Titre : L'Humanité : journal socialiste quotidien
Auteur : Parti communiste français. Auteur du texte
Éditeur : L'Humanité (Paris)
Éditeur : L'HumanitéL'Humanité (Saint-Denis)
Date d'édition : 1905-08-29
Contributeur : Jaurès, Jean (1859-1914). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 29 août 1905 29 août 1905
Description : 1905/08/29 (Numéro 499). 1905/08/29 (Numéro 499).
Droits : Consultable en ligne
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
JOURNAL SbeiALISTE QUOTIDIEN
DEUXIEME" ANNEE. -^N* ~4S9>~
MARDI 29 AOUT 1903.
RÉDACTION, ADMINISTRATION & ANNONCES
j 110, Rue Richelieu, Faiis
Tàul clTqti^conceïne^i1Ad7ninistralion-jiuJov,rnal doit être adresse
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Directeur Politique il,,
J M 1± 3NT J A. XJ Ft Èî S
l*o Numéro
SîiialjUociisi
On'a cherché bien ctes raisons de la
défiance qui existe à cette heure, en
France, entre le syndicalisme et le so-
cialisme. Peut-être faut-il se borner à di-
re que lorsque deux grandes organisa-
tions distinctes se constituent pour des
œuvres distinctes mais connexes, elles
n'arrivent qu'après, bien des incertitu-
des, des rivalités et des froissements à
harmoniser leur action. Chacune d'elles
tend à exagérer ses méthodes propres.
La classe ouvrière ne peut arriver à son
but, c'est-à-dire à l'entière émancipation
du travail par la propriété sociale coin-
fiée à la gestion des travailleurs, qu'en
se constituant à l'état de force économi-
que et de force politique, en Confédéra-
tion syndicale du Travail et en parti po-
litique socialiste. Et quelquefois, ces
deux outils se heurtent l'un l'autre dans
la main des ouvriers.
On ne peut pas conclure a priori que
l'organisation syndicaliste sera plus ré-
volutionnaire et l'organisation socialiste
plus évolutionniste. Les rapports des
syndicats au socialisme sontle contraire
en Allemagne de ce qu'ils sont en Fran-
ce. En France, la Confédération du Tra-
vail se croit plus révolutionnaire que le
parti socialiste. Elle n'a pas encore for-
mulé nettement sa méthode, mais elle
semble incliner ou à répudier ou tout au °
moins à dédaigner toute action propre-
ment politique, parlementaire et légale,
et à n'attendre la libération des travail-
leurs que de l'action, directe, c'estrà-dire
de la grève générale, instrument unique
de Révolution. Eh Allemagne, les syndi-
cats ouvriers, qui représentent une force
énorme, un million dé travailleurs sé-
rieusement' organisés et sérieusement
cotisants, répugnent à l'idée de la grève
générale plus que le parti. Le parti so-
cialiste, allemand n'a pas eu, jusqu'ici,
pour l'emploi de la grève générale, des
sympathies très vives. Mais il est con-
duit par la force même des choses à se
poser la 'question. Il se demande si la
réaction politique toute puissante en Al-
lemagne n'ira pas jusqu'à arracher au
prolétariat allemand le seul moyen d'ac-
tion et de combaf dont il dispose, le
droit de suffrage au Reichstag. Bern-
stein et Kautsky prévoient que la classe
ouvrière allemande pourra être contrain.-
te d'opposer à la violence des pouvoirs
public" la grève de masse, la grève po-
litique « Puisque vous nous refusez
tout droit, ^ous refusons tout travail. »
L'idée fait certainement des progrès
dans la démocratie socialiste, allemande.
Au contraire les syndicats, dans leur ré-
cent congrès de Cologne, y ont résisté
vigoureusement et même âprement. De
même ils. ont refusé de répondre à l'ap-
pel du parti pour une plus énergique
application des décisions internationales
̃ sur le Premier Mai. Ils déclarent qu'ils
ont constitué avec peine une grande for-
ce ouvrière, que cette force va crois-
sant, qu'elle permettra au prolétariat de
discuter avec le capital dans des condi-
tions meilleures, de lui imposer des con-
trats collectifs favorables aux salariés,
qu'ils n'oublient point l'idéal d'entière
transformation, qu'ils sont socialistes,
mais que la classe ouvrière s'élèvera
d'autant plus sûrement au socialisme
qu'elle aura réalisé des conditions d'exis-
tence plus f&rtes, et qu'ils ne veulent.
point risquer leur organisation grandis-
sante dans des manifestations vaines qui
décimeraient les militants et dans l'uto-
pie de la grève générale.
Ainsi, en France, les syndicats se-
raient plus « révolutionnaires » que lo
parti, et en Allemagne le parti serait
plus « révolutionnaire » que les syndi-
cats. La vérité est que, dans les deux
pays, les deux organisations tendent as-
sez naturellement à se différencier l'une
de l'autre, à devenir complémentaires
l'une de l'autre. En Allemagne, le mé-
canisme politique et l'état social ne per-
mettent guère au parti socialiste d'excr-
cer une action immédiate-sur te jeu des
partis et des événements. 11 est réduit le
plus souvent à un rôle de pure opposi-
tion et en attendant l'heure où sa force
.lentement et méthodiquement accrue dé-
bordera sur les institutions du passé
comme l'eau lentement amassée dépasse
la digue, il. ne peut qu'opposer à cette
dure ̃ société compacte de l'Allemagne
militaire, capitaliste et féodale, les for-
fflulcs révolutionnaires de l'idéal socia-
liste. Pendant ce temps, les ouvriers,
conscients de leur force économique
croissante, essaient, par leurs syndicats,
d'obtenir des résultats immédiats. De là
entre l'organisation syndicale et l'organi-
sation politique des divergences d'esprit
et de méthode.
En France, la forme démocratique du
régime a permis au parti socialiste
d'exercer une action dans les assem-
blées, d'incliner à gauche la politique gé-
nérale du pays, de hâter la marche des
majorités et des gouvernements. Mais
ce premier essai de la force électorale et
parlementaire du parti, qui n'est encore
qu'une^minoritô, ne pouvait pas_aboutir
à, des. résultats décisifs, et la tendance
Èaturêlle des travailleurs les p]ua; aiy
dents, groupés dans les syndicats, a 6tô
de rappeler aux « parlementaires a .que
rien n'était fait tant que tout le capital
n'était pas transféré aux travailleurs. EV
ils se sont plu à rêver une action di-
recte du prolétariat qui irait au but d'une
marche moins incertaine et moins îente
que celle du parti. De là, en, Feauce
comme en Allemagne, mais en sens in-
verse-, une sorte d'antagonisme du syn-
dicalisme et du socialisme.
Mais dans les deux pays, il faudra
bien que. cet antagonisme cesse. Déjà
en Allemagne quelques syndicats met-
tent à l'étude la question de la grève
générale politique, écartée par le con-
grès syndical et la réaction allemande
s'apercevra bientôt qu'elle a en face d'el-
le un prolétariat uni, et'capable d'une
action aussi souple que forte. En Fran-
ce, la conciliation se fera aussi, mais
elle ne peut se faire que par la clarté. Il
faut que la Confédération du Travail et
le parti socialiste s'expliquent avec une
netteté absolue. D'une parti comme je
le disais l'autre jour, la Confédération
devra dire si oui ou non elle accepte
sérieusement l'action par le suffrage uni-
versel et la représentation politique du
prolétariat. D'autre part, le parti socia-
liste-devra s'appliquer sans cesse à bien
marquer quelles résultats partiels obte-
nus par lui ne valent à ses yeux que
comme une préparation à la transforma-
tion totale, Il faut que tout* l'idéal .com-
muniste soit visible en toute l'action du
parti.
Ce, qu'on appelle le parlementarisme
socialiste n'est pas immuable. 11 a tra-
versé déjà deux. périodes bien distinc-
tes. Dans la première, les élus ont porté
à la tribune des affirmations théoriques
contre tous les autres partis, contre la
réaction insolente, contre les radicaux
ambigus et chancelants, ils ont affirmé,
dan^tous les débats, à propois de toutes
les questions, la pensée révolutionnaire
du parti. Dans la deuxième période-; de-
venus par leur incessante action une
force politique et parlementaire, ils, ont
contribué à refouler l'assaut de réaction
nationaliste et cléricale le plus dangereux
et le plus ignominieux, et ils ont stimu-
lé, ils ont aidé la démocratie républi-
caine, rentrée dans sa voie, à" se libérer
de la puissance de l'Eglise. Ils ont ainsi
déblayé le terrain.
Et maintenant sur ce terrain déblayé,
il faut construire l'édifice socialiste. A
cette œuvre immense, les syndicats et
le parti doivent concourir fraternelle-
ment.
JEAN JAURÈS.
i i ̃̃ ♦ o »
T o fn~fïpoc ~cs ÏM~o n~innc
Lu Congrès des Trafle-llnions
L'ordre du jour du Congrès de Hanley.. ̃–
Pour, l'unité ouvrière.
Aujourd'hui s'ouvrira à Hanley le congrès
annuel des trade-unions britanniques qui
réunira les représentants d'un million e.t de-
mi de travailleurs syndiqués. James Sexton,
président du comité parlementaire, secré-
taire général de l'un des deux syndicats na-
tionaux des dockers, celui dont le centre
est à Liverpool, dirigera les six journées de
débat dû « Parlement du Travail n.
Les résolutions se rapportant aux dix-
neuf questions à l'ordre du jour sont au
nombre de 96. Les plus importantes concer-
nent la loi sur les accidents du travail, la
législation sur- les grèves et les dernières
décisions de la Chambre des Communes à
ce propos, l'arbitrage, l'élévation de l'âge
minimum autorisant le travail, des enfants,
etc.
Une intéressante discussion sera, certai-
nement soulevée par les diverses proposi-
tions tendant à unifier l'action de la classe
ouvrière organisée sur le terrain corporatif.
