Titre : Le Monte-Cristo : journal hebdomadaire de romans, d'histoire, de voyages et de poésie / publié et rédigé par Alexandre Dumas, seul
Auteur : Dumas, Alexandre (1802-1870). Auteur du texte
Éditeur : Devalier (Paris)
Date d'édition : 1857-05-07
Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32819834x
Type : texte texte
Type : publication en série imprimée publication en série imprimée
Langue : français
Format : Nombre total de vues : 832 Nombre total de vues : 832
Description : 07 mai 1857 07 mai 1857
Description : 1857/05/07 (N3). 1857/05/07 (N3).
Droits : Consultable en ligne
Identifiant : ark:/12148/bpt6k205273x
Source : Bibliothèque nationale de France
Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France
Date de mise en ligne : 15/10/2007
LE MONTE-CRISTO/
34
Les Anglais ont généralement le spleen au mois de no-
vembre.
Vous croyez qu'ils ont le spleen à cause du brouillard
qui commence en novembre pour ne finir qu'en mai ?
Point du tout.
Ils ont le spleen, parce que, pendant quatre mois, ils ont
été privés de brouillards.
Le brouillard leur manque
C'est si vrai, que,.dans les pays où il n'y a pas de brouil-
lard, ils en font un, du moment où ils se sont décidés à
l'habiter.
Voir Gibraltar et Malte.
Le brouillard était inconnu à Gibraltar avant 1104, et à
Malte avant 1800. Mais les Anglais ont pris Malte aux Fran-
çais et Gibraltar aux Espagnols Gibraltar et Malte
ont aujourd'hui 'du brouillard, comme Douvres et Sôuth-
ampton..
Vous me demanderez avec quoi les Anglais font îêur
brouillard?
Avec du charbon de terre, je présume.
Mais il ne s'agit pas de cela. J'ai constaté, en passant,
qlie ce n'était pas le bon Dieu qui faisait le brouillard,
mais les Anglais c'est tout ce qu'il me faut.
Je disais donc, qu'à cinq heures du matin, il n'y avait
pas grand'chose à voir à Douvres.
Ce qui ne m'empêcha point de demander à une espèce
de cicerone parlant moitié anglais, moitié français
Qu'avez-vous à me montrer ?
Il fat d'abord assez embarrassé, chercha un instant, et
me dit
coulez-vous voir la coùleuvrine de la reine Anne ?
Va pour la couleuvrine de la reine Anne.
Nous nous mîmes en route.
Chemin faisant, mon cicérone voulut m'expliquer ce que
c'était que la reine Anne.
–Oh mon ami, lui dis-je, je connais I:f reine aussi bien
que vous, et peut-être mieux. C'était une grosse reine fort t
couperosée ayant eu douze ou quatorze enfants, dont elle
eut le-malheur de ne pas conserver un seul pour lui suc-
céder, aimant fort le vin de France dont Louis XIV se
chargeait de lui faire sa provision, s'inquiétant peu de la
religion,.qui s'en alla tant soit .peu au diable sous son
règne, et'à laquelle le statuaire chargé de conserver sa res-
semblance, en mémoire de ces deux détails sans doute, a
fait la mauvaise plaisanterie de couler à la porte de Saint-
Paul une mauvaise statue de bronze qui tourne le dos à
l'église et regarde le marchand de vin. Vous voyez bien
que je connais la reine ~Anne presque aussi bien que mon
confrère M. Scribe qui, sans doute pour être désagréable à
son ombre, a fait le Fc~'e d'~a~, à telles enseignes que la
pièce commence par cette phrase
« Monsieur le marquis, cette lettre parviendra à la reine
j'eneue avec les égards dus H rcm'Mye d'MH grand )'oi. o
Je vois que vous connaissez la reine Anne, que vous
connaissez M. Scribe.
Je le sais par cœur, comme vous voyez, mon ami,
puisque, à distance, je puis vous citer une phrase qui, à
mon avis, est un modèle de langue.
