Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1887-02-14
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 14 février 1887 14 février 1887
Description : 1887/02/14 (Numéro 9416). 1887/02/14 (Numéro 9416).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
Un s'abonne aux Bureaux du iÓtfrnaî;5,-BOULÊfARD DÉS ITALIENS, A PARIS, et dans tous les Bureaux de Poste
LUNDI i4 FEVRIER 1387.
VINGT-SEPTIEME ANNÉE N« 9416
'p ` PRIX DE L'ABONNEMENT
PARIS. Trois mois, 1 4 (r. Six mois, 28 fr. Un an, 56 fr.
DÉPts«ALSAGE-LORRAINB. l'Tfr.; 34 fr.; 68 fr.
UNION POSTALE. 1 S fr. 36 fr. 72 fr.
LES ABONNEMENTS DATENT DES ler ET 16 DE CHAQUE MOIS
Un numéro (départements) 20 centimes.
ANNONCES MM. LAGRANGE, CERF ET Ce, 8, place de te Bourse
(Droit d'insertion réservé à la rédaction,)
BUREAUX 5, boulevard des Italiens, PARIS
PRIX DE L'ABONNEMENT
PARIS. Trois mois, 14fr. Siimois, 28 fr. Us u, 56 fr*
DÉP^dAlSAGK-lORRAIHB lTfr.; 34 fr.; 68 fr.
UNION POSTALE. 18fr.; 36 fr.; 72fifr
LES ABOKNEMEiTTS DATENT DES 1er ET 16 DE CHAQUE MOIS
Un numéro (» Paris) 15 centimes»
"/̃̃:̃'̃ '̃̃̃ > Directeur politique Adrien Hébrard
V La rédaction ne répond pas des articles communiqués
BUREAUX 5, boulevard des Italiens, PARIS
̃ PARIS, 13 FÉVRIER
BULLETIN DU JOUR
La Chambre à discuté hier longuement un
projet de loi portant approbation d'une con-
vention relative à l'établissement de câbles
télégraphiques sous-marins destinés à des-
servir les colonies françaises des Antilles et
de la Guyane.
M. Lucien de la Ferrière, M. Fernand
Faure et M. Félix Faure ont combattu le pro-
jet comme inutile et onéreux. Des commu-
nications existent déjà, ont-ils fait remar-
quer celles qu'on propose de leur substi-
tuer mettront en mouvement une garantie
de l'Etat; cette garantie est hors de propor-
tion avec le service à créer; en outre, la
concession est accordée à un étranger, et
l'on semble avoir traité avec une Société à
constituer dans des conditions qui appellent
et justifient bien des critiques. Tel est le ré-
sumé succinct des principales objections
soumises à la Chambre.
Le rapporteur de la commission, M. Biza-
relli, M. Fribourg, commissaire du gouver-
nement, enfin M..le ministre des postes et
télégraphes ont, de leur côté, soutenu que
l'adoption du projet aurait de sérieux avan-
iages les communications seraient plus di-
rectes, plus rapides et moins coûteuses. En
ce qui concerne la garantie d'intérêt, on ne
devrait avoir aucune crainte les résultats
acquis déjà indiquent qu'elle ne fonctionne-
rait vraisemblablement pas. Une industrie
nouvelle, celle des câbles, aurait, en outre,
chance d'être introduite en France. L'initia-
tive française, toujours sommeillante, serait
peut-être éveillée ainsi et attirée vers une.
industrie qu'elle a jusqu'ici trop négligée.
Après un long et parfois très vif échange
d'explications, M. Lalande a demandé à la
Chambre si elle ne jugerait .pas opportun de
renvoyer le projet à l'étude d'une commis-
sion spéciale. M. le ministre des postes et
télégraphes très vivement poussé par des
contradicteurs a fait remarquer que, entre
la première et la deuxième délibération, on
aurait tout loisir d'amender le projet. MM.
Jules Roche et Maurice Rouvier ont alors
réclamé purement et simplement le renvoi
à la commission du budget. Ce renvoi a été
fjrononcé. La prochaine séance aura lieu
lundi.
La présentation à la Chambre prussienne
d'ùn projet de loi comportant un emprunt
de 40 millions de marcs pour travaux de
chemins de fer a donné lieu hier à un échan-
ge d'observations sur la situation générale
entre un député, M. Imwalle, et le mi-
nistre des travaux publics. Ce dernier a
contesté que cette demande de crédits pour
une entreprise industrielle de longue halei-
ne eût une signification pacifique particu-
lière, tout en exprimant l'espoir que la paix
sera maintenue. La réserve de ces paroles
montre à quel point les membres du gouver-
nement allemand évitent de- se prononcer
sur les bruits alarmants du moment, dont
la consistance diminue cependant de jour en
jour. En effet, même la Gazette de la Croix,
dont les attaches conservatrices sont con-
nues, conteste, dans un article que le télé-
graphe a signalé hier, l'imminence du dan-
ger d'une guerre.
La Gazette, tout en revenant sur les dispo-
sitions belliqueuses que la presse allemande
officieuse prête à la France, émet l'opinion
que l'on ne saurait considérer les mesuresmi-
litaires prises ces derniers temps des deux cô-
tés de la frontière comme annonçant un pro-
chain conflit. L'appel de 72,000 réservistes en
Allemagne, dit la Gazette de la Croix, ne sau-
rait avancer notre mobilisation d'une heure.
Et de même les concentrations secrètes de
troupes françaises dont parlent les jour-
naux ne feraient que retarder considérable-
ment la mise sur pied de guerre du corps
auquel elles appartiennent. Une guerre avec
la France, conclut la Gazette, ne saurait
avoir pour prélude des mobilisations par-
tielles ou la réunion de troupes à effectifs ré-
duits.
Les articles de ce genre sur l'éventualité
d'une guerre se font de plus en plus rares
dans la presse allemande, qui parait ne plus
se préoccuper que de l'attitude des chefs du
centre à l'égard des lettres du cardinal Ja-
cobini. Les organes officieux ne dissimu-
lent pas leur désappointement au sujet
FEUILLETON DU «TEMP§>
DU 14 FÉVRIER 1887
n:
-Ironique théâtrale
/~J~
)l la Comédie-Française, reprise du Cercle, de Poinsi-
net, et de VAnglais ou e Fou raisonnable, de Patrat.
A.U Chàteau-d'Eau. l'Absente, drame en cinq actes, de
MM. Villemer et Segonzac. Aux Nouveautés, Ma
gouvernante, comédie en trois actes, de M. Bisson.
La Comédie-Française a repris cette semaine
le Cercle, comédie en un acte, de Poinsinet, dont
ïa première représentation date du 11 septem-
bre 1764 et la dernière reprise de février 1840.
ïl y avait donc quarante-six ans qu'elle n'avait
été jouée, et elle est âgée de plus d'un siècle.
C'est une belle durée pour une œuvre légère,
qui semblait destinée à disparaître avec les
-mœurs et les tics qu'elle avait ^prétendu pein-
dre.
J'imagine que l'on eût bien étonné les beaux
esprits contemporains, si on leur avait dit
cette petite comédie, que vous traitez de bluette,
sachez qu'en 1887, c'est-à-dire dans cent vingt-
trois ans, le Théâtre-Français la reprendra avec
éclat, trois libraires se disputeront l'honneur
d'en publier le texte, et tous les journalistes du
temps la:discuteront avec plus de passion que
vous n'en mettez aujourd'hui à parler d'elle. La
prédiction eût semblé à ces messieurs d'une
fantaisie bien invraisemblable. -Un siècle et
quart, c'est une forte tranche d'immortalité, et
on né se fût cru en fond de la promettre qu'aux
tragédies de Voltaire. Où est Mérope? où est
Alzire? où sont les neiges d'antan?
• 3 Poinsinet a survécu. Son nom n'était guère
resté, il,est vrai, dans nos mémoires que com-
me celui du plus célèbre mystifié du dix-hui-
'.lième siècle: Personne n'a jamais été plus que
;lui victime de ces sortes de farces que nous
appelons aujourd'hui des fumisteries et que
nos pères nommaient des mystifications. On
assure même que le mot fut créé pour lui. Il
eut tout au moins le triste avantage de le ren-
;dre populaire. lia ainsi travaillé au Dictionnaire
de l'Académie, sans jamais avoir été académi-
cien lui-même.
Le jour même où se donnait la première
du peu d'influence que les conseils du
Saint-Siège paraissent avoir sur la con-
duite politique de M. Windthorst et de
ses partisans. C'est ainsi que la Gazette
de Allemagne du Nord reproche ce ma-
tin aux sommités du parti catholique de
ne pas comprendre la portée des décla-
rations du saint-père. Les lettres par les-
quelles il s'est prononcé en faveur du sep-
tennat ont pour but non de défendre cette
mesure législative même mais bien de
soutenir le principe d'autorité dont elle
émane et de contribuer au maintien de
l'empire allemand contre les attaques du
centre et contre l'abus que ce parti fait
du nom du souverain pontife. L'inter-
vention du pape en faveur du septennat
n'a donc pas le caractère d'une complaisance
momentanée obtenue par voie diplomatique,
mais bien d'un accord des pouvoirs qui ont
mission de défendre le principe d'autorité.
Telles sont les explications de la Gazette de
r Allemagne du Nord, qui ne paraissent guère
de nature à faire revenir de leur opposition
MM. Windthorst et de Franltenstein.
»
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
Berlin, 13 février, 8 heures.
Depuis deux jours l'empereur ne fait plus sa
promenade habituelle en voiture. Les médecins lui
ont défendu de sortir de son appartement, et de
prendre part aux fêtes et cérémonies qui se succè-
dent presque chaque jour à la cour.
Berlin, 13 février, 8 h. 15.
On dit, d'une part, que le manifeste de l'empe-
reur aux électeurs est prêt et qu'il sera publié à
la fin de la semaine; mais, d'autre part, on assure
qu'on a renoncé à cette publication.
La Correspondance libérale prétend que le mani-
feste paraîtra le 19.
La police a saisi hier à Breslau 30,000 manifestes
socialistes.
Berlin, 13 février, 8 h. 40.
La Chambre des députés du Landtag prussien a
été prorogée hier au 23 février. M. Windthorst a
vainement demandé que la session ne fût reprise
qu'après le scrutin de ballottage pour le Reichs-
tag.
A propos d'un projet de loi concernant un em-
prunt de 40 millions de marcs pour les travaux des
chemins de fer, un député à déclaré qu'il considé-
rait ce projet comme un symptôme incontestable
du maintien de la paix.
M. Maybach, ministre des travaux publics, a ré-
pondu qu'il désirait naturellement que la paix fût
maintenue, mais qu'il ne pouvait pas conseiller à
la Chambre de considérer la présentation du pro-
jet de loi comme une garantie particulière du
maintien de la paix. « Si la paix était troublée, a
ajouté le ministre, comme certaines personnes le.
croient et comme nous devons également le crain-
dre, le projet ne pourrait pas être mis à exécu-
tion. »
Berlin, 13 février, 9 heures.
La Germania, répondant aux journaux officieux
qui ont accusé M. Windthorst d'avoir tenu secrète
la première lettre du cardinal Jacobini, dit que le
chef du centre n'a connu cette lettre que par les
journaux.
La Germania demande à la Post si le septennat est
un article de foi, pour que ce journal ait cru de-
voir invoquer l'infaillibilité du pape.
Berlin, 13 février, 9 h. 20.
La Gazette de la Croix annonce qu'au polygone de
Kummersdorf on a fait de nouvelles expériences
sur des matières explosibles, et que les résultats
obtenus ont prouvé qu'en quarante-huit heures on
pouvait détruire le fort le plus résistant.
Vienne, 13 février, 9 heures.
Les crédits que le ministre de la guerre deman-
dera aux Délégations s'élèveront à trente ou tren-
te-cinq millions de florins. On croit que les Délé-
gations seront convoquées du 8 au 15 mars.
Budapest, 13 février, 8 h. 15.
Le ministre des honveds, le baron Fejervary,
présentera mardi à la Chambre des députés hon-
groise une demande de crédit de 8 millions de
florins pour l'armement du premier ban du lands-
turm.
On nous écrit d'Epinal
Tout le monde, de ce côté-ci de la frontière, est
persuadé que nous en avons fini avec les alertes,
et si de mauvaises nouvelles arrivent encore, à
intervalles presque déterminés, de Metz, on se
rassure en pensant que là-bas la lutte électorale
est plus vive que partout ailleurs. Je sais, au sur-
plus, que le blindage des forts de Metz avait été
décidé au mois de décembre dernier; l'autorité
militaire a donc simplement avancé la date d'opé-
rations militaires qui étaient arrêtées en principe.
