Titre : Le Monte-Cristo : journal hebdomadaire de romans, d'histoire, de voyages et de poésie / publié et rédigé par Alexandre Dumas, seul
Auteur : Dumas, Alexandre (1802-1870). Auteur du texte
Éditeur : Devalier (Paris)
Date d'édition : 1857-12-31
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32819834x
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 832 Nombre total de vues : 832
Description : 31 décembre 1857 31 décembre 1857
Description : 1857/12/31 (N37). 1857/12/31 (N37).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k205307b
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
LE MONTE-CRISTO.
162 :=~
Le lendemain de J?eMW77/, jour d'enivrement et-de
triomphe, sur lequel la maladie de ma mère venait jeter/son
ombre, "Ricourt, alors directeur de l'Artiste, vint me cher-
cher
Monte en voiture et viens avec moi,, me dit-il.
Où cela?
Viens toujours tu le sauras quand nous y serons.
Ceux qui connaissent Ricourt savent que lorsqu'il veut
une chose, il n'y a'point à dire non.
Je montai donc en voiture avec lui.
Le fiacre traversa les ponts, s'aventura dans la rue du Bac,
se risqua dans la rue d'Assas, croisa la rue de Vaugjrard.
Je commençais à m'inquiéter; j'étais en pleine, province;
les gens que nous croisions avaient de l'accent.
Nous arrivâmes à la rue de l'Ouest.
C'était la rue des peintres et des sculpteurs.
Des poètes aussi,- Victor Hugo y demeurait. Ce fut rue de
l'Ouest que j'entendis pour la première fois une lecture, de
Marion Delorme.
Nous nous arrêtâmes à une porte à droite, nous traver-
sâmes un beau jardin, nous entrâmes. dans un charmant
atelier..
Tiens, Achille, dit Ricourt, voilà notre homme.
Je reçonnus celui auquel s'adressaient ces paroles pour
l'avoir rencontré et remarqué.
En effet, Achille Dëvéna,' qui pouvait avoir trente-trois ou
trente-quatre ans.à cette époque, avait une charmante tête,
vigoureuse et intelligente à la fois de grands cheveux.. noirs,
de grands yeux noirs, un nez droit, des dents màgnitiques,
ombragées par une .moustache noire à laquelle se rejoignait
ufie'forte royale chaque fois que le peintre en regardant, son
modèle fermait la bouche et serrait les dents.
Je compris de quoi il était question, et j'en fus tout fier.-
'11 s'agissait de faire-mon portrait pour l'.4r
`~f. .,1"1.
Ricourt me prenait sortant de mon succès,.et me servait
chaud à ses abonnés.'
Nous échangeâmes une' poignée, de main, Achille et moi.
Cette poignée de main nous fit amis pour la vie.
C'est qu'Achille était une nature'admirablement sympa-
thique.
Mettez-vous la'comme vous l'entendrez, "me-dit-il en
me montrant un. canapé; surtout, ne posez pas.~
Je me jetai à moitié couché sur le canapé; j'étais-à la fois
vif et indolent, homme de paresse et homme d'action, créole
'et Européen. '<
–Oh! parlez, parlez, me dit-il.
Nous causâmes;'
Achille, sans affectation, déroula une érudition artistique
immense.-H savait tout ce qui'avait été peint, depuis Apelle
jusqu'à nous tout ce qui avait été gravé, depuis Marc-An-
toine jusqu'à Gellee.. .<
`4~d;' "s·t·q
C'était surtout sur les costumes et les mœurs de la renais-
sance qu'Achille Deveria excellai) il en avait fait une étude
toute spéciale.
Deveria pouvait être un grand peintre; mais il avait une
mère et une sœur. Il comprit que la grande peinture ne nour-
rirait pas sa famille; il se jeta dans la vignette.
On commençait à cette époque à se servir de bois po.ur les
illustrations.
ïl fit les premiers bois gravés par Thomson.
C'était une vie de travail admirable, nous ne dirons pas
que celle de cet artiste, nous dirons, de celle de.ce fils et de
ce frëre.
Son atelier était son monde; le jardin son plus lointain ho-
rizon. Grâce à lui, son jeune frère Eugène pouvait faire de la
grande peinture, exposer sa Naissance de .NemW JfF, et pren-
dre-rang parmi les grands artistes de 1830.
