Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1911-11-24
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 24 novembre 1911 24 novembre 1911
Description : 1911/11/24 (Numéro 18407). 1911/11/24 (Numéro 18407).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
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VENDREDI 24 NOVEMBRE 1911
CINQUANTE ET UNIEME ANNEE– N° 18407
PRIX DE L'ABONNEMENT
F1BK, SUNE et SEINE-ET-OISE.. Trois mois, 14 fr. six mois, S S fr.; nu an. 53 tt.
BtPAEI" etAlSACE-UBBADlE.. 17 & S4tr.; 6SIÏ.
DHIOH POSTALE. lSft.; SS fr.; 7ai(.
LES ABONNEMENTS DATENT DES 1" ET 16 DE CHAQUE MOIS
Un numéro (départements) »O centimes
PRIX DE L'ABONNEMENT
ftUUS, SEINE et seme-et-OISE.. Trois mois, 14 fr.; Six mois, SS fr.; Un an, SS fr.
8EPAST" et AISACE-LOREAME.. IV fr. 34 fr.; SS fr.
BBOHPOSIAIE. lQ.fr.; SS fr.; 73».
USS ABONNEMENTS DATENT DES 1" ET 16 DE CUAQDE MOIS
Un numéro (à ï»aris) 1S5 centime»
Directeur politique Adrien Hébrard
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ADRESSE TÉLÉGRAPHIQUE TFEMPS PABlB'
SOMMAIRE
L£re en _.& %)_&&& ̃̃
ÎSS* AFFAmES EU*'MÀrOC. LA GUERRE ITALO-TDR-
QVE.: DANS LE CAMP OTTOMAN, DE NOTRE ENVOYÉ
spécial de Zorg. Etranger CHINE, LA POLI-
TIQUE DE YOUAN Chi Kaï dépêche DE NOTRE EN-
VOYÉ SPÉCIAL Jean Rodes. LA VIE A PARIS,
Jules Clara tie.
Page 3
LES BAGARRES TUNISIENNES L'ENQUÊTE (AVEC UN
PLAN DE Tunis). Chambre LE PORT DE BOR-
DEAUX LE BUDGET DE L' AGRICULTURE.– AFFAIRES
MUNICIPALES LA SUPPRESSION DES FORTIFICA-
TIONS. NOUVELLES DU JOUR LE BANQUET DES
MANDATAIRES AUX HALLES. LE COMMERCE FRAN-
ÇAIS A L'ÉTRANGER.
Fa-Sr© •«a
LES BIENFAITS DE LA TEINTURE D'IODE. COURSE DE
lévriers. FAITS-DIVERS. TRIBUNAUX.
Théâtres. QUELQUES expositions, Thiébault-
Sisson.
Page 5
Sport. Commerce. Èourse.
Page s
LA CATASTROPHE DE MONTREUIL-BELLAY UN TRAIN
sans une rivière. le DUEL daudet-chervet.
MUTINERIE A LA PRISON MILITAIRE DU Mans.
Dépèches DE LA CHAMBRE; SÉANCE, LF BUDGET DE
L'AGRICULTURE; LES AGENTS PROVOCATEURS.
BULLETIN DE L'ÉTRANGER
LA SITUATION EN PERSE
Comme nos télégrammes l'avaient fait pré-
voir, il se confirmé' que la Perse a résolu de
donner satisfaction aux demandes de l'ultima-
tum russe. Le nouveau cabinet qui vient de se
constituer présentera au ministre de Russie à
Téhéran les excuses exigées pour l'incident
provoqué par l'attitude brutale des gendarmes
persans aux ordres de M. Morgan Shuster, à
l'égard d'agents du consulat de Russie, lors de
la saisie des biens du frère de l'ex-chah, sur
lesquels des sujets russes avaient des droits
hypothécaires.
La Russie ayant déclaré qu'elle ne cherchait
nullement à porter atteinte à l'intégrité de la
Perse et que la marche annoncée de ses trou-
pes-sur Kazvine n'avait d'autre but que d'obte-
nir satisfaction, il est probable que l'expédition
déjà en route recevra l'ordre de s'arrêter, et
sera ramenée aux proportions restreintes et
épisodiques des interventions partielles aux-
quelles le gouvernement de Saint-Pétersbourg
a dû si fréquemment recourir pour sauvegar-
der ses intérêts dans les régions persanes limi-
trophes du Caucase. La Perse paraît avoir
échappé une fois de plus au danger qui mena-
çait son pénible développemepioonstitutionnel,
car la marche du corps expéditionnaire russe
vers Téhéran aurait 'pu faire' reprendre cou-
rage au souverain déchu Mohamed Ali et à ses
partisans et .devenir le prélude d'une nouvelle
campagne pareille à celle que le gouvernement
actuel vient de soutenir victorieusement pen-
dant quatre mois.
C'est en effet le 18 juillet dernier, on s'en sou-
vient, qu'après avoir traversé incognito tout le
5Vi*li6'UiiLiGa=t; e,t; tp.uto.-la OaspicanO, i&lollUiqdd
débarquait à Gdûmou'lh-Tépé. Le 22, il faisait-
son entrée solennelle dans Astrabad. Cette ville
historique, berceau de la dynastie Kadjar, deve-
nait aussitôt le centre des rassemblements mi-
litaires à la tête desquels il allait se placer.
Réchid es saltanch, maître de Sebzevar et de
Chakrond, lui amenait ses cavaliers turcmènes.
On trouvait à l'arsenal d'Astrabad huit canons
du modèle autrichien, qu'on partageait entre
l'avant-garde trois mille hommes comman-
dés par le sirdarAssad et le gros de l'armée
cinq mille hommes sous les ordres d'Ismaïl
khan et d'Emir-Mokarrem. Ces forces pou-
vaient passer pour imposantes, étant donné
la faiblesse générale de l'organisation militaire
persane. Au surplus, elles n'étaient pas les
seules mises au service de la contre révolution.
Les Shah-Sevans, les «fidèles du chah», re-
commençaient dans la région de Tabriz leur
agitation pillarde, bien connue des caravanes
russes. Ils mettaient le siège devant Serab.
Le prince Salar ed daouleh, frère du chah, re-
paraissait dans la région d'Ourmia et recrutait
des Kurdes, à la tête desquels il travaillait à
soulever tout le Kurdistan persan les premiers
gages dont il s'emparait, ses premières étapes
franchies vers Téhéran, étaient les villes de
Semnah et de Kermanchah.
L'effet de cette triple menace ne tardait pas à
se faire sentir dans la capitale. Le sipahdar,
démissionnaire quelques jours auparavant, re-
constituait hâtivement son ministère et faisait
sa paix avec le Medjliss. Contre Mohamed,
maître des Turcmènes, des Shah-Sevans et des
Kurdes, le seul espoir du gouvernement était
̃flans les bakhtiaris. On confiait donc le porte-
feuille de la guerre à Samsam es saltaneh, doyen
des khans bakhtiaris, après le sirdar Assad; le
F'EUIIL.IL.ETOÎV OU StttipS
DU 24 NOVEMBRE 1911 <*«>
Petites Gens
et
©rands Cœurs
II Suite
Ce samedi, c'était le jour de la vente. Les
journaux l'annoncèrent; la salle était pleine.
Dans le fond, derrière le bureau du commis-
saire-priseur et des experts, les Pail et les Mau-
ger assistaient à l'éparpillement de ces objets
familiers, de ces témoins, disait Angèle, qui,
après les avoir maudits des années, les regret-
tait à présent.. j.]
D'abord ce fut mou; le public restait froid.
Les marbres, les bronzes, les verreries, cérami-
ques et orfèvreries se vendaient sans suren-
chères, à des prix dérisoires.
Brusquement, la salle s'échauffa. On présen-
tait une statuette en bronze. d'Alexandre le
Grand, d'une facture serrée et nerveuse, une
pièce rare, vraiment belle.
« On demande sis mille! »
Douze
Quinze
Vingt
Trente
Il y eut une pause; on soufflait; on se regar-
dait. Les Pail et les Mauger étaient devenus pâ-
les.
Trente! répéta le commissaire. Est-ce
dit?. Personne ne met au-dessus? Trente.
Trente-cinq, fit une voix dans le fond de
la salle.
Tous les yeux cherchèrent le personnage.
C'était le juif Roosheim, de Francfort; son avis
faisait loi.
Quarante!
Quarante-cinq!
Cinquante!
Cinq!
Reproduction: interdite.
sirdar lui-même était rappelé de l'étranger. On
proclamait l'état de siège la tête du chah re-
belle, était mise à prix; défense était faite de
prononcer sou nom dansles*ues -de Téhéran
et pour produire sur ses partisans un effet de
terreur, on prenait soin d'arrêter et de pendre
un de ses anciens favoris, Medjid ed daouleh.
Cependant l'avant-garde du sirdar Assard
était entrée dans Damgan, puis dans Semnan,
faiblement défendues par leurs garnisons. Le
13 août, elle arrivait à Firouzkoh, à trois marches
seulement de la capitale. Elle éprouvait alors
un revers grave, qui'la rejetait dans la direc-
tion du nord. Attaquée de nouveau le 5 sep-
tembre, près d'Emam-Zadé-Djaffar, elle mon-
trait si peu de consistance au feu qu'un batail-
lon de 400 bakhtiaris suffisait à la mettre en dé-
route et qu'elle fuyait en désordre vers Astra-
bad, en laissant derrière elle 100 morts et 300
prisonniers.
A ce moment les affaires du chah paraissaient
pouvoir encore être rétablies par les Kurdes de
Salar ed daouleh. Après avoir occupé Kerman-
chah, où il avait saisi la caisse des douanes, le
frère du chah était entré le 15 août dans Ha-
madan, mais sa marche trës lente au delà de
cette ville permettait aux troupes constitution-
nelles commandées par Efrem et le sirdar Bo-
gadour de se retourner contre lui. Le 26 sep-
tembre, à Savé, ses 4.000 Kurdes ne soute-
naient que pendant deux heures le choc de
1,200 baktiaris. Ils perdaient, dans cette ren-
contre désastreuse, 500 hommes tués ou bles-
sés et 100 prisonniers, contre 10 baktharis seu-
lement mis hors de combat.
Cette défaite décidait de la rentrée des trou-
pes constitutionnelles dans Hamadan. Elle se
trouvait confirmée, le 17 novembre, par une
nouvelle reacontre^dont l'issue- était encore fa-
tale à Salar ed daouleh et qui paraît devoir met-
tre fin à l'agitation politique menée par lui en
Kouristan.
On voit que les deux efforts militaires prin-
cipaux faits en faveur du chah Mohamed ont
éprouvé le même insuccès et, qu'abstraction
faite des désordres partiels dus à l'activité des
chah-Sevans dans la région de Tabriz, le sou-
verain déchu reste aujourd'hui sans défen-
seurs. Le gouvernement du sipahdar, maître
incontesté de Téhéran, de Kazvin, de Kom, de
Recht, de toute la Perse centrale, travaille à
élargir la zone définitivement gagnée à l'or-
dre et à la vie constitutionnelle Il s'ap-
puie sur des troupes bien éloignées encore
d'avoir reçu une organisation complète, mais
qui ont fait voir pourtant dans les derniè-
res rencontres une solidité nouvelle et
des qualités qu'on ne leur supposait pas. Ces
premiers résultats, encore incertains, sont
hautement appréciés par l'opinion. Ils encoura-
gent le patriotisme persan ils confirment des
espérances dont il est sage de tenir compte.
On peut espérer que la soumission à laquelle le
gouvernement de Téhéran vient de se résoudre
péniblement mais prudemment, mettra bien-
tôt fin à l'ère de contre-révolution qui me-
nàce non seulement la Constitution mais l'inté-
grité et l'existence même de la Perse.
«8*
DÉPÊCHES TELEGRAPHIQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU ®E1H})0
̃̃̃• ̃̃̃"̃' .̃*•>̃ Mtfs cou, 23 ho vëmbre.
