Titre : Le Temps
Éditeur : [s.n.] (Paris)
Date d'édition : 1886-09-19
Contributeur : Nefftzer, Auguste (1820-1876). Fondateur de la publication. Directeur de publication
Contributeur : Hébrard, Adrien (1833-1914). Directeur de publication
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Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
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Description : 19 septembre 1886 19 septembre 1886
Description : 1886/09/19 (Numéro 9269). 1886/09/19 (Numéro 9269).
Description : Collection numérique : Bibliographie de la presse... Collection numérique : Bibliographie de la presse française politique et d'information générale
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Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
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DIMANCHE 19 SEPTEMBRE 1S86.
VINGT -SIXIÈME ANNÉE. N« 0260.
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PARIS. Trois mois, 1 4 fr. Six mois, 28 fr. Un an, 56 fr.
DÉPi* «S ALSACE-LORRAINE 17fr.; 34fr.; 68 fr.
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LES ABONNEMENTS DATENT DES ler ET 1G DE CHAQUE MOIS
Un n.*im.éx*o («départements) 3O centimes.
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(Droit d'insertion réserve à la rédaction.)
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PARIS Trois mois, 14 fr.; Sir mois, 28 fr. Ua an, 53 fr.
ÎÉPf&ÀlSACE-LORRÀlRB 17fr.; 34 fr.; 68 fr.
ïfflON POSTALE lSfr.; 36 fr.; 72 fr.
LES AIIOSNEWEUTS DATENT DES 1er ET 16 DE CHAQUE MOIS
Un numéro (à Paris) 1£J centimes.
Directeur politique Adrien Hébrard
La rédaction ne répond pas des articles communiqués
BUREAUX 5 d des Ita~liens PARIS
BUREAUX 5, boulevard des Italiens, PARIS
§ur leur dlemantle,, tes abon«
^és nouveaux recevront tout
ce qui a parw «lu feuilleton en
coîsrs «le put>Heatïoiî.
PARIS, 18 SEPTEMBRE
ULLETIN DU JOUR
Le premier ministre de Roumanie, M.
Jean Bratiano, a été l'objet avant-hier d'une
tentative d'assassinat. Comme il sortait vers
le soir d'une séance du conseil, accompagné
d'un député, M. Robescu, un homme aposté
dans la rue tira sur le ministre un coup de
pistolet qui blessa légèrement son compa-
gnon. L'assassin fut immédiatement arrêté
et déclara se nommer Stoïca Alexandrescu,
ancien sous-officier du génie, et actuellement
épicier et débitant de vin à Rimnicu-Saratu.
Dès le lendemain, la nouvelle de l'attentat
"s'étant répandue, la populace, rendant le
parti et la presse de l'opposition responsables
de ce crime, s'est attroupée devant les bu-
reaux de l'Indépendance roumaine, de l'Epoca
et de la Romania. Les presses de ces jour-
naux ont été brisées, les locaux mis à sac et
plusieurs rédacteurs écharpés. Ces manifes-
tations se sont reproduites dans la soirée
d'hier avec moins de violence et ont pris le
caractère d'une ovation à l'adresse de M.
Jean Bratiano.
Depuis dix ans, M. Bratiano détient le
pouvoir, et il convient de faire, dans les
accusations passionnées dont il est l'objet,
la part de l'intempérance de langage pro-
pre aux races méridionales des rancunes
inavouables soulevées par la victoire d'un
ministre heureux chez ses adversaires,
privés depuis longtemps des douceurs du
pouvoir. Il convient surtout de protester
hautement contre l'emploi de moyens de
violence, que la presse de l'opposition n'a
pas toujours désavoués; le triste attentat du
16, que la fraction extrême des adversaires
de M. Bratiano l'ait inspiré, qu'il soit le fait
d'un fou politique ou d'un simple malfaiteur,
est de nature à compromettre pour long-
temps la situation du parti antiministériel et
à lui faire regretter vivement le tort où il
s'est mis en faisant douter de sa détermina-
tion à rester sur le terrain de la légalité.
Si la position de M. Bratiano se trouve
encore consolidée par les incidents de ces
deux derniers jours, il est à souhaiter que
cet accroissement de pouvoir l'engage à user
avec plus de modération, et avec des formes
plus correctes et moins rudes, de l'ascendant
dont il est investi.
Les travaux du Reichstag allemand sui-
vent cette fois un cours moins uni que d'ha-
bitude. Le parti socialiste a pris en effet, de-
puis la rentrée, une attitude militante qui me-
nace de faire traîner en longueur les travaux
de l'assemblée et d'y susciter des questions
importantes. Tandis que le gouvernement
voulait faire voter immédiatement le projet
de prorogation du traité hispano-allemand,
les socialistes, qui comptent 15 membres,
juits le nombre nécessaire, ont demandé le
dépôt et la distribution de cette proposition,
de sorte que les séances ont dû être suspen-
dues pendant trois jours. Antérieurement
déjà, M. Bebel s'était opposé à l'élection du
prr id nt par acclamation. Enfin, on annonce
ai jo ird'hui que les socialistes, réunis en as-
sen.Lléi de parii, ont décidé de présenter
une interpellation au sujet des affaires bul-
gares, dans laquelle ils feront ressortir la
contradiction qui existe entre la non-puni-
tion des auteurs du coup d'Etat de Sofia et le
principe monarchique.
Ces manœuvres d'obstruction et ces tenta-
tives de charger l'ordre du jour du Reichsa
tag s'expliquent en partie par le désir des
socialistes de prolonger leur séjour à Berlin,
où il ne leur est permis de résider qu'en
vertu d'un sauf-conduit pendant la session,
et où ils ont d'importants intérêts à sauve-
garder. Mais le sujet de l'interpellation qu'on
leur prête le dessein de déposer montre éga-
lement leur intention de forcer le gouverne-
ment à des explications embarrassantes sur
son attitude dans la question d'Orient. Si le
débat s'engage sur la récente campagne di-
plomatique de l'Allemagne, on peut s'atten-
dre à une discussion intéressante, et les mi-
nistres, privés du puissant appui du prince
de Bismarck, auront à soutenir un rude asg
saut.
FEUILLETOfS DU «TEMPS»;
DU 19 SEPTEMBRE 1886 (S6>
LA GRANDE TONTINE
_•–
XXII
M. Pegram avait été légèrement déconcerté
en ne recevant pas de lettre de lord Lakington
par le retour du courrier. Ce désappointement
se changea en inquiétude lorsque M. Ringwood
se présenta dans l'après-midi comme agent du
vicomte, pour voir M. Krabbe et prendre quel-
ques renseignements relatifs à sa personne.
Je ne dois pas oublier de vous assurer,
monsieur Pegram, dit Ringwood, que lord La-
kinglon n'aurait jamais songé à prendre cette
mesure si vous ne l'aviez vous-même propo-
sée. Il n'attache aucune importance aux asser-
tions de son neveu mais il a cru que nous
vous donnerions satisfaction, aussi bien qu'à
M. Robert Pegram, en mettant toute cette af-
faire au grand jour. Il ne manque pas de gens
à Nydland qui ont vu M. Krabbe dans son cot-
tage quand je les aurai entendues, j'irai le
voir demain, avec votre permission, et l'inci-
dent sera terminé ainsi, je l'espère,
De grâce, ne me parlez pas de ma permis-
nion, dit l'attorney. M. Krabbe n'est pas tou-
jours, il est vrai, disposé à recevoir ses visi-
teurs, et la garde-malade, de son côté, pense
qu'il n'est pas judicieux de l'agiter pour satis-
faire Ie-prcmier visiteur venu. J'espère, néan-
moins, qu'il ne fera pas de difficultés pour vous
recevoir.
Il fut donc arrangé que Ringwood passerait
le lendemain, vers midi, au cottage, quoique
M. Pegram fût secrètement mécontent que le
vicomte l'eût pris au mot. Il avait cru calculer
juste en comptant sur une réponse chevaleres-
DÉPÊCHES TÉLÉGR&PHSQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
Bucarest, 18 septembre, 8 h. 40-
On suppose que l'auteur de l'attentat commis sur
la personne de M. Jean Bratiano est un fanatique
du parti dévoué à la Russie. On n'a pas encore | u
savoir si Stoïca Alexandrescu avait des complices.
M. Robescu, qui accompagnait M. Bratiano, n'a
été que légèrement blessé aux reins, une ceinture
métallique qu'il porte habituellement ayant amorti
le choc de la balle.
L'opinion publique s'est énergiquement pronon-
cée en faveur de M. Bratiano. Après une manifes-
tation devant le ministère de l'intérieur, où se
trouvait le président du conseil, qui a dû venir
saluer et remercier les manifestants, la foule s'est
rendue devant les bureaux de rédaction des jour-
naux de l'opposition, l'Indépendance roumaine, laRo-
mania et d'autres, qu'on accuse d'être responsables,
par leurs continuelles attaques, de la tentative
d'assassinat, et a cassé les vitres. Quelques rédac-
teurs ont été même maltraités et de nombreux dé-
gâts matériels ont été commis. La police ne par-
vint qu'avec peine à rétablir l'ordre.
Dans la soirée, plusieurs autres manifestations
ont encore eu lieu devant l'hôtel de M. Bratiano.
Berlin, 18 septembre, 9 heures.
On assure que des négociations sont pendantes
entre l'Allemagne et l'Espagne pour l'admission
des valeurs espagnoles à la Bourse de Berlin.
Budapest, 18 septembre, 8 h. 10.
Des mesures énergiques ont été .prises contre
l'épidémie cholérique, qui du reste, jusqu'à pré-
sent, a un caractère très bénin. Malheureusement,
la petite vérole, a également éclaté à Budapest et
fait de nombreuses victimes.
Le choléra se propage en Croatie dans les envi-
rons d'Ogulin.
Bruxelles, 18 septembre, 8 heures.
Un arrêté royal révoque de ses fonctions M.
Ronvaux, échevin de l'instruction publique de la
ville de Namur, en raison du toast qu'il a porté
au roi au banquet des instituteurs réunis en con-
grès à Namur.
Parmi les hommes politiques qui prendront part
aux travaux du congrès catholique de Liège, on
cite MM. Delcour, ancien ministre de l'intérieur,
le comte de Mun, le comte de Ségur-Lamoignon,
l'abbé Schaepman, député aux Etats-Généraux de
Hollande, le comte Félix de Loë, président de l'As-
sociation des paysans du Rhin inférieur et un des
chefs du parti clérical rhénan, l'abbé Desbach, de
Trèves, un des promoteurs d 'œuvres ouvrières en
Allemagne, et un certain nombre de députés alle-
mands appartenant au parti du centre.
A propos du budget des cultes, la com-
mission du budget nous a fait assister hier,
une fois de plus, au genre de spectacle dont
elle a pris et donné l'habitude d'abord, sur
33 membres dont elle se compose, 15 seule-
ment étaient présents, et, sur ces 15, il s'en
est trouvé tantôt 3, tantôt 5 pour ne pas pren-
dre part au vote. Il est impossible, on
l'avouera, d'apporter moins de conviction
dans une discussion de principe. La ques-
tion du maintien ou de la suppression du
budget des cultes s'est posée d'un commun
accord sur le crédit affecté au traitement des
évêques 5 voix ont suffi pour repousser ce
crédit, qui se trouvait ainsi disparaître parla
volonté de la septième partie de la commis-
sion du budget, les six autres parties votant
contre, s'abstenant ou s'absentant; on recon-
naîtra que cette manière de résoudre l'un des
plus gros problèmes des temps modernes est
peu digne du sujet. Il est vrai que le même
crédit, réduit de 4,000 francs, a été adopté
aussitôt après, ce qui a remis le Concordat
sur ses pieds; mais les auteurs de ce rabibd-
chage n'ont pas eu plus tôt accompli un tel
acte d'héroïsme qu'ils se sont vengés dans
le détail de la liberté grande qu'ils venaient
de prendre avec les théories radicales dans
l'ensemble.