A vrai dire, l'habitude est pour quelque chose dans
le calme que je constate autour de moi; on a si
bien cru que la guerre était imminente, qu'on n'at-
tache plus la moindre importance aux informa-
tions pessimistes.
Les nouvelles de la frontière sont un peu meil-
de cette reprise, trois éditions nouvelles en
paraissaient à la fois l'une de la maison
Jouaust, avec préface de M. d'Heilly (elle fait
partie de la collection des Petits chefs-d'œu-
vre) l'autre, de la maison Tresse; la dernière-
enfin, a été publiée par Ollendorf, et notre con-
frère en critique théâtrale M. Auguste Vitu en
a écrit la préface. 11 a porté dans ce travail ce
soin de recherche et ce goût d'exactitude que
nous admirons toujours chez lui. Où il a passé,
il ne reste plus rien à dire. Il a épuisé le
sujet.
Je ne sais; mais je me défierais quelque peu
du penchant dont il témoigne pour son auteur.
J'aurais quelque inclination à croire qu'il prend
sa défense avec trop de vivacité et qu'il en
veut trop à ceux qui se sont moqués de lui.
Mais ce n'est là qu'une impression chez moi,
et je serais fort embarrassé de l'appuyer .sur
un fait sérieux. Ma seule raison, qui est bien
théorique et bien vague, c'est qu'un homme
que tout le monde s'amuse à frapper sur le nez
doit probablement avoir un nez à nasardes.
La conséquence n'est pas rigoureusement lo-
gique, j'en conviens.
Sur l'auteur et sur la pièce, l'étude de M.
Vitu est complète elle est d'un érudit et d'un
homme de goût. J'y renvoie mes lecteurs, la
brochure étant de prix modeste. Je ne pour-
rais que répéter en d'autres termes ce qu'il a
fort bien dit avant moi; ce n'est pas la peine.
Je me bornerai donc à parler de l'effet qu'a
produit sur nous, dimanche dernier, la reprise
de cet ouvrage. Aussi bien est-ce mon habitude
de ne jamais trop m'enquérir ici de l'historique
d'une œuvre. Au théâtre, je suis public et tâ-
che de sentir comme le public.
Il faut bien l'avouer l'impression a été mé-
diocre, plus que médiocre, et, à la chute du ri-
deau, comme les amis de la maison esquissaient
de timides applaudissements,les spectateurs ont
répondu par de nombreux et longs chut qui les
ont fait taire. Ces manifestations sont fort ra-
res à la Comédie-Française, surtout lorsqu'il
s'agit de reprises. Mais M. Claretie avait été
obligé de donner celle-là, contre tous les usa-
ges, un dimanche dans la journée. Le public
du dimanche est un public très particulier, qui
vient au théâtre uniquement pour s'y amuser.
Les lettrés, quel'on convied'ordinairelesoir,en
semaine, à ces solennités, font la part du res.
pect que l'on doit au passé; ils y apportent un
goût de curiosité archéologique qui reçoit tou-
jours quelque satisfaction. Si le divertissement
est mince, ils n'en sont ni surpris ni fâchés, ils
s'y attendaient. Les habitués du dimanche ne
connaissent point ces ménagements. Ils ont
payé pour avoir du plaisir; si on ne leur en fait
pas bonne mesure, ils prennent la mouche.
La pièce de Poinsinet les a'quelque peu dé-
concertés. Grimm l'avait bien prévu quand
il écrivait, huit jours après la première repré-
leures; les soldats allemands qui ont séjourné pen-
dant vingt-quatre heures à la gare d'Avricourt
sont repartis dans la direction de Saverne; et l'on
n'a pas tardé à savoir qu'ils avaient été expédiés
pour réprimer les manifestations des réservistes
alsaciens réfractaires. Je ne vous cache pas que
cette explication n'a satisfait que ceux qui ju-
gent les choses de très loin et très à la. hâte. Pas
un seul réserviste réfractaire n'a été aperçu à
la gare d'Avricourt; à quoi l'eût-on reconnu? A ses
habits civils? Il est possible que quelques Alsa-
ciens convoqués comme réservistes dans les régi-
ments de l'infanterie allemande et convaincus que
la guerre allait éclater, aient franchi la frontière.
Mais il n'y a eu, ni à Avricourt, ni à Pagny, ni à
Montreux-Vieux aucune manifestation; ces réser-
vistes si tant est le fait de leur départ soit exact
ont passé incognito. La présence des soldats à
la gare d'Avricourt était donc bien inutile, et l'on
a tout lieu de croire qu'elle a été le résultat d'un
excès de zèle d'un commissaire de police.
Un mot à propos des baraquements, et pour li-
quider cette question trop souvent agitée: l'auto-
rité militaire française a fait construire des bara-
quements à Nancy, Saint-Dié, Epinal et Bruyères.
Dans cette dernière localité, il existait déjà des ba-
raquements qui ont servi de logement, tour à tour
à des escadrons de cavalerie et à deux batteries d'ar-
tiller détachées du 8e régiment qui est en garnison
à Châlons-sur-Marne. Quant à cette fameuse po-
sition de Corcieux, dont nous ont parlé quelques
journaux allemands, elle est excentrique, située à
quelque distance de la voie ferrée et n'ofi're pas le
moindre intérêt stratégique. Comme je vous l'ai
dit, comme je ne me lasserai pas de le redire, ces
baraquements sont destinés aux réservistes et aux
territoriaux. A Nancy, par exemple, où l'arrivée du
79° de ligne est attendue depuis longtemps, on
aménage, pour le recevoir, une vieille caserne de-
puis longtemps abandonnée. Le 79" était à Neuf-
château il vient à Nancy; on ne dira pas qu'on le
rapproche de la frontière.
A propos de cette prétendue! concentration de
troupes, qui a été exploitée par une partie de la
presse allemande, voici l'effectif exact, à l'heure où
j'écris, des troupes stationnées en Alsace-Lorraine:
seize régiments d'infanterie, à savoir, les 67e, 98°,
92", 130e et 131° à Metz les 4° et 8° bavarois à Metz;
les 25°, 47° et 99° à Strasbourg le 105° à Neuf-Bri-
sach les 17° et 112° à Mulhouse; le 70° à Thion-
ville le 126° à Colmar; Je 60° à Wissembourg. En
plus, le 8° bataillon de chasseurs à Saverne; le 11°
à Haguenau.
En fait de cavalerie les 9° et 13° dragons à
Metz; le 6° dragons à Thionville le 15° dragons à
Haguenau; le 14° dragons à Colmar; le 7° uhlans à
Sarrebourg; le 14° uhlans à Saint-Avold le 15° uh-
lans à Strasbourg; le 6° uhlans à Mulhouse, et le
5° chevau-légers bavarois à Sarrebourg. Soit, en
tout, dix régiments, sans compter le 9° hussards à
Trêves et le 7° dragons à Sarrebruck.
En fait d'artillerie deux régiments montés à
Strasbourg, Metz et Haguenau; six batteries à
cheval à Sarrelouis, Metz et Sarrebourg; un régi-
ment à pied à Metz et Thionville six compagnies
à pied à Strasbourg, et deux autres compagnies à
Neuf-Brisach.
Je dresse cette statistique sans l'accompagner
d'aucun commentaire et dans le seul but de mon-
trer que, si même nous avions renforcé nos effec-
tifs, nous n'eussions pas fait autre chose que
suivre l'exemple qui nous avait été donné. Après
tout, rien ne paraît plus naturel que de masser
des troupes sur la frontière, autant que le per-
mettent les exigences du casernement et la né-
cessité de tenir compte, dans une certaine mesure,
des vœux légitimes de toutes les villes de
province. Les conditions de la guerre mo-
derne ont été modifiées de fond en com-
ble on a renoncé, depuis longtemps, à
la guerre savante que faisaient Turenne et Condé;
les places fortes n'arrêtent plus l'élan des armées
d'invasion, nous en avons fait la cruelle expérience
en 1870. L'introduction du fusil à répétition en-
traîne encore l'adoption d'une nouvelle tactique et,
par conséquent, d'une autre stratégie. Plus le tir
devient rapide, moins il faut compter sur l'action
des masses. Puis, la mobilisation est devenue une
opération tellement compliquée, si peu sujette à
des expériences préalables satisfaisantes, que l'on
n'ose plus calculer, même approximativement, le
chiffre des troupes que chaque nation réussira à
mettre en ligne.
Est-il vrai que les états-majors songent à prépa-
rer de longue main des irruptions brusques, dé-
concertantes qui porteraient le trouble chez l'en-
nemi en entravant sa mobilisation. Cela est possi-
ble plus l'armement se perfectionne, plus aussi la
guerre redevient sauvage. Le courage individuel
jouant un rôle de plus en plus effacé, les concep-
tions de la stratégie vont en se modifiant, et cette
évolution inévitable suffirait, à défaut d'argument
politique ou électoral, à expliquer les récents
mouvements de troupes.
Ce qui définit nettement les visées du grand
état-major de Berlin, c'est l'emploi qu'il entend
faire des nouveaux effectifs; des 41,000 hommes
qui seraient incorporés en sus de l'effectif actuel,
19,000 environ seraient destinés à augmenter l'ef-
fectif de paix des compagnies d'infanterie. Avanta-
ges inappréciables pour l'instruction des hommes
et des officiers, mobilité des unités, tels seraient
les premiers résultats d'une pareille innovation. Il
suffit de les signaler; on en comprendra toute
l'importance.
D'après les Nouvelles politiques, de Berlin, 307 wa-
gons chargés de poutres ou de planches ont passé,
du 30 janvier au 5 février, par les stations fron-
tières d'Alsace-Lorraine pour se rendre en France.
91 wagons ont été dirigés sur Nancy, 66 sur Toul,
15 sur Lunéville, 11 sur Saint-Dié, 15 sur Commer-
cy, 17 sur Verdun, 12 sur Belfort, etc.
Le Mercure de Souabe a reçu de Saint-Pétersbourg
une correspondance qui déplore que le danger, qui
a été évité pendant des années, de voir les intérêts
sentation du Cercle « Supposez que, suivant
le dessein de M. Poinsinet, sa petite comédie
aille à la postérité, et que cette postérité soit
en état de l'entendre parfaitement, ce qui n'est
pas aisé lorsque le sel et la finesse consistent
dans le ton, on peut croire qu'elle s'enquerra
avec quelque curiosité si ces mœurs ont été
réellement les mœurs d'une grande et illustre
nation. Il faut espérer que les curieux d'alors
pourront se répondre que ces mœurs ont été
en effet celles d'une génération aussi courte
que frivole. »
Voilà le point juste. Le Cercle ne peint qu'un
moment fugitif des mœurs d'une génération,
qui a été, pour me servir des expressions mê-
mes de Grimm, aussi courte que frivole. Les
grands écrivains, quand ils prennent,. pour
s'en moquer sur la scène, un des travers pas-
sagers de leur temps, savent en dégager ce
qu'il a d'humain et d'universel. Il n'y a plus
aujourd'hui de femmes qui parlent préci-
sément comme Cathos et Madelon des Pré-
cieuses ridicules. Mais l'esprit qui anime les pré-
cieuses et les rend ridicules est de tous les
temps et de tous les pays. Molière l'a su met-
tre au plein vent, et voilà pourquoi nous voyons
encore sa comédie satirique avec tant de plai-
sir.
Mais quand l'auteur n'a pas eu assez de gé-
nie pour mettre à nu l'éternelle vérité sous les
formes changeantes dont la revêt chaque gé-
nération, il est à peu près impossible au pu-
blic de faire ce travail. Un de nos jeunes con-
frères, qui a bien du goût et de l'esprit, M. Hu-
gues Leroux, s'est amusé, dans un très joli ar-
ticle de la Revue bleue, à dépouiller les person-
nages du Cercle de leurs paniers, de leur pou-
dre, de leurs habits galonnés, et à les habiller
de nos costumes modernes. Il a retrouvé aisé-
ment dans notre société contemporaine les ori-
ginaux qu'a peints Poinsinet, et il a saisi ce
qu'il y avait de commun entre eux sous les dis-
parates du temps.
Mais c'est là un jeu d'esprit bon pour amu-
ser un lettré en quête de nouveautés piquantes.
