Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1911-11-10
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
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Description : 10 novembre 1911 10 novembre 1911
Description : 1911/11/10 (Numéro 18393). 1911/11/10 (Numéro 18393).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
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CINQUANTE ET UNIEME ANNEE.– N° 18393
VENDREDI 10 NOVEMBRE 1911.
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lESABOMiEMENTS DATENT DES 1" ET i6 DE jCUAQOE MOIS
Un numéro (à Paris) 1^ centimes
Directeur politique Adrien Hébrard
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Un numéro (départements) SO centimes
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TÉLÉPHONE, S LIGNES
N« 103.07 103.08 103.09 103.32 103.33
SOMMAIEE.:
ZjIi*© en a- page
L'accord franco-allkmakd, –La gjuerr& italo-
T0RQUE.– LES PROGRÈS DE LA révolu-
TION. La viE a Paris, Jules Clara tie.
Façre 3 $ <
Les TROUBLES DE TUNIS LA journée d'hier, LES
MORTS ET LES BLESSÉS. LE MONOPOLE DES POU-
DRES ET LES ACCIDENTS DE LA MARINE. LA VIE
LITTÉRAIRE LES ÉTUDES D'HISTOIRE CONTEM-
PORAINE DE M. RENÉ Pinon, André Tardieu.
Page ̃*
NOUVELLES DU jour: –Faits-divers.– TRIBU-
naux. Théâtres. LA restauration DU
Grand-Trianon, Thiébault-Sisson.
Page S
Sport. Commence. BOURSE.
Fage S
DÉJEUNER A l'Elysée 'EN L'HONNEUR DU ROI DE
Grèce. L'interpellation marocaine AU Reichs-
tag, discours DU chancelier. les EMPLOYÉS
D'HOTEL A LA PRÉFECTURE DE police. M. Louppe
DEMANDE SA mise A LA retraite. chambre
DISCUSSION DU BUDGET DE 1912. Dépêches .DU
Sénat.
Paris, 9 novembre
m DE, e. i
BULLETIN DJJ/ÉTRANGER i
FRANCE ET ESPAGNE.
Il y avait hier beaucoup d'animation dans
les couloirs du Palais-Bourbon. On commen-
tait le traite franco-espagnol. On discutait le
passé; On indiquait les solutions possibles
en 1904. A%us" pnrdonner.a-t-on d'envisager ici
les solutions nécessaires en 1911 ?
Les Espagnols, depuis des mois, demandaient
la publication du traité de 1904, comme si ce
traité devait à lui seul justifier tout ce qu'ils
ont fait au Maroc depuis le printemps der-
nier. Voilà le traité publié et les Espagnols
sont obligés de reconnaître au moins qu'il prête
à la controverse. Nous ne leur demandons pas
d'accepter sans débat l'interprétation fran-
çaise. Mais là bonne foi dont nous les espé-
rons animés doit les obliger à confesser que
cette interprétation ne peut pas être écartée a
priori.. Ils soutiennent que la marche sur Fez
du général Moinier équivalait à la suppression
du gouvernement chérifien. Nous. soutenons le
contraire. Tels sont, simplifiés, les termes de
la discussion. Il est impossible.de se dérober
à la nécessité de l'en.gager. Aussi bien n'est-ce
pas la première fois qu'entre deux puissances
le sens d'un traité est controversé. L'Espagne
ne saurait se refuser à cette controverse.
Juridiquement la France serait dans une po-
sition plus forte, si jugeant le traité violé par
l'Espagne, elle l'avait dénoncé au lendemain
du jour où cette violation s'est produite. Elle ne
i'a pas fait, et pour notre part nous le regret-
tons, non point du tout dans un sentiment anti-
espagnol, mais parce que nous pensons que
cette dénonciation eût créé une situation nette,
favorable plutôt que défavorable à l'avenir des
relations franco-espagnoles. Quoi qu'il en soit,
ce qui est fait est fait. Au lieu de dénoncer
le traité, la France s'est bornée à protester. Les
Espagnols »aunaiont .«mauvaise «grâce à s*en
plaindre, même 's'ils espèrent en profiter. La
France, vis-à-vis d'eux, s'est montrée modérée.
Les airs d'intransigeance qu'ils affectent ne
sont donc pas de circonstance. Notre modéra-
tion d'hier ne supprime pas la nécessité de né-
gocier aujourd'hui. Tout au contraire, elle la
précise. Car l'attitude amicale du gouvernement
français à l'égard du cabinet de Madrid dé-
montre que celui-ci n'a pas à craindre de nous
des arrière-pensées et d'obliques manœuvres.
Que peut être cette négociation nécessaire ? '?
Simplement une revision des accords de 1904
et leur adaptation à une situation nouvelle.
L'Espagne a d'autant moins de raison de se
refuser à cette revision qu'elle s'y est prêtée
déjà. Le traité franco-espagnol est du 3 octo-
bre 1904. En 1905, l'intervention hostile de l'Al-
lemagne a totalement changé les conditions du
problème marocain, telles que ce traité les avait
définies. Qu'ont fait alors la France et l'Espa-
gne ? Par l'accord du 1" septembre 1905, elles
ont adapté le traité, en, ce qui touche la police
des ports, à la situation nouvelle qui résultait
de la réunion de la conférence. Il est équita-
ble et nécessaire qu'elles fassent aujourd'hui
la même chose, car là manifestation d'Agadir
et ce qui .s'en est suivi n'ont pas modifié moins
profondément que le voyage de Tanger et la
conférence les données de l'affaire marocaine.
C'est une vérité d'évidence encore que peu
plaisante à formuler que le problème ma-
rocain, qui se résout à son terme contre l'Al-
lemagne, a subi d'un bout à l'autre, de son évo-
lution la pression décisive de l'Allemagne. En
FEUILLETON nu DU 10 NOVKMBRK 1911 f )
Petites Gens
et
Grands Cœurs
I • Suite
Quand la Fauchette apprit qu'on voulait lui
retirer la 2)etite, elle poussa des cris, leva les
bras au ciel, le prenant à témoin qu'on lui arra-
chait l'âme et que c'était pour elle comme si
elle perdait trois de ses enfants. Mais Honoré
et Angèle étaient trop affermis dans leurs dé-
cisions pour se laisser troubler par ces phrases
de drame.
Ils coupèrent court en déclarant qu'ils dési-
raient emmener Giselle à la minute même et
que les Fauchet devraient faire suivre dans la
journée le peu de linge et d'habits qu'elle de-
vait avoir. La paysanne s'obstinait à gémir;
alors Angèle, pour en finir, lui déclara qu'elle
entendait, vu sa nombreuse famille,, lui conti-
nuer ses bontés sous là forme de dix écuspar
mois pendant un an encore.
Cette annonce eut un heureux effet et le dé-
part de Gisèlle en fut facilité. Quant à elle, un
peu ahurie au milieu des conversations, elle ne
témoignait encore ni joie ni peine. Au dernier
moment, la Fauchette l'embrassa avec fureur
comme si elle ne devait jamais la revoir, en
larmoyant
Ah que dira ton père Fauchet quand il
va revenir ? Il trouvera la maison quasiment
vide
Il lui en reste sept remarqua Angèle, en
désignant du doigt un groupede moutards mor-
veux, entre douze et cinq ans, qui regardaient
la scène avec des airs terrifiés.
Oui, oui, mais ce n'est point elle. Elle
était Pâme de la maison!
L'dme de la maison partit sans dire adieu à
ses frères et sœurs adoptifs M. Pail le remar-
qua plus loin.
Beproduetion interdite.
1904, la France et l'Espagne se chargent seu-
les de la solution. En 1905, sous la poussée al-
lemande, elles acceptent la formule internaticb
nale. -Et c'est sous la poussée, allemande au^si
qu'en 1011 on revient de cette seconde ? mé-
thode à la première. De même que l'Espagne
avait accepté solidairement avec la France la
conférence d'Algésiras, de même elle semble
avoir accepté volontiers les négociations franco-
allemandes pendant lesquelles elle a « réa-
lisé » sa zone par une interprétation toute spé-
ciale des traités. Il serait donc un peu tard
pour jouer les cavaliers seuls, dire à la France
« Ce que vous avez fait avec l'Allemagne ne
me regarde pas » et invoquer judaïquement
un traité dont l'Espagne a reconnu comme
nous son attitude le prouve que les cir-
constances ultérieures ont modifié la portée.
Enfin, dernier argument, qui est un argu-
ment' de fait, à nos yeux capital, on sait fort
bien à Madrid que si en*juillet dernier la
France avait refusé de causer seule à seule
avec l'Allemagne et demandé la réunion d'une
conférence, le gouvernement espagnol n'aurait
pas pu refuser de s'y rendre. Or qui disait con-
férence disait le gouvernement allemand l'a-
vait précisé et cette thèse de droit était inat-
taquable retour au statu quo de 1906. La
France aurait donc évacué Fez, la Châouïa,
Oudjda. Mais l'Espagne aurait évacué égale-
ment El-Kçar, Larache et le Rif. Cette néces-
sité lui a été épargnée. Par qui ? Par la France.
Par quel moyen ? Au prix des cessions congo-
laises. Les Espagnols, dont on apprécie géné-
ralement la fierté, manqueraient à leurs tradi-
tions en contestant cette vérité et en refusant
de reconnaître leur dette.
Ce point de vue est un point de vue d'équité.
On nous accordera qu'en le défendant la France,
qui a la force pour clle, témoigne de sa, par-
faite loyauté. Cette loyauté, /il est une puis-
sance qui, semble-t-il, est spécialement quali-
fiée pour inviter l'Espagne à la payer de re-
tour. Cette puissance, c'est l'Angleterre. Elle est
unie à la France et à l'Espagne par des ac-
cords et des liens d'amitié. Elle a été témoin
au contrat franco-espagnol de 1904. Elle a con-
seillé à la France de conclure l'accord franco-
allemand de 1911. Elle a donc sa part de res-
ponsabilité dans la situation ancienne et dans
la situation actuelle. Nos lecteurs se souvien-
nent que maintes fois depuis trois ans nous
avons regretté qu'en Orient et ailleurs l'en-
tente cordiale, à laquelle ce journal attache un
si haut prix, fût mollement pratiquée et trop
peu traduite en actes.- Nous avons rappelé ce
mot d'une haute personnalité anglaise « L'ac-
cord franco-anglais ne se manifeste à Cons-
tantinople que par l'inertie absolue de nos
deux ambassades. » Nous avons exprimé le
vœu que dans l'avenir chaque événement inter-
national fût une occasion d'affirmer, comme
en 1905, comme en 1906, la solidarité féconde
de la France et de l'Angleterre.
Le moment actuel est un de ceux où cette so-
lidarité a son rôle à jouer. Qu'on y prenne
garde les quelques Français qui ont conti-
nué à faire des réserves sur l'entente cordiale,
M. Gabriel Hanotaux, M. Ernest Judet, n'ont
pas hésité ces temps-ci à la mettre en cause,
à demander quelle a été depuis six mois son
œuvre. On a comparé l'aide effective que no-
tamment en 1908 et 1909 se sont1 prêtée, mal-
gré de difficiles options, les puissances de la
Triple-Alliance aux faêaiiâtions ^oiasian-tes dès.:
gouvernements de la Triple-Entente. On a es-
quissé cette comparaison non seulement en
France, mais en Angleterre les articles re-
marqués de M. Morton Fullerton dans la Na-
tional Review en témoignent. Il faut que cela
cesse. De toute la force de notre invariable fidé-
lité à l'amitié franco-anglaise nous insistons
pour que dans les semaines qui viennent ceux
qui en ont la garde, à Londres et à Paris, lui
épargnent le grief d'être devenue stérile.
+
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU SniiyjS
Berlin, 9 novembre.