Le maire de Moscou, M. Goutchkof, est parti pour
Paris, dans le but de rendre visite à la municipalité
parisienne.
r Livadia, 23 novembre.
Le tsar a reçu l'ambassadeur extraordinaire de
Turquie en audience de congé.
L'INQUISITION FISCALE
DEVANT LA COMMISSION DU SÉNAT
La commission sénatoriale de l'impôt sur le
revenu a promis, on le sait, de hâter autant
que possible ses travaux. Elle tient parole. En
deux séances, le 15 novembre et hier, elle a
déjà poussé assez loin l'examen des conclusions
auxquelles avaient abouti ses deux sous-com-
missions. Comme celles-ci, avant d'arrêter
leurs résolutions, s'étaient livrées à une étude
approfondie de nos contributions directes et des
réformes qui peuvent y être apportées, la com-
mission plénière a sa tâche heureusement fa-
cilitée.
Il serait tout à fait prématuré et il serait
d'une imprudence souveraine de s'abandonner
à un sentiment de confiance, sous prétexte que
les premiers votes émis par la commission plé-
nière sont la condamnation du projet voté par
la Chambre. Mais il n'est pas niable que la
commission semble incliner beaucoup plus à
améliorer qu'à bouleverser nos contributions di-
rectes. Bien loin de s'appliquer à faire de cha-
cune d'elles un impôt personnel, comme, l'a
voulu la Chambre, qui s'est inspirée des idées
fiscales de l'ancien régime, la commission sé-
natoriale paraît soucieuse de maintenir, au
Soixante!
Cinq! 1
Soixante-dix!
Quinze!
Quatre-vingt!
Cent!
C'était encore le juif qui parlait le dernier.
Dans leur coin, Pail serrait la main de Gi-
selle à la briser.
Adjugé à cent mille!
Dès lors la fièvre montait. Dans les tableaux
un Jugement de Paris, par Nattier, fit 19,000 fr.;
un portrait de Reynolds, 10,000; un Van Cuyp,
Vaches au pâturage, atteignit 36,000; une aqua-
relle de Huet, 3,000; une gouache de L.-G. Mo-
reau, 3,000.
Pail écoutait, ivre; à un moment, il disait,
tout bas à Mauger
Vous savez le Van Cuyp. je l'ai acheté
à Vincennes, chez un marchand d'habits, soi-
xante francs.
Oh! oh! fit Mauger extasié; et les autres?
Pour rien! Le prix du cadre!
Et Mauger répétait
Oh! oh!
De vieux livres furent offerts Ovide, les
Métamorphoses (1767-1771), vol. in-4% figures
de Boucher, Eisen avant la lettre, produisirent
7,800 francs. Rabelais (Amsterdam 1741), 3 vol.
in-4°, gravures de Bernard Picart, reliure de
Derôme, 13,100 francs.
Le reste se vendit mal; mais au dernier coup
de marteau, lé total de la vente dépassait deux
cent mille francs.
C'est ta dot! dit Pail à Giselle.
Elle pâlit, cligna des yeux.
Mon père!
Oui, ton père; eh bien, après?
Angèle comprenait enfin; elle s'approcha
de son mari
Honoré, lui glissait-elle dans l'oreille.
j'ai compris tu veux que l'argent rachète
les. autres choses. Tu es un bon Dieu!
Il la regardait avec des yeux clignotants et
ravis, mettait un doigt sur sa bouche
Chut!
Mais les Mauger, surtout Vincent, parais-
saient glacés d'une subite contrainte. Ils ne té-
moignaient aucune joie, au contraire. Ils son-
geaient sans doute que Giselle, riche, leur
échappait; quelle pouvait être sa dot à présent?
1 Déjà, naguère, les Pail affirmaient souvent
contraire, l'indépendance que la Révolution h
française a value au contribuable en substi-
tuant à la recherché "inquisUoriale du r.eveira
effectif l'estimation des divers éléments du
revenu et de ce revenu lui-même d'après desr
signes extérieurs..
Prenons la séance d'hier. Ce soin des droits
du contribuable, ce respect des principes es-
sentiels du, régime fiscal français se sont ma-
nifestés à diverses reprises. La commission plé-
nière a, tout d'abord, suivi sa deuxième sous-
commission qui, écartant les articles admis par
3a Chambre, avait élaboré tout un ensemble de
textes nouveaux. Sur la propriété bâtie, nulle
difficulté, Tout le monde s'accorde à reconnaî-
tre que l'on n'a pas attendu pour rendre l'impôt
satisfaisant. Sur la propriété non bâtie, la com-
mission! s'est prononcée de façon à rassurer le
monde agricole si gravement menacé par le
projet de l'a Chambre.
Conformément aux conclusions de la deuxiè-
me sous-commission, la commission plénière a
prescrit le retour à l'évaluation parcellaire,
base du .régime foncier français, pour la re-
vision décennale de l'évaluation de la valeur
locative, et elle a admis l'utilisation de tous les
éléments d'appréciation en ce qui concerne
l'établissement du tarif. La sous-cammission
avait stipulé que, « dans le cas de bail authen-
tique, l'évaluation ne pourrait dépasser le taux
fixé'par le bal ». La commission n'est pas
allée jusque-là, et il est permis de le regretter;
elle s'est contentée de dire que le revenu impo-
sable serait égal aux quatre cinquièmes de la
valeur locative.
Pour les bois et forêts, la commission plé-
nière s'est trouvée en face de questions si dé-
licates et si complexes, qu'elle a pris le parti
d'en confier l'étude à une sous-commission spé-
ciale, composée de MM. Aimond, Barbier,
Poirrier et Touron.
Elle a décidé de maintenir le dégrèvement
que les lois actuelles ont établi au profit des
agriculteurs, par la suppression ou l'atténua-
tion de l'impôt foncier d'Etat sur les propriétés
non bâties. C'est le dégrèvement « des petites
cotes ». Il repose sur un signe extérieur du re-
venu, peut se combiner avec d'autres signes
semblables pour arriver à l'équité. Il est autre-
ment simple et s.ouple que le système inquisi-
torial voté par la Chambre.
L'impôt sur les bénéfices agricoles a été
repoussé, comme l'avait demandé la sous-com-
mission. La création de cette taxe était logique,
dès l'instant qu'on poursuivait la destruction
des garanties individuelles instituées par notre
régime fiscal. Voulant saisir la réalilérnême du
revenu, on était acculé à la nécessité d'en dé-
couvrir les moindres parties, afin que l'œil du
fisc s'étendît à tout. L'Etat .s'assignant alors
pour tâche de connaître exactement le revenu
global de chaque contribuable, aucune frac-
tion de ce revenu ne pouvait être laissée à l'abri
de l'inquisition fiscale. Les bénéfices agricoles
devaient, obligatoirement, se voir déterminés.
Au contraire, si l'on demeure fidèle au droit
français, et si l'Etat ne veut pas transformer
l'impôt en moyen de vexations odieuses, ou de
socialisation détournée, les bénéfices agricoles
doivent, au même titre que les salaires, rester
exempts de tout impôt direct spécial.
Parvenue à la cédule des bénéfices des pro-
fessions industrielles et commerciales, la epm-
missiyxti. a reconnu- combien serait rétrogrftcte
toute mesure tendant soit à la déclaration, soit
à la recherche de l'excédent des recettes sur les
dépenses, avec tout le cortège de curiosités in-
justifiables, de divulgations et d'arbitraire
qu'elle implique. Quant au texte définitif à sou-
mettre au Sénat, la commission a pensé qu'on
devrait encore y réfléchir. Elle s'est bornée, en
conséquence, à voter la résolution suivante
La commission, résolue à faire disparaître de
la cédule de l'impôt sur les revenus industriels et
commerciaux les dispositions relatives 1° à la
déclaration; 2° à la détermination du revenu par
la recherche de l'excédent des recettes sur les dé-
penses,
Décide de charger une sous-commission spé-
ciale de rechercher un système basé sur, des élé-
ments d'évalùation distincts, tels que la produc-
tivité, le chiffre des affaires ou les signes exté-
rieurs, suivant les diverses catégories de profes-
sions industrielles ou commerciales.
Cette sous-commission est composée de MM.
Aimond, Barbier, Peytral, Poirrier, Ribot et
Touron. Il n'y a nulle indiscrétion à indiquer
que la plupart des membres de la commission
se sont nettement montrés hostiles à la taxa-
tion d'office. Ge n'est pas une raison pour que
les commerçants et les industriels cessent de
se préoccuper de l'impôt sur le revenu. Lors
du rachat de l'Ouest, le Sénat lui-même avait
1 témoigné une assez médiocre sympathie pour
le projet du gouvernement. Le vote fut enlevé,
pourtant. Donc, le commerce et l'industrie au-
raient tort de croire gagnée leur cause. Ils doi-
vent plutôt redoubler de vigilance et d'énergie.
Mieux ils sauront défendre leurs intérêts et l'in-
térêt national, plus la commission sénatoriale et
le Sénat se sentiront forts pour combattre l'in-
quisition fiscale.
qu'ils établiraient leur enfant dans de belles
conditions; avec cet appoint de deux cent mille
francs, elle devenait un parti considérable.
Vincent fut attristé, plus qu'attristé, déses-
péré presque. Il se sentait un trop mince per-
sonnage pour une aussi opulente héritière,
perdait toute confiance, tout espoir même, et
voyait crouler, dans la seconde,,le rêve de toute
sa vie.
Mais ses parents au contraire apprenaient
des convoitises nouvelles. Ils se concertèrent,
furent vite d'accord. Ils avaient désiré Giselle
pour belle-fille, alors qu'elle semblait pauvre,
ou à peu près; car avec leur petite fortune, les
Pail ne pouvaient faire un bien gros sacrifice
pour leur enfant; ils n'avaient donc aucune rai-
son, eux, les Mauger, de renoncer à Giselle parce
que la folie des circonstances l'enrichissait su-
bitement.
Il fallait continuer à l'entourer, l'envelopper
d'affection, tout imaginer pour qu'elle s'éprît
de Vincent, si ce n'était déjà fait, et cueillir au
vol, d'un coup de filet, cette fortune qui passait
à portée de la main.
Voilà qui faciliterait rudement la carrière
de notre garçon! appréciait Victor.
Et qui nous donnerait la sécurité dans l'a-
venir ajoutait Julienne.̃̃
Mais Giselle songeait de son côté. Elle comp-
tait dix-sept ans, et,, femme précoce, en parais-
sait vingt. Jusque là, sa vie n'avait été qu'une
monotonie tendre, bornée comme son horizon;
de sa prime enfance, à part, dans les yeux,
une vague vision de futaies mouvantes, d'un
lac voilé, et dans l'oreille l'écho d'un outrage
vulgaire (Chien-Rouge!), il ne lui restait rien.
.Ainsi, toutes ses sensations avaient le même
décor ou presque quelques maisons des Ter-
nes, se trouvaient circonscrites dans deux jar-
dins contigus et dépassaient rarement la
Plaine-Monceau.
Or son instruction se trouvait, paraissait-il,
terminée. Elle avait même, à l'Hôtel de Ville,
obtenu un diplôme, suprême sanction. Qu'al-
lait-elle faire? Qu'allait-elle devenir? Elle se le
demandait souvent.