Actuellement, son activité se manifeste sous
la triple forme de trois grands organismes
1° le congrès annuel des trade-unions et son
organe exécutif, le comité parlementaire
2° le Comité pour la Représentation Ou-
vrière 3° la Fédération générale des tra-
de-unions.
Diverses organisations proposent de sirrc-
plifier ces rouages multiples et d'unifier le
mouvement. La plus grande difficulté vien-
dra certainement du fait que plusieurs gran-
des organisations ne font pas partie –déli-
bérément de l'un ou de l'autre des trois
organismes: C'est ainsi que l' » Amalgama-
ted » ou syndicat national des. mécaniciens
qui appartient au Comité et à la Fédération
ne participe pas depuis plusieurs années
aux congrès annuels, que d'autre part, la.
grande fédération «manmouth» des mineurs
qui prend part tous les congrès n'adhère
pas en revanche au Comité pour la Repré-
sentation Ouvrière ni à la Fédération géné-
rale.
Il n'est cependant- pas douteux que des
mesures s'imposent pour assurer la « con-
solidation de toutes les forces prolétarien-
nes, surtout à la veille de la prochaine gran-
de bataille électorale à laquelle toutes les
forces du mouvement ouvrier anglais par-
ticiperont pour la première fois.
Ii faut encore relever parmi I^s proposi-
tions intéressantes une motion tendant à
donner à tous les produits coopératifs un la-
bel syndical les désignant, à la confiance des
travailleurs organisés.
Le congrès de Hanley aura également à
pourvoir au remplacement du secrétaire
du comité parlementaire Sam Woods qui,
après avoir occupé pendant plusieurs an-
nées cette importance fonction, se relire par
suite de son mauvais état de santé.
Plusieurs candidats sont sur les rangs,
entre autres, le citoyen Benliltet, des doc-
kers de Londres.
Les groupements socialistes de la région,
appartenant à la Social Démocratie Fédéra-
tion,; ont décidé d'organiser an cours de la
semaine du congrès, un important meeting
dans lequel prendront la parole à côté des
militants socialistes et trade-unionistes, W.
Thorne et Harry Quelch, notre ami Hynd-
man et la confiasse de Warwick.
:• ̃ •̃ -̃ ̃' ̃̃ f..fc.r:
LE KRACH BIS SOCBES
LE SUICIDE DE M. GRONIER
Mort du directeur de la raffinerie Say. La fln d'un joueur.
A la Bourse du Commerce. La crise continue.
Les prédictions de M. Jaluzot.
La campagne sucrière commence le 1er
septembre de chaque année.
Hier 28 août trois jours avant le 1er
septembre;, M. Ernest Cronier, directeur de
la raffinerie Say, s'est suicidé dans sa cham-
bre à coucher, au luxueux hôtel qu'il pos-
sédait, 50, rue de Lisbonne, au coin de la
rue Murillo et de l'avenue de Ruysdaelj au
parc Monceau.
M. Cronier
Ce qu'était M. Cronier ? Une synthèse de
la puissance capitaliste l'homme des su-
cres– avec M. Jaluzot.
Et c'est un fait, en vérité étrange, que de
voir, dans une même journée,' cette double
exécution, motivée sans doute par les mê-
mes- causes, de deux autorités également
autocratiques un grand magasin perd son
administrateur et une société anonyme est
en deuil de son directeur.
M. Cronier qui meurt pour les mêmes cau-
ses qui font agoniser M. Jaluzot était com-
me lui un de ces millionnaires agissants,
joueurs effrénés, moins pour le gain dont
ils n'ont que faire, que pour la fièvre singu-
lière des agiotages hasardeux. Il était de
ceux que l'immensité d'une fortune ne sau-
ve pas des opérations équivoques et pour
qui toute joie est limitée aux probabilités
des statistiques trébuchantes.
Comme l'homme, même honnête, qui se
hasarde quelquefois dans un louche tripot
est exposé à voir apparaître dans l'enca-
drement de la porte le képi fâcheux du gen-
darme, M. Cronier put apercevoir et mê-
me franchir quelquefois, au cours de ses
avatars, le seuil des cabinets des juges
d'instruction.
La garde qui veillait aux barrières de son
palais de la rue de Lisbonne fut impuissan-
te à refouler les curiosités pourtant paisi-
bles et déférentes, de différents magistrats.
Sans remonter trop loin te cours des an-
nées, le cours des mois, nous nous souve-
nons de la délicate opération de justice qui
troubla récemment la sérénité des fraudes
qui coûtèrent quelques plumes à notre fisc
national.
Il y eut aussi, à l'époque où les cervelles
dansaient la valse attrayante des mines
d'or, une affaire de la « French Explora-
tion » où M. Cronier eut quelques intérêts.
Il y eut encore les affaires d'accapare-
ment de 1900, qui lui laissèrent des souve-
nirs.
II y eut enfin les retentissants procès
qu'intenta à M. Cronier la vicomtesse de
Trédern qui voulut arracher les 'enfants de
son frère à la tutelle du spéculateur.
Mais que tout cela est petit, étroit et mes-
quin à côté de la tragique solution de; l'exis-
tence' de cet homme hautain; cassant, vin-
dicatif et passionné, bon ingénieur et mau-
vais économe, qui avait la nervosité de l'ar-
gent en papier et qui avait perdu la notion
des quantités et celle des sommes.
Sous ses cheveux en coup de vent, ce
grand bonhommebrusque, à la moustache
tombante, faisait loi à la Bourse du com-
merce où l'on discutait rarement ses avis.
On prenait ses ordres Cet homme d'argent
fascinait e* en imposait. Quand il y a quel-
ques années il se coupa trois doigts à un
ventilateur, on dit de lui, sous le manteau
« C'est en fermant son coffre-fort » C'est
l'opinion que l'on avait de lui.
M. Cronier était un joueur, c'est un fait
acquis que nul ne songera à nier. Etait-il
dans ses opérations de hasard l'ami ou l'as-
socié de M. Jaluzot.? C'est ce que demain
sans doute nous apprendra quand il se pas-
sera pour l'un ce qui se passe pour l'au-
tre, quand on vérifiera les livres et
qu'on mettra quelques regards curieux dans
la comptabilité.
La chronique dit, en effet, que si M. Jalu-
zot s'occupait d'affaires étrangères au Prin-
temps, M. Cronier s'occupait également d'af-
faires étrangères aux sucres. A la Bourse
des valeurs, le défunt directeur de la Raf-
finerie Say était aussi connu qu'à la Bourse
du commerce. Il n'y était peut-être pas plus
heureux l
Le bruit courut l'an passé que M. Cronier
était dans une situation délicate et que son
« papier » avait quelques déboires à la Ban-
que de France. Ce bruit ne persista pas,
d'ailleurs, mais la malignité publique attri-
bua à de puissantes mterventions l'heureuse
solution d'un accident ennuyeux.
A la Bourse du commerce
Cette mort soudaine, d'un roi de la spé-
culation, devait troubler, hier, le marché.
Le désarroi survint quand M. Broca,
chargé des intérêts de M. Cronier, vint
annoncer la fâcheuse nouvelle.
Et tandis que M. Broca donnait, au rédac-
teur de l'agence Havas, des détails sur la
« mort subite (on ne parlait pas de sui-
cide) du 'directeur des établissements: Say,
la cote des sucres n'avait pas lieu.
Les affaires ont repris, les transactions
ont recommencé après trois quarts d'heure,
mais heurtées, cahotées et terminées avec
cinquante ou soixante-quinze centimes de
baisse sur les cours de la veille, ce qui lais-
se le champ ouvert à des hypothèses inquié-
tantes' et laisse planer des incertitudes sur
certains crédits.
La baisse, en effet, atteignait d'autres va-
leurs que la Raffinerie Say par exemple
celles de la « Société générale des Sucre-
ries et de la Raffinerie. d'Egypte », dont M.
de Labouglise, collaborateur dévoué de M.
Cronier, dirige depuis quelque temps les
intérêts, et qui ont baissé de 47 francs.
A la Bourse du Commerce, où (les
coïncidences sont à ce point curieuses qu'on
aurait pu croire que les betteraviers du
Nord avaient eu vent du suicide de M. Cro-
nier) tous les agriculteurs sucriers étaient
venus on s'entretenait longuement des su-
creries, de l'Aisne, dont M. Jaluzot était un
des principaux actionnaires, et l'on se
passa, avec des sourires contraints, une
note d'agence déclarant que le ci ministre
de l'Agriculture,- préoccupé, de la question,
avait prescrit récemment une enquête dans
les principaux départements producteurs
de betteraves à sucre, afin de se rendre
compte, aussi exactement que possible, 'de
•la situation qui pourra résulter pour les
agriculteurs de la crise récente des su-
cres. »
Hélas le suicide d'un des plus gros agio-
teurs n'est pas fait pour; pres_ser: le résultat
:â'UI^ .^îuête s.ur,toui administrative et tes
départements1 intéressés ne sont pas au
bout de'leurs peines. JJ
La mort du joueur
Paris éprouva quelque difficulté à con-
naître la vérité sur la mort de M. Cronier.
Pieusement, la famille' déclara que l'an-
cien ingénieur en chef des ponts-et-chaus-
sées était décédé subitement des suites
d'une embolie au cœur, qu'il était allé soi-
gner à Vittel.
Mais cette embolie devenant funeste a
une époque aussi précise de liquidation de
campagne sucrière, était véritablement un
peu extraordinaire. On n'en fut point dupe
et la vérité se fit jour.
M. Crônier était revenu mercredi, du Pou-
liguen, un coin exquis de Bretagne où dans
la paix des rochers caressés par la vague
il se reposait de ses spéculations.