L'empereur Guillaume est rentré hier soir à Pots
dam.
Vienne, 9 novembre.
L'archiduc François-Ferdinand d'Autriche est ren-
é hier à Vienne venant de Berlin. Il s'est rendu
mardi à Schwerin à la cour grand-ducale de Meck-
lembourg.
D'après certains bruits, l'archiduc héritier aurait
profité de son séjour dans la capitale allemande
pour consulter un spécialiste des maladies de la
gorge et des oreilles.
Pendant l'absence de M. Descos, ministre de
France à Belgrade, M. Dard, premier secrétaire de
l'ambassade de France à Vienne, a été chargé de la
gérance de la légation.
Trieste, 9 novembre.
On lit dans le Piccolo que 163 réfugiés tripolitains
sont arrivés à Trieste. Des dispositions ont été pri-
Bah! dit Angèle, ce sont de petits sauva-
ges. Et puis ils ne savent pas compter jusqu'à
huit et, ne s'apercevront même pas de son ab-
sence.
M. Pail sourit.
Eh bien, Giselle ?
Giselle ne soufflait mot elle trottait en si-
lence. Mme Pail répéta
Eh bien, Giselle ?
Pas plus de réponse.
Elle est décontenancée, observa Honoré;
ça passera une fois chez nous.
Ils arrivèrent pour le déjeuner. Flora enleva
l'enfant dans ses bras, la chatouilla et la fit
rire; aussitôt les visages s'éclairèrent..
En réalité, l'accoutumance fut rapide. Pen-
dant cette première journée, elle ne réclama
pas une fois ses amis du Chien-Rouge. Ceci
rendit Honoré pensif.
Ce serait son père et sa mère, dit-il, que
ce serait encore tout pareil. Alors, la voix du
sang
Cela vaut peut-être mieux, répondait An-
gèle. Elle nous arrive toute neuve, sans au-
cune habitude d'affection, sans lien au passé.
Nous pourrons développer en elle les senti-
ments qui nous paraîtront les meilleurs et lui
apprendre la tendresse sans éveiller ses re-
grets.
Soit dit Honoré. Mais je commence à
croire que les petits enfants ont moins de
cœur que les petits chiens.
Certains petits enfants, peut-être.
''La Fauchette %'apportâ pas' le linge1 ni les
vêtements de Giselle; elle trouva bon de ré-
server cet héritage à sa progéniture variée qui
d'ailleurs avait dû déjà en user auparavent.
Elle allégua que le trousseau n'en valait pas la
peine et ne conviendrait plus à la petite prin-
cesse qu'allait devenir Mamzelle Giselle.
Elle grogne encore, remarqua Mme Pail.
Tant mieux, nous en serons peut-être débarras-
sés.
En tout cas, répondait Honoré, nous la re-
verrons tous les premiers du mois, le jour de
la Sainte-Touche. Et puis, elle ne nous lâche-
ra pas comme ça, va! Elle coûtera cher.
Il voyait juste. Mais comme Giselle n'en
manquait pas moins de tout habillement, ils
partirent, un matin, avec elle, pour la ville voi-
sine et la promenèrent dans les magasins. Et
bien qu'elle fut rustaude et de couleurs trop
franches, les demoiselles et les commis admi-
rèrent sa chaude santé, ses cheveux fous et ses
yeux si pleins de choses.
Ce fut une belle journée pour ses nouveaux
ses pour qu'ils puissent continuer leur voyage jus-
qu'à C01,lst,a, ntinople. Rome, 9 noverabue.
.̃Rome, 9 novembre.
Los journaux gardent une extrême réserve s>*r
"je's événements de Tunis/fâlsant seulement derbï'ei's
commentaires sur ces malheureux incidents et ex-
primant la confiance en la loyauté de la France" qui
saura se montrer énergique et réprimer uiie ré-
volte dont la gravité' ne saurait échapper à per-
sonne.
Le Giornale d'Ilulia dit que si on laissait aller les
choses, dans l'état d'esprit actuel des musulmans,
la chasse aux Italiens pourrait bien devenir la
chasse aux chrétiens en général.
Dans les milieux politiques, on ne témoigne au-
cune inquiétude, aucune préoccupation à ce sujet.
Mulhouse, 9 novembre.
Le ^conseil municipal a procédé ce matin à l'élec-
tion pour la première Chambre.
M. Diemer-Heilmann a obtenu la majorité au
troisième tour de scrutin par 17 voix contre 9 à M.
Klug, maire. M. Diemer a été proclamé élu.
«»»
ENTRE LE VICE ET LA VERTU
La Chambre ressemble à ce héros de Cour-
teline qui préférait la souffrance du vice à
celle de la vertu. Elle connaît ses tares, et avant
chaque session elle est fermement résolue à
lutter contre elles. Dès qu'elle est réunie, le
moment d'agir étant venu, elle repousse tous
les moyens thérapeutiques, sous prétexte d'inef-
ficacité. C'est ainsi que pendant les vacances
les députés se sont livrés à de multiples actes
de contrition, suivis de promesses solennelles.
Notre méthode de travail est mauvaise,
avouaient-ils, nous la réformerons; la discus-
sion du budget, alourdie de motions, de projets
'de résolution, s'éternise il ne faut pas per-
sister dans de tels errements, nous allons
changer tout cela, vous allez voir! Nous avons" '1
vu en effet la délégation des gauches accueillir
avec empressement tous les projets de modi-
fication du règlement, puis, en séance, laisser
le courageux M. Breton se débattre seul contre
la surenchère, si bien que, devant le bâillon
qu'on lui présentait, la Chambre s'est dérobée.
Une fois de plus la séduction du vice l'a- em-
porté sur l'austérité d'une vertu que de faux
moralisateurs avaient rendue par trop rébar-
bative.
Les propositions de M. Breton étaient pour-
tant sensées et acceptables. Cet honorable dé-
puté demandait la suppression des interpella-
tions au cours de la discussion des budgets, la
suppression dés. projets de résolution, motions
et ordres du jour motivés et la suppression des
augmentations ou des diminutions de crédits à
titre d'indication. Encore qu'il y ait une dis-
tinction à établir, sur ce dernier point, entre
la diminution d'un crédit à titre indicatif et
son augmentation, toutes ces modifications ré-
glementaires eussent été bienfaisantes. Des
habitudes déplorables se sont introduites dans
la façon d'examiner le budget. Nous en avons
fait une expérience récente et coûteuse. Sous
le ministère Briand, l'opposition a tellement
surchargé cet examen d'interpellations, de mo-
tions, d'incorporations de projets saugrenus
qu'il en est résulté une véritable obstruction,
L'ancien président du conseil a pu dire avec
raison qu'il était la victime d'une «. grève
perlée ,», Les propositions de M. Breton au-
raient e.'u pour effet de rendre à la discussion
dû- budgétisa ph^-sioïiami©- véritable. Maïs ces
retouches n'eurent pas l'heur de plaire à MM.
Marcel Sembat et Andrieux, qui voulurent
les pousser jusqu'à la caricature du 'régime
parlementaire. L'un prétendit réduire à un
quart d'heure l'intervention des orateurs dans
les discussions budgétaires, et l'autre proposa,
avec ironie, la suppression de toute discussion.
M. Breton eut le tort d'abonder en quelque
sorte dans ce sens, en admettant la suppres-
sion des discussions générales sur les budgets
particuliers. C'était absurde. On ne saurait
aborder sérieusement l'analyse d'un budget
sans s'être auparavant mis d'accord sur les
principes dont il s'inspire, et la Chambre re-
noncerait à l'une de ses prérogatives essen-
tielles si elle empêchait les députés de pré-
senter leurs observations sur l'ensemble du tra-
vail qui leur est soumis.
La Chambre fut dupe ou complice de la
surenchère. Elle abandonna bien vite ses vel-
léités vertuetises,.et au lieu de faire un choix
entre des propositions d'une inégale valeur, elle
les repoussa toutes. Ce n'était vraiment pas la
peine d'afficher de si bonnes dispositions pour
en arriver à un tel résultat et le spectacle de
cette impuissance ne grandira pas le prestige
du parlementarisme aux yeux du pays.
*»»
DOXJOEDyEBIsrT T `
Le conseil supérieur de l'enseignement technique
a invité M. Couyba, ministre du commerce et -dei
parents et pour elle-même; car elle saisissait
bien, malgré son très jeune âge, le murmure
de louanges qui s'élevait autour d'elle. Quant
à 'eux, ils jubilaient, se délectaient, buvaient du
lait à pleines tasses. Ils dépensèrent tout ce
qu'ils avaient pris d'argent dans des prévi-
sions sages; puis trois fois plus.
La Fauchette avait raison; Giselle devenait
une princesse, si l'habit fait le moine et la robe
la dame. Huit jours plus tard, l'habitude était
prise, la petite régnait à la maison; à présent,
lavée, peignée, frisée, parfumée, elle se révé-
lait tout autre et apprenait la coquetterie. Tout
de suite, et d'un coup, elle semblait aussi dé-
couvrir la tendresse, manifestait une nouvelle
sensibilité, s'affinait rapidement de corps et
d'âme.
Il était évident qu'elle était de nature très
comprehensive, facilement portée à l'assimila-
tion. Elle regardait et écoutait chaque soir,
elle répétait un mot, elle imitait un geste, un
acte, entendus, étudiés dans la journée.
Drôle de'petite bonne femme disait An-
gèle attendrie.
Honoré, les yeux humides, passait son temps
à sourire.
Nous sommes comblés Une ombre seule-
ment pourquoi cette enfant n'est-elle pas,
réellement, la nôtre ?
Qu'importe si nous l'aimons autant? ré-
pliquait vivement Mme Pail. Plus tard elle
nous aimera aussi elle nous prolongera dans
l'avenir,, avec £oire héritage et notre fnémoû-e,.
Oui, consentait Pail si on nous la* laisse
Angèle cria. C'était leur obsession constante.,
leur hantise de .chaque nuit. Avec les jours, les `,
semaines, les mois, elle grandit, s'aigtiisa, de-;
vint une affreuse angoisse. Les gens et les faits
concouraient à redoubler leurs alarmes, comme
à plaisir, comme à dessein. I
La Fauchette avait surpris cette peur secrète;
elle en jouait, et supérieurement. Elle conti-
nuait à monter à Belle-Vue une fois par
semaine à peu près, s'installait dans le jardin,
sur un banc, les mains croisées sur son ventre
qui de nouveau grossissait encore et elle com-
mençait son antienne la misère des temps,
sept bouches à nourrir, sans compter l'homme
et elle-même. sans compter celui qui allait
venir.
Il n'y avait dé bonheur que pour les coquins.
On abandonnait son enfant au coin d'une route,
quelqu'un passait qui le ramassait et lui faisait
des rentes. Mais le pauvre ouvrier pouvait bû-
cher son soûl, personne ne s'inquiétait du pain
de ses enfants.
l'industrie, à demander au Parlement les crédits
nécessaires à la création d'une école normale. Il
ostime que les cours normaux ne suffisent plus
qu'un établissement spécial est indispensable
;po,ur- former les futurs professeursc-â'easéigneœent
technique.
Peut-être fera-t-on sagement de n'aller pas trop
vite en besogne. D'abord ces sortes d'établisse-
ments sont dispendieux et il ne les faut instituer
que lorsque la nécessité en est absolument démon-
trée. Juste au. moment où l'on cherche* à décentra-
liser et régionaliser toutes les sortes d'enseigne-
ments, où M. Couyba vient, avec un grand sens
des réalités et beaucoup de clairvoyance pratique,
de décentraliser lui-même les cours professionnels,
est-il strictement nécessaire d'amener à Paris ou
dans la banlieue les jeunes gens de province qui
se destinent à entrer dans les cadres du professorat
professionnel ou technique ? Beaucoup d'industriels
et commerçants, qui sont aussi des contribuables,
ne pensent pas ainsi.