N'ayant pas de relations, en dehors de la fa-
mille Mauger, elle ne pouvait juger les siens
par la comparaison; cependant, parfois, un va-
gue soufile, venu de l'extérieur, lui passait sur
le front, la faisait tressaillir comme un appel
lointain. Elle eut l'intuition que la vie pouvait
LA PAPERASSERIE ADMINISTRATIVE
•a reforme qui serait sans doute là mieux ac-
cueillie du pays consisterait à simplifier les pape-
rasseries administratives, dont l'accumulation pour
lès moindres choses est toujours un objet de stu-
peur chaque fois qu'un contribuable entre en rap-
port avec nos bons fonctionnaires. Sous prétexte de
contrôler et de répartir les responsabilités, on est
anrivé, par l'abus des précautions, à supprimer tout
contrôle et toute responsabilité. M. Plissonnier, au
cours de l'examen des dépenses du ministère des
travaux publics, a cité un exemple flagrant de cette
folie administrative, où la décentralisation n'inter-
vient que pour compliquer la centralisation des af-
faires. Faisant état d'un rapport de M. Chardon,
M. Plissonnier raconte comment un propriétaire,
pour se conformer à l'alignement d'une route, dé-
chaîne toute une bureaucratie. L'opération simple
qu'il engage se traduit ainsi dans le temps et l'es-
pace
1° Demande sur papier timbré, au préfet ou au sous-
préfet, un jour
2° Transmission à l'ingénieur en chef, deux jours;
3° Transmission à l'ingénieur ordinaire, un jour;
4° Transmission au conducteur, un jour;
5» Visite des lieux. Tracé de l'alignement, rapport,
huit jours
6° Communication au maire (loi du 5 avril 1884), un
jour;
7° Avis du maire. Renvoi des propositions au con-
ducteur, huit jours;
8° Envoi des propositions à l'ingénieur ordinaire, un
jour;
9» Avis de l'ingénieur ordinaire (deux copies du rap-
port du conducteur doivent être jointes par lui au
dossier), trois jours
10° Avis de l'ingénieur en chef. Préparation dans son
bureau d'autant d'expéditions de l'arrêté à intervenir
qu'il y a d'intéressés (permissionnaire, domaine, pos-
tes-, et. télégraphes), trois jours;
;ir> Envoi au préfet, un jour;
12° Examen de tout ce dossier par les bureaux de la
préfecture, un jour;
13» Envoi au maire de l'expédition destinée au per-
missionnaire et notification à ce dernier, deux jours;
14° Six dimanches pendant l'instruction, six jours.
En tout quarante jours.
Mais ce n'est pas tout la rotation administra-
tive de l'affaire n'est pas achevée.
15° Une expédition de l'acte est adressée à l'ingé-
nieur en chef à titre de notification
16° Elle est communiquée à l'ingénieur ordinaire
17° Puis au conducteur;
18° Elle est retournée à l'ingénieur ordinaire
19° Puis à l'ingénieur en chef qui la classe.
Encore cet exemple n'est-il pas élargi puisque
M. Plissonnier, qui est orfèvre, ajoute que dans de
nombreux cas, toujours élémentaires, on peut
compter jusqu'à 51 formalités. « Si, dit-il, un
commerçant ou un industriel agissait comme agis-
sent nos administrations, ce serait la faillite à brève
échéance. » Voilà un oracle évident et menaçant,
bêlas car nous ne sommes pas même à la veille
devoir disparaître de pareilles erreurs, puisque,
pour corriger cet état de choses, une commission
interministérielle fonctionne depuis le 9 mai 1906
sans avoir jusqu'ici abouti à quoi que ce soit. Tou-
tefois rendons au Parlement ce qui appartient à
César cette commission, au moins en ce qui con-
cér'no: « la délivrance des alignements et des per-
missions de voirie » est arrivée à simplifier le for-
malisme, mais les Chambres doivent intervenir et
elles ne sont point encore saisies N'est-il pas plus
commode de créer de nouveaux abus plutôt que de
supprimer les anciens? C'est du moins l'idée que
là'p'iupartf défe députés se font d'une « réforme ».
̃̃ > «as»
ï LE CAS DE L'ABBÉ LEMIRE
On connaît le nouvel incident auquel vient
d'êtee mêlé l'abbé Lemire. Un journal, le Cri
dès Flandres, soutenait la politique du député
d'Hazebrouck. Un autre journal la combattait.
Mgr Delamaire, qui comme coadjuteur admi-
nistre au nom de Mgr Sonnois le diocèse
de Cambrai, a blâmé « sévèrement ces deux
feuilles » et défendu « formellement à qui-
conque veut se conduire en bon catholique, de
les lire habituellement, et surtout de s'y abon-
ner ».
Il ne s'agit pas seulement, comme on pour-
rait le croire, d'une querelle de famille à la-
quelle le pasteur met fin paternellement en
admonestant deux frères ennemis. Il suffit de
lire la lettre-circulaire de Mgr Delamaire pour
s'apercevoir qu'elle est plus particulièrement
dirigée contre l'abbé Lemire et contre les direc-
tions qu'il représente. Le prélat ne se contente
pas en effet de qualifier d'« insoumise » la
« coterie » qu'il suppose « abritée dans le
Cri des Flandres », il ne se borne pas seule-
ment et ceci est cependant plein de saveur
à relever comme coupable « une bienveil-
lance extrême pour certaines écoles laïques
justement suspectes ». Ce qu'il lui reproche
surtout, c'est de n'avoir « cessé de défendre
les intérêts du député d'Hazebrouck, c'est-à-
dire d'un prêtre dont les fautes lourdes dans
let^vie, publique ont, à plusieurs reprises, si
grandement attristé son archevêque et les ca-
tholiques de France ».
Voilà le grand mot lâché! C'est la vie pu-
être autre, certainement plus large, plus active,
plus utile et plus belle que celle étroitement
comprise par de petits bourgeois.
La carrière musicale la tentait; surtout, mais
elle n'osait l'avouer, la carrière théâtrale, les
planches, la lumière, les éclatants costumes,
comme en portaient les actrices célèbres dont
elle voyait les portraits sur la couverture de ses
partitions. Celles-là devaient vivre.
D'où lui venaient ces idées qui Pétonnaient
elle-même? D'où lui venait sa voix, de plus en
plus large, de plus en plus chaude, dramatique
et passionnée ? Des mêmes obscures origines
les Pail le savaient à présent. De cette malheu-
reuse qui avait été sa mère, mère sans amour
de cette chanteuse anonyme, peut-être illustre,
coupable en France, morte en Russie, sans plus
d'histoires.
Mais Gisel'le ne pouvait pénétrer l'énigme de
son hérédité, et sa vocation bien qu'impé-
rieuse lui apparaissait comme une anomalie.
A certaines heures, elle en doutait, fermait son
piano, en disant « A quoi bon? »
'fr-'Elle comprenait bien que rien ne s'apprend
sans leçon, qu'elle chantait au hasard en de-
hors de la méthode; elle désirait un maître,
puis reprise par son éducation étouffée, timo-
rée, d'enfant des Ternes, reculait à cette per-
spective; elle jugeait énorme qu'une jeune fille
ïjfit apprendre son art sous la direction d'un té-
nor ou d'un baryton.
A cela succédaient des périodes d'audace, de
révolte même. Mais ces sentiments divers évo-
luaient dans sa cervelle, n'en sortaient pas sa
liature renfermée se plaisait à la dissimulation;
elle avait toujours vécu repliée sur elle-même,
-Ims expansion elle continuait.
Elle reconnaissait très bien son manque de
franchise vis-à-vis de son père et de sa mère,
se le reprochait parfois, mais n'y pouvait rien
c'était sa nature. Elle s'interrogeait souvent
aussi, également d'une façon vaine, à propos de
Vincent. Elle n'était pas fille à ne pas compren-
dre.
Du premier jour, elle avait lu dans les yeux
du jeune homme l'aveu de son amour nais-
sant ensuite elle avait démêlé sans peine les
manœuvres de siège, d'approche et d'environ-
nement dont elle était à la fois et le centre et
l'objet de la part de monsieur et surtout de
Mme Mauger.
Alors son esprit avait consulté son cœur
« Aimait-elle Vincent? Oui, comme un
blique de M. Lémire qui est en cause; c'est son
rôle de députét c'est l'obstination avec laquelle
l'élu d'Hazebrouck entend concilier sa dignité
de prêtre, ses convictions de catholique et ses
opinions de républicain. Parce qu'il ne rêve
pas plaies et bosses, parce qu'il fut un partisan
de l'application de la loi de séparation
comme la majorité des évêques de 1906,
parce qu'il ne généralise pas contre l'école
laïque les accusations dont quelques institu-
teurs ont été l'objet, parce qu'il a des rapports
de courtoisie' et de déférence avec ceux qui
sont à la tête de son pays, comme en gardait
la majorité de l'épiscopat lorsque le gouverne-
ment participait à la désignation des évêques,
des archevêques et même des cardinaux,
M. Lemire ne se croit pas moins bon prêtre et
moins bon catholique. Et comment le croi-
rait-il ? Lorsqu'il fut élu pour la première fois
en 1903, contre un monarohiste, il était tel qu'il
est aujourd'hui. H n'a changé ni d'opinion
ni d'allure. Il est resté le même. Il était plein
de bonne volonté, un peu candide, loyal, ga-
gnant par sa sincérité des sympathies dont
l'Eglise avait le bénéfice moral. Il en fut vive-
ment loué. On vanta ses services. Léon XIII
était pape alors. Maintenant M. Lemire, qui
n'a pas substitué à la politique de la main ten-
due celle du poing fermé, n'est plus qu'un
prêtres dont les « fautes lourdes attristent
son archevêque et les catholiques de France. »
Et la lettre-circulaire où le coadjuteur de Cam-
brai prend ainsi parti contre la politique d'un
prêtre-député, qui n'est ni interdit ni excom-
munié, est lue en chaire par MM. les curés.
Nous osons penser que la chaire des églises
est faite pour d'autres sermons.
Quant à la campagne même menée contre
M,,Lemire, nous en suivons les incidents avec
curiosité. Elle date deloin. Les papiers Monta-
gnini ont révélé qu'en 1906 déjà on voulait se
débarrasser par la persuasion du député en-
combrant. En 1910 on essaya d'une manière
plus forte, on lui opposa un candidat jugé
plus orthodoxe. Ce fut sans succès. Mais depuis
on n'a négligé aucune occasion pour lui assé-
ner de bons coups de crosse. Le dernier est
déjà le troisième ou quatrième. On pense bien
ainsi avoir raison du têtu. Et cette lutte a quel-
que chose de dramatique d'un côté l'arche-
vêque, avec toutes les armes qu'il tient de la
hiérarchie, pesant de tout son prestige sur la
conscience des électeurs catholiques et de toute
son influence sur l'autorité souveraine; de l'au-
tre l'abbé, qui sans dire une seule parole ir-
respectueuse s'arc-boute à bon droit. Il termi-
nait l'autre jour les déclarations qu'il faisait
à un de nos collaborateurs en disant « Si
je tiens ferme, c'est que j'ai le sentiment de
défendre un principe. Le jour où je ne pourrai
plus être prêtre et député, c'est qu'il serait
alors entendu qu'on ne peut plus être à la
fois catholique et républicain. »
Il a ainsi admirablement posé la question.
Mais c'est précisément parce qu'il défend ce
« principe » que l'avenir est pour lui plein de
menaces. Catholique et républicain! Politique
de Léon XIII! Autant de mots qui sonnent mal
à l'oreille des conseillers de Pie X. Et ceux-ci
pourraient bien lui faire voir que seuls des
hérétiques sont capables de rester fidèles aux
directions d'un pape mort. A la place de M.
Lemire, nous ne serions pas très rassurés sur
le dénouement de l'aventure. •̃̃•̃•;
__i «®9–
AU PAYS DES LOLOS
Le commandant d'Ollone, les capitaines de Fleu-
relle et Lepage, le lieutenant de Boyve ont visité
tout récemment ce mystérieux pays des Lolos, d'où
nous est venue l'affreuse nouvelle du massacre de
la mission Legendre.