Un public tout entier ne saurait user de ce pro-
cédé au spectacle. Il est dans son droit quand
il ne voit que ce qu'on lui montre. Ces person-
nages de Poinsinet sont tous en superficie; et,
comme ce sont les dehors qui changent le plus
d'un siècle à l'autre, ils ne peuvent plus paraî-
tre vrais qu'au très petit nombre de curieux qui
ont gardé un souvenir fidèle de la Femme au
dix-huitième siècle des frères de Goncourt.
Il ne me semble pas non plus que la Comédie-
Française ait réussi à mettre sous nos yeux un
tableau qui nous donnât la sensation du dix-
huitième siècle. Les artistes m'ont paru jouer
pesamment cette œuvre légère, qui n'est que
frivolité pimpante et grâce légère. Ils ont été
sérieux et presque lourds. Il y a dans le Cercle
un jeune colonel qui est plus souvent dans les
contraires en Europe entrer en conflit, se soit rap-
proché de manière à provoquer une crise. La cor-
respondance ajoute
Le danger est augmenté par ce fait que, dans les
sphères oirigeantes de Saint-Pétersbourg, on n'éprouve
pas de sympathie pour la politique allemande. Il est
vrai que les sympathies pour la France ne sont pas
très vivas; mais on trouve que l'attitude de l'Allema-
gne dans le moment présent est quelque peu provo-
cante. On joue trop avec le feu en Allemagne, et cela
pour des raisons de tactique électorale.
Dans le budget extraordinaire qui va être sou-
mis à l'approbation de la Chambre des représen-
tants belge, le ministère de la guerre figure pour
les sommes suivantes
Fort de Rupelmonde, 990,000 fr.; fort de Schooten,
617,836 fr.
Remplacement des fronts intérieurs de la citadelle du
Nord, 1 million.
Armement du camp retranché, 1,200,000 fr.
Ligne de la Meuse, 8 millions.
On démolira la citadelle et la Chartreuse, à Liège, et
on les remplacera par des ouvrages puissants, mais de
petite dimension. On construira également des forts à
Namur. La dépense totale est évaluée à 24 millions,
dont on demande le tiers cette année.
Armement de l'infanterie, 5 millions. La dépense to-
tale sera de 15 millions.
Artillerie de campagne, 316,000 fr. pour les 20 batte-
ries qui sont déjà pourvues du nouvel armement. Il y
aura lieu d'applfquer cet armement aux 20 autres bat-
teries, mais le gouvernement ne demande pas encore
de crédit pour cet objet.
Voitures à bagages avec harnais, 50,000 fr.
Habillement de la troupe, 400,000 fr.
Amélioration du casernement, 2 millions.
»
(Dépéches de nos correspondants particuliers)
Rome, 13 février, 10 heures 20.
Le roi a eu hier soir une longue entrevue avec
M. de Depretis. On avait fait courir le bruit que
celui-ci avait été définitivement chargé de former
le nouveau cabinet, mais la nouvelle est inexacte.
M. Depretis a prié le roi de ne pas lui confier, d'une
façon absolue, cette mission avant d'avoir con-
sulté- les personnes sur lesquelles il devrait comp-
ter pour-donner une base parlementaire solide à
son administration.
Les craintes de M. Depretis ne sont pas provo-
quées par l'attitude de M. de Robilant, dont le con-
cours lui est certainement acquis, mais par celle
des dissidents de droite et d'un petit groupe du
centre, qui ne consentent à accorder leur confiance
à un nouveau cabinet Depretis qu'à la condition
d'en voir exclu M. Magliani, dont ils ont combattu
depuis longtemps la politique financière.
M. Depretis ne veut pas se séparer de M. Ma-
gliani, qu'il considère surtout comme étant très
utile pour le crédit de l'Italie à l'étranger.
M. Depretis cherchait hier soir à obtenir l'appui
du groupe agraire, qui a voté contre le ministère
tout dernièrement. Il était disposé à faire des
concessions, mais il paraît que les prétentions des
agraires, depuis qu'ils ont obtenu une majorité
protectionniste dans la commission des douanes,
sont exorbitantes on ne croit pas que M. Depretis
puisse les satisfaire facilement.
Dans ce cas, M. Depretis reviendrait aux dissi-
dents de droite en sacrifiant M. Magliani, qui se-
rait probablement remplacé par M. Ellena, ancien
directeur général au ministère des finances.
C'est seulement après la solution de ces difficul-
tés que M. Depretis se chargerait définitivement
de la composition du cabinet.
Il n'est probable que cela puisse être fait ni au-
jourd'hui ni demain.
Scutari, 12 février, 4 heures.
Toutes les familles mahométanes ont quitté Dul-
cigno pour s'établir sur territoire turc. Les mai-
sons et les terres ont été vendues à des Monténé-
grins mais, par le départ des familles mahomé-
tanes, qui formaient la classe aisée de la popula-
tion, la ville de Dulcigno a perdu sa prospérité.
Tunis, 13 février.
La distribution des secours aux indigènes victi-
mes du tremblement de terre de Djemal a été faite
en présence du général Bertrand, par les soins du
comité franco-italien. A cette occasion, M. Alata
contrôleur civil à Sousse, a prononcé une belle al!
locution en arabe qui a fait grande impression sur
les indigènes.
Ceux-ci ont vivement remercié. L'effet de cette
distribution est des meilleures sur l'esprit de la
population musulmane, laquelle est peu habituée
à de pareils procédés de charité.
Les assises s'ouvrent cette semaine. Malgré l'ad-
jonction d'une deuxième chambre, le tribunal est
toujours excessivement chargé. Il sera nécessaire
de remédier bientôt à cet état de choses, car le
nombre d'affaires à juger va toujours en croissant.
La Ligue de l'enseignement va créer ici une sec-
tion tunisienne. Elle a recueilli de nombreuses
adhésions.
Hier a eu lieu, chez le ministre résident et sous
sa présidence, une réunion de la section tunisienne
de l'Alliance française pour la propagation de la
langue française. M. Machuel, directeur de l'ensei-
gnement, a rendu compte des travaux de l'année.
Les ouvriers de la manufacture des tabacs sont
en grève. Comme la conciliation paraît impossible,
la direction est décidée à faire venir des ouvriers
d'Algérie. De plus, elle va établir un outillage mé-
canique.
boudoirs qu'à la tête de son régiment, grand
nouvelliste et diseur de balivernes, qui travaille
à la tapisserie des belles dames tout en leur
débitant des compliments fades. C'est Prud-
hon qui est chargé du rôle qu'avait créé à
l'origine le sémillant Molé. Eh bien Prud-
lion manque de désinvolture impertinente
il dit juste, mais sans brio. Je ne sais pas
évidemment ce qu'y fût Molé, mais je me
figure ce que Leroux aurait pu faire du rôle.
Je n'ai pas non plus aimé beaucoup M. Fé-
raudy dans celui du médecin. Il est vrai que
Féraudy est un de ces comédiens qui ne s'em-
parent jamais d'un rôle qu'à la longue. La
première représentation n'est pour eux qu'un
essai.
J'ai été, en revanche, charmé de la façon
dont le jeune Berr a conçu le personnage du
petit abbé, doucereux, insinuant, d'une galan-
terie onctueuse et chantant avec des fioritures
de voix des romances sentimentales. Je ne
sais, mais il me semble que celui-là était plu-
tôt dans le ton de l'oeuvre.
M. Truffier faisait le bel esprit. Il a exagéré,
à mon sens, les manifestations de colère que
permet le rôle. Du même fonds de servilité dont
un jeune poète de ce temps-là acceptait le pa-
tronage d'une marquise, il en subissait égale-
ment en silence les rebuffades et les imperti-
nences. Il est clair qu'un écrivain d'aujourd'hui
n'accepterait pas les humiliations dont Aramin-
the abreuve ce nourrisson des muses. Mais
il va sans dire aussi que nul écrivain n'îrait
s'asseoir à un bout de table, attendant une
éclaircie de silence pour dire le premier vers
de son poème. Du moment que Damon, le bel
esprit, a plié son orgueil à cette situation
douloureuse, il doit, sans le témoigner trop haut,
en dévorer les conséquences. Je n'admets pas
qu'il frappe la table d'un énorme coup de poing;
si pareille incongruité lui était échappée dans
le salon d'Araminthe, on l'eût fait jeter à la
porte par un laquais. Encore moins compren-
drais-je qu'en se retirantil renverse une chaise,
coure après son chapeau; ce sont là jeux de
scènes dignes de Bobèche et de Galimafré.
Garraud avait à représenter un vieux mili-
taire franc et brusque; il a été lourd et coton-
neux, Boucher a assez gentiment dit le rôle
de Lisidor mais c'était comme un fait exprès,
tout paraissait terne à cette représentation.
Mme Pierson jouait le rôle d'Araminthe.
Araminthe, dit M. Hugues Leroux dans l'étude
dont j'ai parlé, c'est la coquette sur son déclin
déjà qui, raccrochée à des restes de beauté, ne
se console pas de voir sa fille grandir près d'elle
et devenir une rivale. Toute pétrie de vanité et
d'égoïsme, elle est trop sotte pour être décidé-
ment méchante et s'arrête dans l'insignifiance,
où elle bourdonne avec un bruit agaçant de fre-
lon. Elle ramène toutes choses à soi avec une naï-
veté plaisante. Il faut pourvoir sa fille, et, tout
Un grand incendie a détruit un entrepôt de chif-
fons. Un caporal et quatre soldats du 4a zouaves
se sont distingués dans ce sinistre.
• (Service Havas)
Berlin, 13 février.
La Gazette nationale annonce que, ces jours derniers,
une lettre extrêmement amicale de l'empereur de Rus-
sie à l'empereur Guillaume est partie de Saint-Péters-
bourg. Montevideo, 12 février.
Le général Maximo Santos, ex-président de la Répu-
blique, se soumet au décret de bannissement prononcé
oontre lui. Il se rendra à Rio-Janeiro.
Montevideo est tranquilte.
-aïs-
DERNIÈRE HEURE
L'agence Havas nous communique la note sui-
vante
Quelques joùrnaux étrangers ont prétendu que M.
Féraud, ministre de la République française à Tanger,
avait obtenu pendant son séjour à Maroc certaines
rectifications de frontières.
Cette allégation est inexacte. Il a simplement été
pourvu au règlement éventuel d'indemnités qui pour
raient être réclamées par des Marocains propriétaires
d'arbres fruitiers plantés à Djenieh-Bou-Bzey sur un
terrain où les autorités militaires de l'Algérie ont l'in-
tention d'élever un bordj ou blockhaus.
Il est également inexact que le gouvernement fran-
çais ait eu se prononcer sur une combinaison interna-
tionale tendant a faire garantir par les puissances l'in-
tégrité du territoire marocain.
Voici une nouvelle qui causera une grande sen-
sation parmi les artistes et les archéologues.
Le gouvernement francais vient d'obtenir du
gouvernement grec l'autorisation de faire exécu-
ter des fouilles à Delphes. Si nos renseignements
sont exacts, les conditions du traité sont à peu
près les mêmes que pour les célèbres fouilles exé-
cutées par les Allemands à Olympie.
On sait que Delphes était, avec Olympie, le plus
important des sanctuaires de l'ancienne Grèce,
comme Olympie, par les dons faits par les sou-
verains et par les riches particuliers, était devenu
un incomparable musée. L'emplacement du temple
est aujourd'hui couvert par un petit ouvrage. Le
sol en est à peu près complètement vierge, et c'est
l'avis de tous les savants qu'il doit receler des tré-
sors importants pour l'art et pour l'histoire.
Les négociations avaient été commencées par
M. de Mouy, dont on connaît le dévouement à l'art
antique. Elles ont été reprises par M. de Montho-
lon à la suite de la mission de M. Eugène Guillau-
me qui a visité la Grèce l'automne dernier. Les
Américains, qui ont comme la France une école à
Athènes, sollicitaient de leur côté cette autorisa-
tion.
̃<*&»<•
Nous avons bien fait de ne pas nous livrer
aux commentaires sur le programme égyp-
tien du gouvernement anglais, puisqu'on
nous prévient aujourd'hui que les bruits de
presse à cet égard étaient erronés. Le projet
de neutralisation de l'Egypte, en particulier,
se borne, dit-on, à une neutralisation du ca-
nal de Suez. Il sera bon, évidemment, d'at-
tendre que toute cette conception nous soit
connue sous une forme officielle. La seule
chose qu'il y ait à faire pour le moment est
de poser, avec autant de netteté que possible,
les termes du problème qu'il s'agit de résou-
dre. Insistant comme nous le faisons, et
comme nous avons le droit de le faire, sur le
devoir des Anglais de préparer cette solu-
tion, nous reconnaissons par là même que
c'est notre affaire aussi bien que la leur. Il
ne suffit pas de se plaindre de leur lenteur
ou de leur impuissance; nous sommes tenus
d'avoir un avis sur les mesures à prendre,
et nous serons mal placés pour rien deman-
der et rien obtenir aussi longtemps que nous
n'aurons pas une politique égyptienne.
