous allons vite tout se perfection-
ne le programme radical s'applique
dans toute son intégralité. Il n'est même
plus besoin du prétexte de l'ordre pour
que la gendarmerie ou l'armée nationa-
les tirent sur les ouvriers. C'est à bout
portant maintenant, à travers des fe-
nêtres, dans leurs salles de réunions,
sans l'ombre d'un motif,, que les agents
de Clemenceau et de Maujan déchar-
gent sur eux leurs revolvers et leurs ca-
rabinés.
L'Humanité a raconté, hier, ce nou-
vel assassinat. Des grévistes sont réunis
tranquillement dans une salle de bal
pour y causer de leurs affaires. Des
gendarmes arrivent, veulent forcer l'en-
trée de la salle et, comme on s'y oppo-
sait, tirent par les fenêtres sur les ci-
toyens assemblés. Pierre Lefol est tué
sur le coup Louis Géobélina, âgé de
17 ans, reçoit une balle dans la tête et
agonise au moment où j'écris ces li-
gnes huit autres citoyens sont griè-
vement blessés.
Ce tragique événement, où l'on a vu
une fois de plus les représentants de
l'ordre en posture d'assassins, n'empê-
chera certainement ni Clemenceau
de faire des mots, ni Maujan de rire
aux éclats. Ces deux messieurs ont pris
depuis longtemps l'habitude du sang
un cadavre de plus ne pèsera pas lourd
sur leur conscience.
Quand on n'en était encore qu'à la
réaction de Méliné ou de Charles Du-
puy, ce genre d'opérations causait tour
jours une certaine gêne, un certain'ma-
laise dans les rangs de la majorité. On
est débarrassé aujourd'hui de ces pu-
deurs le meurtre et l'assassinat de la
classe ouvrière sont définitivement éri-
gés en principe de gouvernement. De-
main, dans quelque réunion d'une « Jeu-
nesse républicaine » quelconque, M.
Maujan expliquera spirituellement à
ses auditeurs enthousiasmés que, si les
gendarmes de Draveil ont tiré sur les
grévistes, ce fut afin de leur procurer
l'occasion de boire le tilleul extrait des
arbres coupés par son ami Mesureur
car M. Maujan est un homme gai. Il
riait aux éclats pendant que l'armée de
l'ordre tuait dans les rues de Narbonne,
"P'ottrq'ûoi, d'ailleurs, MM. Clemen-
ceau et Maujan. seraient-ils tristes ? Ils
comptent sur la majorité qui s'est déjà,
solidarisée avec eux dans les tragédies
sanglantes du Midi, de Nantes et de
Raon-1'Etape. Des cadavres, ce n'est
rien l'essentiel est qu'ils conservent
leur portefeuille.
Il y aura bien une interpellation à la
Chambre mais ils ne sont pas gens à
s'émouvoir pour si peu. Je vois encore
M. Clemenceau, quand la ville de Nar-
bonne fut ensanglantée, lisant avec dé-
fi du haut de la tribune les rapports
mensongers que lui avaient envoyés les
auteurs directs ou les complices des as-
sassinats., La majorité nSosait applaudir;
mais elle admirait visiblement cet hom-
me fort. Par l'ordre du jour de con-
fiance qu'elle vota ensuite, elle le féli-;
cita d'avoir bien travaillé.
Nous assisterons demain à ,une scène;
du même genre. Vous verrez que les
morts et les blessés seront convaincus
d'être les coupables et que les g^ndar-!
mes apparaîtront comme des héros et
des victimes.
Déjà le thème est préparé, et le Radi-
cal, organe de l'Homme qui rit nous'
donnait, hier, un avant-goût de ce que
seront les explications du gouverne-
ment.
Notez que, d'une façon général, l'as-
sassinat de Draveil a été traité comme
une chose négligeable par la presse ra-
dicale et gouvernementale. Pendant
qu'elle consacrait des colonnes entières
à l'affaire Steinheil, elle insérait mo-
destement en deuxième page le Com-
iftunicLïié officiel et naturellement men-
songer^ relatif au tragique événement.