Le consul de France à Yunnan-Sen, M. Arnould,
et son vice-consul, M. Soulié, sachant les dangers
qu'ils allaient courir, essayérent en vain, sinon
d'empêcher, du moins de retarder affectueuse-
ment leur départ. Ils s'en allèrent au-devant
des risques et périls qui attiraient leur nostal-
gie, ils s'en allèrent tout joyeux, par la routa
poudreuse qui longe les murailles crénelées de
Yunnan-Sen. Ils avaient, pour toute escorte, deux
Annamites, un interprète indigène et une dizaine
de Chinois en casaque brodée que le vice-roi de la
contrée leur avait envoyés comme compagnons
officiels ces Chinois étaient censés représenter,
par les broderies de leurs casaques, le prestige du
Céleste Empire aux yeux des populations. Restait
à savoir si les symboles figurés ainsi sur la soie
de ces casaques administratives suffiraient à ins-
pirer aux Lolos insoumis le respect des Fils du
Ciel. Mais le jeune chef de la caravane et ses har-
dis camarades songeaient à autre chose. Qui-
conque a voyagé en terre barbare connaît la joie
de 'ces partances' matinales vers dés régions in-
connues par des chemins inexplorés.
La mission d'Ollone aborda le pays des Lolos
par un sentier de montagne que Mgr de Guébriant,
évoque de Ning- Yen-Fou, avait enseigné à ces
pélerins passionnés de nouveautés topographiques
et pittoresques. Ils traversèrent d'abord un pays
frère, non comme un mari. » Elle s'en attris-
tait. C'eût été si commode et si simple; les deux
maisons n'en auraient plus fait qu'une et tout
aurait continué comme par le. passé, avec seu-
lement un peu plus de bonheur.
Et l'esprit plaidait la cause de Vincent
« Mais l'amour appelle l'amour! Peut-être un
jour serait-elle gagnée à la contagion de cette
tendresse ardente? »
Le coeur doutait.
Pourquoi cependant? Vincent était un beau
garçon, aux traits réguliers, aux yeux très
doux, et sa jeune moustache abritait des lèvres
rouges sur des dents saines. Il était grand, so-
lide une femme pouvait s'appuyer à son bras.
Elle le savait bien. Souvent dans leurs pro-
menades du dimanche ils s'en allaient ainsi,
bras dessus, bras dessous, devant leurs pa-
rents charmés, qui, ambulant par derrière, les
suivaient de regards attendris.
Oui, certes, elle savait tout cela, reconnais-
sait tout cela, et eût été bien heureuse d'avoir
un frère comme Vincent.
Si le pauvre garçon eût connu la couleur de
ces appréciations, il en eût été certes réduit
au désespoir; mais là comme ailleurs, Giselle
pratiquait son art de réserve et de dissimula-
tion. Impénétrable elle demeurait. Selon qu'elle
subissait l'influence de son esprit t ou de son
cœur, elle arrêtait sur le jeune homme ou des
.regards tristes ou des regards doux.
Et celui-'ci, sans expérience, ne savait pas,'
dans sa candeur, lesquels il préférait.
Quand Giselle se sut riche, il faut le dire
à son honneur, ses sentiments ne varièrent pas.
D'ailleurs les chiffres restaient pour elle des
symboles sans valeur, sans signification. Elle
savait qu'on pouvait vivre médiocrement à Pa-
ris avec 15,000 francs par an, puisque c'était
à peu près le revenu des Pail. Mais c'était son
unique point de comparaison.
Ses 200,000 francs ne lui tournèrent pas la
tête. Elle ne se crut pas pour cela destinée
aux grandes amibtions, ne pensa même pas à
s'acheter une paire de gants neufs.
D'ailleurs, Pail s'empressait de placer cet
argent en bonnes rentes françaises, et les Mau-
ger l'encourageaient dans cet emploi judicieux
de sa nouvelle fortune.
Cependant, ce gros lot gagné par Giselle à
la loterie de l'existence avait eu pour résultat
de rendre Vincent encore plus timide vis-à-vis
d'elle. La question d'argent le blessait par
délicieux. Vallées doucement ondulées, où les jeu-
nes pousses des rizières entretiennent, au prin-
temps, la fraîcheur d'une verdure exquise. Partout
des eaux vives, claires, jaillissantes. Sur les pentes
des montagnes, une merveilleuse végétation de
bouleaux, de frênes, de hêtres, de sapins, fait
songer à nos Vosges françaises. Çà et là, te tic-tac
d'un moulin, actionné par un torrent, achève cette
illusion infiniment agréable. L'air est pur, le ciel
est léger, la lumière a quelque chose'de jeune, do
gai, de tendre. On pense au col de la Schlucht,
à la montée de l'Ormont ou du Kemberg sur
un tapis de mousse, parmi les hautes fougères
épanouies en éventails et en ombrelles. On est
tout surpris lorsqu'un laboureur des coteaux
se retourne pour contempler la caravane, d'aper-
cevoir une face jaune et ratatinée, des petits
yeux bridés, sous un chapeau chinois. La cou-
leur bleue des blouses, que portent les rustiques
riverains du Pou-Tou-Ho entraîne l'esprit, mal-
gré la hantise de tous ces noms exotiques, vers
des visions de chez nous.
L'exploration de ce pays, dont l'accueil est
d'une perfidie si avenante, a déjà coûté la vie, en
1905, au lieutenant Grillières. Ce n'était que le
commencement, hélas! d'un martyrologe qui se
continue aujourd'hui par la mort du médecin-
major Legendre et du lieutenant Dessirier.
Plus heureux et non moins vaillant que ses
devanciers et que ses successeurs, le commandant
d'Ollone a pu, au terme d'une exploration péril-
leuse, sortir sain et sauf du pays des Lolos.
Ces Lolos vivent à l'état de communautés féo-
dales et indépendantes sur les confins de la Chine,
dans les hautes vallées du fleuve Bleu. Les
Chinois ont tellement peur des Lolos que l'inter-
prète indigène du commandant d'Ollone refusa
de suivre la mission chez les dangereux bur-
graves des « Grandes Montagnes Froides ».
Les Lolos nobles vivent de guerre, de chasse,
de labour et de redevances, sinon de rapines, à
peu près comme vivaient certains seigneurs du
moyen âge, que l'autorité rayai© eut beaucoup de
peine à réduire en vasselage. Ils ont des serfs at-
tachés à la glèbe, et des écuyers qui les suivent au
combat. Tel hobereau du pays des Lolos offre
exactement aux observateurs de ces étranges sur-
vivances sociales la mentalité d'un sire de Mont-
fort ou d'un châtelain de Coucy.
Quant aux Lolos de condition roturière ou
paysanne, le commandant d'OLlone nous dit que
« leur mine est assez patibulaire » et qu'« ils ont
tout l'air de bandits en quête d'un mauvais coup ».
L'intrépide explorateur, dans le beau livre où il
a retracé le tableau des Derniers barbares, note
ce point, où nous trouvons peut-être l'explica-
tion de la récente catastrophe « Sans aucun
doute, qui voudrait pénétrer chez ces brigands
sans la protection d'un chef puissant, serait sûr
de n'aller pas loin. »
Le régime féodal développe des vertus comba-
tives, qui le cas échéant, aboutissent malheureu-
sement aux excès de ces instincts de meurtre et
de pillage que l'on trouve toujours en dernière
̃analyse, au fond de la nature humaine. Chez
nous la chrétienté d'Occident a pu corriger la ru-
desse de la féodalité par la bienfaisante institu-
tion de la chevalerie. Là-bas, il ne semble pas
que la domination fatale de la force, armée de
pied en cap, soit jamais adoucie, maîtrisée par
ces maximes qui prescrivaient aux chercheurs de
prouesses chevaleresques le respect du droit fai-
ble et désarmé. Le cavalier lolo, avec sa lance dé-
mesurée, son trident, son arc, son carquois, son
sabre, ne voit" pas de 'Jimite au pouvoir absoJu
qu'il exerce, par monts et par vaux, sur son fief
terrorisé. Il pourrait soutenir un siège dans son
donjon hargneux. Malheur au manant qui s'aven-
ture en son domaine lorsqu'il est de mauvaise hu-
meur La vie d'un homme n'a pas plus de valeur
à ses yeux que l'existence des bêtes sauvages
qu'il force à la oourse ou qu'il perce de ses flè-
ches. S'il se décide à être hospitalier, c'est pour
des raisons d'orgueil. Il aime à montrer à ses
hôtes européens qu'il est le maître parce qu'il est
le plus fort. Sa politesse hautaine et guerrière ne
manque point d'allure ni d'élégance. Il veut faire
voir combien il méprise les manières doucereu-
ses et compassées des mandarins. Lui, c'est un
homme de plein air, de lutte hardie, de guerre à
outrance, d'implacable vendetta. Heureux d'être
fort, il est sensible au spectacle de la force. Le
lieutenant de Boyve se fit des partisans parmi les
Lolos par son adresse à dompter les chevaux par
les règles de dressage en vigueur aux manèges de
Saumur. La population des villages fortifiés sor-
tait dans la plaine pour assister aux exploits
équestres de la mission d'Ollone. Et ensuite, afin
de ne pas paraître inférieurs à leurs hôtes, les Lo-
los montaient à cheval et s'élançaient au galop de
charge. Le commandant d'Ollone a décrit une
de ces scènes guerrières
« Vraiment, c'était impressionnant ils ont
gravi cette montagne à une telle allure que nos
chevaux pouvaient à peine les suivre; leurs cris
perçants, qui glacent de terreur les Chinois, le cli-
quetis de leurs armes qu'ils frappent l'une contre
l'autre, les moulinets qu'ils exécutent en courant
comme;s'ils perçaient d'imaginaires ennemis, toute
cette mise en scène décèle une impétuosité et une
ardeur farouches, servies par des muscles d'acier,
et qui répondent bien à leur terrible renommée. »
avance; il rêvait au moins l'égalité entre les
deux époux.
Alors il bâtissait des plans d'aventures su-
perbes, de réussite extravagante. Mais au terre-
à-terre, il se contentait de passer ses examens
de bachelier, de s'inscrire à l'Ecole des beaux-
arts puis ce fut le régiment, une année sous
les armes.
Il résidait en garnison à Rouen, ce qui lui
permit de venir très souvent à Paris, sous l'u-
niforme de soldat de deuxième classe, il n'é-
tait pas héroïque. Giselle le pensait et le laissa
voir. Et lui s'en attristait.
Il partit en novembre; de cet absent, M. et
Mme Mauger r s'entretenaient à toute heure.
Lointain, il leur semblait plus cher encore; ils
édifiaient, à leur gré, son avenir, le voulaient
heureux. D'ailleurs tout l'annonçait ainsi.
Un soir, au coin du feu, ils en causaient, dans
de silence d'une nuit d'hiver, aux Termes.
Vois-tu, disait M. Mauger à sa femme, il
est nécessaire que le petit roman de Vincent
et de Giselle finisse par un bon mariage; car
hors de là, notre fils, j'en ai peur, ne réussirait
pas dans la vie.
Et pourquoi donc, je te prie? ripostait Ju-
lienne à la; fois froissée et alarmée.
Oh! ce n'est pas de sa faute, déclarait
Victor; c'est plutôt de la nôtre. Il est vrai que
nous ne savions pas et. que nous ne pouvions
pas! ajoutait-il tristement.
Mais enfin, explique-toi.
Oh! c'est bien simple; il ne faut qu'ob-
server un peu. Julienne, personne n'a plus
aimé son enfant que toi et moi; mais d'autres
l'auraient aimé mieux, même en faisant la part
des impossibilités. Nous avons élevé cet enfant
étroitement, entre nous, sans air, sans liberté,
sans laisser la moindre place à son initiative.
Hors nous, il n'a rien vu, que son professeur
dans sa classe et dix bambins, comme lui, à
la sortie du lycée. Eh bien, les enfants grandis
dans de telles atmosphères font des hommes ti-
morés, doutant d'eux-mêmes, toujours anxieux;
et ce n'est point à ceux-là que sont réservés les
triomphes et les joies. Il faut, au plus jeune
âge, de la liberté, de l'aisance et de l'air, la
fréquentation constante des égaux, voire des
supérieurs, des voyages, des changements de
vision.
Maurice MONTÉGUT.
(A suivre).