Sur le but à atteindre, il ne saurait y avoir
divergence de vues. Tout le monde est d'ac-
cord, nous le supposons du moins, pour ad-
mettre que la tâche de l'Europe en Egypte
consiste en ces trois choses protéger le
gouvernement contre les tentatives révolu-
tionnaires, faire régner l'ordre, mettre le
pays en état de faire face à ses obligations
financières. Le khédive, la force publique et
le coupon, tels sont en gros les intérêts qu'il
s'agit de garantir.
Mais si l'on est d'accord sur le but, on
cesse de l'être sur les moyens à prendre
pour arriver à ce but. Ou plutôt, non, la
question n'est pas même agitée. Nous ne la
voyons discutée nulle part, et les têtes si fer-
tiles en projets sur tant d'autres problèmes
politiques semblent s'interdire d'aborder ce-
lui-là.
Essayons cependant. Il est clair, pour
commencer par là, que l'occupation n'est
pas une solution. Les Anglais le sentent eux-
mêmes, puisqu'ils cherchent à sortir de la
position dans laquelle ils se sont étourdiment
engagés. Ils ne peuvent s'empêcher de re-
connaître qu'ils n'ont rien fait jusqu'ici d'effi-
cace et de durable, que leur présence seule
empêche l'Egypte de retomber dans l'anar-
comme Argan qui veut un gendre médecin pour
être à même des consultations et des remèdes,
Araminthe souhaite un gendre qui l'égaie, étant
naturellement triste. Au théâtre, où elle va par
genre, elle ne songe qu'à sa figure, à l'admira-
tion qu'elle peut exciter, et ne se montre pas à
ces spectacles « dont une femme ne sort que
les yeux gros de larmes et le cœur gros de sou-
pirs, après avoir entendu des injures contre les
grands et par-ci par-là quelques imprécations.
Cela vaut bien la peine d'avoir les yeux battus
et le teint flétri. » Vaine comme elle est, ce
n'est que le plaisir qu'elle cherche. Vive l'opé-
ra-comique s'écrie-t-elle. Le théâtre italien
est, à mon gré, le vrai spectacle de la nation;
il n'intéresse point l'âme il n'attache point
l'esprit; il réveille, il ranime, il égaie, il en-
lève. »
Notez qu'avec cela elle se pique d'aimer les
lettres, qu'elle en parle, qu'elle protège le bel
esprit Damon; mais, là encore, avec quelle
cruauté inconsciente elle traite le prochain 1
Elle croit faire plaisir à son poète en lui disant
au nez « qu'elle juge de sa tragédie par la jolie
chanson qu'il lui a adressée le jour de sa fête ».
Et elle lui propose d'en commencer la lecture
tandis qu'elle fait un besigue, à peu près com-
me on paye un musicien pour jouer derrière
un paravent pendant un repas. Et, au jeu même,
l'enfant gâtée qu'elle est se trahit dans tous ses
mouvements, dans toutes ses paroles; elle en-
rage contre la déveine qui lui met de basses
cartes dans la main; si mauvaise joueuse qu'elle
plante là la partie, qui tourne contre elle, et
abandonne ses partenaires parce que son serin
s'est envolé.
Mlle Pierson n'a peut-être pas la frivolité
brillante qu'il faudrait bien pour jouer ce rôle.
Elle était habillée à ravir. Les doctes m'ont af-
firmé que certains détails de l'ajustement pé-
chaient contre la vérité du moment. C'est ça,
par exemple, qui m'est égal 1 L'important est
qu'à moi profane, qui n'ai pas fait d'études
particulières sur la mode de 1764, le costume
donne l'idée du dix-huitième siècle. Mais le
diable, c'est que Mlle Pierson est une bour-
geoise du nôtre. Dumas, qui la connaît et qui
en joue, comme un pianiste de son clavier, lui
a fait spécialement pour elle le personnage de
Mme de Thausette où elle est inimitable, et celui
de la prudente amie de Francillon. Il se fût
bien gardé d'écrire pour elle le rôle d'Aramin-
the. Elle y est agréable, rien de plus. Mmes Fré-
maux, Durand et du Minil sont au-dessous
de cette très estimable moyenne qui est l'hon-
neur de la Comédie-Française.
Rendons justice à Mlle Kalb. Il est vrai
qu'elle jouait un rôle tout de convention clas-
sique, un rôle de soubrette. Mais elle l'a rendu
avec une verve de bon aloi; le .visage haut en
couleur, l'œil fripon, la voix gaie. Elle nous a
dit, avec une charmante variété de nuances, un
chie, et qu'à prolonger l'occupation on na
réussira pas davantage à créer dans le delta
un Etat capable de se soutenir par ses pro-
pres forces.
On a, ces derniers jours, prononcé lô
mot de neutralisation. Mais la neutralisa-
tion, à supposer qu'elle fût réalisable, ne ré-
pondrait pas au programme que nous tra-
cions tout à l'heure. La neutralisation ne
concerne que la situation internationale d'un
pays; elle ne donne à ce pays ni des institu-
tions, ni des garanties d'ordre et de prospé-
rité intérieurs. Ajoutons, puisque nous
rencontrons ici le projet de placer, soit
l'Egypte, soit le canal de Suez sous
le régime de la neutralité, qu'il con-
vient de ne pas mettre trop de con-
fiance dans de pareils desseins. La neutra-
lité d'un territoire est l'une de ces notions de
droit public que le réalisme de la politique
moderne a tout doucement vidées de leur
contenu. Il est entendu aujourd'hui que les
pays déclarés neutres, et qui ont envie de
rester tels, ne sauraient compter pour cela
sur les puissances qui ont signé au traité. La
seule garantie réelle qu'ils aient du respect
de leur territoire en temps de guerre, c'est
la force militaire dont ils peuvent disposer
eux-mêmes pour barrer le chemin aux ar-
mées belligérantes. C'est ce que la Suisse a
admirablement compris et ce à quoi elle s'esf
préparée depuis quarante ans avec une acti-
vité persévérante c'est ce que la Belgique,
en revanche, ne s'est pas assez dit jusqu'ici
c'est enfin ce qu'il ne faudra pas oublier-
dans les négociations au sujet du canal de
Suez, si l'on ne veut se payer de mots et se
bercer d'illusions.
Le régime auquel les Anglais ont pensé
pour remplacer l'occupation, ce n'est pas la
neutralisation, qui, nous venons de le voir,
ne répond à rien, c'est le rétablissement da
l'Egypte sous la domination turque. Le sul-
tan qui est resté le suzerain nominal du pays
en redeviendrait le souverain effectif; à char-
ge de le protéger, il le gouvernerait. On ne
peut nier que la proposition^ ne soit à quel-
ques égards pratique, spécieuse même; seu<
lement on est en droit de se demander si le
remède ne serait pas pire que le mal qu'il
s'agissait de guérir. La mission de si)
H. Drummond Wolff à Constantinople nous
a toujours paru l'acte de désespoir d'un gou-
vernement qui, ne sachant plus commen
sortir d'embarras, cherche à oublier les ver.
tueuses indignations que lui inspirait jadis la
domination ottomane.
C'est affaire, du reste, à l'Angleterre de
mettre sa conduite d'accord avec ses princi-
pes d'humanité. Notre rôle, à nous, est, non
pas d'attendre les résolutions de nos voisins
pour les critiquer ensuite avec plus ou moins
d'humeur et de sarcasme, mais d'y aider
dans la mesure de nos forces, puisque aussi
bien nous y sommes profondément intéres-
sés. Nous tenir simplement sur la défensive,
nous contenter de réclamer à tout propos l'é-
vacuation, ce n'est là une politique ni digne,
ni fructueuse. Nous l'avons déjà dit et nous
y insistons la France ne poursuivra jamais
l'évacuation d'une manière utile, si elle n'a
pas quelque chose à proposer pour y succé-
der, ou si elle n'est pas convaincue que, une
fois rendu à lui-même, le delta saura se gou-
verner et s'administrer tout seul. Notre gou-
vernement est tenu d'avoir une réponse à ces.
deux questions le départ des Anglais lais-
serait-il l'Egypte en état de maintenir l'ordre
et de remplir ses engagements? Et si l'E-
gypte risque de retomber dans l'anarchie,
quel est l'avis de la France sur le moyen de
prévenir ce danger ? Nous avons lu et nous
lisons tous les jours d'éloquentes déclama-
tions sur les affaires égyptiennes, mais nous
n'avons guère rencontré jusqu'ici de tenta-
tive pour aborder sérieusement, politique-
ment, l'examen des difficultés que nous a
léguées l'insurrection d'Arabi.
Le Soir, en des termes d'ailleurs infiniment ai-
mables, où nous eussions reconnu, en l'absence
même de toute signature, notre sympathique et
savant confrère M. Ad. Coste, nous impute une
part de responsabilité dans la triste façon dont lr
budget de 1887 a été dressé par le gouvernement
et par la Chambre. Malgré la courtoisie extrême
avec laquelle ce reproche est formulé, nous en
avons été, nous l'avouons, très touchés. Il n'en
pouvait être qui nous fût plus sensible. On sait,
en effet, si nous avons à cœur le bon renom de nos
finances, l'éclat et la solidité de notre crédit, lE
sérieux équilibre de nos budgets. Nous aurions
compromis ces intérêts ou contribué à les comprc
grand diable de récit, qui n'était pas d'un débit
commode.
Ce qui m'a plus frappé que les défaillances
individuelles qu'il m'a été impossible de ne pas
signaler, c'est l'incertitude de l'ensemble. Les
groupes n'étaient pas pittoresques on ne sen.
tait pas dans l'arrangement de cette mise en
scène un arrière-goût du dix-huitième siècle.
C'est M. Coquelin cadet qui, en qualité de se-
mainier, a monté ce petit acte. Il est impossi-
ble de ne pas reconnaître que la mise en scène
est un art qu'il n'entend pas encore.
On parle beaucoup de l'opportunité qu'il y
aurait de faire rentrer M. Delaunay à la Comé-
die-Française. On m'affirme qu'il porte impa-
tiemment son inaction. Il y aurait un moyen.
honorable pour lui, utile pour nous, de l'occu-
per dans cette maison, dont il a été durant
tant d'années l'un des plus glorieux représen-
tants ce serait de Ini confier les fonctions de
régisseur général.
Elles n'ont rien qui puisse le désobliger. M.
Régnier les a remplies durant quelques mois,
et, s'il a donné sa démission, c'est qu'il appor-
tait dans cette partie de l'art des vues et des pré-
jugés qui ne s'accordaient point avec les idées
de M. Perrin. Tous deux étaient prodigieuse-
ment tenaces; il fallait que l'un des deux cédât.
Ce fut naturellement Régnier qui lâcha pied
devant son directeur.
Cet antagonisme ne se renouvellerait pas en-
tre M. Delaunay et M. Jules Claretie. On ne le
sait pas assez. Delaunay est un des metteurs
en scène les plus intelligents, les plus exquis,
les plus fertiles en ressources qu'il y ait à Pa-
ris. Il a un goût très sûr et une connaissance
profonde des traditions. J'ajouterai, à sa louan-
ge, qu'il est d'une politesse rare et d'une mo-
destie perméable à toutes les objections justes
et à tous les bons conseils. Il a monté quelques
pièces à la Comédie-Française, et l'on s'est
toujours bien trouvé de suivre ses avis.
M. Claretie est tiraillé par trop d'occupations
diverses pour être toujours à son avant-scène.
Il n'est pas même bon qu'il y soit toujours.
Nous avons vu avec M. Perrin les iaconvé-
nients de cette méthode.
C'était un principe chez La Rouriat de laisser
à son régisseur le soin de débrouiller la pièce.
Il arrivait aux dernières répétitions, le goût
frais, et donnait les indications suprêmes. Si
la pièce ne lui paraissait pas susceptible da
marcher, après corrections, il lasupprimait pu-
rement et simplement.
Il faut que M. Claretie ait pour ces premiers
soins de mise en scène quelqu'un sur qui il
puisse se reposer en toute confte^*J. Je ne vois
aucun des semainiers qui papede l'autorité
nécessaire, sauf Got peut-ôfriTOt VVorms. Mais
ni l'un ni l'autre ne s'en soucient beaucoup.