Il passa trois jours à son hôtel, tra-
vailler, à aligner des chiffres, Il « travailler
dans des paperasses n, ainsi que le déclara
son valet de chambre au commissaire de
pclice
Et dimanche, quand son domestique en-
tra dans sa chambre pour lui apporter les
journaux du matin/il trouva M. Cronier
étendu sur le ta.pis, en chemise, un revol-
ver au côté.
La crise des sucres était solutionnée sans
autre bruit que celui d'une détonation que
personne n'avait entendue
.Qu'importent d'ailleurs les détails domes^
tiques de cette fin douloureuse ? Ils ne nous
appartiennent pas.
Le permis d'inhumer a été refusé et un
juge d'instruction -est nommé son enquête
nous appartiendra.
M. Ducasse, juge commis, a perquisi-
tionné, hier, à la Raffinerie Say et 50, rue
de Lisbonne, et des détails un peu brumeux
encore qui. ont été recueillis il semble ré-
sulter que plusieurs dizaines de millions
constitueraient le passif de cette chute ef-
froyable Il y a sûrement de la vérité dans
cela.
Cependant, il nous sera sans doute per-
mis de rappeler ee que disait ici même
Rouanet, il y a quelques jours, et qui est
d'une saisissante vérité
Le monopole social de la raffinerie du sucre
est le moyen assuré. de mettre un terme à ces
trombes périodiques que l'anarchie capitaliste
déchaîne sur le marché sucrier. L'organisation
de ce monopole est urgente pour prévenir les
catastrophes analogues à celles que nous déplo-
rons.
La catastrophe d'hier a une soeur aujour-
d'hui. Que nous réserve demain ?
Dans VHumanilé du 2 août nous disions
qu'un député du Nord nous avait prédit un
événement plus sensationnel que la débâcle
de M. Jaluzot.
La prédiction s'est réalisée.'
E. M. Jaluzot lui-même n'avait-il pas fait
dire par son journal, la Presse du 2 août,
les paroles suivantes
Si, d'ailleurs, les mesures (d'arrangement) n'é-
taient pas prises dans ce sens, le sucre risque-
rait de tomber encore plus bas la- crise s'aggra-
verait, et une personnalité très en vue, qui est.
elle aussi, fortement engagée à la hausse, se
trouverait entraînée dans le krach, qui prendrait
des proportions inquiétantes.
Une personnalité très en vue nous sa-
vons aujourdfhui de qui le mauvais bon
prophète voulait parler.
LA RAFFINERIE S AY
La société anonyme de la raffinerie Say,
dont M. Cronier présidait le conseil d'ad-
ministration, avait été fondée en juin 1898.
Elle s'était constituée pour l'exploitation de
la. raffinerie Say et de la fabrique de sucre
d'Ardres, et s'était formée par la réunion
de la société Henry Say et Cie et de la so-
ciété anonyme des sucreries Henry Say.
Le capital social de la Société des raffine-
ries et sucreries Say avait été fixé primiti-
vement à 23 millions 500.000 francs divisé
en 47.000 actions de 500 francs, sur lesquel-
les 3.800 ont été souscrites en espèces et au
pair et 43-200 "attribuées partie à la Société
Henry Say et Cie (raffinerie) et partie à la
Société des sucreries Say, en représenta-
tion de- leurs apports. Mais, en septembre
1898, le capital a. été porté à 32 millions, au
moyen de la création et de l'émission au pair
dé 17.000 actions nouvelles de 500 francs,
puis à 38 millions 250.000 francs à l'occa-
sion de l'achat des sucreries de la Compa-
gnie de Fives-Lille,
Le conseil d'administration, dont les mem-
bres nommés pour six ans doiventêtre pro-
priétaires chacun dé cinquante actions ina-
liénables pendant la durée de leurs fonc-
tions, comprend, outre M. Cronier; prési-
dent, MM. Pélissier, de Temmermari, ad-
ministrateurs délégués Peytel, directeur du
Crédit algérien Dorizon, directeur-de la
Société générale Cattaui, banquier Ri-
houet et Tinardon. Les. commissaires des
comptes sont MM .Favereaux, du Vivier de
StreeL
L'Affaire Jaluzot
L'assemblée générale extraordinaire des ac-
tionnaires. 41.977 actions représentées.
On délibère. L'exposé de la situation
par M. Bourgeois. M. Jaluzot rend
officiellement son tablier. Les vo-
tes, Diminution. importante du
capital. M. Laguionie nom-
mé gérant unique, du Prin-
temps. `
Ainsi que nous l'avions annoncé, l'assem-
blée générale extraordinaire des actionnai-
res de la société du Printemps, s'est tenue,
hier après-midi, dans la grande salle des
ingénieurs civils, rue Blanche.
Devant la porte, dès une heure, on dis-
tribuait un nouveau projet de reconstitu-
tion de la Société. L'enveloppe de l'imprimé
portait ces molsJî Projet Leroy. A ouvrir
de suite n. On l'ouvre pour tuer le temps..
Accroché dans le vestibule un long écri-
teau fait sourire il annonce que les para-
pluies doivent être déposés au vestiaire.
A onze heures vingt la salle, est plus que
comble la séance est' ouverte.
Au bureau ont pris place MM, Fleur*
quin et Fougeay, membres du Comité de
surveillance, Bourgeois, administrateur pro-
visoire, Valdenne, Dëlbrouck, 'actionnaire,'
Cointier, du personnel du Printemps.
On remarque l'absence de M. Jaluzot.
M.. Bourgeois, répondant à une question
qui a d'ailleurs été. soulevée ces jours der-
niers, relativement à la régularité de l'as-
semblée et au dépôt du bilan, explique qu'il
s'agit d'une assemblée extraordinaire.
M. Fleurquin, président provisoire, dépo-
ise sur le bureau l'avis de convocation pa-
ru aux Petites Affiches.
Il constate que 41.797 actions étant repré-
sentées, l'assemblée peut avoir lieu.
M. Fleurquin renonce à la présidence et
propose, au nom de M. Jaluzot, M. Tinet,
ancien président du tribunal de commerce
d'Alger, qui est nommé à mains levées.
MM. Valdenne et Delbrouck sont nom-
més vice-présidents, M. Cointier secrétaire.
Après quelques mots brefs du président,
on aborde l'ordre du jour.
M. -Bourgeois donne lecture de son rap-
port, dans lequel il fait l'exposé succint de
la situation de la Société du Printemps, au
31 juillet 1905.
Cette lecture est écoutée avec la plus
grande attention. Toutefois, les comptes de
M. Jaluzot, et notamment la liquidation de
la campagne 1905, soulèvent es murmu-
res.
L'administration judiciaire provisoire ex-
plique qu'il y aura de fortes dépréciations,
mais que la solution peut être rendue ex-
cellente avec de sages réformes. Il termine
en faisant observer à ses auditeurs que la.
situation dépend uniquement du vote qui
va être émis, et en remerciant- chaleureu-
sement le personnel de son dévouement et
de sa précieuse collaboration. M. Fleur-
quin fait ensuite connaltre que M. Jaluzot
&e désiste officiellement de ses fonctions.
Plusieurs voix réclament la lecture du dé-
sistement, dont voici la teneur
Le soussigné, Jules Jaluzot, propriétaire, né-
fociant,- député de la Nièvre, demeurant à Paris,
rue d'Athènes, seul gérant statutaire de ia
société e ncommandite'par-actions des Grands
Magasins du Printemps ayant pour raison et
pour signature sociale Jules Jaluzot. et Compa-
gnie, pour dénomination « Printemps », dont le
siège 'social est à Paris, sous la condition du
quitus ci-dessous exprimé, déclare renoncer par
tes présentes aux droits de gérant statutaire de
la Société Jules Jaluzot et Compagnie, et à la
part de 40 des bénéfices que lui allouaient les
statuts. ̃ ̃ •
Cette renonciation est faite par M. Jaluzot
sous ]a condition de son'quitus définitif par
l'Assemblée générale extraordinaire, déjà con-
voquée pour le 28 courant, tant pour sa gérance
que pour raison du solde débiteur, que présen-
teront après application des gages ainsi main-
tenus, pour ses divers comptes débiteurs envers
la Société, qui, par suite, devra prendre'en char-
ge, quel qu'en soit le solde débiteur, tous les
comptes, quels qu'ils soient, ouverts ladite
Société, tant au nom que pour le compte de M.
Jaluzot.
Comme condition de cette renonciation, la So-
ciété du Printemps devra également renoncer à
exercer aucun recours direct ou indirect contre
M. Jaluzot, et par suite l'Assemblée générale
devra le décharger entièrement, le tout à raison
des opérations faites entre les Magasins du Prin-
temps et la Société agricole, notamment à raison
du reliquat dû par cette dernière au « Prin-
temps » pour réalisation de crédit.
Bien entendu, M. Jaluzot laisse subsister au
profit de la Société les gages ou garanties qu'il
a donnés à cette dernière,: sans en garantir la
validité spécialement sur
V Toutes les actions du Printemps qu'il pas-
sède à un titre quelconque
2" Les actions des journaux la Presse. et la
Patrie ainsi que toutes autres actions
3° Les actions de la Société Rivière
4° Et les excédents sur les warrants des grai-
nes de betterave.
De tout quoi il est dressé liste séparée.
En outre, M. Jaluzot concède à la Société du
Printemps nouvelle ou ces concessionnaires pen-
dant un délai de deux ans le droit de prendre
tout ou partie des actions du Printemps données
en gage au prix de 250 francs.
Fait à Paris, en autant d'originaux que de par-
ties intéressées, le, 26 août 1905.
Signé. Jaluzot. Y
Après l'exposé fait-par M. Valframbert,
avocat, sur la situation personnelle de M.
Jaluzot, au cours duquel il dit que le quitus
à accorder au député de la Nièvre n'est pas
une mesure d'humanité, mais une consé-
quence' rigoureuse de-la situation actuelle,
M. Launay vient, malgré une vive opposi-
tion, exposer le projît de M. Leroy, qui
consiste en un apport de 12 millions, dont
6 versés immédiatement, la conservation du
capital nominal sans réduction, et la prise
à sa charge de la transaction avec les su-
criers.