VENDREDI 24 NOVEMBRE 1911
CINQUANTE ET UNIEME ANNEE– N° 18407
PRIX DE L'ABONNEMENT
F1BK, SUNE et SEINE-ET-OISE.. Trois mois, 14 fr. six mois, S S fr.; nu an. 53 tt.
BtPAEI" etAlSACE-UBBADlE.. 17 & S4tr.; 6SIÏ.
DHIOH POSTALE. lSft.; SS fr.; 7ai(.
LES ABONNEMENTS DATENT DES 1" ET 16 DE CHAQUE MOIS
Un numéro (départements) »O centimes
PRIX DE L'ABONNEMENT
ftUUS, SEINE et seme-et-OISE.. Trois mois, 14 fr.; Six mois, SS fr.; Un an, SS fr.
8EPAST" et AISACE-LOREAME.. IV fr. 34 fr.; SS fr.
BBOHPOSIAIE. lQ.fr.; SS fr.; 73».
USS ABONNEMENTS DATENT DES 1" ET 16 DE CUAQDE MOIS
Un numéro (à ï»aris) 1S5 centime»
Directeur politique Adrien Hébrard
ANNONCES: MM. LAGRANGE, CERF ET G1', 8, place de la Bourse
le Journal et les Régisseurs déclinent toute responsabilité quant à leur teneur
Toutes les lettres destinées à la Rédaction doivent être adressées au Directs»
Le Journal ne pouvant répondre des manuscrits communiqué.
prie les auteurs d'en garder copie
TELEPHONE, S LIGUES
N« 103.07 103.08 103.09 103.33 103.33
ADRESSE TÉLÉGRAPHIQUE TFEMPS PABlB'
SOMMAIRE
L£re en _.& %)_&&& ̃̃
ÎSS* AFFAmES EU*'MÀrOC. LA GUERRE ITALO-TDR-
QVE.: DANS LE CAMP OTTOMAN, DE NOTRE ENVOYÉ
spécial de Zorg. Etranger CHINE, LA POLI-
TIQUE DE YOUAN Chi Kaï dépêche DE NOTRE EN-
VOYÉ SPÉCIAL Jean Rodes. LA VIE A PARIS,
Jules Clara tie.
Page 3
LES BAGARRES TUNISIENNES L'ENQUÊTE (AVEC UN
PLAN DE Tunis). Chambre LE PORT DE BOR-
DEAUX LE BUDGET DE L' AGRICULTURE.– AFFAIRES
MUNICIPALES LA SUPPRESSION DES FORTIFICA-
TIONS. NOUVELLES DU JOUR LE BANQUET DES
MANDATAIRES AUX HALLES. LE COMMERCE FRAN-
ÇAIS A L'ÉTRANGER.
Fa-Sr© •«a
LES BIENFAITS DE LA TEINTURE D'IODE. COURSE DE
lévriers. FAITS-DIVERS. TRIBUNAUX.
Théâtres. QUELQUES expositions, Thiébault-
Sisson.
Page 5
Sport. Commerce. Èourse.
Page s
LA CATASTROPHE DE MONTREUIL-BELLAY UN TRAIN
sans une rivière. le DUEL daudet-chervet.
MUTINERIE A LA PRISON MILITAIRE DU Mans.
Dépèches DE LA CHAMBRE; SÉANCE, LF BUDGET DE
L'AGRICULTURE; LES AGENTS PROVOCATEURS.
BULLETIN DE L'ÉTRANGER
LA SITUATION EN PERSE
Comme nos télégrammes l'avaient fait pré-
voir, il se confirmé' que la Perse a résolu de
donner satisfaction aux demandes de l'ultima-
tum russe. Le nouveau cabinet qui vient de se
constituer présentera au ministre de Russie à
Téhéran les excuses exigées pour l'incident
provoqué par l'attitude brutale des gendarmes
persans aux ordres de M. Morgan Shuster, à
l'égard d'agents du consulat de Russie, lors de
la saisie des biens du frère de l'ex-chah, sur
lesquels des sujets russes avaient des droits
hypothécaires.
La Russie ayant déclaré qu'elle ne cherchait
nullement à porter atteinte à l'intégrité de la
Perse et que la marche annoncée de ses trou-
pes-sur Kazvine n'avait d'autre but que d'obte-
nir satisfaction, il est probable que l'expédition
déjà en route recevra l'ordre de s'arrêter, et
sera ramenée aux proportions restreintes et
épisodiques des interventions partielles aux-
quelles le gouvernement de Saint-Pétersbourg
a dû si fréquemment recourir pour sauvegar-
der ses intérêts dans les régions persanes limi-
trophes du Caucase. La Perse paraît avoir
échappé une fois de plus au danger qui mena-
çait son pénible développemepioonstitutionnel,
car la marche du corps expéditionnaire russe
vers Téhéran aurait 'pu faire' reprendre cou-
rage au souverain déchu Mohamed Ali et à ses
partisans et .devenir le prélude d'une nouvelle
campagne pareille à celle que le gouvernement
actuel vient de soutenir victorieusement pen-
dant quatre mois.
C'est en effet le 18 juillet dernier, on s'en sou-
vient, qu'après avoir traversé incognito tout le
5Vi*li6'UiiLiGa=t; e,t; tp.uto.-la OaspicanO, i&lollUiqdd
débarquait à Gdûmou'lh-Tépé. Le 22, il faisait-
son entrée solennelle dans Astrabad. Cette ville
historique, berceau de la dynastie Kadjar, deve-
nait aussitôt le centre des rassemblements mi-
litaires à la tête desquels il allait se placer.
Réchid es saltanch, maître de Sebzevar et de
Chakrond, lui amenait ses cavaliers turcmènes.
On trouvait à l'arsenal d'Astrabad huit canons
du modèle autrichien, qu'on partageait entre
l'avant-garde trois mille hommes comman-
dés par le sirdarAssad et le gros de l'armée
cinq mille hommes sous les ordres d'Ismaïl
khan et d'Emir-Mokarrem. Ces forces pou-
vaient passer pour imposantes, étant donné
la faiblesse générale de l'organisation militaire
persane. Au surplus, elles n'étaient pas les
seules mises au service de la contre révolution.
Les Shah-Sevans, les «fidèles du chah», re-
commençaient dans la région de Tabriz leur
agitation pillarde, bien connue des caravanes
russes. Ils mettaient le siège devant Serab.
Le prince Salar ed daouleh, frère du chah, re-
paraissait dans la région d'Ourmia et recrutait
des Kurdes, à la tête desquels il travaillait à
soulever tout le Kurdistan persan les premiers
gages dont il s'emparait, ses premières étapes
franchies vers Téhéran, étaient les villes de
Semnah et de Kermanchah.
L'effet de cette triple menace ne tardait pas à
se faire sentir dans la capitale. Le sipahdar,
démissionnaire quelques jours auparavant, re-
constituait hâtivement son ministère et faisait
sa paix avec le Medjliss. Contre Mohamed,
maître des Turcmènes, des Shah-Sevans et des
Kurdes, le seul espoir du gouvernement était
̃flans les bakhtiaris. On confiait donc le porte-
feuille de la guerre à Samsam es saltaneh, doyen
des khans bakhtiaris, après le sirdar Assad; le
F'EUIIL.IL.ETOÎV OU StttipS
DU 24 NOVEMBRE 1911 <*«>
Petites Gens
et
©rands Cœurs
II Suite
Ce samedi, c'était le jour de la vente. Les
journaux l'annoncèrent; la salle était pleine.
Dans le fond, derrière le bureau du commis-
saire-priseur et des experts, les Pail et les Mau-
ger assistaient à l'éparpillement de ces objets
familiers, de ces témoins, disait Angèle, qui,
après les avoir maudits des années, les regret-
tait à présent.. j.]
D'abord ce fut mou; le public restait froid.
Les marbres, les bronzes, les verreries, cérami-
ques et orfèvreries se vendaient sans suren-
chères, à des prix dérisoires.
Brusquement, la salle s'échauffa. On présen-
tait une statuette en bronze. d'Alexandre le
Grand, d'une facture serrée et nerveuse, une
pièce rare, vraiment belle.
« On demande sis mille! »
Douze
Quinze
Vingt
Trente
Il y eut une pause; on soufflait; on se regar-
dait. Les Pail et les Mauger étaient devenus pâ-
les.
Trente! répéta le commissaire. Est-ce
dit?. Personne ne met au-dessus? Trente.
Trente-cinq, fit une voix dans le fond de
la salle.
Tous les yeux cherchèrent le personnage.
C'était le juif Roosheim, de Francfort; son avis
faisait loi.
Quarante!
Quarante-cinq!
Cinquante!
Cinq!
Reproduction: interdite.
sirdar lui-même était rappelé de l'étranger. On
proclamait l'état de siège la tête du chah re-
belle, était mise à prix; défense était faite de
prononcer sou nom dansles*ues -de Téhéran
et pour produire sur ses partisans un effet de
terreur, on prenait soin d'arrêter et de pendre
un de ses anciens favoris, Medjid ed daouleh.
Cependant l'avant-garde du sirdar Assard
était entrée dans Damgan, puis dans Semnan,
faiblement défendues par leurs garnisons. Le
13 août, elle arrivait à Firouzkoh, à trois marches
seulement de la capitale. Elle éprouvait alors
un revers grave, qui'la rejetait dans la direc-
tion du nord. Attaquée de nouveau le 5 sep-
tembre, près d'Emam-Zadé-Djaffar, elle mon-
trait si peu de consistance au feu qu'un batail-
lon de 400 bakhtiaris suffisait à la mettre en dé-
route et qu'elle fuyait en désordre vers Astra-
bad, en laissant derrière elle 100 morts et 300
prisonniers.
A ce moment les affaires du chah paraissaient
pouvoir encore être rétablies par les Kurdes de
Salar ed daouleh. Après avoir occupé Kerman-
chah, où il avait saisi la caisse des douanes, le
frère du chah était entré le 15 août dans Ha-
madan, mais sa marche trës lente au delà de
cette ville permettait aux troupes constitution-
nelles commandées par Efrem et le sirdar Bo-
gadour de se retourner contre lui. Le 26 sep-
tembre, à Savé, ses 4.000 Kurdes ne soute-
naient que pendant deux heures le choc de
1,200 baktiaris. Ils perdaient, dans cette ren-
contre désastreuse, 500 hommes tués ou bles-
sés et 100 prisonniers, contre 10 baktharis seu-
lement mis hors de combat.
Cette défaite décidait de la rentrée des trou-
pes constitutionnelles dans Hamadan. Elle se
trouvait confirmée, le 17 novembre, par une
nouvelle reacontre^dont l'issue- était encore fa-
tale à Salar ed daouleh et qui paraît devoir met-
tre fin à l'agitation politique menée par lui en
Kouristan.
On voit que les deux efforts militaires prin-
cipaux faits en faveur du chah Mohamed ont
éprouvé le même insuccès et, qu'abstraction
faite des désordres partiels dus à l'activité des
chah-Sevans dans la région de Tabriz, le sou-
verain déchu reste aujourd'hui sans défen-
seurs. Le gouvernement du sipahdar, maître
incontesté de Téhéran, de Kazvin, de Kom, de
Recht, de toute la Perse centrale, travaille à
élargir la zone définitivement gagnée à l'or-
dre et à la vie constitutionnelle Il s'ap-
puie sur des troupes bien éloignées encore
d'avoir reçu une organisation complète, mais
qui ont fait voir pourtant dans les derniè-
res rencontres une solidité nouvelle et
des qualités qu'on ne leur supposait pas. Ces
premiers résultats, encore incertains, sont
hautement appréciés par l'opinion. Ils encoura-
gent le patriotisme persan ils confirment des
espérances dont il est sage de tenir compte.
On peut espérer que la soumission à laquelle le
gouvernement de Téhéran vient de se résoudre
péniblement mais prudemment, mettra bien-
tôt fin à l'ère de contre-révolution qui me-
nàce non seulement la Constitution mais l'inté-
grité et l'existence même de la Perse.