N'oublions point que l'Allemagne, qui dans cet
ordre d'idées nous donne l'exemple de l'organisa-
tion souple et féconde, choisit le personnel de cet
enseignement parmi les professeurs d'universités
,oudé gymnases et les instituteurs, parmi les indus-
triels, commerçants où artisans distingués, ou ceux
qui retirés des affaires y ont laissé une solide ré-
putation de rare compétence. On évite surtout de
leur donner assez d'heures de service pour leur
épargner l'envie de devenir des fonctionnaires. En
outre des cours normaux réunissent, pendant les
vacances, plus de 3,000 instituteurs qui y appren-
nent surtout le dessin industriel.
La ville de Genève, qui possède une des plus
fortes organisations d'enseignement technique, une
école professionnelle, une école de métiers (indus-
trie du bâtiment), une de mécanique, et un techni-
cum réunis dans le même bâtiment,'fait appel aux
professeurs de l'enseignement secondaire et aux
industriels, architectes, etc., qui sont en pleine ac-
tivité. Ce sont aussi de notables commerçants ou
usiniers qui chaque mois contrôlent le travail des
élèves. L'avantage que le canton de Genève y
trouve ne se borne pas seulement à une économie
[budgétaire. N'étant pas fonctionnaires, ces profes-
seurs ne s'enfoncent point dans la routine. A côté
de l'école où ils enseignent ils ont leur cabinet,
leur comptoir ou leur usine où ils luttent et se
tiennent au courant du progrès. Les machines nou-
velles, ils les connaissent tout les premiers; si les
ressources de l'école ne suffisent pas à les acqué-
rir aussitôt, ils les font connaître à leurs élèves
dans leurs propres établissements. Et l'on ne voit pas,
chez nos voisins, que ces hommes qui vivent à
même l'action réussissent mal à enseigner ce qu'ils
font. Il leur arrive plutôt de montrer les choses
sous un point de vue plus pratique, comme ils les
voient dans leurs propres affaires, et d'habituer
leurs élèves à des évaluations plus exactes et mé-
thodiques, qu'il s'agisse de machines ou de main-
d'œuvre. D'ailleurs notre Ecole centrale est sou-
mise à un régime analogue. Bref, il semble que le
Parlement y doive regarder à deux fois avant
d'engager la dépense qui résulterait de la création
d'une école normale.
'♦'
L'État centre l'État
̃ Chacun sait, pour en avoir été plus ou moins la
victime! de quelle manie de tracasserie est possé-
̃,efêe J'AdmJnistrati'On qye la monde a depuis long*
temps cesse de nous envier. JVlais'c.e n'est pas séu-
lement contre le public que s'exerce ce travers
tyrannique. Au 'lieu de s'associer pour une œuvre
éommune, au lieu de collaborer en vue du bien gé-
néral, les départements ministériels se dressent ja-
lousement les uns contre les autres, se tendent des
pièges, vivent en état d'hostilité et se battent sur
le dos des contribuables. La petite histoire que
nous allons conter atteste, avec documents à l'ap-
pui, l'esprit de particularisme étroit qui sévit dans
les diverses administrations, au mépris et au pré-
judice de l'intérêt du pays.
Le 18 novembre 1910, une commande de maté-
riel est faite par un établissement de la marine à
un constructeur du Havre, qui s'empresse d'établir
les modèles en bois, et les expédie, dès le 3 dé-
cembre, à son fondeur, en gare des Batignolles.
Les modèles voyageaient malheureusement sur
l'Ouest-Etat, et c'est seulement Le 14 janvier, après
une longue série de réclamations, que le fondeur
peut prendre possession des modèles ils s'étaient
égarés, et il leur avait fallu six semaines pour ac-
complir le voyage du Havre à Paris, ce qui corres-
pond à une vitesse de cinq kilomètres par jour.
Le constructeur, qui a accepté de fournir la
commande dans un certain délai, et qui est passi-
ble d'une pénalité en cas de retard, s'empresse de
mettre la marine au' courant de l'incident. « Les
modèles destinés à la fonte, écrit- il, ont été mis
par nous en gare du Havre le 3 décembre, et le
destinataire n'a été avisé que le 14 janvier; le dé-
lai maximum pour le chemin de fer étant de huit
jours, il résulte de cette livraison tardive un re-
«ferd d'un mois, dont nous vous prions de tenir
Angèle, qui allait et venait, saisissait des bri-
bes de cette lamentation elle s'agaçait, s'irri-
tait s'exaspérait et à la fin, comme elle était
vive, éclatait brusquement.
Ah ça qu'est-ce que vous chantez, la
Fauchette ? Portez cela à d'autres On ne se
soucie pas de vous ni de vos mioches? Alors
à qui est-ce que nous donnons cinquante
francs par mois, pour le plaisir d'être remer-
ciés de la sorte?
La paysanne se confondait aussitôt en ex-
cuses très humbles. Ce qu'elle en disait, ce n'é-
tait pas pour Madame, mais pour d'autres,
les autres. Quant aux cinquante francs, ça
ne faisait jamais que trente-six sous par jour
et le pain était cher et le pain n'est que du
pain
Elle chantait cela en regardant Giselle mor-
dre dans une brioche.
A présent, elle détestait cette, enfant, qui ve-
nait difficilement à elle, l'avait oubliée, ne
semblait pas la connaître. Elle lui disait
« vous »; l'appelait « mademoiselle », ce qui
faisait hausser les épaules d'Honoré et de ma-
dame Pail.
̃ Mais, en réalité, elle en était furieusement
jalouse, furieusement envieuse. Elle ne pou-
vait admettre dans son étroite logique villa-
geoise qu'une enfant trouvée, probablement il-
légitime, quelque petite bâtarde de père incon-
nu, et de mère trop notoire sans doute, vécût
dans, l'abondance, le luxe et la joie, quand ses
'rejetons à elle, les fruits de sa chair, qui avaient .t
̃mi état Civil régulier, ramassaient dans la
trotte les croûtes de pain dur et les pommes
pourries. Cela la dépassait et la révoltait; et de
cette révolte, lentement, sourdement, naissait
la haine.
L'opinion publique la soutenait dans sa ran-
cune;. ce fut vers cette époque que le village
se désaffeetionna de ses anciennes idoles. On
murmurait devant cette folie des Pail; on les
blâmait de concentrer sur une seule tête une
somme de charité qui aurait pu alléger la
misère de tant d'autres.
« Enfin, disait-on, c'était une absurde exagé-
ration de traiter en filleule de prince une pau-
vresse recueillie. »
La Fauchette entendait, n'en criait que plus
fort, n'en larmoyait que mieux. Et c'est alors
qu'elle inventa ses histoires. A Angèle terri-
fiée, à M. Pail soudain blême, elle racontait
qu'un monsieur était venu la veille, au Chien-
Rourge, qu'il s'était attablé et attardé chez la
mère Moulasse, lui avait posé des questions.
=– ̃ Quelles questions?
compte, en reculant d'une même période -la date
de présentation en recette des appareils. »
La requête aurait dû être immédiatement ac-
cueillie, puisque la responsabilité du retard in-
combait non à une enteeprise privée, mais aux
chemins de fer de l'Etat. 11 n'en fut rien, et le di-
recteur de l'établissement de la marine répondit
au constructeur « La requête ne paraît pas pou-
voir être admise, car la société a un recours con-
tre les transporteurs, et il lui appartient de se
faire indemniser par eux du préjudice qui'lui a
"été porté par ces retards, préjudice qui se tradui-
rait par l'application des pénalités. » Ainsi c'est
la Marine elle-même qui engage son fournisseur
à poursuivre l'Ouest-Etat!
Pendant cet échange de lettres, le fondeur achève
sa besogne, et le 16 février il expédie les pièces
fondues en gare du Havre. Elles y arrivent, sans
encombre cete fois, le 18. Mais alors, nouvelle
mésaventure un incendie se déclare sur le quai
de la gare du Havre, dans la nuit du 19 au 20; une
partie des pièces sontbrisées.et par suite inutili-
sables il faut les refaire, et l'industriel n'en
peut prendre livraison que le 5 avril.
Au total, le constructeur avait subi, du fait de
l'Ouest-Etat, par suite d'une part, d'un égarement,
d'autre part d'un incendie, trois mois de retard.
Il réussit pourtant à présenter ses appareils
en recette moins de deux mois après l'expi-
ration du délai fixé par la marine; et il fit valoir,
pour être exonéré de toute pénalité, que la res-
ponsabilité de ce retard pesait entièrement sur
l'administration des chemins de fer de l'Etat.
La marine ne voulut rien entendre. On informa
l'industriel que « sur la pénalité de 277 fr. 88 que
vous avez encourue pour retards de 58 et 59 jours
dans la livraison de pièces qui vous ont été com-
mandées sur votre marché du 18 novembre 1910,
vous serez exonéré d'une somme de. 47 fr. 50 ».
Pourquoi ce chiffre singulier de 47 fr. 50? Aucune
explication n'en était donnée.
Le constructeur dut s'incliner. Il tint toutefois,
écrivit-il à la marine, « à faire remarquer que
nous nous trouvons, pour les motifs de retard que
nous vous avons exposés, pris entre l'administra-
tion des Chemins de fer de l'Etat, qui se retranche
derrière le cas de force majeure pour ne reconnaî-
tre aucun droit à indemnité, tant pour retards de
transport que pour l'incendie dont nous vous
avons entretenu, et l'administration de la marine
qui, ainsi que vous nous l'avez fait savoir par votre
lettre .du 23 février, ne reconnaît pas ce cas de
force majeure ».
Frappé d'une pénalité par la marine pour une
faute indépendante de sa volonté et commise par
les chemins de fer de l'Etat, l'industriel se re-
tourne contre cette dernière administration, la-
quelle s'efforoe de se dérober en invoquant le cas
de force majeure. Soulignons, en passant, ce scan-
dale c'est une règle, à l'Ouest-Etat, d'alléguer le
cas de force majeure dans toutes les circonstances,
alors même que sa responsabilité n'est pas con-
testable (il existe une circulaire en ce sens), afin de
décourager ses innombrables victimes, dont beau-
coup hésitent en effet à s'engager dans un procès.
Il n'en sera pas ainsi cette fois l'Ouest-Etat per-
dra, son procès; il devra indemniser l'industriel,
qui fut puni. parce que le « réseau modèle » a
failli à sa mission. La morale, si on peut dire, de
cette histoire, c'est que l'Etat, entrepreneur de
transports, devra rendre et au delà l'argent
que l'Etat, directeur d'établissement maritime,
aura reçu. Combien il eût été plus simple et plus
logique que l'Etat dégrevât immédiatement son
foùirnist&eur il aurait économisé, à opérer ainsi,
tout au moins les frais du procès. C'est ainsi
qu'aurait agi n'importe quel commerçant, à l'ex-
ception de l'Etat. Car l'Etat n'est pas acces-
sible à ces considérations de bon sens élé-
mentaire. Et puis l'Etat-marine n'est peut-être
pas fâché de jouer un méchant tour à l'Etat-
transports. Il le peut faire sans inquiétude le
budget n'est-il pas là pour payer les dépenses de
cette absurde petite guerre entre ministères?
• ♦
Les grands amis des petits enfants
La représentation de David Copperfield sur le
théâtre de l'Odéon fut hier, pour les lettrés, l'oc-
casion de rêver à une question de littérature que
Taine, au tome cinquième de sa grande Histoire
de la littérature anglaise, pose dans les termes sui-
vants «. Par opposition à ces êtres factices et
mauvais que produisent les institutions sociales,
vous trouvez des êtres bons tels que les fait la na-
ture, et au premier rang les enfants. Nous n'en
avons point dans notre littérature. Le petit Joas
de Racine n'a pu naître que dans une pièce com-
posée pour Saint-Cyr; encore le pauvre enfant
parle-t-il en fils de prince, avec des phrases nobles
et apprises, comme s'il récitait son catéchisme.
