Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1911-11-09
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 09 novembre 1911 09 novembre 1911
Description : 1911/11/09 (Numéro 18392). 1911/11/09 (Numéro 18392).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Date de mise en ligne : 15/10/2007
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CINQUANTE ET UNIEME ANNEE.– N° 18392
JEUDI 9 NOVEMBRE 1911
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SOMMÀIEE
Xjir© en a* page
LE TRAITÉ FRANCO-ALLEMAND A LA CHAMBRE ET AU
RErCHSTAG. –r- L'ESPAGNE AU MAROC. Le TRAITÉ
SECRET FRANCO-ESPAGNOL (AVEC CARTES). La
GUERRE ITALO-TURQUE LES NOUVELLES OPÉRA-
TIONS DEVANT TRIPOLI. AFFAIRES COLONIALES
TROUBLES A TUNIS. ETRANGER CHINE, L'AS-
SASSINAT DU PRINCE WOU.
Fa,çr© S
EN PASSANT, Pierre Mille. SÉANCE DE RENTRÉE
DE LA CHAMBRE. MARINE: LA QUESTION DES
POUDRES. LE MONDE VIVANT, Edmond Perrier.
Page «a
Mme CURIE REÇOIT LE PRIX NOBEL. L'ENSEIGNE-
MENT POST-SCOLAIRE. LE COMTE DE CHAMBORD,
GUILLAUME Ier ET BISMARCK EN 1870.
&&&& S
TRIBUNAUX. THÉATRES. SPORT. COMMERCE.
BOURSE.
Page e
A PROPOS DES ÉCHANGES AFRICAINS. LE CONGRÈS
ET LE BANQUET DES MAIRES. LES PRIX DE ROME
A L'ELYSÉE. OBSÈQUES DE M. HENRI Monod.
Dépèches DE LA CHAMBRE.
~rs
Paris, 8 novembre
BULLETIN Djy/ÉTRANGER
LE TRAITÉ SECRET DE 1904
Le Matin a publié aujourd'hui le texte du
traité secret conclu le 3 octobre 1904 entre la
France et l'Espagne. Nos lecteurs savent depuis
plusieurs mois en quoi consistait ce traité, car le
Temps en a donné 'l'analyse complète au mo-
ment du débarque, ment espagnol à Larache. Le
textegouvernement espagnol le souhaitait depuis
longtemps, il convient de rappeler, dans un ex-
posé d'ensemble, l'origine de ce traité, sa portée
pratique, l'action qu'il exercera sur les prochai-
nes négociations entre les cabinets de Paris et
de Madrid. Le traité d'octobre 1904 a été signé
en exécution du traité franco-anglais,du mois
d'avril précédent. Mais avant ce traité franco-
anglais il y avait eu déjà des négociations
franco-espagnoles. Si nous croyons devoir ici
les rappeler, c'est qu'elles ont exercé, bien
qu'elles n'eussent point abouti à un accord, une
influence déterminante sur les arrangements
ultérieurs. Lorsque ces négociations s'engagè-
rent à la fin de 1901, aucun acte public n'avait
encore garanti l'intégrité marocaine. Elles s'o-
rientèrent donc naturellement dans le sens
d'un partage. Les deux interlocuteurs n'arri-
vèrent pas d'ailleurs à s'entendre, en dépit de
pourparlers laborieux qui durèrent jusqu'en
1902. La part offerte à l'Espagne était belle,
puisqu'elle englobait Fez. Le gouvernement es-
pagnol estima que ce n'était pas assez, et c'est
son refus qui mit fin à la conversation. Plus
d'une fois les journaux de Madrid ont reproché
ce refus au gouvernement royal, qui effective-
ment perdit, en le formulant, l'avantage d'être
le premier à traiter avec la France au sujet de
l'empire chériflen.
L'année suivante, en juillet 1903, lors du
voyage à Londres de M. Loubet, la négocia-
tion marocaine se rouvrit, mais cette fois en-
tre la France et l'Angleterre, et sans que l'Es-
pagne y prît r^art, Cette nço-ociatioil trouva sa
conclusion dans le traité du 8 avril 1904, qui
reconnaissait à la France (article 2) Le droit
de veiller à la tranquillité du Maroc et de lui
prêter son assistance pour toutes les réformes
administratives, économiques, financières et
militaires. L'article 8 du traité disposait
en outre' que les deux gouvernements
posait en outre que les deux gouvernements
prenaient en particulière considération « les
intérêts que l'Espagne tient de sa position
géographique et de ses possessions territo-
riales sur la côte marocaine de la Méditerra-
née ». En conséquence le gouvernement fran-
çais se concerterait à ce sujet avec le gouver-
nement espagnol, leur accord devant être com-
muniqué au gouvernement britannique.
L'accord ainsi prévu fut signé le 3 octobre
suivant. Il se composait d'une partie publique
et d'une partie secrète. La partie publique, très
̃brève, constatait l'entente franco-espagnole sur
l'étendue des droits et la garantie des intérêts
-français et espagnols au Maroc, enregistrait
l'adhésion de l'Espagne au traité franco-^an-
glais du 8 avril .précédent, affirmait enfin le
principe de l'intégrité marocaine sous la sou-
veraineté du isultan. La partie secrète, com-
posée de seize articles, envisageait l'hypothèse
où par certains événements le statut du Ma-
roc serait profondément modifié, et dans cette
hypothèse arrêtait les limites de deux sphères
d'influence reconnues à l'Espagne, l'une au
nord, l'autre au sud de l'empire chérifien (voir
notre carte, page 2). Il déterminait en outre,
dans le cas où l'hypothèse susvisée ne se réa-
liserait pas et dù le statu quo chérifien serait
maintenu, les rapports de la France et de l'Es-
pagne et leur situation dans leurs zones res-
pectives.
Avant d'aller plus loin, on doit noter le dou-
FEUILLETON DU (foUlS
DU 9 NOVEMBRE 1911 O)_
Petites Grens
et
Grands Cœurs
I Suite
Comme il l'avait annoncé, Honoré commu-
niqua aux journaux de la région et aux feuilles
les plus lues de Paris le signalement de l'en-
fant trouvée, avec la relation de son abandon
même. Le détail de la'couverture bleue à raies
jaunes ne fut pas oublié. Cet avis fut répété
une fois par quinzaine pendant six mois. Rien
ne vint; personne ne répondit.
Alors M. et Mme Pail désespérèrent de ja-
mais retrouver les parents de Giselle; et cepen-
dant, par acquit de conscience chaque prin-
temps, pendant les deux ans qui suivirent, vers
le milieu de mai, aux jours anniversaires, ils
renouvelaient leurs communications à la presse.
A.. partir de cette époque,, ils y renoncèrent,
définitivement, et cela, pour plusieurs causes.
Chez les Fauchet, poussin de plus dans une
couvée nombreuse, Giselle vécut ses premiers
jours comme un petit animal heureux. En en-
trant dans cette maison, elle y apportait un sen-
sible allégement à une trop grande misère; et
à cause de cela surtout, l'homme se montrait
doux pour elle; la femme, de son côté, si elle
avait été prise sur-le-champ, à la première mi-
nute où l'enfant s'était pendue à son sein,
n'en calcula pas moins plus tard les gains
qu'elle représentait et ne l'en soignait que
mieux.
Elle fut sevrée, se tint sur ses jambes, ris-
qua des pas craintifs au milieu de la rue,
tomba dans le ruisseau, commença enfin à
bredouiller des mots confus, semblables à des
cris d'oiseaux et de plus en plus, elle deve-
nait jolie, bien qu'on eut oublié, parfois, de la
débarbouiller.
Reproduction interdite.
ble inconvénient qui s'attachait à ce traité.
D'une part il grevait la politique française
d'une redoutable contradiction. Car tandis que
nous affirmions par nos déclarations publi-
ques notre attachement à l'intégrité maro-
caine, attachement que nous dictait notre in-
térêt, le 'plus évident, nous prenions secrète-
ment vis-à-vis de l'Espagne des engagements
en vue d'un partage, et c'eût été mal connaître
nos voisins que de croire qu'ils dussent renon-
cer à s'en prévaloir, même abusivement. D'au-
tre part, alors que le traité franco-anglais ne
nous avait imposé qu'une obligation, celle d'a-
voir égard aux intérêts que l'Espagne « tient
de sa position géographique et de ses posses-
sions territoriales sur la côte marocaine de la
Méditerranée », l'accord franco-espagnol d'oc-
tobre lui reconnaissait une double zone d'in-
fluence qui lui donnait un double établisse-
ment sur la côte atlantique du Maroc, au nord
à Larache, au sud dans la région d'Ifni. Les
fiourparlers de 1901-1902 se reflétaient ainsi
dans l'accord de 1904, lui donnant, au profit de
l'Espagne, une' extension qui ne résultait pas
obligatoirement des engagements franco-an-
glais.
Les autres dispositions du traité n'étaient pas
non plus sans danger, l'événement l'a prouvé,
en riaison de leur extrême complication. Le
principe de l'intégrité du Maroc et de la sou-
veraineté du sultan étant posé dans la décla-
ration publique, l'accord secret (article 2, para-
graphe 2) définissait, en fonction de ces prin-
cipes, les droits de l'Espagne dans sa zone par
une référence à l'article 2, paragraphe 2, de l'ac-
cord franco-anglais. L'Espagne était donc au-
torisée à veiller à la tranquillité de cette zone
et à prêter au Maroc, dans. cette zone, son as-
sistance pour toutes les réformes administrati-
ves, économiques, financières et militaires dont
il aurait .besoin. En d'autres ternies, l'Espagne
éfjâit appelée à* remplir dans sa zone le même
rôle que la France dans le reste du Maroc. Ou
encore les titres et droits que l'Angleterre avait
reconnus à la France à l'égard de l'ensemble
de l'empire chérifien étaient rétrocédés à l'Es-
pagne en ce qui touche la fraction de cet em-
pire délimitée par les deux cartes annexées au
traité.
Toutefois, cette rétrocession -de droits n'était
pas entière et comportait des restrictions. Jus-
qu'en 1919, l'Espagne (article 2, paragraphe 3)
s'engageait à n'exercer dans sa zone l'action
prévue au paragraphe 2 « qu'après accord avec
la ^France », c'est-à-dire avec le consentement
de la France. Elle s'interdisait, en un mot, d'a-
gir à défaut de cet accord, à plus forte raison
malgré une protestation de lia France. Bien plus
(article 2, paragraphe 4), la France jusqu'en
1919 conservait le 'droit d'étendre librement son
action à la zone espagnole. Elle promettait seu-
lement, si elle .avait à exercer auprès diu sul-
tan une telle action, d'en aviser préalablement
le gouvernement royal, cet avis étant suffisant,
même sans adhésion de l'Espagne. En résumé,
jusqu'en 1919, défense à l'Espagne d'agir, fût-ce
dans sa zone, sans l'agrément de la France;
faculté pour la France d'agir, même dans la
zone espagnole, sous la seule condition d'un
avis préalable fût, oomme de 1904 à 1919, suf-
mière hypothèse envisagée par le traité.
La seconde hypothèse (article 2, paragraphe 5)
visait la période postérieure à 1919. Dans cette
seconde période, le statu quo (intégrité du Ma-
roc, souveraineté du sultan) étant maintenu, la
France conservait îe' droit d'exercer son .action
auprès du gouvernement marocain, même dans
la zone espagnole. Mais au lieu qu'un simple
avis préalable fût, comme de 1904 à 1911, suf-
fisant pour légitimer cette action, un accord
avec l'Espagne devenait indispensable. La si-
tuation, pour la période postérieure à 1919, était
donc la suivante défense à l'Espagne, comme
auparavant, d'agir, fût-ce dans sa zone, sans l'a-
grément de la France, cet agrément demeurant,
sans limitation de durée, la condition de toute
action de l'Espagne, même dans la zone espa-
gnole faculté pour la France d'éteqdre son
action, comme dans la première période, à l'en-
semble du Maroc, fût-ce à la zone espagnole,
mais obligation pour elle, dans le cas où son
action viserait ladite zone, d'obtenir l'agrément
de l'Espagne, qui, dans da première période, ne
lui était point nécessaire.