«8*
DÉPÊCHES TELEGRAPHIQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU ®E1H})0
̃̃̃• ̃̃̃"̃' .̃*•>̃ Mtfs cou, 23 ho vëmbre.
Le maire de Moscou, M. Goutchkof, est parti pour
Paris, dans le but de rendre visite à la municipalité
parisienne.
r Livadia, 23 novembre.
Le tsar a reçu l'ambassadeur extraordinaire de
Turquie en audience de congé.
L'INQUISITION FISCALE
DEVANT LA COMMISSION DU SÉNAT
La commission sénatoriale de l'impôt sur le
revenu a promis, on le sait, de hâter autant
que possible ses travaux. Elle tient parole. En
deux séances, le 15 novembre et hier, elle a
déjà poussé assez loin l'examen des conclusions
auxquelles avaient abouti ses deux sous-com-
missions. Comme celles-ci, avant d'arrêter
leurs résolutions, s'étaient livrées à une étude
approfondie de nos contributions directes et des
réformes qui peuvent y être apportées, la com-
mission plénière a sa tâche heureusement fa-
cilitée.
Il serait tout à fait prématuré et il serait
d'une imprudence souveraine de s'abandonner
à un sentiment de confiance, sous prétexte que
les premiers votes émis par la commission plé-
nière sont la condamnation du projet voté par
la Chambre. Mais il n'est pas niable que la
commission semble incliner beaucoup plus à
améliorer qu'à bouleverser nos contributions di-
rectes. Bien loin de s'appliquer à faire de cha-
cune d'elles un impôt personnel, comme, l'a
voulu la Chambre, qui s'est inspirée des idées
fiscales de l'ancien régime, la commission sé-
natoriale paraît soucieuse de maintenir, au
Soixante!
Cinq! 1
Soixante-dix!
Quinze!
Quatre-vingt!
Cent!
C'était encore le juif qui parlait le dernier.
Dans leur coin, Pail serrait la main de Gi-
selle à la briser.
Adjugé à cent mille!
Dès lors la fièvre montait. Dans les tableaux
un Jugement de Paris, par Nattier, fit 19,000 fr.;
un portrait de Reynolds, 10,000; un Van Cuyp,
Vaches au pâturage, atteignit 36,000; une aqua-
relle de Huet, 3,000; une gouache de L.-G. Mo-
reau, 3,000.
Pail écoutait, ivre; à un moment, il disait,
tout bas à Mauger
Vous savez le Van Cuyp. je l'ai acheté
à Vincennes, chez un marchand d'habits, soi-
xante francs.
Oh! oh! fit Mauger extasié; et les autres?
Pour rien! Le prix du cadre!
Et Mauger répétait
Oh! oh!
De vieux livres furent offerts Ovide, les
Métamorphoses (1767-1771), vol. in-4% figures
de Boucher, Eisen avant la lettre, produisirent
7,800 francs. Rabelais (Amsterdam 1741), 3 vol.
in-4°, gravures de Bernard Picart, reliure de
Derôme, 13,100 francs.
Le reste se vendit mal; mais au dernier coup
de marteau, lé total de la vente dépassait deux
cent mille francs.
C'est ta dot! dit Pail à Giselle.
Elle pâlit, cligna des yeux.
Mon père!
Oui, ton père; eh bien, après?
Angèle comprenait enfin; elle s'approcha
de son mari
Honoré, lui glissait-elle dans l'oreille.
j'ai compris tu veux que l'argent rachète
les. autres choses. Tu es un bon Dieu!
Il la regardait avec des yeux clignotants et
ravis, mettait un doigt sur sa bouche
Chut!
Mais les Mauger, surtout Vincent, parais-
saient glacés d'une subite contrainte. Ils ne té-
moignaient aucune joie, au contraire. Ils son-
geaient sans doute que Giselle, riche, leur
échappait; quelle pouvait être sa dot à présent?
1 Déjà, naguère, les Pail affirmaient souvent
contraire, l'indépendance que la Révolution h
française a value au contribuable en substi-
tuant à la recherché "inquisUoriale du r.eveira
effectif l'estimation des divers éléments du
revenu et de ce revenu lui-même d'après desr
signes extérieurs..
Prenons la séance d'hier. Ce soin des droits
du contribuable, ce respect des principes es-
sentiels du, régime fiscal français se sont ma-
nifestés à diverses reprises. La commission plé-
nière a, tout d'abord, suivi sa deuxième sous-
commission qui, écartant les articles admis par
3a Chambre, avait élaboré tout un ensemble de
textes nouveaux. Sur la propriété bâtie, nulle
difficulté, Tout le monde s'accorde à reconnaî-
tre que l'on n'a pas attendu pour rendre l'impôt
satisfaisant. Sur la propriété non bâtie, la com-
mission! s'est prononcée de façon à rassurer le
monde agricole si gravement menacé par le
projet de l'a Chambre.
Conformément aux conclusions de la deuxiè-
me sous-commission, la commission plénière a
prescrit le retour à l'évaluation parcellaire,
base du .régime foncier français, pour la re-
vision décennale de l'évaluation de la valeur
locative, et elle a admis l'utilisation de tous les
éléments d'appréciation en ce qui concerne
l'établissement du tarif. La sous-cammission
avait stipulé que, « dans le cas de bail authen-
tique, l'évaluation ne pourrait dépasser le taux
fixé'par le bal ». La commission n'est pas
allée jusque-là, et il est permis de le regretter;
elle s'est contentée de dire que le revenu impo-
sable serait égal aux quatre cinquièmes de la
valeur locative.
Pour les bois et forêts, la commission plé-
nière s'est trouvée en face de questions si dé-
licates et si complexes, qu'elle a pris le parti
d'en confier l'étude à une sous-commission spé-
ciale, composée de MM. Aimond, Barbier,
Poirrier et Touron.
Elle a décidé de maintenir le dégrèvement
que les lois actuelles ont établi au profit des
agriculteurs, par la suppression ou l'atténua-
tion de l'impôt foncier d'Etat sur les propriétés
non bâties. C'est le dégrèvement « des petites
cotes ». Il repose sur un signe extérieur du re-
venu, peut se combiner avec d'autres signes
semblables pour arriver à l'équité. Il est autre-
ment simple et s.ouple que le système inquisi-
torial voté par la Chambre.
L'impôt sur les bénéfices agricoles a été
repoussé, comme l'avait demandé la sous-com-
mission. La création de cette taxe était logique,
dès l'instant qu'on poursuivait la destruction
des garanties individuelles instituées par notre
régime fiscal. Voulant saisir la réalilérnême du
revenu, on était acculé à la nécessité d'en dé-
couvrir les moindres parties, afin que l'œil du
fisc s'étendît à tout. L'Etat .s'assignant alors
pour tâche de connaître exactement le revenu
global de chaque contribuable, aucune frac-
tion de ce revenu ne pouvait être laissée à l'abri
de l'inquisition fiscale. Les bénéfices agricoles
devaient, obligatoirement, se voir déterminés.
Au contraire, si l'on demeure fidèle au droit
français, et si l'Etat ne veut pas transformer
l'impôt en moyen de vexations odieuses, ou de
socialisation détournée, les bénéfices agricoles
doivent, au même titre que les salaires, rester
exempts de tout impôt direct spécial.
Parvenue à la cédule des bénéfices des pro-
fessions industrielles et commerciales, la epm-
missiyxti. a reconnu- combien serait rétrogrftcte
toute mesure tendant soit à la déclaration, soit
à la recherche de l'excédent des recettes sur les
dépenses, avec tout le cortège de curiosités in-
justifiables, de divulgations et d'arbitraire
qu'elle implique. Quant au texte définitif à sou-
mettre au Sénat, la commission a pensé qu'on
devrait encore y réfléchir. Elle s'est bornée, en
conséquence, à voter la résolution suivante
La commission, résolue à faire disparaître de
la cédule de l'impôt sur les revenus industriels et
commerciaux les dispositions relatives 1° à la
déclaration; 2° à la détermination du revenu par
la recherche de l'excédent des recettes sur les dé-
penses,
Décide de charger une sous-commission spé-
ciale de rechercher un système basé sur, des élé-
ments d'évalùation distincts, tels que la produc-
tivité, le chiffre des affaires ou les signes exté-
rieurs, suivant les diverses catégories de profes-
sions industrielles ou commerciales.
Cette sous-commission est composée de MM.
Aimond, Barbier, Peytral, Poirrier, Ribot et
Touron. Il n'y a nulle indiscrétion à indiquer
que la plupart des membres de la commission
se sont nettement montrés hostiles à la taxa-
tion d'office. Ge n'est pas une raison pour que
les commerçants et les industriels cessent de
se préoccuper de l'impôt sur le revenu. Lors
du rachat de l'Ouest, le Sénat lui-même avait
1 témoigné une assez médiocre sympathie pour
le projet du gouvernement. Le vote fut enlevé,
pourtant. Donc, le commerce et l'industrie au-
raient tort de croire gagnée leur cause. Ils doi-
vent plutôt redoubler de vigilance et d'énergie.
Mieux ils sauront défendre leurs intérêts et l'in-
térêt national, plus la commission sénatoriale et
le Sénat se sentiront forts pour combattre l'in-
quisition fiscale.
qu'ils établiraient leur enfant dans de belles
conditions; avec cet appoint de deux cent mille
francs, elle devenait un parti considérable.
Vincent fut attristé, plus qu'attristé, déses-
péré presque. Il se sentait un trop mince per-
sonnage pour une aussi opulente héritière,
perdait toute confiance, tout espoir même, et
voyait crouler, dans la seconde,,le rêve de toute
sa vie.
Mais ses parents au contraire apprenaient
des convoitises nouvelles. Ils se concertèrent,
furent vite d'accord. Ils avaient désiré Giselle
pour belle-fille, alors qu'elle semblait pauvre,
ou à peu près; car avec leur petite fortune, les
Pail ne pouvaient faire un bien gros sacrifice
pour leur enfant; ils n'avaient donc aucune rai-
son, eux, les Mauger, de renoncer à Giselle parce
que la folie des circonstances l'enrichissait su-
bitement.
Il fallait continuer à l'entourer, l'envelopper
d'affection, tout imaginer pour qu'elle s'éprît
de Vincent, si ce n'était déjà fait, et cueillir au
vol, d'un coup de filet, cette fortune qui passait
à portée de la main.
Voilà qui faciliterait rudement la carrière
de notre garçon! appréciait Victor.
Et qui nous donnerait la sécurité dans l'a-
venir ajoutait Julienne.̃̃
Mais Giselle songeait de son côté. Elle comp-
tait dix-sept ans, et,, femme précoce, en parais-
sait vingt. Jusque là, sa vie n'avait été qu'une
monotonie tendre, bornée comme son horizon;
de sa prime enfance, à part, dans les yeux,
une vague vision de futaies mouvantes, d'un
lac voilé, et dans l'oreille l'écho d'un outrage
vulgaire (Chien-Rouge!), il ne lui restait rien.
.Ainsi, toutes ses sensations avaient le même
décor ou presque quelques maisons des Ter-
nes, se trouvaient circonscrites dans deux jar-
dins contigus et dépassaient rarement la
Plaine-Monceau.
Or son instruction se trouvait, paraissait-il,
terminée. Elle avait même, à l'Hôtel de Ville,
obtenu un diplôme, suprême sanction. Qu'al-
lait-elle faire? Qu'allait-elle devenir? Elle se le
demandait souvent.