Pas besdîn-do faire une enquête ni d'al-
ler sur Ies lieux, elle était renseignée
directement par les bureaux du minis-
tère de l'Intérieur 1
Seul le Radical, encore mieux renseî-
fjc,5 par les sc&ns de M. Maujan, a cru
devoir s'étendre sur l'événement. Et
,alors s'épanouit dans ses colonnes la
version officielle. On y lit que trois
cents grévistes ont attaqué douze gen-
darmes et que quatre de ceux-ci ont été
assommés L'organe de l'Homme qui
rit n'a même pas besoin de nous explî«
quer comment trois cents grévistes ren-
fermés dans une salle ont pu attaquer
douze gendarmes, par la bonne raison
qu'il supprime tout simplement les trois
fenêtres par lesquelles les gendarmes
ont tiré, du dehors, sur les grévistes.
C'est bien ce que je vous disais les
victimes sont les gendarmes, et le mort
est évidemment l'assassin.
Il faudra bien, cependant, demain, h
la Chambre, nous raconter autre chose
que les pantalonnades imaginées par
M. Maujan. L'impudeur ne saurait dé-
passer certaines limites.
Ah si le clemenciste n'avait pas tel-
lement abaissé les caractères et telle-
ment domestiqué les hommes, j'espére-
rais peut-être qu'un geste indigné et
vengeur de la majorité, se redressant
et se ressaisissant, nous débarrasserait
enfin de l'odieuse bande gouvernemen-
tale qui, en deux ans, a su se baigner
quatre fois dans le sang ouvrier.
Mais entre tous ces gens-là il y a trop
de cadavres. Je n'espère rien.
MAURICE ALLARD.
Aydaoejnpudente
Hier soir, darè les couloirs ilela
Chambre, j'ai été Jstupéf ait dé constater
que les notes loifches, tendancieuses et
menteuses commiMiquées par la place
Beauvau, sur les événements de Draveilt
avaient jeté le trouble et le doute dans
quelques esprits sinjeères. 0 puissance du
mensonge î
J'affirme à nouveau que le récit publié
par l'Humanité est pleinement exact.
J'affirme que le témoignage d'une po-
pulation entière crie contre les menson-
ges officiels.
Vraiment il y a des hommes auxquels
il ne suffit pas de tuer les ouvriers il
faut qu'ils tuent la vérité même. Ils au-
ront beau faire elle se dressera contre
eux. C'est une triste chose et révoltante
de voir que des journaux républicains,
au lendemain d'un attentat odieux et lâ-
che comme celui-là, ai lieu de le châtier,
cherchent à jeter uré voile épais sur le
crime. C'est un défi fancé à ce peuple
meurtri. C'est la sem|nce de haines im-
mortelles. Je ne concis pas de pire fo-
lie. Je ne connais pa^ de plus détestable
entreprise: Et si le i^inistère continue à
ruser, à équivoquer, à "jimentir, il sera aus-
si infâme que les gendarmes qui ont,
sans raison, sans excuse, assassiné des
hommes. Nous ne permettrons pas que
la vérité soit aussi bafouée, que la rai-
son soit ainsi outragea Non, nous ne le
permettrons pas et nous verrons si la
Chambre osera faire siepne cette respon-
sabilité sinistre.
JÎAN JAURÈS.
« Gouvorne-me^t d'assassins » Tel est
encore une fois Je titre du manifeste que-
la C. G. T. adresse à la classe ouvrière.
Tel est l'unicpe&'cri que puissent pousser
tous ceux qui &ént allés sur place récrier-
cher les traces du drame et étudier ses pé-
ripéties. .i!
Reptiles et chacals de la presse minis-
térielle- répandaient, dès hier matin, avant
d'avoir pu se livrer à aucune vérification.
les -mensonges i&eptesîet odieux que leut
avait fournis M&ujan.
Dès hier, ils affirmaient
Que les grévistes avfoient tiré les pre'
rhiers, attaquant' les gendarmes
Que ceux-ci avaient rifoslé, en état de lé-
gitime défense
Que plusieurs gendarmes étaient griève'
ment blessés
Dés iiifir, nous affirmions, après une ta*
pida enquÊle
Que tes gendarmes étaient venus provo-
qwr chez eux les grévistes
Qu'ils avaient lâchement et délibérément
fusillé rf'î hommes ^paisibles
Que les victimes, :$ans armes n'avaient
pt répondre aux assassins.