Une troisième hypothèse enfin (article 3) vi-
sait le cas d'un changement du statu quo. Dans
ce cas, « l'Espagne pourrait exercer librement
son action dans sa zone ». Restait à savoir
quels étaient les « changements » créant ce
régime nouveau. L'article prévoyait d'abord la
disparition du gouvernement chérifien; en-
suite l'impuissance persistante dudit gouver-
nement à assurer la sécurité et l'ordre publics,
enfin « toute autre cause à constater d'un com-
mun accord. ». Est-il besoin de montrer com-
bien cette dernière rédaction était vague et
flottante, combien elle jurait avec la précision
qui convient à un accord de cette sorte? Elle
était, au point de vue de la rédaction, aussi re-
grettable que la clause du traité franco-anglais
d'avril 1904 (article premier, paragraphe 2),
obligeant la France à « ne pas entraver l'action
de l'Angleterre en Egypte en demandant qu'un
terme fût fixé à l'occupation britannique ou de
toute autre manière ». Toute autre manière,
Honoré et Angèle la suivaient de loin dans
cette première évolution. Ils s'y intéressaient
à coup sûr, mais vaguement encore, avec quel-
que hésitation. Peut-être une voix mystérieuse
et prophétique les avertissait-elle déjà de tout
ce quils auraient à souffrir plus tard par
le fait de cette gamine, à présent morveuse, qui
pétrissait des pâtés de boue avec ses deux
mains noires.
Quand la Fauchette leur amenait l'enfant
le dimanche, ainsi qu'il avait été convenu, ils
les recevaient d'une façon cordiale, faisaient
asseoir la paysanne, lui offraient des biscuits et
du vin, et s'efforçaient une minute d'entrer en
relations avec la petite. Mais celle-ci, farou-
chement réfugiée dans le cou de sa nourrice,
refusait de tourner la tête, d'accorder un re-
gard à ces étrangers; et si l'on insistait, elle
se mettait à brailler avec une voix d'épouvante.
Il fallait renoncer ils renonçaient bien vite
puis ils étaient choqués, Angèle surtout, parce
que l'enfant était pisseuse, mal lavée et d'o-
deur villageoise.
Ils bourraient les poches de la Fauchette de
savons et d'éponges, prodiguaient le linge
et la renvoyaient, chaque fois, avec une grosse
pièce blanche, en dehors de l'argent du mois. Et
c'étaient des bénédictions. Quand ils'passaient
par le Chien>-Rouge, ce qui était assez rare eu
somme, ils s'arrêtaient à la cabane des Fau-
chet, un peu par devoir, et demandaient leur
fille. On l'arrachait à la mêlée de moutards où
elle grouillait en joie on la leur apportait
toute chaude; et la Fauchette se désolait de
n'avoir pas été prévenue pour lui faire sa toi-
lette mais Giselle, désespérée d'être séparée
de ses frères et sœurs, « c'était tout comme »
disait Fauchette se débattait, hurlait encore,
en envoyant des coups de pied. Alors les Pail
se contentaient de lui caresser les cheveux du
bout des doigts et la rendaient bien vite à sa
famille d'adoption.
En revanche, le long des routes, ils expri-
maient leurs pensées, échangeaient leurs im-
pressions.
As-tu remarqué, prononçait Angèle que
ses cheveux sont magnifiques?
Certainement, répliquait Honoré ils sont
abondants, vigoureux, et j'ai vu qu'ils frisaient
naturellement; mais ne trouves-tu pas qu'ils
toute autre cause, voilà des formules faites
pour provoquer les conflits et qui jamais, sous
•aucun prétexte, ne devraient trouver place
dans un traité international, pas plus que dans
un contrat privé.. < ̃• ̃ '• .-•̃
Tels sont les articles essentiels du traité se-
cret de 1904. On aperçoit le parti que l'Espagne
a prétendu en tirer depuis six mois. Aux ter-
mes de l'article 2, la souveraineté du sultan
étant maintenue, l'Espagne n'avait pas le droit
ni avant ni après 1919, d'occuper Larache, ni
El-Kçar, ni d'exercer dans sa zone aucune
action, quelle qu'elle fût, sans obtenir au préa-
lable l'agrément de la France. Pour s'affran-
chir de l'obligation de solliciter cet agrément,
elle a donc soutenu que l'hypothèse visée par
l'article 3 'changement du statu quo) était
réalisée par la marche sur Fez de nos trou-
pes: Que cette thèse soit tendancieuse et
sophistique, il est superflu de le démontrer.
Le sultan, en appelant la France à son aide,
prouvait son existence, usait de sa souverai-
neté, assurait « La sécurité et l'ordre publics ».
La France, en répondant à cet appel, ne faisait
qu'exercer hors de la zone espagnole l'action
qu'en vertu du traité même de 1904 elle a,
jusqu'en 1919, la liberté d'exercer même dans
cette zone. M. Cruppi, alors ministre des affai-
res étrangères, n'a point manqué, à diverses
reprises, de formuler ces objections contre
l'interprétation abusive de l'Espagne. Celle-ci,
,on le sait, n'en a pas tenu compte..
Dira-t-on que la mauvaise rédaction de l'ar-
ticle 3 le lui permettait, puisque, outre la dis-
parition du sultan ou son impuissance à assu-
rer la sécurité, cet article prévoyait aussi, com-
me créant la situation nouvelle qui libérerait
l'Espagne des obligations de l'article 2, « toute
autre cause » ? Cela encore serait insoute-
nable. Car l'article 3 dit « toute autre cause
a constater d'un coni7nun accord ». Or cette
constatation d'accord n'a jamais eu lieu Bien
au contraire, la France a protesté et par suite
l'Espagne, a indiscutablement violé le traité de
1904. Nous avons le droit de soutenir qu'elle
en a violé l'article 2. Nous avons le droit de
soutenir qu'elle en a violé l'article 3. Enfin aux
titres de réclamation que nous créent ces fautes
contre le droit s'ajoute en fait la considération
que par l'accord franco-allemand nous avons
payé à l'Allemagne la totalité du Maroc et
que de toute équité l'Espagne doit participer
aux frais d'une opération dont elle entend bé-
néficier.
C'est dans ces conditions que vont-s'engager
les pourparlers entre Paris et Madrid. Les ar-
guments que soutient notre pays sont assez
sérieux et assez forts pour que nos interlo-
cuteurs et leur presse nous fassent la grâce
de renoncer aux fâcheuses violences qu'ils
nous prodiguent depuis six mois. Le traité
de 1904, mieux rédigé, aurait prévenu sans
doute bien des difficultés. Mais ce traité, même
dans son texte broussailleux, suffit à établir
que l'Espagne a outrepassé ses pouvoirs. Ce
n'est point manquer aux égards qui lui sont
dus de dire que l'heure est venue pour elle de
légaliser après coup cet abus de pouvoir par
un bill d'indemnité qui apporte à la France
une compensation justifiée.
P.-S. Une erreur typographique a fait im-
primer dans notre article d'hier « Du premier
au dernier jour des pourparlers franco-bel-
ges un Livre jaune pourrait l'établir, le
gouvernement français a été plein de sollicitude
go. uve. rnelY!en~ fran~a.is t1. é_t~ pleip. 4~ ¡)QIlioitu!1f¡
.pour, les intérêts peiges. » Nous avions écrit
« Du premier au dernier jour des pourparlers
franco-allemands. »
̃ •»-
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Εinjjg
Berlin, 8 novembre.
L'archiduc héritier d'Autriche, François-Ferdi-
nand, séjourne incognito à Berlin. Il a été vu hier
soir au Residenz Theater, avec sa femme, la du-
chesse de Hohenberg.
MYSTÈRES ET MINISTÈRE
La séance de rentrée a été mouvementée
sans être agitée. Il se dégage des brèves inter-
ventions de parlementaires de toutes opinions
et des colloques engagés entre eux et les mi-
nistres un désir unanime, d'ailleurs conforme
au vœu du pays la Chambre, comme la na-
tion, exige qu'un jet de lumière soit projeté
sur les scandales et les .mystères. Cette curio-
sité légitime n'est pas poussée jusqu'à l'oubli
des devoirs impérieux qui s'imposent à elle.
Le premier de ces devoirs consiste en l'examen
et le vote rapide du budget. La Chambre l'a
compris, et sur les instances de M. Lucien
Klotz, elle a décidé d'aborder, dès jeudi, cet
examen nécessaire. Nous avons trop souvent
déploré ici le régime des douzièmes provisoires
pour ne pas approuver cette décision.
Mais le rôle du Parlement n'est pas liinité
au vote de la loi de finances; les Chambres ont
un droit de contrôle à exercer sur les affaires
publiques, et jamais l'exercice de ce droit n'a
paru plus impérieux qu'en ce moment. Dans
un régime parlementaire, le pays doit être
sont un peu roussâtres et que cette nuance.
Ça passera, affirmait -vivement Mme
Pail beaucoup d'enfants, qui seront bruns,
commencent par être roux.
Est-ce bien certain? interrogeait Pail, mé-
fiant. Enfin, n'importe! Oui, elle a de beaux
yeux. Ils sont d'un bleu étonnant qui décou-
rage la comparaison ni le ciel, ni la mer ne
détiennent cette couleur-là; certaines pierres
précieuses peut-être, certains saphirs; et en-
core, non; c'est mieux, c'est autre chose, il y a
la vie. des saphirs vivants. et l'on n'imagine
pas cela. Avouons-le ses yeux sont incompa-
rables; tu ne trouves pas ?
Si, mais si, répondait Angèle. pourtant.
Pourtant quoi ?
A tout dire, je les trouve durs; je n'ai ja-
mais surpris en eux le passage d'une expres-
sion tendre et j'ai peur qu'ils n'annoncent une
âme sans bonté.
Honoré s'égaya; et dans un rire ironique, il
protestait
En voilà-une histoire à propps d'une ga-
mine de trois ans Comme c'est étonnant
qu'elle nous oppose des regards sans douceur,
à nous dont l'apparition la dérange toujours
dans son sommeil ou dans ses jeux! Voyons,
Angèle, est-ce sérieux ?
Elle soupira • <"̃••̃ ̃- •̃' ̃<
-Je ne demande pas mieux que de me trom-
per. On verra
Oui, on verra, reprit Pail, en haussant les
épaules; nous avons le temps de la contempler!
Mais quand Giselle eut quatre ans, une révo-
lution se fit brusquement dans les âmes jusque-
là fermées de M. et de Mme Pail; leur tiédeur
s'échauffa subitement; et bientôt, la passion
flambait, dominatrice et dévorante; l'enfant les
conquit; ils devinrent esclaves. Voici comment.
La Fauchette continuait à conduire fidèle-
ment chaque dimanche matin l'enfant à Belle-
Vue, la villa blanche et rose de la colline; elle
n'avait garde d'y manquer, d'abord par respect,
par convenance, puis aussi parce que la visite
était toujours fructueuse. Ingénument elle em-
portait avec elle un panier vide et. rapportait
un panier plein. C'était traditionnel; à la lon-
gue cela semblait faire partie du contrat.