M. Leroy demande en échange la subro-
gation aux lieu et place de M. Jaluzot.' Il
reprend les 24.000 actions de celui-ci à 250
francs et toutes les actions du Printemps
qu'on lui présentera à 400 francs. Il de-
mande 3n outre d'être nommé gérant.
Cette proposition est accueillie par les
marques de désapprobation les plus vives.
La salle, très houleuse, empêche M. Lau-
nay de terminer.
On met alors aux voix au scrutin public
la diminution du taux des actions.
Le scrutin, proclamé à 6 heures moins
cinq, donne les résultats suivants
Nombre d'actions représentées 41.797.
Pour la diminution 1.399 oui.
Contre 52.
Nuls 8..
i.. La première résolution est adoptée. Il est
ensuite procédé au vote sur les autres réso-
lutions.
2" Acceptation de la renonciation de M.
Jaluzot.
3° Nomination d'un gérant unique et at-
tribution à celui-ci de 2.000 actions prises
sur celles de M. Jaluzot, à raison de 150
francs au moins, sauf à les payer au cours
moyen de janvier-décembre 1906.
4° Acceptation des démissions des mem-
bres de surveillance. et nomination des nou-
veaux membres.
5° Reconstitution du capital de la caisse
de retraites.
6° Création d'une annuité maxima de
112.500 francs.
7° Augmentation de capital. `
8° Modification des statuts, d^?.* M. Ro-
cagel, notaire de la Société, donne lecture.
9° Autorisation d'aliéner les immeubles
inutiles à l'objet social (rue du Printemps,
1, 3, 5, 7, 9, 11, 12, rue Saint-Pétersbourg,
34 Chaussée d'Antin, 38 et 40. faubourg
Saint-Antoine, 265 et 267 rue de Nanteuil,
244 et 244 bis. Un immeuble sis à Hendaye,
les distilleries: d'Aurgny et de la Biette).
10° L'autorisation pour le gérant de cé-
der à telle personne qu'il avisera la créance
'du Printemps sur la Société agricole, sous
la forme annoncée à l'Assemblée-
Toutes ces propositions sont adoptées'.
En conséquence, M. Laguionie est nom-
mé gérant unique.
MM. Desforges, Dupinet et Bachelot sont
nommés membres du Conseil de surveillan-
ce, avec 2.000 francs d'appointements, en
remplacement de MM. Fleurquin, Fougeray
et: Eugène, démissionnaires.
La séance. est ensuite levée. Par petits
groupes, les actionnaires se répandent dans
les cafés du- -voisinage ounegagiient leur de-.
meure en discutant avec animation tes dî-
vers votes -émis pendant la séance.
Dans tous les cercles et les ronds, onf-
peut constater que M. Jaluzot est quelque
peu malmené.
• H. M.
AVIS A NOS ABONNÉS
Nos souscripteurs dont l'abonnement. ex*.
pire le 31 août, sont priés de nous adrea
ser le montant de leur renouvellement afin
d'éviter un retard dans la réception du
journal. ̃̃ ̃♦»*».
–<
BeM à Strasbourg;
L.J 1. -JLD Imm l
Une belle réunion. Le discours de Bebetj
Contre la réaction. Intervention de la
police. I
La réunion organisée dimanche, par legi
socialistes de Strasbourg, a eu lieu, comme;
nous l'avons annoncé, sur remplacement de
l'ancienne gare. Une foule énorme se près-!
sait dans cette halle. Tous, hommes et fem-
mes se tenaient debout il n'y avait ni chai-
ses, ni bancs, ni tables, au contraire de la
plupart des réunions allemandes.
De joyeux et vigoureux hoch ont salué B&
bel à son apparition à la tribune. Notre ea- <.
marade n'avait pas parlé à Strasbourg, de-
puis l'époque de son élection au Reichstagr
comme représentant d'Alsace.
Après l'allocution de Boehle, le leader dir
parti socialiste strasbourgeois, Bebel se
lève. Les applaudissements éclatent de
nouveau. Bebel sourit, apaise l'enthousias-
me d'un signe de la main.
/Alors, pendant deux heures et demie,
avec cette familiarité mêlée de fougue, qui
fait le charme singulier de ses discours, il
a opposé à l'action catholique l'action du
parti socialiste, à la propagande d'obscu-
rantisme, l'œuvre d'émancipation proléta-
rienne et de libération humaine.
Après avoir remercié ironiquement le pré-
sident du Congrès catholique de la rûclame
faite par lui à la réunion socialiste, il mar-
qua combien peu le catholicisme gênait
l'action socialiste.
Le congrès catholique dit-il n'est pas art
aiguillon dans la chair de la démocratie socia-
liste. Les catholiques se trompent s'ils croient;'
qu'ils arrêteront les progrès du socialisme. Je
ne puis répondre à toutes les questions qui onS
été agitées pendant les cinq jours du congrès.
Je ne veux retenir que ce qui touche aux doc-
trines générales de l'émancipation sociale. Pour-
quoi accuser les socialistes d'internationalisme ï
Ne sont-ils pas internationalistes, ces princes
ces riches propriétaires qui possèdent aes terres
dans des pays différents ? Et Dieu lui-même
n'est-il pas le premier des internationalistes ?
Il montre ensuite le sophisme de toutes
les prédications catholiques au sujet de la
captivité du pape. Il montre comment les
catholiques, qui cherchent de nouveau à
exercer le pouvoir, en ont usé autrefois.- `-
Il rappelle le souvenir de la guerre des
paysans, où évoques et seigneurs calhoJi- `
ques marchèrent sus aux révoltés, et, par
contre, l'œuvre de la Révolution, française
qui fit libre le paysan alsacien.
Je sais continue-t-il qu'on reproche aux
socialistes leur union ou plutôt leur entente aveo
les catholiques en Bavière. A qui la faute, si
là-bas les prétendus libéraux refusent le suffraga
universel qu'y réclament les catholiques ? Nous,
nous avons cette revendication sur notre pro-
gramme. Irons-nous la rayer et nous contredira
pour le seul plaisir d' « embêter n les catholiques
bavarois ? Nous avons dit, au contraire « Pour,
le moment, enfouissons nos armes.
« Mais attendez la fin. Quand nous aurons
là-bas le, suffrage universel gare alors, vous ver-
rez comme on se prendra aux cheveux » u
Bebel attaque alors vivement toute la po-
litique générale de l'Empire, politique don6 fi
le centre catholique a été, comme il aime
tant à le répéter, le facteur principal. Et
Bebel insiste alors sur la politique colo--
niale.- .•••
Notre politique coloniale, ou plutôt notre fa-,
meuse: expansion commerciale nous a valu la
question du Maroc. Serait-ce pour cette miséra-
ble question que les deux grandes nations civi-
lisées de l'ouest se feraient la guerre ? Nous
n'ayons aucun motif de chercher querelle à la1
France.. Nous ne voulons pas la guerre avec ̃
elle. Au contraire, nous devons souhaiter et
chercher un rapprochement.
Mais que s'est-il passé en réalité ? Lorsque.
l'arrangement franco-anglais occupa l'opinion au
sujet du Maroc, il y a plus d'un an et démit
je demandai à Bùlow ce que cela signifiait.
« Ce n'est rien rien, (Jit-i.1. I1 n'y a pas de dam
ger. ».
Or, quelques mois plus tard, Bûlow dccla*
rait o
« Nous avons failli avoir la guerre. » Cela
prouve combien est fuyant le sol sur lequel nous
nous mouvons. Eh bien, notré provocation à la
France n'était pas vraiment opportune ni néces-
saire. Que signifie cette attitude contre la France
et l'Angleterre ? De l'autre côté du Rhin, cette
attitude a donné .H penser à nos amis de France
(les socialistes) que, malgré nos assurances, l'Al-
lemagne ne s'était tant armée pendant trente-
cinq, ans que pour tomber sur la France au bon
moment.
A cet endroit, le policier s'adresse au pré-
sident de la réunion. Va-t-il arrêter l'ora-
teur ? dissoudre l'assemblée ? Bebel s'in--
terrompt, regarde le policier avec un mé-
pris tranquille, puis prend son verre et
boit au milieu. des rires de l'auditoire. •
Quand il reprend son discours, il dit qu'il
pourrait prouver au représentant de la
police qu'il a tort, mais celui-ci userait de
son pouvoir pour .démontrer le contraire.
« Je sais que l'ordre du jour porte qu'on
'doit s'occuper du Congrès catholique. Mais
ce Congrès, en tant qu'il intéresse la poli-
tique. allemande tout entière, nous donne
le, droit d'examiner cette politique. D'ail-
leurs, j'en ai assez dit sur ce point pour
que nous nous soyons compris »•̃
Et alors, il conclut par une vibrante pé-
roraison. Il fait un tableau des armées en'
présence d'un côté, toutes les forces de la
tradition avec ses moyens d'action, ses ca-
pitaux, sa presse, ses universités, toute sort
organisation de conquête et de l'autre,,
l'armée innombrable des misérables qui
n'ont que leurs idées, leur foi, qui gngnonfe
du terrain chaque jour et dont le courage,
la discipline auront raison des derniers
remparts de la réaction..
Bœhle propose alors trois hoch en l'hon-
neur de Bebel. A ces- mots, tous les cha-
peaux s'agitent et. plus de six mille poitri-
nes .vigoureuses poussent en mesure ùcs
vivais enthousiastes.
Les catholiques en ont été pour leurs ü
frais leurs petites ruses et leurs taquine-
ries mesquines n'ont fait que signaler à'
l'attention cette admirable réunion. Encore
quelques réunions de ce gc-nre et la puis-
sance du parti socialiste, du parti qui seul v
pourra- résoudre un jour la question d'Al-
sace, se trouvera /définitivement élgblie.