Ils ont naturellement commencé par les
chanoines, qui portent la peine de leur
nom, bien que l'institution profite exclusi-
vement à quelques vieux prêtres sans res-
sources et visiblement inoffensifs; ils ont en.
suite-ce qui est bien autrement grave-re-
tiré au clergé français de Tunisie et d'Algérie
la subvention de 100,000 francs qui lui était
allouée jusqu'à présent; ici, il n'est pas
question de religion, mais de patriotisme
personne n'ignore l'action extraordinaire'
qu'exerce dans ces parages un évêque émi-
nent, M. Lavigerie, et tout le monde sait que
cette action s'exerce entièrement au profit de
l'influence de notre pays; il y a plus si par
malheur le clergé français en Afrique était
désarmé ou ruiné, ses clients tomberaient
fatalement sous la coupe du clergé italien,
qui les vise et nous atteindrait du même coup;
il arriverait ainsi que la campagne de Tunisie,
motivée par la nécessité de ne pas laisser
que repoussant avec indignation l'idée de faire
une enquête. Cependant il n'eut pas un instant
l'idée de faiblir.
Qu'il s'informe, Bob, dit-il, qu'il aille voir
Krabbe, si bon lui semble! Ce qu'il rappor-
tera de son voyage de découvertes ne sera pas
lourd!
I! paraît prendre la chose avec une par-
faite indifférence, dit Robert, et penser qu'on
lui fait faire une démarche inutile et ridicule.
Hum! Il est peut-être plus dangereux qu'il
n'en a l'air. J'aime beaucoup mieux un garçon
qui jette feu et flammes comme ce M. Philli-
more il n'est pas dit que ce mielleux avocat
ne nous donnera pas du fil à retordre. La con-
duite du vicomte me chiffonne, Bob, continua
l'attorney après un silence; cela ne cadre pas
avec la mesure que j'avais prise de lui; c'est
moi qui ai proposé cette enquête, je le veux
bien, mais néanmoins. je me demande s'il est
arrivé quelque chose qui lui ait donné des soup-
çons.
Je n'en sais rien, dit Bob, mais le jeu me
paraît devenir singulièrement risqué, et je pro-
poserais, moi, qu'on l'abandonnât avant qu'il
fût devenu trop tard!
L'abandonner! répéta le vieillard avec co-
lère, quand nous tenons le succès à huit jours
de date!Que M. Ringwood s'informe, je le
répète, je suis plus fort que lui! [
Cela reste à prouver, père, dit Bob d'un
air sombre. Quelque chose me dit que nous som-
mes sur un volcan. Si vous m'en croyez, nous
répandrions sans tarder la nouvelle de la mort
subite de Krabbe et nous ferions dire à ce
Ringwood qu'il est impossible qu'il voie le bon-
homme, puisqu'il n'est plus de ce monde.
Y songes-tu mais ce serait aussi dange-
reux que stupide Quoi, après avoir trompé
le docteur lui-même, qui par deux fois a en-
voyé les certificats de vie nécessaires pour que
nous touchions les dividendes, nous ne jette-
rions pas de la poudre aux yeux de cet étran-
ger?.
Mais Bob était décidément pris de panique.
C'est inutile 1. La partie est jouée, vous
dis-je répota-t-il. Si nous voulons nous tirer
de cette triste affaire, il n'y a plus une minute
à perdre.
Tu perds la tête s'écria le père suppo-
sons que j'envoie, comme tu le proposes, la
nouvelle de la mort de Krabbe à ce M. Ring-
wood, ne vois-tu pas que s'il n'a pas encore de
soupçons cela seul suffirait à les faire naître? J
Ne vois-tu pas tous les gens de Nydland se
constituant en tribunal et faisant cette fois une
enquête sérieuse sur l'identité de Krabbe. Et
puis, s'il s'agissait de produire le cadavre, com-
ment t'arrangerais-tu ?. Tu le vois, continua
r V
s'établir aux portes de notre? colonie algé-
rienne une autre puissance maritime que la
nôtre, aurait finalement pour résultat de l'y
installer de nos propres mains par les voies
religieuses, les plus efficaces et les plus du-
rables. Et, par une contradiction vraiment
incroyable, certains parmi les députés qui
poursuivent cette suppression néfaste sont
les premiers à s'effrayer du mal que nous
font les missionnaires anglais à Madagas-
car et ailleurs tout récemment encore
il s'est fait un courant d'opinion pour le
maintien de notre protectorat religieux
dans l'Empire chinois ce courant a été
d'une telle force dans les milieux les moins
enclins à se préoccuper de cette sorte d'in-
térêts que le pape paraît avoir reculé de-
vant l'offre de nous destituer à son profit de
ce privilège séculaire. Encore opérons-nous
là sur un terrain qui n'est pas le nôtre et que
l'éloignement de nos côtes, les progrès de la
puissance chinoise et les coups de théâtre
auxquels l'extrême Orient nous a habitués
rendent particulièrement difficile; mais en
Algérie et en Tunisie, c'est-à-dire chez nous,
en pleine Méditerranée, au moment où les des-
tinées de l'Empire ottoman et la position res-
ective des puissances maritimes paraissent à
la veille de subir de profondes modifica-
tions, affaiblir, sous l'impulsion de la plus
aveugle des passions, une situation que nos
voisins et nos rivaux nous envient, servir
ainsi leurs desseins et faire en quelque sorte
leur œuvre, vraiment cela passe la mesure.
Il est vrai que la commission du budget
mieux informée et plus complètement réu-
nie, la Chambre haranguée et, espérons-le,
retournée comme elle l'a été l'an dernier
par M. le ministre des cultes, donneront
sans doute au bon sens et au patriotisme
une revanche dont l'opinion publique les fé-
licitera et se félicitera; mais n'est-ce pas trop
qu'elle soit nécessaire?
Quant à la réduction des crédits pour ré-
parations des édifices diocésains et pour se-
cours aux églises et presbytères, c'est la
première fois qu'on voit un parti régnant,
après avoir reproché au gouvernement de
n avoir pas fait assez d'action électorale, lui
enlever l'un de ses moyens les plus légitimes
d'influence.
LA bi±;:r.e SALICYLÉE
Le préfet de police ayant appris que certains
brasseurs d'Allemagne et de France avaient dirigé
sur Paris de la bière contenant de l'acide salicyli-
que, a mis arrêt sur les fûts contaminés. Un des
négociants destinataires des colis ainsi retenus a
dénoncé le fait au procureur de la République.
Le chef du parquet aurait répondu qu'il n'avait
pas personnellement ordonné les saisies effectuées;
que ces saisies ne paraissaient pas régulières;
qu'en tout cas, s'il pouvait poursuivre les bras-
seurs français, il était au contraire désarmé vis-à-
vis des brasseurs étrangers, qui n'avaient point
opéré sur notre territoire. Je ne partage pas le sen-
timent de M. le procureur de la République, et je
crois qu'il aurait pu défendre plus strictement
contre des manipulateurs trop hardis la pureté de
la bière et les principes du droit.
Je pars de cette donnée que des comités scienti-
fiques dont l'impartialité est incontestable ont, à
diverses reprises, proclamé dans ces derniers
temps que l'acide salicylique ne conservait les li-
quides qu'à la condition d'y être introduit à dose
élevée, c'est-à-dire à dose toxique. Je souligne, de
plus, ce détail que, d'après ces mêmes comités, les
bières salicylées sont particulièrement nuisibles
aux consommateurs qui ont le rein ou le foie al-
téré. Cette constatation émane d'hommes émi-
nents, MM. Wurtz, Pasteur, Brouardel.
De cette constatation technique je tire immédia-
tement la conséquence que, dans l'intérêt de la
santé publique, l'administration a le droit et le
devoir d'entraver la circulation de boissons aussi
dangereuses. Le salicylage des bières est une in-
dustrie malsaine qu'il faut troubler au plus vite
et qu'il faut détruire, s'il est possible, par des
moyens décisifs.
Je crois spécialement deux choses 1° la respon*
sabilité des débitants est plus étroite que ne l'af-
firme M. le procureur; 2° la responsabilité des
brasseurs étrangers est plus engagée que ne l'es-
time l'ho norable magistrat.
Prenons les destinataires d'abord. Je reconnais
que si le destinataire a fait venir un fût de bière
pour sa consommation personnelle, il ne peut
être inquiété sous prétexte qu'il aurait bu, le sa-
chant, un liquide frelaté. Il serait illibéral qu'un
citoyen n'eût pas quelque peu le droit de s'em-
poisonner à terme, s'il y tient. Mais je suppose, au
contraire, que ce destinataire soit un commerçant
qui a fait venir le mois dernier, non plus une bar-
rique, mais cinquante barriques de bière salicylée;
je suppose que ce même commerçant ait fait ve-
nir encore, le mois courant, cinquante nouvelles
barriques salicylées, il m'est impossible de ne pas
l'attorney après un silence, même si nous le
voulions nous ne pourrions sans danger pren-
dre le parti que tu conseilles.
Vous vous acharnez à votre entreprise,
père, et vous ne voulez pas voir que nous som-
mes déjà battus. Il y a autre chose cette
mistress Clark, je doute qu'elle veuille rester
avec nous plus longtemps. Elle s'ennuie mor-
tellement, dit-elle.
Peuh 1. double ses gages. Elle gagne
déjà le triple de son salaire ordinaire. Double
ses gages, te dis-je. C'est un argument qui ré-
concilie tous les domestiques avec l'existence
la plus monotone.
Tout cela est bel et bon, père, mais.
vous ne pensez pas, j'imagine, que cette fem-
me ignore que nous sommes en son' pou-
voir ?.
Tu n'as pas été assez fou pour lui dire nos
affaires?.
-Je ne lui ai dit que ce qui était indispen-
sable mais soyez sûr qu'elle en a deviné plus
qu'il ne faut.
Nous parlerons de cela une autre fois, dit
l'attorney avec impatience; aujourd'hui il s'a-
git de penser à M. Ringwood. N'oubliez pas,
mistress Clark et toi, qu'il faut produire Krab-
be demain vers midi.
Les Pegram prirent soin de surveiller étroi-
tement toutes les démarches de Ringwood.
Mais celui-ci conduisait son enquête fort ouver-
tement et semblait satisfait à peu de frais. Il
affectait de traiter la chose comme une simple
formalité; il était parfaitement convaincu, d'ail-
leurs, qu'il ne découvrirait rien à Nydland et
qu'il serait aussi complètement mystifié que
Jack Phillimore. Tout pour lui se réduisait dé-
sormais à voir si l'apparition soudaine d'Hem-
mingby n'aiderait pas à débrouiller le mystère.
Au total, les Pegram furent fort satisfaits de
son attitude.
Le lendemain, à l'heure convenue, Ronald se
dirigea vers le cottage. Il n'était pas sans éprou-
ver une certaine curiosité impatiente, mais
c'était surtout quant au résultat de l'investiga-
tion de Hemmingby. Pour lui, il s'attendait à
voir un homme très âgé sans aucun doute; cet
homme ne serait pas le vieux Krabbe, il en
était convaincu; mais il sentait bien qu'à cette
phase de son enquête il serait arrêté comme
Jack, sans pouvoir aller plus loin. Il n'eut point
de difficulté à trouver le cottage, mais quoi-
qu'il examinât tous les alentours d'un œil vigi-
lant, il ne put apercevoir le directeur. Ce fut
seulement au moment oit il allait frapper à la
porte qu'un pas rapide sur le sable de l'allée
lui fit tourner la tête, et il vit Sam Hemmingby
à ses côtés.
Je suis arrivé à Nydland la nuit dernière,
voir dans ce destinataire un débitant proprement
dit, et non plus un consommateur à titre privé. -Ce
commerçant n'a pas acheté cette énorme quantité
pour la boire, il l'a achetée pour la revendre. Si
donc l'administration, visitant les caves du négo-
cia.nt, n'y -trouve pas intact ou presque intact le
stock des fûts arrivés, elle a le droit absolu d'en
conclure que les manquants ont pénétré dans la
consommation générale; elle n'est plus obligée,
pour provoquer une répression, qu'à prouver une
chose la mauvaise foi du négociant, c'est-à-dire
la connaissance qu'il a eue de la qualité défec-
tueuse des boissons qu'il détaillait.