Or peu à peu, Giselle, grandie et développée
pour son âge. mais rousse obstinément, daigna
renseigné sur tout. Il est inadmissible que
sous des prétextes quelconques, on lui cache
la vérité. C'est pourquoi nous réclamions hier
la publication du rapport du général Gaudin
«<|éputés ont demandé la discussion immédiate
des interpellations sur cet objet, et il a «semblé
que le- gouvernement n'était pas fâché d'oppo-
ser à ces demandes l'urgence du budget. Ce
n'est d'ailleurs qu'une impression de séance
et rien ne permet de croire que le ministère
veuille échapper à un débat approfondi sur les
causes de la catastrophe de la Liberté. Il ne
saurait y avoir « duel », selon le mot de l'un
de nos confrères, entre deux questions aussi
importantes l'une que l'autre, à des titres di-
vers. Le budget doit être examiné et l'affaire
des poudres discutée sans retard. M. Paul
Beauregard, qui connaît les usages du parle-
mentarisme, a dit « La question reste en-
tière de savoir si l'interpellation sur les, pou-
dres, qui va droit au cœur du pays et qui inté-
resse la défense nationale, sera renvoyée de
vendredi en vendredi, jour des interpellations.
Fixez-en la date quand vous voudrez, mais
une fois que le débat sera abordé, poursuivez-le
et terminez-le. » Et l'honorable député de
Paris conclut en proposant de consacrer les
séances de jeudi, vendredi et samedi à la dis-
cussion des interpellations sur les poudres. La
Chambre a préféré se ranger à l'avis du gou-
vernement le budget est inscrit à l'ordre du
jour de jeudi et l'affaire des poudres à celui
de vendredi. L'avis de M. Paul Beauregard
n'en est pas moins judicieux. Le scandale des
poudres doit être rapidement éclairci, et on ne
réussirait qu'à énerver l'opinion publique si la
discussion se traînait de semaine en semaine
sans une prompte conclusion. La Chambre
peut mener de front et le budget et la question
(les poudres. Il est un moyen de simplifier le-
débat en cette dernière matière, c'est de publier
le rapport du général Gaudin et de lui donner
immédiatement toutes les sanctions qu'il com-
porte.
|- M. Paul Beauregard a également demandé
la communication, à la commission des affai-
res extérieures chargée d'examiner l'accord
franco-allemand, de notre traité secret passé
avec l'Espagne. Le président du conseil s'est
jengagé à faire cette communication, et ce
jmatin même ledit traité a été publié. N'est-ce
>pas une preuve que l'existence des docu-
ments secrets est incompatible avec notre ré-
gime politique? La Chambre veut la vérité en
tout et pour tout; pour une fois, elle est d'ac-
cord avec le pays. Il faut donc au plus vite lui
donner satisfaction, et l'exercice de son droit
de contrôle ne l'empêchera pas d'expédier le
budget.
«». _&•
LA MÉDAILLE DE 187O
ïl est permis de se demander si la création
d'une médaille de 1870 s'impose avec une néces-
sité évidente. Les officiers et soldats qui ont réel-
lement accompli des actes d'éclat dans cette
guerre funeste ont été récompensés depuis long-
temps. Certes, ces tragiques souvenirs ne doivent
point s'effacer. Mais si l'on tient à les raviver,
ta forme choisie ne paraît pas très heureuse. Une
distinction honorifique, telle qu'une médaille ou
ça (PÙban, implique une idée de 'satisfaction et
giçend çn, gu^que. sorti? ,iui ai,? $e fôte, Ce .n'est
pas précisément la note qui convient. On a vrai-
ment abusé, après l'Année terrible, de la for-
mule Gloria victis! C'est une formule creuse et
môme dangereuse. La véritable gloire est pour
les victorieux. Les vaincus peuvent avoir sauvé
f'honneur, mais ils n'ont point à se réjouir ni à
se congratuler ce qui leur sied, c'est le deuil et
le recueillement. La seule annonce de la création
de cette médaille a déterminé une explosion de
gloriole inopportune et de convoitise avide, dont
l'è spectacle est un peu' ridicule et un peu affli-
geant. Tout le monde va vouloir obtenir cette
niédaille, comme tout le monde veut avoir les
palmes académiques. Sans affecter pour les palmes
un mépris superbe, on a le droit de dire qu'il
s'agit cette fois de tout autre chose et que cette
assimilation n'est pas éloignée de ressembler à
une profanation. Les revers de la patrie ne doi-
vent point nous fournir de monnaie électorale ni
de hochets de la vanité, et il n'y a point place pour
des scènes de comédie dans ce drame douloureux.
Le gouvernement a reçu, dit-on, près d'un million
de demandes! Ce chiffre dépasse manifestement
celui des combattants effectifs qui peuvent sur-
vivre après quarante ans. On invoquera non pas
seulement des titres sérieux, mais des prétextes
dérisoires. Bien que l'instruction relative aux for-
malités dissuade les postulants de. faire appel à
aucune recommandation, beaucoup d'entre eux
qui ne seront pas toujours des plus méritants
solliciteront l'apostille de leur député. On croira
certainement que les interventions parlemen-
taires joueront un rôle dans cette distribution,
comme dans celle de tous les emplois et de toutes
les faveurs. Cette seule hypothèse, appuyée sur
une longue expérience, est déjà démoralisante.
Qui sait si elle ne deviendra pas une réalité et si
cette médaille ne sera pas un jour ou l'autre ac-
cordée', comme les postes de victime du Deux-
fixer ses yeux incomparables sur les habitants
'de Belle-Vue, sur les êtres ou les choses qui les
entouraient. Elle s'intéressait aux figures, aux
bonshommes, aux monstres, aux dieux du mu-
sée Pail, leur souriait, les admirait, ce qui sub-
jugua sur-le-champ Honoré et le mettait à sa
dévotion; elle évoluait à l'aise, au milieu des
meubles reluisants, astiqués et frottés à toute
heure par Angèle, et s'arrêtait avec complai-
sance devant les glaces une âme se révélait,
amoureuse du luxe, d'un luxe relatif, il est
vrai, mais elle «'en connaissait point d'autre.
Enfin elle s'empara souverainement du cœur
de Mme Pail en pleurant sur le corps d'une hi-
'rondelle morte, trouvée dans de jardin. Dès
lors elle compta dans, la maison.
r La servante Flora, qui d'abord l'avait vue
venir sans joie, à présent en raffolait aussi; de
temps à autre, sans prévenir, elle allait la cher-
cher au Chien-Rouge et la ramenait pour le
déjeuner. Les deux époux l'accueillaient tou-
jours avec transport; quand elle s'en allait, ils
restaient mélancoliques.
Ils n'osaient pas s'avouer l'un à l'autre leurs
intimes pensées; et cependant, elles étaient de
ia même nature et de la même couleur et ils de-
vaient s'entendre au premier mot.
^Lin-dimanche, au moment du départ, Giselle,
de plus en plus volontaire, refusa de quitter Ja
maison et fit une belle scène; elle s'accrochait
au. cou d'Angèle, pleurait et suppliait qu'on la
gaÉdàt. La Fauchette ne parvenait pas à la cal-
ïnef et marquait sa colère de cette ingratitude
«une enfant qu'elle avait nourrie » Et Ho-
norq, comme Angèle, les entrailles déchirées,
n'osait intervenir.
Enfin la paysanne emporta de force l'enfant
toujours hurlante; ils l'entendirent descendre
le chemin en parlant d'une voix dure; et Gi-
selleJcriait plus fort, sous les gifles sans doute.
Honoré, un peu pâle, regarda Angèle devenue
blême. Elle murmura
jÇa m'a bouleversée.
;Ma femme, dit M. Pail, j'ai à te parler.
Viens t'asseoir sur ce banc, sous les troënes, ce
sera long.
Et. quand ils furent assis côte à côte, l'époux
commença
Angèle, il y a eu, au mois de mars dernier,
dix-huit ans que nous sommes mariés; nous
Décembre, à des électeurs nés depuis les événe-
ments ? La vraie manière de commémorer la
guerre de 1870, c'est de nous faire une armée
forte et d'entretenir Je patriotisme des jeunes
générations. Tout le reste est puéril et peut être
nuisible.
VU CÊITiaVE
Ces jours derniers a étéi inauguré, au cimetière
Montparnasse, le monument élevé à la mémoire
de Brunetière. Au vide qu'il a laissé parmi les
critiques et les moralistes, on mesure toute la
place que Brunetière occupait dans la pensée con-
temporaine. Pour ne pas être bruyante ni popu-
laire, sa gloire n'en était que plus solide. Elle
grandira chaque jour davantage, parce qu'on se
rendra mieux compte du rôle qu'il a joué et de
l'influence qu'il a exercée. Pour lui, la critique était
une façon d'apostolat. Il n'avait rien de commun
avec un dilettante, un virtuose, qui voit dans les
études littéraires ample matière à jouer avec les
idées générales. Il cherchait* à retirer de ces étu-
des des lois littéraires et des principes moraux.
Par Ja plume, par la parole, il n'a cessé de combat-
tre pour ses théories avec une ardeur, une fou-
gue et une ténacité extraordinaires. Il avait dans
la voix et dans le style je ne sais quoi de péremp-
toireet presque d'agressif, qui commandait l'at-
tention et inspirait le respect. Même ses adversai-
res estimaient sa haute probité intellectuelle.
Qui ne se rappelle le succès sans précédent
qu'obtinrent ses conférences ? Ce n'était point pour
recueillir de vains applaudissements qu'il aimait
parler en public. Il m'a expliqué un jour les avan-
tages que la critique littéraire trouvait dans la
conférence; ce qu'il y a d'actuel dans les questions
littéraires qui paraissent le plus éloignées de
nous; enfin de quelle façon il avait été amené à
conformer sa vie aux idées morales et religieuses
puisées dans ces études.
« II existe, disait-il, une prévention contre les
orateurs et l'art oratoire. Dans le journalisme,
dans les académies, on traite volontiers de creux,
de sonore et de vain ce qui revêt la forme ora-
toire. Ceux qui se piquent de penser fortement et
d'émettre des idées ont coutume de répéter
« Moi, vous savez, je ne suis pas un orateur », ou
bien « Je ne fais pas de rhétorique. » Dès que
je me suis aperçu qu'on m'écoutait, j'ai compris
qu'on pouvait tenter de concilier l'accent oratoire
avec des idées précises, nettes et solides. Une con-
férence vraiment oratoire n'est pas incompatible
avec des dessous profonds. » Là encore il fallait
réagir contre une école dont Renan, au moins dans
ses cours, était le grand maître. Dans ces cours il
paraissait le contraire de ce qu'il se mon-
trait dans ses écrits. La plume à la main,
il jonglait avec les idées générales, autant
ou plus habilement que personne; mais prenait-il
la parole ex cathedra, il n'affectait que de dire des
choses ingrates, incapables d'intéresser un autre
public que celui de ses hébraïsants. Il avait adopté
de combattre ce qu'il appelait la vaine éloquence.
Taine pensait sur ce point un peu de la même
façon.
Brunetière se proposa de faire des conférences
telles qu'on vît dans les œuvres du passé et dans
son histoire non seulement l'élément humain,
mais à tout moment de la durée et de l'histoire de
la civilisation ce qu'on pourrait appeler Vêlement
actuel. En voulez-vous un exemple ? Le critique
avait à parler de Bossuet et du quîétisme. Or dans
̃la.qu'estip»;.4îjf. quiètisme, ie problème se posait
en cas termes L'amour de Dieu' doit-il être in-
dépendant de toute considération relative à notre
salut? Il semble, au premier abord, que cette
question n'a aucun intérêt actuel, qu'elle est à
mille lieues de nous. Eh bien, examiner si l'amour
de Dieu doit être complètement désintéressé de
toute considération relative à notre salut, n'est-ce
pas se demander en général ce qu'on entend par
amour désintéressé? Faisons de ce problème une
application profane et extême, mais expressive.
La jeune fille que l'on courtise et qui s'inquiète de
savoir si on l'aime pour elle-même et non pour
toute autre considération se pose exactement la
même question.