Nous allons aujourd'hui, armés des té-
môïgnageK décisifs dei| principaux intéres-
sés, "ârrr.ôs des preuves que nous avons
•nous-mêfijcs r-ecueilliesïau cours d'une -e-
conde €naXête> compléter nos premières
déclarations. -Et nous laisserons les gens
de bonne foi clitfigir ensuite, à la lumière
de la Venté, entreVla version, officielle et
la nôtre, entre le titr& effrontément men.
teur du Radical de Maufaài « Douze gen- •
darmes attaqués par trois .cents grévis-
tes », «t les manchettes d#s oig&nts &u«
vriors et socialistes « Gouvernement d as-
sassins. Tueurs d'ouvrier ».
Voici d'abord le coramuTiimié qua te Ct>?
Audace
CINQUIEME ANNEE. N° 1509-
JOURNAL SOCIALISTE QUOTIDIEN
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MES LmMB
La rumeur d'outrage qui enveloppe le
S6m et le cercueil de Zola est une ru-
meur de gloire. C'est parce qu'il a donné
*es dernières années de sa vie à une gran-
3§ œuvre de vérité et de droit que l'in-
sulte et la calomnie le suivent jusque
'60US les voûtes du Panthéon.
Ce fut pour lui une dure épreuve et,
sans doute, il n'en avait pas mesuré d'em-
blée toute l'étendue. Scheurer-Kestne/
avait l'habitude de dire, avec une haute
et mélancolique résignation « J'ai
péché par orgueil ». Il voulait dire qu'il
s'était exagéré l'influence que l'autorité
cle sa vie et de sa parole aurait sur les
événements et sur la force trouble des
passions. Zola aussi avait pensé, je crois,
tque l'intervention, d'un grand écrivain,
en pleine gloire et visiblement désinté-
ressé dans le sombre drame, serait pour
les esprits les plus prévenus un avertis-
sement et une lumière. Il avait compté
sans la sauvagerie du nationalisme et -de
l'antisémitisme, sans la force de résis-
tance des institutions de mensonge, me-
nacées dans leur base même. Et il souf-
frit certainement dans son système ner-
veux, tendu par un long effort de travail,
3e la violence et de la férocité des hai-
nes déchaînées contre lui. Les manifes-
tations atroces qui accueillirent en cour
ii'assises sa condamnation lui arrachè-
rent un cri d'étonnement douloureux
& Ce sont donc des cannibales »
L'exil aussi fut pour lui un arrache-
ment et j'ai vu l'ombre 3e tristesse 'qui
était sur son front quand, après la séance
3e Versailles et sur les sages conseils de
Labori, il se décida à partir.
f
Mais c'est précisément son honneur
gue, dans cette épreuve dont il n'avait
pas pressenti d'abord toute la rigueur,
sa foi en la vérité et en l'avenir n'ait
jamais fléchi. Au contraire, sa pensée
s'élargit, son espérance d'humanité s'exal-
ta et, comme un pêcheur qui, penché
pur le fleuve trouble de la vie, ra-
inette enfin dans ses filets un pur trésor,
c'est une certitude de science et de jus-
tice qu'il ramenait 'du fond de l'huma-
nité bourbeuse encore et obscure.
^uand j'eus l'honneur de le voir,'
pendant son exil dans ces environs de
Londres, où il s'était remis au travail,
il me dit « Je ne me plains pas 3e
l'épreuve, Elle m'a révélé la vanité cle
bi«ï des choses auxquelles je tenais
trop, le néant de certaines glorioles litté-
raires. Je pressens des temps nouveaux.
Je sens monter des étoiles nouvelles. »
Elles montaient dans le soir 'd'une
vie assombrie par l'épreuve, par l'injus-
tice des hommes, par l'ombre de l'exil,
mais qui gardait encore une profonde
rumeur d'action. Elles rayonnaient d'une
ïorce invincible sur son œuvre vaste et
taèlée, sur son expérience confuse et tra-
gique, comme ces étoiles qui se lèvent
jd'uœ douceur souveraine sur le Paris
nocturne, énorme et tumultueux encore,
ïaogeux et splendide, tout plein de vice
et tout plein de rêve, et dont les nuits
étranges, mêlées de frissons sublimes et
3e spasmes abjects, de lueurs sidérales
jEt éê reflets boueux, semblent méditer
Se surprenantes aurores, où toutes tes,
âmes se laveront, les unes dé leur boue,
les autres de leur orgueil, 'dans une mê-.
toc iumière, dans la même fraîcheur ma-
tôWe du monde renouvelé.
