À propos de l’œuvre

 

Quand ce roman épistolaire paraît en 1782, sous les seules initiales « Ch. De L. », le succès est immédiat, à la mesure du scandale qu’il entraîne. La première édition de 2000 exemplaires est rapidement épuisée, une nouvelle est lancée. Les Liaisons dangereuses, sur fond de fine analyse sociologique et psychologique, met en scène une construction épistolaire très élaborée où le raffinement de l’écriture et les ressources de la polyphonie servent un piège inexorable : « Le plus effroyablement pervers des livres » écrira Marcel Proust dans La Prisonnière

 

Un roman libertin

La rédaction des Liaisons dangereuses par Choderlos de Laclos, roman épistolaire nourri de ses affectations diverses, de ses lectures de Rousseau, de ses analyses sociales, commence en 1779, alors que, sous les ordres du marquis de Montalembert, il participe à l’édification des fortifications de l’île d’Aix. Ce roman par lettres met en scène, avec minutie et talent, une intrigue amoureuse qui prend la forme d’une manipulation machiavélique avec en toile de fond la société de la fin du XVIIIe siècle, partagée entre un héritage bousculé et l’avènement des idées nouvelles, déjà annoncées par Voltaire, Diderot, Rousseau, et dont la Révolution sera un révélateur. L’intrigue est conduite par deux libertins, la Marquise de Merteuil et le Vicomte de Valmont, qui se plaisent à se jouer des usages d’une société qu’ils jugent hypocrite, frileuse et pudibonde. Ils repèrent leurs proies, se lancent des défis à distance et relatent leurs prouesses dans des missives soigneusement élaborées et souvent à double sens dont ils peuvent être aussi eux-mêmes victimes – le jeu de la séduction se transforme au fil des lettres en duel sans pitié. Ils se jouent ainsi de l’amour vertueux de Madame de Tourvel, s’amusent de la naïveté de la jeune Cécile Volanges et de la sincérité du chevalier Danceny, ruinent les mises en garde et se délectent de la souffrance de celles et ceux qu’ils manipulent. Au-delà de la fascination, de la stupeur et de l’effroi que le roman provoque dès sa parution, il initie une réflexion authentique sur les fondements et les principes de la société des Lumières, s’interrogeant sur l’éducation des jeunes filles – le couvent n’a pas appris à Cécile Volanges à se défendre de Valmont quand la Marquise de Merteuil excelle dans les salons grâce à ses lectures et sa passion du savoir –, la dictature des codes sociaux, les inégalités entre les hommes et les femmes, la suprématie du pouvoir.

 
Le vicomte de Valmont et la Présidente de Tourvel
Le vicomte de Valmont et Emilie
La marquise de Merteuil et Cécile Volanges
 

Un roman épistolaire

Du point de vue formel, ce roman épistolaire est une réussite : l’agencement parfaitement maîtrisé des lettres permet de déployer une polyphonie machiavélique à partir de laquelle, en l’absence de narrateur, le lecteur voit se construire les fils narratifs qui conduisent à la perte des victimes puis à la mort physique de Valmont et l’anéantissement social de la Marquise de Merteuil. La diversité des points de vue mis en scène par les lettres et le double sens des formulations qui fait écho au double jeu des personnages servent une ironie partout présente qui éloigne toute naïveté, à l’image du jeu social que Laclos souligne. La réflexion sur la place des femmes apparaît comme un écho à l’admiration de l’auteur pour Rousseau – et en particulier La Nouvelle Héloïse –, ces questions sont essentielles à la fin d’un XVIIIe siècle où la société va connaître des changements majeurs.

Le succès des Liaisons dangereuses ne s’est pas démenti : le roman est régulièrement réédité, certaines adaptations cinématographiques ont fait date (Les Liaisons dangereuses 1960 de Roger Vadim avec Jeanne Moreau et Gérard Philipe, 1959 ; Dangerous Liaisons de Stephen Frears avec Glenn Close et John Malkovitch, 1988 ; Valmont de Milos Forman, 1989…), les reprises sont nombreuses qu’il s’agisse de théâtre, de roman ou de musique.