Aujourd'hui, chez nous, on ne voit de ces portraits
que dans les livres d'étrennes, écrits pour offrir
des modèles aux enfants sages. Dickens a peint
les siens avec une complaisance particulière; il
n'a point songé à édifier le public, et id l'a
charmé. »
Il lui avait demandé si elle n'avait jamais
entendu parler d'un enfant abandonné naguère,
dans le pays; une petite fille, d'un an environ.
La mère Moulasse avait répondu en racon-
tant ce qu'elle savait. Il avait pris des notes et
était parti par la route de Saint-Etienne.
Avec cette histoire-là, les Pail en avaient
pour trois nuits à ne plus fermer les paupiè-
res. Ils considéraient leur enfant comme si
elle eût été sur un lit d'agonie.
Ah! disait Angèle, pourquoi, mon pauvre
homme, as-tu mis ces insertions dans les jour-
naux ? Ça reste, cela; c'est imprimé; ça dure,
ça se conserve; et c'est cela qui fera notre
malheur, vois-tu!
Hélas! répliquait-il, contrit, j'avais cru
bien faire. Honnêtement, c'est ainsi qu'il fal-
lait agir et je ne prévoyais guère.
Moi non plus, reconnaissait Mme Pail;
moi non plus, assurément. C'est prodigieux
ce que cette petite a pris de place, s'est impo-
sée ici!
Nous étions mûrs; les vieux sans en-
fants accueillent les chiens perdus; nous avons
été privilégiés; notre petit chien est bien joli
et bien intelligent.
Oui, mais que son vrai maître passe et
siffle, nous, nous resterons là, à le regarder
partir.
Pourtant avec .les jours ils se rassuraient
un peu; mais la Fauchette revenait, dolente
« Le monsieur avait reparu. » Et toutes les
épouvantes recommençaient.
Un jour, pour en avoir le cœur net, Mme
Pail s'en fut d'un pas rapide chez la mère
Moulasse et lui demanda des détails et des
explications. D'abord la vieille ouvrait de
grands yeux, roulait la tête, ne comprenant
pas. Enfin elle finit par déclarer que tout ça
c'était des « imaginations » de la Fauchette et
qu'elle-même n'y était pour rien.
D'un bond Angèle fut chez l'ancienne nour-
rice de Giselle. la trouva dans' son taudis en
train de faire cuire un morceau de lard aux
lentilles, et lui servit ses quatre vérités en ter-
mes francs et nets. Comme conclusion, elle la
priait de les dispenser de ses visites à l'-avenir.
Pour l'argent on s'arrangerait à le lui faire
parvenir.
Ricanante, l'œil en dessous, l'air mauvais, la
paysanne laissa tout dire, et à la fin, ne répon-
dit que par ces mots
A votre aise. On verra bien. Les petits
peuvent mordre aussi. Pour l'argient, vous êtes
bien honnête; et ce .qui est bon à prendre est
bon à~gar
Est-il vrai, comme l'affirme Taine avec un dog-
matisme excessivement péremptoire, qu'il n'y ait
point d'enfants « dans notre littérature »? L'illus-
tre historien n'est-il point trompé par une enreui1
d'optique, lorsqu'il voit uniquement, exclusivement
en Angleterre un terreau propice à l'éclosion de
ces fleurs délicates de- la nature et de l'art. Lors-
que Taine est engagé dans une de ces démonstra-
tions pittoresques et descriptives où il excelle et
triomphe, on sait avec queMe inflexible rigueur il
va, par une sorte de gageure dialectique, jusqu'au
bout de son propos. Avec quel lyrisme de logicien
il entonne la louange des enfants anglais, tels que
les a enluminés, en ses images de keepsake, la cé-
lèbre Kate Greenaway! « Ils ont une carnation si
fraîche, un teint si délicat, une chair si transpa-
rente et des yeux bleus si purs, qu'ils ressemblent
à de belles fleurs. Rien d'étonnant si un romancier
les aime, s'il prête à leur âme la sensibilité et l'in-
nocence qui reluisent dans leurs regards, s'il juge
que ces frêles et charmantes roses doivent se bri-
ser sous les mains grossières qui .tenteront de les
assouplir. » Plus loin, analysant la « sensibilité
extrême », l'accent d'humaine tendresse et de dou-
loureuse pitié qui font de David Copperfield un
des plus émouvants chefs-d'œuvre de la littérature
européenne, Taine écrit « Ces douleurs enfanti-
nes sont aussi profondes que des chagrins d'hom-
me. C'est l'histoire d'une plante fragile qui fleu^
rissait dans un air chaud, sous un doux soleil, et
qui, tout à coup transportée dans la neige, laisse
tomber ses feuilles et se flétrit. »
Certes cela est fort bien dit. Mais est-il vrai que
le privilège de mettre sur la scène ou dans te
roman ces « douleurs enfantines » appartienne
exclusivement aux Anglais? Taine, qui n'aimait
pas Victor Hugo lequel 'lui rendait avec usure
cette sincère antipathie, Taine, en écrivant
son admirable étude sur Dickens, n'a pas voulu
penser aux Misérables. Il a oublié également les
délicieux portraits d'enfants que l'on trouve dans
Quatre-vingt-treize. Il a oublié tes Pauvres gens
et là Guerre civile et cette idylle tragique de
Petit Paul, où l'on voit
les accablés et 'les souffrants sans nombre
Et les petites mains qui se tendent dans l'ombre.
Non, il n'est pas exact que le bienfaisant ro-
mancier de Martin Chuzzlewit et de Nicolas
Nicklcby ait doté son pays d'une littérature in-
connue jusqu'alors et qu'on lui doive, pour ain-
si dire, une invention sans précédents. Chartes
Dickens avait lu Victor Hugo, cela «s t certain. En
lisant telles pages colorées et 'puissantes de Mar-
tin Çhuzzleiuit (par exemple, la description de
l'orage et le tableau de cette tempête nocturne
qui fait vibrer cloches et clochers .sous ̃ -I,a .fan-
tastique sarabande du vent déchaîné.) on ne peut
se dispenser de songer à ces peintures saisissan-
tes où le poète de Notre-Danie-de-Pans: a ma-
gnifiquement prodigué toutes les ressources de
sa virtuosité verbale et de sa fantaisie vision-
naire. Mais .l'incontestable bienfait de .Dickens, son
plus beau titre de gloire aux yeux de ses con-
temporains et de la postérité, c'est la ferveur
d'apôtre avec laquelle il -mit son merveilleux- ta-
lent au service des malheureux, des déshérités
et des faibles. Ce grand ami des petits enfants
allait, dans les faubourgs de Londres, faire 'des
lectures publiques de ses romans les plus po-
pulaires. Cette propagande, exempte de toute in-?
teiïtioii de lucre ou de réclame, fut une œuvre
essentiellement sociale, aboutissant- à des ̃̃ résul-
tats .pratiques. C'est ce qu'a. exposé M.; Louis Cà-
zamian dans sa thèse syr. le Roman social en An-
gleterre,
Sans David Copperfield, nous n'aurions sans
doute pas le Jack d'Alphonse Daudet, ni peut-être
le Poum de Paul Margueritte, ni le Petit Trott
d'André Lichtenberger, ni les livres poignants et
amers où Edouard Quet a dépeint toute une série
d'enfances malheureuses. C'est à l'apostolat de
Dickens que nous devons les délicatesses toutes
modernes de ce sentiment qui nous incline vers la
misère physique ou morale des tout petits, et dont
M. Paul Deschanel parlait hier avec une éloquence
attristée et touchante, aux obsèques du regretté
Henri Monod.
Il y aura, le 8 décembre prochain, au ministère
de l'intérieur, un concours pour douze emplois de
sous-inspecteur de l'assistance publique. Le pro-
gramme des épreuves comprend une composition
écrite sur les « services de l'enfance ». L'ancien di-
recteur de l'assistance publique était un lettré. Ce
serait honorer sa mémoire et suivre certainement
ses maximes, que de rappeler en cette occasion ce
que la littérature a fait, dans le domaine social, par
la voix des écrivains illustres qui furent les grands
amis des petits enfants.- G. D.
LE TRAITE FRANCO-ALLEMAND
I/lnterpellatlon inarocaiue au Retchstag
Notre correspondant de Berlin nous adresse, avant
l'ouverture de la séance, la dépêche suivante
C'est aujourd'hui, à une heure, que le Reiehstag
Angèle la laissa dévider sa morale et retour-
ner son lard et s'en revint chez elle, vibrante de
colère et d'indignation. Elle contait tout à Ho-
noré qui la calmait aussitôt par de sages re-
montrances.' ̃•̃••̃'
Voyons, ce n'est pas l'heure de s'agiter et
de se faire du mauvais sang, puisque toutes
ces méchantes histoires sont autant de menson-
ges. Réjouissons-nous, au contraire La petite
n'est pas menacée, c'est l'essentiel; et les ma-
nœuvres de la Fauchette ne sont que méprisa-
bles. Continuons à organiser notre existence
avec sérénité.
Ils s'y efforcèrent. Entre eux, Giselle grandis-
sait libre et vagabonde, occupée des oiseaux et
des plantes. Ils la considéraient avec curiosité
et un peu d'appréhension, se demandant, par-
fois, dans une inquiétude des mystères atavi-
ques, quelle jeune fille, quelle femme sortirait
un jour de cette enfant bruyante et nerveuse
qui grimpait aux arbres et chantait toute la
journée. Ils s'appliquaient surtout à brouil-
ler ses souvenirs, d'ailleurs confus.
Quand elle eut six ans, il ressortait pour elle
de chaque parole comme de chaque action
qu'elle était l'enfant de la maison, la fille de M
et Mme Pail, Mlle Pa.il, Giselle Pail. Elle se
souvenait d'avoir eu une nourrice, la a'econ-
naissait encore si, par hasard, elle la rencon-
trait, mais éprouvait pour elle plus de dégoût
que d'entraînement.
Autour d'elle, ses parents adoptifs, Flora,,
dûment stylée, la gardaient des approehes in-
discrètes, la défendaient des relations peut-être
funestes, sûrement dangereuses. Quand -elle
traversait le village, c'était la main dans la
main de son père, ou de sa mère, ou de Flora.
Elle ne se hasardait pas seule' sûr le'chemin,
devant la maison c'était défendu.
Elle ignorait les autres enfants de. Mousse-
ron, mais eux ne l'ignoraient pas. Sans s'en
douter, les Pail s'aliénaient de plus en plus les
esprits de l'endroit. On les avait louanges
quand ils payaient pour l'enfant perdue cri-
tiqués quand ils l'avaient prise chez eux • blâ-
més et raillés quand ils l'avaient habillée de
soie et de dentelles, l'avaient métamorphosée
en fille de qualité, elle, cette épave. de la vie,
ce débris de la route. On taxa d'orgueil ce qui
n'était que préoccupation tendre, désir d'être
réellement le père et la mère aux yeux de leur
enfant.
.̃ Maurice MoNTÉGUTi
(A suivre].
CINQUANTE ET UNIEME ANNEE.– N° 18393
VENDREDI 10 NOVEMBRE 1911.
PRIX DE L'ABONNEMENT
Mliis, SEINE et seihkt-OISE.. Trois mois, 1«4 tr.y Six mois, S8 fr.; OB m, SQ ».