Ce ne sera pas la victoire d'un idéa-
lisais timide et partiel procédant par
sélection ce ne sera pas l'étroite libéra-
tioa d'une élite ce sera l'affranchisse--
caeaï de toute l'humanité, avouant et
létal&nt ses misères, ses haillons, ses bou-
ges* trouvant enfin, dans cet énergique
anas de soi-même, la force de se libérer,
dajipefer sur tous la science et le
ponJ.nur.
au ce rêve, incomplet sans 'doute et
qui me-comprend pas tout l'homme, mais
fjui Jépjsss infiniment les horizons pro-
chaîfts. du socialisme même, la pensée
jSe Zola s'élargissait. Et- tout ce qu'il y
tïvaà d'idéalisme latent dans son
fceUz force sublime d'espérance, palpitant
jdastj u grossièreté même de la vie, qui,
yalsut à l'heure entrer au Panthéon.
JEAN JAURÈS.
-jus
Le SeuvernBment réduit à un
cortège de policiers la trans'
lation des restes de Zola.
Il est curieux de constater l'influence
qu'exercent sur un gouvernement d'inco-
hérents et de poltrons, la littératurie sca-
tologique d'un Drumont et d'un Daudet,
les insanités prétentieuses d'un Barrés, les
'affiches injurieuses d'une Patrie Fran-
çaise fantôme.
« A mon mari s
La couronne de Mme Zola apportée. hier au
Panthéon
Il a suffl à quelques nationalistes d'an-
noncer une manifestation au sujet die là
translation des cendrés de Zola au Pan-
théon pour qu'imanédiatement le gouver-
nement reculât indéfiniment la date d'un®
cérémonie qui eût dû être grandiose et
finît par la faire en cadette.
Zola devait aller au Panthéon, conduit
ipaf la foule qu'il a si 'merveilleusement dé-
crite, par le prolétariat qu'il a passionné-
ment aune et défendu. iLe gouvernement
de M. Clemenceau l'y a fait mener nar dû%
^olicjerei, au galop iâ® deux chevaux, par
dés voies détournées.
Le icartège, qui aurait dû accompagner
le génial écrivain eût été composé de csn?
tâjrigs"de inanifestants^si l'on 'avait ^la|9sé
librement Paris bémoignèf 'sôn'enthousiaà-
me/ • ̃ ,̃ • •
Maïs le gpuyer>neiïïeirit des 'dreyfusao^da
Cleniëntfèa,U: et Picquaxt, qui ïa4t masaa-
çr-er les ouvriers dans les grèves, a eu
peur -'dep teaaîaiidf natio;aalifl$!B et a xe-
culé devant les éommaticttis de la Libre
Parole.
La réaction..sera contente.: une fois de
plus les ministres ont irenié leuiv (passé de
républicains et eu peur du jugement de la
foule.
Au cimetière Montmartre
Cérémoniei lugubre que ne releva pas
l'enthousiasme .d'un .public venu pour sa-
luer un mort aimé, car les portes du ci.-
metière étaient hermétiquement closes.
Les brigades de M. Lépine filtraient soi-
gneusement ceux qui s'y présentaient, et
c'est tout juste si quelques journalistes
purent pénétrer dans le lieu 'de repos rem-
pli de sergents de ville et d'agents de la
Sûreté.
A 7 heures et demie seulement, lorsque
le jour commence à baisser,, les employés
des pompes funèbres sortent le cercueil du
superbe monument funéraire que tout Pa-
ris connaît. Un peu détériorée, l'enveloppe
de chêne est remplacée paT une autre
neuve. En présence de MM. Bruneau, com-
positeur et Desmoulins, graveur, amis in-
times' du défunt, des journalistes et des
policiers, on procède à cette opération lu-
gubre puis la bière est placée dans un
fourgon attelé de deux chevaux.