Boulanger, qui venait d'avoir un immense succès avec son
.Mazeppa, –quand vous irez à Rouen, ne manquez pas. d'al-
ler voir ce chef-d'œuvre, au moins Boulanger était son
élevé..
Lui, pendant ce temps, faisait des bois pour Thomson, des
aquarelles pour Fume, des lithographies pour Ricourt.
Lui, pendant ce temps, faisait le portrait d'un enfant de
vingt-quatre ans, connu de la veille, et dont l'image dégin-
gandée devait faire dire aux lecteurs de l'~r~e
Tels hommes, tels littérateurs.
En une heure le portrait fut fini. Ricourt promit 100 francs
a Deveria et emporta sa pierre.
Je donnerais bien 100 francs pour avoir cette pierre-là que-
Ricourt m'annonce toutes .les fois qu'il me voit, et dont il
doit me faire cadeau. voilà tantôt vingt-cinq ans.
J'ai dit que. la poignée de main que nous avions échangée
avec Deveria nous avait fait amis pour toute la vie.
C'est la vérité, et cependant en trentè ans nous ne nous
revîmes peut-être pas dix fois.
~Hélas! c'est le sort'des grands travailleurs; on s'aime à
~distance. Seulement de temps, eh.temps on travaille au bruit
d'une .voix amie qui traverse l'espace et qui vient vous sa-
luer d'un hommage ou d'un encouragement."
De temps en temps, soit Boulanger, soit Nodier, soit Belloc
'médisaient:
A propos, j*ai vu Deveria. Il m'a chargé de vous dire
qu'il trouvait le temps de lire fout ce- que vous faisiez..
Pauvre Achille Je n'avais pas le même bonheur, .moi, je
ne pouvais pas voir tout ce du'il,faisait.
J'appris ainsi qu'il's'était marié. Il avait épousé la fille d'un
artiste célèbre, pour sa chaste beauté. Elle est veuve aujour-
d'hui et toujours belle, au'milieu de sa splendidé famille,
dont elle semble la sœur aînée.
Cornélie n'a pas eu une vie plus irréprochable et plus sé-
vëre.
.Un jour, c'était en 1848, je crois,, je reçus une lettre con-
çue en ces termes
a Cher, notre ami commun Charton vient de me faire
nommer'à la Bibliothèque, section des Gravures. C'est vous
dire que je mets 'tous mes cartons à votre disposition.
)) A vous,
~<. ACHILLE DEVEMA.
D.~P. S. Un des avantages de ma place, est do me donner la
chance de vous voir plus souvent, a
162 :=~
Le lendemain de J?eMW77/, jour d'enivrement et-de
triomphe, sur lequel la maladie de ma mère venait jeter/son
ombre, "Ricourt, alors directeur de l'Artiste, vint me cher-
cher
Monte en voiture et viens avec moi,, me dit-il.
Où cela?
Viens toujours tu le sauras quand nous y serons.
Ceux qui connaissent Ricourt savent que lorsqu'il veut
une chose, il n'y a'point à dire non.
Je montai donc en voiture avec lui.
Le fiacre traversa les ponts, s'aventura dans la rue du Bac,
se risqua dans la rue d'Assas, croisa la rue de Vaugjrard.
Je commençais à m'inquiéter; j'étais en pleine, province;
les gens que nous croisions avaient de l'accent.
Nous arrivâmes à la rue de l'Ouest.
C'était la rue des peintres et des sculpteurs.
Des poètes aussi,- Victor Hugo y demeurait. Ce fut rue de
l'Ouest que j'entendis pour la première fois une lecture, de
Marion Delorme.
Nous nous arrêtâmes à une porte à droite, nous traver-
sâmes un beau jardin, nous entrâmes. dans un charmant
atelier..
Tiens, Achille, dit Ricourt, voilà notre homme.
Je reçonnus celui auquel s'adressaient ces paroles pour
l'avoir rencontré et remarqué.
En effet, Achille Dëvéna,' qui pouvait avoir trente-trois ou
trente-quatre ans.à cette époque, avait une charmante tête,
vigoureuse et intelligente à la fois de grands cheveux.. noirs,
de grands yeux noirs, un nez droit, des dents màgnitiques,
ombragées par une .moustache noire à laquelle se rejoignait
ufie'forte royale chaque fois que le peintre en regardant, son
modèle fermait la bouche et serrait les dents.