Nous verrions avec plaisir qu'un artiste comme
Delaunay fût chargé de cette besogne. 11 n'v
LUNDI i4 FEVRIER 1387.
VINGT-SEPTIEME ANNÉE N« 9416
'p ` PRIX DE L'ABONNEMENT
PARIS. Trois mois, 1 4 (r. Six mois, 28 fr. Un an, 56 fr.
DÉPts«ALSAGE-LORRAINB. l'Tfr.; 34 fr.; 68 fr.
UNION POSTALE. 1 S fr. 36 fr. 72 fr.
LES ABONNEMENTS DATENT DES ler ET 16 DE CHAQUE MOIS
Un numéro (départements) 20 centimes.
ANNONCES MM. LAGRANGE, CERF ET Ce, 8, place de te Bourse
(Droit d'insertion réservé à la rédaction,)
BUREAUX 5, boulevard des Italiens, PARIS
PRIX DE L'ABONNEMENT
PARIS. Trois mois, 14fr. Siimois, 28 fr. Us u, 56 fr*
DÉP^dAlSAGK-lORRAIHB lTfr.; 34 fr.; 68 fr.
UNION POSTALE. 18fr.; 36 fr.; 72fifr
LES ABOKNEMEiTTS DATENT DES 1er ET 16 DE CHAQUE MOIS
Un numéro (» Paris) 15 centimes»
"/̃̃:̃'̃ '̃̃̃ > Directeur politique Adrien Hébrard
V La rédaction ne répond pas des articles communiqués
BUREAUX 5, boulevard des Italiens, PARIS
̃ PARIS, 13 FÉVRIER
BULLETIN DU JOUR
La Chambre à discuté hier longuement un
projet de loi portant approbation d'une con-
vention relative à l'établissement de câbles
télégraphiques sous-marins destinés à des-
servir les colonies françaises des Antilles et
de la Guyane.
M. Lucien de la Ferrière, M. Fernand
Faure et M. Félix Faure ont combattu le pro-
jet comme inutile et onéreux. Des commu-
nications existent déjà, ont-ils fait remar-
quer celles qu'on propose de leur substi-
tuer mettront en mouvement une garantie
de l'Etat; cette garantie est hors de propor-
tion avec le service à créer; en outre, la
concession est accordée à un étranger, et
l'on semble avoir traité avec une Société à
constituer dans des conditions qui appellent
et justifient bien des critiques. Tel est le ré-
sumé succinct des principales objections
soumises à la Chambre.
Le rapporteur de la commission, M. Biza-
relli, M. Fribourg, commissaire du gouver-
nement, enfin M..le ministre des postes et
télégraphes ont, de leur côté, soutenu que
l'adoption du projet aurait de sérieux avan-
iages les communications seraient plus di-
rectes, plus rapides et moins coûteuses. En
ce qui concerne la garantie d'intérêt, on ne
devrait avoir aucune crainte les résultats
acquis déjà indiquent qu'elle ne fonctionne-
rait vraisemblablement pas. Une industrie
nouvelle, celle des câbles, aurait, en outre,
chance d'être introduite en France. L'initia-
tive française, toujours sommeillante, serait
peut-être éveillée ainsi et attirée vers une.
industrie qu'elle a jusqu'ici trop négligée.
Après un long et parfois très vif échange
d'explications, M. Lalande a demandé à la
Chambre si elle ne jugerait .pas opportun de
renvoyer le projet à l'étude d'une commis-
sion spéciale. M. le ministre des postes et
télégraphes très vivement poussé par des
contradicteurs a fait remarquer que, entre
la première et la deuxième délibération, on
aurait tout loisir d'amender le projet. MM.
Jules Roche et Maurice Rouvier ont alors
réclamé purement et simplement le renvoi
à la commission du budget. Ce renvoi a été
fjrononcé. La prochaine séance aura lieu
lundi.
La présentation à la Chambre prussienne
d'ùn projet de loi comportant un emprunt
de 40 millions de marcs pour travaux de
chemins de fer a donné lieu hier à un échan-
ge d'observations sur la situation générale
entre un député, M. Imwalle, et le mi-
nistre des travaux publics. Ce dernier a
contesté que cette demande de crédits pour
une entreprise industrielle de longue halei-
ne eût une signification pacifique particu-
lière, tout en exprimant l'espoir que la paix
sera maintenue. La réserve de ces paroles
montre à quel point les membres du gouver-
nement allemand évitent de- se prononcer
sur les bruits alarmants du moment, dont
la consistance diminue cependant de jour en
jour. En effet, même la Gazette de la Croix,
dont les attaches conservatrices sont con-
nues, conteste, dans un article que le télé-
graphe a signalé hier, l'imminence du dan-
ger d'une guerre.
La Gazette, tout en revenant sur les dispo-
sitions belliqueuses que la presse allemande
officieuse prête à la France, émet l'opinion
que l'on ne saurait considérer les mesuresmi-
litaires prises ces derniers temps des deux cô-
tés de la frontière comme annonçant un pro-
chain conflit. L'appel de 72,000 réservistes en
Allemagne, dit la Gazette de la Croix, ne sau-
rait avancer notre mobilisation d'une heure.
Et de même les concentrations secrètes de
troupes françaises dont parlent les jour-
naux ne feraient que retarder considérable-
ment la mise sur pied de guerre du corps
auquel elles appartiennent. Une guerre avec
la France, conclut la Gazette, ne saurait
avoir pour prélude des mobilisations par-
tielles ou la réunion de troupes à effectifs ré-
duits.
Les articles de ce genre sur l'éventualité
d'une guerre se font de plus en plus rares
dans la presse allemande, qui parait ne plus
se préoccuper que de l'attitude des chefs du
centre à l'égard des lettres du cardinal Ja-
cobini. Les organes officieux ne dissimu-
lent pas leur désappointement au sujet
FEUILLETON DU «TEMP§>
DU 14 FÉVRIER 1887
n:
-Ironique théâtrale
/~J~
)l la Comédie-Française, reprise du Cercle, de Poinsi-
net, et de VAnglais ou e Fou raisonnable, de Patrat.
A.U Chàteau-d'Eau. l'Absente, drame en cinq actes, de
MM. Villemer et Segonzac. Aux Nouveautés, Ma
gouvernante, comédie en trois actes, de M. Bisson.
La Comédie-Française a repris cette semaine
le Cercle, comédie en un acte, de Poinsinet, dont
ïa première représentation date du 11 septem-
bre 1764 et la dernière reprise de février 1840.
ïl y avait donc quarante-six ans qu'elle n'avait
été jouée, et elle est âgée de plus d'un siècle.
C'est une belle durée pour une œuvre légère,
qui semblait destinée à disparaître avec les
-mœurs et les tics qu'elle avait ^prétendu pein-
dre.
J'imagine que l'on eût bien étonné les beaux
esprits contemporains, si on leur avait dit
cette petite comédie, que vous traitez de bluette,
sachez qu'en 1887, c'est-à-dire dans cent vingt-
trois ans, le Théâtre-Français la reprendra avec
éclat, trois libraires se disputeront l'honneur
d'en publier le texte, et tous les journalistes du
temps la:discuteront avec plus de passion que
vous n'en mettez aujourd'hui à parler d'elle. La
prédiction eût semblé à ces messieurs d'une
fantaisie bien invraisemblable. -Un siècle et
quart, c'est une forte tranche d'immortalité, et
on né se fût cru en fond de la promettre qu'aux
tragédies de Voltaire. Où est Mérope? où est
Alzire? où sont les neiges d'antan?
• 3 Poinsinet a survécu. Son nom n'était guère
resté, il,est vrai, dans nos mémoires que com-
me celui du plus célèbre mystifié du dix-hui-
'.lième siècle: Personne n'a jamais été plus que
;lui victime de ces sortes de farces que nous
appelons aujourd'hui des fumisteries et que
nos pères nommaient des mystifications. On
assure même que le mot fut créé pour lui. Il
eut tout au moins le triste avantage de le ren-
;dre populaire. lia ainsi travaillé au Dictionnaire
de l'Académie, sans jamais avoir été académi-
cien lui-même.
Le jour même où se donnait la première
du peu d'influence que les conseils du
Saint-Siège paraissent avoir sur la con-
duite politique de M. Windthorst et de
ses partisans. C'est ainsi que la Gazette
de Allemagne du Nord reproche ce ma-
tin aux sommités du parti catholique de
ne pas comprendre la portée des décla-
rations du saint-père. Les lettres par les-
quelles il s'est prononcé en faveur du sep-
tennat ont pour but non de défendre cette
mesure législative même mais bien de
soutenir le principe d'autorité dont elle
émane et de contribuer au maintien de
l'empire allemand contre les attaques du
centre et contre l'abus que ce parti fait
du nom du souverain pontife. L'inter-
vention du pape en faveur du septennat
n'a donc pas le caractère d'une complaisance
momentanée obtenue par voie diplomatique,
mais bien d'un accord des pouvoirs qui ont
mission de défendre le principe d'autorité.
Telles sont les explications de la Gazette de
r Allemagne du Nord, qui ne paraissent guère
de nature à faire revenir de leur opposition
MM. Windthorst et de Franltenstein.
»
DÉPÊCHES TÉLÉGRAPHIQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
Berlin, 13 février, 8 heures.
Depuis deux jours l'empereur ne fait plus sa
promenade habituelle en voiture. Les médecins lui
ont défendu de sortir de son appartement, et de
prendre part aux fêtes et cérémonies qui se succè-
dent presque chaque jour à la cour.
Berlin, 13 février, 8 h. 15.
On dit, d'une part, que le manifeste de l'empe-
reur aux électeurs est prêt et qu'il sera publié à
la fin de la semaine; mais, d'autre part, on assure
qu'on a renoncé à cette publication.
La Correspondance libérale prétend que le mani-
feste paraîtra le 19.
La police a saisi hier à Breslau 30,000 manifestes
socialistes.
Berlin, 13 février, 8 h. 40.
La Chambre des députés du Landtag prussien a
été prorogée hier au 23 février. M. Windthorst a
vainement demandé que la session ne fût reprise
qu'après le scrutin de ballottage pour le Reichs-
tag.
A propos d'un projet de loi concernant un em-
prunt de 40 millions de marcs pour les travaux des
chemins de fer, un député à déclaré qu'il considé-
rait ce projet comme un symptôme incontestable
du maintien de la paix.
M. Maybach, ministre des travaux publics, a ré-
pondu qu'il désirait naturellement que la paix fût
maintenue, mais qu'il ne pouvait pas conseiller à
la Chambre de considérer la présentation du pro-
jet de loi comme une garantie particulière du
maintien de la paix. « Si la paix était troublée, a
ajouté le ministre, comme certaines personnes le.
croient et comme nous devons également le crain-
dre, le projet ne pourrait pas être mis à exécu-
tion. »
Berlin, 13 février, 9 heures.
La Germania, répondant aux journaux officieux
qui ont accusé M. Windthorst d'avoir tenu secrète
la première lettre du cardinal Jacobini, dit que le
chef du centre n'a connu cette lettre que par les
journaux.
La Germania demande à la Post si le septennat est
un article de foi, pour que ce journal ait cru de-
voir invoquer l'infaillibilité du pape.
Berlin, 13 février, 9 h. 20.
La Gazette de la Croix annonce qu'au polygone de
Kummersdorf on a fait de nouvelles expériences
sur des matières explosibles, et que les résultats
obtenus ont prouvé qu'en quarante-huit heures on
pouvait détruire le fort le plus résistant.
Vienne, 13 février, 9 heures.
Les crédits que le ministre de la guerre deman-
dera aux Délégations s'élèveront à trente ou tren-
te-cinq millions de florins. On croit que les Délé-
gations seront convoquées du 8 au 15 mars.
Budapest, 13 février, 8 h. 15.
Le ministre des honveds, le baron Fejervary,
présentera mardi à la Chambre des députés hon-
groise une demande de crédit de 8 millions de
florins pour l'armement du premier ban du lands-
turm.
On nous écrit d'Epinal
Tout le monde, de ce côté-ci de la frontière, est
persuadé que nous en avons fini avec les alertes,
et si de mauvaises nouvelles arrivent encore, à
intervalles presque déterminés, de Metz, on se
rassure en pensant que là-bas la lutte électorale
est plus vive que partout ailleurs. Je sais, au sur-
plus, que le blindage des forts de Metz avait été
décidé au mois de décembre dernier; l'autorité
militaire a donc simplement avancé la date d'opé-
rations militaires qui étaient arrêtées en principe.