DEUXIEME" ANNEE. -^N* ~4S9>~
MARDI 29 AOUT 1903.
RÉDACTION, ADMINISTRATION & ANNONCES
j 110, Rue Richelieu, Faiis
Tàul clTqti^conceïne^i1Ad7ninistralion-jiuJov,rnal doit être adresse
TÉLÉPHONE 102-69
io-jViMiôro
frBOMJjEMENTS Pari«_& Dép. Etranger-
Un Mois.t. ifr.BO » »
Trois Mois .>«. 4fr.6O 9fr. us
Six Mois 77 9fr. » 16fr.B0
Un An. 18fr. 31fr. »
Les Abonnements sont reçus SANS FRAIS dans toya les bureaux de Poste.
Directeur Politique il,,
J M 1± 3NT J A. XJ Ft Èî S
l*o Numéro
SîiialjUociisi
On'a cherché bien ctes raisons de la
défiance qui existe à cette heure, en
France, entre le syndicalisme et le so-
cialisme. Peut-être faut-il se borner à di-
re que lorsque deux grandes organisa-
tions distinctes se constituent pour des
œuvres distinctes mais connexes, elles
n'arrivent qu'après, bien des incertitu-
des, des rivalités et des froissements à
harmoniser leur action. Chacune d'elles
tend à exagérer ses méthodes propres.
La classe ouvrière ne peut arriver à son
but, c'est-à-dire à l'entière émancipation
du travail par la propriété sociale coin-
fiée à la gestion des travailleurs, qu'en
se constituant à l'état de force économi-
que et de force politique, en Confédéra-
tion syndicale du Travail et en parti po-
litique socialiste. Et quelquefois, ces
deux outils se heurtent l'un l'autre dans
la main des ouvriers.
On ne peut pas conclure a priori que
l'organisation syndicaliste sera plus ré-
volutionnaire et l'organisation socialiste
plus évolutionniste. Les rapports des
syndicats au socialisme sontle contraire
en Allemagne de ce qu'ils sont en Fran-
ce. En France, la Confédération du Tra-
vail se croit plus révolutionnaire que le
parti socialiste. Elle n'a pas encore for-
mulé nettement sa méthode, mais elle
semble incliner ou à répudier ou tout au °
moins à dédaigner toute action propre-
ment politique, parlementaire et légale,
et à n'attendre la libération des travail-
leurs que de l'action, directe, c'estrà-dire
de la grève générale, instrument unique
de Révolution. Eh Allemagne, les syndi-
cats ouvriers, qui représentent une force
énorme, un million dé travailleurs sé-
rieusement' organisés et sérieusement
cotisants, répugnent à l'idée de la grève
générale plus que le parti. Le parti so-
cialiste, allemand n'a pas eu, jusqu'ici,
pour l'emploi de la grève générale, des
sympathies très vives. Mais il est con-
duit par la force même des choses à se
poser la 'question. Il se demande si la
réaction politique toute puissante en Al-
lemagne n'ira pas jusqu'à arracher au
prolétariat allemand le seul moyen d'ac-
tion et de combaf dont il dispose, le
droit de suffrage au Reichstag. Bern-
stein et Kautsky prévoient que la classe
ouvrière allemande pourra être contrain.-
te d'opposer à la violence des pouvoirs
public" la grève de masse, la grève po-
litique « Puisque vous nous refusez
tout droit, ^ous refusons tout travail. »
L'idée fait certainement des progrès
dans la démocratie socialiste, allemande.
Au contraire les syndicats, dans leur ré-
cent congrès de Cologne, y ont résisté
vigoureusement et même âprement. De
même ils. ont refusé de répondre à l'ap-
pel du parti pour une plus énergique
application des décisions internationales
̃ sur le Premier Mai. Ils déclarent qu'ils
ont constitué avec peine une grande for-
ce ouvrière, que cette force va crois-
sant, qu'elle permettra au prolétariat de
discuter avec le capital dans des condi-
tions meilleures, de lui imposer des con-
trats collectifs favorables aux salariés,
qu'ils n'oublient point l'idéal d'entière
transformation, qu'ils sont socialistes,
mais que la classe ouvrière s'élèvera
d'autant plus sûrement au socialisme
qu'elle aura réalisé des conditions d'exis-
tence plus f&rtes, et qu'ils ne veulent.
point risquer leur organisation grandis-
sante dans des manifestations vaines qui
décimeraient les militants et dans l'uto-
pie de la grève générale.
Ainsi, en France, les syndicats se-
raient plus « révolutionnaires » que lo
parti, et en Allemagne le parti serait
plus « révolutionnaire » que les syndi-
cats. La vérité est que, dans les deux
pays, les deux organisations tendent as-
sez naturellement à se différencier l'une
de l'autre, à devenir complémentaires
l'une de l'autre. En Allemagne, le mé-
canisme politique et l'état social ne per-
mettent guère au parti socialiste d'excr-
cer une action immédiate-sur te jeu des
partis et des événements. 11 est réduit le
plus souvent à un rôle de pure opposi-
tion et en attendant l'heure où sa force
.lentement et méthodiquement accrue dé-
bordera sur les institutions du passé
comme l'eau lentement amassée dépasse
la digue, il. ne peut qu'opposer à cette
dure ̃ société compacte de l'Allemagne
militaire, capitaliste et féodale, les for-
fflulcs révolutionnaires de l'idéal socia-
liste. Pendant ce temps, les ouvriers,
conscients de leur force économique
croissante, essaient, par leurs syndicats,
d'obtenir des résultats immédiats. De là
entre l'organisation syndicale et l'organi-
sation politique des divergences d'esprit
et de méthode.
En France, la forme démocratique du
régime a permis au parti socialiste
d'exercer une action dans les assem-
blées, d'incliner à gauche la politique gé-
nérale du pays, de hâter la marche des
majorités et des gouvernements. Mais
ce premier essai de la force électorale et
parlementaire du parti, qui n'est encore
qu'une^minoritô, ne pouvait pas_aboutir
à, des. résultats décisifs, et la tendance
Èaturêlle des travailleurs les p]ua; aiy
dents, groupés dans les syndicats, a 6tô
de rappeler aux « parlementaires a .que
rien n'était fait tant que tout le capital
n'était pas transféré aux travailleurs. EV
ils se sont plu à rêver une action di-
recte du prolétariat qui irait au but d'une
marche moins incertaine et moins îente
que celle du parti. De là, en, Feauce
comme en Allemagne, mais en sens in-
verse-, une sorte d'antagonisme du syn-
dicalisme et du socialisme.
Mais dans les deux pays, il faudra
bien que. cet antagonisme cesse. Déjà
en Allemagne quelques syndicats met-
tent à l'étude la question de la grève
générale politique, écartée par le con-
grès syndical et la réaction allemande
s'apercevra bientôt qu'elle a en face d'el-
le un prolétariat uni, et'capable d'une
action aussi souple que forte. En Fran-
ce, la conciliation se fera aussi, mais
elle ne peut se faire que par la clarté. Il
faut que la Confédération du Travail et
le parti socialiste s'expliquent avec une
netteté absolue. D'une parti comme je
le disais l'autre jour, la Confédération
devra dire si oui ou non elle accepte
sérieusement l'action par le suffrage uni-
versel et la représentation politique du
prolétariat. D'autre part, le parti socia-
liste-devra s'appliquer sans cesse à bien
marquer quelles résultats partiels obte-
nus par lui ne valent à ses yeux que
comme une préparation à la transforma-
tion totale, Il faut que tout* l'idéal .com-
muniste soit visible en toute l'action du
parti.
Ce, qu'on appelle le parlementarisme
socialiste n'est pas immuable. 11 a tra-
versé déjà deux. périodes bien distinc-
tes. Dans la première, les élus ont porté
à la tribune des affirmations théoriques
contre tous les autres partis, contre la
réaction insolente, contre les radicaux
ambigus et chancelants, ils ont affirmé,
dan^tous les débats, à propois de toutes
les questions, la pensée révolutionnaire
du parti. Dans la deuxième période-; de-
venus par leur incessante action une
force politique et parlementaire, ils, ont
contribué à refouler l'assaut de réaction
nationaliste et cléricale le plus dangereux
et le plus ignominieux, et ils ont stimu-
lé, ils ont aidé la démocratie républi-
caine, rentrée dans sa voie, à" se libérer
de la puissance de l'Eglise. Ils ont ainsi
déblayé le terrain.
Et maintenant sur ce terrain déblayé,
il faut construire l'édifice socialiste. A
cette œuvre immense, les syndicats et
le parti doivent concourir fraternelle-
ment.
JEAN JAURÈS.
i i ̃̃ ♦ o »
T o fn~fïpoc ~cs ÏM~o n~innc
Lu Congrès des Trafle-llnions
L'ordre du jour du Congrès de Hanley.. ̃–
Pour, l'unité ouvrière.
Aujourd'hui s'ouvrira à Hanley le congrès
annuel des trade-unions britanniques qui
réunira les représentants d'un million e.t de-
mi de travailleurs syndiqués. James Sexton,
président du comité parlementaire, secré-
taire général de l'un des deux syndicats na-
tionaux des dockers, celui dont le centre
est à Liverpool, dirigera les six journées de
débat dû « Parlement du Travail n.
Les résolutions se rapportant aux dix-
neuf questions à l'ordre du jour sont au
nombre de 96. Les plus importantes concer-
nent la loi sur les accidents du travail, la
législation sur- les grèves et les dernières
décisions de la Chambre des Communes à
ce propos, l'arbitrage, l'élévation de l'âge
minimum autorisant le travail, des enfants,
etc.
Une intéressante discussion sera, certai-
nement soulevée par les diverses proposi-
tions tendant à unifier l'action de la classe
ouvrière organisée sur le terrain corporatif.