MPABT» et AlSAŒ-lOnHAlNE.. XV tv.; 34 fr.; es fr.
emOHIOSTAlE. lSfr.; 36 fr.; 7a fr.
lESABOMiEMENTS DATENT DES 1" ET i6 DE jCUAQOE MOIS
Un numéro (à Paris) 1^ centimes
Directeur politique Adrien Hébrard
fontes les lettres destinées à la Rédaction doivent être adressées au Directeur
la Journal no pcnçaant répondre des manuscrits communiqués
prie les auteurs d'en garder copie
ADRESSE télégraphique t emps1 padii
PRIX DE L'ABONNEMENT
PABE, SEINE et SEmE-ET-OISE.. Trois mois, 14 fr. six mois, 33 fr.; un an. SS fc
DEMET" et AlSàC&iOHRAIHE.. lTTr.; S4& eSt,
OOTOH POSTAIS XSfr.; 36 & TB>b.
LES ABOIEMENTS DATENT DES V ET 16 DE CHAQUE MOIS
Un numéro (départements) SO centimes
ANNONCES MM. Lagrange, Cerf ET CiD, 8, place de la Bourso
Ze Journal et les Régisseurs déclinent toute responsabilité quant à leur teneur
TÉLÉPHONE, S LIGNES
N« 103.07 103.08 103.09 103.32 103.33
SOMMAIEE.:
ZjIi*© en a- page
L'accord franco-allkmakd, –La gjuerr& italo-
T0RQUE.– LES PROGRÈS DE LA révolu-
TION. La viE a Paris, Jules Clara tie.
Façre 3 $ <
Les TROUBLES DE TUNIS LA journée d'hier, LES
MORTS ET LES BLESSÉS. LE MONOPOLE DES POU-
DRES ET LES ACCIDENTS DE LA MARINE. LA VIE
LITTÉRAIRE LES ÉTUDES D'HISTOIRE CONTEM-
PORAINE DE M. RENÉ Pinon, André Tardieu.
Page ̃*
NOUVELLES DU jour: –Faits-divers.– TRIBU-
naux. Théâtres. LA restauration DU
Grand-Trianon, Thiébault-Sisson.
Page S
Sport. Commence. BOURSE.
Fage S
DÉJEUNER A l'Elysée 'EN L'HONNEUR DU ROI DE
Grèce. L'interpellation marocaine AU Reichs-
tag, discours DU chancelier. les EMPLOYÉS
D'HOTEL A LA PRÉFECTURE DE police. M. Louppe
DEMANDE SA mise A LA retraite. chambre
DISCUSSION DU BUDGET DE 1912. Dépêches .DU
Sénat.
Paris, 9 novembre
m DE, e. i
BULLETIN DJJ/ÉTRANGER i
FRANCE ET ESPAGNE.
Il y avait hier beaucoup d'animation dans
les couloirs du Palais-Bourbon. On commen-
tait le traite franco-espagnol. On discutait le
passé; On indiquait les solutions possibles
en 1904. A%us" pnrdonner.a-t-on d'envisager ici
les solutions nécessaires en 1911 ?
Les Espagnols, depuis des mois, demandaient
la publication du traité de 1904, comme si ce
traité devait à lui seul justifier tout ce qu'ils
ont fait au Maroc depuis le printemps der-
nier. Voilà le traité publié et les Espagnols
sont obligés de reconnaître au moins qu'il prête
à la controverse. Nous ne leur demandons pas
d'accepter sans débat l'interprétation fran-
çaise. Mais là bonne foi dont nous les espé-
rons animés doit les obliger à confesser que
cette interprétation ne peut pas être écartée a
priori.. Ils soutiennent que la marche sur Fez
du général Moinier équivalait à la suppression
du gouvernement chérifien. Nous. soutenons le
contraire. Tels sont, simplifiés, les termes de
la discussion. Il est impossible.de se dérober
à la nécessité de l'en.gager. Aussi bien n'est-ce
pas la première fois qu'entre deux puissances
le sens d'un traité est controversé. L'Espagne
ne saurait se refuser à cette controverse.
Juridiquement la France serait dans une po-
sition plus forte, si jugeant le traité violé par
l'Espagne, elle l'avait dénoncé au lendemain
du jour où cette violation s'est produite. Elle ne
i'a pas fait, et pour notre part nous le regret-
tons, non point du tout dans un sentiment anti-
espagnol, mais parce que nous pensons que
cette dénonciation eût créé une situation nette,
favorable plutôt que défavorable à l'avenir des
relations franco-espagnoles. Quoi qu'il en soit,
ce qui est fait est fait. Au lieu de dénoncer
le traité, la France s'est bornée à protester. Les
Espagnols »aunaiont .«mauvaise «grâce à s*en
plaindre, même 's'ils espèrent en profiter. La
France, vis-à-vis d'eux, s'est montrée modérée.
Les airs d'intransigeance qu'ils affectent ne
sont donc pas de circonstance. Notre modéra-
tion d'hier ne supprime pas la nécessité de né-
gocier aujourd'hui. Tout au contraire, elle la
précise. Car l'attitude amicale du gouvernement
français à l'égard du cabinet de Madrid dé-
montre que celui-ci n'a pas à craindre de nous
des arrière-pensées et d'obliques manœuvres.
Que peut être cette négociation nécessaire ? '?
Simplement une revision des accords de 1904
et leur adaptation à une situation nouvelle.
L'Espagne a d'autant moins de raison de se
refuser à cette revision qu'elle s'y est prêtée
déjà. Le traité franco-espagnol est du 3 octo-
bre 1904. En 1905, l'intervention hostile de l'Al-
lemagne a totalement changé les conditions du
problème marocain, telles que ce traité les avait
définies. Qu'ont fait alors la France et l'Espa-
gne ? Par l'accord du 1" septembre 1905, elles
ont adapté le traité, en, ce qui touche la police
des ports, à la situation nouvelle qui résultait
de la réunion de la conférence. Il est équita-
ble et nécessaire qu'elles fassent aujourd'hui
la même chose, car là manifestation d'Agadir
et ce qui .s'en est suivi n'ont pas modifié moins
profondément que le voyage de Tanger et la
conférence les données de l'affaire marocaine.
C'est une vérité d'évidence encore que peu
plaisante à formuler que le problème ma-
rocain, qui se résout à son terme contre l'Al-
lemagne, a subi d'un bout à l'autre, de son évo-
lution la pression décisive de l'Allemagne. En
FEUILLETON nu
Petites Gens
et
Grands Cœurs
I • Suite
Quand la Fauchette apprit qu'on voulait lui
retirer la 2)etite, elle poussa des cris, leva les
bras au ciel, le prenant à témoin qu'on lui arra-
chait l'âme et que c'était pour elle comme si
elle perdait trois de ses enfants. Mais Honoré
et Angèle étaient trop affermis dans leurs dé-
cisions pour se laisser troubler par ces phrases
de drame.
Ils coupèrent court en déclarant qu'ils dési-
raient emmener Giselle à la minute même et
que les Fauchet devraient faire suivre dans la
journée le peu de linge et d'habits qu'elle de-
vait avoir. La paysanne s'obstinait à gémir;
alors Angèle, pour en finir, lui déclara qu'elle
entendait, vu sa nombreuse famille,, lui conti-
nuer ses bontés sous là forme de dix écuspar
mois pendant un an encore.
Cette annonce eut un heureux effet et le dé-
part de Gisèlle en fut facilité. Quant à elle, un
peu ahurie au milieu des conversations, elle ne
témoignait encore ni joie ni peine. Au dernier
moment, la Fauchette l'embrassa avec fureur
comme si elle ne devait jamais la revoir, en
larmoyant
Ah que dira ton père Fauchet quand il
va revenir ? Il trouvera la maison quasiment
vide
Il lui en reste sept remarqua Angèle, en
désignant du doigt un groupede moutards mor-
veux, entre douze et cinq ans, qui regardaient
la scène avec des airs terrifiés.
Oui, oui, mais ce n'est point elle. Elle
était Pâme de la maison!
L'dme de la maison partit sans dire adieu à
ses frères et sœurs adoptifs M. Pail le remar-
qua plus loin.
Beproduetion interdite.
1904, la France et l'Espagne se chargent seu-
les de la solution. En 1905, sous la poussée al-
lemande, elles acceptent la formule internaticb
nale. -Et c'est sous la poussée, allemande au^si
qu'en 1011 on revient de cette seconde ? mé-
thode à la première. De même que l'Espagne
avait accepté solidairement avec la France la
conférence d'Algésiras, de même elle semble
avoir accepté volontiers les négociations franco-
allemandes pendant lesquelles elle a « réa-
lisé » sa zone par une interprétation toute spé-
ciale des traités. Il serait donc un peu tard
pour jouer les cavaliers seuls, dire à la France
« Ce que vous avez fait avec l'Allemagne ne
me regarde pas » et invoquer judaïquement
un traité dont l'Espagne a reconnu comme
nous son attitude le prouve que les cir-
constances ultérieures ont modifié la portée.
Enfin, dernier argument, qui est un argu-
ment' de fait, à nos yeux capital, on sait fort
bien à Madrid que si en*juillet dernier la
France avait refusé de causer seule à seule
avec l'Allemagne et demandé la réunion d'une
conférence, le gouvernement espagnol n'aurait
pas pu refuser de s'y rendre. Or qui disait con-
férence disait le gouvernement allemand l'a-
vait précisé et cette thèse de droit était inat-
taquable retour au statu quo de 1906. La
France aurait donc évacué Fez, la Châouïa,
Oudjda. Mais l'Espagne aurait évacué égale-
ment El-Kçar, Larache et le Rif. Cette néces-
sité lui a été épargnée. Par qui ? Par la France.
Par quel moyen ? Au prix des cessions congo-
laises. Les Espagnols, dont on apprécie géné-
ralement la fierté, manqueraient à leurs tradi-
tions en contestant cette vérité et en refusant
de reconnaître leur dette.
Ce point de vue est un point de vue d'équité.
On nous accordera qu'en le défendant la France,
qui a la force pour clle, témoigne de sa, par-
faite loyauté. Cette loyauté, /il est une puis-
sance qui, semble-t-il, est spécialement quali-
fiée pour inviter l'Espagne à la payer de re-
tour. Cette puissance, c'est l'Angleterre. Elle est
unie à la France et à l'Espagne par des ac-
cords et des liens d'amitié. Elle a été témoin
au contrat franco-espagnol de 1904. Elle a con-
seillé à la France de conclure l'accord franco-
allemand de 1911. Elle a donc sa part de res-
ponsabilité dans la situation ancienne et dans
la situation actuelle. Nos lecteurs se souvien-
nent que maintes fois depuis trois ans nous
avons regretté qu'en Orient et ailleurs l'en-
tente cordiale, à laquelle ce journal attache un
si haut prix, fût mollement pratiquée et trop
peu traduite en actes.- Nous avons rappelé ce
mot d'une haute personnalité anglaise « L'ac-
cord franco-anglais ne se manifeste à Cons-
tantinople que par l'inertie absolue de nos
deux ambassades. » Nous avons exprimé le
vœu que dans l'avenir chaque événement inter-
national fût une occasion d'affirmer, comme
en 1905, comme en 1906, la solidarité féconde
de la France et de l'Angleterre.
Le moment actuel est un de ceux où cette so-
lidarité a son rôle à jouer. Qu'on y prenne
garde les quelques Français qui ont conti-
nué à faire des réserves sur l'entente cordiale,
M. Gabriel Hanotaux, M. Ernest Judet, n'ont
pas hésité ces temps-ci à la mettre en cause,
à demander quelle a été depuis six mois son
œuvre. On a comparé l'aide effective que no-
tamment en 1908 et 1909 se sont1 prêtée, mal-
gré de difficiles options, les puissances de la
Triple-Alliance aux faêaiiâtions ^oiasian-tes dès.:
gouvernements de la Triple-Entente. On a es-
quissé cette comparaison non seulement en
France, mais en Angleterre les articles re-
marqués de M. Morton Fullerton dans la Na-
tional Review en témoignent. Il faut que cela
cesse. De toute la force de notre invariable fidé-
lité à l'amitié franco-anglaise nous insistons
pour que dans les semaines qui viennent ceux
qui en ont la garde, à Londres et à Paris, lui
épargnent le grief d'être devenue stérile.