L'administration aujourd'hui se montre plus
coulante qu'il ne faudrait. Elle tolère que le débi-
tant retourne à son fournisseur étranger le liquide
contaminé; elle s'imagine que, parce procédé, elle
a radicalement écarté le péril qui menaçait nos
compatriotes. L'expédient du retour pour compte
me paraît plein de candeur. Assurément, les Pari-
siens n'ont plus à redouter pour leur foie ou pour
leur rein le breuvage insalubre. Mais je crains fort
que les fûts sortis de France par une porte n'y ren-
trent par une autre porte et ne se glissent sournoi-
sement dans un département moins surveillé -que
le département de la Seine. Or, ce qui est déplora-
ble, c'est que des substances malsaines circulent
librement et impunément sur nos voies ferrées et
sur nos routes d'eau. C'est à la marchandise elle-
même qu'il faut, en définitive, s'attaquer; et il est
trop clair que, pour les détruire, il faut viser les
expéditeurs eux-mêmes il faut atteindre les au-
teurs de la fraude initiale. C'est sur ce dernier
point que M. le procureur de la République au tri-
bunal de la Seine me semble professer des doctri-
nes quelque peu relâchées.
La question n'est difficile qu'au regard des fabri-
cants étrangers. Je ne puis les poursuivre en
France, déclare M. le procureur, parce que ce n'est
pas en France qu'ils ont versé l'acide salicylique
dans leurs produits; ils n'ont pas commis le délit sur
notre territoire; nous, magistrats français, nous
sommes dès lors incompétents, et nous ne pou-
vons leur demander compte à Paris d'actes qui se
sont accomplis à Munich, à Vienne ou à Londres.
Cette argumentation du parquet est-elle irrésis-
tible ? Je n'en suis pas convaincu. D'après notre
code d'instruction criminelle, il est vrai que nos
tribunaux nationaux ne peuvent connaître des dé-
lits commis par des étrangers en dehors de nos
frontières. Mais est-il exact que les fabricants al-
lemands, autrichiens ou anglais qui ont brassé à
Munich, à Vienne ou à Londres d's bières sali-
cylées et qui les ont expédiées on France n'aient
pas commis de délit sur le sol de notre pays? Je
suis bien là au vif du problème 1
Qu'a prohibé le législateur, quand il a parlé de
la vente ou de la mise en vente des denrées mal-
saines ? A quel moment psychologique faut-il se
placer pour affirmer que nous sommes en face
d'une vente délictueuse? Au moment précis, si je
ne me trompe, où la vente devient dangereuse
au point de vue de l'hygiène. Quel est ce moment
précis? Cherchons. Je suppose qu'un fabricant
étranger ait promis à un restaurateur parisien de
lui céder à tel prix cinquante fûts de bière saturée
d'acide salicylique. Si les parties n'échangent que
leurs paroles, si le contrat n'aboutit pas à la re-
mise matérielle des fûts, le délit ne naît pas, parce
que le péril social n'est pas devenu possible. Mais
les parties, au contraire, exécutent le pacte; les
fûts contaminés sont remis à l'acheteur; alors le
délit naît, parce que le péril social est devenu pos-
sible il a pris corps. Ce n'est pas, en somme, le
pacte isolé qui empoisonnera jamais personne,
c'est la marchandise défectueuse, une fois livrée.
Ce n'est, par conséquent, pas dans la vente-con-
vention, c'est dans la vente-tradition que réside
essentiellement l'infraction. L'expédition des den-
rées insalubres, voilà en résumé le fait qui tombe
et qui doit tomber sous le coup de la loi pénale,
car c'est le seul fait qui puisse compromettre la
santé publique. Eh bien, les fabricants étrangers
ont opéré l'expédition des fûts contaminés; ils les
ont livrés, et livrés en France, soit à des destina-
taires définitifs qui les avaient achetés, soit à des
consignataires chargés de les exposer en vente.
Dans les deux cas le délit existe au point de vue
français, il s'accomplit en France; nos tribunaux
français sont dès lors compétents.
Si la thèse que je présente là est correcte -et je
crois avoir respecté l'esprit de la loi sans en avoir
violé le texte-les conséquences pratiques s'en dé-
duisent aisément. Le jugement •n'entraînâl-il con-
tre les brasseurs allemands, autrichiens ou an-
glais aucune condamnation corporelle susceptible
d'exécution, il sortirait du moins un effet sérieux
quant à la marchandise elle-même; la marchan-
dise serait confisquée et versée au ruisseau; elle
ne serait plus naïvement retournée de Paris à ses
producteurs pour fournir à des producteurs peu
scrupuleux le moyen d'empoisonner ailleurs des
consommateurs crédules ou mal gardés; détruite
sur place, la marchandise ne trouverait de con-
sommateurs nulle part. De plus, les contrats rela-
tifs à ces liquides malfaisants seraient, au point
de vue civil ou commercial, entachés d'une nullité
absolue, d'une nullité d'ordre public; nos magis-
trats consulaires ne pourraient faire état d'une
transaction dont l'objet serait une marchandise vi-
ciée ils ne pourraient, par exemple, contraindre
au payement les acheteurs de fûts salicylés; notre
législation ne valide pas les marchés dont la cause
est illicite.
Dès que les fabricants exotiques de bières mal-
saines sauront qu'en France, grâce à la vigilance
dit à voix basse le directeur; pas une amené
m'a vu me glisser de ce côté. J'ai pris un che-
min, détourné pour arriver, et voilà plus d'une
heure que je suis en embuscade derrière cette
haie. Il y a une demi-heure à peu près que j'ai
vu Bob Pegram entrer par la porte de derrière.
Il est venu, je suppose, pour avertir son soi-
disant Krabbe de se tenir prêt à vous recevoir
et pour le surveiller pendant qu'il jouera son
rôle.
En ce moment, la porte fut ouverte par mis-
tress Clark, laquelle perdit contenance de la
façon la plus évidente à la vue de Hemmingby.
Elle se hâta de faire entrer ces deux messieurs,
et les laissa dans un petit parloir, après avoir
murmuré d'une façon assez troublée que M.
Krabbe finissait de s'habiller et qu'il recevrait
ses visiteurs dans quelques minutes.
Où diable ai-je vu cette femme? se reprit
à dire Hemmingby. Avez-vous remarqué com-
me elle a évité de me parler ou de me regar-
der ?
Vous croyez qu'elle craint d'être reconnue
de vous?
Oui, certainement. C'est même en grande
partie à cause d'elle que je suis venu. Je n'ai
guère l'espoir de pouvoir distinguer le vieillard
qu'ils vont produire de celui que j'ai connu.
Les Pegram sont habiles, et ils ont trompé tout
Nydland, ne l'oublions pas.
En ce moment, le même vieillard décrépit que
Jack Phillimore avait vu entra en chancelant,
appuyé d'un côté sur la canne et soutenu de
l'autre par mistress Clark. Après avoir fait
trois ou quatre pas il s'arrêta, et, désignant les
visiteurs du bout de sa canne, il cria d'une voix
cassée et suraiguë
Fichez-moi ces gens à la porte 1
Mistress Clarke parut vouloir réparer l'inci-
vilité de son malade.
Ces messieurs ont fait le voyage de Lon-
dres pour vous voir, lui cria-t-elle dans l'o-
reille. Ne voulez-vous pas leur dire bonjour?
Mais le vieux bonhomme se contenta de faire
entendre quelques grognements incohérents,
mêlés de vagues objurgations contre lesintrus,
contre le manque de lumière, etc.
Hemmingby observait attentivement le vieil-
lard, pendant que la garde-malade était oc-
cupée à arranger ses coussins et ses couver-
tures.
Hé! comment allez-vous, monsieur Krab-
be ? lui dit-il soudain en lui tendant la main. `
L'infirme le regarda un instant d'un air va-
gue, puis il se renfonça dans ses coussins, mar-
mottant rageusement que « cet individu lui ca-
chait le feu ».
Hemmingby alla se rasseoir auprès de Ring-
wood.
des tribunaux, grâce à la fermeté des administra-
tions, ils courent des risques positifs condamna-
tions personnelles, confiscation des envois, refus
d'action en justice contre les destinataires, ils re-
nonceront à une industrie qui, jusqu'à présent, a
été dangereuse pour nous, et qui désormais de-
viendrait dangereuse pour eux. j. L.
LES ÉVÉNEMENTS EN BULGARIE
[Dépêche de notre correspondant particulier.)
Sofia, 17 septembre, 6 h. 20.
Le Sobranjé a encore tenu deux séances dans la
journée. Après le vote de la loi sur les écoles, qui
provoqua de bruyantes protestations de la part
des partisans de M. Zankof, on passa à la discus-
sion du budget. M. Radoslavof demanda à l'Assem-
blée d'adopter le même budget que celui de l'an-
née précédente.
La clôture de la session aura lieu demain. On
croit que les élections de la grande Assemblée na-
tionale se feront dans une quinzaine de jours et
que l'Assemblée se réunira à Tirnova.
Sofia, 17 septembre, 7 h. 30 soir.
Les agents diplomatiques des puissances à Sofia
ont reçu pour instructions d'employer toute leur
influence à maintenir l'ordre dans la principauté.
Tous les partis, d'ailleurs, sont d'accord pour
éviter tout prétexte à une intervention étran-
gère.
Les puissances n'ont pas l'intention de recon-
naître officiellement le gouvernement de la ré-
gence elles continuent avec lui leurs relations
diplomatiques, ce qui équivaut à une reconnais-
sance tacite.
Philippopoli, 17 septembre, 3 h. 10 soir.
Le docteur Stransky doit partir pour Belgrade
comme délégué spécial auprès du gouvernement
serbe pour négocier la réconciliation entre la Bul-
garie et la Serbie.
En cas de réussite, il occuperait définitivement
le poste d'agent diplomatique de la Bulgarie à Bel-
grade.
Varna, 18 septembre, 8 h. 20.
On est très satisfait à Constantinople des répon-
ses que les puissances ont faites à la dernière cir-
culaire turque. Aucune puissance n'a l'intention
d'occuper militairement la Bulgarie, et aucune ne
laisse entrevoir que ce droit puisse être confié
par le concert des puissances à l'une d'entre elles.
Les communications par chemin de fer, par
poste et par télégraphe, sont rétablies entre An-
drinople et Philippopoli.
Vienne, 18 septembre, 9 heures.
Le général baron de Kaulbars est arrivé hier à
Vienne, où il remplissait à l'ambassade russe les
fonctions d'attaché militaire. Avant de se rendre
en Bulgarie, il passera quelques jours dans sa fa-
mille, à Traunkirchen.
M. Louis Kossuth a écrit au journal Pesti Naplo
une lettre dans laquelle il traite la question bul-
gare.
« Toute la question d'Orient dit-il dans cette
lettre n'est qu'une combinaison du panslavisme
avec la politique d'expansion de la Russie. Les in-
térêts et même l'existence de l'Autriche-Hongrie
exigent qu'elle s'oppose à ces deux éléments. L'Au-
triche devrait appuyer, par tous les moyens dont
elle dispose, les aspirations des Etats slaves, me-
nacés dans leur indépendance nationale. Quant à
l'Allemagne, elle aura à se repentir amèrement des
tendances cosaques dont fait preuve aujourd'hui
le prince de Bismarck. »
(Service Havas)
Sofia, 17 septembre.
Le Sobranjé a adopté le projet de rachat des immeu-
bles du prince Alexandre. Elle a autorisé le gouverne-
ment à emprunter 15 millions et à appliquer le budget
de l'année présente à 1887.
L'Assemblée a adopté ensuite une autre loi qui mo-
difie la loi électorale actuelle le tiers des électeurs in-
scrits sera désormais nécessaire au premier tour de
scrutin, le second tour est supprimé, et l'élection doit
avoir lieu à la majorité absolue.
Ce mode électoral sera appliqué aux prochaines élec-
tions de la grande Assemblée.
Dans la séance d'aujourd'hui, une proposition a été
présentée par une groupe, en vue do réduire le traite-
ment des fontionnaires de 15 0/0.