Actuellement, son activité se manifeste sous
la triple forme de trois grands organismes
1° le congrès annuel des trade-unions et son
organe exécutif, le comité parlementaire
2° le Comité pour la Représentation Ou-
vrière 3° la Fédération générale des tra-
de-unions.
Diverses organisations proposent de sirrc-
plifier ces rouages multiples et d'unifier le
mouvement. La plus grande difficulté vien-
dra certainement du fait que plusieurs gran-
des organisations ne font pas partie –déli-
bérément de l'un ou de l'autre des trois
organismes: C'est ainsi que l' » Amalgama-
ted » ou syndicat national des. mécaniciens
qui appartient au Comité et à la Fédération
ne participe pas depuis plusieurs années
aux congrès annuels, que d'autre part, la.
grande fédération «manmouth» des mineurs
qui prend part tous les congrès n'adhère
pas en revanche au Comité pour la Repré-
sentation Ouvrière ni à la Fédération géné-
rale.
Il n'est cependant- pas douteux que des
mesures s'imposent pour assurer la « con-
solidation de toutes les forces prolétarien-
nes, surtout à la veille de la prochaine gran-
de bataille électorale à laquelle toutes les
forces du mouvement ouvrier anglais par-
ticiperont pour la première fois.
Ii faut encore relever parmi I^s proposi-
tions intéressantes une motion tendant à
donner à tous les produits coopératifs un la-
bel syndical les désignant, à la confiance des
travailleurs organisés.
Le congrès de Hanley aura également à
pourvoir au remplacement du secrétaire
du comité parlementaire Sam Woods qui,
après avoir occupé pendant plusieurs an-
nées cette importance fonction, se relire par
suite de son mauvais état de santé.
Plusieurs candidats sont sur les rangs,
entre autres, le citoyen Benliltet, des doc-
kers de Londres.
Les groupements socialistes de la région,
appartenant à la Social Démocratie Fédéra-
tion,; ont décidé d'organiser an cours de la
semaine du congrès, un important meeting
dans lequel prendront la parole à côté des
militants socialistes et trade-unionistes, W.
Thorne et Harry Quelch, notre ami Hynd-
man et la confiasse de Warwick.
:• ̃ •̃ -̃ ̃' ̃̃ f..fc.r:
LE KRACH BIS SOCBES
LE SUICIDE DE M. GRONIER
Mort du directeur de la raffinerie Say. La fln d'un joueur.
A la Bourse du Commerce. La crise continue.
Les prédictions de M. Jaluzot.
La campagne sucrière commence le 1er
septembre de chaque année.
Hier 28 août trois jours avant le 1er
septembre;, M. Ernest Cronier, directeur de
la raffinerie Say, s'est suicidé dans sa cham-
bre à coucher, au luxueux hôtel qu'il pos-
sédait, 50, rue de Lisbonne, au coin de la
rue Murillo et de l'avenue de Ruysdaelj au
parc Monceau.
M. Cronier
Ce qu'était M. Cronier ? Une synthèse de
la puissance capitaliste l'homme des su-
cres– avec M. Jaluzot.
Et c'est un fait, en vérité étrange, que de
voir, dans une même journée,' cette double
exécution, motivée sans doute par les mê-
mes- causes, de deux autorités également
autocratiques un grand magasin perd son
administrateur et une société anonyme est
en deuil de son directeur.
M. Cronier qui meurt pour les mêmes cau-
ses qui font agoniser M. Jaluzot était com-
me lui un de ces millionnaires agissants,
joueurs effrénés, moins pour le gain dont
ils n'ont que faire, que pour la fièvre singu-
lière des agiotages hasardeux. Il était de
ceux que l'immensité d'une fortune ne sau-
ve pas des opérations équivoques et pour
qui toute joie est limitée aux probabilités
des statistiques trébuchantes.
Comme l'homme, même honnête, qui se
hasarde quelquefois dans un louche tripot
est exposé à voir apparaître dans l'enca-
drement de la porte le képi fâcheux du gen-
darme, M. Cronier put apercevoir et mê-
me franchir quelquefois, au cours de ses
avatars, le seuil des cabinets des juges
d'instruction.
La garde qui veillait aux barrières de son
palais de la rue de Lisbonne fut impuissan-
te à refouler les curiosités pourtant paisi-
bles et déférentes, de différents magistrats.
Sans remonter trop loin te cours des an-
nées, le cours des mois, nous nous souve-
nons de la délicate opération de justice qui
troubla récemment la sérénité des fraudes
qui coûtèrent quelques plumes à notre fisc
national.
Il y eut aussi, à l'époque où les cervelles
dansaient la valse attrayante des mines
d'or, une affaire de la « French Explora-
tion » où M. Cronier eut quelques intérêts.
Il y eut encore les affaires d'accapare-
ment de 1900, qui lui laissèrent des souve-
nirs.
II y eut enfin les retentissants procès
qu'intenta à M. Cronier la vicomtesse de
Trédern qui voulut arracher les 'enfants de
son frère à la tutelle du spéculateur.
Mais que tout cela est petit, étroit et mes-
quin à côté de la tragique solution de; l'exis-
tence' de cet homme hautain; cassant, vin-
dicatif et passionné, bon ingénieur et mau-
vais économe, qui avait la nervosité de l'ar-
gent en papier et qui avait perdu la notion
des quantités et celle des sommes.
Sous ses cheveux en coup de vent, ce
grand bonhommebrusque, à la moustache
tombante, faisait loi à la Bourse du com-
merce où l'on discutait rarement ses avis.
On prenait ses ordres Cet homme d'argent
fascinait e* en imposait. Quand il y a quel-
ques années il se coupa trois doigts à un
ventilateur, on dit de lui, sous le manteau
« C'est en fermant son coffre-fort » C'est
l'opinion que l'on avait de lui.
M. Cronier était un joueur, c'est un fait
acquis que nul ne songera à nier. Etait-il
dans ses opérations de hasard l'ami ou l'as-
socié de M. Jaluzot.? C'est ce que demain
sans doute nous apprendra quand il se pas-
sera pour l'un ce qui se passe pour l'au-
tre, quand on vérifiera les livres et
qu'on mettra quelques regards curieux dans
la comptabilité.
La chronique dit, en effet, que si M. Jalu-
zot s'occupait d'affaires étrangères au Prin-
temps, M. Cronier s'occupait également d'af-
faires étrangères aux sucres. A la Bourse
des valeurs, le défunt directeur de la Raf-
finerie Say était aussi connu qu'à la Bourse
du commerce. Il n'y était peut-être pas plus
heureux l
Le bruit courut l'an passé que M. Cronier
était dans une situation délicate et que son
« papier » avait quelques déboires à la Ban-
que de France. Ce bruit ne persista pas,
d'ailleurs, mais la malignité publique attri-
bua à de puissantes mterventions l'heureuse
solution d'un accident ennuyeux.
A la Bourse du commerce
Cette mort soudaine, d'un roi de la spé-
culation, devait troubler, hier, le marché.
Le désarroi survint quand M. Broca,
chargé des intérêts de M. Cronier, vint
annoncer la fâcheuse nouvelle.
Et tandis que M. Broca donnait, au rédac-
teur de l'agence Havas, des détails sur la
« mort subite (on ne parlait pas de sui-
cide) du 'directeur des établissements: Say,
la cote des sucres n'avait pas lieu.
Les affaires ont repris, les transactions
ont recommencé après trois quarts d'heure,
mais heurtées, cahotées et terminées avec
cinquante ou soixante-quinze centimes de
baisse sur les cours de la veille, ce qui lais-
se le champ ouvert à des hypothèses inquié-
tantes' et laisse planer des incertitudes sur
certains crédits.
La baisse, en effet, atteignait d'autres va-
leurs que la Raffinerie Say par exemple
celles de la « Société générale des Sucre-
ries et de la Raffinerie. d'Egypte », dont M.
de Labouglise, collaborateur dévoué de M.
Cronier, dirige depuis quelque temps les
intérêts, et qui ont baissé de 47 francs.
A la Bourse du Commerce, où (les
coïncidences sont à ce point curieuses qu'on
aurait pu croire que les betteraviers du
Nord avaient eu vent du suicide de M. Cro-
nier) tous les agriculteurs sucriers étaient
venus on s'entretenait longuement des su-
creries, de l'Aisne, dont M. Jaluzot était un
des principaux actionnaires, et l'on se
passa, avec des sourires contraints, une
note d'agence déclarant que le ci ministre
de l'Agriculture,- préoccupé, de la question,
avait prescrit récemment une enquête dans
les principaux départements producteurs
de betteraves à sucre, afin de se rendre
compte, aussi exactement que possible, 'de
•la situation qui pourra résulter pour les
agriculteurs de la crise récente des su-
cres. »
Hélas le suicide d'un des plus gros agio-
teurs n'est pas fait pour; pres_ser: le résultat
:â'UI^ .^îuête s.ur,toui administrative et tes
départements1 intéressés ne sont pas au
bout de'leurs peines. JJ
La mort du joueur
Paris éprouva quelque difficulté à con-
naître la vérité sur la mort de M. Cronier.
Pieusement, la famille' déclara que l'an-
cien ingénieur en chef des ponts-et-chaus-
sées était décédé subitement des suites
d'une embolie au cœur, qu'il était allé soi-
gner à Vittel.
Mais cette embolie devenant funeste a
une époque aussi précise de liquidation de
campagne sucrière, était véritablement un
peu extraordinaire. On n'en fut point dupe
et la vérité se fit jour.
M. Crônier était revenu mercredi, du Pou-
liguen, un coin exquis de Bretagne où dans
la paix des rochers caressés par la vague
il se reposait de ses spéculations.
Il passa trois jours à son hôtel, tra-
vailler, à aligner des chiffres, Il « travailler
dans des paperasses n, ainsi que le déclara
son valet de chambre au commissaire de
pclice
Et dimanche, quand son domestique en-
tra dans sa chambre pour lui apporter les
journaux du matin/il trouva M. Cronier
étendu sur le ta.pis, en chemise, un revol-
ver au côté.