Je compris de quoi il était question, et j'en fus tout fier.-
'11 s'agissait de faire-mon portrait pour l'.4r
`~f. .,1"1.
Ricourt me prenait sortant de mon succès,.et me servait
chaud à ses abonnés.'
Nous échangeâmes une' poignée, de main, Achille et moi.
Cette poignée de main nous fit amis pour la vie.
C'est qu'Achille était une nature'admirablement sympa-
thique.
Mettez-vous la'comme vous l'entendrez, "me-dit-il en
me montrant un. canapé; surtout, ne posez pas.~
Je me jetai à moitié couché sur le canapé; j'étais-à la fois
vif et indolent, homme de paresse et homme d'action, créole
'et Européen. '<
–Oh! parlez, parlez, me dit-il.
Nous causâmes;'
Achille, sans affectation, déroula une érudition artistique
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jusqu'à nous tout ce qui avait été gravé, depuis Marc-An-
toine jusqu'à Gellee.. .<
`4~d;' "s·t·q
C'était surtout sur les costumes et les mœurs de la renais-
sance qu'Achille Deveria excellai) il en avait fait une étude
toute spéciale.
Deveria pouvait être un grand peintre; mais il avait une
mère et une sœur. Il comprit que la grande peinture ne nour-
rirait pas sa famille; il se jeta dans la vignette.
On commençait à cette époque à se servir de bois po.ur les
illustrations.
ïl fit les premiers bois gravés par Thomson.
C'était une vie de travail admirable, nous ne dirons pas
que celle de cet artiste, nous dirons, de celle de.ce fils et de
ce frëre.
Son atelier était son monde; le jardin son plus lointain ho-
rizon. Grâce à lui, son jeune frère Eugène pouvait faire de la
grande peinture, exposer sa Naissance de .NemW JfF, et pren-
dre-rang parmi les grands artistes de 1830.
Boulanger, qui venait d'avoir un immense succès avec son
.Mazeppa, –quand vous irez à Rouen, ne manquez pas. d'al-
ler voir ce chef-d'œuvre, au moins Boulanger était son
élevé..
Lui, pendant ce temps, faisait des bois pour Thomson, des
aquarelles pour Fume, des lithographies pour Ricourt.
Lui, pendant ce temps, faisait le portrait d'un enfant de
vingt-quatre ans, connu de la veille, et dont l'image dégin-
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Tels hommes, tels littérateurs.
En une heure le portrait fut fini. Ricourt promit 100 francs
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Je donnerais bien 100 francs pour avoir cette pierre-là que-
Ricourt m'annonce toutes .les fois qu'il me voit, et dont il
doit me faire cadeau. voilà tantôt vingt-cinq ans.
J'ai dit que. la poignée de main que nous avions échangée
avec Deveria nous avait fait amis pour toute la vie.
C'est la vérité, et cependant en trentè ans nous ne nous
revîmes peut-être pas dix fois.
~Hélas! c'est le sort'des grands travailleurs; on s'aime à
~distance. Seulement de temps, eh.temps on travaille au bruit
d'une .voix amie qui traverse l'espace et qui vient vous sa-
luer d'un hommage ou d'un encouragement."
De temps en temps, soit Boulanger, soit Nodier, soit Belloc
'médisaient:
A propos, j*ai vu Deveria. Il m'a chargé de vous dire
qu'il trouvait le temps de lire fout ce- que vous faisiez..
Pauvre Achille Je n'avais pas le même bonheur, .moi, je
ne pouvais pas voir tout ce du'il,faisait.
J'appris ainsi qu'il's'était marié. Il avait épousé la fille d'un
artiste célèbre, pour sa chaste beauté. Elle est veuve aujour-
d'hui et toujours belle, au'milieu de sa splendidé famille,
dont elle semble la sœur aînée.
Cornélie n'a pas eu une vie plus irréprochable et plus sé-
vëre.
.Un jour, c'était en 1848, je crois,, je reçus une lettre con-
çue en ces termes
a Cher, notre ami commun Charton vient de me faire
nommer'à la Bibliothèque, section des Gravures. C'est vous
dire que je mets 'tous mes cartons à votre disposition.
)) A vous,
~<. ACHILLE DEVEMA.
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