N'ayant pas de relations, en dehors de la fa-
mille Mauger, elle ne pouvait juger les siens
par la comparaison; cependant, parfois, un va-
gue soufile, venu de l'extérieur, lui passait sur
le front, la faisait tressaillir comme un appel
lointain. Elle eut l'intuition que la vie pouvait
LA PAPERASSERIE ADMINISTRATIVE
•a reforme qui serait sans doute là mieux ac-
cueillie du pays consisterait à simplifier les pape-
rasseries administratives, dont l'accumulation pour
lès moindres choses est toujours un objet de stu-
peur chaque fois qu'un contribuable entre en rap-
port avec nos bons fonctionnaires. Sous prétexte de
contrôler et de répartir les responsabilités, on est
anrivé, par l'abus des précautions, à supprimer tout
contrôle et toute responsabilité. M. Plissonnier, au
cours de l'examen des dépenses du ministère des
travaux publics, a cité un exemple flagrant de cette
folie administrative, où la décentralisation n'inter-
vient que pour compliquer la centralisation des af-
faires. Faisant état d'un rapport de M. Chardon,
M. Plissonnier raconte comment un propriétaire,
pour se conformer à l'alignement d'une route, dé-
chaîne toute une bureaucratie. L'opération simple
qu'il engage se traduit ainsi dans le temps et l'es-
pace
1° Demande sur papier timbré, au préfet ou au sous-
préfet, un jour
2° Transmission à l'ingénieur en chef, deux jours;
3° Transmission à l'ingénieur ordinaire, un jour;
4° Transmission au conducteur, un jour;
5» Visite des lieux. Tracé de l'alignement, rapport,
huit jours
6° Communication au maire (loi du 5 avril 1884), un
jour;
7° Avis du maire. Renvoi des propositions au con-
ducteur, huit jours;
8° Envoi des propositions à l'ingénieur ordinaire, un
jour;
9» Avis de l'ingénieur ordinaire (deux copies du rap-
port du conducteur doivent être jointes par lui au
dossier), trois jours
10° Avis de l'ingénieur en chef. Préparation dans son
bureau d'autant d'expéditions de l'arrêté à intervenir
qu'il y a d'intéressés (permissionnaire, domaine, pos-
tes-, et. télégraphes), trois jours;
;ir> Envoi au préfet, un jour;
12° Examen de tout ce dossier par les bureaux de la
préfecture, un jour;
13» Envoi au maire de l'expédition destinée au per-
missionnaire et notification à ce dernier, deux jours;
14° Six dimanches pendant l'instruction, six jours.
En tout quarante jours.
Mais ce n'est pas tout la rotation administra-
tive de l'affaire n'est pas achevée.
15° Une expédition de l'acte est adressée à l'ingé-
nieur en chef à titre de notification
16° Elle est communiquée à l'ingénieur ordinaire
17° Puis au conducteur;
18° Elle est retournée à l'ingénieur ordinaire
19° Puis à l'ingénieur en chef qui la classe.
Encore cet exemple n'est-il pas élargi puisque
M. Plissonnier, qui est orfèvre, ajoute que dans de
nombreux cas, toujours élémentaires, on peut
compter jusqu'à 51 formalités. « Si, dit-il, un
commerçant ou un industriel agissait comme agis-
sent nos administrations, ce serait la faillite à brève
échéance. » Voilà un oracle évident et menaçant,
bêlas car nous ne sommes pas même à la veille
devoir disparaître de pareilles erreurs, puisque,
pour corriger cet état de choses, une commission
interministérielle fonctionne depuis le 9 mai 1906
sans avoir jusqu'ici abouti à quoi que ce soit. Tou-
tefois rendons au Parlement ce qui appartient à
César cette commission, au moins en ce qui con-
cér'no: « la délivrance des alignements et des per-
missions de voirie » est arrivée à simplifier le for-
malisme, mais les Chambres doivent intervenir et
elles ne sont point encore saisies N'est-il pas plus
commode de créer de nouveaux abus plutôt que de
supprimer les anciens? C'est du moins l'idée que
là'p'iupartf défe députés se font d'une « réforme ».
̃̃ > «as»
ï LE CAS DE L'ABBÉ LEMIRE
On connaît le nouvel incident auquel vient
d'êtee mêlé l'abbé Lemire. Un journal, le Cri
dès Flandres, soutenait la politique du député
d'Hazebrouck. Un autre journal la combattait.
Mgr Delamaire, qui comme coadjuteur admi-
nistre au nom de Mgr Sonnois le diocèse
de Cambrai, a blâmé « sévèrement ces deux
feuilles » et défendu « formellement à qui-
conque veut se conduire en bon catholique, de
les lire habituellement, et surtout de s'y abon-
ner ».
Il ne s'agit pas seulement, comme on pour-
rait le croire, d'une querelle de famille à la-
quelle le pasteur met fin paternellement en
admonestant deux frères ennemis. Il suffit de
lire la lettre-circulaire de Mgr Delamaire pour
s'apercevoir qu'elle est plus particulièrement
dirigée contre l'abbé Lemire et contre les direc-
tions qu'il représente. Le prélat ne se contente
pas en effet de qualifier d'« insoumise » la
« coterie » qu'il suppose « abritée dans le
Cri des Flandres », il ne se borne pas seule-
ment et ceci est cependant plein de saveur
à relever comme coupable « une bienveil-
lance extrême pour certaines écoles laïques
justement suspectes ». Ce qu'il lui reproche
surtout, c'est de n'avoir « cessé de défendre
les intérêts du député d'Hazebrouck, c'est-à-
dire d'un prêtre dont les fautes lourdes dans
let^vie, publique ont, à plusieurs reprises, si
grandement attristé son archevêque et les ca-
tholiques de France ».
Voilà le grand mot lâché! C'est la vie pu-
être autre, certainement plus large, plus active,
plus utile et plus belle que celle étroitement
comprise par de petits bourgeois.
La carrière musicale la tentait; surtout, mais
elle n'osait l'avouer, la carrière théâtrale, les
planches, la lumière, les éclatants costumes,
comme en portaient les actrices célèbres dont
elle voyait les portraits sur la couverture de ses
partitions. Celles-là devaient vivre.
D'où lui venaient ces idées qui Pétonnaient
elle-même? D'où lui venait sa voix, de plus en
plus large, de plus en plus chaude, dramatique
et passionnée ? Des mêmes obscures origines
les Pail le savaient à présent. De cette malheu-
reuse qui avait été sa mère, mère sans amour
de cette chanteuse anonyme, peut-être illustre,
coupable en France, morte en Russie, sans plus
d'histoires.
Mais Gisel'le ne pouvait pénétrer l'énigme de
son hérédité, et sa vocation bien qu'impé-
rieuse lui apparaissait comme une anomalie.
A certaines heures, elle en doutait, fermait son
piano, en disant « A quoi bon? »
'fr-'Elle comprenait bien que rien ne s'apprend
sans leçon, qu'elle chantait au hasard en de-
hors de la méthode; elle désirait un maître,
puis reprise par son éducation étouffée, timo-
rée, d'enfant des Ternes, reculait à cette per-
spective; elle jugeait énorme qu'une jeune fille
ïjfit apprendre son art sous la direction d'un té-
nor ou d'un baryton.
A cela succédaient des périodes d'audace, de
révolte même. Mais ces sentiments divers évo-
luaient dans sa cervelle, n'en sortaient pas sa
liature renfermée se plaisait à la dissimulation;
elle avait toujours vécu repliée sur elle-même,
-Ims expansion elle continuait.
Elle reconnaissait très bien son manque de
franchise vis-à-vis de son père et de sa mère,
se le reprochait parfois, mais n'y pouvait rien
c'était sa nature. Elle s'interrogeait souvent
aussi, également d'une façon vaine, à propos de
Vincent. Elle n'était pas fille à ne pas compren-
dre.
Du premier jour, elle avait lu dans les yeux
du jeune homme l'aveu de son amour nais-
sant ensuite elle avait démêlé sans peine les
manœuvres de siège, d'approche et d'environ-
nement dont elle était à la fois et le centre et
l'objet de la part de monsieur et surtout de
Mme Mauger.
Alors son esprit avait consulté son cœur
« Aimait-elle Vincent? Oui, comme un
blique de M. Lémire qui est en cause; c'est son
rôle de députét c'est l'obstination avec laquelle
l'élu d'Hazebrouck entend concilier sa dignité
de prêtre, ses convictions de catholique et ses
opinions de républicain. Parce qu'il ne rêve
pas plaies et bosses, parce qu'il fut un partisan
de l'application de la loi de séparation
comme la majorité des évêques de 1906,
parce qu'il ne généralise pas contre l'école
laïque les accusations dont quelques institu-
teurs ont été l'objet, parce qu'il a des rapports
de courtoisie' et de déférence avec ceux qui
sont à la tête de son pays, comme en gardait
la majorité de l'épiscopat lorsque le gouverne-
ment participait à la désignation des évêques,
des archevêques et même des cardinaux,
M. Lemire ne se croit pas moins bon prêtre et
moins bon catholique. Et comment le croi-
rait-il ? Lorsqu'il fut élu pour la première fois
en 1903, contre un monarohiste, il était tel qu'il
est aujourd'hui. H n'a changé ni d'opinion
ni d'allure. Il est resté le même. Il était plein
de bonne volonté, un peu candide, loyal, ga-
gnant par sa sincérité des sympathies dont
l'Eglise avait le bénéfice moral. Il en fut vive-
ment loué. On vanta ses services. Léon XIII
était pape alors. Maintenant M. Lemire, qui
n'a pas substitué à la politique de la main ten-
due celle du poing fermé, n'est plus qu'un
prêtres dont les « fautes lourdes attristent
son archevêque et les catholiques de France. »
Et la lettre-circulaire où le coadjuteur de Cam-
brai prend ainsi parti contre la politique d'un
prêtre-député, qui n'est ni interdit ni excom-
munié, est lue en chaire par MM. les curés.
Nous osons penser que la chaire des églises
est faite pour d'autres sermons.
Quant à la campagne même menée contre
M,,Lemire, nous en suivons les incidents avec
curiosité. Elle date deloin. Les papiers Monta-
gnini ont révélé qu'en 1906 déjà on voulait se
débarrasser par la persuasion du député en-
combrant. En 1910 on essaya d'une manière
plus forte, on lui opposa un candidat jugé
plus orthodoxe. Ce fut sans succès. Mais depuis
on n'a négligé aucune occasion pour lui assé-
ner de bons coups de crosse. Le dernier est
déjà le troisième ou quatrième. On pense bien
ainsi avoir raison du têtu. Et cette lutte a quel-
que chose de dramatique d'un côté l'arche-
vêque, avec toutes les armes qu'il tient de la
hiérarchie, pesant de tout son prestige sur la
conscience des électeurs catholiques et de toute
son influence sur l'autorité souveraine; de l'au-
tre l'abbé, qui sans dire une seule parole ir-
respectueuse s'arc-boute à bon droit. Il termi-
nait l'autre jour les déclarations qu'il faisait
à un de nos collaborateurs en disant « Si
je tiens ferme, c'est que j'ai le sentiment de
défendre un principe. Le jour où je ne pourrai
plus être prêtre et député, c'est qu'il serait
alors entendu qu'on ne peut plus être à la
fois catholique et républicain. »
Il a ainsi admirablement posé la question.
Mais c'est précisément parce qu'il défend ce
« principe » que l'avenir est pour lui plein de
menaces. Catholique et républicain! Politique
de Léon XIII! Autant de mots qui sonnent mal
à l'oreille des conseillers de Pie X. Et ceux-ci
pourraient bien lui faire voir que seuls des
hérétiques sont capables de rester fidèles aux
directions d'un pape mort. A la place de M.
Lemire, nous ne serions pas très rassurés sur
le dénouement de l'aventure. •̃̃•̃•;
__i «®9–
AU PAYS DES LOLOS
Le commandant d'Ollone, les capitaines de Fleu-
relle et Lepage, le lieutenant de Boyve ont visité
tout récemment ce mystérieux pays des Lolos, d'où
nous est venue l'affreuse nouvelle du massacre de
la mission Legendre.