La Chambre a repoussé cette propcsition, mais la
discussion a été longue, et les ministres ont dû poser la
question de cabinet.
La clôture do la session aura lieu demain seulement.
Il reste à discuter un projet autorisant le ministre de
la guerre à modifier la composition du conseil de guerre
que l'absence des officiers supérieurs ne permettait pas
de réunir. Dorénavant, le ministère aura la liberté du
choix des officiers, sans distinction de grade.
Demain étant l'anniversaire de la révolution à Philip-
popoli, il est possible que la Chambre fasse à cette oc-
casion une manifestation quelconque.
On annonce de Philippopoli que l'anniversaire sera
célébré avec solennité, mais à Sofia rien n'est préparé
dans ce but.
En recevant hier la députation du bureau de l'Assem-
blée qui venait lui remettre l'adresse au tsar, M. Nek-
lioudof, consul de Russie, prononça quelques paroles
dont voici le texte môme
« Le gouvernement impérial appréciant par dessus
tout l'ordre et la tranquillité en Bulgarie ne saurait
admettre, même par la pensée, le retour du prince, dont
le départ est, ses yeux, une des garanties de la prospé-
rité du pays.
» Une autre garantie, c'est vous-mêmes qui, par votre
sagesse et votre modération, pouvez écarter de graves
dmgcrs. Rappelez-vous bien, messieurs, que l'ordre de
choses actuel n'a pas encore reçu de sanction légale
La contrefaçon est extraordinaire, ditil à
demi voix. En dépit de tout, je ne voudrais
pas jurer que ceci n'est pas le vieux Krabbe!
Les espérances de Ringwood baissèrent con-
sidérablement. Il avait compté qu'au premier
coup d'oeil le directeur reconnaîtrait l'impos-
ture, tandis qu'il s'était peu occupé de ce que
lui avait dit Hemmingby. sur la garde-malade.
Je crains, messieurs, que vous vous soyez
dérangés inutilement, dit la jeune femme; il
est bien sourd, comme vous le voyez, et sur-
tout quand il est de mauvaise humeur. On a
beau crier, il refuse de rien entendre.
Hemmingby ne s'était pas trompé. Mistress
Clark faisait son possible pour qu'il ne pût la
reconnaître. Elle s'était placée à contre-jour,
évitant de tourner les yeux de son côté, et, s'a-
dressant surtout à Ringwood, elle parlait d'un
ton mécanique et saccadé qui parut au direc-
teur avoir pour but de dissimuler le timbre na-
turel de sa voix. Mais Hemmingby était décidé
à la faire parler.
En effet, dit-il, le cher homme ne paraît
pas me remettre du tout, et pourtant nous
avons été bons amis depuis vingt ans. Mais
je suppose qu'il reconnaît bien peu de monde,
n'est-il pas vrai, madame?
Il reconnaît très peu de gens, monsieur,
répondit M. Clarke de la même voix basse et
monotone.
Ne reconnaît-il pas M. Pegram ? demanda
Hemmingby.
Qui a parlé de M. Pegram ? cria l'octogé-
naire du fond de ses coussins. Il ne vient ja-
mais me voir Qui s'occupe d'un pauvre vieux
comme moi ?.
Il me semble, dit Hemmingby, que mon
vieil ami n'est pas tout à fait aussi sourd que
vous disiez, madame?. madame?.
Mistress Clarke, dit-elle, obligée malgré
elle de rencontrer un moment les yeux du di-
recteur.
Un éclair de surprise traversa le visage de
Hemmingby; mais tout rapide qu'il fût, la garde-
malade surprit cet éclair, et son trouble parut
augmenter.
Naturellement, continua Hemmingby, le
nom de Pegram doit plus qu'un autre attirer
son attention. Il y a bien quarante ans qu'il le
connaît.
Pegram! répéta l'infirme de sa voix sur-
aiguë je veux le voir 1. j'ai des affaires à trai-
ter avec lui. Ses maisons perdront de leur va-
leur s'il laisse bâtir entre lui et la mer
Le directeur eut un sourire qui n'échappa
nullement à mistress Clark.
Ses idées me paraissent être d'une luci-
dité parfaite observa-t-il d'un ton de légère
raillerie. Avec un cornet acoustique je suis Der-
aux yeux du gouvernement impérial. Cette légalité, le
gouvernement bulgare ne peut l'acquérir que par la
prudence et l'impartialité de ses gouvernants, des mem-
bres du Sobranjé et de ceux de la future grande As*
semblée nationale. »
Le consul a dit en terminant que la Russie se tenait
au-dessus des partis, sans en protéger aucun.
Les instructions que M. Neklioudof avait reçues ulté-
rieurement étaient dans le sens de ce langage.
Les officiers des régiments d'artillerie et d'infanterie
qui ont pris part au coup d'Etat seront conduits après
demain à Sofia, venant de Radomir, où ils étaient in-
ternés depuis leur soumission; l'enquête se poursuivra
ici. On croit qu'ils passeront prochainement devant le
conseil de guerre. Le régiment d'artillerie révolté a été
ramené à Sofia par des officiers nouveaux.
Londres, 18 septembre.
On mande de Vienne au Daily News qu'on est très
surpris des résolutions contradictoires du Sobranjé et
qu'on attend avec anxiété de connaître l'impression
produite en Russie. Malgré les assurances officielles
concernant le maintien de la paix, on n'est pas sans
inquiétude à ce sujet; on discute beaucoup la possibi-
lité d'une guerre.
Berlin, 17 septembre.
La Galette de l'Allemagne du Nord dément, d'après des
renseignements puisés à une source sûre, les infor-.
mations de la Gazette de Voss concernant la teneur du
dernier Livre Vert publié par le gouvernement italien.
Le journal allemand dit en particulier qu'il est inexact
qu'il se produise des temps d'arrêt dans les communi-
cations échangées entre les puissances touchant les
difficultés de la situation, et que le prince de Bismarck
ait exprimé l'opinion que l'abdication du prince Alexan-
dre était le seul moyen d'empêcher l'intervention de la
Russie en Bulgarie.
La Gazette de l'Allemagne du Nord déclare que toutes
ces conjectures ne peuvent pas être confirmées par les
rapports d'un ambassadeur italien elle ajoute que,
dans toute l'affaire bulgare, il n'y a pas eu un seul mo-
ment où les trois empires ne se soient renseignés les
uns les autres touchant leurs vues, de la façon la plus
nette et la plus sûre.
̃' ̃̃
AFFAIRES COLONIALES
Tonkin J
Une dépêche de la résidence générale du Tonkin
fait connaître que l'exposition industrielle orga-
nisée par M. Paul Bert à Hanoï s'ouvrira le 15 jan-
vier.
Elle comprendra les produits naturels et ouvrés
de l'Indo-Chine française, des colonies et des pro-
tectorats les produits du sol et du sous-sol, les
machines, les productions zoologiques, les étof-
fes, les confections, les œuvres scientifiques, ar-
tistiques, etc.
Des achats seront faits par l'administration; une
loterie sera organisée.
Le protectorat prend à sa charge tous les|frais
de transport, aller et retour, ainsi que les frais
d'installat,ion et d'emplacement. Il conseille d'en-
voyer de préférence des produits ayant des chan-
ces de s'écouler en In
De nombreuses récompenses seront accordées.
Gabon
Le correspondant du Times à Madrid rapporte
que le gouvernement espagnol a donné l'ordre au
gouverneur des Canaries de lui envoyer d'urgence,
par une canonnière, le dossier de l'affaire de la
rivière Muni.
« Les deux rives de la rivière Muni sont, ajoute-
t-il, considérées comme territoire espagnol les
Français réclament cependant la rive gauche. A
l'arrivée du Laprade, son commandant insista pour
que le pavillon espagnol, qui seul flottait en ce
point fût amené. Le commandant de la Ligcra
refusa.
» Le Laprade retourna au Gabon et revint peu
après avec de nouvelles instructions lui prescri-
vant d'insister sur la substitution du pavillon
français au pavillon espagnol; le commandant es-
pagnol protesta, et le litige fut soumis aux deux
gouvernements.
» La presse espagnole approuve chaudement la
fermeté du commandant de la Ligera. »
Comme nous l'avons dit hier, une commission
s'occupe actuellement de la délimitation des pos-
sessions françaises et espagnoles, non seulement
dans le golfe de Guinée, mais encore sur le littoral
de l'Afrique septentrionale. Mais cette commission
mène ses travaux avec une sage lenteur; elle a
eu, croyons-nous, une vingtaine de réunions et
n'est arrivée à aucune solution. Nous ajouterons
qu'elle n'a même pas encore attaqué les questions
de souveraineté ou de protectorat du golfe de Gui
née, c'est-à-dire celles qui donnent lieu à l'inci-
dent dont on s'occupe depuis quelques jours.
Si les Espagnols arguent de traités passés il y a
des siècles avec les noirs ou de traités conclus ré-
cemment, nous pouvons dire que nous sommes en
règle de ce côté; les indigènes établis au nord du
Gabon, entre TOgoué et les Cameroons, se sont pla-
cés à différentes époques sous le protectorat de la
France. Mais probablement, là comme en tant
d'autres points du littoral de l'Afrique occiden-
tale, les noirs ont écouté toutes les propositions,
sans souci de leurs engagements antérieurs, car
on sait que moyennant quelques cadeaux ils si-
gnent très facilement des actes de protectorat avec
n'importe qui, voire même ils cèdent en toute
propriété les territoires où ils sont établis.
C'est ce qu'ils ont fait en ces dernières années
dans la Dubreka, dans le bassin du Niari-Quillou
et en d'autre lieux, de telle sorte que les puissan-
ces établies dans ces parages sont forcées de né-
gocier afin d'aplanir des différends que grossit vo-
suadé qu'il pourrait reprendre sa place à l'é-
tude l'été prochain. Qu'en pensez-vous, ma-
dame ?
Mistress Glarck secoua la tête, mais ne jugea
pas à propos cette fois de lever les yeux ou de
répondre.
Eh bien, Ringwood, dit le directeur en se
levant, vous avez été envoyé ici pour voir M.
Krabbe et en finir avec une rumeur sans fon-
dement vous devez être satisfait, maintenant,
et convaincu qu'il est vivant et bien vivant
pour son âge. Je voudrais lui serrer la main
avant de m'en aller. Auriez-vous l'obligeance
de le lui dire, madame?
La garde-malade transféra à haute voix la
requête du directeur dans l'oreille du vieillard;
mais son unique réponse fut un accès de toux
interminable.
-Il ne veut pas m'entendre, dit-elle enfin, c'est
évident, et vous voyez comme sa toux le tour-
mente.
Les excentricités aussi bien que les infir-
mités de l'âge doivent être «espectées, répon-
dit gravement le directeur. Adieu, madame.
Ah! oui, madame Clark.
Ils étaient sur le point de sortir, quand, à la
surprise intense de Ringwood, Hemmingby, se
retournant soudain, traversa rapidement le par-
loir, s'approcha du malade et, lui mettant la
main sur l'épaule, murmura quelques mots à
son oreille.
Ringwod vit le vieillard tressaillir comme si
le directeur l'eût mordu. Mais sans lui laisser
le temps d'en observer davantage, Hemmingby,
l'entraînant hors de la maison, reprit rapide-
ment le chemin de Nydland.
Eh bien, quelle est vmre conclusion? dit
le jeune avocat. M'expliquerez-vous par quelle
fantaisie vous êtes allé chuchoter à l'oreille
d'un sourd?
Je ne puis vous l'expliquer mieux, répon-
dit Hemmingby en riant, qu'en vous répétant
mes paroles. Voici textuellement ce que je lui
ai dit « Un petit brin chargé, Bob, mais fort
bien, en somme. Je vous donnerai cinq cents
francs par semaine au Vivacily, le jour où il
vous plaira de venir y jouer les grimes. »
Quoi! voudriez-vous dire?.
Parfaitement. C'est BobPegram lui-même
qui représente le vieux Krabbe, et il s'en tire,
ma foi, fort bien. Quant à la gard,e-malade, je
suis encore incapable de me rappeler son nom;
mais je l'ai vue sur les planches, j'en jurerais,
et c'est ce qui m'a mis sur la voie I
D'après HAWLEY SMART.