Au galop I
Derrière les portes du cimetière, la foule
est nombreuse. Bien que l'heure du trans-
fert eût été tenue cachée et retar-
dée de plus de deux heures (elle avait
été fixée à 5 heures), plusieurs milliers de
prolétaires se sont rangés aux environs de
la nécropole.
Aussitôt les portes ouvertes, entre une
haie de cyclistes, le fourgon dans lequel
ont seuls pris place MM. Bruneau et Des-
moulins, part à toute vitesse. Bien qu'é-
tonné de cette sortie en coup de vent, le
public salue et crie vigoureusement
« Vive Zola !» »
Mais déjà la voiture funèbre a pris le
boulevard de Clidhy et, à toute vitesse,
gagne la place Blanche, disparaît dans la
rue Blanche, suivi de cinq ou six fiacres
contenant des policiers entassés.
Les journalistes eux, ont frété des auto-
taxi et veulent suivre mais ders barrages
d'agents les retardent et lorsqu'ils attei-
gnent la rue Blanche, le fourgon emporté
au double galop de ses chevaux; est déjà
place de la Trinité."
C'est alors une course éehevelée, crui se-
rrait ridicule ai elle n'était odieuse. Le
fourgon, précédé d'une voiture contenant
M. Touny, chef de la police municipale,
ZOLA (En 1899)
Par L. Braun. (Cri de Paris).
celui-là même qui, il y a dix ans, faisait
annoncer mensongèrement dans tous les
postes de jpolico que Zola était condamne
ipour <( outrages à l'armée », passe avenue
de l'Opéra, rue St-Martin, rue St-Jacques
et rue Soufflot.
Au Panthéon
Boulevard St-Miohel et rue Soufflot., une
foule compacte est massée depuis six heu-
res. Elle manifeste diversement.Les cris de
«A bas Zola et Vive Zola se •.croisent et
de temps à autre les manifestants en vien-
nent aux mains.
Pendant cae des bagarres sans impor-
tance se proefuisent au bas de la rue Souf-
flot, entre spectateurs énervés d'être ridi-
culement contenus par la pdlice,l& fourgon
funèbre arrive par là rue St-Jacques et
vient se ranger devant la griLle du Pan-
théon.
Nécessairement, la place a été balayée
par la troupe et le public repoussé dans
toutes les rues adjacentes.
Sur les marches, derrière la statue du
Penseur, de Roddn, voilée de crêpe, atten-
dent Mme Zola, les deux enfants de l'é-
crivain, Pierre et Denize, M. Dujardin-
Beattmetz, sous-seçrétaire d'Etat aux
Beaux-Arts, le docteur Larat, le cominan.
danti Dreyfus, MM. Fasquelle, St-Georges
de Bbuhelier, Paul Brulat, Dumontier,
Théodore' Duret et quelques autres amis
de la famille.
Ce modeste cortège réduit, comme on
voit, Q. ceux qui furent les intimes de l'é-
crivain, pénètre diansi le Panthéon décoré:
de drapeaux tricolores, de tentures et d*é-
cûssons au chiffre du mort.
Dans. cette immense nécropole, «pendant
que de loin montent les cris divers des ma-
nifestants- chargés par la troupe, dans une
-presque obscurité, en silence recueilli, le
cortège suit le cercueil, qui est placé dans
le .catafalque, entouré de fleurs, garni des
couronnes -déposées par -la famille.
Mme Zola, au bras de M. Dujardm-
Bcaumetz, se retire dans un local spécia-
lement aménagé, suivie de Mlle Denize et
de,M. Jacques Zola, qui, avec MM. Bru-
neau, Desmoulins, Dreyfus et Fasquelle,
feront la veillée funèbre.
Il est huit heures lorsque cette cérémo-
nie intime prend fin. I
Les Manifestations
Au dehors, le tumulte va grandissant.
Lst public qui n'a rien vu puisqu'il a été
refoulé de tous côtés à plusieurs centaines
dé mètres du Panthéon, crie, conspue^
sous les coups de illa -police. Les troupes
nationalistes sont venues au grand com?
plet armées de sifflets et d'énormes oan*
nés, ces fameux gourdins qui, en 1898, se-
condaient si vaillamment les poings de
la police.