+
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU SniiyjS
Berlin, 9 novembre.
L'empereur Guillaume est rentré hier soir à Pots
dam.
Vienne, 9 novembre.
L'archiduc François-Ferdinand d'Autriche est ren-
é hier à Vienne venant de Berlin. Il s'est rendu
mardi à Schwerin à la cour grand-ducale de Meck-
lembourg.
D'après certains bruits, l'archiduc héritier aurait
profité de son séjour dans la capitale allemande
pour consulter un spécialiste des maladies de la
gorge et des oreilles.
Pendant l'absence de M. Descos, ministre de
France à Belgrade, M. Dard, premier secrétaire de
l'ambassade de France à Vienne, a été chargé de la
gérance de la légation.
Trieste, 9 novembre.
On lit dans le Piccolo que 163 réfugiés tripolitains
sont arrivés à Trieste. Des dispositions ont été pri-
Bah! dit Angèle, ce sont de petits sauva-
ges. Et puis ils ne savent pas compter jusqu'à
huit et, ne s'apercevront même pas de son ab-
sence.
M. Pail sourit.
Eh bien, Giselle ?
Giselle ne soufflait mot elle trottait en si-
lence. Mme Pail répéta
Eh bien, Giselle ?
Pas plus de réponse.
Elle est décontenancée, observa Honoré;
ça passera une fois chez nous.
Ils arrivèrent pour le déjeuner. Flora enleva
l'enfant dans ses bras, la chatouilla et la fit
rire; aussitôt les visages s'éclairèrent..
En réalité, l'accoutumance fut rapide. Pen-
dant cette première journée, elle ne réclama
pas une fois ses amis du Chien-Rouge. Ceci
rendit Honoré pensif.
Ce serait son père et sa mère, dit-il, que
ce serait encore tout pareil. Alors, la voix du
sang
Cela vaut peut-être mieux, répondait An-
gèle. Elle nous arrive toute neuve, sans au-
cune habitude d'affection, sans lien au passé.
Nous pourrons développer en elle les senti-
ments qui nous paraîtront les meilleurs et lui
apprendre la tendresse sans éveiller ses re-
grets.
Soit dit Honoré. Mais je commence à
croire que les petits enfants ont moins de
cœur que les petits chiens.
Certains petits enfants, peut-être.
''La Fauchette %'apportâ pas' le linge1 ni les
vêtements de Giselle; elle trouva bon de ré-
server cet héritage à sa progéniture variée qui
d'ailleurs avait dû déjà en user auparavent.
Elle allégua que le trousseau n'en valait pas la
peine et ne conviendrait plus à la petite prin-
cesse qu'allait devenir Mamzelle Giselle.
Elle grogne encore, remarqua Mme Pail.
Tant mieux, nous en serons peut-être débarras-
sés.
En tout cas, répondait Honoré, nous la re-
verrons tous les premiers du mois, le jour de
la Sainte-Touche. Et puis, elle ne nous lâche-
ra pas comme ça, va! Elle coûtera cher.
Il voyait juste. Mais comme Giselle n'en
manquait pas moins de tout habillement, ils
partirent, un matin, avec elle, pour la ville voi-
sine et la promenèrent dans les magasins. Et
bien qu'elle fut rustaude et de couleurs trop
franches, les demoiselles et les commis admi-
rèrent sa chaude santé, ses cheveux fous et ses
yeux si pleins de choses.
Ce fut une belle journée pour ses nouveaux
ses pour qu'ils puissent continuer leur voyage jus-
qu'à C01,lst,a, ntinople. Rome, 9 noverabue.
.̃Rome, 9 novembre.
Los journaux gardent une extrême réserve s>*r
"je's événements de Tunis/fâlsant seulement derbï'ei's
commentaires sur ces malheureux incidents et ex-
primant la confiance en la loyauté de la France" qui
saura se montrer énergique et réprimer uiie ré-
volte dont la gravité' ne saurait échapper à per-
sonne.
Le Giornale d'Ilulia dit que si on laissait aller les
choses, dans l'état d'esprit actuel des musulmans,
la chasse aux Italiens pourrait bien devenir la
chasse aux chrétiens en général.
Dans les milieux politiques, on ne témoigne au-
cune inquiétude, aucune préoccupation à ce sujet.
Mulhouse, 9 novembre.
Le ^conseil municipal a procédé ce matin à l'élec-
tion pour la première Chambre.
M. Diemer-Heilmann a obtenu la majorité au
troisième tour de scrutin par 17 voix contre 9 à M.
Klug, maire. M. Diemer a été proclamé élu.
«»»
ENTRE LE VICE ET LA VERTU
La Chambre ressemble à ce héros de Cour-
teline qui préférait la souffrance du vice à
celle de la vertu. Elle connaît ses tares, et avant
chaque session elle est fermement résolue à
lutter contre elles. Dès qu'elle est réunie, le
moment d'agir étant venu, elle repousse tous
les moyens thérapeutiques, sous prétexte d'inef-
ficacité. C'est ainsi que pendant les vacances
les députés se sont livrés à de multiples actes
de contrition, suivis de promesses solennelles.
Notre méthode de travail est mauvaise,
avouaient-ils, nous la réformerons; la discus-
sion du budget, alourdie de motions, de projets
'de résolution, s'éternise il ne faut pas per-
sister dans de tels errements, nous allons
changer tout cela, vous allez voir! Nous avons" '1
vu en effet la délégation des gauches accueillir
avec empressement tous les projets de modi-
fication du règlement, puis, en séance, laisser
le courageux M. Breton se débattre seul contre
la surenchère, si bien que, devant le bâillon
qu'on lui présentait, la Chambre s'est dérobée.
Une fois de plus la séduction du vice l'a- em-
porté sur l'austérité d'une vertu que de faux
moralisateurs avaient rendue par trop rébar-
bative.
Les propositions de M. Breton étaient pour-
tant sensées et acceptables. Cet honorable dé-
puté demandait la suppression des interpella-
tions au cours de la discussion des budgets, la
suppression dés. projets de résolution, motions
et ordres du jour motivés et la suppression des
augmentations ou des diminutions de crédits à
titre d'indication. Encore qu'il y ait une dis-
tinction à établir, sur ce dernier point, entre
la diminution d'un crédit à titre indicatif et
son augmentation, toutes ces modifications ré-
glementaires eussent été bienfaisantes. Des
habitudes déplorables se sont introduites dans
la façon d'examiner le budget. Nous en avons
fait une expérience récente et coûteuse. Sous
le ministère Briand, l'opposition a tellement
surchargé cet examen d'interpellations, de mo-
tions, d'incorporations de projets saugrenus
qu'il en est résulté une véritable obstruction,
L'ancien président du conseil a pu dire avec
raison qu'il était la victime d'une «. grève
perlée ,», Les propositions de M. Breton au-
raient e.'u pour effet de rendre à la discussion
dû- budgétisa ph^-sioïiami©- véritable. Maïs ces
retouches n'eurent pas l'heur de plaire à MM.
Marcel Sembat et Andrieux, qui voulurent
les pousser jusqu'à la caricature du 'régime
parlementaire. L'un prétendit réduire à un
quart d'heure l'intervention des orateurs dans
les discussions budgétaires, et l'autre proposa,
avec ironie, la suppression de toute discussion.
M. Breton eut le tort d'abonder en quelque
sorte dans ce sens, en admettant la suppres-
sion des discussions générales sur les budgets
particuliers. C'était absurde. On ne saurait
aborder sérieusement l'analyse d'un budget
sans s'être auparavant mis d'accord sur les
principes dont il s'inspire, et la Chambre re-
noncerait à l'une de ses prérogatives essen-
tielles si elle empêchait les députés de pré-
senter leurs observations sur l'ensemble du tra-
vail qui leur est soumis.
La Chambre fut dupe ou complice de la
surenchère. Elle abandonna bien vite ses vel-
léités vertuetises,.et au lieu de faire un choix
entre des propositions d'une inégale valeur, elle
les repoussa toutes. Ce n'était vraiment pas la
peine d'afficher de si bonnes dispositions pour
en arriver à un tel résultat et le spectacle de
cette impuissance ne grandira pas le prestige
du parlementarisme aux yeux du pays.
*»»
DOXJOEDyEBIsrT T `
Le conseil supérieur de l'enseignement technique
a invité M. Couyba, ministre du commerce et -dei
parents et pour elle-même; car elle saisissait
bien, malgré son très jeune âge, le murmure
de louanges qui s'élevait autour d'elle. Quant
à 'eux, ils jubilaient, se délectaient, buvaient du
lait à pleines tasses. Ils dépensèrent tout ce
qu'ils avaient pris d'argent dans des prévi-
sions sages; puis trois fois plus.
La Fauchette avait raison; Giselle devenait
une princesse, si l'habit fait le moine et la robe
la dame. Huit jours plus tard, l'habitude était
prise, la petite régnait à la maison; à présent,
lavée, peignée, frisée, parfumée, elle se révé-
lait tout autre et apprenait la coquetterie. Tout
de suite, et d'un coup, elle semblait aussi dé-
couvrir la tendresse, manifestait une nouvelle
sensibilité, s'affinait rapidement de corps et
d'âme.
Il était évident qu'elle était de nature très
comprehensive, facilement portée à l'assimila-
tion. Elle regardait et écoutait chaque soir,
elle répétait un mot, elle imitait un geste, un
acte, entendus, étudiés dans la journée.
Drôle de'petite bonne femme disait An-
gèle attendrie.
Honoré, les yeux humides, passait son temps
à sourire.
Nous sommes comblés Une ombre seule-
ment pourquoi cette enfant n'est-elle pas,
réellement, la nôtre ?
Qu'importe si nous l'aimons autant? ré-
pliquait vivement Mme Pail. Plus tard elle
nous aimera aussi elle nous prolongera dans
l'avenir,, avec £oire héritage et notre fnémoû-e,.
Oui, consentait Pail si on nous la* laisse
Angèle cria. C'était leur obsession constante.,
leur hantise de .chaque nuit. Avec les jours, les `,
semaines, les mois, elle grandit, s'aigtiisa, de-;
vint une affreuse angoisse. Les gens et les faits
concouraient à redoubler leurs alarmes, comme
à plaisir, comme à dessein. I
La Fauchette avait surpris cette peur secrète;
elle en jouait, et supérieurement. Elle conti-
nuait à monter à Belle-Vue une fois par
semaine à peu près, s'installait dans le jardin,
sur un banc, les mains croisées sur son ventre
qui de nouveau grossissait encore et elle com-
mençait son antienne la misère des temps,
sept bouches à nourrir, sans compter l'homme
et elle-même. sans compter celui qui allait
venir.
Il n'y avait dé bonheur que pour les coquins.
On abandonnait son enfant au coin d'une route,
quelqu'un passait qui le ramassait et lui faisait
des rentes. Mais le pauvre ouvrier pouvait bû-
cher son soûl, personne ne s'inquiétait du pain
de ses enfants.
l'industrie, à demander au Parlement les crédits
nécessaires à la création d'une école normale. Il
ostime que les cours normaux ne suffisent plus
qu'un établissement spécial est indispensable
;po,ur- former les futurs professeursc-â'easéigneœent
technique.