Mais vous.ne connaissez pas la coulevrine.
Cela, je l'avoue.
Allons donc voir la coulevrine.
La coulevrine de la reine Anne est une coulevrine
comme toutes les couleuvrines, un peu plus longue peut-
être, voilà tout..
Ce qui fait le charme de la couleuvrine de la reine Anne,
c'est son inscription.
Cette inscription indique le degré d'affection que se
portent les deux peuples-anglais et français.
Voici l'inscription de la coulevrine de la reine Anne
Tenez-moi propre, chargez-moi convenablement, et
j'enverrai un boulet dé Douvres à Calais.
Merci, voisins.-Les petits cadeaux entretiennent l'ami-
tié.. ·
Un quart d'heure après, le chemin dé fer nous appelait
en toussant de toutes ses forces.
Nous partîmes. Il me sembla que nous passions entre
une falaise gigantesque et la mer, je dis il me'sembla,
mais je n'oserais pas~en répondre.
Il faut que la vapeur ait'une rude force pour couper un
pareil brouillard.
Ti'ois heures après, je crus m'apercevoir que nous pas-
sions sur des toits..
Nous entrions à Londres.-
Il était arrêté d'avance que nous irions loger à Lei-
cester-square, c'est à-dire dans ce que l'on appelle le quar-
tier français. Nous n'eûmes donc que nos sacs dé nuit à
tirer d'entre nos jambes, qu'à appeler un càb; et lui crier
~~OHH!e-e<.
Une des considérations qui m'avaient déterminé à loger
à Leicëster-Squarë, c'est que Leicester-Square.était dans le
voisinage de Coven try-street, et qu'âCoventry-sti'eet Gor-
don Cumming faisait son
Maintenant, qu'est-ce que Gordon Camping ?
Jè vais vous dire cela, chers lecteurs;
Il faut vous avouer que je suis grand amateur de voyages,
non seulement des voyages que je fais, mais de ceux que
je lis. On ne peut pas aller partout de ~s pe~onKe, com-
me disent les généraux en chef dans leurs bulletins, mais
le livre à la main on peut suivre le capitaine Cook en Océa-
nie, LevaiIIant en Afrique, le Père Hue en Chine.
Tout enfant, j'ai été bercé par des voyages.
Avouons-encote une faiblesse, c'est qu'étant chasseur,
les voyages qui m'amusent le plus, sont ceux qui contien-
nent des récits de chasse.
Or, il y a deux mois à peu près, à la suite d'une expé-
rience à Montfaucon, dont vous a entretenu dans son jour-
nal, la 6'ci'ence coK~'e le P/e, mon savant ami, le doc-
teur Meynard,–expérience qui, à la grande satisfaction de
Devisme, avait parfaitement réussi (1), nous dînâmes en com-
pagnie de médecins, de savants, de chasseurs et d'artistes.
-Jules Gérard assistait à ce dîner. Jules Gérard, le tueur
de lions, vous savez, et qui en est à son vingt-sixième
'lion.
Il y avait encore là un autre ami à moi, un Anglais, par-
don, je me trompe, un Ecossais, grand chasseur, grand
voyageur, arrivant de l'Inde, où il est resté neuf ans et
où il a chassé le tigre comme tout Anglais ou Ecossais qui
a été dans l'Inde.
On parla des lapins de Bondy, des chevreuils -de Villers-
Coterets, des daims de Compiègne, des cérfs de Fontaine-
bleau, des sangliers de Montargis, et, en montant toujours,
on en arriva aux tigres du Pendjab et aux lions de l'Atlas.
Connaissez-vous Gordon .Cumming? demanda mon
Ecossais à Gérard.
De nom seulement.
C'est après vous l'homme qui a tué le plus de lions.
Oui, il en a tué vingt-deux.