La crise des sucres était solutionnée sans
autre bruit que celui d'une détonation que
personne n'avait entendue
.Qu'importent d'ailleurs les détails domes^
tiques de cette fin douloureuse ? Ils ne nous
appartiennent pas.
Le permis d'inhumer a été refusé et un
juge d'instruction -est nommé son enquête
nous appartiendra.
M. Ducasse, juge commis, a perquisi-
tionné, hier, à la Raffinerie Say et 50, rue
de Lisbonne, et des détails un peu brumeux
encore qui. ont été recueillis il semble ré-
sulter que plusieurs dizaines de millions
constitueraient le passif de cette chute ef-
froyable Il y a sûrement de la vérité dans
cela.
Cependant, il nous sera sans doute per-
mis de rappeler ee que disait ici même
Rouanet, il y a quelques jours, et qui est
d'une saisissante vérité
Le monopole social de la raffinerie du sucre
est le moyen assuré. de mettre un terme à ces
trombes périodiques que l'anarchie capitaliste
déchaîne sur le marché sucrier. L'organisation
de ce monopole est urgente pour prévenir les
catastrophes analogues à celles que nous déplo-
rons.
La catastrophe d'hier a une soeur aujour-
d'hui. Que nous réserve demain ?
Dans VHumanilé du 2 août nous disions
qu'un député du Nord nous avait prédit un
événement plus sensationnel que la débâcle
de M. Jaluzot.
La prédiction s'est réalisée.'
E. M. Jaluzot lui-même n'avait-il pas fait
dire par son journal, la Presse du 2 août,
les paroles suivantes
Si, d'ailleurs, les mesures (d'arrangement) n'é-
taient pas prises dans ce sens, le sucre risque-
rait de tomber encore plus bas la- crise s'aggra-
verait, et une personnalité très en vue, qui est.
elle aussi, fortement engagée à la hausse, se
trouverait entraînée dans le krach, qui prendrait
des proportions inquiétantes.
Une personnalité très en vue nous sa-
vons aujourdfhui de qui le mauvais bon
prophète voulait parler.
LA RAFFINERIE S AY
La société anonyme de la raffinerie Say,
dont M. Cronier présidait le conseil d'ad-
ministration, avait été fondée en juin 1898.
Elle s'était constituée pour l'exploitation de
la. raffinerie Say et de la fabrique de sucre
d'Ardres, et s'était formée par la réunion
de la société Henry Say et Cie et de la so-
ciété anonyme des sucreries Henry Say.
Le capital social de la Société des raffine-
ries et sucreries Say avait été fixé primiti-
vement à 23 millions 500.000 francs divisé
en 47.000 actions de 500 francs, sur lesquel-
les 3.800 ont été souscrites en espèces et au
pair et 43-200 "attribuées partie à la Société
Henry Say et Cie (raffinerie) et partie à la
Société des sucreries Say, en représenta-
tion de- leurs apports. Mais, en septembre
1898, le capital a. été porté à 32 millions, au
moyen de la création et de l'émission au pair
dé 17.000 actions nouvelles de 500 francs,
puis à 38 millions 250.000 francs à l'occa-
sion de l'achat des sucreries de la Compa-
gnie de Fives-Lille,
Le conseil d'administration, dont les mem-
bres nommés pour six ans doiventêtre pro-
priétaires chacun dé cinquante actions ina-
liénables pendant la durée de leurs fonc-
tions, comprend, outre M. Cronier; prési-
dent, MM. Pélissier, de Temmermari, ad-
ministrateurs délégués Peytel, directeur du
Crédit algérien Dorizon, directeur-de la
Société générale Cattaui, banquier Ri-
houet et Tinardon. Les. commissaires des
comptes sont MM .Favereaux, du Vivier de
StreeL
L'Affaire Jaluzot
L'assemblée générale extraordinaire des ac-
tionnaires. 41.977 actions représentées.
On délibère. L'exposé de la situation
par M. Bourgeois. M. Jaluzot rend
officiellement son tablier. Les vo-
tes, Diminution. importante du
capital. M. Laguionie nom-
mé gérant unique, du Prin-
temps. `
Ainsi que nous l'avions annoncé, l'assem-
blée générale extraordinaire des actionnai-
res de la société du Printemps, s'est tenue,
hier après-midi, dans la grande salle des
ingénieurs civils, rue Blanche.
Devant la porte, dès une heure, on dis-
tribuait un nouveau projet de reconstitu-
tion de la Société. L'enveloppe de l'imprimé
portait ces molsJî Projet Leroy. A ouvrir
de suite n. On l'ouvre pour tuer le temps..
Accroché dans le vestibule un long écri-
teau fait sourire il annonce que les para-
pluies doivent être déposés au vestiaire.
A onze heures vingt la salle, est plus que
comble la séance est' ouverte.
Au bureau ont pris place MM, Fleur*
quin et Fougeay, membres du Comité de
surveillance, Bourgeois, administrateur pro-
visoire, Valdenne, Dëlbrouck, 'actionnaire,'
Cointier, du personnel du Printemps.
On remarque l'absence de M. Jaluzot.
M.. Bourgeois, répondant à une question
qui a d'ailleurs été. soulevée ces jours der-
niers, relativement à la régularité de l'as-
semblée et au dépôt du bilan, explique qu'il
s'agit d'une assemblée extraordinaire.
M. Fleurquin, président provisoire, dépo-
ise sur le bureau l'avis de convocation pa-
ru aux Petites Affiches.
Il constate que 41.797 actions étant repré-
sentées, l'assemblée peut avoir lieu.
M. Fleurquin renonce à la présidence et
propose, au nom de M. Jaluzot, M. Tinet,
ancien président du tribunal de commerce
d'Alger, qui est nommé à mains levées.
MM. Valdenne et Delbrouck sont nom-
més vice-présidents, M. Cointier secrétaire.
Après quelques mots brefs du président,
on aborde l'ordre du jour.
M. -Bourgeois donne lecture de son rap-
port, dans lequel il fait l'exposé succint de
la situation de la Société du Printemps, au
31 juillet 1905.
Cette lecture est écoutée avec la plus
grande attention. Toutefois, les comptes de
M. Jaluzot, et notamment la liquidation de
la campagne 1905, soulèvent es murmu-
res.
L'administration judiciaire provisoire ex-
plique qu'il y aura de fortes dépréciations,
mais que la solution peut être rendue ex-
cellente avec de sages réformes. Il termine
en faisant observer à ses auditeurs que la.
situation dépend uniquement du vote qui
va être émis, et en remerciant- chaleureu-
sement le personnel de son dévouement et
de sa précieuse collaboration. M. Fleur-
quin fait ensuite connaltre que M. Jaluzot
&e désiste officiellement de ses fonctions.
Plusieurs voix réclament la lecture du dé-
sistement, dont voici la teneur
Le soussigné, Jules Jaluzot, propriétaire, né-
fociant,- député de la Nièvre, demeurant à Paris,
rue d'Athènes, seul gérant statutaire de ia
société e ncommandite'par-actions des Grands
Magasins du Printemps ayant pour raison et
pour signature sociale Jules Jaluzot. et Compa-
gnie, pour dénomination « Printemps », dont le
siège 'social est à Paris, sous la condition du
quitus ci-dessous exprimé, déclare renoncer par
tes présentes aux droits de gérant statutaire de
la Société Jules Jaluzot et Compagnie, et à la
part de 40 des bénéfices que lui allouaient les
statuts. ̃ ̃ •
Cette renonciation est faite par M. Jaluzot
sous ]a condition de son'quitus définitif par
l'Assemblée générale extraordinaire, déjà con-
voquée pour le 28 courant, tant pour sa gérance
que pour raison du solde débiteur, que présen-
teront après application des gages ainsi main-
tenus, pour ses divers comptes débiteurs envers
la Société, qui, par suite, devra prendre'en char-
ge, quel qu'en soit le solde débiteur, tous les
comptes, quels qu'ils soient, ouverts ladite
Société, tant au nom que pour le compte de M.
Jaluzot.
Comme condition de cette renonciation, la So-
ciété du Printemps devra également renoncer à
exercer aucun recours direct ou indirect contre
M. Jaluzot, et par suite l'Assemblée générale
devra le décharger entièrement, le tout à raison
des opérations faites entre les Magasins du Prin-
temps et la Société agricole, notamment à raison
du reliquat dû par cette dernière au « Prin-
temps » pour réalisation de crédit.
Bien entendu, M. Jaluzot laisse subsister au
profit de la Société les gages ou garanties qu'il
a donnés à cette dernière,: sans en garantir la
validité spécialement sur
V Toutes les actions du Printemps qu'il pas-
sède à un titre quelconque
2" Les actions des journaux la Presse. et la
Patrie ainsi que toutes autres actions
3° Les actions de la Société Rivière
4° Et les excédents sur les warrants des grai-
nes de betterave.
De tout quoi il est dressé liste séparée.
En outre, M. Jaluzot concède à la Société du
Printemps nouvelle ou ces concessionnaires pen-
dant un délai de deux ans le droit de prendre
tout ou partie des actions du Printemps données
en gage au prix de 250 francs.
Fait à Paris, en autant d'originaux que de par-
ties intéressées, le, 26 août 1905.
Signé. Jaluzot. Y
Après l'exposé fait-par M. Valframbert,
avocat, sur la situation personnelle de M.
Jaluzot, au cours duquel il dit que le quitus
à accorder au député de la Nièvre n'est pas
une mesure d'humanité, mais une consé-
quence' rigoureuse de-la situation actuelle,
M. Launay vient, malgré une vive opposi-
tion, exposer le projît de M. Leroy, qui
consiste en un apport de 12 millions, dont
6 versés immédiatement, la conservation du
capital nominal sans réduction, et la prise
à sa charge de la transaction avec les su-
criers.