A vrai dire, l'habitude est pour quelque chose dans
le calme que je constate autour de moi; on a si
bien cru que la guerre était imminente, qu'on n'at-
tache plus la moindre importance aux informa-
tions pessimistes.
Les nouvelles de la frontière sont un peu meil-
de cette reprise, trois éditions nouvelles en
paraissaient à la fois l'une de la maison
Jouaust, avec préface de M. d'Heilly (elle fait
partie de la collection des Petits chefs-d'œu-
vre) l'autre, de la maison Tresse; la dernière-
enfin, a été publiée par Ollendorf, et notre con-
frère en critique théâtrale M. Auguste Vitu en
a écrit la préface. 11 a porté dans ce travail ce
soin de recherche et ce goût d'exactitude que
nous admirons toujours chez lui. Où il a passé,
il ne reste plus rien à dire. Il a épuisé le
sujet.
Je ne sais; mais je me défierais quelque peu
du penchant dont il témoigne pour son auteur.
J'aurais quelque inclination à croire qu'il prend
sa défense avec trop de vivacité et qu'il en
veut trop à ceux qui se sont moqués de lui.
Mais ce n'est là qu'une impression chez moi,
et je serais fort embarrassé de l'appuyer .sur
un fait sérieux. Ma seule raison, qui est bien
théorique et bien vague, c'est qu'un homme
que tout le monde s'amuse à frapper sur le nez
doit probablement avoir un nez à nasardes.
La conséquence n'est pas rigoureusement lo-
gique, j'en conviens.
Sur l'auteur et sur la pièce, l'étude de M.
Vitu est complète elle est d'un érudit et d'un
homme de goût. J'y renvoie mes lecteurs, la
brochure étant de prix modeste. Je ne pour-
rais que répéter en d'autres termes ce qu'il a
fort bien dit avant moi; ce n'est pas la peine.
Je me bornerai donc à parler de l'effet qu'a
produit sur nous, dimanche dernier, la reprise
de cet ouvrage. Aussi bien est-ce mon habitude
de ne jamais trop m'enquérir ici de l'historique
d'une œuvre. Au théâtre, je suis public et tâ-
che de sentir comme le public.
Il faut bien l'avouer l'impression a été mé-
diocre, plus que médiocre, et, à la chute du ri-
deau, comme les amis de la maison esquissaient
de timides applaudissements,les spectateurs ont
répondu par de nombreux et longs chut qui les
ont fait taire. Ces manifestations sont fort ra-
res à la Comédie-Française, surtout lorsqu'il
s'agit de reprises. Mais M. Claretie avait été
obligé de donner celle-là, contre tous les usa-
ges, un dimanche dans la journée. Le public
du dimanche est un public très particulier, qui
vient au théâtre uniquement pour s'y amuser.
Les lettrés, quel'on convied'ordinairelesoir,en
semaine, à ces solennités, font la part du res.
pect que l'on doit au passé; ils y apportent un
goût de curiosité archéologique qui reçoit tou-
jours quelque satisfaction. Si le divertissement
est mince, ils n'en sont ni surpris ni fâchés, ils
s'y attendaient. Les habitués du dimanche ne
connaissent point ces ménagements. Ils ont
payé pour avoir du plaisir; si on ne leur en fait
pas bonne mesure, ils prennent la mouche.
La pièce de Poinsinet les a'quelque peu dé-
concertés. Grimm l'avait bien prévu quand
il écrivait, huit jours après la première repré-
leures; les soldats allemands qui ont séjourné pen-
dant vingt-quatre heures à la gare d'Avricourt
sont repartis dans la direction de Saverne; et l'on
n'a pas tardé à savoir qu'ils avaient été expédiés
pour réprimer les manifestations des réservistes
alsaciens réfractaires. Je ne vous cache pas que
cette explication n'a satisfait que ceux qui ju-
gent les choses de très loin et très à la. hâte. Pas
un seul réserviste réfractaire n'a été aperçu à
la gare d'Avricourt; à quoi l'eût-on reconnu? A ses
habits civils? Il est possible que quelques Alsa-
ciens convoqués comme réservistes dans les régi-
ments de l'infanterie allemande et convaincus que
la guerre allait éclater, aient franchi la frontière.
Mais il n'y a eu, ni à Avricourt, ni à Pagny, ni à
Montreux-Vieux aucune manifestation; ces réser-
vistes si tant est le fait de leur départ soit exact
ont passé incognito. La présence des soldats à
la gare d'Avricourt était donc bien inutile, et l'on
a tout lieu de croire qu'elle a été le résultat d'un
excès de zèle d'un commissaire de police.
Un mot à propos des baraquements, et pour li-
quider cette question trop souvent agitée: l'auto-
rité militaire française a fait construire des bara-
quements à Nancy, Saint-Dié, Epinal et Bruyères.
Dans cette dernière localité, il existait déjà des ba-
raquements qui ont servi de logement, tour à tour
à des escadrons de cavalerie et à deux batteries d'ar-
tiller détachées du 8e régiment qui est en garnison
à Châlons-sur-Marne. Quant à cette fameuse po-
sition de Corcieux, dont nous ont parlé quelques
journaux allemands, elle est excentrique, située à
quelque distance de la voie ferrée et n'ofi're pas le
moindre intérêt stratégique. Comme je vous l'ai
dit, comme je ne me lasserai pas de le redire, ces
baraquements sont destinés aux réservistes et aux
territoriaux. A Nancy, par exemple, où l'arrivée du
79° de ligne est attendue depuis longtemps, on
aménage, pour le recevoir, une vieille caserne de-
puis longtemps abandonnée. Le 79" était à Neuf-
château il vient à Nancy; on ne dira pas qu'on le
rapproche de la frontière.
A propos de cette prétendue! concentration de
troupes, qui a été exploitée par une partie de la
presse allemande, voici l'effectif exact, à l'heure où
j'écris, des troupes stationnées en Alsace-Lorraine:
seize régiments d'infanterie, à savoir, les 67e, 98°,
92", 130e et 131° à Metz les 4° et 8° bavarois à Metz;
les 25°, 47° et 99° à Strasbourg le 105° à Neuf-Bri-
sach les 17° et 112° à Mulhouse; le 70° à Thion-
ville le 126° à Colmar; Je 60° à Wissembourg. En
plus, le 8° bataillon de chasseurs à Saverne; le 11°
à Haguenau.
En fait de cavalerie les 9° et 13° dragons à
Metz; le 6° dragons à Thionville le 15° dragons à
Haguenau; le 14° dragons à Colmar; le 7° uhlans à
Sarrebourg; le 14° uhlans à Saint-Avold le 15° uh-
lans à Strasbourg; le 6° uhlans à Mulhouse, et le
5° chevau-légers bavarois à Sarrebourg. Soit, en
tout, dix régiments, sans compter le 9° hussards à
Trêves et le 7° dragons à Sarrebruck.
En fait d'artillerie deux régiments montés à
Strasbourg, Metz et Haguenau; six batteries à
cheval à Sarrelouis, Metz et Sarrebourg; un régi-
ment à pied à Metz et Thionville six compagnies
à pied à Strasbourg, et deux autres compagnies à
Neuf-Brisach.
Je dresse cette statistique sans l'accompagner
d'aucun commentaire et dans le seul but de mon-
trer que, si même nous avions renforcé nos effec-
tifs, nous n'eussions pas fait autre chose que
suivre l'exemple qui nous avait été donné. Après
tout, rien ne paraît plus naturel que de masser
des troupes sur la frontière, autant que le per-
mettent les exigences du casernement et la né-
cessité de tenir compte, dans une certaine mesure,
des vœux légitimes de toutes les villes de
province. Les conditions de la guerre mo-
derne ont été modifiées de fond en com-
ble on a renoncé, depuis longtemps, à
la guerre savante que faisaient Turenne et Condé;
les places fortes n'arrêtent plus l'élan des armées
d'invasion, nous en avons fait la cruelle expérience
en 1870. L'introduction du fusil à répétition en-
traîne encore l'adoption d'une nouvelle tactique et,
par conséquent, d'une autre stratégie. Plus le tir
devient rapide, moins il faut compter sur l'action
des masses. Puis, la mobilisation est devenue une
opération tellement compliquée, si peu sujette à
des expériences préalables satisfaisantes, que l'on
n'ose plus calculer, même approximativement, le
chiffre des troupes que chaque nation réussira à
mettre en ligne.
Est-il vrai que les états-majors songent à prépa-
rer de longue main des irruptions brusques, dé-
concertantes qui porteraient le trouble chez l'en-
nemi en entravant sa mobilisation. Cela est possi-
ble plus l'armement se perfectionne, plus aussi la
guerre redevient sauvage. Le courage individuel
jouant un rôle de plus en plus effacé, les concep-
tions de la stratégie vont en se modifiant, et cette
évolution inévitable suffirait, à défaut d'argument
politique ou électoral, à expliquer les récents
mouvements de troupes.
Ce qui définit nettement les visées du grand
état-major de Berlin, c'est l'emploi qu'il entend
faire des nouveaux effectifs; des 41,000 hommes
qui seraient incorporés en sus de l'effectif actuel,
19,000 environ seraient destinés à augmenter l'ef-
fectif de paix des compagnies d'infanterie. Avanta-
ges inappréciables pour l'instruction des hommes
et des officiers, mobilité des unités, tels seraient
les premiers résultats d'une pareille innovation. Il
suffit de les signaler; on en comprendra toute
l'importance.
D'après les Nouvelles politiques, de Berlin, 307 wa-
gons chargés de poutres ou de planches ont passé,
du 30 janvier au 5 février, par les stations fron-
tières d'Alsace-Lorraine pour se rendre en France.
91 wagons ont été dirigés sur Nancy, 66 sur Toul,
15 sur Lunéville, 11 sur Saint-Dié, 15 sur Commer-
cy, 17 sur Verdun, 12 sur Belfort, etc.
Le Mercure de Souabe a reçu de Saint-Pétersbourg
une correspondance qui déplore que le danger, qui
a été évité pendant des années, de voir les intérêts
sentation du Cercle « Supposez que, suivant
le dessein de M. Poinsinet, sa petite comédie
aille à la postérité, et que cette postérité soit
en état de l'entendre parfaitement, ce qui n'est
pas aisé lorsque le sel et la finesse consistent
dans le ton, on peut croire qu'elle s'enquerra
avec quelque curiosité si ces mœurs ont été
réellement les mœurs d'une grande et illustre
nation. Il faut espérer que les curieux d'alors
pourront se répondre que ces mœurs ont été
en effet celles d'une génération aussi courte
que frivole. »
Voilà le point juste. Le Cercle ne peint qu'un
moment fugitif des mœurs d'une génération,
qui a été, pour me servir des expressions mê-
mes de Grimm, aussi courte que frivole. Les
grands écrivains, quand ils prennent,. pour
s'en moquer sur la scène, un des travers pas-
sagers de leur temps, savent en dégager ce
qu'il a d'humain et d'universel. Il n'y a plus
aujourd'hui de femmes qui parlent préci-
sément comme Cathos et Madelon des Pré-
cieuses ridicules. Mais l'esprit qui anime les pré-
cieuses et les rend ridicules est de tous les
temps et de tous les pays. Molière l'a su met-
tre au plein vent, et voilà pourquoi nous voyons
encore sa comédie satirique avec tant de plai-
sir.
Mais quand l'auteur n'a pas eu assez de gé-
nie pour mettre à nu l'éternelle vérité sous les
formes changeantes dont la revêt chaque gé-
nération, il est à peu près impossible au pu-
blic de faire ce travail. Un de nos jeunes con-
frères, qui a bien du goût et de l'esprit, M. Hu-
gues Leroux, s'est amusé, dans un très joli ar-
ticle de la Revue bleue, à dépouiller les person-
nages du Cercle de leurs paniers, de leur pou-
dre, de leurs habits galonnés, et à les habiller
de nos costumes modernes. Il a retrouvé aisé-
ment dans notre société contemporaine les ori-
ginaux qu'a peints Poinsinet, et il a saisi ce
qu'il y avait de commun entre eux sous les dis-
parates du temps.
Mais c'est là un jeu d'esprit bon pour amu-
ser un lettré en quête de nouveautés piquantes.
Un public tout entier ne saurait user de ce pro-
cédé au spectacle. Il est dans son droit quand
il ne voit que ce qu'on lui montre. Ces person-
nages de Poinsinet sont tous en superficie; et,
comme ce sont les dehors qui changent le plus
d'un siècle à l'autre, ils ne peuvent plus paraî-
tre vrais qu'au très petit nombre de curieux qui
ont gardé un souvenir fidèle de la Femme au
dix-huitième siècle des frères de Goncourt.