Peut-être fera-t-on sagement de n'aller pas trop
vite en besogne. D'abord ces sortes d'établisse-
ments sont dispendieux et il ne les faut instituer
que lorsque la nécessité en est absolument démon-
trée. Juste au. moment où l'on cherche* à décentra-
liser et régionaliser toutes les sortes d'enseigne-
ments, où M. Couyba vient, avec un grand sens
des réalités et beaucoup de clairvoyance pratique,
de décentraliser lui-même les cours professionnels,
est-il strictement nécessaire d'amener à Paris ou
dans la banlieue les jeunes gens de province qui
se destinent à entrer dans les cadres du professorat
professionnel ou technique ? Beaucoup d'industriels
et commerçants, qui sont aussi des contribuables,
ne pensent pas ainsi.
N'oublions point que l'Allemagne, qui dans cet
ordre d'idées nous donne l'exemple de l'organisa-
tion souple et féconde, choisit le personnel de cet
enseignement parmi les professeurs d'universités
,oudé gymnases et les instituteurs, parmi les indus-
triels, commerçants où artisans distingués, ou ceux
qui retirés des affaires y ont laissé une solide ré-
putation de rare compétence. On évite surtout de
leur donner assez d'heures de service pour leur
épargner l'envie de devenir des fonctionnaires. En
outre des cours normaux réunissent, pendant les
vacances, plus de 3,000 instituteurs qui y appren-
nent surtout le dessin industriel.
La ville de Genève, qui possède une des plus
fortes organisations d'enseignement technique, une
école professionnelle, une école de métiers (indus-
trie du bâtiment), une de mécanique, et un techni-
cum réunis dans le même bâtiment,'fait appel aux
professeurs de l'enseignement secondaire et aux
industriels, architectes, etc., qui sont en pleine ac-
tivité. Ce sont aussi de notables commerçants ou
usiniers qui chaque mois contrôlent le travail des
élèves. L'avantage que le canton de Genève y
trouve ne se borne pas seulement à une économie
[budgétaire. N'étant pas fonctionnaires, ces profes-
seurs ne s'enfoncent point dans la routine. A côté
de l'école où ils enseignent ils ont leur cabinet,
leur comptoir ou leur usine où ils luttent et se
tiennent au courant du progrès. Les machines nou-
velles, ils les connaissent tout les premiers; si les
ressources de l'école ne suffisent pas à les acqué-
rir aussitôt, ils les font connaître à leurs élèves
dans leurs propres établissements. Et l'on ne voit pas,
chez nos voisins, que ces hommes qui vivent à
même l'action réussissent mal à enseigner ce qu'ils
font. Il leur arrive plutôt de montrer les choses
sous un point de vue plus pratique, comme ils les
voient dans leurs propres affaires, et d'habituer
leurs élèves à des évaluations plus exactes et mé-
thodiques, qu'il s'agisse de machines ou de main-
d'œuvre. D'ailleurs notre Ecole centrale est sou-
mise à un régime analogue. Bref, il semble que le
Parlement y doive regarder à deux fois avant
d'engager la dépense qui résulterait de la création
d'une école normale.
'♦'
L'État centre l'État
̃ Chacun sait, pour en avoir été plus ou moins la
victime! de quelle manie de tracasserie est possé-
̃,efêe J'AdmJnistrati'On qye la monde a depuis long*
temps cesse de nous envier. JVlais'c.e n'est pas séu-
lement contre le public que s'exerce ce travers
tyrannique. Au 'lieu de s'associer pour une œuvre
éommune, au lieu de collaborer en vue du bien gé-
néral, les départements ministériels se dressent ja-
lousement les uns contre les autres, se tendent des
pièges, vivent en état d'hostilité et se battent sur
le dos des contribuables. La petite histoire que
nous allons conter atteste, avec documents à l'ap-
pui, l'esprit de particularisme étroit qui sévit dans
les diverses administrations, au mépris et au pré-
judice de l'intérêt du pays.
Le 18 novembre 1910, une commande de maté-
riel est faite par un établissement de la marine à
un constructeur du Havre, qui s'empresse d'établir
les modèles en bois, et les expédie, dès le 3 dé-
cembre, à son fondeur, en gare des Batignolles.
Les modèles voyageaient malheureusement sur
l'Ouest-Etat, et c'est seulement Le 14 janvier, après
une longue série de réclamations, que le fondeur
peut prendre possession des modèles ils s'étaient
égarés, et il leur avait fallu six semaines pour ac-
complir le voyage du Havre à Paris, ce qui corres-
pond à une vitesse de cinq kilomètres par jour.
Le constructeur, qui a accepté de fournir la
commande dans un certain délai, et qui est passi-
ble d'une pénalité en cas de retard, s'empresse de
mettre la marine au' courant de l'incident. « Les
modèles destinés à la fonte, écrit- il, ont été mis
par nous en gare du Havre le 3 décembre, et le
destinataire n'a été avisé que le 14 janvier; le dé-
lai maximum pour le chemin de fer étant de huit
jours, il résulte de cette livraison tardive un re-
«ferd d'un mois, dont nous vous prions de tenir
Angèle, qui allait et venait, saisissait des bri-
bes de cette lamentation elle s'agaçait, s'irri-
tait s'exaspérait et à la fin, comme elle était
vive, éclatait brusquement.
Ah ça qu'est-ce que vous chantez, la
Fauchette ? Portez cela à d'autres On ne se
soucie pas de vous ni de vos mioches? Alors
à qui est-ce que nous donnons cinquante
francs par mois, pour le plaisir d'être remer-
ciés de la sorte?
La paysanne se confondait aussitôt en ex-
cuses très humbles. Ce qu'elle en disait, ce n'é-
tait pas pour Madame, mais pour d'autres,
les autres. Quant aux cinquante francs, ça
ne faisait jamais que trente-six sous par jour
et le pain était cher et le pain n'est que du
pain
Elle chantait cela en regardant Giselle mor-
dre dans une brioche.
A présent, elle détestait cette, enfant, qui ve-
nait difficilement à elle, l'avait oubliée, ne
semblait pas la connaître. Elle lui disait
« vous »; l'appelait « mademoiselle », ce qui
faisait hausser les épaules d'Honoré et de ma-
dame Pail.
̃ Mais, en réalité, elle en était furieusement
jalouse, furieusement envieuse. Elle ne pou-
vait admettre dans son étroite logique villa-
geoise qu'une enfant trouvée, probablement il-
légitime, quelque petite bâtarde de père incon-
nu, et de mère trop notoire sans doute, vécût
dans, l'abondance, le luxe et la joie, quand ses
'rejetons à elle, les fruits de sa chair, qui avaient .t
̃mi état Civil régulier, ramassaient dans la
trotte les croûtes de pain dur et les pommes
pourries. Cela la dépassait et la révoltait; et de
cette révolte, lentement, sourdement, naissait
la haine.
L'opinion publique la soutenait dans sa ran-
cune;. ce fut vers cette époque que le village
se désaffeetionna de ses anciennes idoles. On
murmurait devant cette folie des Pail; on les
blâmait de concentrer sur une seule tête une
somme de charité qui aurait pu alléger la
misère de tant d'autres.
« Enfin, disait-on, c'était une absurde exagé-
ration de traiter en filleule de prince une pau-
vresse recueillie. »
La Fauchette entendait, n'en criait que plus
fort, n'en larmoyait que mieux. Et c'est alors
qu'elle inventa ses histoires. A Angèle terri-
fiée, à M. Pail soudain blême, elle racontait
qu'un monsieur était venu la veille, au Chien-
Rourge, qu'il s'était attablé et attardé chez la
mère Moulasse, lui avait posé des questions.
=– ̃ Quelles questions?
compte, en reculant d'une même période -la date
de présentation en recette des appareils. »
La requête aurait dû être immédiatement ac-
cueillie, puisque la responsabilité du retard in-
combait non à une enteeprise privée, mais aux
chemins de fer de l'Etat. 11 n'en fut rien, et le di-
recteur de l'établissement de la marine répondit
au constructeur « La requête ne paraît pas pou-
voir être admise, car la société a un recours con-
tre les transporteurs, et il lui appartient de se
faire indemniser par eux du préjudice qui'lui a
"été porté par ces retards, préjudice qui se tradui-
rait par l'application des pénalités. » Ainsi c'est
la Marine elle-même qui engage son fournisseur
à poursuivre l'Ouest-Etat!
Pendant cet échange de lettres, le fondeur achève
sa besogne, et le 16 février il expédie les pièces
fondues en gare du Havre. Elles y arrivent, sans
encombre cete fois, le 18. Mais alors, nouvelle
mésaventure un incendie se déclare sur le quai
de la gare du Havre, dans la nuit du 19 au 20; une
partie des pièces sontbrisées.et par suite inutili-
sables il faut les refaire, et l'industriel n'en
peut prendre livraison que le 5 avril.
Au total, le constructeur avait subi, du fait de
l'Ouest-Etat, par suite d'une part, d'un égarement,
d'autre part d'un incendie, trois mois de retard.
Il réussit pourtant à présenter ses appareils
en recette moins de deux mois après l'expi-
ration du délai fixé par la marine; et il fit valoir,
pour être exonéré de toute pénalité, que la res-
ponsabilité de ce retard pesait entièrement sur
l'administration des chemins de fer de l'Etat.
La marine ne voulut rien entendre. On informa
l'industriel que « sur la pénalité de 277 fr. 88 que
vous avez encourue pour retards de 58 et 59 jours
dans la livraison de pièces qui vous ont été com-
mandées sur votre marché du 18 novembre 1910,
vous serez exonéré d'une somme de. 47 fr. 50 ».
Pourquoi ce chiffre singulier de 47 fr. 50? Aucune
explication n'en était donnée.
Le constructeur dut s'incliner. Il tint toutefois,
écrivit-il à la marine, « à faire remarquer que
nous nous trouvons, pour les motifs de retard que
nous vous avons exposés, pris entre l'administra-
tion des Chemins de fer de l'Etat, qui se retranche
derrière le cas de force majeure pour ne reconnaî-
tre aucun droit à indemnité, tant pour retards de
transport que pour l'incendie dont nous vous
avons entretenu, et l'administration de la marine
qui, ainsi que vous nous l'avez fait savoir par votre
lettre .du 23 février, ne reconnaît pas ce cas de
force majeure ».
Frappé d'une pénalité par la marine pour une
faute indépendante de sa volonté et commise par
les chemins de fer de l'Etat, l'industriel se re-
tourne contre cette dernière administration, la-
quelle s'efforoe de se dérober en invoquant le cas
de force majeure. Soulignons, en passant, ce scan-
dale c'est une règle, à l'Ouest-Etat, d'alléguer le
cas de force majeure dans toutes les circonstances,
alors même que sa responsabilité n'est pas con-
testable (il existe une circulaire en ce sens), afin de
décourager ses innombrables victimes, dont beau-
coup hésitent en effet à s'engager dans un procès.
Il n'en sera pas ainsi cette fois l'Ouest-Etat per-
dra, son procès; il devra indemniser l'industriel,
qui fut puni. parce que le « réseau modèle » a
failli à sa mission. La morale, si on peut dire, de
cette histoire, c'est que l'Etat, entrepreneur de
transports, devra rendre et au delà l'argent
que l'Etat, directeur d'établissement maritime,
aura reçu. Combien il eût été plus simple et plus
logique que l'Etat dégrevât immédiatement son
foùirnist&eur il aurait économisé, à opérer ainsi,
tout au moins les frais du procès. C'est ainsi
qu'aurait agi n'importe quel commerçant, à l'ex-
ception de l'Etat. Car l'Etat n'est pas acces-
sible à ces considérations de bon sens élé-
mentaire. Et puis l'Etat-marine n'est peut-être
pas fâché de jouer un méchant tour à l'Etat-
transports. Il le peut faire sans inquiétude le
budget n'est-il pas là pour payer les dépenses de
cette absurde petite guerre entre ministères?