Sans compter cinquante éléphants, soixante rhino-
céros. Et cinq ou six cents antilopes de toutes espèces.
Je sais cela, dit Jules Gérard, et je compte aller i
Londres tout exprès pour lui faire une visite de confrère~
J'étais profondément humilié il y avait à Londres uri
homme qui avait tuévingt'-deux lions, cinquante èléphants,
soixante rhinocéros et cinq ou six cents antilopes de tou-
(t) )t s'agit, dans la pêche de la baleine, de substituer au harpon
une balle conique et exptosiMe.
34
Les Anglais ont généralement le spleen au mois de no-
vembre.
Vous croyez qu'ils ont le spleen à cause du brouillard
qui commence en novembre pour ne finir qu'en mai ?
Point du tout.
Ils ont le spleen, parce que, pendant quatre mois, ils ont
été privés de brouillards.
Le brouillard leur manque
C'est si vrai, que,.dans les pays où il n'y a pas de brouil-
lard, ils en font un, du moment où ils se sont décidés à
l'habiter.
Voir Gibraltar et Malte.
Le brouillard était inconnu à Gibraltar avant 1104, et à
Malte avant 1800. Mais les Anglais ont pris Malte aux Fran-
çais et Gibraltar aux Espagnols Gibraltar et Malte
ont aujourd'hui 'du brouillard, comme Douvres et Sôuth-
ampton..
Vous me demanderez avec quoi les Anglais font îêur
brouillard?
Avec du charbon de terre, je présume.
Mais il ne s'agit pas de cela. J'ai constaté, en passant,
qlie ce n'était pas le bon Dieu qui faisait le brouillard,
mais les Anglais c'est tout ce qu'il me faut.
Je disais donc, qu'à cinq heures du matin, il n'y avait
pas grand'chose à voir à Douvres.
Ce qui ne m'empêcha point de demander à une espèce
de cicerone parlant moitié anglais, moitié français
Qu'avez-vous à me montrer ?
Il fat d'abord assez embarrassé, chercha un instant, et
me dit
coulez-vous voir la coùleuvrine de la reine Anne ?
Va pour la couleuvrine de la reine Anne.
Nous nous mîmes en route.
Chemin faisant, mon cicérone voulut m'expliquer ce que
c'était que la reine Anne.
–Oh mon ami, lui dis-je, je connais I:f reine aussi bien
que vous, et peut-être mieux. C'était une grosse reine fort t
couperosée ayant eu douze ou quatorze enfants, dont elle
eut le-malheur de ne pas conserver un seul pour lui suc-
céder, aimant fort le vin de France dont Louis XIV se
chargeait de lui faire sa provision, s'inquiétant peu de la
religion,.qui s'en alla tant soit .peu au diable sous son
règne, et'à laquelle le statuaire chargé de conserver sa res-
semblance, en mémoire de ces deux détails sans doute, a
fait la mauvaise plaisanterie de couler à la porte de Saint-
Paul une mauvaise statue de bronze qui tourne le dos à
l'église et regarde le marchand de vin. Vous voyez bien
que je connais la reine ~Anne presque aussi bien que mon
confrère M. Scribe qui, sans doute pour être désagréable à
son ombre, a fait le Fc~'e d'~a~, à telles enseignes que la
pièce commence par cette phrase
« Monsieur le marquis, cette lettre parviendra à la reine
j'en
Je vois que vous connaissez la reine Anne, que vous
connaissez M. Scribe.
Je le sais par cœur, comme vous voyez, mon ami,
puisque, à distance, je puis vous citer une phrase qui, à
mon avis, est un modèle de langue.
Mais vous.ne connaissez pas la coulevrine.
Cela, je l'avoue.
Allons donc voir la coulevrine.
La coulevrine de la reine Anne est une coulevrine
comme toutes les couleuvrines, un peu plus longue peut-
être, voilà tout..
Ce qui fait le charme de la couleuvrine de la reine Anne,
c'est son inscription.