M. Leroy demande en échange la subro-
gation aux lieu et place de M. Jaluzot.' Il
reprend les 24.000 actions de celui-ci à 250
francs et toutes les actions du Printemps
qu'on lui présentera à 400 francs. Il de-
mande 3n outre d'être nommé gérant.
Cette proposition est accueillie par les
marques de désapprobation les plus vives.
La salle, très houleuse, empêche M. Lau-
nay de terminer.
On met alors aux voix au scrutin public
la diminution du taux des actions.
Le scrutin, proclamé à 6 heures moins
cinq, donne les résultats suivants
Nombre d'actions représentées 41.797.
Pour la diminution 1.399 oui.
Contre 52.
Nuls 8..
i.. La première résolution est adoptée. Il est
ensuite procédé au vote sur les autres réso-
lutions.
2" Acceptation de la renonciation de M.
Jaluzot.
3° Nomination d'un gérant unique et at-
tribution à celui-ci de 2.000 actions prises
sur celles de M. Jaluzot, à raison de 150
francs au moins, sauf à les payer au cours
moyen de janvier-décembre 1906.
4° Acceptation des démissions des mem-
bres de surveillance. et nomination des nou-
veaux membres.
5° Reconstitution du capital de la caisse
de retraites.
6° Création d'une annuité maxima de
112.500 francs.
7° Augmentation de capital. `
8° Modification des statuts, d^?.* M. Ro-
cagel, notaire de la Société, donne lecture.
9° Autorisation d'aliéner les immeubles
inutiles à l'objet social (rue du Printemps,
1, 3, 5, 7, 9, 11, 12, rue Saint-Pétersbourg,
34 Chaussée d'Antin, 38 et 40. faubourg
Saint-Antoine, 265 et 267 rue de Nanteuil,
244 et 244 bis. Un immeuble sis à Hendaye,
les distilleries: d'Aurgny et de la Biette).
10° L'autorisation pour le gérant de cé-
der à telle personne qu'il avisera la créance
'du Printemps sur la Société agricole, sous
la forme annoncée à l'Assemblée-
Toutes ces propositions sont adoptées'.
En conséquence, M. Laguionie est nom-
mé gérant unique.
MM. Desforges, Dupinet et Bachelot sont
nommés membres du Conseil de surveillan-
ce, avec 2.000 francs d'appointements, en
remplacement de MM. Fleurquin, Fougeray
et: Eugène, démissionnaires.
La séance. est ensuite levée. Par petits
groupes, les actionnaires se répandent dans
les cafés du- -voisinage ounegagiient leur de-.
meure en discutant avec animation tes dî-
vers votes -émis pendant la séance.
Dans tous les cercles et les ronds, onf-
peut constater que M. Jaluzot est quelque
peu malmené.
• H. M.
AVIS A NOS ABONNÉS
Nos souscripteurs dont l'abonnement. ex*.
pire le 31 août, sont priés de nous adrea
ser le montant de leur renouvellement afin
d'éviter un retard dans la réception du
journal. ̃̃ ̃♦»*».
–<
BeM à Strasbourg;
L.J 1. -JLD Imm l
Une belle réunion. Le discours de Bebetj
Contre la réaction. Intervention de la
police. I
La réunion organisée dimanche, par legi
socialistes de Strasbourg, a eu lieu, comme;
nous l'avons annoncé, sur remplacement de
l'ancienne gare. Une foule énorme se près-!
sait dans cette halle. Tous, hommes et fem-
mes se tenaient debout il n'y avait ni chai-
ses, ni bancs, ni tables, au contraire de la
plupart des réunions allemandes.
De joyeux et vigoureux hoch ont salué B&
bel à son apparition à la tribune. Notre ea- <.
marade n'avait pas parlé à Strasbourg, de-
puis l'époque de son élection au Reichstagr
comme représentant d'Alsace.
Après l'allocution de Boehle, le leader dir
parti socialiste strasbourgeois, Bebel se
lève. Les applaudissements éclatent de
nouveau. Bebel sourit, apaise l'enthousias-
me d'un signe de la main.
/Alors, pendant deux heures et demie,
avec cette familiarité mêlée de fougue, qui
fait le charme singulier de ses discours, il
a opposé à l'action catholique l'action du
parti socialiste, à la propagande d'obscu-
rantisme, l'œuvre d'émancipation proléta-
rienne et de libération humaine.
Après avoir remercié ironiquement le pré-
sident du Congrès catholique de la rûclame
faite par lui à la réunion socialiste, il mar-
qua combien peu le catholicisme gênait
l'action socialiste.
Le congrès catholique dit-il n'est pas art
aiguillon dans la chair de la démocratie socia-
liste. Les catholiques se trompent s'ils croient;'
qu'ils arrêteront les progrès du socialisme. Je
ne puis répondre à toutes les questions qui onS
été agitées pendant les cinq jours du congrès.
Je ne veux retenir que ce qui touche aux doc-
trines générales de l'émancipation sociale. Pour-
quoi accuser les socialistes d'internationalisme ï
Ne sont-ils pas internationalistes, ces princes
ces riches propriétaires qui possèdent aes terres
dans des pays différents ? Et Dieu lui-même
n'est-il pas le premier des internationalistes ?
Il montre ensuite le sophisme de toutes
les prédications catholiques au sujet de la
captivité du pape. Il montre comment les
catholiques, qui cherchent de nouveau à
exercer le pouvoir, en ont usé autrefois.- `-
Il rappelle le souvenir de la guerre des
paysans, où évoques et seigneurs calhoJi- `
ques marchèrent sus aux révoltés, et, par
contre, l'œuvre de la Révolution, française
qui fit libre le paysan alsacien.
Je sais continue-t-il qu'on reproche aux
socialistes leur union ou plutôt leur entente aveo
les catholiques en Bavière. A qui la faute, si
là-bas les prétendus libéraux refusent le suffraga
universel qu'y réclament les catholiques ? Nous,
nous avons cette revendication sur notre pro-
gramme. Irons-nous la rayer et nous contredira
pour le seul plaisir d' « embêter n les catholiques
bavarois ? Nous avons dit, au contraire « Pour,
le moment, enfouissons nos armes.
« Mais attendez la fin. Quand nous aurons
là-bas le, suffrage universel gare alors, vous ver-
rez comme on se prendra aux cheveux » u
Bebel attaque alors vivement toute la po-
litique générale de l'Empire, politique don6 fi
le centre catholique a été, comme il aime
tant à le répéter, le facteur principal. Et
Bebel insiste alors sur la politique colo--
niale.- .•••
Notre politique coloniale, ou plutôt notre fa-,
meuse: expansion commerciale nous a valu la
question du Maroc. Serait-ce pour cette miséra-
ble question que les deux grandes nations civi-
lisées de l'ouest se feraient la guerre ? Nous
n'ayons aucun motif de chercher querelle à la1
France.. Nous ne voulons pas la guerre avec ̃
elle. Au contraire, nous devons souhaiter et
chercher un rapprochement.
Mais que s'est-il passé en réalité ? Lorsque.
l'arrangement franco-anglais occupa l'opinion au
sujet du Maroc, il y a plus d'un an et démit
je demandai à Bùlow ce que cela signifiait.
« Ce n'est rien rien, (Jit-i.1. I1 n'y a pas de dam
ger. ».
Or, quelques mois plus tard, Bûlow dccla*
rait o
« Nous avons failli avoir la guerre. » Cela
prouve combien est fuyant le sol sur lequel nous
nous mouvons. Eh bien, notré provocation à la
France n'était pas vraiment opportune ni néces-
saire. Que signifie cette attitude contre la France
et l'Angleterre ? De l'autre côté du Rhin, cette
attitude a donné .H penser à nos amis de France
(les socialistes) que, malgré nos assurances, l'Al-
lemagne ne s'était tant armée pendant trente-
cinq, ans que pour tomber sur la France au bon
moment.
A cet endroit, le policier s'adresse au pré-
sident de la réunion. Va-t-il arrêter l'ora-
teur ? dissoudre l'assemblée ? Bebel s'in--
terrompt, regarde le policier avec un mé-
pris tranquille, puis prend son verre et
boit au milieu. des rires de l'auditoire. •
Quand il reprend son discours, il dit qu'il
pourrait prouver au représentant de la
police qu'il a tort, mais celui-ci userait de
son pouvoir pour .démontrer le contraire.
« Je sais que l'ordre du jour porte qu'on
'doit s'occuper du Congrès catholique. Mais
ce Congrès, en tant qu'il intéresse la poli-
tique. allemande tout entière, nous donne
le, droit d'examiner cette politique. D'ail-
leurs, j'en ai assez dit sur ce point pour
que nous nous soyons compris »•̃
Et alors, il conclut par une vibrante pé-
roraison. Il fait un tableau des armées en'
présence d'un côté, toutes les forces de la
tradition avec ses moyens d'action, ses ca-
pitaux, sa presse, ses universités, toute sort
organisation de conquête et de l'autre,,
l'armée innombrable des misérables qui
n'ont que leurs idées, leur foi, qui gngnonfe
du terrain chaque jour et dont le courage,
la discipline auront raison des derniers
remparts de la réaction..
Bœhle propose alors trois hoch en l'hon-
neur de Bebel. A ces- mots, tous les cha-
peaux s'agitent et. plus de six mille poitri-
nes .vigoureuses poussent en mesure ùcs
vivais enthousiastes.
Les catholiques en ont été pour leurs ü
frais leurs petites ruses et leurs taquine-
ries mesquines n'ont fait que signaler à'
l'attention cette admirable réunion. Encore
quelques réunions de ce gc-nre et la puis-
sance du parti socialiste, du parti qui seul v
pourra- résoudre un jour la question d'Al-
sace, se trouvera /définitivement élgblie.
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