Il ne me semble pas non plus que la Comédie-
Française ait réussi à mettre sous nos yeux un
tableau qui nous donnât la sensation du dix-
huitième siècle. Les artistes m'ont paru jouer
pesamment cette œuvre légère, qui n'est que
frivolité pimpante et grâce légère. Ils ont été
sérieux et presque lourds. Il y a dans le Cercle
un jeune colonel qui est plus souvent dans les
contraires en Europe entrer en conflit, se soit rap-
proché de manière à provoquer une crise. La cor-
respondance ajoute
Le danger est augmenté par ce fait que, dans les
sphères oirigeantes de Saint-Pétersbourg, on n'éprouve
pas de sympathie pour la politique allemande. Il est
vrai que les sympathies pour la France ne sont pas
très vivas; mais on trouve que l'attitude de l'Allema-
gne dans le moment présent est quelque peu provo-
cante. On joue trop avec le feu en Allemagne, et cela
pour des raisons de tactique électorale.
Dans le budget extraordinaire qui va être sou-
mis à l'approbation de la Chambre des représen-
tants belge, le ministère de la guerre figure pour
les sommes suivantes
Fort de Rupelmonde, 990,000 fr.; fort de Schooten,
617,836 fr.
Remplacement des fronts intérieurs de la citadelle du
Nord, 1 million.
Armement du camp retranché, 1,200,000 fr.
Ligne de la Meuse, 8 millions.
On démolira la citadelle et la Chartreuse, à Liège, et
on les remplacera par des ouvrages puissants, mais de
petite dimension. On construira également des forts à
Namur. La dépense totale est évaluée à 24 millions,
dont on demande le tiers cette année.
Armement de l'infanterie, 5 millions. La dépense to-
tale sera de 15 millions.
Artillerie de campagne, 316,000 fr. pour les 20 batte-
ries qui sont déjà pourvues du nouvel armement. Il y
aura lieu d'applfquer cet armement aux 20 autres bat-
teries, mais le gouvernement ne demande pas encore
de crédit pour cet objet.
Voitures à bagages avec harnais, 50,000 fr.
Habillement de la troupe, 400,000 fr.
Amélioration du casernement, 2 millions.
»
(Dépéches de nos correspondants particuliers)
Rome, 13 février, 10 heures 20.
Le roi a eu hier soir une longue entrevue avec
M. de Depretis. On avait fait courir le bruit que
celui-ci avait été définitivement chargé de former
le nouveau cabinet, mais la nouvelle est inexacte.
M. Depretis a prié le roi de ne pas lui confier, d'une
façon absolue, cette mission avant d'avoir con-
sulté- les personnes sur lesquelles il devrait comp-
ter pour-donner une base parlementaire solide à
son administration.
Les craintes de M. Depretis ne sont pas provo-
quées par l'attitude de M. de Robilant, dont le con-
cours lui est certainement acquis, mais par celle
des dissidents de droite et d'un petit groupe du
centre, qui ne consentent à accorder leur confiance
à un nouveau cabinet Depretis qu'à la condition
d'en voir exclu M. Magliani, dont ils ont combattu
depuis longtemps la politique financière.
M. Depretis ne veut pas se séparer de M. Ma-
gliani, qu'il considère surtout comme étant très
utile pour le crédit de l'Italie à l'étranger.
M. Depretis cherchait hier soir à obtenir l'appui
du groupe agraire, qui a voté contre le ministère
tout dernièrement. Il était disposé à faire des
concessions, mais il paraît que les prétentions des
agraires, depuis qu'ils ont obtenu une majorité
protectionniste dans la commission des douanes,
sont exorbitantes on ne croit pas que M. Depretis
puisse les satisfaire facilement.
Dans ce cas, M. Depretis reviendrait aux dissi-
dents de droite en sacrifiant M. Magliani, qui se-
rait probablement remplacé par M. Ellena, ancien
directeur général au ministère des finances.
C'est seulement après la solution de ces difficul-
tés que M. Depretis se chargerait définitivement
de la composition du cabinet.
Il n'est probable que cela puisse être fait ni au-
jourd'hui ni demain.
Scutari, 12 février, 4 heures.
Toutes les familles mahométanes ont quitté Dul-
cigno pour s'établir sur territoire turc. Les mai-
sons et les terres ont été vendues à des Monténé-
grins mais, par le départ des familles mahomé-
tanes, qui formaient la classe aisée de la popula-
tion, la ville de Dulcigno a perdu sa prospérité.
Tunis, 13 février.
La distribution des secours aux indigènes victi-
mes du tremblement de terre de Djemal a été faite
en présence du général Bertrand, par les soins du
comité franco-italien. A cette occasion, M. Alata
contrôleur civil à Sousse, a prononcé une belle al!
locution en arabe qui a fait grande impression sur
les indigènes.
Ceux-ci ont vivement remercié. L'effet de cette
distribution est des meilleures sur l'esprit de la
population musulmane, laquelle est peu habituée
à de pareils procédés de charité.
Les assises s'ouvrent cette semaine. Malgré l'ad-
jonction d'une deuxième chambre, le tribunal est
toujours excessivement chargé. Il sera nécessaire
de remédier bientôt à cet état de choses, car le
nombre d'affaires à juger va toujours en croissant.
La Ligue de l'enseignement va créer ici une sec-
tion tunisienne. Elle a recueilli de nombreuses
adhésions.
Hier a eu lieu, chez le ministre résident et sous
sa présidence, une réunion de la section tunisienne
de l'Alliance française pour la propagation de la
langue française. M. Machuel, directeur de l'ensei-
gnement, a rendu compte des travaux de l'année.
Les ouvriers de la manufacture des tabacs sont
en grève. Comme la conciliation paraît impossible,
la direction est décidée à faire venir des ouvriers
d'Algérie. De plus, elle va établir un outillage mé-
canique.
boudoirs qu'à la tête de son régiment, grand
nouvelliste et diseur de balivernes, qui travaille
à la tapisserie des belles dames tout en leur
débitant des compliments fades. C'est Prud-
hon qui est chargé du rôle qu'avait créé à
l'origine le sémillant Molé. Eh bien Prud-
lion manque de désinvolture impertinente
il dit juste, mais sans brio. Je ne sais pas
évidemment ce qu'y fût Molé, mais je me
figure ce que Leroux aurait pu faire du rôle.
Je n'ai pas non plus aimé beaucoup M. Fé-
raudy dans celui du médecin. Il est vrai que
Féraudy est un de ces comédiens qui ne s'em-
parent jamais d'un rôle qu'à la longue. La
première représentation n'est pour eux qu'un
essai.
J'ai été, en revanche, charmé de la façon
dont le jeune Berr a conçu le personnage du
petit abbé, doucereux, insinuant, d'une galan-
terie onctueuse et chantant avec des fioritures
de voix des romances sentimentales. Je ne
sais, mais il me semble que celui-là était plu-
tôt dans le ton de l'oeuvre.
M. Truffier faisait le bel esprit. Il a exagéré,
à mon sens, les manifestations de colère que
permet le rôle. Du même fonds de servilité dont
un jeune poète de ce temps-là acceptait le pa-
tronage d'une marquise, il en subissait égale-
ment en silence les rebuffades et les imperti-
nences. Il est clair qu'un écrivain d'aujourd'hui
n'accepterait pas les humiliations dont Aramin-
the abreuve ce nourrisson des muses. Mais
il va sans dire aussi que nul écrivain n'îrait
s'asseoir à un bout de table, attendant une
éclaircie de silence pour dire le premier vers
de son poème. Du moment que Damon, le bel
esprit, a plié son orgueil à cette situation
douloureuse, il doit, sans le témoigner trop haut,
en dévorer les conséquences. Je n'admets pas
qu'il frappe la table d'un énorme coup de poing;
si pareille incongruité lui était échappée dans
le salon d'Araminthe, on l'eût fait jeter à la
porte par un laquais. Encore moins compren-
drais-je qu'en se retirantil renverse une chaise,
coure après son chapeau; ce sont là jeux de
scènes dignes de Bobèche et de Galimafré.
Garraud avait à représenter un vieux mili-
taire franc et brusque; il a été lourd et coton-
neux, Boucher a assez gentiment dit le rôle
de Lisidor mais c'était comme un fait exprès,
tout paraissait terne à cette représentation.
Mme Pierson jouait le rôle d'Araminthe.
Araminthe, dit M. Hugues Leroux dans l'étude
dont j'ai parlé, c'est la coquette sur son déclin
déjà qui, raccrochée à des restes de beauté, ne
se console pas de voir sa fille grandir près d'elle
et devenir une rivale. Toute pétrie de vanité et
d'égoïsme, elle est trop sotte pour être décidé-
ment méchante et s'arrête dans l'insignifiance,
où elle bourdonne avec un bruit agaçant de fre-
lon. Elle ramène toutes choses à soi avec une naï-
veté plaisante. Il faut pourvoir sa fille, et, tout
Un grand incendie a détruit un entrepôt de chif-
fons. Un caporal et quatre soldats du 4a zouaves
se sont distingués dans ce sinistre.
• (Service Havas)
Berlin, 13 février.
La Gazette nationale annonce que, ces jours derniers,
une lettre extrêmement amicale de l'empereur de Rus-
sie à l'empereur Guillaume est partie de Saint-Péters-
bourg. Montevideo, 12 février.
Le général Maximo Santos, ex-président de la Répu-
blique, se soumet au décret de bannissement prononcé
oontre lui. Il se rendra à Rio-Janeiro.
Montevideo est tranquilte.
-aïs-
DERNIÈRE HEURE
L'agence Havas nous communique la note sui-
vante
Quelques joùrnaux étrangers ont prétendu que M.
Féraud, ministre de la République française à Tanger,
avait obtenu pendant son séjour à Maroc certaines
rectifications de frontières.
Cette allégation est inexacte. Il a simplement été
pourvu au règlement éventuel d'indemnités qui pour
raient être réclamées par des Marocains propriétaires
d'arbres fruitiers plantés à Djenieh-Bou-Bzey sur un
terrain où les autorités militaires de l'Algérie ont l'in-
tention d'élever un bordj ou blockhaus.
Il est également inexact que le gouvernement fran-
çais ait eu se prononcer sur une combinaison interna-
tionale tendant a faire garantir par les puissances l'in-
tégrité du territoire marocain.
Voici une nouvelle qui causera une grande sen-
sation parmi les artistes et les archéologues.
Le gouvernement francais vient d'obtenir du
gouvernement grec l'autorisation de faire exécu-
ter des fouilles à Delphes. Si nos renseignements
sont exacts, les conditions du traité sont à peu
près les mêmes que pour les célèbres fouilles exé-
cutées par les Allemands à Olympie.
On sait que Delphes était, avec Olympie, le plus
important des sanctuaires de l'ancienne Grèce,
comme Olympie, par les dons faits par les sou-
verains et par les riches particuliers, était devenu
un incomparable musée. L'emplacement du temple
est aujourd'hui couvert par un petit ouvrage. Le
sol en est à peu près complètement vierge, et c'est
l'avis de tous les savants qu'il doit receler des tré-
sors importants pour l'art et pour l'histoire.
Les négociations avaient été commencées par
M. de Mouy, dont on connaît le dévouement à l'art
antique. Elles ont été reprises par M. de Montho-
lon à la suite de la mission de M. Eugène Guillau-
me qui a visité la Grèce l'automne dernier. Les
Américains, qui ont comme la France une école à
Athènes, sollicitaient de leur côté cette autorisa-
tion.
̃<*&»<•
Nous avons bien fait de ne pas nous livrer
aux commentaires sur le programme égyp-
tien du gouvernement anglais, puisqu'on
nous prévient aujourd'hui que les bruits de
presse à cet égard étaient erronés. Le projet
de neutralisation de l'Egypte, en particulier,
se borne, dit-on, à une neutralisation du ca-
nal de Suez. Il sera bon, évidemment, d'at-
tendre que toute cette conception nous soit
connue sous une forme officielle. La seule
chose qu'il y ait à faire pour le moment est
de poser, avec autant de netteté que possible,
les termes du problème qu'il s'agit de résou-
dre. Insistant comme nous le faisons, et
comme nous avons le droit de le faire, sur le
devoir des Anglais de préparer cette solu-
tion, nous reconnaissons par là même que
c'est notre affaire aussi bien que la leur. Il
ne suffit pas de se plaindre de leur lenteur
ou de leur impuissance; nous sommes tenus
d'avoir un avis sur les mesures à prendre,
et nous serons mal placés pour rien deman-
der et rien obtenir aussi longtemps que nous
n'aurons pas une politique égyptienne.