Prenons un autre exemple. Qu'est-ce qui préoc-
cupe Pascal? De quoi s'agit-il dans les Provin-
ciales? Des casuistes et des jansénistes. Tout cela
semble bien démodé. Au fond il y va d'une ques-
tion vieille comme les hommes, et qui vivra au-
tant qu'eux. Il importe de savoir quel est de tout
temps le rapport qu'il doit y avoir entre la vie
pratique et les règles de la morale. La morale
n'est-elle qu'un idéal ou bien un ensemble de rè-
gles qu'il faut réaliser? Les jésuites pensaient à
tort'que la morale chrétienne n'était pas très dif-
ficile à pratiquer; ils avaient trouvé des accommo-
dements variés, infinis, avec le ciel. Pascal croyait
le contraire. Enfin dans Molière, on trouve en der-
nière analyse que la nature, selon le poète drama-
tique, est toujours une éducatrioe et une conseil-
lère pleine de vertus. L'objet de YEcole des fem-
mes ne revient-il pas à ceci Faut-il développer
tes instincts de chacun de nous, ou les contrain-
dre et les corriger ? En réalité l'humanité s'agite
et pense dans le même cercle. Il n'y a que l'aspect
et la forme des choses qui varient et non pas leur
fond. Rechercher dans les controverses ou les. œu-
vres littéraires ce qu'elles renferment d'actuel,
voilà ce que Brunetière s'appliquait à faire.
avons toujours vécu d'accord, très unis, bien
faits l'un pour l'autre, sans grand rêve, sans
ambition, heureux de vieillir ensemble en nous
aimant beaucoup.
Sa voix s'altérait; il toussa pour l'éclaircir.
Mme Pail lui prit la main; elle l'encourageait
Continue; ce que tu dis me fait plaisir.
Oui, reprit Honoré, entre nous jamais un
nuage, même fugitif; nous avons les mêmes
goûts, les mêmes habitudes; et cela, je le ré-
pète, depuis dix-huit ans. Alors comment se
fait-il qu'à présent nous manquions de fran-
chise l'un avec l'autre ? Comment cela se fait-
il ?
Angèle baissa la tête.
C'est vrai, murmura-t-elle, je comprends;
tu as raison. Eh bien, commence, toi. C'est à
propos de Giselle, hein?. Elle nous tient, cette
petite
Voici un premier aveu; je l'enregistre, dé-
clara Pail; jouons franc jeu. Qu'allons-nous
faire de cette enfant? Désormais c'est une pe-
tite personne, elle comprend, elle agit, elle
parle, elle souffre. Elle a surpris nos cœurs,
et cela devait arriver. Vieux époux sans en-
fants, nous étions à la merci des petits pas-
sants de la grande route. Enfin, pour être
brefs, je crois qu'il est inutile de lutter contre
nos .sentiments; et nous n'avons pas "autre
chose à faire que de prendre Giselle avec nous,
chez nous, comme notre vraie fille. Cela te
va-t-il?
Mme Pail appuya sa tête sur l'épaule d'Ho-.
noré, ferma les yeux, et récita un couplet ten-
dre
Mon ami, merci, tu m'as devinée! Cette
enfant ici, c'est mon plus grand désir. Mais je
n'osais lé témoigner; je craignais de te mé-
contenter, que tu ne fusses jaloux de mon affec-
tion pour elle, car jusqu'ici je n'ai vécu que
pour toi.
Pail l'interrompit
Mais puisque la gueuse nous a ensorce-
lés, qu'elle m'a pris comme elle t'a prise,
toi aussi, tu pourrais être jalouse, il me sem-
ble ?
Je l'ai peut-être été. Et puis, j'avais peur
aussi qu'un enfant dans cette maison fût un
ôbstacle à la tranquillité de nos vieux jours,
et je ne pouvais t'engager à ce sacrifice-là.
Il avait même demandé, si je puis dire, à ses
études de lui fournir une morale. « J'ai cherché,
me déclarait-il, s'il n'y avait pas moyen de consti-
tuer une morale laïque. En le cherchant, jai cru
m'apercevoir d'abord que c'était difficile; ensuite
que c'était plus hasardeux .que difficile? enûn que
c'était impossible Je me suis ainsi retourné du
côté de l'idée religieuse; et jusqu'alors ayant plu-
,iùL vécu dans un état d'indifférence ou d'incurio-
sité relative vis-à-vis de ces problèmes, j'ai senti
qu'il existait une chose plus impossible que tout
le reste, qui était de prêcher l'idée religieuse du
dehors, en politicien, et sans la professer soi-
même du fond du cœur. Je me suis donc remis a
l'étude des questions que j'avais négligées, telles
que celle de l'origine du christianisme, et après
des perplexités assez naturelles qui s'expliquent
par beaucoup de raisons philologiques ou au-
tres, il m'a paru que la vérité se trouvait de ce
côté et que, comme dit Pascal « Si cette vérité
» n'était peut-être qu'une vraisemblance, il n'y
» avait intellectuellement, moralement et sociale-
» ment que des avantages à la considérer comme
» absolument vraie. »
Et Brunetière avait embrassé, on s'en souvient
la religion catholique avec cette ferveur, ce zèle et
cette constance qu'il apportait en. toute chose. Il,
était devenu pratiquant. Il s'était déclaré catholi-
que, apostolique et romain. Il a pris souvent le
chemin de Rome pour s'assurer de la qualité de
son orthodoxie; et Léon XIII eut raison de ses
doutes. J. G.
LE TRAITÉ FRANCO ALLEMAND
LE TRAITE FRANCO.ALLEMAND
C'est demain que la commission des affaires étran-
gères de la Chambre se réunira pour l'examen du
traité franco-allemand. Ainsi que nous l'avons dît;;
c'est probablement le président de la commission,
M. Paul Deschanel, qui sera chargé dé rédiger le
rapport et de le présenter au Parlement.
C'est demain également que le Reichstag discu-
tera à Berlin le traité. Le gouvernement allemand
aurait désiré que le chancelier pût faire aujourd'hui
son discours qui aurait été ensuite discuté demain
par les députés. Mais ceux-ci n'ont pas accepté
cette combinaison, désireux que leurs observations
vinssent immédiatement après l'exposé de M. de
Bethmann-Hollweg.
Nous avons déjà dit que ces observations de-
vaient rester sans sanction, le Parlement impérial
n'ayant pas à ratifier les accords. Les députés n'en
veulent pas moins faire entendre leur avis, et ils
le feront avec d'autant plus d'ampleur que leurs
discours constitueront en quelque sorte une
bruyante ouverture de la période électorale. On
sait en effet que les élections pour le Reichstag
auront lieu au mois de janvier prochain,
On annonce que le croiseur allemand qui depuis
quatre mois se trouve dans le port d'Agadir quit-
tera son poste incessamment.
L'exposé des motifs du projet de loi
approuvant le traité
Voici le texte de l'exposé des motifs du projet
de loi portant approbation de la convention conclue
entre la France et l'Allemagne, le 4 novembre 1911,
pour la délimitation de leurs possessions respec-
tives dams l'Afrique -équatoriale, que M. de Selves
a déposé hier après-midi sur le bureau de la Chaoir-
bre.
Messieurs,
Vous n'ignorez pas les divers événements qui ont
marqué, depuis plusieurs années, notre politique ma-
rocaine et. qui ont amené le gouvernement -de la Répu-
blique à assurer, soit à Casablanca, soit sur les contins
algéro-marocains, la sécurité de nos nationaux me-
nacés dans leurs personnes et dans leurs biens.
L'insurrection de la région de Fez qui a éclaté au
début de cette année a achevé de démontrer la néces-
sité qu'il y avait d'aider le sultan à s'acquitter des de-
voirs d'un gouvernement régulièrement constitué.
Au moment où la force des événements nous avait
ainsi amenés à répondre à l'appel du gouvernement
chériflen, le gouvernement de la République avait jugé
nécessaire de se mettre en rapport avec les puissances
et de leur marquer le devoir de haute civilisation qu'il
était appelé à remplir.
La question marocaine se trouva donc naturellement
comprise au nombre de celles qui devaient être exami-
nées avec l'Allemagne.
Des entretiens précédemment engagés se poursui-
virent à Kissingen, vers la mi-juin, entre le secrétaire
d'Etat allemand et notre ambassadeur.
Le 1er juillet se produisit inopinément la démonstra-
tion navale d'Agadir.
Le gouvernement impérial motivait cet acte par les
dangers auxquels étaient exposés les ressortissants al-
lemands résidant dans la région du Sous. Il indiquait
que l'Allemagne redoutait que l'autorité du sultan ne
fût impuissante,dans cette partie de l'empire chériflen, à
prévenir des désordres et qu'elle considérait comme né-
oessaire une action extérieure.
Quelle devait être désormais cette action extérieure?
Il ne fut pas difficile de reconnaître que cette action re-
venait à la France et qu'elle devait, pour être efficace,
n'être pas entravée par les restrictions nombreuses
inscrites à l'acte d'Algésiras. -̃̃
C'est sur l'abolition progressive de ces restrictions
et sur la liberté d'action nécessaire à la France que por-
tèrent pendant quatre mois nos échanges de vues avec
l'Allemagne. Nous croyons fermement que le texte au-
quel ont abouti ces longues discussions nous concède
toute la liberté indispensable pour remplir la haute
mission de civilisation et de progrès dont nous pre-
nons la charge au Maroc.
Le gouvernement allemand, en reconnaissant les
droits de la France au Maroc, nous a demandé en re-
Juste! fit Honoré en secouant la tête seu-
lement, à ces désavantages, il faut opposer les
joies et voir un peu qui pèse le plus lourd.
Elle criera, chantera, dansera, cassera tout,
nous fera tourner en bourrique, sera malade,
ou seulement maussade, et l'on s'inquiétera.
Oui; mais elle sera là, toujours présente, avec.
ses diables d'yeux; et surtout, nous n'aurons
plus le souci de la savoir dans un galetas plein
de vermine, de microbes, germes de maladies;
de la savoir aux mains des autres, vivant, en,
dehors de nous, sans nous connaître presque,
mal lavée, mal nourrie, plutôt en bête qu'en
fille. Quand nous nous sommes chargés de
son existence, nous- avons prévu nos devoirs,
nous n'avons pas songé à nos droits. Les se-
conds existent comme les premiers. Cette en-
fant est à nous; nous l'avons laissée trois ans
en nourrice; à présent, il nous plaît de la re-
prendre, c'est légitime; et nul n'a rien à dire.
Les Fauchet?. murmura Angèle.
Les Fauehet? Pauvre amie! S'ils regret-
tent quelque chose, ce sera les cinquante francs
par mois et les profits courants. Ils ont sept en-
fants à eux pour les consoler. Eh bien, on s'ar-
rangera pour les dédommager, voilà tout
Tu es bon, Honoré! Dieu te récompensera.
Elle sera notre fille, elle remplira notre mai-
son; 'nous vieillirons' plus heureux, égayés par
sa présence. Mais, grand ciel pourvu qu'on
ne vienne pas nous la réclamer, maintenant
Il n'y a aucun danger, affirmait M. Pail,
s'efforçant de se convaincre soi-même. Depuis
trois ans En tout cas, je ne mettrai plus d'avis
dans les journaux.
Ah"! non, je t'en prie Alors, c'est dit?
Nous prenons Giselle Si nous allions la
chercher tout de suite?.
Non, demain répondit doucement Pail.
Ce soir, elle pleure, elle crie.
C'est justement pour cela conclut An-
gèle.
Cependant, par un sentiment de fausse honte,
qu'eHe se reprochait, elle consentit à attendre
encore jusqu'au jour suivant.
La nuit lui parut longue. Endormie, elle rê-
vait à l'avenir et faisait des projets.
MAURICE MONTÉGUT.