(A suivre.)
DIMANCHE 19 SEPTEMBRE 1S86.
VINGT -SIXIÈME ANNÉE. N« 0260.
PRIX DE L'ABONNEMENT
PARIS. Trois mois, 1 4 fr. Six mois, 28 fr. Un an, 56 fr.
DÉPi* «S ALSACE-LORRAINE 17fr.; 34fr.; 68 fr.
UNION POSTALE lSfr.; 36 fr.; 72 fr.
LES ABONNEMENTS DATENT DES ler ET 1G DE CHAQUE MOIS
Un n.*im.éx*o («départements) 3O centimes.
ANNONCES MM. Lagrange, CERF ET Ce, 8, place de la Bourse
(Droit d'insertion réserve à la rédaction.)
BUREAUX 5, boulevard des Italiens, PARIS
PRIX DE L'ABONNEMENT
PARIS Trois mois, 14 fr.; Sir mois, 28 fr. Ua an, 53 fr.
ÎÉPf&ÀlSACE-LORRÀlRB 17fr.; 34 fr.; 68 fr.
ïfflON POSTALE lSfr.; 36 fr.; 72 fr.
LES AIIOSNEWEUTS DATENT DES 1er ET 16 DE CHAQUE MOIS
Un numéro (à Paris) 1£J centimes.
Directeur politique Adrien Hébrard
La rédaction ne répond pas des articles communiqués
BUREAUX 5 d des Ita~liens PARIS
BUREAUX 5, boulevard des Italiens, PARIS
§ur leur dlemantle,, tes abon«
^és nouveaux recevront tout
ce qui a parw «lu feuilleton en
coîsrs «le put>Heatïoiî.
PARIS, 18 SEPTEMBRE
ULLETIN DU JOUR
Le premier ministre de Roumanie, M.
Jean Bratiano, a été l'objet avant-hier d'une
tentative d'assassinat. Comme il sortait vers
le soir d'une séance du conseil, accompagné
d'un député, M. Robescu, un homme aposté
dans la rue tira sur le ministre un coup de
pistolet qui blessa légèrement son compa-
gnon. L'assassin fut immédiatement arrêté
et déclara se nommer Stoïca Alexandrescu,
ancien sous-officier du génie, et actuellement
épicier et débitant de vin à Rimnicu-Saratu.
Dès le lendemain, la nouvelle de l'attentat
"s'étant répandue, la populace, rendant le
parti et la presse de l'opposition responsables
de ce crime, s'est attroupée devant les bu-
reaux de l'Indépendance roumaine, de l'Epoca
et de la Romania. Les presses de ces jour-
naux ont été brisées, les locaux mis à sac et
plusieurs rédacteurs écharpés. Ces manifes-
tations se sont reproduites dans la soirée
d'hier avec moins de violence et ont pris le
caractère d'une ovation à l'adresse de M.
Jean Bratiano.
Depuis dix ans, M. Bratiano détient le
pouvoir, et il convient de faire, dans les
accusations passionnées dont il est l'objet,
la part de l'intempérance de langage pro-
pre aux races méridionales des rancunes
inavouables soulevées par la victoire d'un
ministre heureux chez ses adversaires,
privés depuis longtemps des douceurs du
pouvoir. Il convient surtout de protester
hautement contre l'emploi de moyens de
violence, que la presse de l'opposition n'a
pas toujours désavoués; le triste attentat du
16, que la fraction extrême des adversaires
de M. Bratiano l'ait inspiré, qu'il soit le fait
d'un fou politique ou d'un simple malfaiteur,
est de nature à compromettre pour long-
temps la situation du parti antiministériel et
à lui faire regretter vivement le tort où il
s'est mis en faisant douter de sa détermina-
tion à rester sur le terrain de la légalité.
Si la position de M. Bratiano se trouve
encore consolidée par les incidents de ces
deux derniers jours, il est à souhaiter que
cet accroissement de pouvoir l'engage à user
avec plus de modération, et avec des formes
plus correctes et moins rudes, de l'ascendant
dont il est investi.
Les travaux du Reichstag allemand sui-
vent cette fois un cours moins uni que d'ha-
bitude. Le parti socialiste a pris en effet, de-
puis la rentrée, une attitude militante qui me-
nace de faire traîner en longueur les travaux
de l'assemblée et d'y susciter des questions
importantes. Tandis que le gouvernement
voulait faire voter immédiatement le projet
de prorogation du traité hispano-allemand,
les socialistes, qui comptent 15 membres,
juits le nombre nécessaire, ont demandé le
dépôt et la distribution de cette proposition,
de sorte que les séances ont dû être suspen-
dues pendant trois jours. Antérieurement
déjà, M. Bebel s'était opposé à l'élection du
prr id nt par acclamation. Enfin, on annonce
ai jo ird'hui que les socialistes, réunis en as-
sen.Lléi de parii, ont décidé de présenter
une interpellation au sujet des affaires bul-
gares, dans laquelle ils feront ressortir la
contradiction qui existe entre la non-puni-
tion des auteurs du coup d'Etat de Sofia et le
principe monarchique.
Ces manœuvres d'obstruction et ces tenta-
tives de charger l'ordre du jour du Reichsa
tag s'expliquent en partie par le désir des
socialistes de prolonger leur séjour à Berlin,
où il ne leur est permis de résider qu'en
vertu d'un sauf-conduit pendant la session,
et où ils ont d'importants intérêts à sauve-
garder. Mais le sujet de l'interpellation qu'on
leur prête le dessein de déposer montre éga-
lement leur intention de forcer le gouverne-
ment à des explications embarrassantes sur
son attitude dans la question d'Orient. Si le
débat s'engage sur la récente campagne di-
plomatique de l'Allemagne, on peut s'atten-
dre à une discussion intéressante, et les mi-
nistres, privés du puissant appui du prince
de Bismarck, auront à soutenir un rude asg
saut.
FEUILLETOfS DU «TEMPS»;
DU 19 SEPTEMBRE 1886 (S6>
LA GRANDE TONTINE
_•–
XXII
M. Pegram avait été légèrement déconcerté
en ne recevant pas de lettre de lord Lakington
par le retour du courrier. Ce désappointement
se changea en inquiétude lorsque M. Ringwood
se présenta dans l'après-midi comme agent du
vicomte, pour voir M. Krabbe et prendre quel-
ques renseignements relatifs à sa personne.
Je ne dois pas oublier de vous assurer,
monsieur Pegram, dit Ringwood, que lord La-
kinglon n'aurait jamais songé à prendre cette
mesure si vous ne l'aviez vous-même propo-
sée. Il n'attache aucune importance aux asser-
tions de son neveu mais il a cru que nous
vous donnerions satisfaction, aussi bien qu'à
M. Robert Pegram, en mettant toute cette af-
faire au grand jour. Il ne manque pas de gens
à Nydland qui ont vu M. Krabbe dans son cot-
tage quand je les aurai entendues, j'irai le
voir demain, avec votre permission, et l'inci-
dent sera terminé ainsi, je l'espère,
De grâce, ne me parlez pas de ma permis-
nion, dit l'attorney. M. Krabbe n'est pas tou-
jours, il est vrai, disposé à recevoir ses visi-
teurs, et la garde-malade, de son côté, pense
qu'il n'est pas judicieux de l'agiter pour satis-
faire Ie-prcmier visiteur venu. J'espère, néan-
moins, qu'il ne fera pas de difficultés pour vous
recevoir.
Il fut donc arrangé que Ringwood passerait
le lendemain, vers midi, au cottage, quoique
M. Pegram fût secrètement mécontent que le
vicomte l'eût pris au mot. Il avait cru calculer
juste en comptant sur une réponse chevaleres-
DÉPÊCHES TÉLÉGR&PHSQUES
DES CORRESPONDANTS PARTICULIERS DU Temps
Bucarest, 18 septembre, 8 h. 40-
On suppose que l'auteur de l'attentat commis sur
la personne de M. Jean Bratiano est un fanatique
du parti dévoué à la Russie. On n'a pas encore | u
savoir si Stoïca Alexandrescu avait des complices.
M. Robescu, qui accompagnait M. Bratiano, n'a
été que légèrement blessé aux reins, une ceinture
métallique qu'il porte habituellement ayant amorti
le choc de la balle.
L'opinion publique s'est énergiquement pronon-
cée en faveur de M. Bratiano. Après une manifes-
tation devant le ministère de l'intérieur, où se
trouvait le président du conseil, qui a dû venir
saluer et remercier les manifestants, la foule s'est
rendue devant les bureaux de rédaction des jour-
naux de l'opposition, l'Indépendance roumaine, laRo-
mania et d'autres, qu'on accuse d'être responsables,
par leurs continuelles attaques, de la tentative
d'assassinat, et a cassé les vitres. Quelques rédac-
teurs ont été même maltraités et de nombreux dé-
gâts matériels ont été commis. La police ne par-
vint qu'avec peine à rétablir l'ordre.
Dans la soirée, plusieurs autres manifestations
ont encore eu lieu devant l'hôtel de M. Bratiano.
Berlin, 18 septembre, 9 heures.
On assure que des négociations sont pendantes
entre l'Allemagne et l'Espagne pour l'admission
des valeurs espagnoles à la Bourse de Berlin.
Budapest, 18 septembre, 8 h. 10.
Des mesures énergiques ont été .prises contre
l'épidémie cholérique, qui du reste, jusqu'à pré-
sent, a un caractère très bénin. Malheureusement,
la petite vérole, a également éclaté à Budapest et
fait de nombreuses victimes.
Le choléra se propage en Croatie dans les envi-
rons d'Ogulin.
Bruxelles, 18 septembre, 8 heures.
Un arrêté royal révoque de ses fonctions M.
Ronvaux, échevin de l'instruction publique de la
ville de Namur, en raison du toast qu'il a porté
au roi au banquet des instituteurs réunis en con-
grès à Namur.
Parmi les hommes politiques qui prendront part
aux travaux du congrès catholique de Liège, on
cite MM. Delcour, ancien ministre de l'intérieur,
le comte de Mun, le comte de Ségur-Lamoignon,
l'abbé Schaepman, député aux Etats-Généraux de
Hollande, le comte Félix de Loë, président de l'As-
sociation des paysans du Rhin inférieur et un des
chefs du parti clérical rhénan, l'abbé Desbach, de
Trèves, un des promoteurs d 'œuvres ouvrières en
Allemagne, et un certain nombre de députés alle-
mands appartenant au parti du centre.
A propos du budget des cultes, la com-
mission du budget nous a fait assister hier,
une fois de plus, au genre de spectacle dont
elle a pris et donné l'habitude d'abord, sur
33 membres dont elle se compose, 15 seule-
ment étaient présents, et, sur ces 15, il s'en
est trouvé tantôt 3, tantôt 5 pour ne pas pren-
dre part au vote. Il est impossible, on
l'avouera, d'apporter moins de conviction
dans une discussion de principe. La ques-
tion du maintien ou de la suppression du
budget des cultes s'est posée d'un commun
accord sur le crédit affecté au traitement des
évêques 5 voix ont suffi pour repousser ce
crédit, qui se trouvait ainsi disparaître parla
volonté de la septième partie de la commis-
sion du budget, les six autres parties votant
contre, s'abstenant ou s'absentant; on recon-
naîtra que cette manière de résoudre l'un des
plus gros problèmes des temps modernes est
peu digne du sujet. Il est vrai que le même
crédit, réduit de 4,000 francs, a été adopté
aussitôt après, ce qui a remis le Concordat
sur ses pieds; mais les auteurs de ce rabibd-
chage n'ont pas eu plus tôt accompli un tel
acte d'héroïsme qu'ils se sont vengés dans
le détail de la liberté grande qu'ils venaient
de prendre avec les théories radicales dans
l'ensemble.