Cette inscription indique le degré d'affection que se
portent les deux peuples-anglais et français.
Voici l'inscription de la coulevrine de la reine Anne
Tenez-moi propre, chargez-moi convenablement, et
j'enverrai un boulet dé Douvres à Calais.
Merci, voisins.-Les petits cadeaux entretiennent l'ami-
tié.. ·
Un quart d'heure après, le chemin dé fer nous appelait
en toussant de toutes ses forces.
Nous partîmes. Il me sembla que nous passions entre
une falaise gigantesque et la mer, je dis il me'sembla,
mais je n'oserais pas~en répondre.
Il faut que la vapeur ait'une rude force pour couper un
pareil brouillard.
Ti'ois heures après, je crus m'apercevoir que nous pas-
sions sur des toits..
Nous entrions à Londres.-
Il était arrêté d'avance que nous irions loger à Lei-
cester-square, c'est à-dire dans ce que l'on appelle le quar-
tier français. Nous n'eûmes donc que nos sacs dé nuit à
tirer d'entre nos jambes, qu'à appeler un càb; et lui crier
~~OHH!e-e<.
Une des considérations qui m'avaient déterminé à loger
à Leicëster-Squarë, c'est que Leicester-Square.était dans le
voisinage de Coven try-street, et qu'âCoventry-sti'eet Gor-
don Cumming faisait son
Maintenant, qu'est-ce que Gordon Camping ?
Jè vais vous dire cela, chers lecteurs;
Il faut vous avouer que je suis grand amateur de voyages,
non seulement des voyages que je fais, mais de ceux que
je lis. On ne peut pas aller partout de ~s pe~onKe, com-
me disent les généraux en chef dans leurs bulletins, mais
le livre à la main on peut suivre le capitaine Cook en Océa-
nie, LevaiIIant en Afrique, le Père Hue en Chine.
Tout enfant, j'ai été bercé par des voyages.
Avouons-encote une faiblesse, c'est qu'étant chasseur,
les voyages qui m'amusent le plus, sont ceux qui contien-
nent des récits de chasse.
Or, il y a deux mois à peu près, à la suite d'une expé-
rience à Montfaucon, dont vous a entretenu dans son jour-
nal, la 6'ci'ence coK~'e le P/e, mon savant ami, le doc-
teur Meynard,–expérience qui, à la grande satisfaction de
Devisme, avait parfaitement réussi (1), nous dînâmes en com-
pagnie de médecins, de savants, de chasseurs et d'artistes.
-Jules Gérard assistait à ce dîner. Jules Gérard, le tueur
de lions, vous savez, et qui en est à son vingt-sixième
'lion.
Il y avait encore là un autre ami à moi, un Anglais, par-
don, je me trompe, un Ecossais, grand chasseur, grand
voyageur, arrivant de l'Inde, où il est resté neuf ans et
où il a chassé le tigre comme tout Anglais ou Ecossais qui
a été dans l'Inde.
On parla des lapins de Bondy, des chevreuils -de Villers-
Coterets, des daims de Compiègne, des cérfs de Fontaine-
bleau, des sangliers de Montargis, et, en montant toujours,
on en arriva aux tigres du Pendjab et aux lions de l'Atlas.
Connaissez-vous Gordon .Cumming? demanda mon
Ecossais à Gérard.
De nom seulement.
C'est après vous l'homme qui a tué le plus de lions.
Oui, il en a tué vingt-deux.
Sans compter cinquante éléphants, soixante rhino-
céros. Et cinq ou six cents antilopes de toutes espèces.
Je sais cela, dit Jules Gérard, et je compte aller i
Londres tout exprès pour lui faire une visite de confrère~
J'étais profondément humilié il y avait à Londres uri
homme qui avait tuévingt'-deux lions, cinquante èléphants,
soixante rhinocéros et cinq ou six cents antilopes de tou-
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