(A suivre}.
CINQUANTE ET UNIEME ANNEE.– N° 18392
JEUDI 9 NOVEMBRE 1911
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PAEIS, SEME et sone-et-OISE.. Trois mois, 1-4 fr. SU mois, SS fr. Un ta, 53 fï.
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TÉ1ÉPB0XE, & LIGNES
W» 103.07 103.08 103.09 103.32 103.33
SOMMÀIEE
Xjir© en a* page
LE TRAITÉ FRANCO-ALLEMAND A LA CHAMBRE ET AU
RErCHSTAG. –r- L'ESPAGNE AU MAROC. Le TRAITÉ
SECRET FRANCO-ESPAGNOL (AVEC CARTES). La
GUERRE ITALO-TURQUE LES NOUVELLES OPÉRA-
TIONS DEVANT TRIPOLI. AFFAIRES COLONIALES
TROUBLES A TUNIS. ETRANGER CHINE, L'AS-
SASSINAT DU PRINCE WOU.
Fa,çr© S
EN PASSANT, Pierre Mille. SÉANCE DE RENTRÉE
DE LA CHAMBRE. MARINE: LA QUESTION DES
POUDRES. LE MONDE VIVANT, Edmond Perrier.
Page «a
Mme CURIE REÇOIT LE PRIX NOBEL. L'ENSEIGNE-
MENT POST-SCOLAIRE. LE COMTE DE CHAMBORD,
GUILLAUME Ier ET BISMARCK EN 1870.
&&&& S
TRIBUNAUX. THÉATRES. SPORT. COMMERCE.
BOURSE.
Page e
A PROPOS DES ÉCHANGES AFRICAINS. LE CONGRÈS
ET LE BANQUET DES MAIRES. LES PRIX DE ROME
A L'ELYSÉE. OBSÈQUES DE M. HENRI Monod.
Dépèches DE LA CHAMBRE.
~rs
Paris, 8 novembre
BULLETIN Djy/ÉTRANGER
LE TRAITÉ SECRET DE 1904
Le Matin a publié aujourd'hui le texte du
traité secret conclu le 3 octobre 1904 entre la
France et l'Espagne. Nos lecteurs savent depuis
plusieurs mois en quoi consistait ce traité, car le
Temps en a donné 'l'analyse complète au mo-
ment du débarque, ment espagnol à Larache. Le
texte
longtemps, il convient de rappeler, dans un ex-
posé d'ensemble, l'origine de ce traité, sa portée
pratique, l'action qu'il exercera sur les prochai-
nes négociations entre les cabinets de Paris et
de Madrid. Le traité d'octobre 1904 a été signé
en exécution du traité franco-anglais,du mois
d'avril précédent. Mais avant ce traité franco-
anglais il y avait eu déjà des négociations
franco-espagnoles. Si nous croyons devoir ici
les rappeler, c'est qu'elles ont exercé, bien
qu'elles n'eussent point abouti à un accord, une
influence déterminante sur les arrangements
ultérieurs. Lorsque ces négociations s'engagè-
rent à la fin de 1901, aucun acte public n'avait
encore garanti l'intégrité marocaine. Elles s'o-
rientèrent donc naturellement dans le sens
d'un partage. Les deux interlocuteurs n'arri-
vèrent pas d'ailleurs à s'entendre, en dépit de
pourparlers laborieux qui durèrent jusqu'en
1902. La part offerte à l'Espagne était belle,
puisqu'elle englobait Fez. Le gouvernement es-
pagnol estima que ce n'était pas assez, et c'est
son refus qui mit fin à la conversation. Plus
d'une fois les journaux de Madrid ont reproché
ce refus au gouvernement royal, qui effective-
ment perdit, en le formulant, l'avantage d'être
le premier à traiter avec la France au sujet de
l'empire chériflen.
L'année suivante, en juillet 1903, lors du
voyage à Londres de M. Loubet, la négocia-
tion marocaine se rouvrit, mais cette fois en-
tre la France et l'Angleterre, et sans que l'Es-
pagne y prît r^art, Cette nço-ociatioil trouva sa
conclusion dans le traité du 8 avril 1904, qui
reconnaissait à la France (article 2) Le droit
de veiller à la tranquillité du Maroc et de lui
prêter son assistance pour toutes les réformes
administratives, économiques, financières et
militaires. L'article 8 du traité disposait
en outre' que les deux gouvernements
posait en outre que les deux gouvernements
prenaient en particulière considération « les
intérêts que l'Espagne tient de sa position
géographique et de ses possessions territo-
riales sur la côte marocaine de la Méditerra-
née ». En conséquence le gouvernement fran-
çais se concerterait à ce sujet avec le gouver-
nement espagnol, leur accord devant être com-
muniqué au gouvernement britannique.
L'accord ainsi prévu fut signé le 3 octobre
suivant. Il se composait d'une partie publique
et d'une partie secrète. La partie publique, très
̃brève, constatait l'entente franco-espagnole sur
l'étendue des droits et la garantie des intérêts
-français et espagnols au Maroc, enregistrait
l'adhésion de l'Espagne au traité franco-^an-
glais du 8 avril .précédent, affirmait enfin le
principe de l'intégrité marocaine sous la sou-
veraineté du isultan. La partie secrète, com-
posée de seize articles, envisageait l'hypothèse
où par certains événements le statut du Ma-
roc serait profondément modifié, et dans cette
hypothèse arrêtait les limites de deux sphères
d'influence reconnues à l'Espagne, l'une au
nord, l'autre au sud de l'empire chérifien (voir
notre carte, page 2). Il déterminait en outre,
dans le cas où l'hypothèse susvisée ne se réa-
liserait pas et dù le statu quo chérifien serait
maintenu, les rapports de la France et de l'Es-
pagne et leur situation dans leurs zones res-
pectives.
Avant d'aller plus loin, on doit noter le dou-
FEUILLETON DU (foUlS
DU 9 NOVEMBRE 1911 O)_
Petites Grens
et
Grands Cœurs
I Suite
Comme il l'avait annoncé, Honoré commu-
niqua aux journaux de la région et aux feuilles
les plus lues de Paris le signalement de l'en-
fant trouvée, avec la relation de son abandon
même. Le détail de la'couverture bleue à raies
jaunes ne fut pas oublié. Cet avis fut répété
une fois par quinzaine pendant six mois. Rien
ne vint; personne ne répondit.
Alors M. et Mme Pail désespérèrent de ja-
mais retrouver les parents de Giselle; et cepen-
dant, par acquit de conscience chaque prin-
temps, pendant les deux ans qui suivirent, vers
le milieu de mai, aux jours anniversaires, ils
renouvelaient leurs communications à la presse.
A.. partir de cette époque,, ils y renoncèrent,
définitivement, et cela, pour plusieurs causes.
Chez les Fauchet, poussin de plus dans une
couvée nombreuse, Giselle vécut ses premiers
jours comme un petit animal heureux. En en-
trant dans cette maison, elle y apportait un sen-
sible allégement à une trop grande misère; et
à cause de cela surtout, l'homme se montrait
doux pour elle; la femme, de son côté, si elle
avait été prise sur-le-champ, à la première mi-
nute où l'enfant s'était pendue à son sein,
n'en calcula pas moins plus tard les gains
qu'elle représentait et ne l'en soignait que
mieux.
Elle fut sevrée, se tint sur ses jambes, ris-
qua des pas craintifs au milieu de la rue,
tomba dans le ruisseau, commença enfin à
bredouiller des mots confus, semblables à des
cris d'oiseaux et de plus en plus, elle deve-
nait jolie, bien qu'on eut oublié, parfois, de la
débarbouiller.
Reproduction interdite.
ble inconvénient qui s'attachait à ce traité.
D'une part il grevait la politique française
d'une redoutable contradiction. Car tandis que
nous affirmions par nos déclarations publi-
ques notre attachement à l'intégrité maro-
caine, attachement que nous dictait notre in-
térêt, le 'plus évident, nous prenions secrète-
ment vis-à-vis de l'Espagne des engagements
en vue d'un partage, et c'eût été mal connaître
nos voisins que de croire qu'ils dussent renon-
cer à s'en prévaloir, même abusivement. D'au-
tre part, alors que le traité franco-anglais ne
nous avait imposé qu'une obligation, celle d'a-
voir égard aux intérêts que l'Espagne « tient
de sa position géographique et de ses posses-
sions territoriales sur la côte marocaine de la
Méditerranée », l'accord franco-espagnol d'oc-
tobre lui reconnaissait une double zone d'in-
fluence qui lui donnait un double établisse-
ment sur la côte atlantique du Maroc, au nord
à Larache, au sud dans la région d'Ifni. Les
fiourparlers de 1901-1902 se reflétaient ainsi
dans l'accord de 1904, lui donnant, au profit de
l'Espagne, une' extension qui ne résultait pas
obligatoirement des engagements franco-an-
glais.
Les autres dispositions du traité n'étaient pas
non plus sans danger, l'événement l'a prouvé,
en riaison de leur extrême complication. Le
principe de l'intégrité du Maroc et de la sou-
veraineté du sultan étant posé dans la décla-
ration publique, l'accord secret (article 2, para-
graphe 2) définissait, en fonction de ces prin-
cipes, les droits de l'Espagne dans sa zone par
une référence à l'article 2, paragraphe 2, de l'ac-
cord franco-anglais. L'Espagne était donc au-
torisée à veiller à la tranquillité de cette zone
et à prêter au Maroc, dans. cette zone, son as-
sistance pour toutes les réformes administrati-
ves, économiques, financières et militaires dont
il aurait .besoin. En d'autres ternies, l'Espagne
éfjâit appelée à* remplir dans sa zone le même
rôle que la France dans le reste du Maroc. Ou
encore les titres et droits que l'Angleterre avait
reconnus à la France à l'égard de l'ensemble
de l'empire chérifien étaient rétrocédés à l'Es-
pagne en ce qui touche la fraction de cet em-
pire délimitée par les deux cartes annexées au
traité.
Toutefois, cette rétrocession -de droits n'était
pas entière et comportait des restrictions. Jus-
qu'en 1919, l'Espagne (article 2, paragraphe 3)
s'engageait à n'exercer dans sa zone l'action
prévue au paragraphe 2 « qu'après accord avec
la ^France », c'est-à-dire avec le consentement
de la France. Elle s'interdisait, en un mot, d'a-
gir à défaut de cet accord, à plus forte raison
malgré une protestation de lia France. Bien plus
(article 2, paragraphe 4), la France jusqu'en
1919 conservait le 'droit d'étendre librement son
action à la zone espagnole. Elle promettait seu-
lement, si elle .avait à exercer auprès diu sul-
tan une telle action, d'en aviser préalablement
le gouvernement royal, cet avis étant suffisant,
même sans adhésion de l'Espagne. En résumé,
jusqu'en 1919, défense à l'Espagne d'agir, fût-ce
dans sa zone, sans l'agrément de la France;
faculté pour la France d'agir, même dans la
zone espagnole, sous la seule condition d'un
avis préalable fût, oomme de 1904 à 1919, suf-
mière hypothèse envisagée par le traité.
La seconde hypothèse (article 2, paragraphe 5)
visait la période postérieure à 1919. Dans cette
seconde période, le statu quo (intégrité du Ma-
roc, souveraineté du sultan) étant maintenu, la
France conservait îe' droit d'exercer son .action
auprès du gouvernement marocain, même dans
la zone espagnole. Mais au lieu qu'un simple
avis préalable fût, comme de 1904 à 1911, suf-
fisant pour légitimer cette action, un accord
avec l'Espagne devenait indispensable. La si-
tuation, pour la période postérieure à 1919, était
donc la suivante défense à l'Espagne, comme
auparavant, d'agir, fût-ce dans sa zone, sans l'a-
grément de la France, cet agrément demeurant,
sans limitation de durée, la condition de toute
action de l'Espagne, même dans la zone espa-
gnole faculté pour la France d'éteqdre son
action, comme dans la première période, à l'en-
semble du Maroc, fût-ce à la zone espagnole,
mais obligation pour elle, dans le cas où son
action viserait ladite zone, d'obtenir l'agrément
de l'Espagne, qui, dans da première période, ne
lui était point nécessaire.