Ils ont naturellement commencé par les
chanoines, qui portent la peine de leur
nom, bien que l'institution profite exclusi-
vement à quelques vieux prêtres sans res-
sources et visiblement inoffensifs; ils ont en.
suite-ce qui est bien autrement grave-re-
tiré au clergé français de Tunisie et d'Algérie
la subvention de 100,000 francs qui lui était
allouée jusqu'à présent; ici, il n'est pas
question de religion, mais de patriotisme
personne n'ignore l'action extraordinaire'
qu'exerce dans ces parages un évêque émi-
nent, M. Lavigerie, et tout le monde sait que
cette action s'exerce entièrement au profit de
l'influence de notre pays; il y a plus si par
malheur le clergé français en Afrique était
désarmé ou ruiné, ses clients tomberaient
fatalement sous la coupe du clergé italien,
qui les vise et nous atteindrait du même coup;
il arriverait ainsi que la campagne de Tunisie,
motivée par la nécessité de ne pas laisser
que repoussant avec indignation l'idée de faire
une enquête. Cependant il n'eut pas un instant
l'idée de faiblir.
Qu'il s'informe, Bob, dit-il, qu'il aille voir
Krabbe, si bon lui semble! Ce qu'il rappor-
tera de son voyage de découvertes ne sera pas
lourd!
I! paraît prendre la chose avec une par-
faite indifférence, dit Robert, et penser qu'on
lui fait faire une démarche inutile et ridicule.
Hum! Il est peut-être plus dangereux qu'il
n'en a l'air. J'aime beaucoup mieux un garçon
qui jette feu et flammes comme ce M. Philli-
more il n'est pas dit que ce mielleux avocat
ne nous donnera pas du fil à retordre. La con-
duite du vicomte me chiffonne, Bob, continua
l'attorney après un silence; cela ne cadre pas
avec la mesure que j'avais prise de lui; c'est
moi qui ai proposé cette enquête, je le veux
bien, mais néanmoins. je me demande s'il est
arrivé quelque chose qui lui ait donné des soup-
çons.
Je n'en sais rien, dit Bob, mais le jeu me
paraît devenir singulièrement risqué, et je pro-
poserais, moi, qu'on l'abandonnât avant qu'il
fût devenu trop tard!
L'abandonner! répéta le vieillard avec co-
lère, quand nous tenons le succès à huit jours
de date!Que M. Ringwood s'informe, je le
répète, je suis plus fort que lui! [
Cela reste à prouver, père, dit Bob d'un
air sombre. Quelque chose me dit que nous som-
mes sur un volcan. Si vous m'en croyez, nous
répandrions sans tarder la nouvelle de la mort
subite de Krabbe et nous ferions dire à ce
Ringwood qu'il est impossible qu'il voie le bon-
homme, puisqu'il n'est plus de ce monde.
Y songes-tu mais ce serait aussi dange-
reux que stupide Quoi, après avoir trompé
le docteur lui-même, qui par deux fois a en-
voyé les certificats de vie nécessaires pour que
nous touchions les dividendes, nous ne jette-
rions pas de la poudre aux yeux de cet étran-
ger?.
Mais Bob était décidément pris de panique.
C'est inutile 1. La partie est jouée, vous
dis-je répota-t-il. Si nous voulons nous tirer
de cette triste affaire, il n'y a plus une minute
à perdre.
Tu perds la tête s'écria le père suppo-
sons que j'envoie, comme tu le proposes, la
nouvelle de la mort de Krabbe à ce M. Ring-
wood, ne vois-tu pas que s'il n'a pas encore de
soupçons cela seul suffirait à les faire naître? J
Ne vois-tu pas tous les gens de Nydland se
constituant en tribunal et faisant cette fois une
enquête sérieuse sur l'identité de Krabbe. Et
puis, s'il s'agissait de produire le cadavre, com-
ment t'arrangerais-tu ?. Tu le vois, continua
r V
s'établir aux portes de notre? colonie algé-
rienne une autre puissance maritime que la
nôtre, aurait finalement pour résultat de l'y
installer de nos propres mains par les voies
religieuses, les plus efficaces et les plus du-
rables. Et, par une contradiction vraiment
incroyable, certains parmi les députés qui
poursuivent cette suppression néfaste sont
les premiers à s'effrayer du mal que nous
font les missionnaires anglais à Madagas-
car et ailleurs tout récemment encore
il s'est fait un courant d'opinion pour le
maintien de notre protectorat religieux
dans l'Empire chinois ce courant a été
d'une telle force dans les milieux les moins
enclins à se préoccuper de cette sorte d'in-
térêts que le pape paraît avoir reculé de-
vant l'offre de nous destituer à son profit de
ce privilège séculaire. Encore opérons-nous
là sur un terrain qui n'est pas le nôtre et que
l'éloignement de nos côtes, les progrès de la
puissance chinoise et les coups de théâtre
auxquels l'extrême Orient nous a habitués
rendent particulièrement difficile; mais en
Algérie et en Tunisie, c'est-à-dire chez nous,
en pleine Méditerranée, au moment où les des-
tinées de l'Empire ottoman et la position res-
ective des puissances maritimes paraissent à
la veille de subir de profondes modifica-
tions, affaiblir, sous l'impulsion de la plus
aveugle des passions, une situation que nos
voisins et nos rivaux nous envient, servir
ainsi leurs desseins et faire en quelque sorte
leur œuvre, vraiment cela passe la mesure.
Il est vrai que la commission du budget
mieux informée et plus complètement réu-
nie, la Chambre haranguée et, espérons-le,
retournée comme elle l'a été l'an dernier
par M. le ministre des cultes, donneront
sans doute au bon sens et au patriotisme
une revanche dont l'opinion publique les fé-
licitera et se félicitera; mais n'est-ce pas trop
qu'elle soit nécessaire?
Quant à la réduction des crédits pour ré-
parations des édifices diocésains et pour se-
cours aux églises et presbytères, c'est la
première fois qu'on voit un parti régnant,
après avoir reproché au gouvernement de
n avoir pas fait assez d'action électorale, lui
enlever l'un de ses moyens les plus légitimes
d'influence.
LA bi±;:r.e SALICYLÉE
Le préfet de police ayant appris que certains
brasseurs d'Allemagne et de France avaient dirigé
sur Paris de la bière contenant de l'acide salicyli-
que, a mis arrêt sur les fûts contaminés. Un des
négociants destinataires des colis ainsi retenus a
dénoncé le fait au procureur de la République.
Le chef du parquet aurait répondu qu'il n'avait
pas personnellement ordonné les saisies effectuées;
que ces saisies ne paraissaient pas régulières;
qu'en tout cas, s'il pouvait poursuivre les bras-
seurs français, il était au contraire désarmé vis-à-
vis des brasseurs étrangers, qui n'avaient point
opéré sur notre territoire. Je ne partage pas le sen-
timent de M. le procureur de la République, et je
crois qu'il aurait pu défendre plus strictement
contre des manipulateurs trop hardis la pureté de
la bière et les principes du droit.
Je pars de cette donnée que des comités scienti-
fiques dont l'impartialité est incontestable ont, à
diverses reprises, proclamé dans ces derniers
temps que l'acide salicylique ne conservait les li-
quides qu'à la condition d'y être introduit à dose
élevée, c'est-à-dire à dose toxique. Je souligne, de
plus, ce détail que, d'après ces mêmes comités, les
bières salicylées sont particulièrement nuisibles
aux consommateurs qui ont le rein ou le foie al-
téré. Cette constatation émane d'hommes émi-
nents, MM. Wurtz, Pasteur, Brouardel.
De cette constatation technique je tire immédia-
tement la conséquence que, dans l'intérêt de la
santé publique, l'administration a le droit et le
devoir d'entraver la circulation de boissons aussi
dangereuses. Le salicylage des bières est une in-
dustrie malsaine qu'il faut troubler au plus vite
et qu'il faut détruire, s'il est possible, par des
moyens décisifs.
Je crois spécialement deux choses 1° la respon*
sabilité des débitants est plus étroite que ne l'af-
firme M. le procureur; 2° la responsabilité des
brasseurs étrangers est plus engagée que ne l'es-
time l'ho norable magistrat.
Prenons les destinataires d'abord. Je reconnais
que si le destinataire a fait venir un fût de bière
pour sa consommation personnelle, il ne peut
être inquiété sous prétexte qu'il aurait bu, le sa-
chant, un liquide frelaté. Il serait illibéral qu'un
citoyen n'eût pas quelque peu le droit de s'em-
poisonner à terme, s'il y tient. Mais je suppose, au
contraire, que ce destinataire soit un commerçant
qui a fait venir le mois dernier, non plus une bar-
rique, mais cinquante barriques de bière salicylée;
je suppose que ce même commerçant ait fait ve-
nir encore, le mois courant, cinquante nouvelles
barriques salicylées, il m'est impossible de ne pas
l'attorney après un silence, même si nous le
voulions nous ne pourrions sans danger pren-
dre le parti que tu conseilles.
Vous vous acharnez à votre entreprise,
père, et vous ne voulez pas voir que nous som-
mes déjà battus. Il y a autre chose cette
mistress Clark, je doute qu'elle veuille rester
avec nous plus longtemps. Elle s'ennuie mor-
tellement, dit-elle.
Peuh 1. double ses gages. Elle gagne
déjà le triple de son salaire ordinaire. Double
ses gages, te dis-je. C'est un argument qui ré-
concilie tous les domestiques avec l'existence
la plus monotone.
Tout cela est bel et bon, père, mais.
vous ne pensez pas, j'imagine, que cette fem-
me ignore que nous sommes en son' pou-
voir ?.
Tu n'as pas été assez fou pour lui dire nos
affaires?.
-Je ne lui ai dit que ce qui était indispen-
sable mais soyez sûr qu'elle en a deviné plus
qu'il ne faut.
Nous parlerons de cela une autre fois, dit
l'attorney avec impatience; aujourd'hui il s'a-
git de penser à M. Ringwood. N'oubliez pas,
mistress Clark et toi, qu'il faut produire Krab-
be demain vers midi.
Les Pegram prirent soin de surveiller étroi-
tement toutes les démarches de Ringwood.
Mais celui-ci conduisait son enquête fort ouver-
tement et semblait satisfait à peu de frais. Il
affectait de traiter la chose comme une simple
formalité; il était parfaitement convaincu, d'ail-
leurs, qu'il ne découvrirait rien à Nydland et
qu'il serait aussi complètement mystifié que
Jack Phillimore. Tout pour lui se réduisait dé-
sormais à voir si l'apparition soudaine d'Hem-
mingby n'aiderait pas à débrouiller le mystère.
Au total, les Pegram furent fort satisfaits de
son attitude.
Le lendemain, à l'heure convenue, Ronald se
dirigea vers le cottage. Il n'était pas sans éprou-
ver une certaine curiosité impatiente, mais
c'était surtout quant au résultat de l'investiga-
tion de Hemmingby. Pour lui, il s'attendait à
voir un homme très âgé sans aucun doute; cet
homme ne serait pas le vieux Krabbe, il en
était convaincu; mais il sentait bien qu'à cette
phase de son enquête il serait arrêté comme
Jack, sans pouvoir aller plus loin. Il n'eut point
de difficulté à trouver le cottage, mais quoi-
qu'il examinât tous les alentours d'un œil vigi-
lant, il ne put apercevoir le directeur. Ce fut
seulement au moment oit il allait frapper à la
porte qu'un pas rapide sur le sable de l'allée
lui fit tourner la tête, et il vit Sam Hemmingby
à ses côtés.
Je suis arrivé à Nydland la nuit dernière,
voir dans ce destinataire un débitant proprement
dit, et non plus un consommateur à titre privé. -Ce
commerçant n'a pas acheté cette énorme quantité
pour la boire, il l'a achetée pour la revendre. Si
donc l'administration, visitant les caves du négo-
cia.nt, n'y -trouve pas intact ou presque intact le
stock des fûts arrivés, elle a le droit absolu d'en
conclure que les manquants ont pénétré dans la
consommation générale; elle n'est plus obligée,
pour provoquer une répression, qu'à prouver une
chose la mauvaise foi du négociant, c'est-à-dire
la connaissance qu'il a eue de la qualité défec-
tueuse des boissons qu'il détaillait.