Toutefois, les partisans de l'écrivain
sont nombreux aussi et protestent en
criant vigoureusement Vive Zola 1
Comme aux heures les plus tra-
giques de l'Affaire, les agents frappent
ceux-là de préférence. Près de moi, une
femme reçoit un coup de poing en pleine
poitrine et chancèle pendant qu'un cama-
rade de la 5° section qui chantait l'Inter-
nationale est appréhendé, passé à tabac,
et traîné au commissariat de Saint-Sul-
piç&̃̃̃̃
Jusqu'à 11 heures, des nahdes de mani-
festants ont parcouru le quartier Latin J
en poussant des cris divers mais sans
occasionner d'incidents graves. A signa-
Un dessin da l' « Asino » (Rome 1902)
Porc Traître Vendu Canaille Damné
1er un groupe compact de camarades qui,
VHumqnité au bout d'un bâton et au chant
de ^Internationale, s'est promené sur le
boulevard Saint-Michel et la rue Souf-
flot, imposant silence, aux braillards de
la Patrie Française.
Aujourd'hui, la cérémonie officielle con-
tinuera mais comme hier, Jie peuple de
Paris qui veut acclamer la mémoire du
grand Zola sera tenu éloigné par les for-
ces policières de M. Clemenceau.
Pour la cérémonie d'aujourd'hui
La façade du Panthéon a été recouver-
te de 'draperies noires lamées d'argent.
Entre les colonnes sont placées des écus-
sons aux initia-les E. Z. entrelacées.
Au sommet flottent des trophées de dra-
peaux tricolores.
La décoration intérieure est simple aus-
si Dans le transept du monument,. les
couleurs tendres dominent, spécialement
le vieil or et le* mauve.
Les fleurs, au pied du catalf alque, de
douze mètres de haut, soutenu par des
colonnes de marbre, sont répandues à pro-
fusion. Des bannières., des drapeaux, aux
couleurs nationales, et des palmes.
Devant le catafalque, à droite des fau-
teuils ̃réservés.au chef de l'Etat et aux
.membres du gouvernement, Une tribune'
.rec-ouiv-erte' de velours rouge a ..été édifiée.
C'est là que M. Doumergue prononcera le
discours officiel, après que les dfiœurs et
l'orchestre de la Société des concerts du
Conservatoire auront exécuté la Marseil-
laise, ie prélude die Messidor, de M. Alfred
Bruneau, et la marche funèbre de la
Symphonie héroïque de Beethoven.
EN DEUXIEME PAGE .•
I;N DEU~IE~~lE t AGE
Gouvernement d'Assassins, Manifeste fle
la Confédération Générale du Travail.
Hotre Enquête à Draveil.
EN TROISIEME PAGE
Le Crime de l'Impasse Romin.
~
La Grave des Maçons de Roubaix
Lille, 3 juin. On si^nnls à Roubai::
quelques lîap.rres sur plusieurs points de
La ville entre 2Tévi,3tes -na~ns et tes non. gré- >-
vistes. A Lille, lu grevé îc&to stationnai''
lUavasi.
LA TURRIE DBDRI'BI¡
–s^
Le Gouvernement fournit une
Version contraire à la Vérité
i n i«««Kin*nm tt-iî t
L E c au--la ~l ..E
Le ministère Clemenceau ne peut vi-
vre sans cadavres. Il lui en faut. Il a
eu ceux de Narbonne, de Nantes et de
Raon-l'Etape. Il a eu mardi dernier le
mort et les blessés de Vigneux-Draveil.
Nous allons vite tout se perfection-
ne le programme radical s'applique
dans toute son intégralité. Il n'est même
plus besoin du prétexte de l'ordre pour
que la gendarmerie ou l'armée nationa-
les tirent sur les ouvriers. C'est à bout
portant maintenant, à travers des fe-
nêtres, dans leurs salles de réunions,
sans l'ombre d'un motif,, que les agents
de Clemenceau et de Maujan déchar-
gent sur eux leurs revolvers et leurs ca-
rabinés.