Une troisième hypothèse enfin (article 3) vi-
sait le cas d'un changement du statu quo. Dans
ce cas, « l'Espagne pourrait exercer librement
son action dans sa zone ». Restait à savoir
quels étaient les « changements » créant ce
régime nouveau. L'article prévoyait d'abord la
disparition du gouvernement chérifien; en-
suite l'impuissance persistante dudit gouver-
nement à assurer la sécurité et l'ordre publics,
enfin « toute autre cause à constater d'un com-
mun accord. ». Est-il besoin de montrer com-
bien cette dernière rédaction était vague et
flottante, combien elle jurait avec la précision
qui convient à un accord de cette sorte? Elle
était, au point de vue de la rédaction, aussi re-
grettable que la clause du traité franco-anglais
d'avril 1904 (article premier, paragraphe 2),
obligeant la France à « ne pas entraver l'action
de l'Angleterre en Egypte en demandant qu'un
terme fût fixé à l'occupation britannique ou de
toute autre manière ». Toute autre manière,
Honoré et Angèle la suivaient de loin dans
cette première évolution. Ils s'y intéressaient
à coup sûr, mais vaguement encore, avec quel-
que hésitation. Peut-être une voix mystérieuse
et prophétique les avertissait-elle déjà de tout
ce quils auraient à souffrir plus tard par
le fait de cette gamine, à présent morveuse, qui
pétrissait des pâtés de boue avec ses deux
mains noires.
Quand la Fauchette leur amenait l'enfant
le dimanche, ainsi qu'il avait été convenu, ils
les recevaient d'une façon cordiale, faisaient
asseoir la paysanne, lui offraient des biscuits et
du vin, et s'efforçaient une minute d'entrer en
relations avec la petite. Mais celle-ci, farou-
chement réfugiée dans le cou de sa nourrice,
refusait de tourner la tête, d'accorder un re-
gard à ces étrangers; et si l'on insistait, elle
se mettait à brailler avec une voix d'épouvante.
Il fallait renoncer ils renonçaient bien vite
puis ils étaient choqués, Angèle surtout, parce
que l'enfant était pisseuse, mal lavée et d'o-
deur villageoise.
Ils bourraient les poches de la Fauchette de
savons et d'éponges, prodiguaient le linge
et la renvoyaient, chaque fois, avec une grosse
pièce blanche, en dehors de l'argent du mois. Et
c'étaient des bénédictions. Quand ils'passaient
par le Chien>-Rouge, ce qui était assez rare eu
somme, ils s'arrêtaient à la cabane des Fau-
chet, un peu par devoir, et demandaient leur
fille. On l'arrachait à la mêlée de moutards où
elle grouillait en joie on la leur apportait
toute chaude; et la Fauchette se désolait de
n'avoir pas été prévenue pour lui faire sa toi-
lette mais Giselle, désespérée d'être séparée
de ses frères et sœurs, « c'était tout comme »
disait Fauchette se débattait, hurlait encore,
en envoyant des coups de pied. Alors les Pail
se contentaient de lui caresser les cheveux du
bout des doigts et la rendaient bien vite à sa
famille d'adoption.
En revanche, le long des routes, ils expri-
maient leurs pensées, échangeaient leurs im-
pressions.
As-tu remarqué, prononçait Angèle que
ses cheveux sont magnifiques?
Certainement, répliquait Honoré ils sont
abondants, vigoureux, et j'ai vu qu'ils frisaient
naturellement; mais ne trouves-tu pas qu'ils
toute autre cause, voilà des formules faites
pour provoquer les conflits et qui jamais, sous
•aucun prétexte, ne devraient trouver place
dans un traité international, pas plus que dans
un contrat privé.. < ̃• ̃ '• .-•̃
Tels sont les articles essentiels du traité se-
cret de 1904. On aperçoit le parti que l'Espagne
a prétendu en tirer depuis six mois. Aux ter-
mes de l'article 2, la souveraineté du sultan
étant maintenue, l'Espagne n'avait pas le droit
ni avant ni après 1919, d'occuper Larache, ni
El-Kçar, ni d'exercer dans sa zone aucune
action, quelle qu'elle fût, sans obtenir au préa-
lable l'agrément de la France. Pour s'affran-
chir de l'obligation de solliciter cet agrément,
elle a donc soutenu que l'hypothèse visée par
l'article 3 'changement du statu quo) était
réalisée par la marche sur Fez de nos trou-
pes: Que cette thèse soit tendancieuse et
sophistique, il est superflu de le démontrer.
Le sultan, en appelant la France à son aide,
prouvait son existence, usait de sa souverai-
neté, assurait « La sécurité et l'ordre publics ».
La France, en répondant à cet appel, ne faisait
qu'exercer hors de la zone espagnole l'action
qu'en vertu du traité même de 1904 elle a,
jusqu'en 1919, la liberté d'exercer même dans
cette zone. M. Cruppi, alors ministre des affai-
res étrangères, n'a point manqué, à diverses
reprises, de formuler ces objections contre
l'interprétation abusive de l'Espagne. Celle-ci,
,on le sait, n'en a pas tenu compte..
Dira-t-on que la mauvaise rédaction de l'ar-
ticle 3 le lui permettait, puisque, outre la dis-
parition du sultan ou son impuissance à assu-
rer la sécurité, cet article prévoyait aussi, com-
me créant la situation nouvelle qui libérerait
l'Espagne des obligations de l'article 2, « toute
autre cause » ? Cela encore serait insoute-
nable. Car l'article 3 dit « toute autre cause
a constater d'un coni7nun accord ». Or cette
constatation d'accord n'a jamais eu lieu Bien
au contraire, la France a protesté et par suite
l'Espagne, a indiscutablement violé le traité de
1904. Nous avons le droit de soutenir qu'elle
en a violé l'article 2. Nous avons le droit de
soutenir qu'elle en a violé l'article 3. Enfin aux
titres de réclamation que nous créent ces fautes
contre le droit s'ajoute en fait la considération
que par l'accord franco-allemand nous avons
payé à l'Allemagne la totalité du Maroc et
que de toute équité l'Espagne doit participer
aux frais d'une opération dont elle entend bé-
néficier.
C'est dans ces conditions que vont-s'engager
les pourparlers entre Paris et Madrid. Les ar-
guments que soutient notre pays sont assez
sérieux et assez forts pour que nos interlo-
cuteurs et leur presse nous fassent la grâce
de renoncer aux fâcheuses violences qu'ils
nous prodiguent depuis six mois. Le traité
de 1904, mieux rédigé, aurait prévenu sans
doute bien des difficultés. Mais ce traité, même
dans son texte broussailleux, suffit à établir
que l'Espagne a outrepassé ses pouvoirs. Ce
n'est point manquer aux égards qui lui sont
dus de dire que l'heure est venue pour elle de
légaliser après coup cet abus de pouvoir par
un bill d'indemnité qui apporte à la France
une compensation justifiée.
P.-S. Une erreur typographique a fait im-
primer dans notre article d'hier « Du premier
au dernier jour des pourparlers franco-bel-
ges un Livre jaune pourrait l'établir, le
gouvernement français a été plein de sollicitude
go. uve. rnelY!en~ fran~a.is t1. é_t~ pleip. 4~ ¡)QIlioitu!1f¡
.pour, les intérêts peiges. » Nous avions écrit
« Du premier au dernier jour des pourparlers
franco-allemands. »
̃ •»-
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Εinjjg
Berlin, 8 novembre.
L'archiduc héritier d'Autriche, François-Ferdi-
nand, séjourne incognito à Berlin. Il a été vu hier
soir au Residenz Theater, avec sa femme, la du-
chesse de Hohenberg.
MYSTÈRES ET MINISTÈRE
La séance de rentrée a été mouvementée
sans être agitée. Il se dégage des brèves inter-
ventions de parlementaires de toutes opinions
et des colloques engagés entre eux et les mi-
nistres un désir unanime, d'ailleurs conforme
au vœu du pays la Chambre, comme la na-
tion, exige qu'un jet de lumière soit projeté
sur les scandales et les .mystères. Cette curio-
sité légitime n'est pas poussée jusqu'à l'oubli
des devoirs impérieux qui s'imposent à elle.
Le premier de ces devoirs consiste en l'examen
et le vote rapide du budget. La Chambre l'a
compris, et sur les instances de M. Lucien
Klotz, elle a décidé d'aborder, dès jeudi, cet
examen nécessaire. Nous avons trop souvent
déploré ici le régime des douzièmes provisoires
pour ne pas approuver cette décision.
Mais le rôle du Parlement n'est pas liinité
au vote de la loi de finances; les Chambres ont
un droit de contrôle à exercer sur les affaires
publiques, et jamais l'exercice de ce droit n'a
paru plus impérieux qu'en ce moment. Dans
un régime parlementaire, le pays doit être
sont un peu roussâtres et que cette nuance.
Ça passera, affirmait -vivement Mme
Pail beaucoup d'enfants, qui seront bruns,
commencent par être roux.
Est-ce bien certain? interrogeait Pail, mé-
fiant. Enfin, n'importe! Oui, elle a de beaux
yeux. Ils sont d'un bleu étonnant qui décou-
rage la comparaison ni le ciel, ni la mer ne
détiennent cette couleur-là; certaines pierres
précieuses peut-être, certains saphirs; et en-
core, non; c'est mieux, c'est autre chose, il y a
la vie. des saphirs vivants. et l'on n'imagine
pas cela. Avouons-le ses yeux sont incompa-
rables; tu ne trouves pas ?
Si, mais si, répondait Angèle. pourtant.
Pourtant quoi ?
A tout dire, je les trouve durs; je n'ai ja-
mais surpris en eux le passage d'une expres-
sion tendre et j'ai peur qu'ils n'annoncent une
âme sans bonté.
Honoré s'égaya; et dans un rire ironique, il
protestait
En voilà-une histoire à propps d'une ga-
mine de trois ans Comme c'est étonnant
qu'elle nous oppose des regards sans douceur,
à nous dont l'apparition la dérange toujours
dans son sommeil ou dans ses jeux! Voyons,
Angèle, est-ce sérieux ?
Elle soupira • <"̃••̃ ̃- •̃' ̃<
-Je ne demande pas mieux que de me trom-
per. On verra
Oui, on verra, reprit Pail, en haussant les
épaules; nous avons le temps de la contempler!
Mais quand Giselle eut quatre ans, une révo-
lution se fit brusquement dans les âmes jusque-
là fermées de M. et de Mme Pail; leur tiédeur
s'échauffa subitement; et bientôt, la passion
flambait, dominatrice et dévorante; l'enfant les
conquit; ils devinrent esclaves. Voici comment.
La Fauchette continuait à conduire fidèle-
ment chaque dimanche matin l'enfant à Belle-
Vue, la villa blanche et rose de la colline; elle
n'avait garde d'y manquer, d'abord par respect,
par convenance, puis aussi parce que la visite
était toujours fructueuse. Ingénument elle em-
portait avec elle un panier vide et. rapportait
un panier plein. C'était traditionnel; à la lon-
gue cela semblait faire partie du contrat.