L'administration aujourd'hui se montre plus
coulante qu'il ne faudrait. Elle tolère que le débi-
tant retourne à son fournisseur étranger le liquide
contaminé; elle s'imagine que, parce procédé, elle
a radicalement écarté le péril qui menaçait nos
compatriotes. L'expédient du retour pour compte
me paraît plein de candeur. Assurément, les Pari-
siens n'ont plus à redouter pour leur foie ou pour
leur rein le breuvage insalubre. Mais je crains fort
que les fûts sortis de France par une porte n'y ren-
trent par une autre porte et ne se glissent sournoi-
sement dans un département moins surveillé -que
le département de la Seine. Or, ce qui est déplora-
ble, c'est que des substances malsaines circulent
librement et impunément sur nos voies ferrées et
sur nos routes d'eau. C'est à la marchandise elle-
même qu'il faut, en définitive, s'attaquer; et il est
trop clair que, pour les détruire, il faut viser les
expéditeurs eux-mêmes il faut atteindre les au-
teurs de la fraude initiale. C'est sur ce dernier
point que M. le procureur de la République au tri-
bunal de la Seine me semble professer des doctri-
nes quelque peu relâchées.
La question n'est difficile qu'au regard des fabri-
cants étrangers. Je ne puis les poursuivre en
France, déclare M. le procureur, parce que ce n'est
pas en France qu'ils ont versé l'acide salicylique
dans leurs produits; ils n'ont pas commis le délit sur
notre territoire; nous, magistrats français, nous
sommes dès lors incompétents, et nous ne pou-
vons leur demander compte à Paris d'actes qui se
sont accomplis à Munich, à Vienne ou à Londres.
Cette argumentation du parquet est-elle irrésis-
tible ? Je n'en suis pas convaincu. D'après notre
code d'instruction criminelle, il est vrai que nos
tribunaux nationaux ne peuvent connaître des dé-
lits commis par des étrangers en dehors de nos
frontières. Mais est-il exact que les fabricants al-
lemands, autrichiens ou anglais qui ont brassé à
Munich, à Vienne ou à Londres d's bières sali-
cylées et qui les ont expédiées on France n'aient
pas commis de délit sur le sol de notre pays? Je
suis bien là au vif du problème 1
Qu'a prohibé le législateur, quand il a parlé de
la vente ou de la mise en vente des denrées mal-
saines ? A quel moment psychologique faut-il se
placer pour affirmer que nous sommes en face
d'une vente délictueuse? Au moment précis, si je
ne me trompe, où la vente devient dangereuse
au point de vue de l'hygiène. Quel est ce moment
précis? Cherchons. Je suppose qu'un fabricant
étranger ait promis à un restaurateur parisien de
lui céder à tel prix cinquante fûts de bière saturée
d'acide salicylique. Si les parties n'échangent que
leurs paroles, si le contrat n'aboutit pas à la re-
mise matérielle des fûts, le délit ne naît pas, parce
que le péril social n'est pas devenu possible. Mais
les parties, au contraire, exécutent le pacte; les
fûts contaminés sont remis à l'acheteur; alors le
délit naît, parce que le péril social est devenu pos-
sible il a pris corps. Ce n'est pas, en somme, le
pacte isolé qui empoisonnera jamais personne,
c'est la marchandise défectueuse, une fois livrée.
Ce n'est, par conséquent, pas dans la vente-con-
vention, c'est dans la vente-tradition que réside
essentiellement l'infraction. L'expédition des den-
rées insalubres, voilà en résumé le fait qui tombe
et qui doit tomber sous le coup de la loi pénale,
car c'est le seul fait qui puisse compromettre la
santé publique. Eh bien, les fabricants étrangers
ont opéré l'expédition des fûts contaminés; ils les
ont livrés, et livrés en France, soit à des destina-
taires définitifs qui les avaient achetés, soit à des
consignataires chargés de les exposer en vente.
Dans les deux cas le délit existe au point de vue
français, il s'accomplit en France; nos tribunaux
français sont dès lors compétents.
Si la thèse que je présente là est correcte -et je
crois avoir respecté l'esprit de la loi sans en avoir
violé le texte-les conséquences pratiques s'en dé-
duisent aisément. Le jugement •n'entraînâl-il con-
tre les brasseurs allemands, autrichiens ou an-
glais aucune condamnation corporelle susceptible
d'exécution, il sortirait du moins un effet sérieux
quant à la marchandise elle-même; la marchan-
dise serait confisquée et versée au ruisseau; elle
ne serait plus naïvement retournée de Paris à ses
producteurs pour fournir à des producteurs peu
scrupuleux le moyen d'empoisonner ailleurs des
consommateurs crédules ou mal gardés; détruite
sur place, la marchandise ne trouverait de con-
sommateurs nulle part. De plus, les contrats rela-
tifs à ces liquides malfaisants seraient, au point
de vue civil ou commercial, entachés d'une nullité
absolue, d'une nullité d'ordre public; nos magis-
trats consulaires ne pourraient faire état d'une
transaction dont l'objet serait une marchandise vi-
ciée ils ne pourraient, par exemple, contraindre
au payement les acheteurs de fûts salicylés; notre
législation ne valide pas les marchés dont la cause
est illicite.
Dès que les fabricants exotiques de bières mal-
saines sauront qu'en France, grâce à la vigilance
dit à voix basse le directeur; pas une amené
m'a vu me glisser de ce côté. J'ai pris un che-
min, détourné pour arriver, et voilà plus d'une
heure que je suis en embuscade derrière cette
haie. Il y a une demi-heure à peu près que j'ai
vu Bob Pegram entrer par la porte de derrière.
Il est venu, je suppose, pour avertir son soi-
disant Krabbe de se tenir prêt à vous recevoir
et pour le surveiller pendant qu'il jouera son
rôle.
En ce moment, la porte fut ouverte par mis-
tress Clark, laquelle perdit contenance de la
façon la plus évidente à la vue de Hemmingby.
Elle se hâta de faire entrer ces deux messieurs,
et les laissa dans un petit parloir, après avoir
murmuré d'une façon assez troublée que M.
Krabbe finissait de s'habiller et qu'il recevrait
ses visiteurs dans quelques minutes.
Où diable ai-je vu cette femme? se reprit
à dire Hemmingby. Avez-vous remarqué com-
me elle a évité de me parler ou de me regar-
der ?
Vous croyez qu'elle craint d'être reconnue
de vous?
Oui, certainement. C'est même en grande
partie à cause d'elle que je suis venu. Je n'ai
guère l'espoir de pouvoir distinguer le vieillard
qu'ils vont produire de celui que j'ai connu.
Les Pegram sont habiles, et ils ont trompé tout
Nydland, ne l'oublions pas.
En ce moment, le même vieillard décrépit que
Jack Phillimore avait vu entra en chancelant,
appuyé d'un côté sur la canne et soutenu de
l'autre par mistress Clark. Après avoir fait
trois ou quatre pas il s'arrêta, et, désignant les
visiteurs du bout de sa canne, il cria d'une voix
cassée et suraiguë
Fichez-moi ces gens à la porte 1
Mistress Clarke parut vouloir réparer l'inci-
vilité de son malade.
Ces messieurs ont fait le voyage de Lon-
dres pour vous voir, lui cria-t-elle dans l'o-
reille. Ne voulez-vous pas leur dire bonjour?
Mais le vieux bonhomme se contenta de faire
entendre quelques grognements incohérents,
mêlés de vagues objurgations contre lesintrus,
contre le manque de lumière, etc.
Hemmingby observait attentivement le vieil-
lard, pendant que la garde-malade était oc-
cupée à arranger ses coussins et ses couver-
tures.
Hé! comment allez-vous, monsieur Krab-
be ? lui dit-il soudain en lui tendant la main. `
L'infirme le regarda un instant d'un air va-
gue, puis il se renfonça dans ses coussins, mar-
mottant rageusement que « cet individu lui ca-
chait le feu ».
Hemmingby alla se rasseoir auprès de Ring-
wood.
des tribunaux, grâce à la fermeté des administra-
tions, ils courent des risques positifs condamna-
tions personnelles, confiscation des envois, refus
d'action en justice contre les destinataires, ils re-
nonceront à une industrie qui, jusqu'à présent, a
été dangereuse pour nous, et qui désormais de-
viendrait dangereuse pour eux. j. L.
LES ÉVÉNEMENTS EN BULGARIE
[Dépêche de notre correspondant particulier.)
Sofia, 17 septembre, 6 h. 20.
Le Sobranjé a encore tenu deux séances dans la
journée. Après le vote de la loi sur les écoles, qui
provoqua de bruyantes protestations de la part
des partisans de M. Zankof, on passa à la discus-
sion du budget. M. Radoslavof demanda à l'Assem-
blée d'adopter le même budget que celui de l'an-
née précédente.
La clôture de la session aura lieu demain. On
croit que les élections de la grande Assemblée na-
tionale se feront dans une quinzaine de jours et
que l'Assemblée se réunira à Tirnova.
Sofia, 17 septembre, 7 h. 30 soir.
Les agents diplomatiques des puissances à Sofia
ont reçu pour instructions d'employer toute leur
influence à maintenir l'ordre dans la principauté.
Tous les partis, d'ailleurs, sont d'accord pour
éviter tout prétexte à une intervention étran-
gère.
Les puissances n'ont pas l'intention de recon-
naître officiellement le gouvernement de la ré-
gence elles continuent avec lui leurs relations
diplomatiques, ce qui équivaut à une reconnais-
sance tacite.
Philippopoli, 17 septembre, 3 h. 10 soir.
Le docteur Stransky doit partir pour Belgrade
comme délégué spécial auprès du gouvernement
serbe pour négocier la réconciliation entre la Bul-
garie et la Serbie.
En cas de réussite, il occuperait définitivement
le poste d'agent diplomatique de la Bulgarie à Bel-
grade.
Varna, 18 septembre, 8 h. 20.
On est très satisfait à Constantinople des répon-
ses que les puissances ont faites à la dernière cir-
culaire turque. Aucune puissance n'a l'intention
d'occuper militairement la Bulgarie, et aucune ne
laisse entrevoir que ce droit puisse être confié
par le concert des puissances à l'une d'entre elles.
Les communications par chemin de fer, par
poste et par télégraphe, sont rétablies entre An-
drinople et Philippopoli.
Vienne, 18 septembre, 9 heures.
Le général baron de Kaulbars est arrivé hier à
Vienne, où il remplissait à l'ambassade russe les
fonctions d'attaché militaire. Avant de se rendre
en Bulgarie, il passera quelques jours dans sa fa-
mille, à Traunkirchen.
M. Louis Kossuth a écrit au journal Pesti Naplo
une lettre dans laquelle il traite la question bul-
gare.
« Toute la question d'Orient dit-il dans cette
lettre n'est qu'une combinaison du panslavisme
avec la politique d'expansion de la Russie. Les in-
térêts et même l'existence de l'Autriche-Hongrie
exigent qu'elle s'oppose à ces deux éléments. L'Au-
triche devrait appuyer, par tous les moyens dont
elle dispose, les aspirations des Etats slaves, me-
nacés dans leur indépendance nationale. Quant à
l'Allemagne, elle aura à se repentir amèrement des
tendances cosaques dont fait preuve aujourd'hui
le prince de Bismarck. »
(Service Havas)
Sofia, 17 septembre.
Le Sobranjé a adopté le projet de rachat des immeu-
bles du prince Alexandre. Elle a autorisé le gouverne-
ment à emprunter 15 millions et à appliquer le budget
de l'année présente à 1887.
L'Assemblée a adopté ensuite une autre loi qui mo-
difie la loi électorale actuelle le tiers des électeurs in-
scrits sera désormais nécessaire au premier tour de
scrutin, le second tour est supprimé, et l'élection doit
avoir lieu à la majorité absolue.
Ce mode électoral sera appliqué aux prochaines élec-
tions de la grande Assemblée.
Dans la séance d'aujourd'hui, une proposition a été
présentée par une groupe, en vue do réduire le traite-
ment des fontionnaires de 15 0/0.
La Chambre a repoussé cette propcsition, mais la
discussion a été longue, et les ministres ont dû poser la
question de cabinet.
La clôture do la session aura lieu demain seulement.