L'Humanité a raconté, hier, ce nou-
vel assassinat. Des grévistes sont réunis
tranquillement dans une salle de bal
pour y causer de leurs affaires. Des
gendarmes arrivent, veulent forcer l'en-
trée de la salle et, comme on s'y oppo-
sait, tirent par les fenêtres sur les ci-
toyens assemblés. Pierre Lefol est tué
sur le coup Louis Géobélina, âgé de
17 ans, reçoit une balle dans la tête et
agonise au moment où j'écris ces li-
gnes huit autres citoyens sont griè-
vement blessés.
Ce tragique événement, où l'on a vu
une fois de plus les représentants de
l'ordre en posture d'assassins, n'empê-
chera certainement ni Clemenceau
de faire des mots, ni Maujan de rire
aux éclats. Ces deux messieurs ont pris
depuis longtemps l'habitude du sang
un cadavre de plus ne pèsera pas lourd
sur leur conscience.
Quand on n'en était encore qu'à la
réaction de Méliné ou de Charles Du-
puy, ce genre d'opérations causait tour
jours une certaine gêne, un certain'ma-
laise dans les rangs de la majorité. On
est débarrassé aujourd'hui de ces pu-
deurs le meurtre et l'assassinat de la
classe ouvrière sont définitivement éri-
gés en principe de gouvernement. De-
main, dans quelque réunion d'une « Jeu-
nesse républicaine » quelconque, M.
Maujan expliquera spirituellement à
ses auditeurs enthousiasmés que, si les
gendarmes de Draveil ont tiré sur les
grévistes, ce fut afin de leur procurer
l'occasion de boire le tilleul extrait des
arbres coupés par son ami Mesureur
car M. Maujan est un homme gai. Il
riait aux éclats pendant que l'armée de
l'ordre tuait dans les rues de Narbonne,
"P'ottrq'ûoi, d'ailleurs, MM. Clemen-
ceau et Maujan. seraient-ils tristes ? Ils
comptent sur la majorité qui s'est déjà,
solidarisée avec eux dans les tragédies
sanglantes du Midi, de Nantes et de
Raon-1'Etape. Des cadavres, ce n'est
rien l'essentiel est qu'ils conservent
leur portefeuille.
Il y aura bien une interpellation à la
Chambre mais ils ne sont pas gens à
s'émouvoir pour si peu. Je vois encore
M. Clemenceau, quand la ville de Nar-
bonne fut ensanglantée, lisant avec dé-
fi du haut de la tribune les rapports
mensongers que lui avaient envoyés les
auteurs directs ou les complices des as-
sassinats., La majorité nSosait applaudir;
mais elle admirait visiblement cet hom-
me fort. Par l'ordre du jour de con-
fiance qu'elle vota ensuite, elle le féli-;
cita d'avoir bien travaillé.
Nous assisterons demain à ,une scène;
du même genre. Vous verrez que les
morts et les blessés seront convaincus
d'être les coupables et que les g^ndar-!
mes apparaîtront comme des héros et
des victimes.
Déjà le thème est préparé, et le Radi-
cal, organe de l'Homme qui rit nous'
donnait, hier, un avant-goût de ce que
seront les explications du gouverne-
ment.
Notez que, d'une façon général, l'as-
sassinat de Draveil a été traité comme
une chose négligeable par la presse ra-
dicale et gouvernementale. Pendant
qu'elle consacrait des colonnes entières
à l'affaire Steinheil, elle insérait mo-
destement en deuxième page le Com-
iftunicLïié officiel et naturellement men-
songer^ relatif au tragique événement.
Pas besdîn-do faire une enquête ni d'al-
ler sur Ies lieux, elle était renseignée
directement par les bureaux du minis-
tère de l'Intérieur 1
Seul le Radical, encore mieux renseî-
fjc,5 par les sc&ns de M. Maujan, a cru
devoir s'étendre sur l'événement. Et
,alors s'épanouit dans ses colonnes la
version officielle. On y lit que trois
cents grévistes ont attaqué douze gen-
darmes et que quatre de ceux-ci ont été
assommés L'organe de l'Homme qui
rit n'a même pas besoin de nous explî«
quer comment trois cents grévistes ren-
fermés dans une salle ont pu attaquer
douze gendarmes, par la bonne raison
qu'il supprime tout simplement les trois
fenêtres par lesquelles les gendarmes
ont tiré, du dehors, sur les grévistes.
C'est bien ce que je vous disais les
victimes sont les gendarmes, et le mort
est évidemment l'assassin.