Le consul de France à Yunnan-Sen, M. Arnould,
et son vice-consul, M. Soulié, sachant les dangers
qu'ils allaient courir, essayérent en vain, sinon
d'empêcher, du moins de retarder affectueuse-
ment leur départ. Ils s'en allèrent au-devant
des risques et périls qui attiraient leur nostal-
gie, ils s'en allèrent tout joyeux, par la routa
poudreuse qui longe les murailles crénelées de
Yunnan-Sen. Ils avaient, pour toute escorte, deux
Annamites, un interprète indigène et une dizaine
de Chinois en casaque brodée que le vice-roi de la
contrée leur avait envoyés comme compagnons
officiels ces Chinois étaient censés représenter,
par les broderies de leurs casaques, le prestige du
Céleste Empire aux yeux des populations. Restait
à savoir si les symboles figurés ainsi sur la soie
de ces casaques administratives suffiraient à ins-
pirer aux Lolos insoumis le respect des Fils du
Ciel. Mais le jeune chef de la caravane et ses har-
dis camarades songeaient à autre chose. Qui-
conque a voyagé en terre barbare connaît la joie
de 'ces partances' matinales vers dés régions in-
connues par des chemins inexplorés.
La mission d'Ollone aborda le pays des Lolos
par un sentier de montagne que Mgr de Guébriant,
évoque de Ning- Yen-Fou, avait enseigné à ces
pélerins passionnés de nouveautés topographiques
et pittoresques. Ils traversèrent d'abord un pays
frère, non comme un mari. » Elle s'en attris-
tait. C'eût été si commode et si simple; les deux
maisons n'en auraient plus fait qu'une et tout
aurait continué comme par le. passé, avec seu-
lement un peu plus de bonheur.
Et l'esprit plaidait la cause de Vincent
« Mais l'amour appelle l'amour! Peut-être un
jour serait-elle gagnée à la contagion de cette
tendresse ardente? »
Le coeur doutait.
Pourquoi cependant? Vincent était un beau
garçon, aux traits réguliers, aux yeux très
doux, et sa jeune moustache abritait des lèvres
rouges sur des dents saines. Il était grand, so-
lide une femme pouvait s'appuyer à son bras.
Elle le savait bien. Souvent dans leurs pro-
menades du dimanche ils s'en allaient ainsi,
bras dessus, bras dessous, devant leurs pa-
rents charmés, qui, ambulant par derrière, les
suivaient de regards attendris.
Oui, certes, elle savait tout cela, reconnais-
sait tout cela, et eût été bien heureuse d'avoir
un frère comme Vincent.
Si le pauvre garçon eût connu la couleur de
ces appréciations, il en eût été certes réduit
au désespoir; mais là comme ailleurs, Giselle
pratiquait son art de réserve et de dissimula-
tion. Impénétrable elle demeurait. Selon qu'elle
subissait l'influence de son esprit t ou de son
cœur, elle arrêtait sur le jeune homme ou des
.regards tristes ou des regards doux.
Et celui-'ci, sans expérience, ne savait pas,'
dans sa candeur, lesquels il préférait.
Quand Giselle se sut riche, il faut le dire
à son honneur, ses sentiments ne varièrent pas.
D'ailleurs les chiffres restaient pour elle des
symboles sans valeur, sans signification. Elle
savait qu'on pouvait vivre médiocrement à Pa-
ris avec 15,000 francs par an, puisque c'était
à peu près le revenu des Pail. Mais c'était son
unique point de comparaison.
Ses 200,000 francs ne lui tournèrent pas la
tête. Elle ne se crut pas pour cela destinée
aux grandes amibtions, ne pensa même pas à
s'acheter une paire de gants neufs.
D'ailleurs, Pail s'empressait de placer cet
argent en bonnes rentes françaises, et les Mau-
ger l'encourageaient dans cet emploi judicieux
de sa nouvelle fortune.
Cependant, ce gros lot gagné par Giselle à
la loterie de l'existence avait eu pour résultat
de rendre Vincent encore plus timide vis-à-vis
d'elle. La question d'argent le blessait par
délicieux. Vallées doucement ondulées, où les jeu-
nes pousses des rizières entretiennent, au prin-
temps, la fraîcheur d'une verdure exquise. Partout
des eaux vives, claires, jaillissantes. Sur les pentes
des montagnes, une merveilleuse végétation de
bouleaux, de frênes, de hêtres, de sapins, fait
songer à nos Vosges françaises. Çà et là, te tic-tac
d'un moulin, actionné par un torrent, achève cette
illusion infiniment agréable. L'air est pur, le ciel
est léger, la lumière a quelque chose'de jeune, do
gai, de tendre. On pense au col de la Schlucht,
à la montée de l'Ormont ou du Kemberg sur
un tapis de mousse, parmi les hautes fougères
épanouies en éventails et en ombrelles. On est
tout surpris lorsqu'un laboureur des coteaux
se retourne pour contempler la caravane, d'aper-
cevoir une face jaune et ratatinée, des petits
yeux bridés, sous un chapeau chinois. La cou-
leur bleue des blouses, que portent les rustiques
riverains du Pou-Tou-Ho entraîne l'esprit, mal-
gré la hantise de tous ces noms exotiques, vers
des visions de chez nous.
L'exploration de ce pays, dont l'accueil est
d'une perfidie si avenante, a déjà coûté la vie, en
1905, au lieutenant Grillières. Ce n'était que le
commencement, hélas! d'un martyrologe qui se
continue aujourd'hui par la mort du médecin-
major Legendre et du lieutenant Dessirier.
Plus heureux et non moins vaillant que ses
devanciers et que ses successeurs, le commandant
d'Ollone a pu, au terme d'une exploration péril-
leuse, sortir sain et sauf du pays des Lolos.
Ces Lolos vivent à l'état de communautés féo-
dales et indépendantes sur les confins de la Chine,
dans les hautes vallées du fleuve Bleu. Les
Chinois ont tellement peur des Lolos que l'inter-
prète indigène du commandant d'Ollone refusa
de suivre la mission chez les dangereux bur-
graves des « Grandes Montagnes Froides ».
Les Lolos nobles vivent de guerre, de chasse,
de labour et de redevances, sinon de rapines, à
peu près comme vivaient certains seigneurs du
moyen âge, que l'autorité rayai© eut beaucoup de
peine à réduire en vasselage. Ils ont des serfs at-
tachés à la glèbe, et des écuyers qui les suivent au
combat. Tel hobereau du pays des Lolos offre
exactement aux observateurs de ces étranges sur-
vivances sociales la mentalité d'un sire de Mont-
fort ou d'un châtelain de Coucy.
Quant aux Lolos de condition roturière ou
paysanne, le commandant d'OLlone nous dit que
« leur mine est assez patibulaire » et qu'« ils ont
tout l'air de bandits en quête d'un mauvais coup ».
L'intrépide explorateur, dans le beau livre où il
a retracé le tableau des Derniers barbares, note
ce point, où nous trouvons peut-être l'explica-
tion de la récente catastrophe « Sans aucun
doute, qui voudrait pénétrer chez ces brigands
sans la protection d'un chef puissant, serait sûr
de n'aller pas loin. »
Le régime féodal développe des vertus comba-
tives, qui le cas échéant, aboutissent malheureu-
sement aux excès de ces instincts de meurtre et
de pillage que l'on trouve toujours en dernière
̃analyse, au fond de la nature humaine. Chez
nous la chrétienté d'Occident a pu corriger la ru-
desse de la féodalité par la bienfaisante institu-
tion de la chevalerie. Là-bas, il ne semble pas
que la domination fatale de la force, armée de
pied en cap, soit jamais adoucie, maîtrisée par
ces maximes qui prescrivaient aux chercheurs de
prouesses chevaleresques le respect du droit fai-
ble et désarmé. Le cavalier lolo, avec sa lance dé-
mesurée, son trident, son arc, son carquois, son
sabre, ne voit" pas de 'Jimite au pouvoir absoJu
qu'il exerce, par monts et par vaux, sur son fief
terrorisé. Il pourrait soutenir un siège dans son
donjon hargneux. Malheur au manant qui s'aven-
ture en son domaine lorsqu'il est de mauvaise hu-
meur La vie d'un homme n'a pas plus de valeur
à ses yeux que l'existence des bêtes sauvages
qu'il force à la oourse ou qu'il perce de ses flè-
ches. S'il se décide à être hospitalier, c'est pour
des raisons d'orgueil. Il aime à montrer à ses
hôtes européens qu'il est le maître parce qu'il est
le plus fort. Sa politesse hautaine et guerrière ne
manque point d'allure ni d'élégance. Il veut faire
voir combien il méprise les manières doucereu-
ses et compassées des mandarins. Lui, c'est un
homme de plein air, de lutte hardie, de guerre à
outrance, d'implacable vendetta. Heureux d'être
fort, il est sensible au spectacle de la force. Le
lieutenant de Boyve se fit des partisans parmi les
Lolos par son adresse à dompter les chevaux par
les règles de dressage en vigueur aux manèges de
Saumur. La population des villages fortifiés sor-
tait dans la plaine pour assister aux exploits
équestres de la mission d'Ollone. Et ensuite, afin
de ne pas paraître inférieurs à leurs hôtes, les Lo-
los montaient à cheval et s'élançaient au galop de
charge. Le commandant d'Ollone a décrit une
de ces scènes guerrières
« Vraiment, c'était impressionnant ils ont
gravi cette montagne à une telle allure que nos
chevaux pouvaient à peine les suivre; leurs cris
perçants, qui glacent de terreur les Chinois, le cli-
quetis de leurs armes qu'ils frappent l'une contre
l'autre, les moulinets qu'ils exécutent en courant
comme;s'ils perçaient d'imaginaires ennemis, toute
cette mise en scène décèle une impétuosité et une
ardeur farouches, servies par des muscles d'acier,
et qui répondent bien à leur terrible renommée. »
avance; il rêvait au moins l'égalité entre les
deux époux.
Alors il bâtissait des plans d'aventures su-
perbes, de réussite extravagante. Mais au terre-
à-terre, il se contentait de passer ses examens
de bachelier, de s'inscrire à l'Ecole des beaux-
arts puis ce fut le régiment, une année sous
les armes.
Il résidait en garnison à Rouen, ce qui lui
permit de venir très souvent à Paris, sous l'u-
niforme de soldat de deuxième classe, il n'é-
tait pas héroïque. Giselle le pensait et le laissa
voir. Et lui s'en attristait.
Il partit en novembre; de cet absent, M. et
Mme Mauger r s'entretenaient à toute heure.
Lointain, il leur semblait plus cher encore; ils
édifiaient, à leur gré, son avenir, le voulaient
heureux. D'ailleurs tout l'annonçait ainsi.
Un soir, au coin du feu, ils en causaient, dans
de silence d'une nuit d'hiver, aux Termes.
Vois-tu, disait M. Mauger à sa femme, il
est nécessaire que le petit roman de Vincent
et de Giselle finisse par un bon mariage; car
hors de là, notre fils, j'en ai peur, ne réussirait
pas dans la vie.
Et pourquoi donc, je te prie? ripostait Ju-
lienne à la; fois froissée et alarmée.
Oh! ce n'est pas de sa faute, déclarait
Victor; c'est plutôt de la nôtre. Il est vrai que
nous ne savions pas et. que nous ne pouvions
pas! ajoutait-il tristement.
Mais enfin, explique-toi.
Oh! c'est bien simple; il ne faut qu'ob-
server un peu. Julienne, personne n'a plus
aimé son enfant que toi et moi; mais d'autres
l'auraient aimé mieux, même en faisant la part
des impossibilités. Nous avons élevé cet enfant
étroitement, entre nous, sans air, sans liberté,
sans laisser la moindre place à son initiative.
Hors nous, il n'a rien vu, que son professeur
dans sa classe et dix bambins, comme lui, à
la sortie du lycée. Eh bien, les enfants grandis
dans de telles atmosphères font des hommes ti-
morés, doutant d'eux-mêmes, toujours anxieux;
et ce n'est point à ceux-là que sont réservés les
triomphes et les joies. Il faut, au plus jeune
âge, de la liberté, de l'aisance et de l'air, la
fréquentation constante des égaux, voire des
supérieurs, des voyages, des changements de
vision.
Maurice MONTÉGUT.
(A suivre).
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