Or peu à peu, Giselle, grandie et développée
pour son âge. mais rousse obstinément, daigna
renseigné sur tout. Il est inadmissible que
sous des prétextes quelconques, on lui cache
la vérité. C'est pourquoi nous réclamions hier
la publication du rapport du général Gaudin
des interpellations sur cet objet, et il a «semblé
que le- gouvernement n'était pas fâché d'oppo-
ser à ces demandes l'urgence du budget. Ce
n'est d'ailleurs qu'une impression de séance
et rien ne permet de croire que le ministère
veuille échapper à un débat approfondi sur les
causes de la catastrophe de la Liberté. Il ne
saurait y avoir « duel », selon le mot de l'un
de nos confrères, entre deux questions aussi
importantes l'une que l'autre, à des titres di-
vers. Le budget doit être examiné et l'affaire
des poudres discutée sans retard. M. Paul
Beauregard, qui connaît les usages du parle-
mentarisme, a dit « La question reste en-
tière de savoir si l'interpellation sur les, pou-
dres, qui va droit au cœur du pays et qui inté-
resse la défense nationale, sera renvoyée de
vendredi en vendredi, jour des interpellations.
Fixez-en la date quand vous voudrez, mais
une fois que le débat sera abordé, poursuivez-le
et terminez-le. » Et l'honorable député de
Paris conclut en proposant de consacrer les
séances de jeudi, vendredi et samedi à la dis-
cussion des interpellations sur les poudres. La
Chambre a préféré se ranger à l'avis du gou-
vernement le budget est inscrit à l'ordre du
jour de jeudi et l'affaire des poudres à celui
de vendredi. L'avis de M. Paul Beauregard
n'en est pas moins judicieux. Le scandale des
poudres doit être rapidement éclairci, et on ne
réussirait qu'à énerver l'opinion publique si la
discussion se traînait de semaine en semaine
sans une prompte conclusion. La Chambre
peut mener de front et le budget et la question
(les poudres. Il est un moyen de simplifier le-
débat en cette dernière matière, c'est de publier
le rapport du général Gaudin et de lui donner
immédiatement toutes les sanctions qu'il com-
porte.
|- M. Paul Beauregard a également demandé
la communication, à la commission des affai-
res extérieures chargée d'examiner l'accord
franco-allemand, de notre traité secret passé
avec l'Espagne. Le président du conseil s'est
jengagé à faire cette communication, et ce
jmatin même ledit traité a été publié. N'est-ce
>pas une preuve que l'existence des docu-
ments secrets est incompatible avec notre ré-
gime politique? La Chambre veut la vérité en
tout et pour tout; pour une fois, elle est d'ac-
cord avec le pays. Il faut donc au plus vite lui
donner satisfaction, et l'exercice de son droit
de contrôle ne l'empêchera pas d'expédier le
budget.
«». _&•
LA MÉDAILLE DE 187O
ïl est permis de se demander si la création
d'une médaille de 1870 s'impose avec une néces-
sité évidente. Les officiers et soldats qui ont réel-
lement accompli des actes d'éclat dans cette
guerre funeste ont été récompensés depuis long-
temps. Certes, ces tragiques souvenirs ne doivent
point s'effacer. Mais si l'on tient à les raviver,
ta forme choisie ne paraît pas très heureuse. Une
distinction honorifique, telle qu'une médaille ou
ça (PÙban, implique une idée de 'satisfaction et
giçend çn, gu^que. sorti? ,iui ai,? $e fôte, Ce .n'est
pas précisément la note qui convient. On a vrai-
ment abusé, après l'Année terrible, de la for-
mule Gloria victis! C'est une formule creuse et
môme dangereuse. La véritable gloire est pour
les victorieux. Les vaincus peuvent avoir sauvé
f'honneur, mais ils n'ont point à se réjouir ni à
se congratuler ce qui leur sied, c'est le deuil et
le recueillement. La seule annonce de la création
de cette médaille a déterminé une explosion de
gloriole inopportune et de convoitise avide, dont
l'è spectacle est un peu' ridicule et un peu affli-
geant. Tout le monde va vouloir obtenir cette
niédaille, comme tout le monde veut avoir les
palmes académiques. Sans affecter pour les palmes
un mépris superbe, on a le droit de dire qu'il
s'agit cette fois de tout autre chose et que cette
assimilation n'est pas éloignée de ressembler à
une profanation. Les revers de la patrie ne doi-
vent point nous fournir de monnaie électorale ni
de hochets de la vanité, et il n'y a point place pour
des scènes de comédie dans ce drame douloureux.
Le gouvernement a reçu, dit-on, près d'un million
de demandes! Ce chiffre dépasse manifestement
celui des combattants effectifs qui peuvent sur-
vivre après quarante ans. On invoquera non pas
seulement des titres sérieux, mais des prétextes
dérisoires. Bien que l'instruction relative aux for-
malités dissuade les postulants de. faire appel à
aucune recommandation, beaucoup d'entre eux
qui ne seront pas toujours des plus méritants
solliciteront l'apostille de leur député. On croira
certainement que les interventions parlemen-
taires joueront un rôle dans cette distribution,
comme dans celle de tous les emplois et de toutes
les faveurs. Cette seule hypothèse, appuyée sur
une longue expérience, est déjà démoralisante.
Qui sait si elle ne deviendra pas une réalité et si
cette médaille ne sera pas un jour ou l'autre ac-
cordée', comme les postes de victime du Deux-
fixer ses yeux incomparables sur les habitants
'de Belle-Vue, sur les êtres ou les choses qui les
entouraient. Elle s'intéressait aux figures, aux
bonshommes, aux monstres, aux dieux du mu-
sée Pail, leur souriait, les admirait, ce qui sub-
jugua sur-le-champ Honoré et le mettait à sa
dévotion; elle évoluait à l'aise, au milieu des
meubles reluisants, astiqués et frottés à toute
heure par Angèle, et s'arrêtait avec complai-
sance devant les glaces une âme se révélait,
amoureuse du luxe, d'un luxe relatif, il est
vrai, mais elle «'en connaissait point d'autre.
Enfin elle s'empara souverainement du cœur
de Mme Pail en pleurant sur le corps d'une hi-
'rondelle morte, trouvée dans de jardin. Dès
lors elle compta dans, la maison.
r La servante Flora, qui d'abord l'avait vue
venir sans joie, à présent en raffolait aussi; de
temps à autre, sans prévenir, elle allait la cher-
cher au Chien-Rouge et la ramenait pour le
déjeuner. Les deux époux l'accueillaient tou-
jours avec transport; quand elle s'en allait, ils
restaient mélancoliques.
Ils n'osaient pas s'avouer l'un à l'autre leurs
intimes pensées; et cependant, elles étaient de
ia même nature et de la même couleur et ils de-
vaient s'entendre au premier mot.
^Lin-dimanche, au moment du départ, Giselle,
de plus en plus volontaire, refusa de quitter Ja
maison et fit une belle scène; elle s'accrochait
au. cou d'Angèle, pleurait et suppliait qu'on la
gaÉdàt. La Fauchette ne parvenait pas à la cal-
ïnef et marquait sa colère de cette ingratitude
«une enfant qu'elle avait nourrie » Et Ho-
norq, comme Angèle, les entrailles déchirées,
n'osait intervenir.
Enfin la paysanne emporta de force l'enfant
toujours hurlante; ils l'entendirent descendre
le chemin en parlant d'une voix dure; et Gi-
selleJcriait plus fort, sous les gifles sans doute.
Honoré, un peu pâle, regarda Angèle devenue
blême. Elle murmura
jÇa m'a bouleversée.
;Ma femme, dit M. Pail, j'ai à te parler.
Viens t'asseoir sur ce banc, sous les troënes, ce
sera long.
Et. quand ils furent assis côte à côte, l'époux
commença
Angèle, il y a eu, au mois de mars dernier,
dix-huit ans que nous sommes mariés; nous
Décembre, à des électeurs nés depuis les événe-
ments ? La vraie manière de commémorer la
guerre de 1870, c'est de nous faire une armée
forte et d'entretenir Je patriotisme des jeunes
générations. Tout le reste est puéril et peut être
nuisible.
VU CÊITiaVE
Ces jours derniers a étéi inauguré, au cimetière
Montparnasse, le monument élevé à la mémoire
de Brunetière. Au vide qu'il a laissé parmi les
critiques et les moralistes, on mesure toute la
place que Brunetière occupait dans la pensée con-
temporaine. Pour ne pas être bruyante ni popu-
laire, sa gloire n'en était que plus solide. Elle
grandira chaque jour davantage, parce qu'on se
rendra mieux compte du rôle qu'il a joué et de
l'influence qu'il a exercée. Pour lui, la critique était
une façon d'apostolat. Il n'avait rien de commun
avec un dilettante, un virtuose, qui voit dans les
études littéraires ample matière à jouer avec les
idées générales. Il cherchait* à retirer de ces étu-
des des lois littéraires et des principes moraux.
Par Ja plume, par la parole, il n'a cessé de combat-
tre pour ses théories avec une ardeur, une fou-
gue et une ténacité extraordinaires. Il avait dans
la voix et dans le style je ne sais quoi de péremp-
toireet presque d'agressif, qui commandait l'at-
tention et inspirait le respect. Même ses adversai-
res estimaient sa haute probité intellectuelle.
Qui ne se rappelle le succès sans précédent
qu'obtinrent ses conférences ? Ce n'était point pour
recueillir de vains applaudissements qu'il aimait
parler en public. Il m'a expliqué un jour les avan-
tages que la critique littéraire trouvait dans la
conférence; ce qu'il y a d'actuel dans les questions
littéraires qui paraissent le plus éloignées de
nous; enfin de quelle façon il avait été amené à
conformer sa vie aux idées morales et religieuses
puisées dans ces études.
« II existe, disait-il, une prévention contre les
orateurs et l'art oratoire. Dans le journalisme,
dans les académies, on traite volontiers de creux,
de sonore et de vain ce qui revêt la forme ora-
toire. Ceux qui se piquent de penser fortement et
d'émettre des idées ont coutume de répéter
« Moi, vous savez, je ne suis pas un orateur », ou
bien « Je ne fais pas de rhétorique. » Dès que
je me suis aperçu qu'on m'écoutait, j'ai compris
qu'on pouvait tenter de concilier l'accent oratoire
avec des idées précises, nettes et solides. Une con-
férence vraiment oratoire n'est pas incompatible
avec des dessous profonds. » Là encore il fallait
réagir contre une école dont Renan, au moins dans
ses cours, était le grand maître. Dans ces cours il
paraissait le contraire de ce qu'il se mon-
trait dans ses écrits. La plume à la main,
il jonglait avec les idées générales, autant
ou plus habilement que personne; mais prenait-il
la parole ex cathedra, il n'affectait que de dire des
choses ingrates, incapables d'intéresser un autre
public que celui de ses hébraïsants. Il avait adopté
de combattre ce qu'il appelait la vaine éloquence.
Taine pensait sur ce point un peu de la même
façon.
Brunetière se proposa de faire des conférences
telles qu'on vît dans les œuvres du passé et dans
son histoire non seulement l'élément humain,
mais à tout moment de la durée et de l'histoire de
la civilisation ce qu'on pourrait appeler Vêlement
actuel. En voulez-vous un exemple ? Le critique
avait à parler de Bossuet et du quîétisme. Or dans
̃la.qu'estip»;.4îjf. quiètisme, ie problème se posait
en cas termes L'amour de Dieu' doit-il être in-
dépendant de toute considération relative à notre
salut? Il semble, au premier abord, que cette
question n'a aucun intérêt actuel, qu'elle est à
mille lieues de nous. Eh bien, examiner si l'amour
de Dieu doit être complètement désintéressé de
toute considération relative à notre salut, n'est-ce
pas se demander en général ce qu'on entend par
amour désintéressé? Faisons de ce problème une
application profane et extême, mais expressive.
La jeune fille que l'on courtise et qui s'inquiète de
savoir si on l'aime pour elle-même et non pour
toute autre considération se pose exactement la
même question.