Il reste à discuter un projet autorisant le ministre de
la guerre à modifier la composition du conseil de guerre
que l'absence des officiers supérieurs ne permettait pas
de réunir. Dorénavant, le ministère aura la liberté du
choix des officiers, sans distinction de grade.
Demain étant l'anniversaire de la révolution à Philip-
popoli, il est possible que la Chambre fasse à cette oc-
casion une manifestation quelconque.
On annonce de Philippopoli que l'anniversaire sera
célébré avec solennité, mais à Sofia rien n'est préparé
dans ce but.
En recevant hier la députation du bureau de l'Assem-
blée qui venait lui remettre l'adresse au tsar, M. Nek-
lioudof, consul de Russie, prononça quelques paroles
dont voici le texte môme
« Le gouvernement impérial appréciant par dessus
tout l'ordre et la tranquillité en Bulgarie ne saurait
admettre, même par la pensée, le retour du prince, dont
le départ est, ses yeux, une des garanties de la prospé-
rité du pays.
» Une autre garantie, c'est vous-mêmes qui, par votre
sagesse et votre modération, pouvez écarter de graves
dmgcrs. Rappelez-vous bien, messieurs, que l'ordre de
choses actuel n'a pas encore reçu de sanction légale
La contrefaçon est extraordinaire, ditil à
demi voix. En dépit de tout, je ne voudrais
pas jurer que ceci n'est pas le vieux Krabbe!
Les espérances de Ringwood baissèrent con-
sidérablement. Il avait compté qu'au premier
coup d'oeil le directeur reconnaîtrait l'impos-
ture, tandis qu'il s'était peu occupé de ce que
lui avait dit Hemmingby. sur la garde-malade.
Je crains, messieurs, que vous vous soyez
dérangés inutilement, dit la jeune femme; il
est bien sourd, comme vous le voyez, et sur-
tout quand il est de mauvaise humeur. On a
beau crier, il refuse de rien entendre.
Hemmingby ne s'était pas trompé. Mistress
Clark faisait son possible pour qu'il ne pût la
reconnaître. Elle s'était placée à contre-jour,
évitant de tourner les yeux de son côté, et, s'a-
dressant surtout à Ringwood, elle parlait d'un
ton mécanique et saccadé qui parut au direc-
teur avoir pour but de dissimuler le timbre na-
turel de sa voix. Mais Hemmingby était décidé
à la faire parler.
En effet, dit-il, le cher homme ne paraît
pas me remettre du tout, et pourtant nous
avons été bons amis depuis vingt ans. Mais
je suppose qu'il reconnaît bien peu de monde,
n'est-il pas vrai, madame?
Il reconnaît très peu de gens, monsieur,
répondit M. Clarke de la même voix basse et
monotone.
Ne reconnaît-il pas M. Pegram ? demanda
Hemmingby.
Qui a parlé de M. Pegram ? cria l'octogé-
naire du fond de ses coussins. Il ne vient ja-
mais me voir Qui s'occupe d'un pauvre vieux
comme moi ?.
Il me semble, dit Hemmingby, que mon
vieil ami n'est pas tout à fait aussi sourd que
vous disiez, madame?. madame?.
Mistress Clarke, dit-elle, obligée malgré
elle de rencontrer un moment les yeux du di-
recteur.
Un éclair de surprise traversa le visage de
Hemmingby; mais tout rapide qu'il fût, la garde-
malade surprit cet éclair, et son trouble parut
augmenter.
Naturellement, continua Hemmingby, le
nom de Pegram doit plus qu'un autre attirer
son attention. Il y a bien quarante ans qu'il le
connaît.
Pegram! répéta l'infirme de sa voix sur-
aiguë je veux le voir 1. j'ai des affaires à trai-
ter avec lui. Ses maisons perdront de leur va-
leur s'il laisse bâtir entre lui et la mer
Le directeur eut un sourire qui n'échappa
nullement à mistress Clark.
Ses idées me paraissent être d'une luci-
dité parfaite observa-t-il d'un ton de légère
raillerie. Avec un cornet acoustique je suis Der-
aux yeux du gouvernement impérial. Cette légalité, le
gouvernement bulgare ne peut l'acquérir que par la
prudence et l'impartialité de ses gouvernants, des mem-
bres du Sobranjé et de ceux de la future grande As*
semblée nationale. »
Le consul a dit en terminant que la Russie se tenait
au-dessus des partis, sans en protéger aucun.
Les instructions que M. Neklioudof avait reçues ulté-
rieurement étaient dans le sens de ce langage.
Les officiers des régiments d'artillerie et d'infanterie
qui ont pris part au coup d'Etat seront conduits après
demain à Sofia, venant de Radomir, où ils étaient in-
ternés depuis leur soumission; l'enquête se poursuivra
ici. On croit qu'ils passeront prochainement devant le
conseil de guerre. Le régiment d'artillerie révolté a été
ramené à Sofia par des officiers nouveaux.
Londres, 18 septembre.
On mande de Vienne au Daily News qu'on est très
surpris des résolutions contradictoires du Sobranjé et
qu'on attend avec anxiété de connaître l'impression
produite en Russie. Malgré les assurances officielles
concernant le maintien de la paix, on n'est pas sans
inquiétude à ce sujet; on discute beaucoup la possibi-
lité d'une guerre.
Berlin, 17 septembre.
La Galette de l'Allemagne du Nord dément, d'après des
renseignements puisés à une source sûre, les infor-.
mations de la Gazette de Voss concernant la teneur du
dernier Livre Vert publié par le gouvernement italien.
Le journal allemand dit en particulier qu'il est inexact
qu'il se produise des temps d'arrêt dans les communi-
cations échangées entre les puissances touchant les
difficultés de la situation, et que le prince de Bismarck
ait exprimé l'opinion que l'abdication du prince Alexan-
dre était le seul moyen d'empêcher l'intervention de la
Russie en Bulgarie.
La Gazette de l'Allemagne du Nord déclare que toutes
ces conjectures ne peuvent pas être confirmées par les
rapports d'un ambassadeur italien elle ajoute que,
dans toute l'affaire bulgare, il n'y a pas eu un seul mo-
ment où les trois empires ne se soient renseignés les
uns les autres touchant leurs vues, de la façon la plus
nette et la plus sûre.
̃' ̃̃
AFFAIRES COLONIALES
Tonkin J
Une dépêche de la résidence générale du Tonkin
fait connaître que l'exposition industrielle orga-
nisée par M. Paul Bert à Hanoï s'ouvrira le 15 jan-
vier.
Elle comprendra les produits naturels et ouvrés
de l'Indo-Chine française, des colonies et des pro-
tectorats les produits du sol et du sous-sol, les
machines, les productions zoologiques, les étof-
fes, les confections, les œuvres scientifiques, ar-
tistiques, etc.
Des achats seront faits par l'administration; une
loterie sera organisée.
Le protectorat prend à sa charge tous les|frais
de transport, aller et retour, ainsi que les frais
d'installat,ion et d'emplacement. Il conseille d'en-
voyer de préférence des produits ayant des chan-
ces de s'écouler en In
De nombreuses récompenses seront accordées.
Gabon
Le correspondant du Times à Madrid rapporte
que le gouvernement espagnol a donné l'ordre au
gouverneur des Canaries de lui envoyer d'urgence,
par une canonnière, le dossier de l'affaire de la
rivière Muni.
« Les deux rives de la rivière Muni sont, ajoute-
t-il, considérées comme territoire espagnol les
Français réclament cependant la rive gauche. A
l'arrivée du Laprade, son commandant insista pour
que le pavillon espagnol, qui seul flottait en ce
point fût amené. Le commandant de la Ligcra
refusa.
» Le Laprade retourna au Gabon et revint peu
après avec de nouvelles instructions lui prescri-
vant d'insister sur la substitution du pavillon
français au pavillon espagnol; le commandant es-
pagnol protesta, et le litige fut soumis aux deux
gouvernements.
» La presse espagnole approuve chaudement la
fermeté du commandant de la Ligera. »
Comme nous l'avons dit hier, une commission
s'occupe actuellement de la délimitation des pos-
sessions françaises et espagnoles, non seulement
dans le golfe de Guinée, mais encore sur le littoral
de l'Afrique septentrionale. Mais cette commission
mène ses travaux avec une sage lenteur; elle a
eu, croyons-nous, une vingtaine de réunions et
n'est arrivée à aucune solution. Nous ajouterons
qu'elle n'a même pas encore attaqué les questions
de souveraineté ou de protectorat du golfe de Gui
née, c'est-à-dire celles qui donnent lieu à l'inci-
dent dont on s'occupe depuis quelques jours.
Si les Espagnols arguent de traités passés il y a
des siècles avec les noirs ou de traités conclus ré-
cemment, nous pouvons dire que nous sommes en
règle de ce côté; les indigènes établis au nord du
Gabon, entre TOgoué et les Cameroons, se sont pla-
cés à différentes époques sous le protectorat de la
France. Mais probablement, là comme en tant
d'autres points du littoral de l'Afrique occiden-
tale, les noirs ont écouté toutes les propositions,
sans souci de leurs engagements antérieurs, car
on sait que moyennant quelques cadeaux ils si-
gnent très facilement des actes de protectorat avec
n'importe qui, voire même ils cèdent en toute
propriété les territoires où ils sont établis.
C'est ce qu'ils ont fait en ces dernières années
dans la Dubreka, dans le bassin du Niari-Quillou
et en d'autre lieux, de telle sorte que les puissan-
ces établies dans ces parages sont forcées de né-
gocier afin d'aplanir des différends que grossit vo-
suadé qu'il pourrait reprendre sa place à l'é-
tude l'été prochain. Qu'en pensez-vous, ma-
dame ?
Mistress Glarck secoua la tête, mais ne jugea
pas à propos cette fois de lever les yeux ou de
répondre.
Eh bien, Ringwood, dit le directeur en se
levant, vous avez été envoyé ici pour voir M.
Krabbe et en finir avec une rumeur sans fon-
dement vous devez être satisfait, maintenant,
et convaincu qu'il est vivant et bien vivant
pour son âge. Je voudrais lui serrer la main
avant de m'en aller. Auriez-vous l'obligeance
de le lui dire, madame?
La garde-malade transféra à haute voix la
requête du directeur dans l'oreille du vieillard;
mais son unique réponse fut un accès de toux
interminable.
-Il ne veut pas m'entendre, dit-elle enfin, c'est
évident, et vous voyez comme sa toux le tour-
mente.
Les excentricités aussi bien que les infir-
mités de l'âge doivent être «espectées, répon-
dit gravement le directeur. Adieu, madame.
Ah! oui, madame Clark.
Ils étaient sur le point de sortir, quand, à la
surprise intense de Ringwood, Hemmingby, se
retournant soudain, traversa rapidement le par-
loir, s'approcha du malade et, lui mettant la
main sur l'épaule, murmura quelques mots à
son oreille.
Ringwod vit le vieillard tressaillir comme si
le directeur l'eût mordu. Mais sans lui laisser
le temps d'en observer davantage, Hemmingby,
l'entraînant hors de la maison, reprit rapide-
ment le chemin de Nydland.
Eh bien, quelle est vmre conclusion? dit
le jeune avocat. M'expliquerez-vous par quelle
fantaisie vous êtes allé chuchoter à l'oreille
d'un sourd?
Je ne puis vous l'expliquer mieux, répon-
dit Hemmingby en riant, qu'en vous répétant
mes paroles. Voici textuellement ce que je lui
ai dit « Un petit brin chargé, Bob, mais fort
bien, en somme. Je vous donnerai cinq cents
francs par semaine au Vivacily, le jour où il
vous plaira de venir y jouer les grimes. »
Quoi! voudriez-vous dire?.
Parfaitement. C'est BobPegram lui-même
qui représente le vieux Krabbe, et il s'en tire,
ma foi, fort bien. Quant à la gard,e-malade, je
suis encore incapable de me rappeler son nom;
mais je l'ai vue sur les planches, j'en jurerais,
et c'est ce qui m'a mis sur la voie I
D'après HAWLEY SMART.
(A suivre.)
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