• ♦
Les grands amis des petits enfants
La représentation de David Copperfield sur le
théâtre de l'Odéon fut hier, pour les lettrés, l'oc-
casion de rêver à une question de littérature que
Taine, au tome cinquième de sa grande Histoire
de la littérature anglaise, pose dans les termes sui-
vants «. Par opposition à ces êtres factices et
mauvais que produisent les institutions sociales,
vous trouvez des êtres bons tels que les fait la na-
ture, et au premier rang les enfants. Nous n'en
avons point dans notre littérature. Le petit Joas
de Racine n'a pu naître que dans une pièce com-
posée pour Saint-Cyr; encore le pauvre enfant
parle-t-il en fils de prince, avec des phrases nobles
et apprises, comme s'il récitait son catéchisme.
Aujourd'hui, chez nous, on ne voit de ces portraits
que dans les livres d'étrennes, écrits pour offrir
des modèles aux enfants sages. Dickens a peint
les siens avec une complaisance particulière; il
n'a point songé à édifier le public, et id l'a
charmé. »
Il lui avait demandé si elle n'avait jamais
entendu parler d'un enfant abandonné naguère,
dans le pays; une petite fille, d'un an environ.
La mère Moulasse avait répondu en racon-
tant ce qu'elle savait. Il avait pris des notes et
était parti par la route de Saint-Etienne.
Avec cette histoire-là, les Pail en avaient
pour trois nuits à ne plus fermer les paupiè-
res. Ils considéraient leur enfant comme si
elle eût été sur un lit d'agonie.
Ah! disait Angèle, pourquoi, mon pauvre
homme, as-tu mis ces insertions dans les jour-
naux ? Ça reste, cela; c'est imprimé; ça dure,
ça se conserve; et c'est cela qui fera notre
malheur, vois-tu!
Hélas! répliquait-il, contrit, j'avais cru
bien faire. Honnêtement, c'est ainsi qu'il fal-
lait agir et je ne prévoyais guère.
Moi non plus, reconnaissait Mme Pail;
moi non plus, assurément. C'est prodigieux
ce que cette petite a pris de place, s'est impo-
sée ici!
Nous étions mûrs; les vieux sans en-
fants accueillent les chiens perdus; nous avons
été privilégiés; notre petit chien est bien joli
et bien intelligent.
Oui, mais que son vrai maître passe et
siffle, nous, nous resterons là, à le regarder
partir.
Pourtant avec .les jours ils se rassuraient
un peu; mais la Fauchette revenait, dolente
« Le monsieur avait reparu. » Et toutes les
épouvantes recommençaient.
Un jour, pour en avoir le cœur net, Mme
Pail s'en fut d'un pas rapide chez la mère
Moulasse et lui demanda des détails et des
explications. D'abord la vieille ouvrait de
grands yeux, roulait la tête, ne comprenant
pas. Enfin elle finit par déclarer que tout ça
c'était des « imaginations » de la Fauchette et
qu'elle-même n'y était pour rien.
D'un bond Angèle fut chez l'ancienne nour-
rice de Giselle. la trouva dans' son taudis en
train de faire cuire un morceau de lard aux
lentilles, et lui servit ses quatre vérités en ter-
mes francs et nets. Comme conclusion, elle la
priait de les dispenser de ses visites à l'-avenir.
Pour l'argent on s'arrangerait à le lui faire
parvenir.
Ricanante, l'œil en dessous, l'air mauvais, la
paysanne laissa tout dire, et à la fin, ne répon-
dit que par ces mots
A votre aise. On verra bien. Les petits
peuvent mordre aussi. Pour l'argient, vous êtes
bien honnête; et ce .qui est bon à prendre est
bon à~gar
Est-il vrai, comme l'affirme Taine avec un dog-
matisme excessivement péremptoire, qu'il n'y ait
point d'enfants « dans notre littérature »? L'illus-
tre historien n'est-il point trompé par une enreui1
d'optique, lorsqu'il voit uniquement, exclusivement
en Angleterre un terreau propice à l'éclosion de
ces fleurs délicates de- la nature et de l'art. Lors-
que Taine est engagé dans une de ces démonstra-
tions pittoresques et descriptives où il excelle et
triomphe, on sait avec queMe inflexible rigueur il
va, par une sorte de gageure dialectique, jusqu'au
bout de son propos. Avec quel lyrisme de logicien
il entonne la louange des enfants anglais, tels que
les a enluminés, en ses images de keepsake, la cé-
lèbre Kate Greenaway! « Ils ont une carnation si
fraîche, un teint si délicat, une chair si transpa-
rente et des yeux bleus si purs, qu'ils ressemblent
à de belles fleurs. Rien d'étonnant si un romancier
les aime, s'il prête à leur âme la sensibilité et l'in-
nocence qui reluisent dans leurs regards, s'il juge
que ces frêles et charmantes roses doivent se bri-
ser sous les mains grossières qui .tenteront de les
assouplir. » Plus loin, analysant la « sensibilité
extrême », l'accent d'humaine tendresse et de dou-
loureuse pitié qui font de David Copperfield un
des plus émouvants chefs-d'œuvre de la littérature
européenne, Taine écrit « Ces douleurs enfanti-
nes sont aussi profondes que des chagrins d'hom-
me. C'est l'histoire d'une plante fragile qui fleu^
rissait dans un air chaud, sous un doux soleil, et
qui, tout à coup transportée dans la neige, laisse
tomber ses feuilles et se flétrit. »
Certes cela est fort bien dit. Mais est-il vrai que
le privilège de mettre sur la scène ou dans te
roman ces « douleurs enfantines » appartienne
exclusivement aux Anglais? Taine, qui n'aimait
pas Victor Hugo lequel 'lui rendait avec usure
cette sincère antipathie, Taine, en écrivant
son admirable étude sur Dickens, n'a pas voulu
penser aux Misérables. Il a oublié également les
délicieux portraits d'enfants que l'on trouve dans
Quatre-vingt-treize. Il a oublié tes Pauvres gens
et là Guerre civile et cette idylle tragique de
Petit Paul, où l'on voit
les accablés et 'les souffrants sans nombre
Et les petites mains qui se tendent dans l'ombre.
Non, il n'est pas exact que le bienfaisant ro-
mancier de Martin Chuzzlewit et de Nicolas
Nicklcby ait doté son pays d'une littérature in-
connue jusqu'alors et qu'on lui doive, pour ain-
si dire, une invention sans précédents. Chartes
Dickens avait lu Victor Hugo, cela «s t certain. En
lisant telles pages colorées et 'puissantes de Mar-
tin Çhuzzleiuit (par exemple, la description de
l'orage et le tableau de cette tempête nocturne
qui fait vibrer cloches et clochers .sous ̃ -I,a .fan-
tastique sarabande du vent déchaîné.) on ne peut
se dispenser de songer à ces peintures saisissan-
tes où le poète de Notre-Danie-de-Pans: a ma-
gnifiquement prodigué toutes les ressources de
sa virtuosité verbale et de sa fantaisie vision-
naire. Mais .l'incontestable bienfait de .Dickens, son
plus beau titre de gloire aux yeux de ses con-
temporains et de la postérité, c'est la ferveur
d'apôtre avec laquelle il -mit son merveilleux- ta-
lent au service des malheureux, des déshérités
et des faibles. Ce grand ami des petits enfants
allait, dans les faubourgs de Londres, faire 'des
lectures publiques de ses romans les plus po-
pulaires. Cette propagande, exempte de toute in-?
teiïtioii de lucre ou de réclame, fut une œuvre
essentiellement sociale, aboutissant- à des ̃̃ résul-
tats .pratiques. C'est ce qu'a. exposé M.; Louis Cà-
zamian dans sa thèse syr. le Roman social en An-
gleterre,
Sans David Copperfield, nous n'aurions sans
doute pas le Jack d'Alphonse Daudet, ni peut-être
le Poum de Paul Margueritte, ni le Petit Trott
d'André Lichtenberger, ni les livres poignants et
amers où Edouard Quet a dépeint toute une série
d'enfances malheureuses. C'est à l'apostolat de
Dickens que nous devons les délicatesses toutes
modernes de ce sentiment qui nous incline vers la
misère physique ou morale des tout petits, et dont
M. Paul Deschanel parlait hier avec une éloquence
attristée et touchante, aux obsèques du regretté
Henri Monod.
Il y aura, le 8 décembre prochain, au ministère
de l'intérieur, un concours pour douze emplois de
sous-inspecteur de l'assistance publique. Le pro-
gramme des épreuves comprend une composition
écrite sur les « services de l'enfance ». L'ancien di-
recteur de l'assistance publique était un lettré. Ce
serait honorer sa mémoire et suivre certainement
ses maximes, que de rappeler en cette occasion ce
que la littérature a fait, dans le domaine social, par
la voix des écrivains illustres qui furent les grands
amis des petits enfants.- G. D.
LE TRAITE FRANCO-ALLEMAND
I/lnterpellatlon inarocaiue au Retchstag
Notre correspondant de Berlin nous adresse, avant
l'ouverture de la séance, la dépêche suivante
C'est aujourd'hui, à une heure, que le Reiehstag
Angèle la laissa dévider sa morale et retour-
ner son lard et s'en revint chez elle, vibrante de
colère et d'indignation. Elle contait tout à Ho-
noré qui la calmait aussitôt par de sages re-
montrances.' ̃•̃••̃'
Voyons, ce n'est pas l'heure de s'agiter et
de se faire du mauvais sang, puisque toutes
ces méchantes histoires sont autant de menson-
ges. Réjouissons-nous, au contraire La petite
n'est pas menacée, c'est l'essentiel; et les ma-
nœuvres de la Fauchette ne sont que méprisa-
bles. Continuons à organiser notre existence
avec sérénité.
Ils s'y efforcèrent. Entre eux, Giselle grandis-
sait libre et vagabonde, occupée des oiseaux et
des plantes. Ils la considéraient avec curiosité
et un peu d'appréhension, se demandant, par-
fois, dans une inquiétude des mystères atavi-
ques, quelle jeune fille, quelle femme sortirait
un jour de cette enfant bruyante et nerveuse
qui grimpait aux arbres et chantait toute la
journée. Ils s'appliquaient surtout à brouil-
ler ses souvenirs, d'ailleurs confus.
Quand elle eut six ans, il ressortait pour elle
de chaque parole comme de chaque action
qu'elle était l'enfant de la maison, la fille de M
et Mme Pail, Mlle Pa.il, Giselle Pail. Elle se
souvenait d'avoir eu une nourrice, la a'econ-
naissait encore si, par hasard, elle la rencon-
trait, mais éprouvait pour elle plus de dégoût
que d'entraînement.
Autour d'elle, ses parents adoptifs, Flora,,
dûment stylée, la gardaient des approehes in-
discrètes, la défendaient des relations peut-être
funestes, sûrement dangereuses. Quand -elle
traversait le village, c'était la main dans la
main de son père, ou de sa mère, ou de Flora.
Elle ne se hasardait pas seule' sûr le'chemin,
devant la maison c'était défendu.
Elle ignorait les autres enfants de. Mousse-
ron, mais eux ne l'ignoraient pas. Sans s'en
douter, les Pail s'aliénaient de plus en plus les
esprits de l'endroit. On les avait louanges
quand ils payaient pour l'enfant perdue cri-
tiqués quand ils l'avaient prise chez eux • blâ-
més et raillés quand ils l'avaient habillée de
soie et de dentelles, l'avaient métamorphosée
en fille de qualité, elle, cette épave. de la vie,
ce débris de la route. On taxa d'orgueil ce qui
n'était que préoccupation tendre, désir d'être
réellement le père et la mère aux yeux de leur
enfant.
.̃ Maurice MoNTÉGUTi
(A suivre].
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