Sur le but à atteindre, il ne saurait y avoir
divergence de vues. Tout le monde est d'ac-
cord, nous le supposons du moins, pour ad-
mettre que la tâche de l'Europe en Egypte
consiste en ces trois choses protéger le
gouvernement contre les tentatives révolu-
tionnaires, faire régner l'ordre, mettre le
pays en état de faire face à ses obligations
financières. Le khédive, la force publique et
le coupon, tels sont en gros les intérêts qu'il
s'agit de garantir.
Mais si l'on est d'accord sur le but, on
cesse de l'être sur les moyens à prendre
pour arriver à ce but. Ou plutôt, non, la
question n'est pas même agitée. Nous ne la
voyons discutée nulle part, et les têtes si fer-
tiles en projets sur tant d'autres problèmes
politiques semblent s'interdire d'aborder ce-
lui-là.
Essayons cependant. Il est clair, pour
commencer par là, que l'occupation n'est
pas une solution. Les Anglais le sentent eux-
mêmes, puisqu'ils cherchent à sortir de la
position dans laquelle ils se sont étourdiment
engagés. Ils ne peuvent s'empêcher de re-
connaître qu'ils n'ont rien fait jusqu'ici d'effi-
cace et de durable, que leur présence seule
empêche l'Egypte de retomber dans l'anar-
comme Argan qui veut un gendre médecin pour
être à même des consultations et des remèdes,
Araminthe souhaite un gendre qui l'égaie, étant
naturellement triste. Au théâtre, où elle va par
genre, elle ne songe qu'à sa figure, à l'admira-
tion qu'elle peut exciter, et ne se montre pas à
ces spectacles « dont une femme ne sort que
les yeux gros de larmes et le cœur gros de sou-
pirs, après avoir entendu des injures contre les
grands et par-ci par-là quelques imprécations.
Cela vaut bien la peine d'avoir les yeux battus
et le teint flétri. » Vaine comme elle est, ce
n'est que le plaisir qu'elle cherche. Vive l'opé-
ra-comique s'écrie-t-elle. Le théâtre italien
est, à mon gré, le vrai spectacle de la nation;
il n'intéresse point l'âme il n'attache point
l'esprit; il réveille, il ranime, il égaie, il en-
lève. »
Notez qu'avec cela elle se pique d'aimer les
lettres, qu'elle en parle, qu'elle protège le bel
esprit Damon; mais, là encore, avec quelle
cruauté inconsciente elle traite le prochain 1
Elle croit faire plaisir à son poète en lui disant
au nez « qu'elle juge de sa tragédie par la jolie
chanson qu'il lui a adressée le jour de sa fête ».
Et elle lui propose d'en commencer la lecture
tandis qu'elle fait un besigue, à peu près com-
me on paye un musicien pour jouer derrière
un paravent pendant un repas. Et, au jeu même,
l'enfant gâtée qu'elle est se trahit dans tous ses
mouvements, dans toutes ses paroles; elle en-
rage contre la déveine qui lui met de basses
cartes dans la main; si mauvaise joueuse qu'elle
plante là la partie, qui tourne contre elle, et
abandonne ses partenaires parce que son serin
s'est envolé.
Mlle Pierson n'a peut-être pas la frivolité
brillante qu'il faudrait bien pour jouer ce rôle.
Elle était habillée à ravir. Les doctes m'ont af-
firmé que certains détails de l'ajustement pé-
chaient contre la vérité du moment. C'est ça,
par exemple, qui m'est égal 1 L'important est
qu'à moi profane, qui n'ai pas fait d'études
particulières sur la mode de 1764, le costume
donne l'idée du dix-huitième siècle. Mais le
diable, c'est que Mlle Pierson est une bour-
geoise du nôtre. Dumas, qui la connaît et qui
en joue, comme un pianiste de son clavier, lui
a fait spécialement pour elle le personnage de
Mme de Thausette où elle est inimitable, et celui
de la prudente amie de Francillon. Il se fût
bien gardé d'écrire pour elle le rôle d'Aramin-
the. Elle y est agréable, rien de plus. Mmes Fré-
maux, Durand et du Minil sont au-dessous
de cette très estimable moyenne qui est l'hon-
neur de la Comédie-Française.
Rendons justice à Mlle Kalb. Il est vrai
qu'elle jouait un rôle tout de convention clas-
sique, un rôle de soubrette. Mais elle l'a rendu
avec une verve de bon aloi; le .visage haut en
couleur, l'œil fripon, la voix gaie. Elle nous a
dit, avec une charmante variété de nuances, un
chie, et qu'à prolonger l'occupation on na
réussira pas davantage à créer dans le delta
un Etat capable de se soutenir par ses pro-
pres forces.
On a, ces derniers jours, prononcé lô
mot de neutralisation. Mais la neutralisa-
tion, à supposer qu'elle fût réalisable, ne ré-
pondrait pas au programme que nous tra-
cions tout à l'heure. La neutralisation ne
concerne que la situation internationale d'un
pays; elle ne donne à ce pays ni des institu-
tions, ni des garanties d'ordre et de prospé-
rité intérieurs. Ajoutons, puisque nous
rencontrons ici le projet de placer, soit
l'Egypte, soit le canal de Suez sous
le régime de la neutralité, qu'il con-
vient de ne pas mettre trop de con-
fiance dans de pareils desseins. La neutra-
lité d'un territoire est l'une de ces notions de
droit public que le réalisme de la politique
moderne a tout doucement vidées de leur
contenu. Il est entendu aujourd'hui que les
pays déclarés neutres, et qui ont envie de
rester tels, ne sauraient compter pour cela
sur les puissances qui ont signé au traité. La
seule garantie réelle qu'ils aient du respect
de leur territoire en temps de guerre, c'est
la force militaire dont ils peuvent disposer
eux-mêmes pour barrer le chemin aux ar-
mées belligérantes. C'est ce que la Suisse a
admirablement compris et ce à quoi elle s'esf
préparée depuis quarante ans avec une acti-
vité persévérante c'est ce que la Belgique,
en revanche, ne s'est pas assez dit jusqu'ici
c'est enfin ce qu'il ne faudra pas oublier-
dans les négociations au sujet du canal de
Suez, si l'on ne veut se payer de mots et se
bercer d'illusions.
Le régime auquel les Anglais ont pensé
pour remplacer l'occupation, ce n'est pas la
neutralisation, qui, nous venons de le voir,
ne répond à rien, c'est le rétablissement da
l'Egypte sous la domination turque. Le sul-
tan qui est resté le suzerain nominal du pays
en redeviendrait le souverain effectif; à char-
ge de le protéger, il le gouvernerait. On ne
peut nier que la proposition^ ne soit à quel-
ques égards pratique, spécieuse même; seu<
lement on est en droit de se demander si le
remède ne serait pas pire que le mal qu'il
s'agissait de guérir. La mission de si)
H. Drummond Wolff à Constantinople nous
a toujours paru l'acte de désespoir d'un gou-
vernement qui, ne sachant plus commen
sortir d'embarras, cherche à oublier les ver.
tueuses indignations que lui inspirait jadis la
domination ottomane.
C'est affaire, du reste, à l'Angleterre de
mettre sa conduite d'accord avec ses princi-
pes d'humanité. Notre rôle, à nous, est, non
pas d'attendre les résolutions de nos voisins
pour les critiquer ensuite avec plus ou moins
d'humeur et de sarcasme, mais d'y aider
dans la mesure de nos forces, puisque aussi
bien nous y sommes profondément intéres-
sés. Nous tenir simplement sur la défensive,
nous contenter de réclamer à tout propos l'é-
vacuation, ce n'est là une politique ni digne,
ni fructueuse. Nous l'avons déjà dit et nous
y insistons la France ne poursuivra jamais
l'évacuation d'une manière utile, si elle n'a
pas quelque chose à proposer pour y succé-
der, ou si elle n'est pas convaincue que, une
fois rendu à lui-même, le delta saura se gou-
verner et s'administrer tout seul. Notre gou-
vernement est tenu d'avoir une réponse à ces.
deux questions le départ des Anglais lais-
serait-il l'Egypte en état de maintenir l'ordre
et de remplir ses engagements? Et si l'E-
gypte risque de retomber dans l'anarchie,
quel est l'avis de la France sur le moyen de
prévenir ce danger ? Nous avons lu et nous
lisons tous les jours d'éloquentes déclama-
tions sur les affaires égyptiennes, mais nous
n'avons guère rencontré jusqu'ici de tenta-
tive pour aborder sérieusement, politique-
ment, l'examen des difficultés que nous a
léguées l'insurrection d'Arabi.
Le Soir, en des termes d'ailleurs infiniment ai-
mables, où nous eussions reconnu, en l'absence
même de toute signature, notre sympathique et
savant confrère M. Ad. Coste, nous impute une
part de responsabilité dans la triste façon dont lr
budget de 1887 a été dressé par le gouvernement
et par la Chambre. Malgré la courtoisie extrême
avec laquelle ce reproche est formulé, nous en
avons été, nous l'avouons, très touchés. Il n'en
pouvait être qui nous fût plus sensible. On sait,
en effet, si nous avons à cœur le bon renom de nos
finances, l'éclat et la solidité de notre crédit, lE
sérieux équilibre de nos budgets. Nous aurions
compromis ces intérêts ou contribué à les comprc
grand diable de récit, qui n'était pas d'un débit
commode.
Ce qui m'a plus frappé que les défaillances
individuelles qu'il m'a été impossible de ne pas
signaler, c'est l'incertitude de l'ensemble. Les
groupes n'étaient pas pittoresques on ne sen.
tait pas dans l'arrangement de cette mise en
scène un arrière-goût du dix-huitième siècle.
C'est M. Coquelin cadet qui, en qualité de se-
mainier, a monté ce petit acte. Il est impossi-
ble de ne pas reconnaître que la mise en scène
est un art qu'il n'entend pas encore.
On parle beaucoup de l'opportunité qu'il y
aurait de faire rentrer M. Delaunay à la Comé-
die-Française. On m'affirme qu'il porte impa-
tiemment son inaction. Il y aurait un moyen.
honorable pour lui, utile pour nous, de l'occu-
per dans cette maison, dont il a été durant
tant d'années l'un des plus glorieux représen-
tants ce serait de Ini confier les fonctions de
régisseur général.
Elles n'ont rien qui puisse le désobliger. M.
Régnier les a remplies durant quelques mois,
et, s'il a donné sa démission, c'est qu'il appor-
tait dans cette partie de l'art des vues et des pré-
jugés qui ne s'accordaient point avec les idées
de M. Perrin. Tous deux étaient prodigieuse-
ment tenaces; il fallait que l'un des deux cédât.
Ce fut naturellement Régnier qui lâcha pied
devant son directeur.
Cet antagonisme ne se renouvellerait pas en-
tre M. Delaunay et M. Jules Claretie. On ne le
sait pas assez. Delaunay est un des metteurs
en scène les plus intelligents, les plus exquis,
les plus fertiles en ressources qu'il y ait à Pa-
ris. Il a un goût très sûr et une connaissance
profonde des traditions. J'ajouterai, à sa louan-
ge, qu'il est d'une politesse rare et d'une mo-
destie perméable à toutes les objections justes
et à tous les bons conseils. Il a monté quelques
pièces à la Comédie-Française, et l'on s'est
toujours bien trouvé de suivre ses avis.
M. Claretie est tiraillé par trop d'occupations
diverses pour être toujours à son avant-scène.
Il n'est pas même bon qu'il y soit toujours.
Nous avons vu avec M. Perrin les iaconvé-
nients de cette méthode.
C'était un principe chez La Rouriat de laisser
à son régisseur le soin de débrouiller la pièce.
Il arrivait aux dernières répétitions, le goût
frais, et donnait les indications suprêmes. Si
la pièce ne lui paraissait pas susceptible da
marcher, après corrections, il lasupprimait pu-
rement et simplement.
Il faut que M. Claretie ait pour ces premiers
soins de mise en scène quelqu'un sur qui il
puisse se reposer en toute confte^*J. Je ne vois
aucun des semainiers qui papede l'autorité
nécessaire, sauf Got peut-ôfriTOt VVorms. Mais
ni l'un ni l'autre ne s'en soucient beaucoup.
Nous verrions avec plaisir qu'un artiste comme
Delaunay fût chargé de cette besogne. 11 n'v
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