Prenons un autre exemple. Qu'est-ce qui préoc-
cupe Pascal? De quoi s'agit-il dans les Provin-
ciales? Des casuistes et des jansénistes. Tout cela
semble bien démodé. Au fond il y va d'une ques-
tion vieille comme les hommes, et qui vivra au-
tant qu'eux. Il importe de savoir quel est de tout
temps le rapport qu'il doit y avoir entre la vie
pratique et les règles de la morale. La morale
n'est-elle qu'un idéal ou bien un ensemble de rè-
gles qu'il faut réaliser? Les jésuites pensaient à
tort'que la morale chrétienne n'était pas très dif-
ficile à pratiquer; ils avaient trouvé des accommo-
dements variés, infinis, avec le ciel. Pascal croyait
le contraire. Enfin dans Molière, on trouve en der-
nière analyse que la nature, selon le poète drama-
tique, est toujours une éducatrioe et une conseil-
lère pleine de vertus. L'objet de YEcole des fem-
mes ne revient-il pas à ceci Faut-il développer
tes instincts de chacun de nous, ou les contrain-
dre et les corriger ? En réalité l'humanité s'agite
et pense dans le même cercle. Il n'y a que l'aspect
et la forme des choses qui varient et non pas leur
fond. Rechercher dans les controverses ou les. œu-
vres littéraires ce qu'elles renferment d'actuel,
voilà ce que Brunetière s'appliquait à faire.
avons toujours vécu d'accord, très unis, bien
faits l'un pour l'autre, sans grand rêve, sans
ambition, heureux de vieillir ensemble en nous
aimant beaucoup.
Sa voix s'altérait; il toussa pour l'éclaircir.
Mme Pail lui prit la main; elle l'encourageait
Continue; ce que tu dis me fait plaisir.
Oui, reprit Honoré, entre nous jamais un
nuage, même fugitif; nous avons les mêmes
goûts, les mêmes habitudes; et cela, je le ré-
pète, depuis dix-huit ans. Alors comment se
fait-il qu'à présent nous manquions de fran-
chise l'un avec l'autre ? Comment cela se fait-
il ?
Angèle baissa la tête.
C'est vrai, murmura-t-elle, je comprends;
tu as raison. Eh bien, commence, toi. C'est à
propos de Giselle, hein?. Elle nous tient, cette
petite
Voici un premier aveu; je l'enregistre, dé-
clara Pail; jouons franc jeu. Qu'allons-nous
faire de cette enfant? Désormais c'est une pe-
tite personne, elle comprend, elle agit, elle
parle, elle souffre. Elle a surpris nos cœurs,
et cela devait arriver. Vieux époux sans en-
fants, nous étions à la merci des petits pas-
sants de la grande route. Enfin, pour être
brefs, je crois qu'il est inutile de lutter contre
nos .sentiments; et nous n'avons pas "autre
chose à faire que de prendre Giselle avec nous,
chez nous, comme notre vraie fille. Cela te
va-t-il?
Mme Pail appuya sa tête sur l'épaule d'Ho-.
noré, ferma les yeux, et récita un couplet ten-
dre
Mon ami, merci, tu m'as devinée! Cette
enfant ici, c'est mon plus grand désir. Mais je
n'osais lé témoigner; je craignais de te mé-
contenter, que tu ne fusses jaloux de mon affec-
tion pour elle, car jusqu'ici je n'ai vécu que
pour toi.
Pail l'interrompit
Mais puisque la gueuse nous a ensorce-
lés, qu'elle m'a pris comme elle t'a prise,
toi aussi, tu pourrais être jalouse, il me sem-
ble ?
Je l'ai peut-être été. Et puis, j'avais peur
aussi qu'un enfant dans cette maison fût un
ôbstacle à la tranquillité de nos vieux jours,
et je ne pouvais t'engager à ce sacrifice-là.
Il avait même demandé, si je puis dire, à ses
études de lui fournir une morale. « J'ai cherché,
me déclarait-il, s'il n'y avait pas moyen de consti-
tuer une morale laïque. En le cherchant, jai cru
m'apercevoir d'abord que c'était difficile; ensuite
que c'était plus hasardeux .que difficile? enûn que
c'était impossible Je me suis ainsi retourné du
côté de l'idée religieuse; et jusqu'alors ayant plu-
,iùL vécu dans un état d'indifférence ou d'incurio-
sité relative vis-à-vis de ces problèmes, j'ai senti
qu'il existait une chose plus impossible que tout
le reste, qui était de prêcher l'idée religieuse du
dehors, en politicien, et sans la professer soi-
même du fond du cœur. Je me suis donc remis a
l'étude des questions que j'avais négligées, telles
que celle de l'origine du christianisme, et après
des perplexités assez naturelles qui s'expliquent
par beaucoup de raisons philologiques ou au-
tres, il m'a paru que la vérité se trouvait de ce
côté et que, comme dit Pascal « Si cette vérité
» n'était peut-être qu'une vraisemblance, il n'y
» avait intellectuellement, moralement et sociale-
» ment que des avantages à la considérer comme
» absolument vraie. »
Et Brunetière avait embrassé, on s'en souvient
la religion catholique avec cette ferveur, ce zèle et
cette constance qu'il apportait en. toute chose. Il,
était devenu pratiquant. Il s'était déclaré catholi-
que, apostolique et romain. Il a pris souvent le
chemin de Rome pour s'assurer de la qualité de
son orthodoxie; et Léon XIII eut raison de ses
doutes. J. G.
LE TRAITÉ FRANCO ALLEMAND
LE TRAITE FRANCO.ALLEMAND
C'est demain que la commission des affaires étran-
gères de la Chambre se réunira pour l'examen du
traité franco-allemand. Ainsi que nous l'avons dît;;
c'est probablement le président de la commission,
M. Paul Deschanel, qui sera chargé dé rédiger le
rapport et de le présenter au Parlement.
C'est demain également que le Reichstag discu-
tera à Berlin le traité. Le gouvernement allemand
aurait désiré que le chancelier pût faire aujourd'hui
son discours qui aurait été ensuite discuté demain
par les députés. Mais ceux-ci n'ont pas accepté
cette combinaison, désireux que leurs observations
vinssent immédiatement après l'exposé de M. de
Bethmann-Hollweg.
Nous avons déjà dit que ces observations de-
vaient rester sans sanction, le Parlement impérial
n'ayant pas à ratifier les accords. Les députés n'en
veulent pas moins faire entendre leur avis, et ils
le feront avec d'autant plus d'ampleur que leurs
discours constitueront en quelque sorte une
bruyante ouverture de la période électorale. On
sait en effet que les élections pour le Reichstag
auront lieu au mois de janvier prochain,
On annonce que le croiseur allemand qui depuis
quatre mois se trouve dans le port d'Agadir quit-
tera son poste incessamment.
L'exposé des motifs du projet de loi
approuvant le traité
Voici le texte de l'exposé des motifs du projet
de loi portant approbation de la convention conclue
entre la France et l'Allemagne, le 4 novembre 1911,
pour la délimitation de leurs possessions respec-
tives dams l'Afrique -équatoriale, que M. de Selves
a déposé hier après-midi sur le bureau de la Chaoir-
bre.
Messieurs,
Vous n'ignorez pas les divers événements qui ont
marqué, depuis plusieurs années, notre politique ma-
rocaine et. qui ont amené le gouvernement -de la Répu-
blique à assurer, soit à Casablanca, soit sur les contins
algéro-marocains, la sécurité de nos nationaux me-
nacés dans leurs personnes et dans leurs biens.
L'insurrection de la région de Fez qui a éclaté au
début de cette année a achevé de démontrer la néces-
sité qu'il y avait d'aider le sultan à s'acquitter des de-
voirs d'un gouvernement régulièrement constitué.
Au moment où la force des événements nous avait
ainsi amenés à répondre à l'appel du gouvernement
chériflen, le gouvernement de la République avait jugé
nécessaire de se mettre en rapport avec les puissances
et de leur marquer le devoir de haute civilisation qu'il
était appelé à remplir.
La question marocaine se trouva donc naturellement
comprise au nombre de celles qui devaient être exami-
nées avec l'Allemagne.
Des entretiens précédemment engagés se poursui-
virent à Kissingen, vers la mi-juin, entre le secrétaire
d'Etat allemand et notre ambassadeur.
Le 1er juillet se produisit inopinément la démonstra-
tion navale d'Agadir.
Le gouvernement impérial motivait cet acte par les
dangers auxquels étaient exposés les ressortissants al-
lemands résidant dans la région du Sous. Il indiquait
que l'Allemagne redoutait que l'autorité du sultan ne
fût impuissante,dans cette partie de l'empire chériflen, à
prévenir des désordres et qu'elle considérait comme né-
oessaire une action extérieure.
Quelle devait être désormais cette action extérieure?
Il ne fut pas difficile de reconnaître que cette action re-
venait à la France et qu'elle devait, pour être efficace,
n'être pas entravée par les restrictions nombreuses
inscrites à l'acte d'Algésiras. -̃̃
C'est sur l'abolition progressive de ces restrictions
et sur la liberté d'action nécessaire à la France que por-
tèrent pendant quatre mois nos échanges de vues avec
l'Allemagne. Nous croyons fermement que le texte au-
quel ont abouti ces longues discussions nous concède
toute la liberté indispensable pour remplir la haute
mission de civilisation et de progrès dont nous pre-
nons la charge au Maroc.
Le gouvernement allemand, en reconnaissant les
droits de la France au Maroc, nous a demandé en re-
Juste! fit Honoré en secouant la tête seu-
lement, à ces désavantages, il faut opposer les
joies et voir un peu qui pèse le plus lourd.
Elle criera, chantera, dansera, cassera tout,
nous fera tourner en bourrique, sera malade,
ou seulement maussade, et l'on s'inquiétera.
Oui; mais elle sera là, toujours présente, avec.
ses diables d'yeux; et surtout, nous n'aurons
plus le souci de la savoir dans un galetas plein
de vermine, de microbes, germes de maladies;
de la savoir aux mains des autres, vivant, en,
dehors de nous, sans nous connaître presque,
mal lavée, mal nourrie, plutôt en bête qu'en
fille. Quand nous nous sommes chargés de
son existence, nous- avons prévu nos devoirs,
nous n'avons pas songé à nos droits. Les se-
conds existent comme les premiers. Cette en-
fant est à nous; nous l'avons laissée trois ans
en nourrice; à présent, il nous plaît de la re-
prendre, c'est légitime; et nul n'a rien à dire.
Les Fauchet?. murmura Angèle.
Les Fauehet? Pauvre amie! S'ils regret-
tent quelque chose, ce sera les cinquante francs
par mois et les profits courants. Ils ont sept en-
fants à eux pour les consoler. Eh bien, on s'ar-
rangera pour les dédommager, voilà tout
Tu es bon, Honoré! Dieu te récompensera.
Elle sera notre fille, elle remplira notre mai-
son; 'nous vieillirons' plus heureux, égayés par
sa présence. Mais, grand ciel pourvu qu'on
ne vienne pas nous la réclamer, maintenant
Il n'y a aucun danger, affirmait M. Pail,
s'efforçant de se convaincre soi-même. Depuis
trois ans En tout cas, je ne mettrai plus d'avis
dans les journaux.
Ah"! non, je t'en prie Alors, c'est dit?
Nous prenons Giselle Si nous allions la
chercher tout de suite?.
Non, demain répondit doucement Pail.
Ce soir, elle pleure, elle crie.
C'est justement pour cela conclut An-
gèle.
Cependant, par un sentiment de fausse honte,
qu'eHe se reprochait, elle consentit à attendre
encore jusqu'au jour suivant.
La nuit lui parut longue. Endormie, elle rê-
vait à l'avenir et faisait des projets.
MAURICE MONTÉGUT.
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