Il faudra bien, cependant, demain, h
la Chambre, nous raconter autre chose
que les pantalonnades imaginées par
M. Maujan. L'impudeur ne saurait dé-
passer certaines limites.
Ah si le clemenciste n'avait pas tel-
lement abaissé les caractères et telle-
ment domestiqué les hommes, j'espére-
rais peut-être qu'un geste indigné et
vengeur de la majorité, se redressant
et se ressaisissant, nous débarrasserait
enfin de l'odieuse bande gouvernemen-
tale qui, en deux ans, a su se baigner
quatre fois dans le sang ouvrier.
Mais entre tous ces gens-là il y a trop
de cadavres. Je n'espère rien.
MAURICE ALLARD.
Aydaoejnpudente
Hier soir, darè les couloirs ilela
Chambre, j'ai été Jstupéf ait dé constater
que les notes loifches, tendancieuses et
menteuses commiMiquées par la place
Beauvau, sur les événements de Draveilt
avaient jeté le trouble et le doute dans
quelques esprits sinjeères. 0 puissance du
mensonge î
J'affirme à nouveau que le récit publié
par l'Humanité est pleinement exact.
J'affirme que le témoignage d'une po-
pulation entière crie contre les menson-
ges officiels.
Vraiment il y a des hommes auxquels
il ne suffit pas de tuer les ouvriers il
faut qu'ils tuent la vérité même. Ils au-
ront beau faire elle se dressera contre
eux. C'est une triste chose et révoltante
de voir que des journaux républicains,
au lendemain d'un attentat odieux et lâ-
che comme celui-là, ai lieu de le châtier,
cherchent à jeter uré voile épais sur le
crime. C'est un défi fancé à ce peuple
meurtri. C'est la sem|nce de haines im-
mortelles. Je ne concis pas de pire fo-
lie. Je ne connais pa^ de plus détestable
entreprise: Et si le i^inistère continue à
ruser, à équivoquer, à "jimentir, il sera aus-
si infâme que les gendarmes qui ont,
sans raison, sans excuse, assassiné des
hommes. Nous ne permettrons pas que
la vérité soit aussi bafouée, que la rai-
son soit ainsi outragea Non, nous ne le
permettrons pas et nous verrons si la
Chambre osera faire siepne cette respon-
sabilité sinistre.
JÎAN JAURÈS.
« Gouvorne-me^t d'assassins » Tel est
encore une fois Je titre du manifeste que-
la C. G. T. adresse à la classe ouvrière.
Tel est l'unicpe&'cri que puissent pousser
tous ceux qui &ént allés sur place récrier-
cher les traces du drame et étudier ses pé-
ripéties. .i!
Reptiles et chacals de la presse minis-
térielle- répandaient, dès hier matin, avant
d'avoir pu se livrer à aucune vérification.
les -mensonges i&eptesîet odieux que leut
avait fournis M&ujan.
Dès hier, ils affirmaient
Que les grévistes avfoient tiré les pre'
rhiers, attaquant' les gendarmes
Que ceux-ci avaient rifoslé, en état de lé-
gitime défense
Que plusieurs gendarmes étaient griève'
ment blessés
Dés iiifir, nous affirmions, après une ta*
pida enquÊle
Que tes gendarmes étaient venus provo-
qwr chez eux les grévistes
Qu'ils avaient lâchement et délibérément
fusillé rf'î hommes ^paisibles
Que les victimes, :$ans armes n'avaient
pt répondre aux assassins.
Nous allons aujourd'hui, armés des té-
môïgnageK décisifs dei| principaux intéres-
sés, "ârrr.ôs des preuves que nous avons
•nous-mêfijcs r-ecueilliesïau cours d'une -e-
conde €naXête> compléter nos premières
déclarations. -Et nous laisserons les gens
de bonne foi clitfigir ensuite, à la lumière
de la Venté, entreVla version, officielle et
la nôtre, entre le titr& effrontément men.
teur du Radical de Maufaài « Douze gen- •
darmes attaqués par trois .cents grévis-
tes », «t les manchettes d#s oig&nts &u«
vriors et socialistes « Gouvernement d as-
sassins. Tueurs d'ouvrier ».
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